La délégation procède à un échange de vues sur l'organisation de ses travaux et le choix de son thème de réflexion annuel.
Pour cette première réunion de travail, je vous propose de procéder à un échange de vues sur nos travaux à venir.
Un mot, tout d'abord, de leur organisation. Nos réunions pourraient se poursuivre le jeudi matin, créneau de principe qui doit faciliter la gestion de nos agendas et présente l'avantage de n'empiéter ni sur les réunions de groupe, ni sur celles des commissions permanentes et a donné satisfaction dans le passé. Ce qui ne nous interdit pas d'y déroger, ainsi que ce pourrait être le cas pour l'audition de Mme Roselyne Bachelot, à qui j'ai demandé de venir nous exposer la politique de son ministère en faveur des femmes, en particulier en matière d'égalité professionnelle et salariale et de lutte contre les violences à leur encontre, et qui devrait avoir lieu courant février, en fonction de ses disponibilités. L'urgence législative pourra également nous conduire à déroger à la règle du jeudi matin.
Quant à la périodicité de nos réunions, elle gagnerait, pour plus de prévisibilité, à être régulière - hebdomadaire ou tous les quinze jours - étant entendu que durant la période préélectorale qui verra la suspension de nos travaux en séance publique, elle saura s'adapter à vos disponibilités.
J'en viens au choix de notre thème annuel de travail. Vous savez que notre délégation s'attache, depuis sa création, à approfondir chaque année un sujet d'étude lié aux droits des femmes et à l'égalité entre les genres. Ce rapport d'information qui dresse des constats et formule des recommandations est intégré à notre rapport d'activité.
Après en avoir parlé avec les membres de notre bureau représentant nos différentes sensibilités politiques, je vous propose de retenir un thème sur « les femmes et le travail ». Le mouvement d'émancipation des femmes est un des faits majeurs de ces cinquante dernières années et leur entrée dans le monde du travail y a puissamment contribué en leur permettant d'accéder à l'autonomie financière. A ce titre, le travail est aujourd'hui, me semble-t-il, au coeur des préoccupations de nos concitoyennes et il me paraît légitime d'aborder ce thème de façon globale, y compris dans sa dimension anthropologique.
L'accès des femmes au travail s'est considérablement développé au cours des cinquante dernières années, mais on peut se demander si cette dynamique ne marque pas, aujourd'hui, le pas. Même s'il a beaucoup progressé, le taux d'activité des femmes, de 84 %, reste inférieur à celui des hommes, qui atteint 95 %. L'écart se creuse encore si l'on s'attache à mesurer le taux d'activité des parents de trois enfants ou plus dont un de moins de trois ans : il est alors de 96 % pour les hommes et de 40 % seulement pour les femmes.
Surtout, les femmes sont beaucoup plus touchées que les hommes par le sous-emploi. D'après l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), elles représentaient, en 2009, 82 % des salariés à temps partiel et cette situation est plus souvent subie que choisie.
La crise économique que nous traversons a accentué ces distorsions. On a pu avoir l'impression, dans un premier temps, qu'elle affectait davantage l'emploi masculin. Mais des économistes, comme Françoise Milewski, ont montré que l'emploi féminin n'avait mieux résisté qu'en apparence car, pour les femmes, la crise s'est surtout traduite par une forte augmentation du taux d'emploi à temps partiel, par une réduction du nombre d'heures travaillées et par le développement des horaires flexibles avec, pour conséquence, une montée de la précarité et de la pauvreté. Ces femmes en sous-emploi sont celles qui sont le moins qualifiées, souvent employées dans le nettoyage, l'entretien-ménage, le gardiennage, la grande distribution. Elles ont souvent des horaires courts, atypiques, pas toujours maîtrisés, cumulent plusieurs emplois et lieux de travail. Les conditions de travail et de recherche d'emploi sont telles que l'on peut à bon droit parler d'un processus déshumanisant. Le livre de Florence Aubenas, Le quai de Ouistreham, que vous avez peut-être lu, me paraît, de ce point de vue, très éclairant : le monde de la précarité qu'elle décrit est très largement féminin.
Bien sûr, à l'autre extrémité du spectre social, certaines femmes, encore trop peu nombreuses, parviennent à briser le « plafond de verre » et à accéder à des responsabilités de direction. La loi du 27 janvier 2011 relative à la représentation équilibrée des conseils d'administration devrait y contribuer. Mais ces réussites individuelles ne se diffusent pas nécessairement au reste de la société. Les rémunérations des femmes restent inférieures de 27 % en moyenne à celles des hommes. Leurs carrières ne progressent pas comme celles des hommes, et sont souvent incomplètes.
De surcroît, alors que nos compatriotes restent très attachées au travail et aux valeurs qu'il représente - toutes les enquêtes d'opinion le confirment - de nouvelles normes apparaissent, qui suscitent bien des interrogations. La volonté des entreprises de se doter d'une organisation du travail plus flexible et plus diversifiée se traduit par le développement d'horaires atypiques d'autant plus défavorables à l'articulation entre vie privée et vie professionnelle qu'ils sont, dans l'ensemble, peu anticipés.
Cette organisation du travail émergente peut aussi créer une distorsion entre le goût du travail bien fait et les exigences sans cesse accrues de productivité et de rentabilité financière. Cette distorsion est au coeur de ce que le sociologue Yves Clot appelle « la qualité empêchée » et des risques psychosociaux qui l'accompagnent : stress, dépressions, voire vagues de suicides, qui en sont les manifestations les plus dramatiques. Or, comme le montre une étude récente du Centre d'analyse stratégique, les femmes, qui sont moins exposées aux cancers professionnels, le sont en revanche davantage aux risques psychosociaux.
Ces évolutions ne sont pas de simples épiphénomènes. Comment les femmes, confrontées à l'inégalité dans la société comme au travail, seraient-elles épargnées ? D'autant qu'en matière familiale et domestique, le partage et la « déspécialisation » des tâches entre conjoints est loin d'avoir significativement avancé.
Vue de l'extérieur, la situation des femmes au travail peut revêtir les apparences d'un accomplissement, mais à y regarder de près, on constate qu'elles ont à supporter un lourd et contraignant cumul de charges quotidiennes. Quant aux moins qualifiées, à celles qui sont au chômage, à celles qui sont exclues du marché du travail, elles sont confrontées à une grande précarité, exposées à la pauvreté.
La question de leur indépendance financière résonne bien de ce fait comme une question sociale.
Réduire significativement les inégalités et les discriminations, relancer la dynamique d'émancipation conduit à s'interroger sur la place des femmes dans l'emploi, la nature, la place, le rôle du travail dans la reprise forte d'un mouvement d'émancipation, mais aussi sur ce que peut faire la société pour rendre possible ce mouvement.
C'est ce à quoi je vous propose de travailler.
Ce thème est, il est vrai, très large, et j'ai bien conscience qu'un rapport parlementaire doit, pour être utile et constructif, déboucher sur des propositions concrètes. C'est pourquoi, après avoir pris l'attache de quelques universitaires référents pour identifier les lignes de force de cette problématique, je demanderai au bureau de la délégation de délimiter le champ et la visée de notre étude.
Ce travail de l'année ne doit pas nous faire oublier les autres thématiques sur lesquelles nous devons rester mobilisés, en particulier lorsque l'actualité législative le requiert.
C'est ainsi que, la semaine dernière, nous avons consacré notre première réunion de l'année à une table ronde avec une quinzaine d'associations dans la perspective de l'examen, cet après-midi, de la proposition de loi de notre collègue Muguette Dini, tendant à allonger les délais de prescription pour les agressions sexuelles autres que le viol. Les arguments que les responsables de ces associations ont évoqués en faveur de l'adoption de la proposition de loi ont contribué à faire évoluer ma réflexion sur ce sujet et j'espère qu'un certain nombre d'entre nous pourront s'en faire l'écho dans les débats. Il me paraît important que nous puissions relayer la parole de ces associations car, vous le savez, la commission des lois, suivant son rapporteur, a donné un avis défavorable à l'adoption de la proposition de loi.
D'autres textes devraient solliciter notre attention dans les jours et les semaines qui viennent. Je vous ai déjà alertés sur l'article 41 du projet de loi relatif à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, qui impose au Gouvernement de présenter devant le Conseil commun de la fonction publique un rapport sur les mesures mises en oeuvre pour assurer l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Ce doit nous être l'occasion, les 25 et 26 janvier, en séance publique, d'exprimer notre volonté de voir progresser l'égalité professionnelle réelle dans la fonction publique.
La Conférence des présidents a décidé hier soir d'inscrire à l'ordre du jour du 16 février la discussion de la proposition de loi déposée par nos collègues du groupe socialiste relative à l'égalité salariale entre les hommes et les femmes. Ce sujet est au coeur de nos préoccupations, et si vous en êtes d'accord, je vais demander à la commission des affaires sociales de nous saisir. Nous devrons alors rapidement nous réunir pour désigner un rapporteur.
Notre délégation doit également se montrer attentive au suivi et à l'application des lois que nous avons votées. Je pense plus particulièrement à la loi du 9 juillet 2010 contre les violences faites spécifiquement aux femmes au sein du couple, ainsi qu'à l'article 99 de la réforme des retraites qui a institué une pénalité financière à l'encontre des employeurs qui ne s'acquitteraient pas de leurs obligations en matière d'égalité professionnelle et salariale. Ce sont deux sujets importants que nous devrons aborder lors de l'audition de Mme Bachelot.
La problématique de l'égalité professionnelle est, en quelque sorte, connexe à notre thème de travail. Nous aurons en outre l'occasion de l'évoquer à l'occasion de la proposition de loi déposée par nos collègues socialistes. Faut-il aller plus loin et nous engager dans une évaluation de l'application des différentes lois, parfois anciennes, qui ont été adoptées en ce domaine ? Certes, la nécessité d'un tel bilan se fait aujourd'hui sentir. La délégation aux droits des femmes de l'Assemblée nationale a d'ailleurs déjà réalisé un tel travail, qui a fait l'objet d'un rapport publié en juillet 2011. La délégation du Conseil économique, social et environnemental envisage à son tour d'en faire son thème de travail en 2012. Devons-nous, à notre tour, apporter notre contribution, en nous appuyant le cas échéant sur la nouvelle commission chargée de l'application des lois ? Je n'y suis pas hostile, sous réserve que ces travaux ne viennent pas trop grever les moyens humains limités dont nous disposons pour la conduite de notre thème d'étude et à condition que nous ayons au préalable bien identifié les aspects qui n'auraient pas été suffisamment approfondis ailleurs.
Sur l'application de la loi contre les violences, j'ai noté que notre collègue Roland Courteau, vice-président de notre délégation, avait déposé avec ses collègues du groupe socialiste, une proposition de résolution. Si vous en êtes d'accord, je me propose d'adresser un courrier à M. le Président du Sénat pour lui demander d'inscrire la discussion de cette proposition de résolution à l'ordre du jour du Sénat dans les meilleurs délais.
Je terminerai par une dernière information. Le Parlement européen organise, à l'occasion de la Journée internationale de la femme, une réunion interparlementaire à laquelle sont conviées toutes les délégations et commissions chargées des droits des femmes des parlements de l'Union européenne sur le thème « à travail égal, rémunération égale ». Il me paraît important que nous puissions répondre à cette invitation et y envoyer deux de nos membres, représentant respectivement la majorité et l'opposition sénatoriale. Comme je pense y participer, je souhaiterais que l'opposition sénatoriale désigne un candidat pour la représenter à cette manifestation qui aura lieu dans l'hémicycle du Parlement européen, à Bruxelles, le jeudi 8 mars 2012, de 9 heures à 12 h 30.
La commission des lois a donc émis un avis défavorable sur la proposition de loi de Mme Muguette Dini, et il semble que le gouvernement également soit hostile à son adoption. Mais notre table ronde de la semaine passée nous a rappelé, s'il en était besoin, combien il est difficile pour une femme de porter plainte à la suite de violences, et nous a permis d'étayer notre point de vue. Ce n'est pas à mon âge que je vais entamer une carrière de girouette, comme aurait dit le Général : je voterai ce texte.
Il est difficile d'ajouter au plaidoyer très complet de notre présidente. Permettez-moi seulement d'évoquer l'idée d'intégrer à notre réflexion la question des femmes et de la politique, laquelle est aussi, somme toute, un travail... Il serait regrettable, en ces temps électoraux, de faire l'impasse sur le sujet. Car nous savons tous combien la tâche des femmes est aisée en politique !...
Le texte de Mme Dini, que j'admire, est fort intéressant : je comprends mal la position de la commission des lois. Sous quelle l'influence a-t-elle bien pu se déterminer ? Où est le problème ? J'espère que tous nos collègues de la délégation soutiendront ce texte : la moindre voix discordante donnerait un signal funeste.
Tout à fait d'accord sur le thème proposé ; le travail des femmes est un sujet majeur.
J'ai pu constater que certaines dispositions de la loi du 9 juillet 2010 relative aux violences faites aux femmes ne sont pas appliquées. C'est le cas de son volet prévention, tandis que les rapports de faisabilité qu'elle prévoyait, notamment sur la mise en place d'un observatoire national ou d'une formation des acteurs, ne sont toujours pas rendus. Surtout, il semble que sa mesure phare, l'ordonnance de protection, reste largement délaissée : faut-il imputer la rareté des demandes à l'ignorance des avocats ? Comment expliquer cette méconnaissance de la loi ? Et lorsqu'une ordonnance est prise, ce n'est que plusieurs semaines après saisine du juge aux affaires familiales, dont la loi prévoyait pourtant qu'elle était faite pour intervenir en urgence, en cas de danger... Il pourra être utile d'interroger Mme Bachelot sur tous ces points.
Notre rencontre de la semaine dernière avec les associations m'a convaincue de l'importance du texte de Mme Dini. Mon groupe, pourtant, a décidé, ce matin, qu'il ne le voterait pas, pour des raisons juridiques. J'estime, quant à moi, comme membre de cette délégation, qu'elle ne peut s'en tenir toujours au juridiquement correct ; nous sommes une instance hors clivages, il faut en profiter pour attester de la nécessité d'avancer politiquement. C'est pourquoi j'ai bien précisé ce matin qu'en cas de scrutin public, j'entendais voter pour le texte.
Le thème des femmes et du travail, comme j'ai eu l'occasion de vous le dire, me semble très large, mais il est vrai qu'il peut être décliné en chapitres.
Oui, il faut suivre l'actualité. Je souscris à la résolution Courteau, même si je crains que la brièveté de la session complique son inscription à l'ordre du jour. Pour avoir été rapporteur du texte sur les violences faites aux femmes, je me souviens que la commission des lois en avait vertement critiqué certaines dispositions, comme l'introduction de la notion de harcèlement moral, mais j'observe que ce qu'elle n'a pas contesté, comme l'ordonnance pénale, reste mal appliqué. Nous devons faire avancer les choses, via la délégation ou la nouvelle commission de suivi de l'application des lois.
Je souscris à vos propositions, en même temps que je suis Mme Goy-Chavent quant à l'utilité d'ajouter un volet sur les femmes en politique.
Je soutiens la résolution présentée par M. Courteau. Quant au texte de Mme Dini, il va dans le sens de ce que réclament les associations. La commission des lois nous explique que l'on ne peut ramener les agressions sexuelles à la catégorie du viol, mais l'idée de ce texte était d'éviter que ces agressions ne tombent rapidement dans l'oubli. Il me sera donc difficile de voter contre.
J'ai moi aussi changé d'avis et je ne serai peut-être pas d'accord avec mon groupe, pour la bonne cause.
Pour la cause des femmes, il reste bien du chemin à faire. J'en veux pour symbole la cérémonie des voeux du président du Sénat, pas plus tard qu'hier, où l'on ne voyait sur l'estrade, au milieu d'une brochette de messieurs, qu'une seule femme.
Sans parler des législatives à venir : dix-huit femmes seulement parmi les candidats de l'UMP !
L'organisation et le programme proposés me conviennent. Peut être conviendra-t-il, entre mars et juin, d'espacer nos réunions hebdomadaires, pour éviter de voir nos bancs trop clairsemés.
Oui, le sujet retenu mérite une approche anthropologique, seule susceptible d'en éclairer les multiples facettes. Ce sera également une bonne chose de croiser nos regards avec ceux de la commission des affaires sociales et de la commission chargée du contrôle de l'application des lois. Car le suivi de l'application des lois est essentiel. Si nous votons des lois, c'est bien pour qu'elles soient utiles au plus grand nombre. Or, en matière de violences, en matière de retraites, l'application des textes laisse à désirer.
J'ai été l'une des premières à faire savoir à mon groupe que je ne pourrai voter contre la proposition de loi Dini. J'entends bien les arguments juridiques de la commission des lois, mais il s'agit d'autre chose. Les associations soulignent bien comment le continuum de violences s'enclenche dès le premier geste. L'emprise de l'agresseur est multifaces ; la victime doit parfois quitter non seulement le milieu familial mais son milieu professionnel. Je ne pourrai donc voter contre ce texte : je m'abstiendrai, et peut-être même voterai-je pour son adoption.
Je souscris aux propositions qui ont été faites et à ce que j'ai entendu.
Mon groupe votera pour la proposition de loi Dini : la vie doit aussi bousculer le droit. On ne peut s'en tenir au seul point de vue juridique, car c'est la vie qui fait évoluer la loi. Qui pourrait comprendre que l'on rejette ce texte ? Les « bougés » qu'a provoqués la délégation dans nos sensibilités politiques sont positifs. L'audition des associations a montré qu'il pouvait être nécessaire de faire bouger la loi et que le viol pourrait, par exemple, devenir un crime imprescriptible. Dans ces conditions, je ne vois pas pourquoi on ne pourrait porter à dix ans le délai de prescription des agressions sexuelles. Je souhaite vivement que ce texte ne soit pas repoussé.
J'approuve toutes les propositions visant à assurer un suivi de l'application des lois. La résolution Courteau va dans le bon sens. Nous devrions entendre à nouveau le Collectif national pour les droits des femmes, qui regroupe nombre d'associations, de partis politiques, de syndicats, et qui fut à l'origine de l'idée d'une loi-cadre contre toutes les violences faites aux femmes et a cherché à mettre en place un organisme de contrôle de son application.
L'égalité en politique ? Il reste bien du chemin à parcourir. Les législatives seront l'occasion d'un premier bilan, dont les cantonales nous ont, hélas, donné un avant-goût, en nous faisant comprendre que décidément, le féminin de « titulaire » n'est autre que « suppléante »...
L'égalité professionnelle est un enjeu essentiel. Il existe bien des lois sur la question, votées grâce aux efforts des féministes, mais elles restent mal appliquées. Songeons que la seule égalité salariale entre hommes et femmes serait de nature à combler le trou de la sécurité sociale. Il nous revient donc de réfléchir, au Sénat, aux moyens de parvenir à une meilleure application des lois relatives à l'égalité professionnelle.
La souffrance au travail, enfin, mérite un regard particulier : elle est plus dure encore pour les femmes.
Le thème du travail est digne d'intérêt. Les inégalités professionnelles, la souffrance au travail méritent traitement. Nous avons tous connaissance, dans notre entourage même, de telles situations difficiles.
Je veux attirer également l'attention sur les situations de fragilité dans lesquelles peuvent se retrouver certains hommes, notamment pour ceux qui sont issus de la diversité, et qui peuvent se traduire aussi par des inégalités salariales. Il serait bon de l'aborder un jour.
Le statut de sénateur représentant les Français de l'étranger oblige à bien des déplacements, aussi je veux vous présenter par avance mes excuses si je ne suis pas aussi assidue que je le souhaiterais à nos réunions.
Le programme de l'année me paraît excellent. La question des violences faites aux femmes est de celles qui me touchent le plus ; nous n'avons pas fait suffisamment de progrès en ce domaine.
Pas plus que M. Gournac, je ne me sens girouette, et je voterai cet après-midi en séance le texte de Mme Dini.
Les propositions que je vous ai faites seront donc notre fil rouge.
La grande unanimité des associations sur la question des violences faites aux femmes m'a ébranlée, et déterminée à voter pour le texte de Mme Dini. Notre délégation a joué son rôle en contribuant à alimenter le débat. C'est de quoi elle sera porteuse cet après-midi, et c'est chose très positive.
En ce qui concerne le suivi de l'application de la loi sur les violences faites aux femmes, nous agirons dans trois directions. Notre rencontre avec Mme Bachelot sera l'occasion de rappeler notre exigence de concrétisation, notamment pour ce qui est des rapports prévus par la loi, en même temps que de faire le point sur les difficultés de mise en route de l'ordonnance de protection. Je vous propose également d'adresser à M. le Président du Sénat, au nom de notre délégation, un courrier l'invitant à inscrire la proposition de résolution de M. Courteau à l'ordre du jour du Sénat avant la suspension des travaux. Ce sera aussi une façon pour nous de rappeler notre volonté de nous montrer vigilants sur cette question.
Pour le thème de travail de l'année, j'ai tenté d'identifier une problématique très large, mais qui pose une question de nature anthropologique. Les femmes subissent une violence considérable sur leur lieu de travail. Vous savez que le troisième volet du plan triennal concerne les violences au travail. Mais la violence est aussi, pour les femmes, dans les discriminations à l'embauche. Les premières pages du livre de Florence Aubenas, Le Quai de Ouistreham, m'ont profondément émue. Même dans les Hauts-de-Seine, où 700 000 salariés sont regroupés sur le site de La Défense, qui abrite certains des plus grands groupes du CAC 40, on rencontre beaucoup de femmes « en galère », qui subissent une violence inouïe, une forme de déshumanisation, de négation de l'être.
Ce thème présente l'avantage de recouvrir nombre de vos préoccupations, et nous pourrons aussi réfléchir à une entrée sur les femmes et la politique, pour répondre au souhait de Mme Goy-Chavent. Je vous propose donc que le bureau tente de mieux cerner la question en invitant les chercheuses et toutes les personnes que vous souhaiteriez entendre, sachant que l'échéance pour rendre rapport pourra aller au-delà de juin.
Je suggère que nous entendions des déléguées syndicales, ainsi que les ouvrières qui subissent les violences que décrit Florence Aubenas.
Le harcèlement est aussi réalité hors du lieu de travail. Or, il est, sur ce point, un vide juridique. Aux femmes qui subissent ce type de harcèlement, aux « hommes fragiles » aussi, dont parlait M. Fouché, la loi n'apporte aucune solution. Les gendarmes, les policiers ne peuvent rien faire, même en cas de menaces de mort. Il est des femmes qui ont dû quitter leur travail, déménager pour échapper à ces harcèlements. J'ai déposé une proposition de loi sur la question et reçu bien des messages de soutien, bien des témoignages. Il faut combler ce vide juridique.
Les grandes lignes de la méthode me paraissent bonnes. Ne pourrions-nous nous fixer des objectifs pour aboutir à une loi-cadre ?
J'estime, par ailleurs, que tous les textes déposés sur le bureau de notre assemblée mériteraient, en droit, examen de notre délégation, même si, au vu de leur nombre, la chose semble difficilement faisable. Mais le fait est que toute question mérite d'être examinée sous l'angle de l'égalité entre les hommes et les femmes.
Je suis sensible à la question des violences faites aux femmes, qui inclut la violence des conditions de travail. Ne serait-il pas utile de recevoir aussi des responsables d'entreprises ? Je pense à la restauration, au nettoyage, secteurs souvent stigmatisés mais qui ont des contraintes propres : les connaître nous éviterait d'émettre des propositions inopérantes.
La question de l'organisation du travail va loin, en effet. Qu'est-ce qui justifie, y compris dans les grandes entreprises, le caractère bien souvent tardif des réunions ? Il faut songer à tout ce que cela implique, et pas seulement pour les femmes concernées par ces réunions, mais pour toutes celles qui assurent le nettoyage, lequel ne peut avoir lieu que très tôt le matin ou très tard le soir... Pourquoi imposer de tels horaires, sinon pour marquer l'emprise masculine sur la décision ?
Tout à fait d'accord pour observer de près l'organisation dans les entreprises. En gardant la mesure, cependant : dans la restauration, il faut bien se caler sur l'heure du dîner ! Voyez les hôpitaux, a contrario, où l'on en vient à servir le dîner à 18 h 30... Il est bon de savoir, en tout état de cause, comment les entreprises voient les choses, et ce qu'elles proposent pour les faire évoluer.
Nous pourrions donner l'exemple au Sénat en nous modérant sur les séances tardives...
Il sera utile, en effet, de saisir les entreprises pour proposer des réponses appropriées.
Nous aurons, au cours de notre prochaine réunion, à désigner un rapporteur sur la proposition de loi n° 230 (2011-2012) relative à l'égalité salariale entre les hommes et les femmes. L'envoi d'une convocation vous en précisera la date avant la fin de la semaine.