Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation

Réunion du 8 novembre 2011 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

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  • apprentissage
  • logement

La réunion

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La commission procède tout d'abord à l'examen du rapport de M. Jean Germain, rapporteur spécial, sur la mission « Ville et logement » (et article 64).

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Germain

Les crédits de la mission « Ville et logement » s'élèvent, dans le projet de budget pour 2012, à 7 845 millions d'euros en autorisations d'engagement et 7 721 millions d'euros en crédits de paiement

La mission présente trois particularités :

elle est constituée à 99 %, de dépenses d'intervention ;

pour 72 % de leur montant total, les crédits de la mission sont destinés à une dépense de guichet, celle des aides personnelles au logement, auxquelles l'Etat contribue à travers la subvention d'équilibre versée au Fonds national d'aide au logement (FNAL) et dont il doit suivre mécaniquement la progression ;

elle comporte, enfin, un montant de dépenses fiscales rattachées qui s'élèvent à plus de 14 milliards d'euros et représentent désormais près du double des crédits budgétaires.

Il découle de ces caractéristiques que la mission est particulièrement sensible à l'application de la règle du zéro-valeur. Les conséquences sont immédiatement répercutées sur des dépenses d'intervention, c'est-à-dire sur l'action de l'Etat sur le terrain, à destination des ménages, des entreprises ou des collectivités.

En outre, la marge de manoeuvre du Parlement est extrêmement limitée dans l'examen des crédits de cette mission puisqu'il ne pourrait agir, en théorie, que sur 28 % de son montant total, c'est-à-dire sur le solde de la mission hors dépenses d'aides au logement.

Si l'on examine la globalité de la mission budgétaire, deux constatations peuvent être faites, qui étaient d'ailleurs formulées antérieurement par mon prédécesseur notre collègue Philippe Dallier.

La réduction progressive des crédits de la mission « Ville et logement » prévue par la loi de programmation des finances publiques pour la période 2011 à 2014 ne pourra pas être respectée en raison des difficultés sociales et économiques amplifiées par la crise depuis 2008. Les hypothèses sur lesquelles est bâti le projet de budget sont très contestables voire irréalistes et, comme les années précédentes, il y aura des « dérapages » sur les aides personnelles au logement d'une part et les dépenses d'hébergement pour lesquelles l'effort de rebasage des dotations est beaucoup trop limité.

Le budget de la mission illustre aussi la débudgétisation progressive de la politique du logement. D'abord par un transfert vers les dépenses fiscales qui sont par nature beaucoup moins maîtrisables et surtout qui ne profitent pas aux mêmes catégories de la population. Mais également par un report de la charge de financement des politiques publiques sur les autres acteurs du logement, entreprises, bailleurs sociaux et collectivités territoriales. Le Gouvernement a ainsi mis en place des « prélèvements forcés » pour compenser la suppression des financements. La loi de mobilisation pour le logement et de lutte contre l'exclusion du 25 mars 2009, a décidé un prélèvement triennal sur la participation des employeurs à l'effort de construction (PEEC). C'est désormais l'Etat qui fixe par la voie réglementaire les enveloppes prélevées en vue de les substituer notamment au financement par le budget de l'Etat du programme de rénovation urbaine, des actions de l'Agence de l'amélioration de l'habitat (ANAH) et du programme national de requalification des quartiers anciens dégradés (PNRQAD). Au total, sur la période triennale 2009-2011, ce sont 3,9 milliards d'euros qui auront été prélevés sur les moyens d'Action Logement. Le prochain cadre triennal des emplois pour la période 2012-2014 a déjà été défini par le Gouvernement. Nous n'en connaissons pas le détail par année, mais seulement les grands équilibres. Ils prévoient qu'Action Logement continuera à contribuer au financement de l'ANAH et de l'agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) à hauteur de 3,25 milliards d'euros sur la période.

Dans ces conditions, et alors que la PEEC n'est pas, comme l'a rappelé le conseil des prélèvements obligatoires en 2009, un prélèvement obligatoire en raison de la nature privée des organismes gestionnaires, Action Logement a intenté en octobre 2011 une action en justice contre l'Etat devant le Tribunal administratif de Paris.

Le second prélèvement forcé a été institué par la loi de finances pour 2011 sous la double forme d'un prélèvement assis sur le potentiel financier des organismes d'HLM et des sociétés d'économie mixte, dont le produit annuel est fixé à 175 millions d'euros, et d'une majoration de la part variable de la cotisation additionnelle qu'ils versent à la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS), plafonnée à 70 millions d'euros pendant trois ans.

Ces deux ressources abondent un fonds qui contribue au financement du programme de rénovation urbaine et, par le biais d'un reversement au budget de l'Etat par voie de fonds de concours, au développement et à l'amélioration du parc de logements locatifs sociaux.

C'est ainsi que par le biais de ce montage compliqué, le prélèvement HLM sera reversé pour un montant de 140 millions d'euros en 2012 au budget de l'Etat, non pas pour financer de nouveaux programmes de construction mais bien, dans la mesure où le versement est effectué exclusivement en crédits de paiement, pour compenser le désengagement de l'Etat.

J'en viens maintenant rapidement aux points principaux des quatre programmes de la mission dont trois concernent la politique du logement et le dernier la politique de la ville, à laquelle est rattachée désormais une action « Grand Paris ».

Le programme 177 « Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables » représente 1,204 milliard d'euros en autorisations d'engagement et crédits de paiement, soit 15 % du montant total de la mission « Ville et logement ».

Il y a à mon avis encore trop d'impasses budgétaires sur ce programme sur lequel le Gouvernement s'obstine à programmer des réductions de crédits à l'échéance de 2013, alors que depuis des années les dotations initiales sont abondées en cours d'année par décrets d'avance ou lois de finances rectificatives.

Les sous-budgétisations touchent notamment les dépenses d'aide alimentaire et de l'hébergement d'urgence. Elles prennent cette année une acuité toute particulière.

Pour l'aide alimentaire, malgré l'évidence des besoins en 2011, les crédits ouverts à ce titre en loi de finances initiale ont été inférieurs à la consommation de l'exercice 2010.

Dans le projet de budget pour 2012, les crédits de l'aide alimentaire s'établissent à 22,8 millions d'euros, soit une progression de 1,1 % qui sera sans aucun doute insuffisante, compte tenu de l'augmentation de la demande et du contexte très défavorable à la suite de la réduction drastique du Programme européen d'aide aux plus démunis (PEAD).

En ce qui concerne l'hébergement d'urgence, le projet de loi de finances prévoit une diminution des crédits qui passeraient de 248 millions à 244 millions d'euros.

Ce choix me semble très contestable compte tenu de la demande orientée vers les structures d'hébergement généralistes, qui est liée à l'insuffisance d'offre d'accueil dans les centres d'accueil des demandeurs d'asile (CADA), ce qu'avait souligné le récent rapport de notre commission des finances fait par Pierre Bernard-Reymond et Philippe Dallier.

Le programme 109 « Aide à l'accès au logement » finance les aides à la personne, les crédits de soutien aux associations dans le domaine du logement et assure le financement du système de garantie des risques locatifs. Il représente 73 % du montant total des crédits de paiement de la mission ; là encore, la prévision de dépenses de l'Etat au titre de la subvention d'équilibre du FNAL me semble exagérément optimiste. Elle serait de 5,558 milliards d'euros contre 5,277 milliards en 2011, mais l'on sait que le Gouvernement a déjà annoncé pour 2011 un abondement des crédits d'aides au logement qui sera prélevé sur les 600 millions transférés sur la mission « Provisions » à l'occasion de l'examen de la troisième loi de finances rectificative pour 2011, en contrepartie des moindres dépenses du FCTVA.

Le programme 135 « Développement et amélioration de l'offre de logement » regroupe les interventions de l'Etat en faveur de l'aide à la pierre. Comme celles-ci se sont déplacées vers des dépenses fiscales et que l'Etat s'est très largement désengagé de cette politique, l'importance de ce programme s'est réduit d'autant.

Ainsi par rapport à la loi de finances initiale pour 2011, les crédits de l'action 01 « Construction locative et amélioration du parc » diminuent de 9,8 % en autorisations d'engagement et de 31,1 % en crédits de paiement après une baisse de 17 % en loi de finances initiale pour 2011.

Malgré tout, selon les réponses fournies par le Gouvernement, la dotation de 450 millions d'euros en autorisations d'engagement, soit le montant total de l'action 01, à l'exclusion des dépenses en faveur des gens du voyage et de la subvention pour charges de service public versée à l'ANAH, doit permettre le financement de la production de 120 000 logements locatifs sociaux se décomposant en 22 500 prêts locatifs aidés d'intégration (PLAI), 55 000 prêts locatifs à usage social (PLUS) et 42 500 prêts locatifs sociaux (PLS).

Mais ces objectifs qui ne portent que sur le financement, et non la production réelle, sont maintenus au prix d'une réduction permanente des subventions moyennes par logement. Pour un PLUS, la subvention moyenne de l'Etat est ainsi de 600 euros.

J'en termine par le programme 147 « Politique de la ville et Grand Paris » qui représente 535,8 millions d'euros en autorisations d'engagement et 548,4 millions d'euros en crédits de paiement. Ce programme enregistre des diminutions de crédits par rapport à la loi de finances initiale pour 2011, respectivement de 14,2 % et 12,2 %, dues pour l'essentiel à la baisse des compensations d'exonération de cotisations sociales dans les zones franches urbaines, qui est la conséquence du plafonnement du niveau de salaire ouvrant droit à exonération.

Il n'y a pas d'évolution très significative sur ce programme. En particulier les crédits destinés à l'agence pour la cohésion sociale et l'égalité des chances (ACSé) restent stables. Quant au rattachement du Grand Paris, il est budgétairement symbolique. En effet, l'action Grand Paris du programme ne comprend que 1,5 million en autorisations d'engagement et crédits de paiement, correspondant à la participation du ministère de la ville au groupement d'intérêt public « Atelier international du Grand Paris ».

L'Assemblée nationale a examiné le budget de la mission en commission élargie le jeudi 3 novembre. Elle a adopté un amendement du Gouvernement visant à réduire de 22 millions d'euros les crédits de la mission au titre du plan d'économie supplémentaire d'un milliard d'euros annoncé le 24 août.

Ces réductions de crédits portent pour 15 millions sur le programme « Aide à l'accès au logement » en raison d'une révision à la baisse du besoin de dotation du fonds de garantie universelle des risques locatifs (GURL) pour 2012, ce qui n'est pas contestable, et pour 7 millions d'euros sur le programme « Politique de la ville et Grand Paris », à raison de 600 000 euros sur des dépenses de fonctionnement et de 6,4 millions d'euros sur les crédits d'intervention de l'ACSé, cette dernière mesure étant beaucoup plus problématique.

En tout état de cause, ces modifications ne sont pas de nature à modifier la position que je vous propose d'adopter sur cette mission et qui est le rejet des crédits. Je crois vous avoir en effet montré que ce budget n'était pas sincère compte tenu de ses sous-budgétisations répétées, qu'il n'était pas crédible à long terme puisqu'il poursuivait dans la voie d'un désengagement de l'Etat qui reporte les risques sur les partenaires de la politique du logement. Enfin, et plus généralement, ce budget n'est pas à la hauteur de la crise du logement que connaît notre pays et n'ayant pas les moyens comme rapporteur spécial de l'améliorer comme il devrait l'être, je ne peux que vous en proposer le rejet.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Voulez-vous nous présenter l'article rattaché à la mission ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Germain

L'article 64 porte sur les zones franches urbaines (ZFU) dont il propose de proroger, jusqu'au 31 décembre 2014, le régime fiscal et social en renforçant les conditions liées à l'emploi local.

Je vous rappelle que la mise en place du dispositif des ZFU s'est faite en trois vagues successives en 1997, 2004 et 2006. Elles sont actuellement au nombre de 100, dont 93 en métropole.

Dans les ZFU, les entreprises de moins de 50 salariés bénéficient d'un dispositif d'exonérations de charges sociales et fiscales pendant cinq années suivies d'une « sortie en sifflet ». Le dispositif des ZFU devait prendre fin au 31 décembre 2011 mais dans un contexte où la situation économique et sociale des quartiers, et notamment la situation de l'emploi dans les zone se dégrade, un groupe de travail présidé par notre collègue député Eric Raoult a remis un rapport au ministre de la ville le 13 juillet qui proposait la prorogation, avec les mêmes clauses, du dispositif d'exonération pour une nouvelle période de trois ans sur les 100 ZFU existantes

La proposition du Gouvernement qui figure à l'article 64 est légèrement différente. Il souhaite prolonger le dispositif jusqu'au 31 décembre 2014 mais également renforcer la clause d'embauche. Désormais, pour bénéficier des exonérations sociales et de certaines exonérations fiscales, les entreprises devront employer au moins 50 % de salariés résidant en ZFU ou en ZUS, contre un tiers auparavant.

Pour le volet social, le coût de la prolongation est estimé à 11 millions d'euros en 2012. Sur le volet fiscal, le coût de la prorogation n'aura d'effet qu'à partir de 2013. Il est estimé à 31 millions d'euros. Ces montants sont à rapprocher du coût total des ZFU pour 2011, soit 249 millions d'euros pour les exonérations fiscales et 192 millions d'euros pour les compensations des exonérations de charges sociales inscrites au programme 147, soit un total de 441 millions d'euros.

Personnellement, même si parfois l'efficacité des ZFU a suscité certaines interrogations, et en m'appuyant sur les constatations du rapport annuel de l'Observatoire national des zones urbaines sensibles (ONZUS), je considère que le dispositif des ZFU a eu un effet positif sur la création et le développement des entreprises et surtout, que ce régime dérogatoire a atténué les conséquences de la crise économique sur l'emploi dans les quartiers. Il suffit de prendre la mesure des taux de chômage, particulièrement chez les jeunes, dans les ZFU pour comprendre que la suppression de ce dispositif ne serait pas opportune dans le contexte de crise que nous connaissons. Je vous propose donc l'adoption de cet article sans modification

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

La situation de l'Ile-de-France est particulière. Le problème est essentiellement foncier. On a supprimé en 1981 l'opérateur foncier que nous avions, l'Agence Foncière et Technique de la Région Parisienne. Depuis, personne n'est en mesure de résoudre nos difficultés. En ce qui concerne le Grand Paris, je veux souligner la double peine dont est victime mon département, le Val d'Oise. Nous sommes ignorés par le projet de nouveau réseau de métro automatique et, de plus, le pôle de recherche et d'enseignement supérieur de Cergy-Pontoise est menacé par la priorité accordée au plateau de Saclay. Pourtant nous paierons les nouvelles taxes qui financent le Grand Paris. C'est un dispositif inique pour la grande couronne.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Jarlier

Deux sujets me préoccupent. Le ciblage des aides à la pierre pour le logement locatif social d'abord. Dans les secteurs non tendus, du monde rural, nous avons de plus en plus de problèmes de financement qui sont liés à la diminution des aides de l'Etat, concentrées sur les secteurs tendus. C'est lié aussi aux nouvelles orientations des aides de l'ANAH qui privilégient les propriétaires occupants au détriment des propriétaires bailleurs. Je comprends cette réorientation et il y a de bonnes choses, comme le programme « habiter mieux », mais les moyens sont très faibles.

Ma seconde préoccupation porte sur les modalités de calcul du prélèvement sur les offices HLM. Elles s'appuient sur le critère de potentiel financier mais il faudrait prendre en compte également la capacité d'autofinancement. J'avais d'ailleurs déposé un amendement en ce sens sur le projet de loi de finances pour 2011. Les conséquences sont parfois graves pour les offices, même dans les zones pauvres où les besoins en logement social sont importants, comme le Pas-de-Calais, dont l'office départemental doit verser une pénalité de 6 millions d'euros !

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Volontairement, je serai hors sujet. Je constate qu'il y a beaucoup de logements inoccupés en France. Pourquoi ne pas régler le prix du loyer sur le prix de la pierre et les revenus des ménages ? Et surtaxer ces logements inoccupés ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Je note que la direction générale de la cohésion sociale n'a renvoyé aucune réponse au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial. Cette situation renvoie-t-elle aux difficultés que nous constatons au niveau local quant à l'organisation des actions de cohésion sociale, bouleversée par les réformes administratives ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Je regrette que le rapporteur spécial nous propose un vote de rejet et je n'ai pas la même lecture sévère que lui du projet de budget. J'observe, notamment, qu'il prévoit des hausses de crédits par rapport au budget 2011, par exemple pour les aides au logement. Et je veux aussi souligner des réussites de la politique conduite en matière de logement, comme l'abaissement de 10 % du plafond de ressources pour l'accès au logement social ou l'expérimentation des loyers progressifs.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Je suis tentée de répondre à M. Delattre sur le Grand Paris... En ce qui concerne le budget du logement, comme le rapporteur spécial l'a souligné, la dépense repose désormais sur d'autres acteurs que l'Etat. En 2011, on nous a dit qu'il fallait ponctionner les HLM, les « dodus-dormants ». Même si nous avons un peu limité la « casse », avec Philippe Dallier, il y a bien des effets pervers. Et il fallait aussi financer la bosse de l'ANRU en bricolant le financement du Grand Paris... Cela montre surtout que l'Etat n'est pas à la hauteur de sa mission. Certes, il y a une augmentation de la production de logement, mais cela ne suffit pas à satisfaire la demande.

Combien de fois a-t-on dit que l'argent n'était pas dépensé à bon escient, comme avec le « Scellier » et aujourd'hui le Premier ministre annonce que cette niche prendra fin, comme cela était prévu initialement, fin 2012 !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Nous pourrions nous réjouir de cette approbation réciproque concernant la suppression du Scellier !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Emorine

Il faut rester modeste. La demande augmente en grande partie du fait de l'évolution sociologique de notre société. Je rappelle qu'en 2000, il n'y a eu que 38 000 logements sociaux construits contre plus de 120 000 aujourd'hui. Il faut noter aussi qu'en région parisienne, il y a des couples qui occupent des logements sociaux alors qu'ils ne devraient plus en bénéficier. Sur le Scellier, je me réjouis de sa suppression.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Germain

Je me suis peut-être exprimé imprudemment mais ma position n'est pas idéologique, elle est pragmatique. Mes observations ne sont d'ailleurs pas éloignées de celles que formulait Philippe Dallier dans ses rapports que j'ai lus. Chaque année on présente un budget en augmentation optique, mais en loi de finances rectificative, on rajoute des crédits très importants, ce n'est donc pas un projet de budget sincère. Sur le nombre de logements construits, il est parfaitement exact que depuis 2004, il a augmenté. Mais la question est de savoir si cela permet de résoudre la crise et la réponse est négative. A croissance démographique égale, il faut aujourd'hui construire plus, en raison de phénomènes comme la décohabitation, l'éclatement familial ou le vieillissement. Il faut aussi différencier en fonction des besoins des territoires et des types de logements, PLAI, PLUS ou PLS pour les revenus intermédiaires.

Ce qui est aussi contestable, c'est la débudgétisation de la politique du logement qui reporte la charge sur d'autres. Comme l'a dit la rapporteure générale, on ponctionne Action logement, à travers les deux programmes triennaux successifs, on ponctionne les organismes d'HLM mais aussi les collectivités territoriales. Sans leur soutien, aujourd'hui, il n'existerait pas de politique du logement.

En ce qui concerne les logements inoccupés, il existe la taxe sur les logements vacants que les collectivités peuvent instituer et moduler. Je signale toutefois que beaucoup de ces logements posent des problèmes d'habitabilité.

Sur la question des crédits d'aide à la pierre dans les secteurs non tendus, j'entends bien les inquiétudes exprimées. La raréfaction des crédits conduit au recentrage. C'est aujourd'hui l'administration centrale qui s'en charge, ce ne sont plus les préfets. Cette méthode est sans doute plus efficace mais sans nuance. De fait, l'avenir des aides à la pierre dans le monde rural est un vrai sujet qui implique aussi une réflexion sur les règles d'urbanisme très contraignantes surtout en l'absence de plan local d'urbanisme.

Pour le prélèvement sur les organismes HLM, il faudra absolument faire un bilan et revoir éventuellement le critère du potentiel financier.

Le taux de 0 % de réponses reçues sur le questionnaire concernant le programme 177 « Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables » est la conséquence d'un dysfonctionnement administratif que nous devions souligner et qui ne doit pas se reproduire. Je m'interroge aussi sur la logique d'une réforme de l'administration des aides à la pierre qui demande beaucoup au niveau local de proximité mais qui fait remonter le pouvoir de décision au niveau régional.

Sur la Région Ile-de-France et le Grand Paris, il existe actuellement un établissement public foncier régional mais je constate que son efficacité ne fait pas l'unanimité. J'ai en tout cas la conviction qu'il faut tenir compte de la spécificité de la région Ile-de-France.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

Je le répète, le problème foncier est crucial en Ile-de-France et on faisait mieux avec les villes nouvelles qu'aujourd'hui.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Peut être pourriez-vous, monsieur le rapporteur spécial, dans le cadre de vos travaux de contrôle, examiner les conséquences négatives de la ponction effectuée sur la PEEC sur l'allocation en fonds propres des opérations de construction de logements intermédiaires ?

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Ne prendriez vous pas en compte les nouvelles annonces du Gouvernement dans votre appréciation du projet de budget du logement ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Germain

Ce serait une anticipation et la mission n'inclut que des crédits budgétaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Serait-il possible d'actualiser le rapport « Pommellet » de 2005 sur le foncier disponible en Ile-de-France ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Germain

Cela demanderait un énorme travail et la coopération de nombreux organismes. Il me semble que cette actualisation doit être demandée aux administrations centrales.

A l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat le rejet des crédits de la mission « Ville et logement » et, à l'unanimité, l'adoption sans modification de l'article 64 du projet de loi de finances pour 2012.

La commission procède ensuite à l'examen des rapports de MM. François Patriat et Serge Dassault, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Travail et emploi » et le compte d'affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage » (et articles 62, 62 bis, 63, 63 bis, 63 ter et 63 quater).

Debut de section - PermalienPhoto de François Patriat

Monsieur le Président, mes chers collègues, la commission des finances m'a fait l'honneur de me confier l'examen des crédits de la politique de l'emploi et de l'apprentissage et je l'en remercie. Ce sont des sujets qui me tiennent à coeur notamment parce que la compétence en matière de formation professionnelle a été transférée aux régions. C'est aussi un enjeu majeur pour notre pays dans la crise économique qu'il traverse. A ce sujet, je recevrai, après notre réunion de commission, une délégation représentant une entreprise bourguignonne qui licencie 500 personnes.

Il me revient donc de vous présenter les crédits des programmes 102 et 103 et du compte d'affectation spéciale « Financement du développement et de la modernisation de l'apprentissage ». Je formulerai ensuite mes observations concernant le vote de ce budget.

Tout d'abord, quelques chiffres. Pour 2012, les crédits de la mission « Travail et emploi » s'établissent à 10,2 milliards d'euros de crédits de paiement et subissent une réduction de 11 % par rapport à 2011 (11,6 milliards d'euros). Le périmètre de la politique de l'emploi représente 9,4 milliards d'euros, soit 92 % des crédits de la mission ainsi répartis :

- 5,4 milliards d'euros pour le programme 102 « Accès et retour à l'emploi » ;

- 4 milliards d'euros pour le 103 « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi ».

En outre, le compte spécial « Apprentissage » comporte 575 millions d'euros destinés à assurer la péréquation de la taxe d'apprentissage entre les régions et le financement des contrats Etat-régions en faveur de l'apprentissage.

Quels sont les points marquants de ce budget pour 2012 ? Tout d'abord, il faut noter que pour participer à l'effort de réduction du déficit public, le Gouvernement a décidé de diminuer les moyens des programmes 102 et 103 de 1,4 milliard d'euros par rapport à 2011. Il faut toutefois s'étonner du fait que la totalité de la réduction des crédits porte sur des dépenses d'intervention. Cela s'explique notamment par la fin des financements exceptionnels du plan de relance de l'économie de 2009 qui pesaient encore près de 600 millions d'euros en 2011. Mais l'essentiel relève du choix du Gouvernement de sous-budgétiser de nombreux dispositifs. Je citerai quelques exemples :

- la subvention de l'Etat au Fonds de solidarité pour le financement de l'allocation de solidarité spécifique baissera de 200 millions d'euros (906 millions d'euros en 2012 au lieu de 1,15 milliard en 2011) ;

- la participation de l'Etat au financement des maisons de l'emploi devait baisser de 30 millions d'euros, mais nos collègues de l'Assemblée nationale ont souhaité limiter ce « coup de rabot » à 15 millions d'euros, ce que j'approuve ;

- l'enveloppe allouée au paiement du marché de l'association pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) pour les « publics fragiles » s'établit à 15 millions d'euros en 2012 au lieu de 51 millions en 2011 ;

- enfin, les crédits destinés au financement des contrats aidés sont ramenés de 2,02 milliards d'euros en 2011 à 1,9 milliard pour 2012.

Le Gouvernement présente la réduction des crédits affectés aux contrats aidés comme « assez marginale par rapport aux masses financières en jeu » mais cette réduction traduit le fait que l'objectif pour 2012 (340 000 contrats aidés) se situe en-deçà des 390 000 contrats aidés ouverts en 2011 (340 000 au titre de la loi de finances pour 2011 et 50 000 de plus décidés en cours d'année par le plan pour l'emploi). Cette sous-budgétisation est dangereuse. Et l'on pourrait penser que ce budget est insincère car il obligera tout futur Gouvernement à demander, en court d'année 2012, une ouverture massive de crédits supplémentaires afin de financer les contrats aidés qu'il faudra créer pour lutter contre la montée du chômage. Il faut rappeler qu'en 2010, la dépense finale des contrats aidés s'est élevée à 3,5 milliards d'euros de crédits au lieu de 1,77 milliard d'euros prévus initialement.

Enfin, je souhaite vous exposer un autre travers de ce budget. Ce que l'Etat ne peut financer lui-même, il le fait supporter par les partenaires sociaux, les opérateurs et les collectivités territoriales. Là encore, voici quelques exemples précis :

- pour financer la formation professionnelle, l'Etat veut pratiquer un nouveau prélèvement de 300 millions d'euros sur le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP) et en transférer la gestion à l'AFPA (75 millions d'euros), à l'Agence de services et de paiement (200 millions d'euros) et à Pôle emploi (25 millions d'euros) ; donc de facto des crédits débudgétisés ;

- par ailleurs, le Gouvernement a fait voter à l'Assemblée nationale un amendement, déposé en séance au dernier moment et sans que la commission des finances ait été en mesure de l'examiner, qui supprime l'allocation spécifique du fond national de l'emploi destinée à financer les préretraites versées dans le cadre de plans sociaux.

Au final, il ne s'agit pas de méconnaître l'impératif de retour à l'équilibre des finances publiques. Il ne s'agit pas non plus de demander plus de dépenses car nous savons que l'effort d'économie à réaliser en 2012 sera certainement supérieur aux 6 à 8 milliards d'euros annoncés par le Gouvernement. Mais c'est en toute responsabilité qu'il faut regretter le choix fait de se désengager des politiques actives de l'emploi et de lutte contre le chômage en ne faisant porter l'effort d'économie que sur les dépenses budgétaires.

En quelques mots, et pour terminer, je voudrais vous dire pourquoi ce choix est mauvais et, en conséquence, pourquoi le budget de la politique de l'emploi de ce Gouvernement doit être rejeté.

En effet, le coût global de la politique de l'emploi en 2012 ne se limite pas aux seules dépenses budgétaires de la mission « Travail et emploi ». Il faut également prendre en compte les éléments suivants :

- d'abord, toutes les dépenses fiscales, les « niches » liées à l'emploi qui représentent 10,81 milliards d'euros ;

- ensuite les allègements généraux de cotisations patronales pour un montant de 23,6 milliards d'euros, dont les 20,1 milliards d'euros d'allègements généraux de charges « Fillon » et les 3,5 milliards d'euros d'exonérations relatives aux heures supplémentaires de la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, dite loi « TEPA » ;

- enfin, une série d'exonérations ciblées de cotisations patronales qui représentent 1,84 milliard d'euros.

Au total, la politique de l'emploi mobilisera donc 47 milliards d'euros en 2012. C'est 9 % de moins que l'année dernière (51,44 milliards d'euros).

Ces économies sont nécessaires. Mais comme je viens de l'exposer, nous avons le choix de réduire un poste de dépenses plutôt qu'un autre.

Le choix du Gouvernement est clair : il veut réduire drastiquement les dépenses budgétaires d'intervention. Ce faisant, il prive le pays d'un levier de lutte important contre le chômage. Le budget pour 2012 de la politique de l'emploi ne sera pas de nature à influer activement sur la conjoncture. Il ne comporte aucune mesure nouvelle permettant de prendre le relais du plan de relance et de faire face à la dégradation du marché de l'emploi. Il fait même courir le risque d'une explosion des dépenses sur les dispositifs sous-budgétisés : les contrats aidés, l'accompagnement des restructurations économiques et les dépenses de solidarité. Alors que les tensions sur le marché du travail sont reparties à la hausse pour la fin 2011 et 2012, l'objectif du Gouvernement de baisse du taux de chômage à 9 % relève aujourd'hui d'une politique d'affichage. Je ne m'en réjouis certes pas mais il faut voir la réalité en face.

La voie suivie par la nouvelle majorité sénatoriale est radicalement différente : plutôt que de réduire les seules dépenses d'intervention de la politique de l'emploi, il faut supprimer les niches fiscales et sociales très coûteuses et sans effet sur le marché du travail. Notre commission et la commission des affaires sociales ont voté la suppression du dispositif d'exonération des heures supplémentaires : cela représente une économie globale de 4,9 milliards d'euros, bien supérieure à celle que souhaite faire le Gouvernement sur les dépenses d'intervention en faveur de l'emploi.

C'est pourquoi, mes chers collègues, je propose à la commission des finances de rejeter les crédits de la mission « Travail et emploi » et du compte d'affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage ».

Sur ce sujet, je voudrais signaler le décalage entre l'objectif du Gouvernement de porter le nombre des apprentis à 600 000 en 2015 et la réalité du terrain qui est moins optimiste. Dans la région Bourgogne, le Préfet souhaitait fixer un objectif de 15 000 apprentis, mais celui-ci a dû être ramené à 13 000 dans la convention d'objectifs et de moyens Etat-Région.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Dassault

Il me revient maintenant de vous présenter le budget du volet « Travail » de la mission, avec les programmes, 111 et 155. Je vous livrerai ensuite mes observations sur un certain nombre de sujets liés à l'emploi.

Le programme 111 « Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail » a pour objectif d'améliorer les conditions d'emploi et de travail des salariés. Il vise à garantir le respect du droit du travail, de la santé et de la sécurité au travail, du dialogue social et à lutter contre le travail illégal. Le respect du droit du travail, de la santé, et de la sécurité, est assuré par les inspecteurs du travail. Le dialogue social est garanti par le code du travail, avec les syndicats. Mais il y a un autre dialogue social, qui lui n'est pas prévu par le code du travail, et qui est tout aussi important, sinon plus, que le dialogue avec les syndicats. C'est celui qui concerne tous les salariés, acteurs indispensables à l'activité de toutes les entreprises, et sans lesquels il n'y aurait pas d'entreprises.

Les salariés ont un intérêt particulier à la poursuite des activités de leur entreprise car elle est leur « gagne-pain ». Les actionnaires ont intérêt à ce que les salariés soient motivés et travaillent dans de bonnes conditions.

C'est pour cela que toute direction d'entreprise doit, au maximum, motiver ses salariés et, dans ce but, elle doit supprimer leurs motifs d'insatisfaction, et satisfaire leurs besoins, qui sont au nombre de quatre :

- le besoin de savoir est couvert par l'information sur tout ce qui se passe dans l'entreprise, y compris ce qui concerne la gestion de la production, la vente et les résultats financiers ;

- le besoin de pouvoir est satisfait par la possibilité de prendre des responsabilités à tous les niveaux ;

- le besoin de considération, qui est le plus important, car il est la preuve que l'on existe, que l'on s'intéresse à vous, que vous faites partie de la famille ;

- le besoin d'avoir concerne les rémunérations, mais aussi l'intéressement, et surtout la participation. C'est pour cela que je propose, jusqu'ici sans succès, qu'il y ait égalité entre les dividendes et la participation. C'est ce que j'applique moi-même à Dassault Aviation depuis plus vingt ans et, aujourd'hui, l'ensemble du personnel touche trois à quatre mois de salaires supplémentaires, somme équivalente à la somme distribuée aux actionnaires.

En définitive, il n'y a pas, ou il ne devrait pas y avoir, les salariés d'un côté et le patron avec les actionnaires de l'autre. Les uns et les autres forment une grande équipe qui doit réussir à vendre des produits compétitifs pour satisfaire les clients. Car ce sont les clients qui, par leurs achats, apportent aux entreprises le financement nécessaire à leurs activités et les rémunérations des salariés et des actionnaires.

Le programme 111 porte aussi sur les engagements financiers liés à la mise en oeuvre de la loi du 20 août 2008 qui prévoit que la première mesure de l'audience des organisations syndicales sera réalisée avant la fin de l'année 2013, afin de démontrer leur véritable représentativité. Aussi le budget pour 2012 prévoit-il une progression des crédits de paiement de la ligne budgétaire consacrée à la mesure de l'audience syndicale, celle-ci passant de 9,7 millions d'euros en 2011 à 16 millions en 2012, soit une augmentation de 65 %.

Pour le reste, toutes les lignes budgétaires du programme 111 seront en diminution :

- la recherche et l'exploitation des études en matière de santé et de sécurité au travail (3,9 millions d'euros en CP au lieu de 4,6 millions) ;

- la formation des conseillers prud'hommes (8,1 millions d'euros au lieu de 9,6 millions) ;

- ainsi que les crédits versés aux deux opérateurs du programme, l'agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail et l'agence nationale de sécurité sanitaire, de l'alimentation, de l'environnement et du travail. Mais ce sont des « broutilles » par rapport aux économies possibles sur les autres programmes de la mission qui concernent l'emploi.

J'en viens au programme 155 « Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travail ». Il s'agit du programme « support » de la mission « Travail et emploi ». Il regroupe les moyens de soutien des politiques de l'emploi et du travail : les personnels, les crédits de fonctionnement et d'investissement, les moyens d'études, de statistiques, de recherche et d'évaluation. Il faut noter que les dépenses d'investissement progressent légèrement, de 2,5 millions d'euros, afin de moderniser l'informatisation et la dématérialisation des procédures.

Maintenant permettez-moi de vous présenter, rapidement, mes observations personnelles sur la politique de l'emploi.

Je déplore, depuis quelques années, que les crédits que l'on nous demande d'accepter ne reçoivent aucune justification quant à leur efficacité. Quelle est l'efficacité de Pôle Emploi ? Combien de demandeurs ont retrouvé du travail du fait de son action ?

Dans la situation financière critique où nous nous trouvons aujourd'hui, il importe plus que jamais de limiter les dépenses faites pour le développement de l'emploi qui ne sont pas suffisamment efficaces. La première et la plus emblématique est celle des 35 heures. Si elle a créé des emplois, surtout dans la fonction publique, elle a augmenté considérablement les dépenses de personnel. Pour les entreprises privées, elle a eu des conséquences dramatiques en réduisant de façon importante notre compétitivité et nos exportations. Quant aux allègements de charges sociales accordés aux entreprises pour compenser la réduction d'horaire, ils coûtent chaque année à l'Etat plus de 20 milliards d'euros. Ainsi, en dix ans, plus de 200 milliards d'euros ont été dépensés pour travailler moins, ce qui représente un gâchis considérable, et contribue à l'aggravation de notre dette. Le retour aux 39 heures constituerait un gain pour l'Etat de 20 milliards d'euros par an, un gain pour les entreprises par l'amélioration de leur compétitivité, un gain pour les salariés en pouvoir d'achat par l'augmentation du SMIC et, enfin, un gain pour la croissance.

Par ailleurs, il est totalement admis aujourd'hui que la prime pour l'emploi n'a aucun effet sur le retour à l'emploi. J'en préconise la suppression, ce qui représenterait une économie de 2,8 milliards d'euros.

La réduction de la TVA sur la restauration à 5 % coûte 3,2 milliards d'euros. Cela a-t-il réellement créé des emplois ? Personne ne peut en apporter la preuve. Compte tenu de l'urgence des économies à faire, je propose de la supprimer.

La suppression des exonérations sur les heures supplémentaires rapporterait plus de 4,5 milliards d'euros. Ces exonérations ne contribuent à la création d'aucun emploi, je pense qu'il faudrait les supprimer également, comme le propose maintenant le Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Dassault

J'aimerais maintenant vous parler de la raison principale du chômage des jeunes On ne leur donne aucune formation professionnelle, et quand ils sortent du collège à seize ans, sans aucune capacité, ni goût pour les études, ils échouent dans leurs quartiers. Ils ne savent rien faire et pire, ils n'ont plus envie de rien faire. Plus personne ne s'occupe d'eux, pas même, malheureusement, les parents. Alors, inactifs ou désoeuvrés, certains deviennent des délinquants et créent de l'insécurité au lieu de travailler. Il faut alors dépenser beaucoup d'énergie et d'argent pour les réinsérer, sans parler du coût induit pour maintenir la sécurité, alors qu'il aurait été plus efficace de leur apprendre un métier, avant leur sortie du système éducatif.

C'est pour cela que je pense qu'il faudrait supprimer le collège unique et revoir l'enseignement secondaire, en y incorporant une filière professionnelle et une filière diplômante.

Enfin, je voudrais vous signaler que les missions locales effectuent un travail remarquable d'insertion qui devrait encore davantage être soutenu budgétairement.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

S'agissant des Maisons de l'emploi, il serait dommage de rejeter le budget car nous ne pourrions pas adopter d'amendement pour abonder leurs crédits.

Debut de section - PermalienPhoto de François Patriat

Tout d'abord, je voudrais faire la part des choses. Certaines maisons de l'emploi sont excellentes, mais d'autres s'apparentent parfois à des officines para-publiques dont la préoccupation semble être de reconduire les crédits qui leur sont affectés. Lorsque Pôle Emploi, les missions locales et les maisons de l'emploi travaillent ensembles, il est possible d'obtenir de bons résultats. Pour répondre à votre question, Monsieur le Président, le rejet de ce budget empêchera de facto l'adoption d'amendements. Mais il restera la commission mixte paritaire pour opérer d'ultimes ajustements.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

C'est effectivement, en dernière extrémité, la voie empruntée l'an dernier.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

A quoi attribuer le déclin de l'apprentissage au sein des lycées professionnels et quelles orientations pourrions-nous prendre pour en relancer le financement et l'action ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Patriat

En matière d'emploi, il faut avoir l'esprit ouvert et ne pas segmenter les voies de la réussite car elles sont diverses, qu'il s'agisse de la formation initiale ou de l'apprentissage. Aussi, nous devons encourager les artisans et les PME qui vouent une vraie énergie au développement de l'apprentissage. Celui-ci n'est pas un danger, ni pour la formation initiale, ni pour l'éducation nationale qui a investi dans les lycées professionnels, même si ceux-ci connaissent une indéniable désaffection.

Afin de relancer une dynamique sans dépenses supplémentaires, l'économie que je préconise serait de partager les lieux existant entre les divers acteurs de la formation professionnelle et non d'en créer de nouveaux. Cet exemple a été suivi dans ma région, à Autun, autour des nouveaux métiers du bâtiment.

Enfin, je voudrais citer les trois raisons à la diminution du nombre des apprentis en lycées professionnels : l'instauration du bac professionnel en trois ans, la crise du BTP et la baisse des crédits d'accompagnement. Sur ce point, je plaide pour une meilleure répartition de la taxe d'apprentissage en améliorant le fonctionnement de la péréquation régionale. Ensuite, il faudrait étudier les voies et moyens permettant de mieux orienter le produit de la taxe vers les centres de formation des apprentis dans les « petits métiers ».

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Quels sont les avis des rapporteurs spéciaux sur l'adoption des crédits ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Patriat

Pour les raisons que je vous ai indiquées, notamment le choix stratégique du Gouvernement de réduire drastiquement les dépenses d'intervention, je confirme ma proposition de rejet des crédits de la mission et du compte spécial.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Dassault

Je propose au contraire de les adopter.

Les crédits de la mission « Travail et emploi » et du compte d'affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage » ne sont pas adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Nous en arrivons maintenant à la discussion des articles rattachés.

Debut de section - PermalienPhoto de François Patriat

L'article 62 vise à pérenniser le dispositif d'aide aux ateliers et chantiers d'insertion, adopté à titre transitoire en loi de finances pour 2010 et prolongé en 2011. Nous pouvons proposer au Sénat d'adopter cet article sans modification.

L'article 62 bis vise à supprimer l'allocation spéciale du Fonds national de l'emploi destinée aux préretraites versées dans le cadre de plans sociaux. Cet article résulte d'un amendement déposé dans la précipitation par le Gouvernement, en séance publique, et adopté sans que nos collègues députés aient pu véritablement l'examiner et consulter les partenaires sociaux. J'ajoute que l'allocation supprimée n'est remplacée par aucun dispositif. En effet, le contrat de sécurisation professionnelle (CSP), dont le Gouvernement assure qu'il prendra en charge les futurs licenciés pour motif économique, a vocation à aider les personnes en phase de reclassement et non les salariés âgés proches de la retraite. De plus, les crédits affectés au CSP pour 2012 apparaissent d'ores et déjà insuffisants. Pour ces motifs, je vous propose un amendement n° 1 de suppression de l'article 62 bis.

L'amendement n° 1 est adopté.

L'article 63 a pour objet de prélever 300 millions d'euros en 2012, sur le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP) et d'affecter cette somme à plusieurs organismes intervenant dans le champ de l'emploi et de la formation professionnelle : l'AFPA, l'agence de services et de paiement et Pôle emploi. Notre commission s'était déjà opposée à un prélèvement de même montant lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2011 car cette pratique fait peser sur les partenaires sociaux une charge qui leur est imposée par l'Etat. De plus, ce nouveau prélèvement fragilisera la trésorerie du Fonds. De ce fait, celui-ci pourrait connaître un déficit de 283 millions d'euros fin 2012. Aussi, je vous propose un amendement n° 2 de suppression de l'article 63.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Qui financera ces actions de formation professionnelle si le prélèvement est supprimé ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Patriat

Ce prélèvement est une débudgétisation de crédits qui ont vocation à figurer au sein de la mission « Travail et emploi ».

L'amendement n° 2 est adopté.

L'article 63 bis, adopté à l'Assemblée nationale à l'initiative de notre collègue Jean-Luc Warsmann, a pour objet de proroger de deux ans, du 31 décembre 2011 au 31 décembre 2013, les exonérations fiscales et sociales en faveur des entreprises qui exercent une activité dans les bassins d'emploi à redynamiser. Il me semble qu'un délai d'un an au lieu de deux est suffisant pour étudier l'efficacité de cette mesure d'incitation. Aussi, je vous propose d'adopter un amendement n° 3 qui limite la prorogation à une année au lieu de deux, soit au 31 décembre 2012.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Cela nous laissera le temps d'évaluer cette niche et d'y revenir l'année prochaine.

L'amendement n° 3 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de François Patriat

Enfin, je vous propose d'adopter sans modification les articles 63 ter et 63 quater. Le premier vise à adopter le calcul de la taxe d'apprentissage applicable en Alsace et en Moselle afin de tenir compte de la réforme de la part « quota » de la taxe d'apprentissage. Le second exonère d'impôts, de droits et de taxes, les transmissions effectuées entre les organismes collecteurs paritaires agréés (OPCA) dans le cadre des regroupements qu'ils devront réaliser en application de la loi du 24 novembre 2009 relative à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie.

A l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat le rejet des crédits de la mission « Travail et emploi » et du compte d'affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage ».

Elle décide de proposer au Sénat l'adoption sans modification de l'article 62 du projet de loi de finances pour 2012.

Elle adopte les amendements n°s 1 à 3 de M. François Patriat et décide, en conséquence, de proposer au Sénat la suppression des articles 62 bis et 63, et l'adoption de l'article 63 bis ainsi modifié.

Puis, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption sans modification des articles 63 ter et 63 quater.

La commission procède enfin à l'examen du rapport de Mme Frédérique Espagnac, rapporteure spéciale, sur la mission « Politique des territoires ».

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Espagnac

Je m'en tiendrai aux principaux éléments concernant, dans le projet de loi de finances pour 2012, la mission « Politique des territoires », dont j'ai le plaisir de rapporter les crédits pour la première fois. Cette mission poursuit, pour mémoire, l'objectif de soutenir le développement durable des territoires nationaux dans une perspective de développement solidaire et équilibré.

Elle s'inscrit en 2012 dans une grande continuité à l'égard de l'exercice 2011 et conserve ainsi un périmètre interministériel stable ainsi qu'une organisation inchangée pour ses deux programmes. Elle constitue par le volume de ses crédits la plus petite mission du budget général dotée d'objectifs de performance : 334,07 millions d'euros en AE et 340,81 millions d'euros en CP. J'ai relevé à cet égard que ces montants sont conformes aux plafonds prévus pour la mission par la loi de programmation des finances publiques en vigueur et qui couvre la période 2011-2014. L'objet de la mission place celle-ci au coeur de la politique transversale d'aménagement du territoire, qui excède de loin son périmètre. Chaque année, en effet, 5 milliards d'euros sont engagés pour l'aménagement du territoire, 5,35 milliards d'euros d'AE dans le présent projet de loi de finances pour 2012. La mission ne représentera donc en 2012 que 6,5 % de la totalité de ces crédits.

La mission « Politique des territoires » connaît une évolution contrastée de ses crédits par rapport à 2011 (- 4,63 % en AE et + 6,05 % en CP, avant le vote de l'Assemblée nationale). Et nos collègues députés ont, de plus, voté un amendement gouvernemental qui réduit de 3 millions d'euros en AE comme en CP ces crédits.

Pour ce qui concerne la contraction des AE, présente dès le projet initial mais accentuée par le vote de l'Assemblée nationale, elle ne poserait pas de difficultés d'après les informations que j'ai pu recueillir : elle résulte de la réduction de certains engagements, mais sans que les politiques conduites auparavant s'en trouvent réellement affaiblies. En effet, en 2011, des AE avaient été spécifiquement ouvertes pour financer la deuxième génération des pôles d'excellence rurale (PER), à hauteur de 40 millions d'euros, ainsi que différentes mesures nouvelles, pour 15,2 millions d'euros. La fin de ces besoins spécifiques explique la baisse de 15 millions d'euros en AE sur l'un des programmes de la mission en 2012. A eux seuls, les pôles d'excellence rurale représentent les deux-tiers de cette réduction des besoins en AE.

S'agissant des CP, pas de difficultés majeures non plus : les taux de consommation constatés lors des précédents exercices démontrent que la baisse des crédits ne devrait pas poser de difficultés.

La mission est, en outre, caractérisée par un niveau élevé de fonds de concours, 30 millions d'euros en AE et 40 millions d'euros en CP, qui bénéficient essentiellement au programme d'investissements en faveur de la Corse, et elle se singularise par des dépenses fiscales supérieures à ses crédits budgétaires, soit 421 millions d'euros. J'en viens maintenant aux deux programmes de la mission, dont le périmètre reste stable en 2012 :

le premier programme, « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » (PICPAT), piloté par le ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire, correspond aux moyens mis à la disposition de la délégation interministérielle à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale (DATAR) ;

le second programme, « Interventions territoriales de l'Etat » (PITE), relève du Premier ministre mais a été confié à la gestion du ministère chargé de l'intérieur. Dérogatoire aux règles du « droit commun » budgétaire, ce programme a été reconduit et recomposé en 2009 sous la forme de quatre actions, qui correspondent à quatre plans interministériels de portée régionale.

Sur le fond, les actions prévues pour ces programmes en 2012 constitueront la poursuite des actions engagées en 2011. Ainsi, le programme géré par la DATAR, le PICPAT est doté de 287,09 millions d'euros en AE et 304,74 millions d'euros en CP, soit respectivement une baisse de 5,14 % des AE et une hausse de 6,26 % des CP par rapport à la LFI pour 2011. Ces crédits seront principalement employés au financement des dispositifs suivants :

les contrats Etat-régions, dont la « génération » 2007-2013 entrera en 2012 dans sa sixième année d'exécution ;

la prime d'aménagement du territoire, outil d'aide à la localisation d'activités et d'emplois dans certaines zones prioritaires du territoire ;

les pôles d'excellence rurale, avec 642 projets retenus ;

les pôles de compétitivité et les « grappes d'entreprises » qui constituent une sorte de variante des pôles de compétitivité pour des réseaux d'entreprises de petite taille. Des appels à projets ont permis de sélectionner 42 grappes en 2010 et 84 en 2011 ;

le plan d'accompagnement du redéploiement des armées, dont la mise en place s'est accélérée en 2011 ;

les contrats de développement en faveur des Ardennes et de Châtellerault, le rétablissement du caractère maritime du Mont-Saint-Michel, le financement de schémas directeurs d'aménagement numérique du territoire...

Je renvoie à mon rapport écrit pour les nombreux détails de ce riche programme. Je voudrais souligner que la politique d'aménagement du territoire conduite par le Gouvernement est très largement responsable de l'impression de « saupoudrage », sans réelle lisibilité, qui ressort de la mise en oeuvre des dispositifs dans les territoires. Je me fais ici le relais des inquiétudes des élus locaux sur les conditions de labellisation des projets retenus au titre des grappes d'entreprises. Une large évaluation devrait nous aider à y voir plus clair. La politique de mise en concurrence entre les territoires n'est pas remise en cause, comme le montre le recours à la procédure des appels à projets, qui est devenue la règle : les premiers partis sont les premiers servis, au détriment de la péréquation et de l'intégration des projets dans une stratégie régionale globale. Ce sont souvent les territoires les mieux organisés qui sont aussi naturellement les mieux à même de répondre rapidement à ces appels à projets. Je ne m'étendrai pas non plus sur les interventions unilatérales et non concertées de l'Etat sur les territoires, je pense au « Grand Paris », mais aussi aux « projets d'intérêt général » (PIG) au travers desquels l'Etat impose ses vues aux collectivités. Qu'est devenue la décentralisation ?

J'en arrive maintenant au second programme de la mission, le PITE, qui est doté de 46,98 millions d'euros en AE, en baisse de 1,39 % par rapport à 2011, et de 36,06 millions d'euros en CP, en hausse de 3,42 % par rapport à 2011, la majorité de ces crédits se trouvant affectée à l'action relative à la Corse. Cette dernière action sera, de plus, abondée par des fonds de concours, à hauteur de 40 millions d'euros en CP, en provenance de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF), ce qui constitue une forme de « débudgétisation » regrettable.

Le PITE retrace, en effet, quatre actions :

le financement de la « reconquête » de la qualité de l'eau en Bretagne, seule action du PITE dont le montant varie en 2012, avec des AE en baisse de 6 % et des CP en hausse de 15 %. Cette action comporte notamment le « plan d'urgence nitrates » mais j'observe que la variation des crédits résulte de la hausse exceptionnelle des AE en 2011 sous l'effet de la mise en oeuvre du « plan de lutte contre les algues vertes » ;

la deuxième correspond au plan d'investissements en Corse ;

la troisième concerne l'écologie du marais poitevin ;

enfin, la dernière action du programme consiste en un « plan chlordécone » pour la Martinique et la Guadeloupe, en vue de faire face aux dangers de ce pesticide hautement toxique qui a été utilisé contre le charançon du bananier.

J'ai relevé que la composition du PITE pourrait évoluer après 2012 et que le ministère de l'intérieur a demandé aux préfets de région de faire remonter des projets territoriaux. Dans ce contexte, je m'interroge sur les raisons pour lesquelles il n'existe pas d'action spécifique pour les problèmes particuliers du pays basque, en vue de compléter la convention dédiée à ce territoire et pour laquelle le Gouvernement n'a donné aucune garantie de reconduction.

Par ailleurs, le maintien de l'effort de désendettement du PICPAT est un élément positif. Cet effort porte ses fruits pour la deuxième année consécutive puisque sa situation devrait rester saine en 2012. Dans ce contexte, j'attire l'attention sur la nécessité de conserver pour les prochains exercices un équilibre dans la répartition entre les AE et les CP du programme en vue de garantir sa soutenabilité et de ne pas reproduire les tensions observées entre 2003 et 2009. J'attirerai l'attention du Gouvernement sur ce point en séance publique.

J'en viens aux deux principales critiques que je souhaite formuler :

en premier lieu, l'efficacité des mesures mises en oeuvre par la mission me paraît incertaine et insuffisamment mesurée. Améliorer leur évaluation est donc nécessaire. Il faut voir les résultats effectifs des pôles de compétitivité et des « grappes d'entreprises », mais aussi des pôles d'excellence rurale ou, encore, de la prime d'aménagement du territoire (PAT), outil en faveur de l'emploi sur lequel la Cour des comptes a émis des réserves ;

en second lieu, l'évaluation que je préconise concerne les dépenses fiscales rattachées au programme que gère la DATAR. Trente dépenses fiscales sont rattachées au PICPAT pour un montant total minimal estimé de 421 millions d'euros en 2012, soit un montant supérieur aux crédits de la mission. La tendance au « saupoudrage » en la matière est inacceptable. Je m'inquiète du résultat des évaluations issues du rapport, rendu public en septembre 2011, du comité d'évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales, présidé par Henri Guillaume. Ce rapport s'est, en effet, montré très critique sur ces dispositifs, jugés quasi systématiquement inefficaces. Sur les vingt-et-une dépenses fiscales de la mission évaluées, dix-huit ont le score le plus faible : zéro ! Déjà, en octobre 2010, le Conseil des prélèvements obligatoires avait, dans son rapport sur les niches fiscales et sociales, évoqué des dispositifs à « l'efficacité incertaine ». Notre collègue François Marc, ancien rapporteur spécial, avait à plusieurs reprises exigé que ces dépenses fassent l'objet d'une évaluation rigoureuse de leurs performances. Je partage son analyse et j'ajoute qu'une remise à plat de ces mesures me semble à terme inévitable.

Pour conclure, je juge nécessaire d'accroître globalement l'efficacité des politiques d'aménagement du territoire, au-delà même de la présente mission, dans une démarche de solidarité accrue entre les territoires et de recherche d'une plus grande cohérence.

C'est sous le bénéfice de ces observations que je vous propose néanmoins l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Politique des territoires » pour 2012.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Emorine

Vous avez parlé des pôles de compétitivité, qui est un sujet dont notre collègue François Patriat connaît bien les problématiques. Ma remarque porte sur les dispositifs en direction du monde rural. Vous avez utilisé l'expression de « saupoudrage », mais j'observe que ces politiques se traduisent par un soutien à des petits projets, qui sont d'ailleurs souvent assez difficiles à mettre en place concrètement. Notre collègue Rémy Pointereau, ancien rapporteur pour avis de la mission « Politique des territoires » au nom de la commission de l'économie, avait d'ailleurs consacré en 2009 un rapport à la politique des pôles d'excellence rurale, auquel vous pouvez vous reporter. Il montrait bien l'intérêt de poursuivre ces mesures. De manière générale, et sans avoir de coûts financiers importants, ces politiques en faveur de la ruralité permettent de maintenir des activités dans des zones fragiles de notre territoire. En outre, je suis d'accord avec votre proposition d'adopter, sans modification, les crédits de la mission.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Je félicite notre nouvelle collègue pour son travail. Je me demande comment assurer un contrôle effectif du problème des nitrates en Bretagne et de ses effets désastreux à travers les algues vertes. Pour ce qui concerne le « plan chlordécone », mon interrogation est similaire, à quoi servent exactement les moyens engagés ? Enfin, je souhaite savoir si le grand emprunt a été utilisé pour les politiques d'aménagement du territoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Jarlier

Je voudrais faire une remarque sur le manque de lisibilité de notre politique d'aménagement du territoire. La mission est modeste par rapport aux crédits pris dans leur globalité, 5,35 milliards d'euros nous a-t-on dit, mais on a du mal à voir où va l'argent exactement. Il faut accroître la lisibilité de ces mesures, surtout au moment où les moyens sont de plus en plus réduits. La complexité des financements croisés est souvent pointée du doigt, mais il existe en réalité des financements croisés au sein même des politiques de l'Etat. Si nous voulons en arriver à des procédures plus simples et plus lisibles, nous avons besoin d'une approche globale et intégrée des projets de territoire portés par l'Etat, accompagnée d'un meilleure phasage avec les crédits européens.

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Botrel

Mon intervention porte sur le plan d'urgence nitrates et la politique de l'eau en Bretagne. Le rapport de notre collègue traite en fait de deux questions distinctes : la lutte contre les algues vertes, d'une part, et la fermeture des points de captage en contentieux, d'autre part. Dans chacun de ces cas les problèmes se posent dans des termes différents, notamment s'agissant de la potabilité de l'eau.

J'observe que malgré le recours au PITE pour assurer le financement de la fermeture des points de captage, les syndicats d'eau sont aussi intervenus. L'Etat n'a pas donc été le seul financeur, loin de là. Dans mon département, il était attendu à hauteur de 80 % des besoins mais son intervention a finalement été nettement inférieure. Je regrette cette variabilité de l'intervention effective des crédits nationaux selon les territoires concernés.

J'ajoute que la lutte contre les algues vertes se décompose en un volet curatif et un volet préventif, ce qui est très bien, mais il faut les faire converger. Les agriculteurs ont, de ce point de vue, fourni des efforts incontestables. Mais certains agriculteurs, minoritaires, soulignons-le, refusent toujours de se conformer à la réglementation. Cette dernière doit elle-même faire preuve d'une plus grande cohérence et ne pas contrevenir aux objectifs poursuivis : je m'étonne ainsi que les règles relatives à l'épandage aient fait dernièrement l'objet d'assouplissements. De même, la législation encourage le regroupement des exploitations, ce qui n'est pas satisfaisant. La simplification des procédures administratives était la demande principale sur le terrain mais on a préféré faciliter les regroupements.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Je félicite à mon tour notre collègue pour la clarté de son rapport. J'ajouterai à son exposé une remarque sur la politique de l'eau, et plus particulièrement sur les réseaux de distribution d'eau potable. A chaque fois que c'est possible, il faut utiliser l'eau gravitaire. Certes, cela ne permet pas de répondre aux besoins de l'ensemble du territoire national. Mais il est probable que les deux-tiers de la France pourraient être ainsi couverts. Non seulement, cette technique permet l'offre d'une eau de qualité mais elle est très rentable à partir d'une durée de vingt-cinq ans, sachant que les installations ont une durée de vie d'environ soixante ans et qu'on évite les coûts de pompage. Par ailleurs, en ce qui concerne la téléphonie mobile et le haut débit, j'estime opportun de s'inspirer des syndicats d'électricité qui avaient été créés dans les années 1950 pour répondre aux difficultés de raccordement des petits villages : les opérateurs devraient aujourd'hui participer au financement de cette couverture spécifique des zones grises et un système de péréquation entre grandes agglomérations urbaines et petites collectivités rurales devrait être mis en place.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Je m'interroge sur l'inscription au PITE d'un financement particulier pour la « poursuite de la reconquête de la qualité de l'eau en Bretagne ». Une telle politique devrait être assurée par les agences de l'eau et la question des points de captage devrait relever du ministère chargé de l'agriculture. Qu'est-ce qui justifie un tel sort particulier pour la Bretagne au sein des politiques d'aménagement du territoire ? Et ne serait-il pas plus simple de commenter l'ensemble des crédits affectés à une politique donnée, quelle que soit leur origine en termes de missions et de programmes ?

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Espagnac

Au président Philippe Marini, je répondrai que la décision de mettre en oeuvre un plan particulier au profit de la Bretagne correspond à l'existence d'un contentieux communautaire, auquel on a entendu répondre à travers une action interministérielle spécifique. Il s'agit d'un choix du Gouvernement.

La question de François Fortassin est plus large que le cadre de la mission dont je suis chargée de rapporter les crédits puisqu'elle porte sur la globalité de la politique de l'eau.

Sur la question de Michèle André, je confirme que le grand emprunt a bien été utilisé pour les politiques d'aménagement du territoire, notamment pour les pôles de compétitivité. Sur la mission « Politique des territoires », il a surtout permis d'apurer la dette exigible du fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT).

A Jean-Paul Emorine, j'indique que le rapport de notre collègue Rémy Pointereau relatif aux pôles d'excellence rurale, est utilisé et cité dans ma note de présentation. J'ajoute qu'une grande évaluation des pôles de compétitivité est prévue pour 2012 et permettra de remettre cette politique à plat le cas échéant.

Je partage, de plus, le souhait de Pierre Jarlier d'accroître la lisibilité de notre politique d'aménagement du territoire.

Enfin, pour répondre à plusieurs interventions, je précise que la mise en oeuvre du « plan d'urgence nitrates » a produit des résultats positifs. Sur les neuf prises d'eau concernées par le contentieux, quatre ont été fermées et cinq ont atteint ou vont atteindre un taux de nitrates conforme. Concernant le plan de lutte contre les algues vertes, le bilan reste à déterminer mais des éléments positifs se font jour. Le ramassage des algues échouées a ainsi permis, au 12 septembre 2011, la collecte d'environ 47 000 tonnes, soit légèrement plus qu'à la même date en 2010.

A l'issue de ce débat, la commission décide, à l'unanimité, de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Politique des territoires ».