Commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du 10 mai 2011 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • AFITF
  • infrastructure

La réunion

Source

La commission procède à l'audition de M. Dominique Perben, candidat aux fonctions de président du conseil d'administration de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF), en application des dispositions de la loi organique n° 2010-837 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relatives à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Emorine

Je souhaite la bienvenue à M. Dominique Perben, dont je n'oublie pas qu'il m'a mis le pied à l'étrier en politique. Après avoir été son suppléant, en 1988, je suis devenu député en même temps qu'il assumait les fonctions de ministre des DOM-TOM. Il peut compter sur tout mon soutien.

Je rappelle qu'en application du 5e alinéa de l'article 13 de la Constitution, la nomination du candidat aux fonctions de président du conseil d'administration de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) par décret en conseil des ministres ne peut intervenir qu'après son audition devant les commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat. Cette audition doit être suivie d'un vote.

Les modalités de cette procédure ont été précisées par la loi organique du 23 juillet 2010 et la loi ordinaire de la même date. Il est ainsi prévu que l'audition est publique, et ouverte à la presse. A son issue, je raccompagnerai M. Dominique Perben et demanderai aux personnes extérieures de bien vouloir quitter la salle afin que nous procédions au vote qui se déroulera à bulletin secret comme le prévoit l'article 19 bis de notre Règlement.

Je vous rappelle qu'en application de l'article 3 de la loi du 23 juillet 2010, il ne peut y avoir de délégation de vote et que le dépouillement doit être effectué simultanément, à l'Assemblée nationale et au Sénat en application de l'article 6 de la loi, qui modifie l'article 5 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires. L'Assemblée nationale procédant après nous à cette audition, nous attendrons pour procéder au dépouillement : il pourra avoir lieu lors de la réunion de la commission du développement durable demain vers 11 h 30.

Je vous rappelle enfin, qu'en application de l'article 13 de la Constitution, le Président de la République ne pourrait procéder à cette nomination, si l'addition des votes négatifs de chaque commission représentait au moins 3/5ème des suffrages exprimés dans les deux commissions.

Debut de section - Permalien
Dominique Perben

Vous savez que c'est en qualité de parlementaire que je puis être candidat à l'AFITF. Mais si je suis député depuis 1986, hormis les périodes où j'ai assumé des fonctions gouvernementales, je suis également élu local, et mon expérience à ce titre me paraît d'autant plus importante que l'Agence est, à mon sens, le lieu où peut se nouer un dialogue privilégié entre l'État et les collectivités locales sur les grands projets d'infrastructures de transport. J'ai été, vingt ans durant, maire de Châlons-sur-Saône et membre du conseil général de Saône-et-Loire, avant de bifurquer vers le conseil général du Rhône, jusqu'il y a peu... Et vous savez comme moi combien les élus locaux sont engagés dans les questions liées aux infrastructures.

Entre 2005 et 2007, j'ai été le ministre des transports et de l'équipement du gouvernement Villepin. C'est alors que je me suis familiarisé avec l'AFITF, créée par mon prédécesseur d'alors, Gilles de Robien, à la suite du Comité interministériel d'aménagement du territoire (CIADT) de 2003, marqué par la volonté du gouvernement Raffarin de définir des priorités en matière d'équipements structurants. Il s'agissait également de répondre, par la création de cette agence, comme d'autres avant lui avaient tenté de le faire via les fonds interministériels successifs que nous avons connus, à la nécessité de pouvoir compter, en dépit du principe d'annualité budgétaire, sur une programmation pluriannuelle. Le constat que dressait alors le CIADT invitait à accélérer le mouvement, en particulier pour le ferroviaire. D'où le second objectif assigné à l'AFITF d'assurer un transfert modal en finançant le rail à l'aide des recettes routières. Ce qui fut fait, puisque les fonds qui proviennent exclusivement de la route ont été investis dans le rail à 70 %. Vint ensuite le Grenelle de l'environnement, qui réaffirma la nécessité d'assurer le transfert modal par ce mode de financement.

J'ai bien entendu pris connaissance des différents rapports produits sur l'Agence, celui, radical, de la Cour des comptes, qui préconise purement et simplement sa suppression, celui de M. Claude Gressier, plus constructif, qui a donné lieu à un échange de correspondance entre le ministre et M. Gérard Longuet, président jusqu'il y a peu de l'AFITF.

Mon sentiment est que l'Agence a joué son rôle. Elle a donné une visibilité à moyen terme sur le financement des grandes infrastructures, favorisé le report modal, avec des ressources désormais à 100 % routières, hors dotations de l'État. Environ un tiers des projets financés par l'Agence concernent le secteur routier, et l'Agence a permis d'engager des travaux pour 18,6 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 11,5 milliards en crédits de paiements.

Bien sûr, des questions demeurent. Celle, tout d'abord, des ressources. Il fut difficile, pour le ministre de l'Équipement juste nommé en 2005, d'entendre le Premier ministre annoncer, lors de son investiture, la privatisation des sociétés autoroutières. J'ai dû accepter cette mesure, tout en me battant « bec et ongles » pour récupérer 4 milliards d'euros destinés à l'accélération des chantiers dont beaucoup, en 2005, étaient arrêtés ou remis en cause.

Les ressources pérennes affectées à l'Agence - provenant de la redevance domaniale, de la taxe d'aménagement du territoire, des amendes liées aux radars routiers - demeurent, on le sait, insuffisantes. L'AFITF reste tributaire des recettes budgétaires classiques. Dans le contexte financier que l'on connaît, il est clair qu'il faudra se battre pour obtenir un financement satisfaisant pour 2012-2013, date à laquelle, sachant qu'une procédure est en cours devant la juridiction administrative, devrait être instituée l'écotaxe, qui renforcera les ressources pérennes de l'Agence.

Autre question, celle de la mission d'évaluation de l'Agence, dont j'estime qu'elle mériterait d'être renforcée. Je l'ai dit, l'AFITF a tous les atouts, à mon sens, pour devenir le lieu d'un dialogue constructif avec les élus locaux qui pourrait déboucher, dans le respect, cela va de soi, des prérogatives de l'exécutif, sur une hiérarchisation des dossiers : un travail de décentralisation, en somme.

L'Agence, enfin, pourrait utilement engager une réflexion sur la question de l'ingénierie financière.

Autant de pistes pour parvenir à une meilleure gestion des infrastructures à court et moyen termes, en renforçant certaines des missions de l'AFITF au service des citoyens.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Teston

Au nom de l'orthodoxie financière, l'AFITF est contestée par certains parlementaires, membres des commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat, ainsi que par la Cour des comptes qui lui reproche de ne jouer aucun rôle dans la sélection des investissements et qui recommande de la supprimer, pour intégrer ses missions à la direction générale des infrastructures de transport et de la mer (DGITM). Le rapport des Ponts et chaussées, établi par M. Claude Gressier, est moins critique, et approuvé en cela par d'autres parlementaires - dont je suis - qui se consacrent aux questions relatives aux transports et considèrent qu'il est opportun de confier à une agence la part des financements de l'État, de façon à les sanctuariser dans la mesure où il est plus difficile, une fois les crédits délégués à l'AFITF, d'en faire une variable d'ajustement budgétaire.

Vous l'avez vous-même rappelé, le gouvernement Villepin, alors que vous étiez ministre de l'Équipement, a vendu les actions de l'État dans les sociétés d'autoroutes, le privant ainsi d'une rente qui représente bien davantage que les 4 milliards que vous avez pu préserver. Pire qu'une erreur, ce fut une faute politique. Car tant que l'Agence ne disposera pas de ressources pérennes suffisantes, grâce à une taxe poids lourds ou une taxe carbone, elle dépendra de la dotation de l'État - pour 980 millions, cette année, en loi de finances initiale. Situation bien difficile pour le futur président de l'Agence...

D'où ma question : dans le contexte d'incertitude budgétaire que nous connaissons, aggravé encore par la nécessité de refinancer, à hauteur de 28 milliards d'euros, la dette de Réseau ferré de France (RFF), comment envisagez-vous la mise en oeuvre des engagements du Grenelle, qui prévoient notamment la construction de lignes et d'infrastructures nouvelles afin de développer, conformément à notre ambition commune, les moyens de transport collectifs alternatifs à la route ?

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

Il est vrai qu'une dotation budgétaire spécialisée complique la tâche du ministère des finances dans la régulation budgétaire. Sans doute une telle spécialisation est-elle contraire au principe d'universalité budgétaire, mais elle reste l'un des meilleurs moyens de travailler sur le long terme.

Je veux vous dire ma satisfaction de vous voir candidat à la présidence de l'AFITF : ancien ministre et bon connaisseur des dossiers, vous aurez à la fois les moyens de travailler et de peser politiquement.

L'AFITF, née sous les meilleurs auspices, a progressivement vu sa légitimité mise en cause, jusqu'au récent jugement sévère de la Cour des comptes, qui recommande sa suppression pure et simple. C'est dire qu'il faudra nous battre. Car pour réussir le transfert modal, alors que le ferroviaire connaît les difficultés que l'on sait, nous avons plus que jamais besoin de l'Agence, qui a fait, en ce domaine, ses preuves.

Au-delà du jugement sévère qu'elle émet, la Cour des comptes ouvre cependant des pistes, que vous reprenez à raison. Elle relève ainsi que l'Agence pourrait être un lieu de concertation, de réflexion, d'expertise. L'AFITF pourrait de fait, en prenant la précaution de ne pas empiéter sur les prérogatives de l'exécutif, ainsi que vous l'avez fait valoir, évaluer les projets d'investissement. A l'heure où nous est soumis le schéma national des infrastructures de transport (SNIT), son expertise pourrait nous être précieuse. Proposer, comme vous le faites, qu'elle travaille à une hiérarchisation des projets, est judicieux, sachant que l'enveloppe financière dont nous pouvons disposer est finie, tandis que les besoins sont sans limites. De fait, nous devons faire des choix, au travers d'un dialogue qui pourrait, dans l'esprit du Grenelle, se faire même plus ouvert qu'avec les seuls élus locaux, pour parvenir à un consensus large sur les décisions d'investissement.

Oui à une réflexion sur l'ingénierie financière, dont nous savons tous qu'elle soulève des difficultés. Quant à la question des ressources, le budget de l'État étant ce qu'il est, nous savons tous qu'il faudra se battre pour garantir à l'Agence une dotation suffisante. Au-delà, il est bon de prévoir, comme vous le suggérez, une hiérarchisation et un suivi des opérations d'investissement. Peut-être serait-il bon également de proposer la création d'un fonds d'investissement voire l'appel à d'autres taxes pour équilibrer les comptes de l'Agence en lui assurant des ressources pérennes.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Sans revenir sur ce qui a été dit, les observations de la Cour des comptes m'engagent à vous poser deux questions. La Cour, étant entendu que la privatisation des sociétés d'autoroutes a privé l'Agence d'une manne précieuse, qualifie les circuits financiers qui caractérisent désormais les ressources de celle-ci de « surprenants » : des crédits sont prélevés sur le budget général avant d'y retourner sous la forme de fonds de concours. Elle déplore, dans le même temps, un défaut d'évaluation des projets. Au-delà de la sévérité du jugement qu'en conséquence elle prononce, elle suggère quelques pistes qui méritent d'être creusées, vous en reprenez quelques unes. En ce qui concerne les ressources, vous nous dites que l'écotaxe devrait pouvoir entrer en application fin 2013. Est-il envisageable, dans l'intervalle, que l'Agence recoure à l'emprunt ? En ce qui concerne les missions, vous semble-t-il possible que l'Agence aille plus loin encore qu'une simple évaluation, pour procéder à une sorte de sélection des projets ?

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Grignon

Deux questions locales et une troisième plus générale. Faute d'avoir pu aboutir sur la question de l'écotaxe, nous avons vu exploser, en Alsace, le nombre de passages poids lourds car les entreprises ont contourné le territoire allemand, soumis à l'écotaxe. Dans mon canton, on est passé, du jour au lendemain, de 1000 à 4000 transits. Peut-on espérer une solution avant fin 2013 ?

Vous avez évoqué la nécessaire hiérarchisation des projets. Quel est votre sentiment sur celui qui concerne la liaison fluviale Saône-Rhin, qui a connu bien des avatars, sous le nom de liaison Saône-Nord puis Saône-Moselle-Rhin, et pourrait se révéler très coûteux ?

Vous préconisez d'approfondir les contacts avec les élus locaux. Je puis vous dire, pour avoir rencontré une douzaine de présidents de région, qu'ils sont tous pris à la gorge par le problème du financement des infrastructures ferroviaires. Et je puis vous dire qu'il en serait de même quelle que soit leur couleur politique. Tous demandent, non seulement une affectation des ressources budgétaires, mais surtout une approche plus cohérente, à l'image des contrats de plan.

Vous proposez de travailler à hiérarchiser les projets, c'est bien courageux... Il faudra, de fait, en passer par là. Songez-vous à déléguer cette tâche aux spécialistes ou à créer un nouvel outil, à côté de ceux qui existent déjà, en gonflant les effectifs de l'Agence ?

Debut de section - Permalien
Dominique Perben

Ceux qui portent le point de vue de l'orthodoxie financière - la Cour des comptes, Bercy, mais aussi les parlementaires membres des commissions des finances - sont hostiles à tout mécanisme qui transgresse la règle de l'universalité et limite, du même coup, les possibilités de régulation. On ne saurait donc s'étonner de l'agacement que suscite chez eux l'Agence, qui constitue en somme un dispositif « antigel »... Reste qu'une fois démarré un projet lourd d'infrastructure, son financement doit être sanctuarisé.

Se pose également la question de la régénération, qui, outre le système ferroviaire, concernera bientôt le réseau routier, exigence qu'il faudra bien intégrer. Quel sens y a-t-il à lancer de nouveaux TGV, si l'on est incapable de faire rouler les trains Intercités dans de bonnes conditions ? C'est bien pourquoi j'avais lancé, en bonne intelligence avec Louis Gallois, le plan régénération 2005-2007. Il faudra faire de même pour la route.

L'évaluation peut certes déboucher sur une hiérarchisation, pour autant qu'elle soit avant tout qualitative, soit tout à la fois technique, environnementale, économique, ainsi que le recommandait, dans son rapport, le professeur Christian Saint-Etienne. Il importe de se demander si l'on s'est posé toutes les bonnes questions avant de lancer une nouvelle opération.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Celle de la valeur ajoutée du projet, en particulier...

Debut de section - Permalien
Dominique Perben

Le conseil d'administration de l'AFITF peut être le lieu adéquat. Ma première initiative, comme président, serait ainsi de rechercher, avec l'administration de l'Agence, les moyens de poser, prudemment, en évitant la polémique, mais avec détermination, les bonnes questions, étant entendu qu'il ne lui revient pas de trancher les choix publics - elle n'est pas légitime à le faire -, mais bien d'apporter son concours au législateur en évaluant la qualité des projets.

Un emprunt, Monsieur Roland Courteau ? Cela me parait techniquement possible, mais je ne suis pas sûr qu'une telle méthode réglerait, en particulier aux yeux de Bruxelles, la question de la maîtrise de la dette publique... Il n'appartient pas, en tout état de cause, au président de l'AFITF de décider de cette question...

La question de l'écotaxe, quant à elle, s'est posée alors que j'étais ministre de l'équipement. L'expérimentation en Alsace m'a été imposée par le Parlement. L'avis du Gouvernement était défavorable, compte tenu notamment de la complexité technique de cette expérimentation. Mais les élus ont souligné les reports de trafic très important que cette région subissait du fait de l'introduction de la taxe poids lourds en Allemagne, et nous nous sommes ralliés à cette volonté, ne souhaitant pas par ailleurs ouvrir un nouveau conflit avec les routiers français. A ma connaissance, le principe de l'expérimentation reste d'actualité, elle pourrait avoir lieu quelques mois avant la mise en place de la taxe poids lourds sur l'ensemble du territoire national fin 2013.

Sur la liaison Saône-Moselle, j'ai, comme ministre de l'équipement, lancé les premières études. Pour avoir longtemps été élu de Châlons-sur-Saône, je connais bien le dossier. Il s'agit, de fait, d'un projet très lourd.

Je suis convaincu qu'en matière de grandes infrastructures, le dialogue entre l'État et les régions est fondamental. Il faudra un jour ou l'autre se reposer la question de la flexibilité de leur fiscalité, pour rendre aux régions leur capacité d'initiative. Toutes les régions sont signataires de conventions lourdes en matière ferroviaire, tandis que leur budget reste très contraint. C'est là une vraie difficulté. Qui m'incline à penser qu'il est peut-être regrettable que les suggestions du rapport Gressier sur la composition du conseil d'administration de l'AFITF, qui auraient permis une représentation des présidents de région, n'aient pas été suivies... Je m'engage peut-être un peu loin, mais pas plus, au fond, qu'un éminent administrateur du conseil, le député Philippe Duron, qui connaît bien le problème. Il faut trouver les voies du dialogue.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Emorine

Je vous remercie de ces réponses. Nous allons à présent passer au vote.

Le public est invité à quitter la salle. Le président de la commission raccompagne M. Dominique Perben.

La commission procède au vote à bulletin secret sur la candidature de M. Dominique Perben à la présidence du conseil d'administration de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France.