La séance, suspendue à dix-neuf heures quinze, est reprise à vingt et une heures, sous la présidence de M. Pierre Ouzoulias.
La séance est reprise.
L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe Union Centriste, sur les violences associées au football, dans et hors des stades.
Dans le débat, la parole est à M. Pierre-Antoine Levi, pour le groupe auteur de la demande.
Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens à exprimer ma vive satisfaction quant à l’inscription de ce débat à l’ordre du jour du Sénat.
Le groupe Union Centriste a pris cette initiative avec une grande conviction. Aux côtés de mes collègues Laurent Lafon, Claude Kern et Jean Hingray, je combats ardemment les violences dans les stades de football et alentour. Elles constituent une préoccupation majeure qui doit nous conduire à nous interroger.
La tenue de ce débat est d’autant plus opportune qu’elle coïncide avec l’officialisation récente du sport dans le nom de notre commission, traduisant clairement la reconnaissance de la place que celui-ci occupe dans notre société.
En tant que parlementaire, mais aussi et surtout en tant que citoyen passionné par le sport, notamment par le football, je m’alarme de l’escalade de la violence qui sévit dans nos stades et à leurs abords.
Ces actes d’une grande violence, parfois meurtriers – ce fut le cas à Nantes voilà quelques semaines – menacent la sécurité de nos concitoyens et ternissent l’image du sport. Il est vrai que notre pays a été, ces dernières années et plus récemment encore, le théâtre d’événements dramatiques qui ont choqué notre conscience collective.
L’attaque brutale du bus de l’Olympique lyonnais à Marseille et la blessure de l’entraîneur Fabio Grosso ne sont que la partie émergée de l’iceberg.
Des incidents similaires se sont produits à Nice, à Saint-Étienne, à Lyon, à Paris, à Montpellier, à Ajaccio, ailleurs encore. Ils témoignent de l’ampleur et de la gravité du phénomène.
Ces actes de violence sont non pas de simples débordements isolés, mais les symptômes d’un malaise profond, qui ronge le cœur de notre football.
Madame la ministre, le Gouvernement doit prendre des mesures immédiates et efficaces.
Il est urgent d’assurer la sécurité lors des événements footballistiques. La seule interdiction de déplacement des supporters des clubs visiteurs lors des matchs à risques n’est pas la solution.
La collaboration renforcée entre les clubs, les forces de l’ordre et les autorités locales doit être impérative et limpide. Or nous avons vu, à de très nombreuses reprises, que les différents acteurs se renvoyaient le ballon, à défaut de la balle, quant à leurs responsabilités, personne ne voulant visiblement prendre les siennes.
Souvenons-nous de l’imbroglio entre la Ligue de football professionnel (LFP) et la préfecture lors de l’arrêt du match entre l’Olympique de Marseille et l’Olympique lyonnais.
À moyen terme, il est crucial de renforcer la collaboration entre tous les acteurs du football. La communication et la coordination entre les clubs, les associations de supporters, les forces de l’ordre et les autorités locales doivent être optimales.
Certes, il existe une Instance nationale du supportérisme (INS). Vous l’avez réunie voilà quelques semaines, madame la ministre, mais pour quel résultat ?
Mon propos ne vise pas – je le souligne – à stigmatiser les clubs de supporters qui, pour la plupart, jouent un rôle très positif dans l’animation des stades, dans la vie des clubs et, parfois, dans l’action sociale auprès de la jeunesse. Ils incarnent l’âme du football et doivent être considérés comme des partenaires clés dans la lutte contre la violence.
À long terme, nous devons envisager des réformes structurelles pour transformer radicalement la culture du football français.
Ainsi, la promotion d’un environnement sportif sûr et respectueux, débarrassé de toute forme de violence, est indispensable. Cela implique des initiatives éducatives fortes, des programmes de sensibilisation ciblés et des sanctions plus sévères pour les fauteurs de troubles.
Madame la ministre, le temps est venu d’agir avec fermeté et sans langue de bois. Le football est une source de joie et de fierté nationale. Il doit rester un sport populaire, accessible à tous, dans un environnement sécurisé.
Il est crucial de préserver l’aspect social et fédérateur du football. Les soirs de match à Marseille, à Saint-Étienne ou à Sochaux – des villes populaires – sont des moments de communion et, d’un certain côté, de défoulement essentiels pour la population, tant qu’ils restent canalisés.
Il est vital de maintenir cet esprit, tout en imposant le respect et la dignité. Je pense notamment aux insultes à caractère sexiste ou raciste. §Pour autant, nous ne voulons pas de ces stades aseptisés, où l’ambiance est souvent fade et l’accès limité par des barrières financières, comme c’est le cas dans certains pays.
J’espère que de ce débat et des échanges entre les sénateurs et Mme la ministre émergeront de nouvelles idées et solutions pour répondre à cette crise de violence.
Ensemble, nous devons agir pour garantir que le football français reste un symbole de fraternité, de passion et de paix.
Applaudissements sur les travées du groupe UC. – MM. Michel Savin et Didier Rambaud applaudissent également.
M. le président. La parole est à M. Claude Kern, pour le groupe auteur de la demande.
Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ultras, hooligans ou supporters sont autant de vocables désignant autant de mouvements aux logiques propres, qui, bien que vivant leur soutien différemment, se sont retrouvés sous le feu des projecteurs à la suite de débordements dans les tribunes et en dehors des stades.
Ce type de violences a toujours existé. Ont-elles empiré ? À tout le moins et à bien des égards, la situation a évolué.
Ces événements, qui actent dorénavant la délocalisation des actions violentes, entachent gravement la réputation de notre pays et menacent sa capacité à organiser de grandes manifestations. Ils s’inscrivent dans le cadre d’une recrudescence des violences, au moment où plusieurs centaines de milliers de spectateurs s’apprêtent à nous rendre visite pour assister, en 2024, aux compétitions de grande ampleur que nous organisons.
Depuis les années 1990, nous disposons d’un cadre légal étoffé, que nous avons su inscrire à la fois dans une approche répressive, par le truchement d’infractions pénales définies spécifiquement dans le code du sport, mais aussi dans une approche préventive au sens strict qui, depuis la loi du 10 mai 2016 renforçant le dialogue avec les supporters et la lutte contre le hooliganisme, reconnaît les supporters comme des acteurs responsables du sport.
Or, force est de constater que ces violences s’accroissent de manière inédite. Les tout derniers événements vous ont d’ailleurs poussée, madame la ministre, à proposer un moratoire sur les déplacements de supporters. Pour rappel, ces derniers peuvent être interdits par voie réglementaire, s’ils présentent un risque réel et sérieux d’affrontement.
Quelle est la conclusion de ces échanges ? Des mesures concrètes seront-elles mises en œuvre sans délai ? Un bilan doit être dressé, madame la ministre, une ligne directrice claire doit être envisagée !
À ce sujet, permettez-moi de souligner la nécessité de sortir de l’impasse que représentent les interdictions de déplacement. En réalité, elles constituent une solution de facilité par rapport à l’encadrement de ces derniers.
La multiplication des arrêtés, pris sans réel discernement, a abouti à des actions contre-productives engendrant des situations ubuesques. Nous aimerions connaître votre position sur ce sujet.
Qu’en est-il par ailleurs de l’individualisation des peines ? Ces dernières années, la France s’est focalisée sur les mesures d’interdiction collectives, beaucoup moins sur les interdictions individuelles. Ainsi, selon un expert du supportérisme, on ne comptait en France que 218 personnes interdites de stade en juillet 2023, contre quelque 1 600 en Angleterre et 1 300 en Allemagne.
En matière d’organisation, et dans la mesure où les débordements ont aussi lieu en dehors des stades, il est nécessaire de s’assurer des capacités des pouvoirs publics à encadrer les foules.
Sans être évidemment la cause de ces débordements, le rôle des réseaux sociaux dans la diffusion de ces actes au plus grand nombre est un autre problème sur lequel nous devons nous attarder.
Lors de la discussion au Parlement de la loi du 19 mai 2023 relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions, dite loi JOP, nous avons proposé des mesures pragmatiques visant à lutter efficacement contre les violences qui gangrènent le sport.
Sur notre initiative – j’étais moi-même rapporteur –, l’arsenal juridique a été complété, afin de renforcer l’effet dissuasif de ces dispositions tout en respectant le principe de proportionnalité des peines.
L’objectif est de modifier l’existant pour répondre à ces nouvelles formes de violences toujours trop prégnantes, en empruntant deux directions.
Premièrement, nos propositions visent à faire suite à la recommandation n° 1 du rapport d’information de MM. François-Noël Buffet et Laurent Lafon sur les incidents survenus au Stade de France le 28 mai 2022, publié le 13 juillet dernier. Il s’agirait de rendre obligatoire le recours à une billetterie infalsifiable pour les grands événements sportifs. À cet égard, je vous remercie, madame la ministre, pour nos échanges et votre écoute, qui ont permis de pérenniser cette expérimentation.
Deuxièmement, nous avons proposé de sanctionner plus sévèrement les primo-délinquants isolés qui tentent de s’introduire dans les enceintes sportives ou sur les aires de compétition.
Ces débats ont paradoxalement mis en exergue l’absence de consensus sur ce sujet. Je le regrette d’autant plus que les violences dans le sport au sens large se multiplient et qu’il ne me semble pas envisageable de baisser la garde, à quelques mois du début des jeux Olympiques.
Cela fait des années que nous luttons contre les violences qui prolifèrent dans nos stades en général et contre le hooliganisme en particulier.
Madame la ministre, nous aimerions nous enorgueillir de résultats plus probants et constater que l’État accomplit sa tâche, celle d’identifier, interpeller et sanctionner.
Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais d’abord remercier M. le président de la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport d’avoir fait modifier l’intitulé de sa commission. Cette évolution est lourde de sens.
Je tiens ensuite à remercier le groupe Union Centriste d’avoir pris l’initiative de ce débat sur une question majeure, dans laquelle je me suis beaucoup investie depuis mon arrivée à la tête du ministère des sports.
Mon cap est double et il est clair : d’une part, ne rien éluder des enjeux ; d’autre part, rassembler les acteurs autour d’une cause commune, qu’il s’agisse de faire vivre la passion du supportérisme dans toutes les disciplines, en s’appuyant sur un dialogue franc et transparent avec les groupes de supporters, ou de lutter inlassablement contre toutes les dérives qui pénalisent les rencontres.
Il était donc important pour moi d’être présente ce soir devant vous pour débattre sans ambages des violences associées au football professionnel.
En effet, notre sport doit être en mesure d’offrir ce qu’il a de plus beau tout au long de cette année 2024. Nous n’en sommes qu’aux premiers jours et elle s’annonce belle, « impactante » et importante pour le sport dans notre pays.
Ce débat intervient – chacun le sait – après une année 2023 dont les derniers mois ont été marqués par une succession d’incidents aussi graves qu’intolérables, dans le cadre de rencontres de football, professionnel comme amateur.
Si les violences de ces deux mondes n’ont pas tout à fait les mêmes ressorts, elles présentent, évidemment, la même gravité.
Dans le monde du football professionnel, les violences ne sont plus cantonnées aux stades. Elles s’expriment désormais en dehors des enceintes, abîmant des lieux, notre réputation et – c’est encore plus problématique et dramatique – des personnes. Le point culminant de ces violences a été la mort d’un supporter à Nantes, le 2 décembre dernier, dans des circonstances que la justice doit encore éclaircir.
Gardons-nous, pour autant, de caricaturer le football et ses supporters. Évitons plusieurs écueils, dont le premier serait de faire l’amalgame entre, d’une part, le supportérisme en général, y compris la mouvance ultra, et, d’autre part, les violences commises par une minorité d’individus radicaux.
Il n’y a rien de commun – jamais ! – entre, d’un côté, l’amour des siens, de son équipe et du maillot et, de l’autre, la haine des autres, celle de délinquants, pour qui le sport n’est qu’un prétexte pour se défouler et se noyer dans la masse, en espérant la protection d’un lâche anonymat.
Je rappelle que ces phénomènes de violences ne sont pas propres à la France. Plusieurs pays européens, dont certains proches de nous – les Pays-Bas, l’Italie ou l’Allemagne – ont connu en effet également la résurgence de tels actes.
Prenons du recul et remettons en perspective les faits récents, qu’il faut bien sûr regarder en face, qu’ils relèvent de l’homophobie, du racisme ou de la délinquance.
Sur le temps long, des progrès ont été réalisés, notamment lors des dernières saisons. Rappelons-nous que, il y a trente ans, chaque week-end ou presque était ponctué de graves incidents.
Ramenons donc les violences récentes aux 12, 9 millions de spectateurs cumulés en Ligue 1 et en Ligue 2 la saison dernière.
Pour ne pas caricaturer, il faut d’abord bien comprendre, sans quoi guette toujours le spectre de la relativisation, qui, à son tour, fait le lit du fatalisme et donc de l’inaction.
Il faut comprendre les enjeux, les axes d’amélioration, avant, pendant et après les rencontres. Et, pour ce faire, commencer par établir le diagnostic précis de la situation.
C’est précisément ce que nous avons fait au sein l’Instance nationale du supportérisme, où s’inscrit, depuis 2016, le dialogue avec les supporters.
Certes, ce travail a été quelque peu perturbé ces dernières années par la crise du covid-19 qui, disons-le, nous a fait du mal dans la préparation des rencontres de football comme dans la maîtrise des débordements lors des déplacements des supporters.
Nous avons néanmoins su rebondir, dès l’été 2022, en relançant les travaux de cette instance et nous l’avons d’ailleurs prouvé, à l’automne dernier, avec l’organisation de la Coupe du monde de rugby, qui, rappelons-le, est la troisième plus grande compétition sportive au monde.
Sourires.
À la fin de l’année 2023, devant l’enchaînement de faits dramatiques et après un moratoire de courte durée destiné à envoyer un signal fort, j’ai souhaité remettre tous les acteurs autour de la table : État – ministères des sports, de l’intérieur, de la justice –, fédérations, ligue nationale de football, clubs, groupes de supporters ou encore élus.
Le 18 décembre dernier, lors de la séance plénière de l’INS, nous avons pu ainsi revenir sur les événements et les débordements récents. Nous nous sommes dit franchement les choses et sommes tombés d’accord pour avancer ensemble, pour construire cette initiative globale et collective sans laquelle rien n’est possible.
Cette démarche s’appuie sur un plan d’action ambitieux comportant plusieurs phases, que j’annoncerai prochainement avec Gérald Darmanin et Éric Dupond-Moretti, à l’occasion d’un événement organisé avec la Ligue de football professionnel réunissant l’ensemble des acteurs impliqués, y compris la Fédération française de football (FFF).
Certaines mesures étant en cours de discussion et d’arbitrage, je ne pourrai vous en dévoiler tous les contours. Au cours de nos échanges, j’exposerai néanmoins ses grands axes et ses pistes principales.
Nous souhaitons d’abord faire jouer à plein les dispositifs existants et nous appuyer sur un arsenal juridique qui me paraît d’autant plus complet que – M. le sénateur Kern l’a rappelé –, nous l’avons encore renforcé, ensemble, en y intégrant, dans la loi du 19 mai 2023, plusieurs mesures.
Parmi elles figurent un meilleur encadrement des interdictions administratives de stade et le renforcement significatif des interdictions judiciaires de stade, rendues systématiques pour un certain nombre d’infractions.
Nous avons aussi tiré les conclusions qui s’imposaient après les incidents survenus en 2022 lors de la finale de la Ligue des Champions, en créant deux infractions nouvelles : l’entrée dans un stade par force ou par fraude et le délit d’intrusion sans motif légitime sur l’aire de jeu.
Comme le Sénat nous y invitait dans son utile et précieux rapport du 13 juillet 2022, nous avons rendu obligatoire, pour les événements sportifs les plus importants, une billetterie nominative, dématérialisée et infalsifiable.
Dans un deuxième temps, notre exigence sera de clarifier les responsabilités, rôles et compétences de chacun des acteurs, ainsi que les différentes étapes de préparation et de gestion des rencontres, y compris en préfecture.
Ensuite, nous mobiliserons tous les acteurs pour éviter les trous dans la raquette et les passagers clandestins. Nous ne pouvons pas rester au milieu du gué et nous contenter de critiquer. Chacun doit prendre part à l’effort collectif.
Par ailleurs, nous embarquerons le monde du football professionnel, plus médiatisé que le football amateur, sans négliger pour autant ce dernier, que j’évoquais précédemment et qui connaît, vous le savez, des difficultés.
Enfin, nous associerons étroitement les associations de supporters et leur donnerons – c’est attendu – une véritable représentation nationale.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le sport est un espace où la violence ne saurait avoir sa place, pas plus dans les stades que dans les tribunes ou les vestiaires.
Mon cap est le suivant : éradiquer les violences et les combattre, pied à pied, à vos côtés. Elles peuvent parfois, à la manière d’une hydre, donner l’impression de repousser sans cesse, mais à la fin de l’histoire, l’hydre est vaincue.
Nous allons maintenant procéder au débat interactif.
Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes au maximum pour présenter sa question et son éventuelle réplique.
Le Gouvernement dispose pour répondre d’une durée équivalente. Il aura la faculté, s’il le juge nécessaire, de répondre à la réplique pendant une minute supplémentaire. L’auteur de la question disposera alors à son tour du droit de répondre pendant une minute.
Dans le débat interactif, la parole est à M. Pierre Jean Rochette.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, bagarres, envahissements, caillassages de bus sont autant d’exemples de violences dans les stades et à leurs abords que nous ne voulons plus voir.
Nous devons envoyer un signal de fermeté : ceux qui assistent aux matchs doivent pouvoir s’y rendre en famille, en toute tranquillité, avec comme seul objectif la volonté de soutenir et de pousser leur équipe afin de l’emmener vers la victoire.
Je suis donc favorable à des mesures visant à apaiser ce climat et à éradiquer ces violences. En tant que Stéphanois
Sourires.
Nouveaux sourires.
Les supporters le savent : ils sont le douzième homme. Ils se vouent bruyamment au soutien de leur club. C’est aussi cela les valeurs du sport.
Interdire radicalement les fumigènes, par exemple, n’est pas forcément la bonne solution, non plus que sanctionner les clubs pour leur utilisation, les fumigènes faisant, aussi, partie du spectacle.
À Saint-Étienne, pour ne citer que mon club de cœur – je dirai même, avec Cécile Cukierman, « notre » club de cœur –, le spectacle n’est pas que sur la pelouse : il est assuré également par deux groupes de supporters principaux, les Magic Fans et les Green Angels.
Le mythe d’un club se construit aussi grâce à son public. C’est le cas à Saint-Étienne, où l’on trouve, vous le savez tous, le meilleur public de France…
On feint d ’ en douter sur quelques travées.
Nous vous invitons d’ailleurs, madame la ministre, à venir goûter à la ferveur du chaudron stéphanois. Vous êtes venue pour la Coupe du monde de rugby, mais pas encore pour un match de football ; nous vous y attendons.
Quand les clubs traversent une mauvaise passe sportive – malheureusement, cela arrive à tout le monde, même à Saint-Étienne –, seuls les ultras savent rester fidèles à leur équipe et à son histoire.
Sur ce point précis – c’est important –, nous devons au contraire encourager le spectacle offert par les supporters et les laisser librement exprimer leur attachement à leur identité locale. C’est aussi cela le piment du sport.
Dès lors, madame la ministre, pouvez-vous nous indiquer la feuille de route de votre ministère pour empêcher ces violences et ces débordements intolérables sans nuire à l’esprit festif et sportif du football ?
Applaudissements sur les travées du groupe UC.
Monsieur le sénateur Rochette, vous qui venez de ce territoire de passion et connaissez bien ce chaudron d’ambiance où le football se vit à plein, vous savez combien il est important de ne pas faire d’amalgame entre, d’un côté, ce supportérisme passionnel et exacerbé et, de l’autre, les actes de violence que rien ne justifie.
Pour autant, j’y insiste, je suis convaincue que les auteurs de violences n’ont rien de supporters. Ils ne font que profiter des matchs pour exprimer leur haine.
Les agressions physiques sur fond de rivalité entre clubs, les chants homophobes, les cris de singes, ce n’est pas cela, être supporter.
Dès lors, nous agissons. Nous avons fait en sorte de donner au supportérisme la place qu’il mérite, dans le respect des lois de la République. Nous avons construit cette réponse dans le cadre d’un dialogue, au sein de l’INS, avec les associations de supporters.
Plusieurs initiatives concrètes ont été prises : l’expérimentation des tribunes debout, la généralisation des référents supporters, la mise en place de policiers référents auprès des supporters visiteurs pour améliorer l’organisation des déplacements, ou encore l’instauration d’un usage encadré de la pyrotechnie.
À cet égard, Gérald Darmanin et moi-même avons publié le décret d’application relatif à la pyrotechnie et demandé aux préfets, dans une instruction datée du mois d’octobre 2023, de s’emparer de ce dispositif expérimental.
Oui, monsieur le sénateur, nous voulons un supportérisme total, y compris pendant les jeux Olympiques et Paralympiques – nous préparons d’ailleurs un dispositif dédié avec le Comité d’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques (Cojop) et le Comité national olympique et sportif français (CNOSF) –, mais nous voulons un supportérisme respectueux de l’autre et des valeurs du sport.
MM. Didier Rambaud et Claude Kern applaudissent.
Applaudissements sur les travées du groupe UC.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, notre collègue Pierre Jean Rochette vient d’évoquer les Stéphanois, j’évoquerai pour ma part mon département des Vosges.
Il en est question dans un reportage qui fait référence aux violences dans le football et qui sera diffusé – j’en fais la promotion, on n’est jamais mieux servi que par soi-même – le 3 février prochain, à dix-huit heures, sur Public Sénat, puis sur France 3 et Canal+.
Vous y découvrirez notamment les clubs de Moriville, Nomexy, Épinal, Mirecourt ou Vincey et entendrez le président du district, mon ami Bruno Herbst, poser des questions simples.
Ignorant, madame la ministre, si vous avez répondu à ces questions à l’occasion de ce reportage, je me permets de vous les poser ce soir.
Dans la mesure où les violences dans le football ont des répercussions sur l’attribution des droits télévisuels, que comptez-vous faire pour sauvegarder ces derniers, dont dépendent directement les finances de nos clubs amateurs ?
Quelles mesures envisagez-vous par ailleurs en matière de formation des dirigeants et des bénévoles ? À l’exception des clubs évoluant dans les divisions les plus élevées, en Régional 1 par exemple, nos clubs amateurs en sont quasi dépourvus.
Comptez-vous rendre obligatoire la signature de chartes éthiques prônant par exemple la laïcité ?
Projetez-vous, comme cela fut le cas en 2014 contre le racisme, de diffuser un spot publicitaire contre les violences dans le football, qui ferait intervenir des joueurs professionnels ?
J’espère que ces questions trouveront un écho ce soir. En tout état de cause, nous nous retrouverons lors des assises du football. Nous comptons bien, en effet, continuer à prendre part à ce débat.
Monsieur le sénateur Hingray, je vous remercie tout d’abord pour votre précieuse implication sur cette thématique, dans un contexte récent marqué par l’exacerbation des violences.
Je partage vos propos. La valeur de notre championnat dépend en effet des valeurs de ceux qui l’entourent, notamment de ses supporters.
J’ai évoqué les pistes sur lesquelles nous avançons à grands pas. L’une d’entre elles me paraît cruciale, il s’agit de la manière dont nous préparons les rencontres de football en préfecture, avec les directeurs de la sûreté et de la sécurité des clubs, les référents supporters et les policiers référents supporters visiteurs.
On le voit : chaque fois que le dialogue se noue dans ces instances avec suffisamment d’anticipation, nous trouvons quasi systématiquement les solutions pour éviter les interdictions de déplacement de supporters et mettre au point, au contraire, leur encadrement.
Cet encadrement est beaucoup plus constructif, partagé et attendu par les acteurs.
Nous y travaillons avec l’autorité préfectorale, en nous appuyant également, pour l’analyse des matchs considérés comme « à risque », sur la division nationale de lutte contre le hooliganisme (DNLH), dont le chef, Thibaut Delaunay, est présent à nos côtés.
Soyez assurés que ces risques, parfois aggravés par la consommation de stupéfiants, sont pris en compte dans notre réflexion globale.
Enfin, je souhaite mentionner la formation des stadiers, qui est parfois insuffisante pour gérer les débordements en tribunes lors des matchs de football. Il s’agit d’un point capital sur lequel nous travaillons avec la Ligue de football professionnel.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je remercie le groupe Union Centriste pour l’organisation de ce débat.
Le début de la saison de Ligue 1 a été émaillé de nombreux incidents d’une extrême gravité, depuis le caillassage du bus lyonnais à Marseille, qui a mis en danger les joueurs et blessé l’entraîneur, jusqu’au drame qui a coûté la vie à un supporter nantais, le 2 décembre dernier lors d’une rixe, en passant par les actes racistes de la part des supporters lyonnais.
Huit épisodes d’une extrême violence ont ainsi mis en danger la vie de plusieurs personnes. Nul ne peut aujourd’hui minimiser la gravité de la situation.
Cela a été dit : il n’y a pas de football populaire sans supporters dans les stades.
Chaque week-end, le football surmobilise néanmoins nos forces de sécurité. Si l’approche sécuritaire est nécessaire, elle ne peut manifestement prévenir, à elle seule, la récurrence des flambées de violence à l’intérieur et à l’extérieur des stades.
Les interdictions préfectorales de déplacement, qui sanctionnent collectivement des supporters par le biais d’arrêtés pris parfois à la veille des matchs, sur la base de motifs abscons qui entraînent une multiplication des contentieux, sont souvent tout autant sources de désordre et porteuses de risques pour les supporters eux-mêmes.
Si l’on veut sortir de cette impasse, la solution à moyen terme ne peut résider que dans le renforcement du dialogue entre les clubs, les supporters et les autorités publiques. Développer la confiance renforcera la responsabilité de chacun.
Le 18 décembre dernier, madame la ministre, vous avez réuni l’Instance nationale du supportérisme afin de la réactiver. Cette structure est utile : elle mériterait d’avoir un fonctionnement plus régulier.
Toutefois, puisque nous sommes ici au Sénat, dans la chambre des territoires, nous pensons qu’il pourrait être judicieux de décliner ce type d’instance de dialogue au niveau local.
Envisagez-vous, madame la ministre, dans le plan d’action dont vous nous avez donné les très grands traits de renforcer les espaces de dialogue locaux, qui associent les préfets, les collectivités, les clubs et les associations de supporters pour anticiper et préparer, en amont de la saison, les matchs à risques, au plus près des territoires concernés.
Monsieur le sénateur Dossus, l’idéal serait en effet que les déplacements de supporters puissent avoir lieu le plus souvent possible et que nous n’ayons plus besoin d’avoir recours à des mesures d’interdiction : celles-ci sont, au fond, la défaite du supportérisme et du sport. Elles ne doivent être utilisées qu’en dernière hypothèse, mais elles sont parfois indispensables.
En lien avec la DNLH, sous son autorité, nous travaillons ainsi à identifier les rencontres qui nécessitent ces mesures d’interdiction, parfois pour des causes structurelles – l’existence de rivalités particulièrement fortes, de conflits ancrés et enkystés entre des groupes, ou la présence identifiée d’individus particulièrement violents –, parfois pour des raisons plus conjoncturelles, liées au contexte à un moment donné, qui sont plus complexes parfois à anticiper.
En Ligue 1, la moitié des rencontres ont été classées à risques par la DNLH depuis le début de la saison, et on observe, comme je l’indiquais dans mon propos liminaire, une hausse des violences, en dépit souvent des mesures d’encadrement qui avaient été prises, de préférence aux interdictions.
Comme vous, monsieur le sénateur, j’appelle de mes vœux la mise en place d’une démarche d’anticipation collective, collégiale. Celle-ci a pour lieu naturel les préfectures. Il faut que nous anticipions. Ce dialogue est très attendu par les référents supporters et par les associations de supporters. Il est important que la période de moratoire que nous avons connue en décembre ne nous empêche pas de reprendre vite la voie du dialogue, de la coconstruction. Nous devons veiller avec la plus grande fermeté et la plus grande exigence au respect des mesures d’encadrement, lorsque ce sont ces dernières, et non des mesures d’interdiction, qui ont été édictées.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, bien subtil est l’exercice qui consiste à concilier l’attractivité populaire du football et le besoin légitime de sécurité.
Des violences s’exercent, comme cela a été dit, à la fois dans les stades et dans leurs alentours, dans le football professionnel comme dans le football amateur.
Face à ces violences, nous pourrions être tentés de légiférer de nouveau, pour renforcer une énième fois les sanctions à l’égard des clubs. Mais si nous alourdissons les contraintes, nous prenons le risque d’altérer la discipline. Nous devons au contraire permettre aux clubs d’exercer pleinement leurs missions.
Nous pourrions aussi être tentés par le modèle anglo-saxon, dont on connaît les travers : celui-ci consiste à faire évoluer la sociologie des supporters, en jouant, par exemple, sur le prix des places. Or le football doit demeurer populaire.
Ayant moi-même le privilège de côtoyer le Kop rouge des supporters de l’En Avant de Guingamp, je puis vous assurer que cette association populaire n’est pas étrangère à la qualité réputée du public, qui fait que nous disposons d’un stade de plus de 17 000 places dans une ville de 7 800 habitants ! Il s’agit d’un petit club, me direz-vous, mais il a tout de même remporté deux fois la Coupe de France ! Le Kop rouge est « l’âme du stade » ; il entretient une relation fusionnelle avec l’équipe… Il convient donc, à mes yeux, d’encourager cette culture.
C’est pourquoi nous souhaitons favoriser l’ouverture des fédérations sportives aux associations de supporters, lesquelles jouent un rôle stabilisateur fondamental, y compris du point de vue de la sérénité et de la sécurité.
Madame la ministre, pouvez-vous nous assurer que les dispositions visant à lutter contre les violences seront mises en œuvre avec le souci de préserver le caractère populaire du football français ?
Monsieur le sénateur, Lahellec, je suis, comme vous, attachée à un football populaire, car c’est cette dimension qui constitue sa force fédératrice, capable de rassembler une ville, un territoire, voire tout un pays derrière une équipe, autour des valeurs de solidarité et de respect.
Le football doit être un exemple pour tous, notamment pour notre jeunesse, pour les 2, 2 millions de licenciés qui pratiquent le football dans notre pays, dans 13 000 clubs amateurs, ou pour les dizaines de milliers de spectateurs qui animent chaque semaine les tribunes.
C’est pourquoi je suis optimiste : je pense résolument qu’il y a un chemin pour conjuguer une ambiance totale dans nos stades et un public nombreux, jeune, familial, populaire, avec des enfants. Notre but est qu’un papa ou une maman n’ait plus de réticence, parfois de peur, à emmener son enfant au stade, où qu’il se trouve dans notre beau pays.
Madame la ministre, la violence dans le sport est présente à tous les niveaux et peut entraîner des conséquences dévastatrices pour les personnes qui en sont victimes.
Elle peut prendre différentes formes : des insultes et des menaces verbales aux agressions physiques, en passant par le harcèlement et l’intimidation.
Elle peut venir des spectateurs, des coéquipiers, des entraîneurs, des officiels. Elle peut se produire sur le terrain, dans les vestiaires ou en dehors du stade.
Chaque jour, le sport est dénaturé par la violence. Le milieu du football est particulièrement touché par ce phénomène.
Le 29 octobre dernier, les joueurs lyonnais subissaient une violente attaque des supporters marseillais. Un groupe de supporters lyonnais a répondu par des actes racistes à l’encontre des joueurs marseillais : imitations de singes et saluts nazis ont ainsi été aperçus dans les gradins.
Cette réaction est révélatrice d’un autre phénomène qui semble s’intensifier dans les stades ces dernières années : la montée du racisme. En avril dernier, le club des Girondins de Bordeaux dénonçait des attaques à caractère raciste contre son défenseur Malcom Bokele lors d’une rencontre contre le Sporting Club de Bastia.
Ces actes ne sont pas réservés au milieu du football. L’importante médiatisation de ce sport place ces agissements au cœur de l’actualité, mais ils ne sont pas propres à ce milieu.
Madame la ministre, plusieurs mesures ont été prises ces dernières années pour lutter contre les violences dans le sport et endiguer le racisme dans les stades, mais elles restent insuffisantes. Certains experts considèrent qu’il ne faut pas sous-estimer ces comportements et que des sanctions plus fortes doivent être prises. Que comptez-vous faire concrètement pour accentuer la lutte contre les violences dans le milieu sportif ?
Monsieur le sénateur Laouedj, vous avez totalement raison, il n’y a aucune place dans le sport, comme d’ailleurs dans le reste de notre société, pour la violence, le racisme, la haine ou les discriminations !
Dans le football comme dans les autres disciplines, cela doit être la tolérance zéro !
Face au racisme, notre plan d’action est ferme.
Il faut d’abord agir dans le champ de la prévention, par la formation de tous les acteurs, à commencer par celle des éducateurs sportifs, qu’ils soient professionnels ou bénévoles. C’est pour cette raison que j’ai souhaité que 100 % d’entre eux soient spécifiquement formés sur le sujet de la lutte contre les discriminations et le racisme, et nous avons commencé dès la fin de l’année 2023 à mettre en œuvre les premiers modules de formation obligatoire.
Il convient aussi que les sanctions individuelles soient fermes, qu’elles soient disciplinaires, sous l’égide de la Ligue de football professionnel et de la Fédération française de football – ces dernières sont, je le sais, investies sur ces sujets –, ou pénales : l’implication des clubs doit être totale pour identifier chaque auteur de tels propos et engager les poursuites nécessaires.
J’ai d’ailleurs souhaité inscrire dans la loi du 19 mai 2023 le caractère obligatoire de la peine complémentaire d’interdiction judiciaire de stade (IJS) pour tous les agissements racistes, discriminatoires ou homophobes. Cela fut fait grâce à vous, mesdames, messieurs les sénateurs.
En ce qui concerne les saluts nazis et les cris racistes du 29 octobre dernier, le parquet de Marseille a requis trois mois de prison ferme et trois ans d’interdiction de stade à l’encontre des deux prétendus supporters de l’Olympique lyonnais. Les auteurs de tels actes doivent être durablement éloignés de nos stades.
Soyez sûr, monsieur le sénateur, que le garde des sceaux et moi-même sommes totalement mobilisés pour apporter une réponse pénale ferme, et pour procéder, en amont, à une démarche, indispensable, de sensibilisation, aux côtés des instances sportives, afin de mettre fin au racisme, à l’antisémitisme, mais aussi aux actes anti-LGBT+, dans tous nos stades.
Madame la ministre, si le sport permet de transmettre des valeurs, reconnaissons que, en matière de respect, il reste encore fort à faire dans le football. Depuis plusieurs mois, nous constatons en France, comme chez nos voisins européens, une multiplication et une aggravation des actes violents lors de rencontres, dans les stades ou à leurs abords.
À l’ère des réseaux sociaux, on pourrait se dire que la violence dans le football est plus facilement visible de tous. Celle-ci n’est pas nouvelle, certes. Toutefois, les données dont nous disposons montrent qu’elle connaît une recrudescence.
La division nationale de la lutte contre le hooliganisme observe ce phénomène et produit régulièrement des rapports sur les débordements et les interpellations lors des rencontres de Ligue 1 et de Ligue 2.
Ses dernières études montrent que la tendance est alarmante. Lors de l’exercice 2022-2023, le nombre d’interpellations a ainsi augmenté globalement de 15 %, toutes infractions et toutes compétitions confondues. Certaines interpellations sont liées à des faits de pyrotechnie, mais il convient d’évoquer aussi des épisodes de violences particulièrement graves : je pense notamment à l’attaque du bus de l’Olympique lyonnais ou encore à la mort récente d’un supporter nantais, qui ont déjà été évoquées.
Ces violences constituent une véritable gangrène pour le sport professionnel. Malheureusement, elles touchent aussi le football amateur, y compris dans les zones rurales et dans les petits clubs. Là encore, les exemples récents sont nombreux : agression d’un éducateur d’enfants de la catégorie U9 du club de Linas-Montlhéry, cris de singe pendant un match à Vierzon, agression de jeunes du club de Montrésor et dégradation de leur minibus, etc.
Si les causes de ces violences peuvent être d’ordre sociologique ou organisationnel, toujours est-il que nous devons agir collectivement pour que le football de demain soit synonyme de respect de l’adversaire et de l’autre en général.
Le 18 décembre dernier, vous avez présidé, madame la ministre, la douzième séance plénière de l’Instance nationale du supportérisme – une instance que vous avez relancée en 2022, en lui donnant un nouveau souffle. Quelles sont les perspectives de travail de cette instance dans la lutte contre les violences associées au football ?
Je vous remercie, monsieur le sénateur Rambaud, pour votre ambition en la matière.
Comme je l’ai indiqué rapidement dans mon propos liminaire, l’INS avait été créée par la loi Larrivé du 10 mai 2016. Elle s’était par la suite un petit peu repliée, voire délitée, fonctionnant au ralenti. Nous l’avons relancée, vous l’avez dit, en menant un certain nombre de travaux ; je pense notamment à l’encadrement de la pyrotechnie à titre expérimental, à la mise en place de policiers référents auprès des supporters visiteurs, ou encore à l’expérimentation des tribunes debout.
Le 18 décembre dernier, nous avons préparé l’initiative globale, collective, que j’évoquais précédemment, et que nous annoncerons dans les toutes prochaines semaines : nous voulons améliorer la préparation des déplacements de supporters, progresser dans l’individualisation des sanctions, en utilisant notamment l’arsenal de mesures que nous fournit la loi du 19 mai 2023 en matière de systématisation des IJS. Il s’agit par exemple de travailler sur la durée effective de ces interdictions. La loi nous permet aujourd’hui de prononcer des interdictions pour une durée pouvant aller jusqu’à cinq ans, mais fréquemment nous n’allons que jusqu’à deux ou trois années, alors qu’il est possible d’aller jusqu’à huit ans en Allemagne, et jusqu’à dix ans au Royaume-Uni.
Parallèlement, nous souhaitons continuer à faire le meilleur usage possible des interdictions administratives de stade, qui ont l’avantage de pouvoir être prises rapidement, mais dont nous avons aussi voulu, dans un esprit de justice, d’efficacité et d’équilibre, améliorer certaines modalités, notamment en matière de pointage et d’articulation avec les IJS.
Il nous reste quelques axes de travail. Ils concernent notamment le rôle du policier référent auprès des supporters visiteurs, dont la création semble très prometteuse, ou la manière de faire pleinement usage des possibilités que nous offrent les textes existants.
Les exactions commises ces dernières années, dans le football professionnel comme amateur, qu’elles soient spontanées ou préméditées – actes de vandalisme, affrontements entre supporters rivaux, outrages aux forces de l’ordre, injures à caractère raciste, propos discriminatoires, banderoles outrancières, jets de projectiles… – ne constituent en rien des moyens d’action et d’expression acceptables.
Ces actes, dont le nombre est en recrudescence, doivent être fermement combattus, afin de laisser place à un environnement footballistique serein et à des tribunes pacifiées.
La doctrine qui est prônée depuis près de quarante ans n’est que partiellement dissuasive. Celle-ci est fondée essentiellement sur la répression et la restriction des libertés pour répondre aux comportements les plus graves ; elle est articulée autour du « principe de précaution », de la « tolérance zéro » et de l’« éradication de la violence ». Nos politiques publiques et sportives doivent évoluer.
L’approche partenariale, le dialogue collaboratif et constructif engagés depuis 2016 au sein de l’Instance nationale du supportérisme doivent s’intensifier. Il faut rompre avec la logique des mobilisations ponctuelles en réaction à des incidents graves et offrir un cadre propice à un travail de fond plus régulier.
Les supporters deviennent des interlocuteurs et des acteurs incontournables du football. Il faut que leur engagement dans la vie des clubs soit mieux reconnu, que leur rôle soit institutionnalisé, et qu’une place plus grande leur soit accordée dans la gouvernance de ces structures.
Pourquoi, par exemple, ne pas revaloriser le statut des référents supporters ? Ces derniers pourraient siéger au conseil d’administration des clubs. En contrepartie, la puissance publique est en droit d’exiger de certains mouvements ultras qu’ils se dépouillent de leur radicalité et cessent d’assumer certaines formes de violences.
Madame la ministre, les actions de prévention sociale et pédagogique, combinées avec le volet répressif, sont-elles suffisamment mises en œuvre ?
Notre corpus législatif relatif à la sécurité des manifestations sportives doit-il être assoupli ?
En ce qui concerne les supporters déviants, les mesures éducatives et individuelles de réparation ou les travaux d’intérêt collectif constituent-ils des peines de substitution efficaces à l’interdiction administrative de stade ou aux sanctions pénales ?
Enfin, dans quelle mesure pourrions-nous clarifier le rôle des associations de supporters, ainsi que leurs relations avec les clubs, les instances du football et les collectivités territoriales ?
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre de l ’ éducation nationale, de la jeunesse, des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques. Monsieur le sénateur Lozach, je crois que vous avez apporté toutes les réponses dans votre question !
Sourires.
Vous exprimez exactement l’esprit du plan d’action, de l’initiative globale que nous sommes en train de formaliser. Il s’agit au fond de faire émerger une sorte de réponse à la française pour éradiquer ces violences. Celle-ci ne sera pas celle des Grecs, ni celle des Turcs, ni celle des Anglais, même si nous avons beaucoup à apprendre d’eux – nous nous rendrons d’ailleurs en Grande-Bretagne, comme le garde des sceaux l’avait proposé, pour y puiser un certain nombre d’enseignements, comme c’est souvent utile en ce qui concerne le sport.
En tout cas, monsieur le sénateur, je vous remercie pour tous les éléments que vous avez bien ordonnés, et je fais mien le plan d’action que vous proposez.
Madame la ministre, la DNLH, qui est placée sous la tutelle du ministère de l’intérieur, a constaté que le nombre d’interpellations avait augmenté de 15 % durant la saison 2022-2023 des championnats de Ligue 1 et de Ligue 2. On assiste donc à une multiplication des actes violents, aussi bien dans les stades qu’à l’extérieur de ceux-ci.
Les pouvoirs publics et les organisateurs rencontrent des difficultés à répondre à ces violences protéiformes : affrontements à l’extérieur des enceintes sportives, avant ou après des matchs, slogans racistes ou homophobes, attaques de bus, etc.
Parmi les infractions ayant donné lieu au plus grand nombre d’interpellations figure l’utilisation de matériels pyrotechniques, tels que les pétards, les mortiers et les fumigènes, à laquelle sont confrontées nos forces de l’ordre lors des violences urbaines. Ces engins, qui sont pourtant interdits, constituent un réel danger pour l’ensemble du public présent dans les stades et à l’extérieur. Des joueurs ont aussi été visés durant certains matchs.
Certes, les sanctions peuvent être importantes pour le club organisateur – matchs à rejouer à huis clos, pertes immédiates ou avec sursis de points –, mais ne serait-il pas opportun de renforcer les sanctions contre les individus qui se livrent à de tels actes ?
En outre, il est effarant de constater que des pétards de stade peuvent être commandés sur internet en quelques clics, alors qu’il est précisé sur ces mêmes sites que leur usage est interdit dans les stades et sur la voie publique !
Madame la ministre, ne faudrait-il pas interdire la commercialisation de tels engins sur le Net ?
Monsieur le sénateur, vous abordez un sujet qui est pour moi très important.
Nous avons en effet veillé, dans les décrets que nous avons pris en application de la loi du 2 mars 2022 visant à démocratiser le sport en France, à créer un régime expérimental d’autorisation, sous certaines conditions et selon certaines modalités, de l’utilisation de la pyrotechnie.
Or, et je m’en suis un peu offusquée auprès des acteurs concernés lors de nos discussions à l’INS, on se rend compte que ces dispositifs légaux ne sont en réalité souvent pas utilisés et qu’ils sont même contournés. On observe en effet une légère augmentation de l’usage illégal de la pyrotechnie.
J’ai donc interpellé les membres de l’INS à ce sujet : à quoi bon travailler ensemble, en effet, si, alors que mon ministère se bat pour faire évoluer les textes dans le sens de leur vision du supportérisme, afin de permettre l’usage de la pyrotechnie, les nouvelles possibilités qu’ils offrent sont contournées par des pratiques illégales ! Je leur ai donc demandé d’avancer avec nous.
Je ne suis pas sûr que leur demander simplement « d’avancer avec vous » suffise à les convaincre de le faire !
En outre, madame la ministre, combien y a-t-il eu de condamnations pour violences dans les stades et à proximité de ces derniers ? Il est légitime de se poser la question. La Belgique, par exemple, qui a été confrontée au même problème, a pris des mesures très fortes pour alourdir son arsenal législatif contre les supporters artificiers.
On ne peut pas non plus se contenter de simples lamentations ou, parfois, de pleurnicheries. Il faut prendre des mesures un peu plus coercitives pour mettre un terme à ces dérives qui se reproduisent tous les week-ends dans les stades de France.
Les interpellations pour usage illicite d’engins pyrotechniques ont augmenté de 15 %, monsieur le sénateur.
Le nombre d’interdictions administratives de stade est passé de 63 à 148. Le nombre d’interdictions judiciaires de stade s’est légèrement réduit, passant de 226 à 215.
Mais la statistique importante, que je ne peux pas vous donner aujourd’hui, est celle des interdictions commerciales de stade. J’espère qu’elles se développeront : ce serait le signe que les clubs eux-mêmes prennent toute la mesure de la nécessité d’éloigner de nos terrains les supporters qui ne respectent pas les règles.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme je l’ai évoqué dans mon propos introductif, je souhaiterais, au regard des récents événements tragiques qui ont ébranlé le monde du football, aborder la question de l’efficacité des mesures mises en place pour endiguer les violences.
Je fais référence notamment à l’interdiction de déplacement des supporters, une mesure qui est largement débattue et qui est appliquée dans des circonstances variées. Toutefois, malgré son adoption de manière répétée, force est de constater que les incidents violents, aussi bien à l’intérieur des stades que dans leurs alentours, continuent de se produire avec une régularité alarmante.
Dans ce contexte, madame la ministre, j’aimerais connaître votre position sur l’efficacité réelle de ces interdictions. Pensez-vous qu’elles constituent une solution durable et efficace pour réduire la violence, ou ne sont-elles qu’un pansement temporaire sur une plaie plus profonde ?
En outre, j’aimerais attirer votre attention sur une proposition récente du président du Stade Lavallois, …
… Laurent Lairy, qui suggère de mettre fin aux « parcages » des supporters visiteurs.
Selon lui, ces espaces réservés aux supporters visiteurs ne font qu’exacerber les tensions et contribuent à l’escalade de la violence. Il préconise plutôt de disperser les supporters dans les stades pour atténuer cette excitabilité collective.
Cette proposition soulève plusieurs questions importantes. Tout d’abord, comment évaluez-vous l’impact potentiel d’une telle mesure sur la réduction de la violence dans les stades de football ?
Est-il envisageable de repenser l’organisation des espaces dans nos stades pour favoriser une meilleure cohabitation entre les supporters des équipes rivales ?
Enfin, quelle pourrait être la position du ministère des sports sur cette proposition novatrice ?
Ces questions sont cruciales, madame la ministre. L’enjeu est, je l’espère, de trouver des solutions plus efficaces et durables pour garantir la sécurité et l’intégrité de tous les participants aux événements sportifs.
Monsieur le sénateur Levi, nous avons connu, vous en souvenez, durant les derniers mois de 2023, dans un court laps de temps, un enchaînement d’incidents particulièrement graves : il a déjà été question du match entre l’Olympique lyonnais et l’Olympique de Marseille, mais je pourrais aussi citer celui entre Montpellier et Brest, où un bus a été caillassé, ou encore ce tragique Nantes-Nice.
Il fallait donc absolument taper du poing sur la table et envoyer un signal très fort de notre détermination à faire en sorte que cette situation ne se prolonge pas. Nous avons ainsi décidé de durcir les interdictions de déplacement de supporters, et de les prononcer de manière plus récurrente. Ces mesures relèvent de la compétence du ministère de l’intérieur.
Globalement, dans le cadre du moratoire à visée temporaire, nous avons été conduits, pour les matchs les plus à risques, durant trois journées de championnat, à prendre des mesures d’interdiction de déplacement de supporters pour moins de 50 % des matchs de Ligue 1, pour un match de Ligue 2, pour trois matchs sur quarante-six de la Coupe de France, et pour un match européen, le Lens-Séville.
Certes, notre décision n’a pas été entièrement validée par le juge, mais, je le dis sans ambages, je préfère la casse juridique à la casse humaine !
Finalement, l’objectif qui était visé a été atteint. Le signal que j’évoquais dans mon propos liminaire a été perçu : le dialogue a été renoué, les positions ont commencé à bouger de nouveau, et nous avons la volonté de mettre en place l’initiative globale dont je vous parlais et que nous dévoilerons très bientôt.
Le moratoire a pris fin avec la trêve hivernale. Nous ne souhaitons pas prolonger cette fermeture des parcages, sauf dans le cas des matchs qui sont, selon la DNLH, particulièrement à risques.
Madame la ministre, vous n’avez pas répondu sur la proposition du président du Stade Lavallois, qui préconise de supprimer les parcages des supporters visiteurs. Qu’en pensez-vous ?
Le problème, c’est que les supporters aiment bien être ensemble…
J’aimerais que cela soit vrai et que l’on ne voie plus se reproduire le quart d’heure d’horreurs qui avait eu lieu au Parc des Princes…
Je vous promets, monsieur le sénateur, que nous mettrons cette proposition à l’étude. Elle ne figure pas à l’heure actuelle dans le plan d’action, mais je pense qu’elle mérite qu’on en parle. Les membres de mon cabinet en discuteront avec l’Association nationale des supporters, et je reviendrai ensuite vers vous.
La parole est à Mme Laurence Harribey, qui sera la première femme à intervenir dans ce débat. (Sourires.)
Je vous remercie de le souligner, monsieur le président !
Madame la ministre, après la mort, le 2 décembre dernier, d’un supporter nantais, vous avez parlé d’un « électrochoc », estimant que celle-ci devait constituer un coup d’arrêt. Vous l’avez très bien dit lors de la séance plénière du 18 décembre dernier de l’INS, où je représente le Sénat. Je peux témoigner de la gravité des propos et de l’esprit de responsabilité qui a prévalu de la part de tous les acteurs.
Vous avez multiplié les arrêtés d’interdiction de déplacement, mais ceux-ci ont souvent été pris au dernier moment, ce qui a empêché quelquefois les associations de supporters et les clubs de s’organiser.
Le Conseil d’État, comme vous venez de le reconnaître avec honnêteté, a désavoué cette approche punitive collective. Celle-ci ne risque-t-elle pas, en effet, de fragiliser l’ensemble du système et de mettre en difficulté les acteurs qui essaient de faire en sorte de responsabiliser les supporters ?
Une approche individuelle, assortie de sanctions individuelles, ne serait-elle pas plus appropriée ?
Madame la sénatrice Harribey, je veux d’abord vous remercier pour votre implication précieuse dans les travaux de l’INS. Vous avez tout à fait raison de souligner combien l’anticipation est un enjeu majeur.
On a quelque peu progressé dans la manière dont ces moratoires se déroulent. Je pense notamment à la première interdiction de déplacement prononcée en 2024 : le décret a été pris le mardi 9 janvier pour le match Brest-Montpellier du dimanche 14 janvier suivant.
Cependant, il est bien vrai que rien ne vaut la capacité à analyser en amont les facteurs de risque et la détermination à les traiter avant d’interdire les déplacements. Ces mesures d’interdiction doivent néanmoins demeurer dans notre panoplie : il faut n’y recourir qu’en toute dernière hypothèse, privilégier le dialogue, la coconstruction et les mesures d’encadrement – celles-ci doivent être parfaitement respectées, à la lettre –, mais il est nécessaire de conserver l’interdiction de déplacement dans notre arsenal.
Le travail que nous allons mener avec la DNLH, qui est plus que jamais engagée à nos côtés sur ces enjeux, nous permettra à mon sens de bien réguler les choses à l’avenir. De la même manière, une implication plus forte des directeurs de la sûreté et de la sécurité des clubs sportifs dans le dialogue mené, en préfecture, avec les référents supporters doit permettre de construire des solutions anticipées, beaucoup plus partagées et plus collectives, qui sont en effet une alternative préférable aux interdictions de déplacement.
Enfin, je conviens avec vous de la nécessité d’individualiser le plus possible les sanctions ; vous savez que c’est tout à fait la philosophie que je porte, au cœur de l’INS, avec la LFP.
Merci pour cette réponse, madame la ministre : il faut vraiment que les interdictions deviennent l’exception plutôt que d’être systématiques.
L’enjeu du supportérisme est si important pour notre groupe que nous nous proposons d’organiser un colloque au mois de mars sur ces questions ; ce sera l’occasion de proposer un certain nombre de solutions, comme le renforcement du rôle des groupes de supporters, l’organisation des déplacements de ces derniers en train, à l’instar de l’expérience allemande, ou encore – vous avez évoqué cette piste dans votre réponse à mon collègue Ahmed Laouedj – accélérer le temps disciplinaire pour que les clubs puissent généraliser les interdictions commerciales, qui permettent de résoudre un certain nombre de problèmes.
En tout cas, nous serons à vos côtés pour progresser dans ce domaine.
Madame la ministre, avec 4 milliards de fans dans le monde, dont 12 millions dans notre pays, le football est, de très loin, le sport le plus populaire en France et sur le globe.
Un stade de football de 15 000 à 80 000 places est un échantillon extrêmement représentatif de notre société ; il n’y a donc rien d’étonnant à ce que le football souffre des mêmes maux que celle-ci. Or, depuis longtemps déjà, à l’instar de notre vie quotidienne, les gouvernants, qu’ils soient politiques ou sportifs, sont incapables d’enrayer ces maux, que ce soit par lâcheté, par idéologie ou, tout simplement, par incompétence.
Pourtant, ce ne sont pas les rapports administratifs, diagnostics techniques et autres analyses sociologiques pertinentes qui manquent dans notre pays. Au contraire, ils foisonnent ! Ce qui manque, c’est une vision, du courage et une volonté à la hauteur des enjeux !
Aussi, plutôt que d’essayer d’attirer honteusement le siège de la Fédération internationale de football association (Fifa) à Paris à coups d’exonérations fiscales scandaleuses, plutôt que d’accuser les supporters de Liverpool au lendemain du fiasco de l’organisation de la finale de la Ligue des champions au Stade de France, …
… il est selon moi urgent de méditer ce que disait déjà, avec justesse, Albert Camus en 1957, alors qu’on lui remettait le prix Nobel de littérature : « Ce que je sais de la morale, c’est au football que je le dois. »
Si le football est aujourd’hui à l’image d’une société qui véhicule des valeurs d’individualisme et de course à l’argent facile, il reste intimement lié aux valeurs collectives et demeure un puissant vecteur intergénérationnel de nos valeurs fondamentales.
Ce n’est pas pour rien que Bill Shankly, manager emblématique du Liverpool FC, disait : « Le football, ce n’est pas une question de vie ou de mort, c’est bien plus important que cela. » Le football est une alchimie humaine qui peut produire un ciment extrêmement solide, mais aussi devenir une très puissante dynamite.
Alors, madame la ministre, qu’entendez-vous faire concrètement pour manier la truelle et écarter le détonateur ?
Merci pour cette interpellation constructive, monsieur le sénateur Hugonet. Je partage beaucoup des remarques que vous avez faites, bien sûr, notamment quant aux challenges que nous devons selon vous relever. Je pense que nous avons pu, que ce soit par mes réponses précédentes ou dans nos différentes allocutions, exposer la panoplie des leviers au moyen desquels nous agissons aujourd’hui et que nous sommes en train d’assembler dans cette initiative globale.
Mais je veux rebondir sur une dimension qui me paraît capitale : l’exemplarité, à laquelle vous avez appelé en invoquant les valeurs éducatives et citoyennes.
N’oublions pas que le football, c’est 2, 2 millions de licenciés et plus de 13 000 clubs, partout en France. Le sport, mais plus particulièrement le football, est le troisième lieu d’éducation dans notre pays, après la famille et l’école. D’où cet enjeu d’exemplarité, d’où le caractère impératif de ne rien lâcher sur la violence dans le football, professionnel comme amateur, a fortiori si l’on veut s’inscrire dans une dynamique d’éducation et de citoyenneté. Les récents événements violents au cœur du football amateur doivent donc absolument nous faire réagir fermement ; je l’évoquais encore récemment avec le président de la ligue de Paris Île-de-France de football.
La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, pour la réplique.
Vous avez cinq secondes pour marquer un but, mon cher collègue…
Sourires.
M. Jean-Raymond Hugonet. C’est plus qu’il n’en faut, monsieur le président, même si je suis plutôt défenseur !
Nouveaux sourires.
Je bois vos paroles, madame la ministre, car le football est beaucoup plus important dans notre pays qu’on ne le croit : il est un symbole pour notre société. Je me tiens donc à votre disposition pour y travailler.
Nous sommes réunis ce soir en amoureux du football, sport que certains d’entre nous ont pratiqué ; pour ma part, j’étais plutôt milieu offensif, monsieur le président !
Madame la ministre, la violence dans le monde du football n’est ni une fatalité ni un phénomène récent. Ceux qui connaissent le football savent qu’il s’agit d’une problématique récurrente, parce que ces jeux du cirque modernes peuvent être un lieu d’expression des tensions et, parfois, des haines qui traversent notre société.
Il a déjà été rappelé ce soir que d’autres nations ont été confrontées à des violences similaires, voire plus graves encore. L’Angleterre a dû faire face dans les années 1970 et 1980 à une montée de violence autour des rencontres de football ; je ne reviendrai pas sur les drames qui ont causé de nombreux morts dans plusieurs stades et qui ont mis les clubs anglais au ban des compétitions européennes pendant un certain nombre d’années.
On pourrait en revanche s’inspirer de certaines actions entreprises en Angleterre, qui a pris ce sujet à bras-le-corps, avec des approches très spécifiques : je pense notamment aux interdictions individuelles d’accès aux stades et aux places assises dans les tribunes. Vous avez évoqué un prochain déplacement dans ce pays, madame la ministre. Mais je voudrais aussi rappeler une des approches retenues par les Anglais à l’époque : des prix prohibitifs, qui avaient cassé ce football populaire, ce qui aboutit aujourd’hui à une forme de gentrification des stades anglais.
La France a besoin de trouver son cheminement, par une politique cohérente. De nombreux collègues ont souligné que les punitions collectives, les interdictions de déplacement décrétées la veille pour le lendemain, ou encore la fermeture de tribunes pour des rencontres télévisées nuisaient au spectacle dans les tribunes. Il me semble que les supporters jouent un rôle prépondérant et constituent une part essentielle du patrimoine des clubs, dont ils sont un atout spécifique et inestimable.
Dans ce contexte, on ne saurait déconnecter les violences constatées dans le football professionnel de celles qui frappent le football amateur, qui joue un rôle important dans la consolidation du lien social au sein de nos populations. Les agressions verbales comme physiques et les atteintes aux biens sont nombreuses. Les clubs amateurs sont dépassés par des violences auxquelles les clubs professionnels ont les moyens financiers de répondre.
Madame la ministre, ma question est donc très simple : comment pouvons-nous enrayer cette spirale de violence dans le monde du football amateur et restaurer le caractère amical et fair-play de celui-ci ?
Monsieur le sénateur Ziane, merci beaucoup pour la richesse de votre question.
À mon sens, un élément de réponse se trouve dans les éducateurs, les parents et la prise de distance entre ces deux groupes : les uns ne doivent pas se mettre à la place des autres. Quand on est un éducateur, on ne doit pas avoir une emprise totale sur un enfant ; quand on est un parent, on ne doit pas s’improviser coach sportif, à moins d’en avoir réellement l’expertise et l’expérience.
Il me semble crucial de maintenir cette distinction claire des rôles et des responsabilités, mais aussi de rappeler à nos jeunes qu’il y a des étapes, que pour devenir un champion il faut d’abord se construire. En essayant de brûler les étapes, on cède parfois à l’agressivité, à l’envie et à la jalousie, mauvais accélérateurs de très court terme qui jamais ne permettent de prospérer, qui jamais n’emmènent au but. Les plus grands champions sont des cœurs nobles, des personnes très éduquées, fortifiées par leur environnement, par un entourage qui a su donner du temps au temps et prendre soin d’eux, par-dessus tout.
Madame la ministre, ma question porte sur la responsabilité disciplinaire des clubs de football dans l’organisation des rencontres sportives.
En application des règlements généraux de la Fédération française de football et du règlement administratif de la Ligue de football professionnel, le club organisateur et le club invité sont soumis à une même obligation de résultat en matière de sécurité et de bon déroulement des rencontres. Qu’ils soient invités ou organisateurs, les clubs sont ainsi responsables des actions de leurs supporters. Le moindre incident engage, par principe et automatiquement, la responsabilité disciplinaire du club, peu importe les mesures mises en œuvre.
Cette obligation de résultat est intenable pour les clubs. Qui est capable de prévenir l’acte d’une personne isolée, a fortiori en matière de propos injurieux ?
Certes, dans son avis du 29 octobre 2007, le Conseil d’État a bien exigé que les mesures mises en œuvre et les démarches entreprises par le club soient prises en compte dans le choix de la sanction infligée.
Mais, en pratique, les sanctions sont lourdes, sans cohérence et difficilement contestables par des clubs dépendants de la Fédération et de la Ligue.
À l’évidence, cette obligation de résultat dédouane, de façon injustifiée, ces dernières de toute responsabilité dans l’accompagnement des clubs en matière de sécurité.
Il est essentiel d’adapter la sanction à la gravité des manquements et non pas uniquement à la gravité des faits, et ainsi d’inciter les organisateurs à consentir en amont un maximum d’efforts, sachant qu’ils seront pris en compte le cas échéant.
À l’occasion de l’examen du projet de loi visant à démocratiser le sport en France, le Gouvernement s’était montré favorable à la mise en œuvre d’une obligation de moyens à l’égard des clubs. Madame la ministre, est-ce toujours votre position ?
Monsieur le sénateur Mandelli, en matière de préparation comme de gestion des rencontres, il faut absolument prévenir toutes les formes de dérives et d’incidents.
À cette fin, un rôle clair est assigné à chacun des acteurs : l’exploitant de l’enceinte doit assurer la sécurité du stade ; le club qui reçoit, compétent pour organiser la manifestation sportive, se voit pour sa part imposer, dans le cadre du règlement disciplinaire adopté par la LFP, une obligation de résultat en matière de sécurité et de bon déroulement de la rencontre.
Pour ma part, je souhaite en la matière – ce point a été très débattu au sein de l’INS – que notre objectif soit non pas de demander in abstracto un durcissement des sanctions disciplinaires de la Ligue, mais de faire en sorte que les sanctions disciplinaires soient en relation directe avec les éventuels manquements du club et non avec la gravité constatée in fine, y compris d’un point de vue médiatique, des violences qui se seraient produites.
Ce que nous voulons, c’est nous donner, dans l’absolu, une obligation de moyens ; l’obligation de résultat suivra naturellement. N’exigeons pas une obligation de résultat déconnectée de l’analyse que nous ferons des manquements en matière de moyens et d’action !
Madame la ministre, vous avez parfaitement répondu. Pour ma part, je souhaite évidemment que l’obligation de moyens soit mise en œuvre ; l’obligation de résultat existe aujourd’hui, mais seuls certains clubs font des efforts. Il est important que la Fédération et la Ligue accompagnent ceux qui font des efforts, mais aussi et surtout ceux qui n’en font pas.
Madame la ministre, dans notre pays, trois quarts des interdictions administratives de stade (IAS) sont annulés par les tribunaux. L’application de ces arrêtés demeure aléatoire et arbitraire. Ainsi, comme vous l’avez rappelé, nous comptons aujourd’hui en France seulement 215 interdits de stade, contre cinq à six fois plus en Angleterre ou en Allemagne. En effet, les infractions commises tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des enceintes où se déroulent des événements sportifs sont parfois jugées par des magistrats manquant de connaissances sur les véritables enjeux auxquels les clubs sportifs sont confrontés.
S’ensuit une autre difficulté. Aux termes de l’article R. 332-2 du code du sport, le préfet reçoit des tribunaux les informations relatives aux personnes condamnées, puis les communique aux fédérations sportives agréées, qui elles-mêmes doivent les transmettre sans délai aux ligues professionnelles intéressées.
Or, actuellement, une très grande majorité des clubs concernés disent ne pas recevoir ce fichier en temps et en heure. Cette absence de régularité dans la transmission de ces informations cruciales prive les clubs de la possibilité de prendre des mesures de sécurité adaptées lors des manifestations sportives.
Afin d’y parvenir, ne faudrait-il pas, d’une part, mettre en place une formation spécifique des magistrats, afin de leur permettre d’obtenir une compréhension plus approfondie des situations auxquelles les clubs sportifs sont confrontés ?
D’autre part, ne faudrait-il pas simplifier l’envoi par le préfet du fichier des interdictions de stades, en le destinant directement à la LFP, qui serait alors responsable de sa diffusion à l’ensemble des clubs professionnels ?
Monsieur le sénateur Savin, vous avez absolument raison de mettre le doigt – on ne le fait pas suffisamment – sur la manière dont, en réalité, notre système judiciaire utilise toutes les précautions, préparations et modalités nécessaires pour mieux garantir la sécurité juridique des mesures qui sont prises.
J’ai sur ce sujet des discussions avec le garde des sceaux. Vous connaissez notre attachement commun au travail que nous avons entrepris il y a plusieurs mois pour constituer et animer un réseau de magistrats référents du sport, pour créer les conditions d’une culture bien mieux partagée. Nous avons aussi la volonté de développer les visites de stades par les magistrats. Travailler à cette acculturation est absolument essentiel.
Mais les textes eux-mêmes doivent nous y aider ; le garde des sceaux y est très attentif. S’agissant par exemple des interdictions administratives de stade, nous avons fait en sorte qu’elles soient mieux proportionnées et que, en parallèle au mouvement de renforcement des interdictions judiciaires de stade (IJS), on puisse modifier le régime des IAS afin de mieux préciser les critères de motivation, qui étaient auparavant trop flous.
Nous avons notamment remplacé la notion de « comportement d’ensemble » par celle d’« agissements répétés portant atteinte à la sécurité des personnes et des biens ». De même la notion de « menace », qui n’était auparavant pas qualifiée, est désormais remplacée par la notion plus précise de « menace grave pour l’ordre public ». Ce nouveau soubassement permet de valider juridiquement les IAS qui sont prises.
Je voudrais également revenir sur la proportionnalité de ces mesures. Nous avons réduit la durée maximale de ces IAS de vingt-quatre à douze mois, sauf récidive, auquel cas la durée maximale est réduite de trente-six à vingt-quatre mois. Il faut continuer en ce sens, pour la sécurité juridique et la qualité des décisions que nous prenons. Tout cela est absolument essentiel pour la crédibilité de notre dispositif.
Madame la ministre, je crois que les présidents de clubs attendent aujourd’hui une réponse claire. Quand ils déposent des plaintes pour des comportements agressifs, à l’intérieur ou à l’extérieur des stades, il faut que les tribunaux les suivent ; autrement, les présidents de clubs se retrouveront dans la situation que subissent aujourd’hui les maires qui déposent des plaintes pour des infractions sans que les tribunaux les suivent. Cela risquerait de décourager ces présidents de club de continuer à assurer la sécurité des stades.
Je suis d’accord avec vous. Je veillerai à ce que le garde des sceaux adresse aux parquets une instruction en ce sens, car ce type de dispositif est absolument nécessaire pour renforcer cette réponse.
Madame la ministre, il y aurait encore beaucoup de sujets à aborder dans ce débat, mais je pense que le plus important est celui qui concerne le football amateur. Si le football professionnel existe, c’est parce qu’il y a tout ce vivier, et les valeurs du sport commencent dans les petits clubs de football amateur.
Or je dois dire que c’est là, loin des caméras, qu’il y a le plus de violence, de propos homophobes, de non-respect, d’agressions contre les arbitres et de bagarres. De fait, parce que cela n’apparaît pas dans les médias, nous en parlons moins et nous agissons moins.
Je souhaiterais donc savoir, madame la ministre, si vous entendez, comme l’a déjà demandé un de nos collègues, que chaque club sportif amateur soit soumis à une charte, laquelle respectera les valeurs de la République et bannira le racisme et l’homophobie ; rappelons que ceux-ci ne sont pas des opinions : ce sont des délits !
Une fois cette charte signée, j’aimerais savoir quels moyens vous entendez donner aux clubs amateurs pour faire respecter la loi. Deux conceptions s’opposent : pour ma part, au vu de la travée où je siège dans cet hémicycle, je crois à la responsabilité individuelle. À mon sens, si, à un certain âge, on ne sait pas que c’est mal de pousser des cris de singe ou de faire des saluts nazis, je doute que les commissions de prévention ou autres comités soient de quelque utilité.
Il faut prendre le mal à la racine, dans le football amateur. Je voudrais donc savoir quels moyens, financiers et juridiques, vous entendez mettre à la disposition des clubs amateurs, et quelle assistance des parquets et de la police pourra leur être offerte.
Monsieur le sénateur Szpiner, vous avez raison : l’élimination de la violence dans le football amateur est un enjeu absolument capital pour notre jeunesse. En effet, si l’on commence ainsi, l’on finit encore plus mal.
Je suis plutôt contente aujourd’hui de ressentir une vraie dynamique au cœur de la FFF pour s’emparer de cette question, tant à l’échelle nationale que dans les territoires.
Au niveau national, la FFF a présenté, le 19 octobre dernier, un plan d’engagement comportant une série de mesures concrètes : ainsi, en trois ans, 100 % des encadrants seront formés à ces questions et 75 % des licenciés y seront sensibilisés.
Surtout, le réseau des référents est renforcé dans les territoires, au niveau des ligues, des districts et des clubs, mais aussi au sein des associations de supporters.
Une sanction immédiate de toutes les dérives est en outre prévue ; il s’agira de sanctions sportives, disciplinaires, administratives et pénales. Je relève notamment la constitution systématique de partie civile de la part de la FFF en cas de procédure pénale.
Une protection systématique sera enfin apportée aux victimes, par des mesures conservatoires administratives ou disciplinaires, chaque fois que cela est nécessaire.
Par ailleurs, lors de mes échanges récents avec la ligue d’Île-de-France, j’ai pu me persuader que la démarche d’élaboration d’une charte compte parmi les initiatives que nous pouvons encourager. Cette prise de conscience, qui doit s’arrimer en même temps sur des mesures inscrites dans le dur, est absolument indispensable pour progresser culturellement et faire en sorte, par exemple, de réduire l’écart que l’on constate en la matière entre le football et le rugby, afin que notre football amateur soit rayonnant et protecteur de nos enfants.
Madame la ministre, d’une manière générale, je pense que notre pays souffre d’un déficit d’autorité : il faut rétablir l’autorité de l’État, y compris dans le domaine sportif. Quand vous pénalisez collectivement des supporters, vous faites une erreur : c’est chaque supporter qui commet une infraction qui doit être poursuivi et jugé.
Or le nombre d’interdits de stade qui est cité – à peine plus de 200 – est dérisoire par rapport aux actes constatés. N’ayez pas peur d’aller vers la répression individuelle : je vous assure que notre pays s’en porterait beaucoup mieux !
M. Francis Szpiner et M. Claude Kern applaudissent.
Madame la ministre, vous êtes ministre des sports, mais aussi de la jeunesse.
Au mois de septembre dernier, au stade de la Beaujoire, à Nantes, lors d’un match entre le FC Nantes et l’Olympique de Marseille, un homme de 39 ans a été agressé par des supporters nantais alors qu’il tentait de protéger son fils de 6 ans, qui portait un maillot de l’OM. Ce père de famille se serait interposé face à des supporters nantais pour protéger son petit garçon. Victime d’un infarctus, il a été placé en soins intensifs.
Quelques mois plus tôt, en juin, un jeune enfant malade, supporter de l’OM, et sa famille avaient été invités par ce club qu’il aime tant à assister à un match ; ils ont été agressés et ce qui devait être une fête pour ce petit garçon s’est transformé en cauchemar.
Malheureusement, je pourrais citer d’autres exemples encore. Loin des valeurs du sport que sont la fraternité, le partage, ou encore la solidarité, nos jeunes se retrouvent témoins et, de plus en plus souvent, victimes de comportements inadmissibles à l’occasion de manifestations sportives. Quelle image et quel exemple leur sont donnés !
Ces événements tragiques nous inquiètent particulièrement à moins de 200 jours des jeux Olympiques et Paralympiques, alors que le football est un sport olympique. Le respect et l’amitié sont au cœur de l’olympisme.
Comment le Gouvernement entend-il faire porter une parole publique forte quand nos jeunes sont les victimes collatérales d’affrontements barbares ? Ils sont éduqués dans l’idée, cruciale, que le sport, c’est l’exemplarité, le courage et la grandeur. Comment peuvent-ils le croire et en être des vecteurs ?
Madame la sénatrice Mercier, vous comprendrez que je suis particulièrement touchée par ce que vous exprimez. Je suis à vrai dire heureuse de pouvoir conclure mes réponses dans ce débat sur ces mots.
À mon sens, la place de nos enfants dans nos stades, dans le football professionnel, c’est au fond notre ambition ultime, c’est là que nous mesurerons que nous aurons réussi. Être un papa, être une maman, avoir envie d’emmener ses enfants au stade, et y vivre une ambiance familiale, voilà in fine l’objectif ! Nous avions commencé notre débat par des réflexions sur la valeur de ce championnat ; eh bien, cette ambiance, notre volonté de faire émerger dans les stades une identité à la française, c’est bien la valeur première.
Comme vous, j’ai été révoltée par ce qui s’est passé à Ajaccio, puis à Nantes. À Ajaccio, les auteurs de ces faits innommables ont été interpellés. J’avais pu échanger avec le petit Kenzo, cet enfant, malade de surcroît, qui avait été violenté, ainsi qu’avec ses parents. Sa maman m’expliquait qu’il n’avait plus envie de retourner dans un stade ; eh bien, j’ai voulu faire en sorte qu’il ait envie de retourner dans une enceinte sportive, et je lui ai dit : « Tu viendras aux jeux Olympiques et Paralympiques, j’en prends l’engagement ! » C’est ainsi que, grâce à la billetterie populaire de l’État, qui permettra de faire venir plus de 200 000 jeunes de notre pays dans les enceintes sportives pour cet événement olympique, marqué par des valeurs de respect, d’amitié et d’excellence, le petit Kenzo aura sa place parmi nous ; nous veillerons à ce qu’il en soit de même pour l’autre petit garçon que vous avez évoqué.
Madame la ministre, vous êtes à la tête d’un ministère extraordinaire pour la protection de nos enfants. Or « éducation » vient du latin ex ducere, « conduire hors » ; on dit à l’enfant : « Je te prendrai par la main pour t’emmener en dehors, avec des valeurs solides. » C’est ainsi que l’on forme des hommes et des femmes solides.
M. le président. La parole est à M. Laurent Lafon, pour le groupe auteur de la demande.
Applaudissements sur les travées des groupes UC et RDPI.
Monsieur le président, madame la ministre, nous arrivons au terme de ce débat sur les violences associées au football à l’intérieur et à l’extérieur des stades. Je tenais en premier lieu à remercier Pierre-Antoine Levi d’avoir demandé son inscription à notre ordre du jour.
L’ampleur des phénomènes de violence, leur caractère répétitif et, il faut bien le reconnaître, l’absence de réponse efficace pour y mettre fin, justifie pleinement que nous nous emparions du sujet et que nous interrogions l’exécutif, comme nous l’avons fait ce soir, pour comprendre sa perception du problème et les réponses qu’il entend y apporter.
Il me revient de tirer quelques conclusions de notre débat de ce soir. Sans avoir la prétention d’être exhaustif, il me semble que nous pouvons en faire ressortir quatre éléments conclusifs.
Tout d’abord, alors que la France s’inscrit clairement dans une stratégie d’accueil des grands événements sportifs – coupe du monde de rugby l’année dernière, jeux Olympiques et Paralympiques cette année et jeux Olympiques d’hiver en 2030, pour ne citer que les plus connus –, nous ne pouvons laisser s’instaurer un phénomène d’amplification et de multiplication des actes de violence liés à des événements sportifs, dans les stades, mais aussi en dehors.
Il y a comme un paradoxe à investir dans les équipements sportifs, à développer un savoir-faire dans l’organisation des grands événements sportifs et à miser sur le fort impact en termes de rayonnement de ces grands événements, tout en subissant de manière régulière des actes de violence inacceptables, qui nuisent à l’image du sport et sont en totale contradiction avec ses valeurs.
Par ailleurs, deuxième élément conclusif, même si les autres sports ne sont pas épargnés par la violence, il y a bien un problème spécifique dans le football. Face à cette spécificité peu enviable, les instances du football – fédération, ligues ou clubs – n’ont sans doute pas pris la juste mesure d’un phénomène, qui, pourtant, pénalise leur sport.
Comme le notait Pierre-Antoine Levi dans son propos préalable, elles en sont encore à « se renvoyer le ballon », pour reprendre les termes qu’il a utilisés, plutôt que de traiter le problème avec détermination, en s’en donnant réellement les moyens. Pourtant, c’est bien leur sport qui est pénalisé. Une récente enquête d’Odoxa, de novembre dernier, montrait que 70 % des Français ont une mauvaise image des supporters de football.
Troisième élément conclusif, la violence dans le football français n’est pas une fatalité. L’absence de phénomènes comparables dans les autres pratiques sportives ou la façon dont le football anglais a résolu le problème du hooliganisme montrent bien qu’il est possible de prévenir et juguler les phénomènes de violence. Nous avons certainement, comme vous l’avez dit, madame la ministre, des enseignements à retenir des mesures prises en Angleterre.
Quatrième élément de conclusion, la réponse ne peut venir des seules instances du football. Les pouvoirs publics ont une responsabilité, qui ne peut reposer uniquement sur des mesures d’interdiction des déplacements de supporters lors des matchs identifiés à risques. Certes, il y a eu des avancées ces derniers mois, comme le rappelait Claude Kern. Ainsi, le dernier projet de loi relatif aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, que vous nous aviez présenté, madame la ministre, prévoit le développement de la billetterie infalsifiable, ainsi que le renforcement des sanctions, notamment pour les primo-délinquants.
Après ce que nous avons dit les uns et les autres ce soir, il me semble que des pistes complémentaires peuvent être étudiées.
D’abord, il convient, comme le demandent à peu près tous les groupes, de renforcer le dialogue avec les associations de supporters, qui se sont elles-mêmes, depuis quelques années, structurées et responsabilisées par rapport à ces problèmes.
Certes, l’Instance nationale du supportérisme existe, mais elle ne semble jamais avoir réellement fonctionné de manière totalement satisfaisante, même si, depuis votre prise de fonction, madame la ministre, vous avez souhaité, nous l’avons bien noté, la réactiver et la positionner sur ces sujets.
Ensuite, il est nécessaire de travailler à une identification plus fine des auteurs de violences et d’accroître les sanctions individuelles, qui sont nombreuses en Allemagne et en Angleterre, mais relativement marginales en France.
Par ailleurs, il faut préparer en amont les matchs à risques au niveau des préfectures, en impliquant les responsables des clubs et les associations de supporters, afin d’anticiper les difficultés plutôt que de les subir, et d’accompagner plutôt qu’interdire.
Enfin, il est impératif d’impliquer la justice dans la nécessité de sanctionner de manière rapide les auteurs de violences.
Madame la ministre, vous nous avez annoncé ce soir, dans le cadre de votre intervention liminaire, la présentation d’un plan d’action, que vous élaborez actuellement avec vos collègues Gérald Darmanin et Éric Dupond-Moretti.
Nous serons bien entendu très attentifs à ce que vous nous annoncerez dans quelques semaines. J’espère que les échanges de ce soir auront utilement alimenté votre réflexion. Tel était en tout cas le but du groupe Union Centriste en proposant ce débat ce soir.
Applaudissements.
Mes chers collègues, nous en avons terminé avec le débat sur les violences associées au football, dans et hors des stades.
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, jeudi 18 janvier 2024 :
À dix heures trente :
Questions orales.
À quatorze heures trente :
Débat sur la mise en application de la loi du 20 juillet 2023 visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols et à renforcer l’accompagnement des élus locaux.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
La séance est levée à vingt-deux heures trente.
Aucune opposition ne s ’ étant manifestée dans le délai d ’ une heure prévu par l ’ article 8 du règlement, la liste des candidatures préalablement publiée est ratifiée.
Mme Martine Berthet, MM. François Bonneau, Henri Cabanel, Guillaume Chevrollier, Vincent Delahaye, Stéphane Fouassin, Fabien Gay, Fabien Genet, Daniel Gremillet, Daniel Gueret, Mmes Nadège Havet, Christine Herzog, Christine Lavarde, MM. Victorin Lurel, Didier Mandelli, Pierre Médevielle, Jean-Jacques Michau, Franck Montaugé, Alexandre Ouizille, Cyril Pellevat, Stéphane Piednoir, Mme Denise Saint-Pé et M. Daniel Salmon.