Commission de la culture, de l'éducation et de la communication

Réunion du 21 décembre 2011 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • architecture
  • langue
  • simplification

La réunion

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Les membres de la commission ont-ils des suggestions quant aux thèmes qui pourraient être portés à l'arbitrage de la nouvelle commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois ? J'ai noté celle de M. Legendre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Legendre

Je souhaite, en effet, que cette commission se penche sur l'application de la loi Toubon relative à l'emploi de la langue française, qui remonte à 1994, sachant que les prescriptions de certains de ses articles ne sont pas toujours suivies. Alors que ce texte rappelle que la langue de l'enseignement est le français, des cursus universitaires intégralement dispensés en anglais ont fait leur apparition. Mieux vaut modifier une loi que de la laisser bafouer. Et l'on sait que d'autres coups de bélier lui sont portés : voir le texte que nous allons examiner tout à l'heure, qui autorise, sous couvert de simplification, nos compagnies aériennes à diffuser en version anglaise uniquement les documents de sécurité à l'usage du personnel. Preuve qu'un contrôle de l'application de la loi Toubon ne serait pas inutile.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Je vous rappelle les autres suggestions que j'ai émises. La première porte sur la loi instituant pour les communes un accueil obligatoire des enfants en cas de grève des maîtres d'école, la deuxième sur la loi relative à l'audiovisuel public, la troisième sur la loi Hadopi. Je préciserai au président Assouline qu'il a toute latitude pour centrer l'examen sur certains points qui nous tiennent à coeur, et que les membres de notre commission qui siègent à la commission de contrôle pourront faire valoir, mais que nous comptons sur lui pour ne pas remettre en cause les compétences de notre commission. (Mme la présidente donne lecture de son projet de lettre, qui reçoit l'assentiment de la commission.)

La commission procède à l'examen du rapport pour avis de M. Claude Domeizel sur la proposition de loi n° 33 (2011-2012), adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à la simplification du droit et à l'allègement des démarches administratives, dont la commission des lois est saisie au fond.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Domeizel

La commission des lois nous a confié le soin d'examiner au fond plusieurs articles de ce texte, dont les dispositions relèvent en effet de nos domaines traditionnels de compétence, tels que le droit de la presse ou l'architecture. D'autres sujets, comme l'affichage publicitaire extérieur ou l'usage de la langue anglaise dans les manuels aéronautiques, méritaient que notre commission se saisisse pour avis.

La commission des lois a adopté ce matin une motion tendant à opposer à ce texte la question préalable. Je m'associe à cette démarche pour deux raisons. La première est que la procédure accélérée déclenchée par le Gouvernement m'a empêché de mener à bien l'ensemble des auditions utiles, notamment avec les organisations professionnelles concernées. La seconde est que plusieurs des dispositions de ce texte s'éloignent très sensiblement de la pure simplification à droit constant : il est clair que le Gouvernement use d'une proposition de loi pour faire passer des mesures préjudiciables aux équilibres de certains secteurs d'activité et remettre en cause des engagements passés.

C'est en particulier le cas de l'article 82 insérant une nouvelle disposition dans la loi de 1977 sur l'architecture. L'objectif est d'encadrer une pratique qui veut que le maître d'ouvrage n'ait qu'un interlocuteur pour la maîtrise d'oeuvre, l'architecte se voyant confier une mission de coordination des autres prestataires. Cette pratique, déjà courante dans le domaine de la construction, n'est pas assez définie dans le cadre de la conception. En effet, pour la maîtrise d'ouvrage publique, l'article 51 du code des marchés publics définit déjà le cadre d'une telle mission de coordination, mais ne précise pas qu'elle constitue une fonction distincte, méritant donc rémunération, ni n'impose une répartition des responsabilités de chacun des prestataires membres du groupement momentané d'entreprises ainsi constitué. Pour ce qui concerne la maîtrise d'ouvrage privée, aucune base juridique n'encadre cette procédure.

L'Assemblée nationale a choisi d'insérer la disposition adoptée à l'article 82 dans la loi de 1977 sur l'architecture, dont l'article 3 rappelle le monopole de l'architecte en matière de conception architecturale, ce qui exigerait que la mission de coordination dans la conception architecturale concerne exclusivement l'architecte, sauf à ouvrir une brèche dans le rôle que lui reconnaît la loi. Mais a contrario, réserver le « groupement momentané d'entreprises » au seul architecte mettrait d'autres professions en situation difficile. Car si l'architecte se voit le plus souvent confier cette mission de coordination, il arrive que d'autres prestataires soient plus compétents pour coordonner les entreprises de la maîtrise d'oeuvre. C'est le cas dans des projets très techniques ou industriels tels que constructions de ponts, de tramways, ou d'usines de retraitement des déchets ; le rôle et la capacité des professions de l'ingénierie à assumer la coordination seraient remis en cause si le mandataire des groupements momentanés d'entreprises ne pouvait être qu'un architecte.

C'est la raison pour laquelle l'article 82, source de complication du droit, mérite d'être rejeté.

L'article 55 pose également problème. Ses alinéas 15 à 18, introduits à l'initiative de l'Assemblée nationale, ne répondent pas à un objectif de simplification du droit. En portant de deux à six ans le délai de mise en conformité des dispositifs publicitaires, ils remettent en cause les engagements du Grenelle II de l'environnement. Je rappelle que le Sénat, compte tenu du nombre des dispositions dérogatoires adoptées dans le cadre du Grenelle II, comme le délai de cinq ans pour les pré-enseignes, avait, à l'unanimité, adopté sans y toucher le chapitre relatif à l'affichage publicitaire extérieur. La disposition qui nous est ici soumise revient sur l'équilibre auquel nous étions alors parvenus et risque d'entraîner des situations impossibles à gérer pour les maires, eu égard à la durée de leur mandat.

Mon attention a également été attirée sur les difficultés - pour la sécurité aérienne et la langue française - que soulève l'article 72 ter, qui vise à autoriser les compagnies aériennes à remettre à leurs salariés des documents de travail liés à la maintenance, à la certification et à l'utilisation d'un aéronef en langue anglaise, alors que la seule exception à l'obligation de mettre ces documents à disposition en français concerne aujourd'hui les « documents reçus de l'étranger ou destinés à des étrangers ».

Seul le chapitre de la proposition de loi consacré à la « simplification du droit des médias », et plus particulièrement du droit de la presse, et qui entend alléger les démarches administratives pesant sur les entreprises de presse, n'appelle pas d'observation particulière de ma part.

Pour toutes ces raisons, je vous propose donc d'émettre un avis favorable à l'adoption par notre assemblée de la question préalable opposée à l'ensemble du texte par la commission des lois, et en conséquence de ne pas procéder à l'examen des articles relevant de notre compétence.

Debut de section - PermalienPhoto de Ambroise Dupont

Je n'ai pas un mot à changer à vos observations, en particulier dans les domaines que je connais bien, ceux de la publicité et de l'architecture.

La législation actuelle sur les enseignes publicitaires est née du constat que la loi de 1979 n'était pas appliquée. Nous y avions, monsieur Domeizel et moi-même, travaillé ensemble, et l'équilibre fut, en effet, difficile à trouver en commission mixte paritaire : il nous a fallu travailler « dans la dentelle ». Il est aberrant de remettre en cause le délai sur lequel nous nous étions accordés, surtout pour le porter à six ans ! C'est, en somme, donner six ans à un maire pour produire un règlement local de publicité : autant dire que c'est son successeur qui pourrait en subir les conséquences...

Je vous suis également sur la loi de 1977, qui a déclaré l'architecture d'intérêt national. Je voterai donc vos conclusions, au moins sur ces deux articles.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Je rappelle qu'en effet la commission ne se prononce pas sur l'ensemble du texte, mais sur les seuls articles dont elle est saisie.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Legendre

Je ne suis pas orfèvre sur tous les sujets, dont certains sont assez techniques, mais je souscris aux propos que j'ai entendus sur les thèmes qui nous concernent. Ce texte va bien au-delà de la seule simplification. J'ai attiré l'attention sur la volonté d'Air France d'imposer subrepticement l'anglais à ses salariés français, ce qui rendrait la sécurité tributaire de leur bonne compréhension de cette langue, et pourrait infléchir la politique de recrutement de l'entreprise. C'est un vrai problème, que l'on ne peut occulter derrière le paravent de la simplification.

Cela étant, je m'interroge sur la stratégie retenue : si le Sénat adopte la question préalable, c'est l'Assemblée nationale qui reprendra la main, et nos propositions de suppression ne seront pas débattues....

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Domeizel

Des amendements pourront être proposés en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Legendre

Mais c'est de l'Assemblée nationale que nous viennent les rédactions que nous mettons en cause. On peut craindre qu'elle ne reste sur ses positions. Voter la question préalable nous retire la possibilité de faire barrage.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Encore une fois, l'arbitrage ne relève pas de notre commission. À titre de précaution, afin de ne pas préjuger du vote de la question préalable en séance plénière par notre assemblée, nous pouvons, si vous le souhaitez, adopter trois amendements de suppression sur les dispositions incriminées, ce qui n'empêche pas l'adoption du rapport, qui est fort clair sur ces questions.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Domeizel

Nous pouvons, en effet, voter la suppression des articles 82 et 72 ter ainsi que des alinéas 15 à 18 de l'article 55 pour le cas - peu probable - où la question préalable serait repoussée en séance. Et je modifierai mon rapport pour préciser que je propose, à titre de précaution, ces trois amendements de suppression.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Legendre

D'accord sur les amendements de suppression, mais encore une fois, je suis réservé sur la stratégie de la question préalable : nous nous abstiendrons donc sur le rapport.

La commission adopte successivement, par amendement, la suppression des alinéas 15 à 18 de l'article 55, celle de l'article 72 ter et celle de l'article 82.

Elle adopte ensuite les conclusions de son rapporteur pour avis.