La commission a d'abord procédé à l'examen du rapport de M. Xavier Pintat sur le projet de loi n° 335 (2008-2009), autorisant l'approbation de l'accord de coopération entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de l'Inde pour le développement des utilisations pacifiques de l'énergie nucléaire.
a indiqué que la France et l'Inde avaient posé le principe d'une coopération nucléaire civile dans deux déclarations conjointes des 12 septembre 2005 et 20 février 2006. L'accord de coopération pour le développement des utilisations pacifiques de l'énergie nucléaire, signé à Paris le 30 septembre 2008, en constituait la concrétisation.
L'Inde est actuellement le sixième consommateur mondial d'énergie et sa demande s'accroît de manière extrêmement rapide du fait de sa démographie, de la croissance économique et de la volonté d'améliorer l'accès de la population au réseau électrique. L'énergie nucléaire, avec dix-sept réacteurs en fonctionnement, ne couvre que 3 % des besoins en électricité de l'Inde. Son développement est un axe privilégié par les autorités indiennes pour répondre à la progression de la demande, dans le cadre d'un plan prévoyant de multiplier par dix la capacité de production d'électricité d'origine nucléaire avant 2020. L'Inde envisage ainsi de se doter de vingt-cinq à trente réacteurs supplémentaires, plus puissants que les réacteurs actuels.
a indiqué que cette politique ambitieuse supposait la reprise d'une coopération internationale qui avait été en partie remise en cause dès le premier essai nucléaire indien de 1974, puis fortement réduite à la suite d'une décision de principe prise en 1992 par le Groupe des fournisseurs nucléaires (Nuclear Suppliers Group - NSG). Celui-ci exclut en effet l'exportation de technologie nucléaire vers les Etats n'ayant pas accepté les « garanties généralisées » de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), c'est-à-dire le placement de la totalité de leur programme nucléaire sous le contrôle de l'agence. Or l'Inde, du fait de son programme nucléaire militaire, ne pouvait satisfaire à cette condition.
Cette situation a évolué à la suite de négociations intervenues durant près de trois années avec l'Inde ainsi qu'au sein de l'AIEA et du NSG.
L'Inde a adopté en 2006 un plan de séparation entre ses installations et activités nucléaires militaires, d'une part, et nucléaires civiles, d'autre part. Elle a identifié les installations qu'elle soumettra au contrôle de l'AIEA à des échéances définies et qui comprennent à la fois certaines installations civiles existantes et toutes les futures centrales nucléaires.
Un nouvel accord de garanties, entré en vigueur cette année, a été conclu entre l'Inde et l'AIEA. L'Inde a également signé, le 15 mai 2009, un protocole additionnel qui donne à l'AIEA les pouvoirs d'inspection et de contrôle les plus étendus sur les installations et activités civiles soumises aux garanties.
L'Inde s'est engagée à ne pas transférer de technologies d'enrichissement et de retraitement aux Etats qui n'en sont pas possesseurs et à établir un système national de contrôle des exportations. Elle s'est également engagée à maintenir son moratoire unilatéral sur les essais nucléaires et à collaborer à la conclusion d'un traité multilatéral d'interdiction de la production de matières fissiles pour les armes nucléaires.
Au vu de cette démarche, les quarante-cinq Etats du NSG ont adopté, le 6 septembre 2008 par consensus, une décision exemptant l'Inde de la clause des garanties généralisées. Le NSG a autorisé ses membres à transférer des articles ou technologies destinées à des applications pacifiques dans les installations nucléaires civiles indiennes soumises aux garanties de l'AIEA.
Cette décision du NSG a ouvert la voie à la conclusion par l'Inde d'accords de coopération bilatéraux avec la France, les Etats-Unis d'Amérique et la Russie.
a souligné l'évolution notable de la position de l'Inde au regard du régime international de non-prolifération nucléaire. Bien que n'ayant pas adhéré au traité de non-prolifération (TNP), l'Inde a souscrit auprès des instances internationales des engagements concrets précis en matière de non-prolifération qui lui ouvrent désormais l'accès à la coopération nucléaire civile.
a estimé que ces engagements, tout comme le fait que l'Inde n'ait jamais été par le passé à l'origine de flux de prolifération en matière nucléaire, avaient fortement pesé dans la décision du NSG qui ne pouvait également ignorer l'impact des besoins énergétiques indiens sur la lutte contre les changements climatiques et l'intérêt de l'énergie nucléaire pour contribuer à les satisfaire.
a ensuite présenté les principales dispositions de l'accord franco-indien du 30 septembre 2008 qui énumère les différents champs de coopération, notamment la recherche fondamentale, la coopération relative aux réacteurs nucléaires civils, la fourniture de combustible, la gestion du combustible nucléaire et des déchets, la sûreté et la radioprotection, ainsi que les recherches sur la fusion nucléaire dans le cadre d'ITER, l'Inde étant l'un des partenaires du projet.
L'accord souligne l'objet exclusivement pacifique de la coopération et il prévoit explicitement que les matières, équipements et technologies transférés sont soumis aux garanties de l'AIEA. De même, conformément aux règles internationales, les exportations de biens et technologies nucléaires vers l'Inde ne pourront s'effectuer que vers des installations soumises aux garanties de l'AIEA.
a ajouté qu'AREVA avait été sélectionné au mois d'août dernier pour la construction de deux réacteurs nucléaires et la fourniture du combustible associé. Ultérieurement, quatre autres réacteurs pourraient également être réalisés sur le même site, sur la côte occidentale de l'Inde.
En conclusion, M. Xavier Pintat, rapporteur, a souligné l'importance des enjeux énergétiques pour l'Inde et rappelé les raisons ayant conduit le Groupe des fournisseurs nucléaires à lever les obstacles à la coopération nucléaire civile avec ce pays. Il a demandé à la commission d'adopter le projet de loi autorisant l'approbation d'un accord s'inscrivant dans le cadre du partenariat stratégique franco-indien.
A la suite de cet exposé, M. Jean-Pierre Chevènement s'est demandé si la décision prise par le NSG à l'égard de l'Inde ne risquait pas d'être inévitablement ressentie comme une fragilisation du TNP, dans la mesure où l'Inde se voit proposer une coopération nucléaire civile alors qu'elle a développé un programme nucléaire militaire hors du cadre du TNP. Il a toutefois reconnu qu'un consensus large, incluant notamment la Chine, s'était établi sur la situation particulière de l'Inde, tant au sein du NSG qu'au conseil des gouverneurs de l'AIEA. Il s'est interrogé sur ce que serait l'attitude du NSG si le Pakistan ou Israël, non adhérents au TNP, venaient à demander le bénéfice du même traitement.
a rappelé que la situation de l'Inde à l'égard du TNP avait constitué le principal obstacle au développement d'une coopération nucléaire civile, ce qui expliquait la longueur des négociations approfondies menées avec le NSG. Par ailleurs, si l'Inde a développé un programme nucléaire militaire, elle n'a enfreint aucun de ses engagements internationaux, puisqu'elle n'avait pas adhéré au TNP. Alors qu'il paraît aujourd'hui difficile que l'Inde renonce à l'arme nucléaire, les décisions prises au sein de l'AIEA et du NSG ont le mérite de l'engager dans un processus vertueux, puisqu'elle a accepté les contrôles de l'AIEA sur les activités civiles et a souscrit à plusieurs engagements concrets en matière de non-prolifération.
S'agissant des autres Etats non parties au TNP, la question de l'octroi d'une exemption aux règles du NSG n'est pas aujourd'hui posée. Il faut souligner la différence de situation existant entre l'Inde et le Pakistan, tant en matière de besoins énergétiques que de politique de non-prolifération.
a observé que les engagements pris par l'Inde constituaient des garanties unilatérales et qu'elles n'étaient pas consolidées dans un traité juridiquement contraignant.
s'est interrogé sur la couverture des besoins de l'Inde en uranium, et de manière plus globale, sur les perspectives d'approvisionnement à long terme en ce minerai eu égard à l'état des réserves mondiales et aux projets de développement de l'énergie nucléaire.
a répondu que les réserves connues d'uranium permettent d'assurer les approvisionnements durant plusieurs décennies et que les futurs réacteurs seraient beaucoup moins consommateurs en uranium.
a estimé que l'exemption décidée au bénéfice de l'Inde illustrait une certaine inadaptation du TNP aux réalités actuelles. Il s'est interrogé sur les arguments que l'Iran pourrait tirer des avantages accordés à l'Inde.
a demandé des précisions sur le NSG et sur la part, dans ses directives, entre les objectifs de non-prolifération et de développement du marché du nucléaire civil.
a souhaité savoir si l'Inde pourrait bénéficier de transferts de technologies relatives à l'enrichissement ou au retraitement du combustible nucléaire. Il a évoqué les garanties apportées par l'Inde et estimé que la décision du NSG ne pouvait être entendue que comme une exception unique à la règle générale.
a rappelé les conditions qui avaient été posées à la décision du NSG et il a estimé que les négociations avec l'Inde revenaient à l'encourager dans la voie d'un rapprochement du régime international de non-prolifération. Il a précisé que le NSG réunissait quarante-cinq Etats disposant de technologies nucléaires, comprenant les Etats de l'OCDE, mais également la Russie, la Chine, l'Afrique du Sud, le Brésil, l'Argentine ou des pays de l'ex-Union soviétique. Il a ajouté que la raison d'être du NSG était bien la lutte contre la prolifération nucléaire, au travers d'une politique commune de contrôle des exportations de biens et technologies nucléaires. Il a également indiqué qu'il n'était pas prévu de transférer à l'Inde des technologies liées à l'enrichissement ou au retraitement du combustible nucléaire. Les pays du G8 appliquent actuellement un moratoire sur ce type de transfert et le NSG pourrait modifier très rapidement ses directives pour définir des critères plus stricts encadrant ces transferts.
a constaté que la décision prise à l'égard de l'Inde prenait en compte la situation particulière de ce pays, qui n'a pas contribué à la prolifération, qui possède un régime démocratique et qui a souscrit à des engagements concrets sur le contrôle de son programme nucléaire civil. Il s'est demandé si cette politique de conditionnalité ne pouvait pas avoir valeur d'exemple vis-à-vis d'autres pays.
a lui aussi souligné la singularité de la situation indienne. S'agissant de l'Iran, il a rappelé que le Conseil de sécurité avait toujours reconnu son droit au développement de l'énergie nucléaire civile et à la coopération internationale, dès lors qu'il n'y avait pas de doute sur le respect par l'Iran des engagements internationaux qui découlent de son adhésion au TNP.
La commission a ensuite adopté le présent projet de loi à l'unanimité.
La commission a ensuite nommé rapporteurs :
Joseph Kergueris sur le projet de loi n° 582 (2008-2009) relatif à l'action extérieure de l'État ;
sur le projet de loi n° 607 (2008-2009) relatif à la lutte contre la piraterie et à l'exercice des pouvoirs de police de l'État en mer.