La réunion

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La commission procède à l'audition de Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

L'outre-mer, dans cette commission, est une préoccupation constante. Madame la Ministre, devant votre exposé ou en réponse aux interventions de nos deux rapporteurs pour avis, nous vous demanderons en particulier de faire le point de la situation à Mayotte.

Debut de section - Permalien
Marie-Luce Penchard, des Collectivités territoriales et de l'Immigration, chargée de l'Outre-Mer

ministre auprès du ministre de l'Intérieur, de l'Outre-Mer, des Collectivités territoriales et de l'Immigration, chargée de l'Outre-Mer. - Effectivement, l'outre-mer mérite une attention particulière, d'autant que l'éloignement peut être source d'incompréhension. Pour la troisième année consécutive, je vous présente le budget de la mission « outre-mer » : 2011 a été une année de concrétisation à la fois de la loi pour le développement économique des outre-mer, dite Lodeom, et des décisions du Conseil interministériel de l'outre-mer (Ciom) du 6 novembre 2009. Le Conseil des ministres d'hier matin a consacré une grande partie de ses travaux à l'outre-mer, occasion de rappeler ces avancées.

Tous les pays industrialisés traversent une crise et la France ne fait pas exception. Le gouvernement entend ramener le déficit à 5,7 % de la richesse nationale en 2011, à 4,6 % en 2012 et à 3 % en 2013. Le Premier ministre a annoncé en août un plan de réduction de la dépense fiscale d'un montant de 11 milliards d'euros en 2012 ainsi qu'une diminution supplémentaire d'un milliard sur les dépenses budgétaires prévues pour 2012. Mon ministère prend sa part dans cet effort collectif. Les mesures d'économies préservent néanmoins les priorités en faveur du logement, du développement économique, de l'emploi, de la continuité territoriale, du soutien aux politiques locales d'aménagement du territoire.

Pour l'ensemble de la mission « outre-mer », les économies supplémentaires représentent 48 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 56 millions en crédits de paiement (CP). Le budget de la mission outre-mer pour 2012 s'établit, après contribution à l'effort national, à 2 131 millions en autorisations d'engagement et à 1 979 millions en crédits de paiement. Nous avons la capacité de poursuivre la mise en oeuvre des principaux engagements pris dans la Lodeom et au Ciom de 2009. En 2012, le niveau d'application sera identique à celui de 2011. Cette année, les derniers décrets de la Lodeom sont parus, notamment celui concernant la rénovation hôtelière. L'entrée en vigueur de ces décrets a eu des effets positifs sur les économies ultramarines. Avec la prime « bagasse », c'est plus de 50 millions d'euros qui ont été versés aux planteurs de canne de la Guadeloupe et de la Réunion pour les campagnes 2010 et 2011. Les aides budgétaires à la rénovation hôtelière seront débloquées très prochainement. Les zones franches d'activité ont dès 2010 eu un impact favorable sur des secteurs prioritaires comme l'agro-alimentaire. Les nouveaux dispositifs coûtent 75 millions d'euros et bénéficient à plus de 4 200 entreprises. Le gouvernement maintient, vous le voyez, son effort. La rationalisation de la dépense fiscale qu'ont détaillée Mme Pécresse et M. Baroin ne remet pas en cause ces priorités.

Quant aux décisions du Ciom, 90 % des 137 mesures sont en application. Le budget de l'outre-mer conservera en 2012 ses capacités d'intervention, en particulier sur les deux priorités que sont le logement et l'emploi mais aussi sur la continuité territoriale et le soutien aux collectivités.

L'action pour le logement outre-mer a été réorientée en faveur du logement social : les dotations correspondantes sont en constante augmentation depuis 2007. Malgré la conjoncture budgétaire difficile, les autorisations d'engagement de la ligne budgétaire unique (LBU) restent sanctuarisées à hauteur de 274,5 millions d'euros. La LBU demeure le socle du financement du logement social outre-mer. Pour 2012, le montant des crédits de paiement est en augmentation de 10,3 %, à 215,6 millions d'euros. Nous pourrons donc faire face aux engagements pris. En 2011, 7 500 logements locatifs sociaux auront été ainsi financés, contre 6 200 en 2010 : 3 720 le sont grâce à la défiscalisation, ce qui démontre l'effet de levier qu'elle représente, lorsqu'elle est couplée à la LBU.

L'autre priorité de ce budget concerne l'emploi et la formation. Les enveloppes supplémentaires pour le service militaire adapté (SMA) prennent en compte le doublement du nombre de stagiaires : 4 000 places de stages en 2011, ce sont 1 100 de plus qu'en 2010. Le taux d'insertion, malgré la crise, s'est maintenu à un niveau remarquable, 75 % en 2010 et sans doute 78 % cette année. Nous continuerons en 2012 sur la base d'objectifs aussi élevés.

Le Fonds exceptionnel pour la jeunesse a collecté près de 2,5 millions d'euros au profit de l'outre-mer en 2010. Les projets d'insertion, de lutte contre l'illettrisme, se multiplient. Les contrats aidés font partie intégrante de notre politique de l'emploi outre-mer, même si les financements correspondant ne figurent pas au sein de ma mission. Le nombre de ces contrats a été porté à 52 270 pour 2011, en augmentation de près de 12 %. Ces contrats représentent aussi plus de 9 % du total national.

S'agissant de la continuité territoriale, un premier bilan d'exécution des mesures votées dans la Lodeom montre que cette politique fonctionne bien. Sur les neuf premiers mois de 2011, près de 75 000 unités de voyage « Etat » ont été délivrés, plus de 100 000 sans doute d'ici la fin de l'année. L'enveloppe de 100 millions d'euros sera donc bien consommée et reconduite l'année prochaine. Je proposerai néanmoins dans les prochains mois des corrections, notamment pour le Pacifique, où le reste à payer par billet demeure significatif. De même, pour les étudiants qui passeraient des concours en métropole avant d'y intégrer une grande école, je souhaite que la règle de non cumul soit assouplie.

Les crédits du deuxième programme de la mission, le n° 138, sont consacrés à la compensation des exonérations de charges sociales. Le développement économique et social outre-mer dépend de la politique d'investissement propre à chaque collectivité. En 2011, à mi-parcours des programmations contractuelles, nous procédons à une actualisation, retirant des projets en panne, ajoutant de nouvelles initiatives, le tout à enveloppe constante.

Le volume des crédits prévus pour le financement des contrats de projet et de développement des territoires permettra d'atteindre un taux d'exécution en 2013 comparable à celui des contrats de projet en métropole, mieux que dans le passé en outre-mer.

J'en viens au fonds exceptionnel d'investissement (FEI) créé par la Lodeom. Son volume augmentera en 2012 : 17 millions d'euros d'autorisations d'engagement, 19 millions d'euros en crédits de paiement. En Polynésie française, la réforme de la dotation globale de développement économique (DGDE) a connu sa première année d'application : ce dispositif respecte l'autonomie de la Polynésie. L'accent est mis sur le développement territorial, la transparence et le contrôle des fonds publics.

La transformation de Mayotte en département est devenue effective le 31 mars 2011. Je m'y suis rendue le 14 octobre dernier pour écouter, consulter et faire des propositions de nature à débloquer le conflit en cours. Le processus de départementalisation se poursuit. Le projet de loi de finances pour 2012 prévoit la mise en place du RSA : 16 millions d'euros en année pleine, au titre de la solidarité nationale. Mais le Gouvernement a aussi engagé une démarche de rattrapage et de développement accéléré. Un fonds de développement économique, social et culturel est doté de 10 millions d'euros par an. Mayotte recevra également la dotation de rattrapage et de premier équipement pour un montant de 8,9 millions d'euros. Le contrat de projet 2008-2013 comprend 23 millions d'euros par an pour le développement durable et la modernisation des entreprises aquacoles, ainsi que 19 millions d'euros pour le logement social. Au total, les crédits pour Mayotte s'élèveront à 92,3 millions d'euros en autorisations d'engagement et à 75 millions d'euros en crédits de paiement, soit une progression respectivement de 3,2 % et de 1,5 %. Mayotte n'est pas le « parent pauvre » de la République ! Je précise enfin que le Président de la République a signé la demande de transformation de ce territoire en région ultrapériphérique, ce qui lui permettra de prétendre aux aides européennes. Ce budget permet donc à l'outre-mer de se développer et d'assumer ses responsabilités.

Debut de section - PermalienPhoto de Félix Desplan

Nouveau sénateur, je n'ai pas le recul de mon collègue Christian Cointat et je découvre ce budget. J'ai rencontré Mme la Ministre lundi et je lui ai déjà posé diverses questions. En outre, ses services ont répondu à nombre de points abordés dans le questionnaire budgétaire, mais je voudrais revenir sur certains d'entre eux. La loi organique du 27 juillet 2011 a prévu la création d'une collectivité unique en Martinique et en Guyane. Où en est la préparation de la fusion des administrations ? Faisant suite à la concertation avec les DOM sur le SMA, 1 200 jeunes Domiens devraient venir en métropole se former. C'est une bonne chose ; mais il ne faudrait pas oublier qu'ils seront loin de leurs familles et risquent de rencontrer certaines difficultés d'insertion. Ce problème a-t-il été pris en compte ? La continuité territoriale intérieure est applicable en Guyane. Or, la situation est comparable dans les îles du sud de la Guadeloupe. Où en est la réflexion sur le sujet ?

Debut de section - Permalien
Marie-Luce Penchard, des Collectivités territoriales et de l'Immigration, chargée de l'Outre-Mer

ministre auprès du ministre de l'Intérieur, de l'Outre-Mer, des Collectivités territoriales et de l'Immigration, chargée de l'Outre-Mer.-- La loi créant la collectivité unique a été adoptée et sera effective en 2014. Le Président de la République a choisi cette date afin que la réforme entre en vigueur concomitamment à celle des collectivités locales de métropole. D'ici là, il faut préparer l'échéance, c'est pourquoi j'ai décidé de créer une commission tripartite composée de douze représentants : quatre pour le département, quatre pour la région et quatre pour l'Etat, qui travaillera sur le transfert des compétences et se prononcera sur la nécessité de nouveaux textes législatifs ou règlementaires. En outre, la nomenclature budgétaire devra être modifiée. En ce qui concerne le SMA, nous encourageons la formation des jeunes Domiens mais nous nous soucions aussi d'une bonne insertion, afin que leur déracinement, car c'en est un, ne leur soit pas préjudiciable.

La continuité territoriale, maintenant : les relations entre l'outre-mer et la métropole sont de la responsabilité de l'Etat. En revanche, la continuité territoriale interne relève des collectivités. La Guyane fait exception dans la mesure où certaines de ses communes de l'intérieur ne sont pas reliées à la côte. La situation est différente en Guadeloupe ou en Polynésie française : des dessertes maritimes sont possibles. Une subvention exceptionnelle pourrait donc être versée à la Guyane pour régler ce problème, mais cette aide n'a pas vocation à être généralisée.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cointat

Un certain nombre de questions figurant dans le questionnaire budgétaire n'ont pas reçu de réponse satisfaisante. Je remarque que la délégation générale à l'outre-mer n'a pas toujours les moyens suffisants pour tenir toute sa place face aux autres services de l'Etat. Comment faire pour qu'elle soit plus écoutée ?

Les établissements pénitentiaires de Polynésie française et de Nouvelle-Calédonie se caractérisent par une surpopulation carcérale extrême : ainsi, le centre de Faa'a a un taux d'occupation de plus de 250 %, celui de Nouméa, proche des 200 %. Quelles mesures le gouvernement mettra-t-il en oeuvre pour gérer cette situation qui n'est plus supportable ?

En ce qui concerne la Nouvelle-Calédonie, les réponses au questionnaire budgétaire ont apporté peu d'éléments sur les mesures qui seront prises pour accompagner le projet Koniambo, dans la province Nord. Comment sera gérée l'entrée en service de l'usine, au deuxième semestre 2012 ? Quelles sont les conclusions du comité stratégique industriel ? Quand le schéma stratégique industriel sera-t-il élaboré ?

J'en viens à la Polynésie française : le président Oscar Temaru a annoncé, il y a quelques semaines, que la collectivité ne verserait pas au fonds intercommunal de péréquation (FIP) la quote-part qu'elle lui doit en vertu de la loi organique. Or, une réduction des ressources du FIP porterait gravement atteinte à l'autonomie des communes, qui comptent sur ce fonds pour financer une partie de leurs dépenses de fonctionnement. Que va faire le gouvernement ?

La renégociation des accords de libre-échange entre l'Union européenne et le Canada constitue un enjeu économique crucial pour Saint-Pierre-et-Miquelon, dont l'économie reste profondément dépendante du secteur halieutique. Nous craignons que cet accord ne fasse l'impasse sur ce petit bout de France. Les intérêts de la collectivité sont-ils pris en considération dans la renégociation ? Comment l'État aidera-t-il Saint-Pierre-et-Miquelon à faire face à la fermeture de Seafoods ? Le gouvernement entend-il assurer la diversification de l'économie de l'archipel, conformément à ce que prévoit le cadre contractuel 2007-2013 ? En outre, le statut de Saint-Pierre-et-Miquelon apparaît aujourd'hui inadapté aux enjeux. Le gouvernement envisage-t-il de lancer une réflexion sur les questions institutionnelles et statutaires ?

Enfin, dans les DOM et les COM, le coût de la vie est insupportablement élevé et cela ne s'explique ni par l'insularité, ni par l'éloignement, ni par l'étroitesse des marchés. Au Vanuatu, voisin de la Nouvelle-Calédonie, les mêmes produits importés sont vendus près de deux fois moins cher ! Cela risque de provoquer des explosions sociales. Comment le gouvernement entend-il moraliser le niveau des prix outre-mer ?

Debut de section - Permalien
Marie-Luce Penchard, des Collectivités territoriales et de l'Immigration, chargée de l'Outre-Mer

ministre auprès du ministre de l'Intérieur, de l'Outre-Mer, des Collectivités territoriales et de l'Immigration, chargée de l'Outre-Mer.-- La situation des établissements pénitentiaires est un vrai problème. Outre-mer comme en métropole, nous sommes confrontés à la surpopulation carcérale. Il a été décidé de construire 410 places supplémentaires en Polynésie française et leur livraison devrait intervenir en 2016. En outre, une étude est en cours pour réhabiliter le centre de Faa'a-Nuutania et le transformer en maison d'arrêt ; les conclusions devraient en être connues à la fin de l'année.

Pour la Nouvelle-Calédonie, le Garde des sceaux a validé la construction d'un nouveau centre pénitentiaire. Des offres foncières ont été faites et la décision devrait intervenir fin 2011. J'ai parlé de toutes ces questions avec M. Mercier lors du dernier conseil des ministres consacré à l'outre-mer.

Le projet Koniambo avance, grâce notamment à la défiscalisation, qui a permis de construire l'usine. Mais il faut aussi veiller à assurer des retombées locales. M. Fillon a annoncé que l'enveloppe qui y est consacrée serait maintenue au même niveau, et non touchée par l'effort fiscal général : 16 millions d'euros serviront à financer les équipements dont les habitants ont besoin.

En Polynésie française, j'ai pris acte de la décision du président Temaru. Nous avons sollicité pour ce territoire un prêt de l'Agence française de développement (AFD) et un premier décaissement est intervenu en juin. Le deuxième est prévu bientôt, mais nous attendons le bilan des mesures de redressement financier de la Polynésie. Le versement de cette deuxième part est d'ailleurs conditionné, entre autres, à l'abondement du FIP par le Pays ...

Le gouvernement a saisi la Commission européenne pour appeler son attention sur les négociations en cours avec le Canada et sur la situation de Saint-Pierre-et-Miquelon. Le commissaire en charge du développement m'a dit avoir proposé un report du libre-échange, de trois à sept ans selon les produits, afin de permettre à Saint-Pierre-et-Miquelon de se préparer à cette mutation.

Le dépôt de bilan de Seafoods est un sujet d'inquiétude. Je me suis rendue à Saint-Pierre-et-Miquelon, après avoir demandé un état des lieux. Durant des années, on a agi pour la pêche au coup par coup, sans vision globale. Aujourd'hui, la catastrophe est là. L'Etat entend lier son soutien à une restructuration de la filière, qui signifie la création d'un pôle unique, même s'il existe deux sites, l'un à Saint-Pierre, l'autre à Miquelon. Dans l'attente de cette restructuration, financée par les investisseurs locaux, l'Etat est disposé à accorder une aide immédiate.

Vous connaissez la position du gouvernement sur la question institutionnelle : à chaque territoire de déterminer les relations qu'il souhaite instaurer avec la métropole. En fonction des propositions qui nous sont faites, nous apportons des réponses. Si Saint-Pierre-et-Miquelon demande une évolution comme celle intervenue en Martinique et en Guyane, pourquoi pas. Mais ce n'est pas au gouvernement d'en prendre l'initiative.

Venons-en au coût de la vie outre-mer. Les territoires sont éloignés de la métropole et des centres d'approvisionnement. L'insularité ne favorise pas la concurrence, qui fait baisser les prix. Pourtant, l'Etat a agi : il a tiré les enseignements de la crise de février 2009 et joué un rôle de régulateur. Mais ne laissons pas penser que c'est lui qui fixe les prix. En revanche, il peut renforcer la transparence dans la fixation des prix. Selon le statut des territoires, la position de l'Etat est différente. Les COM instaurent souvent des taxes qui pèsent sur le panier de la ménagère. De nouvelles ressources doivent donc être trouvées pour éviter d'alourdir le coût des produits de première nécessité. Nous accompagnerons tous les territoires pour qu'ils mènent à bien cette réflexion. Ainsi, en Nouvelle-Calédonie, un Observatoire des prix a été créé et nous apportons notre aide pour réorienter la fiscalité. Des amendes sont prononcées en cas d'abus de position dominante, elles serviront d'exemple. A Mayotte, il fallait avant tout rétablir le dialogue. C'est pourquoi j'ai demandé au préfet de Mayotte d'engager une concertation et l'accord conclu a permis la baisse du prix de huit produits sur les dix qui faisaient l'objet des revendications. Nous n'avons pas pu aller plus loin car les distributeurs estimaient qu'on atteignait le niveau de la vente à perte. Nous avons donc choisi d'aider les familles. La collectivité, qui a un déficit de plus de 70 millions d'euros, consacre 7 millions d'euros à l'action sociale, sur un budget total de 330 millions d'euros. J'ai estimé que nous n'avions pas à nous substituer à la collectivité, mais la caisse d'allocations familiales distribuera des bons d'achat pour les produits de première nécessité. J'ai nommé un médiateur, M. Stanislas Martin, pour surveiller la formation des prix sur place et déterminer si nous avons encore des marges de manoeuvre.

Aujourd'hui, le mouvement de protestation a changé de nature : on n'a plus affaire à 5 000 manifestants dans la rue, mais des affrontements ont lieu avec des jeunes, sur des barricades. La négociation ne peut tout régler concernant la vie chère, mais les syndicats ont pris conscience des efforts du gouvernement et beaucoup ont signé le protocole d'accord. J'espère que la sérénité reviendra, afin que nous poursuivions la départementalisation. Quatre ordonnances sont en cours de rédaction et seront très prochainement soumises au conseil des ministres, sur le RSA, sur la création d'une caisse de retraite pour les travailleurs indépendants ou sur les droits des organisations syndicales. Et le préfet, sur place, est chargé de rechercher les solutions pour mettre un terme à la violence.

La délégation générale à l'outre-mer, qui a été mise en place dans le cadre de la RGPP, compte 170 agents, surtout de catégorie A, et ses missions sont essentiellement tournées vers la prospective et l'évaluation. L'équipe est désormais au complet et je souhaite que son intervention devienne plus prospective. Mais dans cette actualité législative riche, je considère que mon administration a su faire face.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Vous avez dit les limites de l'action gouvernementale face à la grande distribution. En fait, l'un des éléments structurels de la vie chère outre-mer, c'est que ces territoires dépendent exclusivement des importations. Ne pourrait-on encourager les productions, les filières locales ? Les prix baisseraient et le bilan carbone en serait amélioré.

Debut de section - Permalien
Marie-Luce Penchard, des Collectivités territoriales et de l'Immigration, chargée de l'Outre-Mer

ministre auprès du ministre de l'Intérieur, de l'Outre-Mer, des Collectivités territoriales et de l'Immigration, chargée de l'Outre-Mer.-- Pendant de nombreuses années, nous n'avons pas porté attention aux productions locales. De par leur histoire, ces régions étaient consacrées à la monoculture de la banane ou de la canne. Il convient effectivement d'encourager les filières locales pour que ces territoires soient moins tributaires des importations, mais aussi pour réduire le taux de chômage, insupportable. En plus du programme européen d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité (POSEI), le gouvernement a obtenu de Bruxelles qu'il puisse verser 40 millions d'euros supplémentaires pour développer certaines filières agricoles locales. Ainsi une filière viande a-t-elle été développée à La Réunion et les négociations avec la distribution lui ont ouvert les rayons des grandes surfaces. La viande qui y est vendue est de 5 à 20 % moins chère et de bonne qualité. Nous voulons faire de même pour les fruits et légumes. Alors les territoires seront moins dépendants des importations et les prix baisseront grâce à la concurrence. Il s'agit aussi d'éviter toute rupture d'approvisionnement. Mais l'Etat ne peut pas tout faire seul : les collectivités doivent également prendre leurs responsabilités et faire leurs choix de développement. Nous les accompagnerons, dans des relations fondées sur la confiance, le respect, le partenariat.

Debut de section - PermalienPhoto de Félix Desplan

En Guyane, on pourrait exploiter l'or industriellement ; et des gisements de pétrole ont été découverts. Mais quelles retombées économiques aurait pour le territoire un tel développement ? C'est cela qui importe.

Les DOM ont des difficultés budgétaires. Ils ont déjà des taux d'imposition très élevés, mais ils ne peuvent toujours pas s'appuyer sur un cadastre, qui manque, par exemple, en Guyane. Or, il faut que l'assiette des impôts soit suffisamment large. Comment améliorer les choses ?

Debut de section - Permalien
Marie-Luce Penchard, des Collectivités territoriales et de l'Immigration, chargée de l'Outre-Mer

ministre auprès du ministre de l'Intérieur, de l'Outre-Mer, des Collectivités territoriales et de l'Immigration, chargée de l'Outre-Mer.-- En Guyane, nous soutenons l'essor de la filière énergétique et vous connaissez le rôle des commissaires au développement endogène. Cinq projets industriels touchant la biomasse sont en cours. L'Etat a toujours été favorable à une activité aurifère industrielle. Le grand projet sur la montagne de Kaw n'a pas abouti faute d'entente entre les acteurs locaux. Mais je soutiens toujours l'idée d'une restructuration de la filière et je crois tout à fait possible de préserver la richesse et la diversité guyanaise tout en renforçant le développement économique. Cela s'est fait en Nouvelle-Calédonie avec le nickel, alors que son lagon est classé au patrimoine mondial par l'Unesco. Et si l'on n'organise pas l'activité, celle-ci est exercée en sous-main, dans des conditions discutables. En Guyane, le schéma minier est en cours d'élaboration, il vise à déterminer les lieux où une exploitation industrielle est autorisée et ceux où la biodiversité doit être protégée.

De nombreux indices suggèrent la présence de gisements de pétrole au large de la Guyane : la réaction immédiate du gouvernement a été de lier une future exploitation aux retombées pour le territoire. Et je mène un travail avec Mme Kosciusko-Morizet pour que les éventuels projets soient respectueux de l'environnement. Il faudra aussi, bien sûr, revoir la fiscalité. Avançons dans la transparence, ces évolutions sont une chance pour la Guyane et nous espérons qu'elles se traduiront par un développement équilibré.

Nous voulons aider les collectivités à connaître mieux leurs bases fiscales afin de dégager de meilleures ressources. Il est bien sûr préférable de les aider à trouver des recettes que de leur verser des subventions ! En Guyane, nous avons nommé un géomètre supplémentaire pour avancer dans ce travail : les collectivités y ont déjà gagné de nouvelles recettes.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Vos réponses ne me conviennent pas tout à fait. Ce n'est pas l'Etat qui fixe les prix, dites-vous. Mais l'Etat peut faire pression, en particulier pour une augmentation des salaires ! Les Mahorais ne demandent pas la charité, ils ne mendient pas des bons de réduction, ils attendent des conditions de vie décentes. Ils se sont très majoritairement prononcés pour la départementalisation, il ne faut pas qu'ils soient à présent déçus. Et ils ont le droit de revendiquer une vie plus digne et plus juste. Que l'Etat donne aux collectivités les moyens d'assurer leurs missions ! Je crains cependant que nous soyons assis sur une poudrière, à Mayotte et ailleurs...

Vous savez que je m'intéresse à la question de l'immigration. J'ai visité le centre de rétention de Mayotte il y a trois ans : les conditions de vie y étaient terribles. Dans quel état est-il maintenant ? Des promesses avaient été faites : où en est-on ?

Debut de section - Permalien
Marie-Luce Penchard, des Collectivités territoriales et de l'Immigration, chargée de l'Outre-Mer

ministre auprès du ministre de l'Intérieur, de l'Outre-Mer, des Collectivités territoriales et de l'Immigration, chargée de l'Outre-Mer.-- Je n'oublie pas que j'ai connu la départementalisation, qui nous a apporté beaucoup. J'ai donc soutenu cette évolution institutionnelle. D'autant que des engagements avaient été pris depuis longtemps à l'égard des Mahorais : il était nécessaire de régulariser la situation et d'honorer, enfin, les promesses...

J'aimerais augmenter les salaires, porter les minima sociaux au niveau métropolitain ; je ne me satisfais pas de voir comment vivent les gens dans certains quartiers d'habitat dégradé. Mais le principe de réalité est incontournable. Améliorer le pouvoir d'achat exige d'agir sur les prix ou les salaires. Or, nous avons déjà réévalué le smic, désormais à 85 % du niveau de métropole. Un RSA élevé, certes : encore faut-il développer le tissu économique, aujourd'hui très fragile. Pour augmenter le revenu de solidarité active, il faudrait augmenter les cotisations des entreprises : pourraient-elles le supporter ? Si une hausse brutale déstabilisait les entreprises et provoquait la disparition ou le départ d'un certain nombre d'entre elles, comment pourrions-nous accompagner le développement ? Ayons le souci des équilibres.

La collectivité doit exercer toutes ses compétences départementales : compétence scolaire, entretien des routes, etc. Mais le transfert interviendra progressivement, dans l'intérêt de tous. Le pacte pour la départementalisation, qui accompagnait le projet de loi, le prévoyait ainsi. Ni les compétences, ni l'ensemble des taxes, ne peuvent être transférées tout de suite. La départementalisation a sans doute suscité beaucoup d'espoirs. Mais de nombreux dossiers auraient pu être traités dans le cadre juridique de l'article 74 de la Constitution, autrement dit sous l'ancien statut de Mayotte ; ils ne l'ont pas été et ils resurgissent maintenant...

La collectivité est fortement déficitaire, mais l'Etat n'entend pas verser d'importantes dotations, parce que les dépenses de fonctionnement ne sont pas toutes rationnelles.

Enfin, le centre de rétention administrative de Mayotte a fait l'objet de travaux d'aménagement et la situation est désormais plus acceptable. Mais l'objectif de reconstruire ce centre n'a pas disparu. On passerait alors de 60 à 136 places en 2014.