La commission procède tout d'abord, conjointement avec la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, et la commission des affaires européennes, à l'audition de M. Michel Barnier, commissaire européen au marché intérieur et aux services.
Tout d'abord, je vous remercie d'avoir répondu à l'invitation des trois commissions du Sénat - finances, affaires économiques, affaires européennes. Vous êtes chargé, au sein de la Commission européenne, d'un secteur particulièrement important, puisque le Marché intérieur est à la base de la construction européenne.
Vous avez été à l'initiative de textes de grande portée, sur lesquels le Sénat a travaillé ses derniers mois, je pense notamment aux différents textes concernant la régulation bancaire et financière, les agences de notation, ou encore les brevets. Je voudrais, pour ma part, évoquer deux sujets récemment examinés par la commission des affaires européennes.
Le premier concerne les marchés publics et les concessions de service public. Nous avons des inquiétudes car vous aviez promis un cadre juridique assez souple pour s'adapter aux réalités, ce qui nous aurait permis, en France, de conserver la « loi Sapin » qui fait consensus. Or les propositions de la Commission européenne vont au-delà et nous obligeraient à revoir cette loi. Est-ce que nous pouvons espérer que les négociations permettront d'arriver à plus de souplesse ? Vous savez que c'est une préoccupation importante pour les collectivités territoriales que nous représentons.
Deuxième sujet, le texte sur les qualifications professionnelles. Nous n'en avons pas terminé l'examen au fond, mais je voudrais vous signaler deux préoccupations. D'une part, les professions de santé s'inquiètent de certains aspects du nouveau dispositif qui leur paraît trop automatique, alors que les différentes professions de santé n'ont pas la même définition selon les pays. Ils souhaitent également le maintien d'un contrôle des compétences linguistiques des professionnels de santé avant qu'ils ne s'installent dans un autre pays.
D'autre part, et je souhaiterais attirer particulièrement votre attention sur ce point, le notariat estime qu'il doit rester en dehors de la nouvelle directive sur les qualifications professionnelles, comme c'était le cas avec la directive en vigueur, car les notaires participent de l'exercice de l'autorité publique. J'observe d'ailleurs que nos homologues du Bundesrat allemand partagent cette analyse.
Après ces quelques questions, je passe la parole au président de la commission des finances.
Permettez-moi de me réjouir à mon tour d'avoir l'occasion d'entendre Michel Barnier, avec qui nous avions déjà pu échanger, l'année dernière, lors du séminaire annuel de notre commission à Bruxelles. Vous nous aviez fait part de votre programme d'action et de votre volonté de réconcilier les banques avec le financement de l'économie réelle.
Vous le savez la commission des finances examine de très près les chantiers que vous portez sur les questions bancaires et financières.
Voilà quinze jours, nous avons adopté, à l'unanimité, une résolution européenne sur les deux textes relatifs respectivement aux infrastructures de marchés européennes (EMIR) et aux marchés d'instruments financiers (MIF). Juste après votre audition, nous examinerons une proposition de résolution européenne sur les propositions « CRD IV » (Capital Requirements Directive IV), et qui a trait aux exigences réglementaires en matière de fonds propres. Je crois d'ailleurs que la rapporteure générale a conduit hier, à Bruxelles, une série d'entretiens sur le sujet.
La semaine dernière, nous assistions également à une rencontre interparlementaire au Parlement européen sur la mise en oeuvre du Semestre européen. Il apparaît de plus en plus clairement qu'il revient aux parlements nationaux de s'impliquer directement dans la gouvernance de la zone euro. C'est une nouvelle responsabilité que nous devons assumer.
Si j'ai bien compté, ce sont plus de vingt propositions que la Commission européenne a, sous votre égide, déposé sur les questions de régulation bancaire et financière. Le chantier était nécessaire mais il est foisonnant et, souvent, complexe.
Bien que l'envie de vous interroger sur chacune de ces initiatives soit grande, je me limiterai, compte tenu du temps restreint dont vous disposez, à deux questions.
Tout d'abord, nous sommes inquiets de l'évolution réglementaire aux Etats-Unis. La loi Dodd-Frank est entrée en vigueur voilà bientôt deux ans mais les régulateurs continuent de travailler sur les textes d'application. L'Europe ne fait-elle pas cavalier seul au risque de se pénaliser dans la compétition internationale ? S'agissant des normes comptables et des règles de « Bâle III », les Etats-Unis ont des positions bien déterminées, l'Europe, avec ses procédures de décision longues et compliquées, peut-elle alors encore pesée dans le débat ? N'est-ce pas une illustration du décalage entre le temps de la prise de décision politique en Europe et le temps des marchés ?
Ensuite, nous avons assisté il y a quelques semaines à la fin du feuilleton de la fusion « NYSE Euronext - Deutsche Börse », à laquelle la Commission européenne s'est opposée. Par ailleurs, les textes MIF et EMIR devraient s'accompagner de l'émergence de nouveaux acteurs, les référentiels centraux, ou le renforcement d'autres, notamment les chambres de compensation.
J'aimerais connaître votre sentiment sur les conséquences de ces changements sur l'organisation du marché et du post-marché en Europe.
Parmi les domaines d'action clé identifiés par la commission européenne dans le cadre de l'Acte pour le marché unique figure le développement de l'entrepreneuriat social. Le 25 octobre 2011, la Commission a publié une communication intitulée « Initiative pour l'entrepreneuriat social ». Elle y présente un plan d'action en trois points :
- premier point : améliorer les conditions de financement en facilitant l'accès aux capitaux privés, en mobilisant les fonds européens et en améliorant la visibilité de l'entrepreneuriat social ;
- deuxième point : développer les outils pour mieux connaître le secteur et dresser une cartographie complète des entreprises sociales en Europe ;
- troisième point : améliorer l'environnement juridique en développant des statuts adaptés aux entreprises sociales, avec notamment la refonte du statut de la coopérative européenne, la création d'un statut de la fondation européenne ou encore le lancement d'une étude sur l'opportunité de légiférer sur le statut des entreprises mutualiste.
Ces questions sont très importantes et nous avons décidé de créer, le 28 février dernier, un groupe de travail « Économie sociale et solidaire » en y associant la commission des affaires sociales.
Je souhaiterais, Monsieur le commissaire, que vous nous disiez quelles sont, à ce jour, les avancées concrètes réalisées dans les domaines que je viens d'énumérer.
Le deuxième point sur lequel je souhaite vous interroger concerne la réforme des règles relatives aux marchés publics, qui s'inscrit elle-aussi parmi les douze actions prioritaires de l'Acte pour le marché unique. Cette réforme propose, en particulier, d'étendre l'accès des PME aux marchés publics. Parmi les mesures envisagées, figurent la réduction de la charge bureaucratique liée au soumissionnement, l'encouragement à l'allotissement et la limitation des exigences de capacité financière requises pour soumettre une offre.
Ne s'agit-il pas là de voies déjà explorées sans avoir donné tous les résultats escomptés ? Pourriez-vous nous indiquer ce que la réforme des marchés publics apporte de vraiment nouveau et prometteur dans ce domaine ?
Je limiterai mon propos à la question de la régulation bancaire. A l'issue de votre audition, la commission des finances va se réunir pour examiner mon rapport sur une proposition de résolution présentée par la commission des affaires européennes et consacrée aux projets de règlement et de directive que l'on appelle « CRD IV » et qui sont - pour le dire vite - relatifs à la mise en oeuvre des dispositions de « Bâle III ».
L'un des principes retenus par votre proposition, et que j'approuve, est celui de l'harmonisation maximale - les mêmes règles dans tous les pays -, afin d'éviter les contournements et les zones d'ombre. Cela permettra en particulier au nouveau dispositif européen de supervision de jouer pleinement son rôle. Mais, comme souvent, il faudra surmonter le refus britannique.
Le texte « CRD IV » ne met pas fin à la recherche de solutions pour réduire le risque systémique dans le secteur bancaire. Le Royaume-Uni a édicté la règle Vickers de séparation des activités de banque de détail et d'investissement, selon des modalités juridiques qui restent à préciser. Aux Etats-Unis, la règle Volcker interdit aux banques de spéculer pour compte propre, mais sa mise en oeuvre rencontre des difficultés.
Au niveau de l'Union, vous avez pris une très bonne initiative en créant un groupe de travail dit « Liikanen », chargé d'étudier les différentes réformes du système bancaire pouvant être mises en oeuvre en Europe. Nous y serons évidemment très attentifs car, en France - contrairement aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni -, nous ne nous sommes jamais livrés à un examen critique de notre modèle de la banque universelle. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce que vous attendez de ce groupe, sur les conditions dans lesquelles il va travailler et, surtout, quand il rendra son rapport ?
Messieurs les Présidents, Madame la Rapporteure générale, Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
Merci pour cette nouvelle invitation collective de la part de vos trois commissions que je connais bien. A titre préliminaire, je tenais à vous dire que mes expériences passées de sénateur et d'élu local me servent tous les jours dans mes fonctions actuelles.
Il y a un peu plus d'un an, le 25 janvier 2011, j'étais venu faire le bilan de ma première année en tant que Commissaire européen.
J'ai voulu revenir aujourd'hui devant vous, avec une ambition très simple : faire le point sur l'action européenne qui me semble parfois méconnue ou passée sous silence.
Je ne suis pas venu vous dire que tout va bien en Europe mais comment l'Europe a fait face depuis deux ans à des crises sans précédent, comment elle a réalisé des avancées majeures et comment elle s'attache à répondre aux vraies questions posées par la crise.
Cela dit, cette succession de crises a conduit l'Europe à proposer des solutions inédites, en matière de gouvernance, de régulation financière et de croissance. Pour la première fois depuis un an et demi, le dernier Conseil européen n'a pas été un conseil de crise. Nous sommes sur la bonne voie.
Ces avancées, trop de candidats, à gauche comme à droite, ont tendance à les nier, ou à se les approprier tout en reprochant à la Commission de ne rien faire.
Je veux ici rétablir la vérité en répondant à trois grandes questions récurrentes :
- est-ce que la Commission en fait assez en matière de régulation financière ?
- Est-ce que la régulation financière européenne ne risque pas de pénaliser la croissance ?
- Est-ce que l'Europe est capable de proposer autre chose qu'un projet d'austérité ?
Première question : la Commission européenne en fait-elle assez ? A la lecture de certains programmes, on pourrait en douter, tant ils présentent comme nouvelles des idées qui ont déjà été proposées ou discutées au niveau européen.
Ainsi, il a été proposé de séparer les activités des banques jugées utiles à l'économie de leurs activités spéculatives. Or, voila deux ans que nous mettons en place des règles qui ont précisément pour objet de ramener les banques à leur métier de base - prêter à l'économie.
Quelques faits.
J'ai proposé d'interdire aux banques, dans la révision de la directive sur les marchés d'instruments financiers, dite « MIF », proposée en octobre 2011, de mener des activités spéculatives sur les plateformes de négociation financières qu'elles détiennent elles-mêmes !
Depuis le 1er janvier 2012, grâce à la directive « CRD III », les activités à risque sur les marchés sont strictement encadrées par des garanties exigées des banques. C'était un engagement du G 20, l'Europe l'a mise en oeuvre.
Parallèlement, nous encourageons les prêts à l'économie et notamment aux PME grâce un régime favorable proposé dans la directive « CRD IV » en cours de discussion. J'ai demandé, avec mon collègue Antonio Tajani, à l'Autorité bancaire européenne si on pouvait aller plus loin et j'attends un rapport à ce sujet pour le mois de juin prochain.
S'agissant de la séparation, je crois qu'il faut éviter l'improvisation et la rhétorique. Le modèle des banques dites « universelles » n'a pas provoqué la crise.
Certains considèrent que ce modèle est plus résistant avec ses deux piliers (banque de détail et banque d'investissement) qui permettent une meilleure diversification du risque. Cela dit, c'est une vraie question. Les Britanniques se sont engagés sur la voie d'une séparation entre banque d'investissement et banque de détail. Les Etats-Unis, quand à eux, ont ciblé les activités spéculatives avec la règle dite « Volcker ». J'ai donc demandé à Erkki Liikanen, président de la banque centrale de Finlande, de conduire un travail approfondi avec un groupe d'experts indépendants pour faire des propositions sur le sujet. Ce groupe de neuf experts, dont le français Louis Gallois, produira un rapport pour la Commission à la fin de l'été. Le but n'est pas de plaquer un modèle sur l'Europe, mais de bien identifier les risques et de définir les moyens les mieux adaptés pour les prévenir.
Excusez-moi de vous interrompre, mais la segmentation des activités bancaires ne conduit-elle pas mécaniquement à augmenter les besoins en fonds propres et, par voie de conséquence, à durcir les conditions de financement de l'économie ?
C'est une des questions importantes auxquelles le groupe « Liikanen » devra apporter des réponses objectives. Je ne me prononcerai pas à sa place. Il débute à peine ses travaux.
Un autre point régulièrement évoqué dans le débat présidentiel est la lutte contre les produits toxiques qui enrichissent les spéculateurs et menacent l'économie. Mais l'Europe, et donc la France, a agi !
Désormais, les autorités de contrôle, dont l'Autorité européenne des marchés financiers (AEMF), ont le devoir d'interdire tout produit financier toxique. C'est la réforme de la supervision adoptée depuis plus d'un an.
A titre d'exemple, nous avons interdit, sauf dans des cas exceptionnels et très encadrés, la vente à nu des CDS souverains dans notre texte sur les ventes à découvert, adopté fin 2011.
Par ailleurs, nous venons d'aboutir à un accord politique entre le Parlement européen et le Conseil sur l'encadrement des produits dérivés de gré à gré. Ce marché, qui représente des transactions de plus de 600 000 milliards de dollars par an, opère dans la plus grande opacité.
En ce qui concerne les marchés de matières premières, en particulier agricoles, nous avons proposé dans la révision de la directive MIF que toutes les plateformes de négociation soient tenues de mettre en place des limites de position.
Certains nous reprochent de ne pas aller assez loin dans l'encadrement des marchés financiers. J'ai lu attentivement la récente résolution européenne du Sénat sur notre proposition de révision de la directive MIF. J'entends également les observations de Jean-Pierre Jouyet, président de l'autorité française des marchés financiers. Mais d'autres critiques, venant notamment de certains de ses collaborateurs, me semblent excessives.
Notre proposition constitue un progrès majeur en termes de règles, de transparence et de responsabilité des acteurs.
A ma connaissance, l'Europe est la seule région du monde à aller aussi loin dans les propositions : sur les nouvelles plates-formes de négociation alternatives et pour lutter contre les effets négatifs des innovations technologiques telles que le « trading » à haute fréquence. On peut toujours aller plus loin, mais je propose un texte qui puisse être adopté.
Incidemment, je répondrai à Philippe Marini sur la fusion NYSE Euronext - Deutsche Börse en indiquant que la Commission européenne s'est attachée à appliquer rigoureusement les règles de la concurrence. Bien entendu, cela ne signe pas la fin des regroupements et des alliances dans ce secteur. Qui peut prédire l'avenir, en particulier dans un secteur financier en perpétuel changement ? A cet égard, les nouvelles règles européennes vont-elles-mêmes recomposer le paysage financier européen. C'est dans ce cadre prospectif que la Commission européenne doit sans cesse réévaluer les conditions du respect des règles de la concurrence.
Beaucoup de candidats plaident dans cette campagne pour l'encadrement des bonus.
Là aussi, nous avons agi. La directive européenne « CRD III » est en vigueur dans tous les pays de l'Union depuis janvier 2011. Elle exige que le versement des bonus soit étalé dans le temps et lié à une performance à long terme.
Nous vérifions en ce moment la bonne application de ces règles. Je suis prêt à aller plus loin si nécessaire. Par exemple en imposant un ratio chiffré entre la partie fixe et la partie variable de la rémunération, ou entre les rémunérations les plus élevées et les rémunérations les plus basses dans une même banque.
Enfin, beaucoup souhaitent la création d'une taxe internationale sur toutes les transactions financières. Là aussi, je suis très heureux que la Commission européenne inspire à ce point les programmes des candidats ! Notre proposition en la matière date du 28 septembre 2011 : la taxe porterait sur une assiette très large (sur toutes les transactions sur tous les produits financiers, avec des taux de prélèvement très faibles) et elle permettrait selon nos estimations de générer un revenu de 57 milliards d'euros par an.
Deuxième grande question : la régulation financière européenne ne risque-t-elle pas de pénaliser la croissance ?
On tombe ici dans la critique inverse de la précédente.
Il y a un vrai paradoxe dans ce débat : au moment où certains me disent qu'il faut aller plus loin et plus vite, d'autres me disent qu'il faut faire attention à ne pas tuer la croissance par un excès de règles.
Sur ce point, je ferai trois observations.
Tout d'abord, n'ayons pas la mémoire courte : ce qui a pénalisé la croissance, c'est justement le manque de régulation. C'est cela qui a conduit certaines institutions financières sur la voie des excès que l'on connait.
Ensuite, nous calibrons toutes nos propositions afin qu'elles tiennent compte des risques qu'une régulation trop rigide ferait peser sur le financement de l'économie.
Par exemple, notre proposition visant à augmenter les exigences de fonds propres des banques, qui est fidèle à l'accord de Bâle III, a été minutieusement calibrée pour éviter que les banques ne réduisent par contrecoup leurs prêts à l'économie.
Enfin, l'un des traits saillants de notre action consiste justement à diriger l'épargne vers des secteurs porteurs d'une croissance équilibrée plutôt que vers des placements risqués.
J'en prends quelques exemples :
- la proposition d'un passeport européen pour les fonds de capital-risque permettra d'attirer l'épargne vers l'innovation et les PME, qui jouent un rôle fondamental dans le financement des jeunes pousses innovantes ;
- nous venons également de proposer des mesures pour que les fonds d'entrepreneuriat social soient mieux identifiés et puissent lever des capitaux dans toute l'Europe. Il s'agit là d'orienter l'épargne vers des secteurs nouveaux, ou qui ne figuraient pas sur nos écrans radars parce que leur contribution économique est fortement sous-estimée, comme l'économie sociale et solidaire.
Ces exemples montrent les bénéfices que peut apporter une finance intelligemment régulée à l'économie réelle. La finance en tant que telle n'est pas l'ennemi. C'est la finance dérégulée qui pose problème, et à laquelle nous nous attaquons avec détermination au niveau européen.
Troisième question clef : l'Europe est-elle capable de proposer autre chose qu'un projet d'austérité ?
Là aussi, je voudrais rétablir quelques vérités.
J'entends parfois dire que la Commission promeut l'austérité au détriment de la croissance. La crise a mis en évidence l'irresponsabilité de nos comportements budgétaires. Je n'ai pas besoin de rappeler que le dernier budget en équilibre de la France remonte à 1975. Cette situation, nous en sommes tous responsables, à gauche comme à droite.
Il est donc nécessaire de consolider nos finances publiques, et nous ne pouvons pas nous permettre un nouveau plan massif de relance budgétaire. Des pays comme le Canada et la Suède ont accompli cet effort d'assainissement il y a longtemps et ils résistent bien mieux à la crise.
Pour autant, une initiative européenne forte pour la croissance est urgente et indispensable. Qu'avons-nous fait ?
Nous avons adopté en avril 2011, avec une dizaine de mes collègues, l'Acte pour le marché unique qui contient douze leviers et autant d'actions clés pour faire revenir la croissance. Parmi ces douze actions clés, dix ont déjà été proposées par la Commission européenne. L'objectif est de créer un écosystème favorable à la croissance en Europe, notamment en décloisonnant nos économies entre elles.
Je pense en particulier au brevet unique européen, à la modernisation de la reconnaissance des qualifications professionnelles entre pays européens, aux « project bonds » ou encore à la construction d'un véritable marché unique numérique.
S'agissant des marchés publics et des concessions, j'entends les craintes. Notre proposition sur les marchés publics a été plutôt bien accueillie car elle simplifie et sécurise la commande publique. Sur les concessions, la loi « Sapin » de 1992, complétée par la loi de 1995 qui porte mon nom, a permis d'assainir ce secteur. La législation française est le modèle à suivre. Mais il faut aussi être conscient qu'il n'existe aucune législation européenne sur les concessions et que par conséquent, dans certains Etats membres, des concessions sont conclues en dehors de tout cadre juridique. Il y a donc un intérêt pour l'Europe à se doter d'une législation. Bien sûr, notre proposition peut être améliorée et je veillerai à ce que la législation française serve de référence.
Mesdames et Messieurs les Sénateurs, vous le voyez, l'Union européenne (UE) prend des initiatives ambitieuses pour répondre à la succession de crises que nous traversons toujours. Nos efforts en faveur d'une régulation financière intelligente, d'une meilleure gouvernance et d'une croissance plus forte et plus soutenable sont en bonne voie.
Vous avez abordé la problématique de l'austérité budgétaire, or il s'agit d'une question capitale en ce moment. L'austérité empêche les gouvernements nationaux de retrouver des situations financières équilibrées. En effet, la crise et les déficits sont aussi les résultats d'une croissance extrêmement molle ainsi que des politiques de déflation. Vous nous avez parlé de relance, mais on ne voit pas grand chose arriver.
J'ai une question en matière d'harmonisation fiscale, notamment pour l'impôt sur les sociétés (IS). Nous avons autant de législations que d'Etats membres : où en est la réflexion européenne à ce sujet afin de coordonner enfin les politiques fiscales ? Avons-nous avancé s'agissant de l'utilisation des quotas carbone, ce qui allègerait la fiscalité qui pèse sur le travail ? Je m'interroge aussi sur la volatilité des prix des matières premières dont on parle peu : quelles sont vos réflexions sur ce problème ? Enfin, alors que nous comptons près de 5 millions de chômeurs en France, qu'attend l'Europe pour aboutir à une relance concertée et faire de la lutte contre le chômage une véritable priorité ?
Ma première remarque porte sur la régulation des marchés des matières premières agricoles. C'est un sujet d'importance. J'ai été, l'année dernière, rapporteur de la proposition de résolution européenne (PPRE) déposée par Jean Bizet et Jean-Paul Emorine sur la volatilité des prix agricoles, dans le cadre de la présidence française du G 20. Je me ferai un plaisir de vous adresser notre rapport afin que nos propositions vous aident dans votre réflexion.
Ma seconde remarque concerne les banques : plus de 70 % de ce secteur relèvent, pour notre pays, de structures coopérative ou mutualiste. Une telle situation est inédite en Europe et explique pourquoi les difficultés rencontrées par la France sont de moindre ampleur que celles subies par d'autres pays. A cet égard, je souligne que le Crédit agricole a certes enregistré une perte nette de 1,47 milliard d'euros au cours de l'année 2011 d'après les résultats publiés la semaine dernière, mais quand on regarde dans le détail des comptes on voit que les caisses régionales, qui pèsent un peu moins de la moitié de l'activité du groupe, dégagent des bénéfices. On voit ici l'intérêt d'isoler toutes les composantes d'une situation financière pour dégager la vérité.
J'ai écrit avec Simon Sutour, il y a un an, un rapport sur la politique européenne de sûreté nucléaire qui proposait une gestion du risque de crise à l'échelle de l'UE. Nous avions en effet vu l'enjeu que représentait un traitement de cette question au niveau européen, l'exemple japonais ayant montré le danger que fait courir un traitement isolé du risque nucléaire. Vous aviez souhaité en 2006 la mise en place d'une force de sécurité civile en Europe. Peut-on avoir, aujourd'hui, votre concours pour créer un tel dispositif ?
Je souhaite revenir sur la nécessité de concilier la rigueur budgétaire avec la relance de la croissance. Je relève que la gravité du problème des dettes souveraines conduit les gouvernements nationaux à mettre en place des politiques d'austérité. On souhaite ensuite transposer ces dernières au niveau européen, notamment par un gel du budget communautaire, sachant que 84 % des ressources de ce budget sont issues des contributions des Etats membres et non de véritables ressources propres. Un tel raisonnement pose un problème d'appréciation : dans la mesure où il n'existe pas de dette souveraine européenne, on ne devrait pas appliquer la même analyse à l'Union européenne qu'aux finances publiques nationales.
Il faut, à l'inverse, accepter une augmentation du budget de l'Union, qui reste dérisoire avec environ 1 % de la richesse nationale brute (RNB). Une telle hausse ne doit pas conduire à solliciter davantage les Etats membres, mais à identifier de nouvelles ressources propres. Alors qu'elles représentent 15 % des recettes de l'UE, on pourrait convenir de l'objectif de les porter à 60 %. J'aimerais savoir ce que vous pensez de l'augmentation du budget communautaire, de la hausse des ressources propres ainsi que d'une relance organisée au niveau européen puisque les priorités au niveau national sont la dette et la lutte contre les déficits.
Comme l'a exprimé notre collègue Martial Bourquin, nos perspectives sont marquées par ce que l'on appelle l'austérité. Peut-on se libérer de cette contrainte dans un monde meilleur, qui serait le monde européen, où l'on pourrait se financer par des impôts indolores et bénéficier d'une capacité d'emprunt qui ne poserait pas de problèmes de crédibilité sur quelque marché que ce soit ? Pouvez-vous, M. le commissaire, nous permettre de nous évader de notre impasse et de nos contradictions ?
Je suis heureux que l'on puisse parler d'Europe et j'espère que ce sera le cas pendant cette campagne présidentielle. Il faut en effet, Philippe Marini, dire la vérité sur les mesures prises au niveau européen et dire la vérité aussi sur le monde tel qu'il est. Nous sommes dans un environnement plus instable et plus injuste auquel nous devons faire face. La Chine, l'Inde, le Brésil, la Russie, ou, encore, les Etats-Unis s'affirment et n'ont pas besoin de nous pour compter. Notre choix est le suivant : soit on existe dans ce monde tel qu'il est, soit on est définitivement sous-traitant et sous l'influence des autres puissances. Par exemple, en matière de politique industrielle, nous ne serons plus que de simples consommateurs si nous ne faisons pas attention. Voilà pourquoi il faut être européen tout en étant patriote. L'UE doit aller au bout de sa logique de mutualisation, elle doit unir sans uniformiser.
Jean Arthuis va remettre sous peu son rapport au Premier ministre sur l'avenir de la zone Euro. Il a fait un travail important, qui représente une leçon politique. Le pacte budgétaire et fiscal exige en effet plus de démocratie parlementaire et une plus grande implication des parlementaires nationaux sur un plan européen. Je l'ai moi-même dit à mon collègue Olli Rehn et à d'autres commissaires : nous devons de plus en plus travailler ensemble, institutions européennes et parlementaires nationaux.
Pour répondre à Martial Bourquin, nous n'avons plus les moyens d'agir par l'endettement. Il faut donc conduire des actions structurelles. Ainsi, par une action efficace sur le marché unique, qui représente 500 millions de consommateurs et 22 millions d'entreprises mais reste trop fragmenté, il serait possible de produire 2 à 4 points de croissance supplémentaires. S'agissant de l'harmonisation en matière fiscale, la Commission européenne a mis des idées sur la table : je vous invite à prendre connaissance de notre proposition d'assiette commune pour l'impôt sur les sociétés, ainsi que de notre projet relatif à la fiscalité écologique. Nous devons mettre en oeuvre de nouveaux instruments, à l'image des projects bonds qui pourraient permettre de financer, entre autres, des travaux sur les infrastructures, tels que les réseaux transeuropéens (RTE).
Pour faire suite aux interrogations de Marcel Deneux, j'appuie son raisonnement sur la financiarisation des marchés des matières premières agricoles : elle a été multipliée par trente au cours des quinze dernières années. Nous avons fait des propositions pour réguler ces marchés, à travers des dispositions concrètes, dont nous avons parlé :
- la directive MIF ;
- la régulation des marchés des dérivés ;
- la supervision financière ;
- et, enfin, le projet de directive sur les abus de marché, qui vise notamment à criminaliser certaines pratiques.
Pour ce qui concerne votre observation sur la nature des banques et la situation du Crédit agricole, je relève que sur les 8 300 banques européennes qui vont se voir appliquer les nouvelles normes prudentielles, près de 4 000 sont coopératives ou mutualistes. Nous devons veiller à ne pas fragiliser cette diversité quand nous appliquerons la réglementation. Les Etats-Unis sont dans un rapport inverse avec 75 % d'établissements commerciaux contre 25 % de structures coopératives.
S'agissant du projet évoqué par Jean Bizet de force européenne de protection civile, il me semble que l'Europe aurait tout intérêt à mutualiser ses moyens et pouvoir ainsi répondre très rapidement à toute catastrophe de grande ampleur. Ma collègue, Kristalina Georgieva, commissaire européenne à la coopération internationale, à l'aide humanitaire et à la réaction aux crises, travaille actuellement à des propositions en ce sens. Nous allons progressivement vers un tel mécanisme intégré, mais des Etats - voire des régions - restent réticents à transférer leurs compétences en ce domaine.
A la question de Pierre Bernard-Reymond, je précise qu'il faut avoir en tête que le budget communautaire dépense 10 milliards d'euros par an en France au titre de la politique agricole commune (PAC), alors que le budget national est loin de dépenser autant de crédits d'intervention pour les agriculteurs. J'indique que le budget européen, qui atteint à peine 1 % du PIB des Etats membres et risque de ne pas augmenter sensiblement, n'est manifestement pas à la hauteur des enjeux. Je suggère de l'accroître, non pas en relevant les impôts mais, comme pour la PAC, en transférant au niveau européen des prélèvements déjà existants, ainsi qu'en créant une taxe sur les transactions financières. Cette dernière, à large assiette et faible taux, rapporterait potentiellement 57 milliards d'euros par an.
Par ailleurs, la qualification professionnelle est l'un des grands enjeux du marché unique européen. Je soutiens la mise en place d'une carte professionnelle européenne, qui garantirait les compétences de leurs titulaires, renforcerait la mobilité des travailleurs et apporterait davantage de transparence. Un arrêt récent de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) sur les conditions d'accès à la profession de notaire précise que la nationalité n'en relève pas, ce qui devrait favoriser la mobilité intra-européenne en ce domaine. S'agissant d'une activité ayant une dimension d'intérêt public, il convient toutefois d'être attentif, et de poursuivre la discussion avec les professionnels. Le texte que je propose devrait permettre, à cet égard, de prévenir des recours et jugements qui pourraient être beaucoup moins favorables à l'avenir.
Enfin, je vous rappelle que mes sujets d'actualité pour 2012 en matière de régulation, sur lesquels vous serez appelés en tant que parlementaires nationaux à émettre un avis, porteront sur les produits dérivés et la capitalisation des banques, à travers les accords de « Bâle III » ; ils conduiront à s'interroger sur le respect par les Etats-Unis, le Japon ou la Chine de la réglementation que nous entendons nous imposer. Seront également abordés, cette année, le shadow banking et la régulation des agences de notation.
Merci, Monsieur le commissaire, d'être venu répondre à nos questions. Nous allons à présent regagner la séance publique pour justement examiner une proposition de résolution européenne (PPRE) sur le projet de règlement relatif à la protection des données personnelles.
- Présidence de M. Philippe Marini, président -
La commission procède ensuite à l'examen, en application de l'article 73 quinquies, alinéa 3, du Règlement du Sénat, du rapport de Mme Nicole Bricq, rapporteure, et à l'élaboration du texte de la commission sur la proposition de résolution européenne n° 423 (2011-2012), présentée par M. Richard Yung, au nom de la commission des affaires européennes, sur la réglementation bancaire (E 6480 et E 6787).
EXAMEN DU RAPPORT
Nous concluons notre cycle sur la régulation bancaire et financière avec l'examen d'une proposition de résolution européenne de notre collègue Richard Yung sur la régulation bancaire.
Tout comme pour les marchés financiers il y a quelques jours, nous avons organisé une table-ronde sur le sujet le 15 février, je me suis rendue à Bruxelles hier et nous avons eu l'occasion d'entendre le commissaire Barnier il y a quelques minutes.
Au niveau européen, l'actualité en matière de régulation bancaire est dominée par la transposition du nouveau cadre de régulation dit de « Bâle III ».
Comme vous le savez, après les faillites ou les quasi-faillites de Lehman Brothers, de Northern Rock, Dexia et d'autres encore, il est apparu que la régulation bancaire était insuffisante pour maintenir la confiance en cas de choc. Plus encore, elle était inadaptée, notamment parce qu'elle se concentrait sur les questions de solvabilité alors que toutes ces banques ont d'abord fait face à des problèmes de liquidité. Les tests de résistance européens avaient d'ailleurs été critiqués parce qu'ils ne prenaient pas suffisamment en compte le risque de liquidité.
Les travaux de Bâle III ont été lancés sous l'égide des G 20 de Londres et de Pittsburgh en 2009 et ont abouti à des recommandations formelles en décembre 2010. Autant dire que le calendrier a été considérablement accéléré puisque pour négocier Bâle II, il avait fallu près de huit ans.
Le comité de Bâle n'a aucun pouvoir propre, ses recommandations sont négociées entre les gouverneurs des banques centrales et les responsables des autorités de supervision de vingt-sept pays. Je précise d'ailleurs que les « anglo-saxons » sont bien représentés au sein du comité alors qu'ils se dispensent d'appliquer de manière exhaustive ses recommandations. Chacun d'entre eux doit ensuite transposer ces recommandations dans son droit national pour qu'elles acquièrent une force juridique.
L'Union européenne effectue traditionnellement cette transposition de manière harmonisée à travers des directives : les CRD, Capital Requirements Directive. La dernière en date, la directive « CRD III », a été adoptée en novembre 2010 et constitue ce que l'on appelle « Bâle 2,5 ».
Le Parlement européen et le Conseil sont désormais en train d'examiner la proposition « CRD IV » qui transpose Bâle III. Je précise cependant que « CRD IV » est constituée de deux textes : une proposition de règlement - le texte principal - et une proposition de directive.
En effet, conformément aux conclusions du Conseil européen des 18 et 19 juin 2009, la Commission européenne a estimé que le recours à un règlement, qui est directement applicable, permettait de constituer une régulation uniforme dans toute l'Union européenne. La transposition en droit interne des précédentes directives a pu donner lieu à des controverses et des divergences entre les Etats membres.
La Commission espère que le texte « CRD IV » pourra être adopté avant la fin de l'année.
J'en viens plus précisément au contenu du texte lui-même.
La proposition de règlement comporte les principales exigences prudentielles, et notamment les différents ratios. Elle remodèle un ratio déjà existant et bien connu, le ratio de fonds propres, et elle crée deux nouvelles catégories : un ratio de levier et deux ratios de liquidité.
Le ratio de fonds propres, en premier lieu, doit assurer la solvabilité des établissements bancaires. La solvabilité, c'est la capacité à rembourser ses créanciers malgré les défauts de ses débiteurs.
Un établissement est d'autant plus solvable qu'il dispose de fonds propres - de capital - pour éponger ses pertes.
L'une des recommandations majeures de Bâle III consiste ainsi à exiger des ratios de fonds propres plus élevés et composés de capital de meilleure qualité.
Les fonds propres imposés par la réglementation dépendent des risques pris par la banque. Par exemple, un prêt immobilier classique est une opération globalement peu risquée. La banque devra par conséquent inscrire un minimum de fonds propres en face de cette opération. En revanche, dès lors que la banque prend plus de risques, elle devra disposer de plus de fonds propres.
Pour calculer les fonds propres obligatoires, il faut donc pondérer, en fonction des risques pris, chacun des actifs que possède la banque.
Bâle III joue, si je puis dire, sur plusieurs tableaux. Il est exigé des fonds propres de meilleure qualité et en plus grande quantité. Sans entrer dans les détails, les fonds propres les plus solides sont constitués par le capital émis (les actions) et les mises en réserve. La part de ces fonds propres durs passe de 2 % des actifs pondérés par les risques actuellement à 7 % et pourra être porté jusqu'à 9,5 %.
Si l'on ajoute les fonds propres de qualité moindre, on atteint 13 % contre 8 % auparavant.
Outre la solvabilité, Bâle III introduit un ratio de levier. Concrètement, l'effet de levier mesure la capacité d'acquérir des actifs par l'endettement avec un minimum de fonds propres. Le levier est un mode de fonctionnement normal des banques. En revanche, un levier excessif traduit une prise de risque qui peut être fatale en cas de retournement des marchés.
Le ratio de levier consiste donc à encadrer l'effet de levier : il consiste à dire qu'une banque ne peut pas avoir un bilan qui soit x fois le montant de ses fonds propres durs. Contrairement aux ratios de solvabilité, le ratio de levier ne mesure pas les risques des actifs : il les prend à leur valeur nominale. Son introduction ne fait pas l'unanimité, notamment au sein du milieu bancaire. Cependant, nos recherches et nos entretiens m'ont convaincue de la puissance de cet instrument simple, qui échappe aux mille et un calculs de risque des ratios de fonds propres, et aux possibilités de contournement ou d'erreur qu'ils recèlent. Il fournit un indicateur de la solidité des banques qui est à lui seul insuffisant, mais qui, en complément des ratios de fonds propres, donne une information claire, lisible et malgré tout juste de la taille du bilan bancaire.
Le réel enjeu tient surtout à son calibrage. Aujourd'hui, il est fixé à 3 %, c'est-à-dire que la valeur des actifs d'une banque ne pourrait pas dépasser plus de 33 fois le montant de ses fonds propres.
De manière prudente, « CRD IV » prévoit que le ratio de levier relève d'abord de la supervision nationale et sera dans ce cadre publié en 2015. Il entrera en vigueur de façon contraignante en 2018. D'ici là, nous aurons le temps de mesurer ses effets précis et de déterminer son calibrage le plus adéquat.
Enfin, Bâle III et « CRD IV » introduisent des ratios de liquidité. La liquidité, c'est la capacité à céder rapidement un actif sans perte substantielle. Elle désigne donc les ressources disponibles ou facilement mobilisables pour honorer ses dépenses.
Entre 2007 et 2008, le système bancaire est passé d'une période où la liquidité était abondante à un assèchement durable.
Pour répondre à ce nouveau contexte, Bâle III crée un ratio de liquidité de court terme qui doit permettre de faire face à un choc de liquidité majeur et soudain ; et un ratio de liquidité de long terme qui a pour but d'encadrer l'activité de transformation, c'est-à-dire le fait d'accorder des financements longs grâce à des ressources courtes.
Sur le fond, les ratios de liquidité constituent une avancée importante de Bâle III. Ils sont eux aussi soumis à des périodes d'observation, jusqu'en 2015 et 2018. Je crois cependant que des progrès peuvent encore être réalisés quant au calibrage et à la définition des actifs liquides. Nous y reviendrons dans le cadre de la discussion des amendements.
Au-delà des trois ratios que je viens de vous présenter, la proposition « CRD IV » contient d'autres innovations qui, elles, ne constituent pas une transposition de Bâle III. Je citerai tout d'abord les nouvelles règles en matière de gouvernance d'entreprise, notamment en ce qui concerne la diversification des conseils d'administration et la surveillance des risques pris par l'établissement. Dans ce cadre, la proposition cherche notamment à inciter les établissements à recourir davantage à leurs propres systèmes d'analyse des risques et moins aux notations émises par les agences de notation.
La proposition contient également des mesures d'harmonisation des supervisions nationales.
Avant d'en venir aux amendements, je voudrais préciser deux points qui sont, selon moi, les deux enjeux essentiels de ce texte.
Le premier enjeu est d'ordre économique : il s'agit des conséquences des différents ratios sur le financement de l'économie, notamment le financement de long terme.
Par quel biais le financement de l'économie est-il impacté ? Il l'est d'abord par le relèvement des ratios de fonds propres : moins par le niveau en lui-même que par le relèvement et la période transitoire au cours de laquelle les banques sont contraintes de se recapitaliser. Pour se recapitaliser, les banques peuvent supprimer certaines activités et réduire certains encours de crédit. Ces craintes sur les prêts bancaires ont été d'autant plus vives, en particulier à la fin de l'année 2011, que le superviseur européen, l'Autorité bancaire européenne, a accéléré le calendrier en obligeant les banques à détenir 9 % de fonds propres durs (en définition « CRD III ») d'ici juin 2012.
C'est pourquoi il convient que la supervision surveille très étroitement les méthodes de recapitalisation des banques : pour atteindre le niveau requis de fonds propres, les banques doivent, selon les recommandations de l'Autorité bancaire européenne, jouer notamment sur les mises en réserve de bénéfices, et non pas sur les actifs. Du reste, les banques peuvent à l'heure actuelle d'autant plus renoncer à certains bénéfices que ces derniers sont partiellement assis sur une forme de rente publique : la rente publique de la liquidité à bas coût assurée par les opérations de la BCE, qui leur permet, en empruntant à 1 %, de dégager une marge plus importante que celle qu'elles auraient réalisée en se refinançant dans des conditions normales. Je constate d'ailleurs que les banques françaises sont moins « bavardes » que leurs consoeurs italiennes ou espagnoles quant à l'utilisation de la facilité de la BCE. Nous savons que celles-ci ont acheté des obligations d'Etat de leurs pays. Il serait intéressant que nous en sachions un peu plus à propos des banques françaises.
Le financement à long terme est également impacté par les ratios de levier et de liquidité. C'est précisément au regard de ces difficultés que les uns et les autres sont soumis à des périodes d'observation, jusqu'en 2015, 2016 ou 2018, et que leurs niveaux et leurs critères respectifs doivent être bien calibrés.
Le second enjeu majeur de Bâle III est un enjeu politique : il s'agit de l'harmonisation maximale.
L'harmonisation maximale recouvre deux choses. La première, c'est le choix d'un règlement directement applicable dans les États membres. Cela n'est pas contesté.
Mais l'harmonisation maximale, c'est aussi le fait que les ratios fixés par ce règlement soient limitatifs et que le superviseur national ne puisse pas, de lui-même, les relever. C'est cela qui fait l'objet d'un refus, entre autres, de nos partenaires britanniques et suédois.
Or, harmonisation maximale ne veut pas dire harmonisation absolue : les autorités nationales peuvent jouer sur un coussin dit contracyclique, en fonction de la situation économique du pays. Ils peuvent également exiger des ratios supérieurs pour un établissement soumis à des risques particuliers, par exemple les établissements d'importance systémique. Ce qu'interdit l'harmonisation maximale, c'est simplement de relever les ratios de façon générale et sans justification, c'est-à-dire sans discussion par le dispositif européen de supervision, Autorité bancaire européenne et Comité européen du risque systémique.
Quel est l'enjeu pour nos partenaires britanniques ? En réalité, l'objectif semble être de remettre en cause, précisément, ce cadre européen de supervision : de le contourner, de ne pas être soumis à sa discussion et, éventuellement, à sa validation. Derrière le débat sur l'harmonisation maximale, il y a donc la volonté de permettre une renationalisation du cadre de supervision.
Cette renationalisation aurait des conséquences sur la distribution du crédit dans les Etats dont le système bancaire est surtout constitué de filiales de grandes banques étrangères puisque, pour respecter les exigences de leurs superviseurs nationaux, ces banques réduiraient la distribution de crédit non pas dans leur pays d'origine - le superviseur les en empêcherait - mais dans les pays d'implantation des filiales.
Pour les Britanniques, il est en outre important de renationaliser le cadre de supervision puisqu'ils ne souhaitent pas soumettre la mise en oeuvre de leur réforme Vickers de séparation des activités bancaires au processus européen de supervision.
La question de l'harmonisation maximale est donc liée à la réponse que l'on souhaite apporter au problème des établissements d'importance systémique. Je regrette à cet égard que la proposition européenne n'apporte pas d'autre réponse à ce problème que de permettre, en creux, l'imposition d'une surcharge systémique par les autorités nationales.
Chaque État doit rester libre d'apporter la réponse qu'il estime la meilleure à ce problème, dès lors que ce sont les contribuables qui les renfloueraient en cas de difficulté. Mais les décisions de chacun ont des conséquences sur les autres et c'est précisément pour les apprécier que les instances collégiales européennes ont été mises en place.
Pour répondre au problème systémique, la séparation des activités ne doit pas être taboue. Je ne plaide pas pour une application aveugle de la règle Volcker ou du rapport Vickers. Je souhaiterais surtout que nous cessions d'écarter le sujet d'un revers de la main, au nom du sacro-saint modèle de la « banque universelle » qui a, soi-disant, « si bien résisté à la crise ». C'est pourquoi je serai attentive non seulement aux conclusions des travaux du groupe d'experts qui a été mis en place par le commissaire Barnier en janvier 2012, mais aussi à la manière dont les Américains et les Britanniques appliquent concrètement les règles dont ils ont décidé le principe.
Un mot, enfin, de l'application internationale de Bâle III. L'Union européenne est une fois de plus en avance dans la transposition des règles de Bâle. Or, comme vous le savez, les Etats-Unis manient l'ambiguïté sur leur intention d'adopter Bâle III. Le PDG de JP Morgan déclarait encore récemment que ces règles étaient « anti-américaines ». En un mot, le chemin est encore long et le sera d'autant plus si les Européens sont les seuls à l'emprunter.
En tout état de cause, je regrette que l'harmonisation internationale ne soit pas d'abord passée par une harmonisation des normes comptables, comme l'avait recommandé le groupe de travail commun Sénat et Assemblée nationale.
J'ai bien conscience de n'avoir pas épuisé mon sujet mais je vous propose, comme la dernière fois, d'évoquer certains aspects de « CRD IV » au moment de l'examen des amendements.
Dans le nouveau système, il y a trois types de ratios : solvabilité, liquidité et levier. Si j'ai bien compris, le total des actifs de la banque ne pourrait pas dépasser 33 fois ses fonds propres...
Oui, il s'agit là du ratio de levier. Tout l'enjeu sur ce ratio est de trouver le bon calibrage. Finance Watch, que j'ai rencontré à Bruxelles, propose un ratio flexible qui pourrait être porté à 5 % dans les périodes d'expansion économique afin d'éviter un emballement du crédit. Il reviendrait à 3 % lors d'un retournement de conjoncture. Pour l'instant, le ratio de levier bénéficie d'une période d'observation jusqu'en 2016 et deviendrait contraignant à partir de 2018.
Le règlement européen est d'application directe mais de manière graduelle !
Je précise à ce propos le calendrier de la discussion européenne. Le Parlement européen examine le texte en ce moment puisque la commission des affaires économiques et monétaires devrait se réunir fin avril. La Commission européenne espère donc aboutir à un texte définitif d'ici la fin de l'année.
La pondération des risques est un élément essentiel du cadre prudentiel. J'aimerais savoir s'il s'agit de dispositions définitivement arrêtées par le règlement européen.
La pondération des risques nécessite une attention approfondie. Le règlement est assez précis sur ce point. En revanche, nous pouvons regretter - et c'est un amendement que je vous proposerai - que certains risques, par exemple les prêts aux PME, soient surpondérés par rapport à la réalité des risques qu'ils contiennent.
Nous devons également faire attention à ce que le règlement tienne compte de nos spécificités. Par exemple, il convient de préciser le mode de comptabilisation des dépôts du Livret A de la Banque postale, qui centralise l'intégralité de son encours auprès de la Caisse des dépôts à la différence des autres banques françaises.
Lorsque nous avons rencontré le président de la Fédération bancaire française (FBF), Frédéric Oudéa, il nous a indiqué que les banques françaises se retiraient du marché du financement des collectivités territoriales du fait des nouveaux ratios de liquidité. On nous explique que faute de disposer des dépôts des collectivités, elles ne peuvent plus prêter. Pourrait-on alors envisager de sortir le secteur public de Bâle III ?
Les dépôts des collectivités territoriales représentent environ 30 milliards d'euros. Pour la trésorerie de l'Etat et donc pour son coût de financement, c'est un enjeu non négligeable. En tout état de cause, le retrait du secteur public n'est pas « sur la table ».
Le texte de la proposition européenne justifie-t-il les craintes émises par la FBF ?
Il est toujours délicat d'y voir clair. Les banques nous annoncent leur volonté de se retirer du marché. Bâle III n'est-il qu'un prétexte ? Il est difficile de le savoir. En tout état de cause, les crédits aux collectivités territoriales sont, au regard des ratios de solvabilité, des actifs considérés comme peu risqués.
Peut-être les banques ont-elles une interprétation un peu sollicitée du texte européen...
Oui d'autant plus que les banques bénéficient de 1 000 milliards d'euros de liquidité de la Banque centrale européenne (BCE). J'aimerais bien savoir quelle part de ce montant revient aux banques françaises. Je souhaiterais surtout savoir l'emploi de ces fonds.
Vous avez souligné l'impact sur l'économie des nouvelles règles prudentielles. S'il n'y a pas d'application internationale de ces normes, nous allons assister à des distorsions de concurrence. Pouvons-nous alors considérer, au regard des règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), qu'il s'agirait d'un soutien assimilable à une aide d'Etat ? L'OMC s'est-elle prononcée sur le sujet ? Il me semble impératif de restreindre au maximum l'écart d'application de ces normes au niveau international.
Déjà, au sein même de l'Union européenne, nous retrouvons ce problème autour du débat sur l'harmonisation maximale. Il faut donner les moyens à l'Autorité bancaire européenne (ABE) d'exister. Jusqu'à présent les régulateurs européens étaient faibles.
Nous avons connu vingt ans de prospérité grâce au libéralisme et nous connaissons une catastrophe à cause de ce même libéralisme. Maintenant, nous cherchons un moyen terme mais il est important que nous ne soyons pas seuls.
La crise, c'est un problème de confiance. Désormais, il y a un arbitrage à réaliser et il pèse sur les actionnaires. Les banques doivent revenir à un fonctionnement bancaire traditionnel, qui est moins rémunérateur que les activités risquées développées ces dernières années. Mais les actionnaires accepteront-ils que le capital soit moins rétribué qu'auparavant ?
Lors de son audition, François Pérol nous a dit qu'il comptait revenir à son métier de base en abandonnant le trading pour compte propre.
Au demeurant, il est difficile de définir quel sera exactement le nouveau modèle économique des banques. Le facteur de confiance sera essentiel et la BCE ne pourra pas éternellement soutenir des établissements encore trop frileux les uns vis-à-vis des autres.
Je constate que, sur le terrain, le discours de la FBF est conforme mot pour mot avec celui que nous a tenu son président.
Je suis inquiet car la co-entreprise de la Banque postale et de la Caisse des dépôts a annoncé son intention de prendre 15 % à 25 % du marché. Or Dexia représentait plutôt 50 %. Qui va combler la différence ? Qu'allons-nous faire en cas de retrait durable du système bancaire ? Aujourd'hui, nous avons déjà de vraies difficultés. Je pourrais citer l'exemple d'un hôpital de mon territoire qui n'arrive pas à se financer.
Il faut absolument trouver le moyen de sortir de cette situation infernale.
Le besoin de financement serait autour de 18 milliards d'euros. La solution conjoncturelle passe par l'ouverture d'une enveloppe de prêts sur les fonds d'épargne de la Caisse des dépôts, ce qu'elle demande du reste. Le Premier ministre l'a annoncé mais nous attendons toujours la décision du Gouvernement. C'est la seule solution existante en attendant le relais de la co-entreprise Banque postale - Caisse des dépôts, qui devrait graduellement monter en puissance. Je rappelle d'ailleurs que l'on attend toujours le rapport du Gouvernement sur l'Agence de financement des collectivités territoriales.
Les 5 milliards d'euros annoncés par le Premier ministre ne sont pas encore répartis.
A la fin de l'année dernière, une première enveloppe de 5 milliards d'euros de prêts avait déjà été ouverte...
Oui, il s'agit de sommes souscrites par les banques, la part distribuée par la Caisse des dépôts est, quant à elle, entièrement répartie.
S'agissant de la nouvelle facilité, annoncée pour le 1er semestre 2012, quand sera-t-elle débloquée ? Malgré l'annonce du Premier ministre, nous ne voyons toujours rien venir !
L'emploi des fonds d'épargne relève formellement du Gouvernement. La Caisse des dépôts ne peut rien faire tant qu'elle n'y est pas habilitée par un acte juridique du Gouvernement et cet acte nous l'attendons toujours.
Mais, en ce moment, nous sommes à la veille du vote des budgets locaux. Toutes nos collectivités interrogent leurs bailleurs de fonds afin de construire leur budget et cette facilité n'est pas opérationnelle.
En tout état de cause, pour revenir à Bâle III, nous espérons pouvoir nous appuyer sur vos travaux, aussi exhaustifs que possible, pour ne pas nous laisser manipuler par les banques.
En ce qui concerne le recours par les banques françaises au refinancement à long terme de la BCE, le LTRO (Long Term Refinancing Operation), je crois que nous pouvons solliciter prochainement une audition du directeur général du Trésor, du gouverneur de la Banque de France et de tout autre interlocuteur utile pour comprendre l'utilisation qu'elles en ont fait.
EXAMEN DES AMENDEMENTS
L'amendement n° 1 est rédactionnel.
L'amendement n° 1 est adopté.
L'amendement n° 2 tend à approuver la position de la Commission européenne : il plaide pour l'harmonisation maximale au sein de l'Union. Je crois que, sur ce point, il faut vraiment appuyer la Commission européenne et nous verrons bien où aboutira la négociation.
Cet amendement insiste également sur le financement de l'économie à long terme. Je crois notamment qu'il faut éviter de trop recourir à la comptabilisation en valeur de marché qui est procyclique et renforce la volatilité de court terme.
Qu'entendez-vous par « notamment » ? Je crains que cette formulation ne signifie que nous admettons le principe bien que nous le regrettions.
Sur le fond, le besoin de financements longs est crucial pour la croissance de notre économie. Il suffit de penser aux secteurs de l'énergie, des transports ou encore du numérique.
Nous pourrions remplacer « notamment » par « en particulier ».
L'amendement n° 2 ainsi rectifié est adopté.
L'amendement n° 3 souligne d'abord un paradoxe de la réglementation qui nous est proposée : elle n'intègre pas le risque systémique en tant que tel. Or le comité de Bâle a bien travaillé en vue de réduire le risque systémique. Je comprends que la définition de ce qui est systémique relève du niveau macro-prudentiel et que « CRD IV » agit au niveau micro-prudentiel. Néanmoins, je constate qu'une des principales réponses envisagées est la « surcharge systémique », c'est-à-dire une surcharge de fonds propres durs imposés aux établissements identifiés comme systémiques. Or si une telle surcharge doit exister, elle ne peut être définie que par le droit européen. Ce serait totalement paradoxal de laisser le soin à chaque Etat membre de fixer cette surcharge.
L'amendement demande également que les spécificités des économies nationales soient prises en compte par « CRD IV ». Je pense en particulier aux prêts aux PME, au crédit-bail, aux prêts immobiliers cautionnés et aux obligations de financement de l'habitat.
Enfin, il me semble très important que le taux de rétention des actifs titrisés, qui est de 5 % dans la proposition de la Commission européenne, soit porté au minimum à 10 %.
Sur ce point, je crois que nous sommes en ligne avec les préconisations du groupe de travail Assemblée nationale-Sénat.
Oui, tout à fait.
L'amendement n° 3 est adopté.
L'amendement n° 4 aborde la question du ratio de levier. L'outil me paraît intéressant, du fait de sa simplicité, je le disais tout à l'heure. Il doit rester insensible au risque pour conserver sa puissance. Je propose de mettre à profit la période d'observation ouverte jusqu'en 2016 pour arriver au calibrage le plus adéquat.
La démarche est prudente, mais nous allons attendre trois ans puis il faudra encore patienter jusqu'en 2018 avant sa mise en oeuvre contraignante. C'est un enjeu majeur de la discussion. Les banquiers sont hostiles à cet instrument.
Cet outil permet d'encadrer la croissance du crédit, de manière complémentaire à l'action de la BCE sur les taux d'intérêt.
Il s'agit bien d'éviter un emballement du crédit dans les périodes fastes.
La situation des groupes mutualistes serait bien prise en compte puisque les fonds propres seraient calculés au niveau consolidé. Je sais néanmoins que des amendements devraient être déposés lors de la discussion au Parlement européen afin de sécuriser ce point. Je vous rappelle cependant que ces banques ne sont pas exemptes de toute critique et que certaines de leurs filiales se sont livrées à des activités spéculatives, je pense par exemple à Calyon ou Natixis. Il ne faut pas oublier la période précédente.
L'amendement n° 4 est adopté.
L'amendement n° 5 porte sur les nouveaux ratios de liquidité. Il convient tout d'abord que la définition des actifs liquides soit élargie de sorte qu'elle ne nuise pas au financement bancaire des entreprises.
En ce qui concerne le ratio de liquidité de long terme, nous retrouverons ici le débat que nous avons eu à l'instant sur le financement des collectivités territoriales.
Parce que ce ratio oblige les banques à mettre en face d'engagements longs des ressources longues. A cet égard, il faudra peut-être que les collectivités empruntent sur une durée moins longue et pour un coût plus élevé.
En des temps pas si éloignés, Dexia était prêt à vendre des crédits sur cinquante ans.
Ce sont effectivement de très bons prêts, peu risqués. Ce point est bien pris en compte par les ratios de solvabilité. Là, il s'agit du ratio de liquidité.
Le problème est que les banques ne peuvent pas recevoir « l'épargne » des collectivités. Comme elles ne peuvent pas recevoir les dépôts, elles considèrent qu'elles ne disposent pas de ressources longues stables et refusent de nous prêter.
Au vu de nos débats, je crois que nous pourrions un peu « muscler » la rédaction du dernier alinéa de votre amendement n° 5.
Je vous propose la rédaction suivante : « demande que les modalités du ratio de liquidité de long terme soient revues s'il était confirmé que les évolutions observées en matière de financement des collectivités territoriales lui étaient attribuables ».
L'amendement n° 5 ainsi rectifié est adopté.
L'amendement n° 6 vise à ce que les autorités, gouvernements et régulateurs, surveillent les effets potentiellement négatifs de la proposition européenne. Il s'agit tout d'abord des démarches de réduction d'activité engagées par certains établissements bancaires et qui se traduisent par une réduction du crédit aux entreprises et aux collectivités territoriales. Ensuite, nous pouvons craindre un repli progressif des acteurs financiers sur leur marché national qui entraînerait une fragmentation du marché européen. Enfin, nous devons veiller à l'évolution du modèle de financement des entreprises, notamment celles de l'Europe continentale, qui pourrait durablement se transformer dans le sens d'un recours accru au marché. La régulation bancaire aurait cet effet paradoxal d'amener un plus grand nombre d'entreprises à se financer directement par le marché.
N'y a-t-il pas là une contradiction ? A force de rendre plus difficile le métier bancaire, il finit par être contourné.
Assurément, le modèle économique des banques va évoluer. C'est d'ailleurs ce que nous a confirmé François Pérol. Les banques vont accompagner les grandes entreprises vers le marché tandis qu'elles concentreront leurs prêts sur les PME.
Pas nécessairement, les activités de marché seront peut-être moins rentables, mais il ne faut pas que la recherche de rentabilité se fasse au détriment des prêts bancaires traditionnels.
L'harmonisation maximale est, sur ce point, très importante. Sans harmonisation maximale, nous risquons de voir certains superviseurs durcir les ratios pour les entités qu'ils surveillent. Or celles-ci ne vont pas couper le crédit sur leur territoire national, elles vont se replier sur leur marché intérieur et « fermer le robinet » dans les autres Etats-membres. Ce serait une forme de protectionnisme.
Il me semble que nous pourrions substituer à l'expression « soient étroitement surveillés » la formule « soient autant que possible évités ».
L'amendement n° 6 ainsi rectifié est adopté.
L'amendement n° 7 soulève une question très importante qui est celle de l'application de Bâle III en dehors de l'Union européenne. Je pense en particulier aux Etats-Unis qui sont beaucoup moins avancés que nous et qui manient une forme d'ambiguïté sur leurs intentions réelles.
Par ailleurs, le chantier de l'harmonisation des normes comptables internationales est toujours plus ou moins au point mort. Or il ne servira à rien d'harmoniser les règles prudentielles si les normes comptables diffèrent entre l'Europe et les Etats-Unis : toute comparaison serait biaisée.
Si toutes ces mesures entrent en vigueur ici et ne sont pas appliquées outre-Atlantique, nous serons pénalisés. Je crois que l'amendement doit bien souligner que, en dehors de l'Europe, les Etats-Unis doivent appliquer Bâle III, mais ce ne sont pas les seuls.
L'amendement n° 7 ainsi rectifié est adopté.
L'amendement n° 9 porte sur les rémunérations dans le secteur bancaire. Beaucoup d'Etats n'ont pas transposé, ou seulement partiellement, les règles issues de la directive « CRD III » de novembre 2010. Je souhaiterais que nous puissions disposer d'un bilan de sa mise en oeuvre.
Ensuite, il me semble important que l'encadrement des rémunérations ne se limite pas à restreindre la prise de risque. Il doit aussi permettre une modération salariale au regard des rémunérations constatées, à qualification égale, dans les autres secteurs de notre économie.
Sur cette question, nous sommes en concurrence au sein de l'Europe mais aussi avec le reste du monde, qu'il s'agisse de New York ou de Singapour.
Nous sommes une modeste partie du Parlement français et c'est dans ce cadre que je formule cette proposition...
L'amendement n° 9 est adopté.
Enfin, l'amendement n° 8 entend appuyer la démarche du commissaire Barnier qui a mis en place un groupe d'experts de haut niveau qui doit étudier de possibles réformes de structure de notre secteur bancaire. Les banquiers se plaignent déjà mais ce ne doit pas être un sujet de polémique. Il faut aborder ces questions sans tabous ni préjugés.
Je crois qu'il faudrait mentionner, outre la possibilité, les conséquences d'une séparation des activités bancaires de détail et d'investissement adaptée au secteur bancaire de l'Europe continentale.
L'amendement n° 8 ainsi rectifié est adopté.
La proposition de résolution est alors adoptée, à l'unanimité des membres présents, dans la rédaction issue des travaux de la commission.
La commission désigne enfin M. Philippe Marini, président, et Mme Michèle André, vice-présidente, en qualité de représentants de la commission des finances au sein du groupe de travail sur le répertoire national des crédits aux particuliers.