Commission des affaires économiques

Réunion du 13 juin 2006 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

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  • ONF
  • bois
  • forestière
  • forêt

La réunion

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La commission a, conjointement avec le groupe d'études « forêt et filière bois », procédé à l'audition de MM. Pierre-Olivier Drège, directeur général de l'Office national des forêts (ONF), Henri Plauche-Gillon, président de la Fédération nationale des syndicats de forestiers privés de France et de Mme Sylvie Alexandre, adjointe au Directeur général de la forêt et des affaires rurales au ministère de l'agriculture et de la pêche (MAP).

Debut de section - Permalien
Pierre-Olivier Drège, directeur général de l'ONF

a souhaité rappeler en préambule que celui-ci travaillait beaucoup pour les communes et non seulement pour la forêt domaniale. Il a indiqué, à ce titre, que la France comptait 11.000 communes forestières.

Rappelant que l'action de l'ONF s'inscrivait depuis longtemps dans le cadre de contrats quinquennaux avec l'Etat, il a estimé que le dernier contrat entre l'Etat et l'Office permettait de donner plus de visibilité à sa gestion. Il a précisé que le nouveau contrat devait être signé le 24 juin 2006. Dressant le bilan de celui qui s'achevait et qui avait couvert la période 2001-2006, il a qualifié celui-ci de contrat de redressement, dans le contexte difficile des suites des tempêtes de 1999 et de l'importante réorganisation de l'ONF que celles-ci avaient entraîné. Il a rappelé que l'ONF avait ainsi perdu 88 millions d'euros en 2002. Se félicitant que l'établissement public soit revenu à l'équilibre dès 2005, soit un an avant la date prévue initialement, il a souligné que cette amélioration n'était en rien due à un redressement du prix des bois, mais à une réduction des coûts et des effectifs, puisque l'Office avait supprimé 1.500 postes sur les 12.000 qu'il comptait en 2001. Il a déclaré que cet effort très important n'avait été possible que grâce au soutien des maires des communes forestières et à la Fédération nationale des communes forestières (FNCOFOR). Il a estimé que la Charte de la forêt communale conclue en 2003 et qui avait fait l'objet d'un avenant en 2005 exprimait la clarification des relations entre les communes et l'ONF dans le cadre du régime forestier.

Dressant ensuite un panorama du secteur, il a jugé que la reconstitution d'après-tempêtes n'était pas achevée dans certaines régions et qu'il restait des efforts de repeuplement à faire, ce qui soulevait naturellement des questions de financement. Quant au marché du bois, il restait très déprimé dans tous ses compartiments, à l'exception de certaines qualités de chêne, qui retrouvaient tout juste le niveau de 1999. Il a rappelé que les prix du hêtre étaient inférieurs de 50 % à ce qu'ils étaient avant 1999. Dans le secteur des résineux, on assistait à un redressement lent, mais continu, des prix. Il a souligné que cette situation défavorable avait naturellement des incidences sur les recettes de l'Office. Par ailleurs, il convenait de relever les efforts accomplis par l'établissement public d'une part pour la certification des forêts, qui devaient permettre que la moitié des forêts domaniales soit certifiée d'ici la fin 2006, et, d'autre part, pour l'accueil du public dans les forêts.

a ensuite présenté les objectifs du nouveau contrat Etat-ONF, qui se voulait un contrat de développement permettant de consolider la filière forêt-bois, qui n'était pas pleinement remise des tempêtes et qui était surtout beaucoup moins forte que celle de nos principaux partenaires économiques. On pouvait noter, à ce titre, que la France transformait de moins en moins son bois, exportant des grumes jusqu'en Pologne, voire en Chine, pour importer du bois transformé de ces mêmes pays. Il a estimé que cette situation n'était pas normale dans un pays représentant le troisième massif forestier d'Europe. Il a fait part de l'intention du MAP et de l'ONF de consolider la filière de transformation, non pas en bradant le bois des forêts publiques, mais en cherchant à renforcer le lien entre la production et la consommation, par exemple par la mise en place de contrats d'approvisionnement des scieries. Il s'est félicité, à ce titre, des dispositions législatives introduites sur ce point dans la loi relative au développement des territoires ruraux et dans la loi d'orientation agricole.

Cette volonté de sortir d'une économie de cueillette pour passer à un système de valorisation efficace du bois avait justifié la mise en place d'une commission des ventes des bois des forêts publiques, qui avait permis de passer dans des conditions de pleine transparence du système d'adjudication au système économiquement plus performant du gré à gré. Il a rappelé que cette commission se réunissait tous les mois et examinait tous les contrats supérieurs à 5.000 mètres cubes par an. Reconnaissant que cette évolution avait suscité des réticences chez certains professionnels, il a estimé qu'elle n'en était pas moins indispensable si l'on songeait que la plus grande scierie française ne figurait pas parmi les trente premières scieries européennes et que la seconde ne représentait que 50 % du volume de la première. Il en a conclu que l'émiettement de la filière aboutissait à ce que l'engouement actuel pour le bois profite très peu à la France.

Le deuxième grand axe du contrat était de confirmer le régime forestier, c'est-à-dire le lien intime unissant l'ONF et les communes forestières, dans une relation dont l'Etat était le soutien financier au travers du versement compensateur. Il a indiqué que, comme M. Yann Gaillard, sénateur de l'Aube et Président de la FNCOFOR, il avait été partisan de conserver le régime forestier, même si cela devait se faire en euros courants, ce qui impliquait des gains de productivité. Il a estimé, en conclusion, que ce nouveau contrat était exigeant et volontaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Yann Gaillard

a souhaité souligner l'accord total entre l'ONF et la FNCOFOR, même s'il n'avait pas été facile à dessiner. Rappelant le débat intense sur le versement compensateur à l'occasion du projet de loi de finances pour 2004, il a estimé que M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche, marquait un intérêt plus soutenu pour la forêt que ses prédécesseurs.

Debut de section - Permalien
Henri Plauche-Gillon, Président de la Fédération nationale des syndicats de forestiers privés de France

a souhaité consacrer son propos à l'importante question de la certification forestière. Rappelant que celle-ci était la conséquence de la reconnaissance au sommet de Rio de 1992 du rôle environnemental de la forêt, il a jugé que le système FSC (Forest Stewardship Council), mis en place dans un premier temps par certains pays anglo-saxons, n'était pas adapté à la forêt européenne, ce qui avait amené 32 pays, essentiellement en Europe, mais aussi sur d'autres continents, à définir un programme de reconnaissance des certifications forestières (PEFC). 28 de ces 32 pays bénéficiaient d'ores et déjà de la certification, ce qui représentait 187 millions d'hectares de forêts et 2.500 entreprises. Il a admis que l'effort de certification prenait plus de temps pour la forêt privée que pour la forêt publique, en raison du grand nombre et de la petite taille des acteurs. Quant au fait que la France comptait un grand nombre d'entreprises certifiées, il était d'interprétation ambiguë, dans la mesure où il témoignait certes d'un effort réel de la filière, mais aussi de son émiettement. Il a indiqué que le système PEFC intègrerait bientôt la Russie, qui possédait la plus grosse surface forestière au monde, et le Gabon, ce qui représentait un événement très important en matière de protection et d'exploitation durable de la forêt tropicale. Il a déploré que les responsables du système FSC refusent, pour l'heure, une reconnaissance mutuelle avec le système PEFC. Souhaitant, en conclusion, que le bois certifié prenne une part majoritaire et, à terme, exclusive, il a souligné le rôle moteur en la matière de la commande publique et en a appelé à l'engagement des élus dans ce domaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Leroy

Après que M. Philippe Leroy, Président du groupe d'études « Forêt et filière bois » eut souhaité saluer l'action de M. Henri Plauche-Gillon en faveur du label PEFC, M. René Beaumont a fait part de son appréciation critique de la situation de la forêt française. Il a estimé que celle-ci ne résultait pas seulement des suites des tempêtes ou des importations d'Europe centrale, mais aussi d'une disposition législative spécifique à la France, qui avait interdit aux caisses de retraite de posséder des forêts, si bien que celles-ci s'apprêtaient à vendre les terres forestières qu'elles possédaient dans les 18 mois qui venaient. Rappelant qu'il avait interrogé le ministre de l'agriculture sur ce point par une question écrite, il a déploré de ne pas avoir reçu de réponse. Il a, en second lieu, estimé qu'il était discutable de présenter le nouveau contrat Etat-Office comme un contrat de développement de l'établissement public alors même que celui-ci fermait de nombreuses antennes comme dans son département de Saône-et-Loire. Il a souligné qu'une telle évolution ne pouvait qu'être très mal vécue par les élus locaux d'un département très forestier, puisqu'il était le premier producteur français de sapins de Douglas (Pseudotsuga Menziesii) et le deuxième de chêne. Il était d'autant plus regrettable de voir parallèlement la SNCF supprimer la plupart de ses gares-bois, puisqu'il n'en restait plus qu'une pour toute la Bourgogne. Il en a conclu que l'on assistait plutôt à l'enterrement de la forêt française.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bailly

a estimé qu'il fallait reconnaître que les services rendus aujourd'hui par l'ONF aux communes n'étaient plus aussi développés que par le passé, ce qui était du reste logique en raison de la réduction du nombre d'agents. Il a ensuite souhaité savoir si les ressources de la forêt française permettaient de faire face au développement du bois-énergie. Il s'est interrogé, enfin, sur les propositions concrètes qui pouvaient être faites pour soutenir la filière forêt-bois. Rappelant que ces questions revêtaient une importance considérable pour des départements comme celui du Jura, dont 46 % de la surface était boisée. Il a regretté l'absence d'une véritable politique forestière en France.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

a regretté la permanence des difficultés d'organisation de la filière et a souligné la question des coûts d'exploitation des forêts en montagne.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Le Cam

a estimé que seul demeurait le coeur de l'ONF, l'établissement public faisant l'objet d'une privatisation qui ne disait pas son nom. Relevant que les parcelles de forêt privée faisaient en moyenne trois hectares, il a estimé que les aides publiques n'étaient pas adaptées à ces petites surfaces. Il s'est également interrogé sur la capacité de la filière à fournir les chaudières au bois, souhaitant recueillir l'opinion de Mme Sylvie Alexandre sur ce point.

Debut de section - Permalien
Sylvie Alexandre, adjointe au Directeur général de la forêt et des affaires rurales au ministère de l'agriculture et de la pêche (MAP)

a tout d'abord présenté ses excuses à M. René Beaumont pour le retard pris par les services dans la réponse à la question écrite que celui-ci avait posée au ministre de l'agriculture. Rappelant que le taux de rentabilité des investissements forestiers était inférieur à celui d'autres placements, elle a estimé que cela pouvait expliquer en soi le souhait des caisses de retraite de se désengager de ce secteur.

En réponse à M. Gérard Le Cam, elle a reconnu que le système d'aides était peu adapté aux petits projets, ce qui s'expliquait par le cofinancement communautaire de ces aides et la lourdeur des procédures qui s'ensuivait. Elle a toutefois indiqué que le ministre souhaitait les simplifier. Elle a enfin rappelé que les contraintes budgétaires pesant sur l'ensemble des finances de l'Etat avaient nécessairement des conséquences sur le programme « Forêt », ce qui imposait de faire des choix. En l'espèce, ceux-ci avaient consisté à privilégier la reconstitution après les tempêtes et l'amélioration de la desserte des forêts.

Debut de section - Permalien
Pierre-Olivier Drège, Directeur général de l'ONF

a déclaré, en réponse à l'interpellation de M. René Beaumont, que la Saône-et-Loire n'avait pas été oubliée et que l'attente des maires imposait surtout une plus grande efficacité de la part de l'ONF. Il a indiqué que le choix avait été fait, dans la réorganisation de l'établissement public, d'alléger les superstructures au profit des actions de terrain.

En réponse aux interrogations de MM. Gérard Bailly et Gérard Le Cam quant aux capacités de la filière à faire face à la demande croissante de bois-énergie, il a souligné avec force que la forêt française, publique ou privée, était actuellement sous-exploitée. A ce titre, le nouveau contrat prévoyait de passer d'une production de 6,6 millions de mètres cube à 7,6 millions de mètres cube pour la forêt publique et de 6,8 à 7,5 millions de mètres cube pour la forêt privée, en développant en particulier l'exploitation en montagne. Il s'est donc élevé contre l'idée que le développement du bois-énergie pourrait assécher l'offre de bois, puisque celui-ci pourrait tout au plus permettre à certains produits forestiers de retrouver des prix normaux, ce qui n'était pas choquant. Il convenait de rappeler que la France disposait aujourd'hui de 30 millions de mètres cube supplémentaires pouvant être exploités, dont 12 millions dans des conditions faciles. Face à ces réserves, le bois-énergie ne représentait encore que quelques dizaines de milliers de mètres cube. Il n'y avait donc aucun risque de pénurie.

En réponse à M. François Fortassin, il a reconnu que la question de la valorisation des bois de montagne était importante, ce qui devait sans doute notamment amener à développer le débardage par câble, ce qui soulevait essentiellement des questions de coût.

Quant à l'appréciation de M. Gérard Le Cam, il a estimé qu'on ne pouvait aucunement parler d'une privatisation de l'ONF. Il a déclaré qu'on ne saurait en effet considérer que la recherche de la performance par un établissement public industriel et commercial constitué aux deux-tiers de fonctionnaires était une privatisation. Il jugeait au contraire que les pertes colossales que l'Office avait connues auraient pu conduire, si elles avaient perduré, à menacer sa survie.

Debut de section - Permalien
Henri Plauche-Gillon, président de la Fédération nationale des syndicats de forestiers privés de France

a confirmé les difficultés structurelles de la filière, estimant que l'outil industriel n'était pas à la hauteur de la forêt française. Il a souligné, pour le déplorer, qu'alors que les tempêtes de 1999 avaient entraîné la mise soudaine sur le marché de l'équivalent de trois années et demi de production, le sciage avait stagné en France et avait même reculé pour les résineux. Il a signalé que les coopératives forestières privées tâchaient de développer des réponses adaptées aux besoins des clients industriels ou du bois-énergie. Il a également jugé que la mise en place de contributions volontaires obligatoires (CVO) illustrait la volonté d'évolution des acteurs du secteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Leroy

Se félicitant de la qualité des échanges et de la large étendue des débats, et après avoir rappelé que les questions forestières intéressaient plus du quart du territoire national, M. Philippe Leroy, président du groupe d'études « Forêt et filière bois », a indiqué qu'il estimait souhaitable que de telles séances communes de la commission et du groupe d'études sur la forêt soient organisées annuellement.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

lui a répondu qu'il ferait part de ce souhait au président Jean-Paul Emorine et qu'il ne doutait pas que ce dernier en saisirait le Bureau de la commission.