Séance en hémicycle du 26 septembre 2012 à 15h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

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La séance, suspendue à douze heures vingt, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Thierry Foucaud.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

En application de l’article 50 ter de notre règlement, j’informe le Sénat que Mme Éliane Assassi, présidente du groupe communiste républicain et citoyen, a demandé, ce jour, l’inscription à l’ordre du jour de la proposition de résolution n° 311 (2011-2012), présentée en application de l’article 34-1 de la Constitution, tendant à la reconnaissance de la répression d'une manifestation à Paris le 17 octobre 1961, déposée le 30 janvier 2012.

Cette demande a été communiquée au Gouvernement dans la perspective de la prochaine réunion de la conférence des présidents.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant création des emplois d’avenir.

J’informe le Sénat que la commission des affaires sociales m’a fait connaître qu’elle a procédé à la désignation des candidats qu’elle présente à cette commission mixte paritaire.

Cette liste a été affichée et la nomination des membres de cette commission mixte paritaire aura lieu conformément à l’article 12 du règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

L’ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi relatif à la régulation économique outre-mer et portant diverses dispositions relatives à l’outre-mer (projet n° 751, texte de la commission n° 780, rapport n° 779, avis n° 781).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

Applaudissements sur des travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Victorin Lurel, ministre des outre-mer

Monsieur le président, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, l’histoire des outre-mer dans la République est celle d’une longue marche vers l’égalité, vers l’égalité réelle.

Cette histoire est riche d’épisodes et d’étapes qui ont rapproché les territoires et les peuples des outre-mer de cette aspiration puissante. C’est aujourd’hui avec la conviction d’œuvrer utilement pour retrouver ce chemin vers le progrès que nous vous présentons le projet de loi relatif à la régulation économique outre-mer.

C’est un honneur, monsieur le président, et une émotion particulière pour moi, vous le comprendrez, que d’être devant vous aujourd’hui, à l’occasion de la discussion générale sur ce texte. Vous me permettrez de féliciter particulièrement le rapporteur de la commission des affaires économiques et le rapporteur pour avis de la commission des lois du travail de qualité effectué en commission, qui a très significativement amélioré le projet de loi.

À l’origine de ce texte, il y a quelques constats simples, mais qui sont ressentis durement et douloureusement par nos compatriotes des outre-mer comme une injustice flagrante.

Sur ces territoires, les prix de la plupart des biens et des services demeurent bien supérieurs à ceux de l’Hexagone : un écart de 22 % à 38, 5 % a été mesuré en 2010 par l’INSEE, pour les seuls produits alimentaires. Or, dans le même temps, les revenus y sont notoirement plus faibles, avec, toujours en 2010 et selon l’INSEE, un revenu médian inférieur de 38 %.

Ces écarts ne datent pas d’hier et, pendant longtemps, une même réponse a été formulée, ou plutôt une litanie d’explications, révélant un sentiment qui ne dit pas son nom, celui d’une fatalité frappant pour toujours les outre-mer.

On entendait en substance : « Ces différences sont normales. Elles s’expliquent par le coût inévitable du fret aérien ou maritime, par la fiscalité locale, par ce que l’on appelle les « coûts d’approche » - joli terme fourre-tout -, par le coût du travail, également plus élevé dans les outre-mer, par les coûts de stockage, par la taille forcément petite des marchés et donc des volumes de produits à commercialiser. » Et j’en passe !

Pourtant, ces explications, dont la plupart peuvent être entendues, ne résistent plus aujourd’hui à l’analyse fine de la situation réelle dans les outre-mer. Elles ne suffisent pas, en tout cas, à justifier les différentiels considérables de prix constatés entre l’Hexagone et les outre-mer dans la grande distribution, ainsi que dans la distribution spécialisée, dans le commerce alimentaire, mais aussi pour ce qui est de nombreux tarifs, qu’il s’agisse des banques, des assurances, de la téléphonie mobile, de l’internet à haut débit, des billets d’avion ou des pièces détachées destinées à l’automobile.

La production locale aura aussi à faire un travail de vérité et d’élucidation : même si elle fait face à un coût du travail plus élevé et à la cherté des intrants, elle bénéficie également d’incitations et d’aides publiques qui devraient la rendre plus compétitive.

Car nous ne parlons pas d’écarts relativement soutenables, de 10 %, 15 % ou 20 %. Non ! Nous parlons, pour prendre l’exemple du chocolat en poudre que toutes les familles de l’Hexagone et des outre-mer ont sur la table du petit-déjeuner, de prix allant de 3, 10 euros ici, à Paris, à 4, 40 euros à La Réunion, à 5, 43 euros en Martinique, à 7, 08 euros en Guadeloupe et même à 7, 50 euros en Guyane !

Dans ce cas précis, l’écart, relevé en 2009 dans un rapport de la mission commune d’information sur la situation des départements d’outre-mer conduite par votre collègue Éric Doligé et présidée par Serge Larcher, votre rapporteur aujourd’hui, variait ainsi de 42 % à 142 %. Trois ans après, hélas, de tels différentiels demeurent.

Nous parlons, pour prendre cette fois l’exemple de quatre pots de yaourt « nature », d’un prix de 1, 15 euro dans l’Hexagone, mais de jamais moins de 2, 30 euros outre-mer. Là encore, l’écart est de 100 % pour deux produits identiques de consommation courante…

Je pourrais allonger la liste des exemples, qui peuvent vous paraître anodins ou anecdotiques. Mais, n’en doutez pas, mesdames, messieurs les sénateurs, ils sont le témoignage de l’injustice criante que ressentent nos compatriotes outre-mer et qui peut être le ferment d’un sentiment d’abandon.

Ainsi donc, et depuis des années, les prix sont, dans les outre-mer, anormalement élevés par rapport à ceux qui sont pratiqués dans l’Hexagone. Cette situation, qui pèse sur les ménages les plus modestes, sur nos compatriotes les plus fragiles, quelques parlementaires des outre-mer, et j’en fus, l’ont dénoncée. Trop seuls, ils n’ont pas été écoutés.

Il aura fallu des crises sociales retentissantes, il aura fallu la remise en cause de l’autorité de la République, pour que ce sujet fasse enfin irruption dans le débat public national : crise des carburants en Guyane puis en Guadeloupe, à la fin de l’année 2008 ; quarante-quatre jours de grève et de blocage de l’économie en Guadeloupe et en Martinique, au début de 2009, avec des répercussions en Guyane, à La Réunion et à Mayotte ; crise à La Réunion en 2010 et en 2012 ; crise à Mayotte en 2011.

Depuis 2009, missions, rapports et études d’horizons divers se sont succédé, pour décrire en détail les mécanismes de formation des prix outre-mer.

La connaissance en la matière n’a jamais été aussi approfondie. Les nombreux travaux menés par les sénateurs Serge Larcher, Éric Doligé, Michel Vergoz ou Félix Desplan, qui se poursuivent également au sein de la délégation sénatoriale à l’outre-mer, ont permis d’explorer des pistes prometteuses.

Je crois pouvoir le dire, il y a aujourd’hui un large consensus pour admettre, d’une part, l’existence d’un problème de « vie chère » et, d’autre part, l’urgence politique et sociale d’y apporter une réponse et la nécessité d’une intervention non seulement attendue mais légitime des pouvoirs publics.

Car aucune solution durable n’a été trouvée jusqu’ici. Les grèves et les manifestations ont montré leur limite et, surtout, leur danger pour des économies fragiles comme celles des outre-mer.

Le blocage des prix, tel que le prévoit la LODEOM, la loi pour le développement économique des outre-mer, votée en juin 2009, n’a jamais été appliqué faute, précisément, d’être applicable. Les produits à prix « solidaires » à La Réunion, ou à prix « baissez bas » – c’est joliment dit ! – en Martinique ont été des expérimentations intéressantes, mais elles n’ont connu qu’un succès partiel, car limité géographiquement, malgré la volonté de leur promoteur. En outre, elles risquaient d’être sans lendemain.

C’est donc forts de toute cette expérience accumulée que nous avons adopté une autre stratégie, celle qui consiste à s’attaquer non plus aux conséquences, mais bien aux causes identifiées de cette situation particulière aux outre-mer, non plus aux prix de détail, qui sont la partie émergée de l’iceberg, mais aux prix de gros, en amont de la chaîne logistique, là où, à l’évidence, se situent les mécanismes de formation des prix excessifs.

Voilà pourquoi ce texte est ambitieux et, à certains égards – n’ayons pas peur des mots ! –, révolutionnaire. Il est la traduction de l’un des trente engagements du président de la République, François Hollande, envers les outre-mer : « Je lutterai sans concession contre les monopoles et les marges abusives, en renforçant les instances de contrôles et les observatoires des prix et des revenus. Je favoriserai la concurrence notamment en luttant contre les exclusivités accordées aux agences de marques et en créant, en accord avec les régions, des plateformes logistiques mutualisées pour la distribution alimentaire et artisanale. Je mettrai en place un “bouclier qualité-prix” grâce à des chartes entre la grande distribution et les producteurs locaux et, si nécessaire, en encadrant les prix des produits de première nécessité. J’encouragerai les circuits courts de distribution en favorisant la mise en marché des productions locales et je favoriserai l’organisation des consommateurs en introduisant la notion d’actions de groupe. »

Tels sont, mot pour mot, les engagements pris par le Président de la République.

Ce projet de loi est la première traduction de cette feuille de route volontariste et courageuse.

La réglementation actuelle nous enferme dans un choix qui n’en est pas un, car elle ne règle rien : ne rien faire et cultiver le fatalisme ou bien bloquer les prix et tomber dans l’économie administrée.

Or, nous le savons tous, administrer les prix peut être nécessaire pour faire face à une situation exceptionnelle, mais cela ne saurait être une solution durable pour les économies d’outre-mer.

Il faut donc s’attaquer au système de formation des prix, c’est-à-dire aux causes de la vie chère, car les prix de détail ne sont que le résultat d’une accumulation de marges et de prix en amont.

Pour cela, il nous faut des outils nouveaux : intervention sur les marchés de gros, contrôle de la chaîne logistique, lutte contre les exclusivités abusives, régulation de la grande distribution, bref, une nouvelle « boîte à outils » avec de nouveaux moyens d’investigation et de sanction de comportements qui conduisent à des prix trop élevés, à des marges et à des profits injustifiés.

Je tiens à souligner, avant d’en passer à la présentation des principales dispositions du projet de loi, que le Gouvernement n’oublie pas nos concitoyens de Nouvelle-Calédonie et de Polynésie française. La plupart des dispositions présentées aujourd’hui relèvent de la compétence de ces territoires et n’ont donc pas vocation à s’y appliquer. Il appartiendra aux autorités de ces deux territoires, si elles l’estiment opportun, de transposer celles des dispositions qu’elles jugent adaptées à leur situation locale. Pour sa part, le Gouvernement les accompagnera dans cette démarche et veillera à ce que, dans les matières qui relèvent de sa compétence, comme les tarifs bancaires, les excès observés ne puissent perdurer.

L’article 1er du texte a pour objet de réguler par décret les marchés de gros et, j’y insiste, uniquement les marchés de gros, c’est-à-dire les marchés entre entreprises qui ne concernent pas directement le consommateur, mais qui le pénalisent, au final.

L’article 2 interdit les accords exclusifs d’importation lorsque ceux-ci vont à l’encontre de l’intérêt des consommateurs. Je précise, mais nous y reviendrons dans la discussion, qu’il ne s’agit pas d’interdire l’activité des grossistes importateurs ; simplement, ceux-ci auront désormais à démontrer, afin de continuer leur activité, qu’ils sont un circuit d’approvisionnement efficace et compétitif.

L’article 3 étend le pouvoir de saisine de l’Autorité de la concurrence par les régions d’outre-mer qui, par leur compétence de coordination économique, auront sur leur territoire les mêmes pouvoirs de saisine que le ministre de l’économie, c’est-à-dire un pouvoir général de saisine, quel que soit le secteur, ce qui leur permettra d’être les porte-parole naturels de toutes les entreprises qui, pour des raisons bien connues, n’osent pas porter plainte elles-mêmes.

L’article 4 abaisse de 7, 5 millions d’euros à 5 millions d’euros le seuil de contrôle des concentrations dans le commerce de détail en outre-mer. Il s’agit de capter les opérations portant sur des surfaces moyennes supérieures à 600 mètres carrés, ce qui est significatif outre-mer.

L’article 5 rend davantage opérationnelle une disposition existante du code de commerce appelée « injonction structurelle », qui vise à sanctionner d’éventuelles rentes de monopole si celles-ci venaient à être constatées dans la grande distribution. Cet article a fait couler beaucoup d’encre, car il est l’échelon ultime d’une grille de sanctions. Or cette disposition est entourée de solides garanties juridiques qui en font ce qu’elle est, à savoir une mesure dissuasive qui n’a vocation à s’appliquer que pour combattre des comportements conduisant à des prix abusifs dans la grande distribution.

Enfin, en introduisant par amendement ce qui est devenu l’article 6 bis du texte adopté par la commission des affaires économiques, le Gouvernement a choisi d’intégrer une dernière disposition, la mise en œuvre d’un « bouclier qualité-prix », qui était l’une des promesses du chef de l’État. Cet article vient parachever l’édifice de ce projet de loi en prévoyant une mesure qui sera efficace à très court terme, dès la promulgation de la loi, à savoir l’organisation chaque année, dans chaque territoire, d’une négociation pour mettre en place des prix plafonds modérés visant un panier de produits de consommation courante.

La disposition qu’a fait adopter le Gouvernement définit le cadre dans lequel se tiendront ces négociations, mais, surtout, elle impose en quelque sorte une obligation de résultat, car, faute pour ces négociations d’aboutir, ce sont les préfets qui fixeront par arrêté le prix plafond d’un chariot type représentatif.

Mais, pour avoir mené une large concertation depuis la fin du mois de juin autour de ce projet de loi avec l’ensemble des acteurs de la vie économique et sociale des outre-mer ainsi que les élus, je sais que cette disposition, attendue, est impérative.

Chacun doit comprendre en effet que la « vie chère » est un authentique frein au développement des outre-mer. C’est une hypothèque lourde qui pèse sur la croissance de nos territoires, et cela depuis les crises sociales de 2009.

La crise financière que connaissent les économies développées y a sa part, bien entendu, mais la vie chère mine plus qu’on ne le pense la confiance entre les consommateurs et les entreprises.

Elle alimente une méfiance qui conduit les ménages à moins consommer, à se réfugier, pour certains, dans l’épargne de précaution, pour d’autres dans la spirale de l’endettement, voire du surendettement.

Elle alimente aussi des mécanismes d’alourdissement des coûts salariaux. Ainsi, les risques de boucles prix-salaires sont réels dans les outre-mer et la vie chère en est la cause principale.

Et ce sont les entreprises, leurs investisseurs, leurs salariés, leurs clients qui en pâtissent. Et c’est la croissance qui est en panne depuis des mois presque partout dans les outre-mer, en particulier en Guyane. Je n’ignore pas que, à population égale, le pouvoir d’achat d’un ménage guyanais est deux fois inférieur à celui d’un ménage antillais !

Oui, la question des prix et des coûts se pose à l’ensemble des agents économiques, et cela dans n’importe quel système, aussi bien aux entreprises qu’aux ménages. Les prix élevés des carburants sont par exemple une charge pour tous, surtout en l’absence de système collectif de transports ! Et lorsque l’on sait que les marges des uns sont aussi, en réalité, les coûts des autres, il me paraît clair qu’il est dans l’intérêt de tous que nous puissions aboutir à des résultats concrets.

Je veux donc faire œuvre de pédagogie en vous expliquant ce qu’est notre démarche et en vous précisant ce que permettra ce texte s’il est voté.

En revanche, je ne peux pas laisser dire, comme j’ai pu l’entendre, qu’avec cette loi, l’État et le Gouvernement renonceraient à assumer leurs responsabilités. C’est même tout le contraire !

Voilà donc un texte équilibré dont le but n’est pas de laisser croire que les coûts d’importation vont disparaître ni que tous les prix s’aligneront un jour, comme par magie, sur ceux de l’Hexagone. Notre objectif est de faire baisser les prix chaque fois que cela sera possible afin de rétablir la confiance de la population dans la loyauté des marges.

Mais, si ce projet de loi est une réponse au problème de la vie chère dans les outre-mer, elle n’est pas la seule que propose le Gouvernement. C’est en effet un plan structuré de lutte contre la vie chère que nous avons initié.

La loi aura son rôle pour transformer à terme les structures, pour agir durablement. Mais, à plus court terme, nous ouvrirons très rapidement des discussions, marché par marché, territoire par territoire, pour obtenir des baisses de prix négociées.

Nous l’avons déjà fait ces dernières semaines, et avec succès, non seulement sur les tarifs de la téléphonie mobile, mais aussi sur le prix de la bouteille de gaz de 12, 5 kilogrammes, qui est passé, à Mayotte, de 36 euros à 26 euros, soit 10 euros de baisse, mesdames, messieurs les sénateurs. Il faut savoir qu’une telle bouteille à La Réunion, dont le prix est il est vrai subventionné, coûte entre 15 euros et 22 euros, 23 euros en Martinique, en Guadeloupe et en Guyane. Trente-six euros pour une bouteille de gaz à La Réunion ? C’est que nous sommes en présence d’un duopole. Et que ne m’a-t-on dit lorsque cette mesure a été prise ! On allait, c’est sûr, aux dépôts de bilan… Eh bien, alors que nous avons imposé ce prix de 26 euros, les entreprises concernées continuent de fonctionner, et sont même apparemment très satisfaites !

S’agissant des carburants, pas plus tard qu’avant-hier, nous avons obtenu des pétroliers un effort de 3 centimes, alors même que tout le monde jugeait cela impossible !

Nous mettrons donc très vite en œuvre ce « bouclier qualité-prix » qui, je le répète, était l’un des engagements du chef de l’État.

Très rapidement, également, le projet de loi qui vous est soumis permettra une régulation plus complète en matière de fixation des prix du carburant outre-mer. Dans ce nouveau cadre législatif, nous revisiterons le décret de 2010. Ce n’est pas mon décret, c’est celui de la République, mais je l’ai suffisamment combattu pour dire aujourd’hui qu’il sera modifié dans le sens d’une plus grande transparence et d’une discussion approfondie sur les marges consenties aux professionnels.

Que l’on ne me dise pas que les prix sont à peu près identiques dans les outre-mer et en métropole. Ici, le marché est concurrentiel et la marge au détail est de 1 centime par litre pour le supercarburant, et même de 0, 4 centime dans les grandes et moyennes surfaces. Or la marge peut parfois s’élever à 12, 5 centimes en Guadeloupe, à 10 centimes en Martinique ou à La Réunion. De telles marges au détail ne sont pas acceptables, d’autant moins que nous sommes en présence d’un secteur monopolistique réglementé où c’est l’État qui décide de la marge. Comment peut-on autoriser ces écarts ?

Avant de conclure, je voudrais évoquer les dispositions du chapitre II, qui concernent la mise à jour du cadre législatif des outre-mer par différentes voies, la ratification d’ordonnances déjà prises ou l’habilitation pour des ordonnances nouvelles, ou encore la validation législative de lois de pays. Ces dispositions montrent que l’ensemble des outre-mer est concerné par le texte, même si les collectivités qui relèvent de l’article 74 de la Constitution restent compétentes pour les questions économiques. Ces collectivités pourront s’inspirer de ce texte pour adapter leur propre législation si elles le souhaitent.

Je voudrais commenter plus particulièrement l’article 8, qui permet à un maître d’ouvrage en outre-mer d’échapper à l’obligation d’assurer 20 % du financement de ses projets. Je ferai à ce sujet deux remarques.

D’une part, un dispositif dérogatoire existe déjà pour la Corse. Le législateur a donc déjà pris en compte des situations d’insuffisance de ressources de certaines collectivités.

D’autre part, il s’agit d’une possibilité, d’une faculté, et non d’une obligation. L’État pourra donc choisir les dossiers prioritaires et n’utiliser cette disposition que dans des cas précis : investissement d’intérêt public majeur et faibles ressources de la collectivité concernée. C’est le cas, par exemple, de l’ouest guyanais et des communes du fleuve, où l’État a été condamné pour des décharges sauvages et paie à ce titre de fortes amendes. L’État a donc objectivement intérêt, compte tenu des capacités contributives des collectivités intéressées, à se substituer et à investir pour ne plus avoir à payer d’amendes.

Voilà, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, les points essentiels du texte qui vous est soumis.

Avant de laisser toute leur place à nos échanges, je tiens à redire qu’il ne s’agit pas d’imposer une législation et une réglementation tatillonnes et figées. Il ne s’agit pas davantage de stigmatiser les entreprises d’outre-mer qui sont, avec leurs salariés, les créateurs de valeur dans nos territoires. Nous ne voulons pas réglementer, nous voulons réguler ; nous ne voulons pas d’économie administrée, nous voulons davantage de concurrence.

Ce projet de loi vise simplement à créer des instruments nouveaux de régulation qui n’ont vocation à être utilisés qu’en cas de besoin et au cas par cas, secteur par secteur, territoire par territoire.

Il faut aussi, par exemple, faire émerger un véritable contre-pouvoir des consommateurs, avec des associations de défense qui auront à prolonger les avancées réelles du texte.

Je n’ignore pas que certaines dispositions suscitent des inquiétudes. Je peux le comprendre, car la nouveauté est toujours inquiétante, surtout quand elle concerne des situations qui, résultat de sédimentations successives liées à l’histoire, restent figées depuis des décennies.

J’entends bien que certains auraient préféré que nous ne fassions rien, que nous attendions encore avant d’agir. Je crois au contraire que les enjeux nécessitent aujourd’hui d’agir, et d’agir vite !

C’est tout le sens de la mission que m’ont confiée le Président de la République et le Premier ministre.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – M. Robert Laufoaulu applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Larcher

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des affaires économiques a adopté hier après-midi, à l’unanimité, le projet de loi relatif à la régulation économique outre-mer et portant diverses dispositions relatives à l’outre-mer, dans la rédaction issue de ses travaux.

La commission salue le dépôt par le Gouvernement de ce projet de loi ainsi que son inscription à l’ordre du jour de la session extraordinaire. Ces décisions témoignent de l’engagement du Président de la République et du Gouvernement à faire de la lutte contre ce que nous appelons, dans nos outre-mer, la « vie chère » une priorité.

Le texte que nous examinons aujourd’hui suscite de grands espoirs dans nos outre-mer. Il constitue la traduction législative d’engagements forts pris au cours de la campagne électorale par le Président de la République.

Pour quelles raisons l’examen de ce texte revêt-il une importance particulière pour nos outre-mer ? Autrement dit, pourquoi la lutte contre la « vie chère » dans nos outre-mer constitue-t-elle une urgence ?

À mes yeux, il est important de rappeler, notamment à l’attention de nos collègues de l’Hexagone, qui ne sont peut-être pas au fait des réalités de nos outre-mer, les éléments qui ont conduit à l’élaboration du présent projet de loi.

Tout d’abord, la cherté de la vie dans nos outre-mer n’est pas seulement un ressenti de la population, c’est une réalité statistique. Elle comprend deux aspects : le niveau des revenus et le niveau des prix.

Rappelons tout d’abord la réalité des chiffres en matière de revenus.

Pour ce qui concerne les départements d’outre-mer, l’INSEE a montré en 2010 que les revenus sont, en moyenne, inférieurs de 38 % par rapport à ceux qui sont constatés dans l’Hexagone. Dans ces départements, les foyers fiscaux à revenus très faibles sont très nombreux : près de 50 % des foyers fiscaux des DOM déclaraient en 2008 un revenu annuel inférieur à 9 400 euros, contre moins d’un quart dans l’Hexagone !

Dans les COM, ces collectivités d’outre-mer régies par l’article 74 de la Constitution, les inégalités de revenus sont également très supérieures à celles qui sont recensées dans l’Hexagone. Deux chiffres l’illustrent : à Saint-Martin, les deux tiers des foyers fiscaux perçoivent moins de 9 400 euros par an ; en Nouvelle-Calédonie, le rapport interdécile, qui mesure l’écart entre les revenus les plus hauts et les revenus les plus modestes, atteint 7, 9, contre 3, 6 dans l’Hexagone.

Examinons maintenant les données relatives au niveau des prix.

Dans les départements d’outre-mer, l’INSEE a relevé en 2010 que le niveau général moyen des prix est supérieur de 6 % à 13 % au niveau général moyen des prix dans l’Hexagone. L’écart de prix est encore plus important s’agissant des produits alimentaires : le prix du panier métropolitain de produits alimentaires est ainsi supérieur d’environ 35 % en Guadeloupe et à La Réunion, de 45 % en Martinique et de près de 50 % en Guyane ! Certaines associations locales de consommateurs ont mené leurs propres enquêtes, qui ont abouti à des écarts encore plus élevés.

Le constat est le même dans les collectivités d’outre-mer. En Nouvelle-Calédonie, les prix des produits alimentaires ont ainsi augmenté, entre 1995 et 2008, de 31 %, contre seulement 25 % dans l’Hexagone. Les produits les plus « inflationnistes » sont les produits de base comme le riz : le prix de ce dernier a progressé de 5, 1 % en moyenne par an sur la période, et même de 40 % sur la seule année 2008.

Les chiffres sont donc très clairs : les revenus sont inférieurs et inégalitaires dans les outre-mer, tandis que les prix y sont supérieurs et ont augmenté davantage au cours des dernières années, en particulier pour ce qui concerne les produits alimentaires de base.

La « vie chère » est ainsi une réalité quotidienne pour nos concitoyens ultramarins. Il n’est donc pas surprenant que cette question constitue, surtout depuis 2009, un sujet lancinant dans le débat politique et social de nos outre-mer.

Vous vous rappelez tous du « cri » poussé par nos concitoyens ultramarins au début de l’année 2009, notamment en Guadeloupe et en Martinique.

Au début de l’année 2009, les départements d’outre-mer ont en effet été secoués par une grave crise sociale, marquée par une grève qui a paralysé pendant plusieurs semaines les deux départements antillais. La question du niveau des prix, particulièrement des prix des produits alimentaires, était au centre des revendications.

La crise s’est conclue par des accords prévoyant des baisses de prix, accordées par la grande distribution, pour un certain nombre de produits de première nécessité.

Quelles mesures ont été prises depuis 2009 ? La question se pose en effet, et la commission regrette qu’aucune véritable réponse n’ait été apportée jusqu’à ce jour à la problématique de la « vie chère » dans les outre-mer.

Après la grave crise sociale, le Président de la République de l’époque a bien annoncé, en février 2009, l’organisation d’états généraux dans chaque collectivité. La population ultramarine a donc été consultée.

Au terme de ces états généraux, le Conseil interministériel de l’outre-mer du 6 novembre 2009 a annoncé 137 mesures pour les outre-mer.

Parmi les mesures présentées, bien peu constituaient une réponse au problème posé par le niveau des prix. Les quelques dispositions prévues dans ce domaine n’étaient pas à la hauteur de l’enjeu, ni des attentes de la population : permettre aux observatoires des prix et des revenus de financer des études ou imposer la présence d’un parlementaire ultramarin au sein du Conseil national de l’information statistique ne réduit effectivement en rien la cherté de la vie !

Le manque d’ambition du CIOM en matière de « vie chère » était d’autant plus décevant que beaucoup de travaux avaient été réalisés au préalable sur cette question : le diagnostic sur la réalité et les causes de la vie chère était relativement partagé et de nombreuses propositions étaient déjà sur la table.

Je vous rappelle, mes chers collègues, que notre Haute Assemblée a travaillé de manière approfondie sur cette question. Sur l’initiative du président Gérard Larcher, le Sénat a mis en place, en 2009, une mission commune d’information sur la situation des départements d’outre-mer, mission que j’ai eu l’honneur de présider et dont notre collègue Éric Doligé était le rapporteur. Cette mission a produit un rapport d’information qui fait aujourd’hui référence – je crois que vous ne me contredirez pas, monsieur le ministre – et formulait de nombreuses propositions en matière de prix.

De son côté, l’Autorité de la concurrence a rendu deux avis importants en 2009, l’un sur les marchés des carburants, l’autre sur les mécanismes d’importation et de distribution des produits de grande consommation. Ces deux rapports formulent un diagnostic précis de la situation ainsi que de nombreuses propositions.

Malgré ces travaux, et en dépit des attentes nées des états généraux de l’outre-mer, près de trois ans après le CIOM, les résultats en matière de prix sont malheureusement bien faibles, pour ne pas dire inexistants. Il suffit, pour s’en persuader, de constater que la crise de 2009 a connu plusieurs répliques à travers les outre-mer.

Rares sont les collectivités ultramarines qui n’ont pas été touchées par un mouvement social lié à la vie chère : en 2011, Wallis-et-Futuna a ainsi connu un mouvement social autour de la problématique du prix de l’énergie ; à la fin de 2011, une grave crise sociale, marquée par une grève de près de cinquante jours, a paralysé Mayotte ; au début de l’année 2012, un conflit social a eu lieu à La Réunion autour de la question du prix des carburants... Ainsi, au « cri » de nos concitoyens antillais en 2009 a répondu en écho le « cri » de nos concitoyens wallisiens, mahorais ou réunionnais.

Mes chers collègues, tous ces éléments ayant conduit à l’élaboration du présent projet de loi permettent de comprendre que ce dernier suscite tant d’espoirs dans les outre-mer.

Je ne reviendrai pas dans le détail sur les dispositions qui figurent dans le présent projet de loi, M. le ministre les ayant présentées au cours de son intervention.

En tant que rapporteur, j’ai procédé à une dizaine d’auditions sur ce texte. J’ai reçu notamment les associations de consommateurs, l’Autorité de la concurrence ainsi que les organisations socioprofessionnelles. J’ai accepté toutes les demandes d’auditions qui m’ont été adressées.

Par ailleurs, soucieux d’être à l’écoute de tous, spécialement de chaque territoire, j’ai sollicité les présidents des différentes collectivités territoriales, des observatoires des prix et des revenus ou encore des chambres de commerce et d’industrie. J’ai reçu un nombre élevé de contributions écrites.

Au terme de mes travaux, la conclusion est claire : ce projet de loi constitue une avancée importante, une première réponse effective apportée au problème de la « vie chère ».

Ce texte est salué par les associations de consommateurs et ses dispositions intéressent les collectivités territoriales ultramarines qui sont compétentes en matière de prix et de concurrence. Le congrès de Nouvelle-Calédonie, qui réfléchit aujourd’hui à la mise en place d’une autorité indépendante de la concurrence, s’est montré particulièrement intéressé par ce texte.

Aux yeux de la commission des affaires économiques, ce texte constitue une « boîte à outils » à disposition des autorités publiques ; il contribuera à remettre en cause des positions acquises qui alimentent le phénomène de la « vie chère ».

Parmi les différentes dispositions du texte, je souhaite m’attarder sur deux d’entre elles qui me paraissent particulièrement importantes.

L’article 2 prévoit l’interdiction des clauses des contrats commerciaux ayant pour objet ou pour effet d’accorder des droits exclusifs d’importation à un opérateur : dans les outre-mer, les fabricants et les distributeurs font souvent appel à des importateurs grossistes. La pratique d’exclusivités territoriales liant les fabricants et ces importateurs réduit la possibilité pour les distributeurs de choisir entre différents importateurs grossistes.

Je ne citerai qu’un exemple : à La Réunion, un seul grossiste commercialisait en 2009 les produits de deux grands groupes fromagers hexagonaux. Dans ces conditions, les importateurs grossistes réussissent à prélever des marges commerciales très élevées, oscillant entre 20 % et 60 % pour un nombre important de références. Le dispositif prévu à l’article 2 permettra de mettre fin à ces pratiques, qui ont un impact certain sur les prix.

L’article 5, qui octroie à l’Autorité de la concurrence un pouvoir d’injonction structurelle, a provoqué des cris d’orfraie et créé beaucoup de remous dans la grande distribution, au niveau tant local que national. À mes yeux, ce dispositif constitue une « arme de dissuasion » : la possibilité pour l’Autorité de la concurrence d’imposer la cession d’actifs n’est ainsi ordonnée qu’en dernier recours et au terme d’une procédure contradictoire. Cette disposition devrait cependant contribuer à remédier au défaut de concurrence dans le secteur de la grande distribution et permettre à certains d’avoir un comportement vertueux.

Je vous rappelle en effet que, dans les départements d’outre-mer, la grande distribution présente un niveau de concentration élevé : certains groupes détiennent des parts de marché en surfaces commerciales supérieures à 40 %, soit sur la totalité du département concerné, soit sur une ou plusieurs zones de chalandise.

La commission des affaires économiques a donc adopté hier à l’unanimité ce projet de loi, après lui avoir apporté plusieurs modifications.

Tout d’abord, sur mon initiative, la commission a réécrit les articles 1er, 2 et 3 et introduit un article 2 bis, ce en plein accord avec notre collègue Thani Mohamed Soilihi, rapporteur pour avis de la commission des lois.

Ces nouvelles rédactions ont permis de préciser les différents dispositifs. Ainsi, l’article 2 vise désormais les accords – et non plus les clauses des contrats commerciaux – ayant pour objet ou pour effet de confier une exclusivité à une entreprise. Bon nombre des clauses d’exclusivité visent en effet des situations de fait. L’article 3 permet désormais aux collectivités territoriales ultramarines de saisir l’Autorité de la concurrence des pratiques contraires aux mesures prises pour réglementer les marchés de gros.

Sur l’initiative de notre collègue Michel Vergoz, la notion de « gestion de facilités essentielles », problématique-clé en matière de carburants, a été introduite à l’article 1er.

Sur mon initiative, la commission a précisé le dispositif d’injonction structurelle prévu à l’article 5, en spécifiant le critère de mise en œuvre de l’action de l’Autorité de la concurrence, en clarifiant le fait que seule une pratique effective pourrait conduire au déclenchement de cette action, ou encore, afin d’apaiser certaines inquiétudes, en énonçant les modalités de recours.

Sur l’initiative cette fois du Gouvernement, un article 6 bis a été introduit, qui renforce sensiblement la portée du projet de loi. Il vise à mettre en œuvre l’engagement pris par le Président de la République d’instituer par la négociation un « bouclier qualité-prix ». Cette mesure s’appuie sur le dispositif figurant à l’article 1er de la loi pour le développement économique des outre-mer, la LODEOM, introduit sur l’initiative de notre collègue Jean Arthuis, à l’époque président de la commission des finances, permettant de réglementer les prix des produits de première nécessité.

L’article 6 bis prévoit l’organisation annuelle de négociations dans le cadre des observatoires des prix et des revenus afin d’aboutir à un accord de modération des prix d’une liste de produits de consommation courante. En cas d’absence d’accord, comme l’a souligné M. le ministre, le préfet, dans un délai d’un mois, pourra encadrer le prix global de cette liste de produits.

La commission des affaires économiques se réjouit de l’introduction de ce dispositif, qui repose sur la négociation tout en permettant, le cas échéant, l’intervention des pouvoirs publics.

Au terme de mes travaux, il me semble que l’ensemble des acteurs sont aujourd’hui prêts à se mettre autour de la table pour entamer des discussions sur les prix.

Enfin, sur l’initiative du Gouvernement, un article 7 bis a été introduit. Il habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance plusieurs mesures d’ordre social en faveur de Saint-Pierre-et-Miquelon, des mesures très attendues par les élus locaux, en particulier par notre collègue Karine Claireaux, qui a beaucoup œuvré en ce sens.

Pour la commission des affaires économiques, ce texte constitue une avancée très importante, et très attendue. Pour autant, il ne constitue qu’une première étape. D’autres textes devront intervenir, d’autres mesures devront être prises, afin d’apporter des réponses à la problématique de la vie chère.

Il convient d’analyser avec précision le processus de formation des prix et de s’intéresser, par exemple, aux différents segments de la chaîne logistique – coût du fret maritime, coût du passage portuaire, du transport et du stockage – et aux marges des différents intermédiaires...

Il convient également de faire porter l’effort sur l’ensemble des secteurs économiques : nos concitoyens ultramarins souffrent, ainsi, des prix des billets d’avion, du niveau des frais bancaires ou des loyers, du coût des pièces détachées automobiles...

La réflexion devra donc se poursuivre sur le sujet. La délégation sénatoriale à l’outre-mer, que j’ai l’honneur par ailleurs de présider, a commencé il y a plusieurs mois des travaux sur la question de la vie chère. Elle prendra donc toute sa part à la réflexion sur ce sujet.

En conclusion, j’espère, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, que le Sénat adoptera à une large majorité, voire à l’unanimité, comme l’a fait la commission des affaires économiques, ce texte important pour nos outre-mer.

La Haute assemblée montrera, ainsi, une fois de plus, son attachement jamais démenti aux outre-mer, qui constituent, comme l’indiquait dans son rapport la mission d’information de 2009, un défi pour la République et une chance pour la France.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des lois du Sénat s’est saisie pour avis du projet de loi relatif à la régulation économique outre-mer et portant diverses dispositions relatives à l’outre-mer.

Permettez-moi, monsieur le ministre, de regretter les délais très courts qui nous ont été imposés pour l’examen de ce texte. Le projet de loi a été déposé au Sénat le 5 septembre seulement ; la commission des affaires économiques s’est réunie hier pour établir son texte et la commission des lois n’a pu se réunir que ce matin…

Consultées en urgence, les collectivités d’outre-mer concernées n’ont pas pu rendre leur avis dans les délais impartis, de sorte que nous n’avons pas pu avoir formellement connaissance dans l’étude d’impact, ce qui pose des difficultés dans l’appréciation de certaines dispositions du projet de loi ; nous y reviendrons lors de la discussion des articles. J’insiste d’autant plus sur ce point que les effets du texte ne pourront se faire sentir sur les économies ultramarines qu’à moyen et long terme.

Cela étant, je suis d’accord avec vous, monsieur le ministre, il y a effectivement urgence à agir pour s’attaquer aux facteurs structurels de la vie chère outre-mer, c’est indéniable.

Ce texte est en effet attendu par nos compatriotes ultramarins. Depuis 2009, les outre-mer ont été secoués par des crises sociales, parfois violentes, souvent très dures, qui ont eu pour facteur de déclenchement la cherté de la vie, notamment en ce qui concerne les produits alimentaires. Ce fut le cas dans les Antilles, ce qui avait conduit la Haute Assemblée à constituer une mission commune d’information, sous la présidence de notre collègue Serge Larcher, consacrée à la situation des départements d’outre-mer.

Cette contestation de la vie chère a également éclaté à Wallis-et-Futuna, à Mayotte en 2011, puis à La Réunion au début de cette année. Nos collègues Jean-Pierre Sueur, Christian Cointat et Félix Desplan ont, d’ailleurs, présenté cette problématique dans leurs deux rapports, à la suite de la mission qu’ils ont conduite dans ces deux derniers départements au mois de mars 2012.

Dans son avis du 8 septembre 2009 sur le commerce de détail outre-mer, l’Autorité de la concurrence estimait que les écarts de prix en magasin avec la métropole étaient supérieurs de 55 % pour plus de 50 % des produits retenus pour l’étude !

L’INSEE a confirmé cette analyse dans une enquête de 2010. Si elle estime que le coût général des prix à la caisse est supérieur de 6 % à 13 % dans les DOM par rapport à ceux qui sont pratiqués en métropole, ce qui peut paraître peu élevé, l’écart est en revanche de 34 % à 49 % pour les produits alimentaires.

Ces deux études récentes attestent le caractère très significatif des différentiels objectifs de prix pratiqués dans les outre-mer par rapport à ceux de la métropole.

Plusieurs facteurs permettent d’expliquer ce niveau élevé des prix dans les territoires ultramarins. Citons l’éloignement, l’insularité, ainsi que l’étroitesse des marchés domiens, à l’origine de coûts structurels particuliers.

Ces facteurs, bien que fondamentaux, ne sont toutefois pas les seuls qui doivent être avancés pour expliquer cette situation. Il faut également considérer l’insuffisance de la concurrence entre les opérateurs économiques locaux. Le manque de concurrence dans les marchés domiens trouve son origine dans des barrières spécifiques à l’entrée, des situations d’oligopole, voire de monopole, notamment pour l’importation de certains produits, la présence des importateurs grossistes, qui représentent une spécificité des marchés outre-mer, le cumul des activités d’importation et de distribution dans le commerce de détail et, enfin, l’application de marges importantes par les distributeurs. L’Autorité de la concurrence avait relevé en 2009 tous ces facteurs structurels.

Je souhaite évoquer un deuxième point, car il trouve un écho dans le projet de loi : je veux parler de la situation budgétaire dramatique des collectivités d’outre-mer. Tant la Cour des comptes que la commission des lois du Sénat ont, à maintes reprises, dénoncé les problèmes récurrents que rencontrent ces collectivités territoriales. Je rappelle que les rentrées fiscales des collectivités territoriales ultramarines reposent pour une grande part sur des recettes douanières qui, fortement dépendantes de l’activité économique, sont de ce fait très volatiles.

À cela s’ajoute une seconde donnée : des dépenses de personnels élevées résultant d’une politique de recrutements massifs de la part des collectivités territoriales ultramarines qui ont ainsi conduit, pendant plusieurs années, une politique d’équité sociale qu’elles ont aujourd’hui beaucoup de mal à assumer financièrement.

C’est pourquoi de nombreuses collectivités d’outre-mer font l’objet de procédures de redressement financier sous l’égide des chambres régionales des comptes, procédures qui sont de plus en plus difficiles à mettre en œuvre. Ces difficultés empêchent, par manque de ressources, de réaliser les projets d’investissement ambitieux pourtant nécessaires aux territoires et aux populations.

Face à ce constat, les collectivités ultramarines ont besoin de nouveaux outils pour combattre la vie chère et réduire leurs difficultés budgétaires. C’est l’objet de ce projet de loi, qui va dans le bon sens, monsieur le ministre, selon la commission des lois.

En premier lieu, il prévoit une série de dispositions dont l’objectif clairement affiché est de faciliter le jeu de la concurrence dans les DOM en s’attaquant aux facteurs structurels qui la limitent, facteurs qui résident principalement dans les marchés de gros et dans les conditions d’approvisionnement.

Nous pouvons nous féliciter de ce que plusieurs des pistes explorées ici s’inspirent des préconisations formulées par nos collègues Jean-Pierre Sueur, Christian Cointat et Félix Desplan à l’issue de leur mission dans l’océan Indien. La commission des lois est, d’ailleurs, traditionnellement attentive aux questions de droit de la concurrence.

Ces dispositifs spécifiques propres à l’outre-mer dans le domaine du droit de la concurrence n’ont pas leur équivalent dans le droit applicable sur le territoire métropolitain. Ils trouvent, néanmoins, leur fondement, concernant les DOM, dans les adaptations autorisées par l’article 73 de la Constitution. Sont ainsi prévues la faculté pour le Gouvernement d’établir des mesures de régulation des marchés de gros, l’interdiction des clauses des contrats commerciaux attribuant des droits exclusifs d’importation à un opérateur, la faculté pour les régions d’outre-mer et certaines collectivités d’outre-mer de saisir l’Autorité de la concurrence, ainsi que l’attribution à cette autorité d’un pouvoir d’injonction structurelle en cas de position dominante conduisant à des prix ou à des marges abusifs dans le secteur du commerce de détail.

Par ailleurs, le projet de loi confie à l’Autorité de la concurrence la mission de contrôler et de sanctionner les infractions qu’il institue. Je n’entre pas davantage dans le détail, notre collègue Serge Larcher l’a déjà fait bien mieux que je ne saurais le faire.

J’estime que cette stratégie, qui est nouvelle en comparaison de la politique longtemps pratiquée et dont l’objectif était de réglementer les prix de détail, est plus économe des deniers publics et plus efficace sur le long terme. Elle s’attaque aux facteurs structurels anticoncurrentiels de la cherté des prix, notamment pour les conditions d’approvisionnement et les marchés de gros. Les effets de ce texte ne seront donc pas immédiats, mais le projet de loi s’inscrit dans une approche pertinente et durable.

Toutefois, cette stratégie ne peut être exclusive de toute autre action, en particulier en ce qui concerne les prix de détail dans certains secteurs, à condition qu’elle soit bien ciblée. Je crois que c’est le cas pour le « bouclier qualité-prix » proposé par le Gouvernement, dispositif qui prévoit des négociations locales sur certains prix avec les acteurs de la distribution sous l’autorité du préfet et permet, en l’absence d’accord, d’encadrer les modalités de fixation des prix.

Chers collègues, je vous l’indique d’emblée, pour l’essentiel, les préoccupations qui m’avaient été inspirées, tant sur la forme que sur le fond, par mes travaux et les auditions auxquelles j’ai procédé, ont été convenablement prises en compte par la commission des affaires économiques. C’est pourquoi je ne vous présenterai pas d’amendements sur les premiers articles du texte, à l’exception d’une disposition concernant des sanctions pénales, mais nous y reviendrons.

Je tiens à souligner, à cet égard, que je suis particulièrement satisfait de la collaboration fructueuse à laquelle notre collègue Serge Larcher a bien voulu me convier sur les dispositions relatives au droit de la concurrence outre-mer. Je veux, ici, l’en remercier.

J’en viens aux articles qui nous ont été délégués au fond par la commission des affaires économiques, au sein du chapitre II, « Diverses dispositions relatives à l’outre-mer ». J’espère, d’ailleurs, que ces dernières ne s’alourdiront pas trop durant la navette, au gré de l’imagination des uns ou des autres...

Ces dispositions visent deux objectifs.

Le premier objectif consiste à poursuivre l’extension et l’adaptation de la législation de droit commun à Mayotte engagée par la loi du 7 décembre 2010, par voie d’ordonnances : le Gouvernement ratifie, par le présent projet de loi, la grande majorité des ordonnances prises sur le fondement de l’article 33 de cette loi. Dans la perspective, notamment, de l’accession prévue en 2014 au statut de région ultrapériphérique de l’Union européenne, le Gouvernement demande une nouvelle habilitation afin d’étendre et d’adapter la législation en matière sociale et de modifier l’ordonnance du 26 avril 2000 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers à Mayotte.

Le second objectif consiste à mettre en place un dispositif propre aux DOM et à certaines COM en matière de financement des projets d’investissement locaux, afin de répondre aux difficultés budgétaires que j’évoquais il y a un instant.

Il s’agit d’exonérer les collectivités territoriales des départements d’outre-mer et des collectivités d’outre-mer de Saint-Martin, Saint-Barthélemy et Saint-Pierre-et-Miquelon de l’obligation de participation financière minimale de 20 % pour le financement des projets d’investissement dont elles sont maître d’ouvrage. L’application de ce principe, introduit par la loi de réforme des collectivités territoriales du 16 décembre 2010, interdit de fait à de nombreuses collectivités ultramarines, en raison de leur situation budgétaire souvent dégradée, de conduire des projets d’investissement.

L’article 10 prévoit, quant à lui, d’homologuer, afin de permettre leur entrée en vigueur, des peines d’emprisonnement que l’Assemblée de Polynésie française et le Congrès de la Nouvelle-Calédonie ont pu adopter pour sanctionner certaines infractions dans leur domaine de compétence.

Nous avons examiné avec le plus grand soin ces peines, qui doivent respecter l’échelle nationale des peines et ne pas excéder celles qui sont prévues dans le droit commun. À cet égard, nous sommes invités à homologuer certaines peines créées il y a plus de dix ans… Le Gouvernement doit assurer un meilleur suivi pour soumettre rapidement les homologations nécessaires au Parlement, sans quoi les infractions visées ne pourront pas donner lieu à des peines d’emprisonnement prononcées par les juges, seules les peines d’amende prévues localement pouvant être prononcées. Peut-être pourrez-vous nous apporter des réponses de nature à nous rassurer sur ce sujet, monsieur le ministre.

Sur ces articles, je présenterai tout à l’heure plusieurs amendements ; je ne développerai donc pas plus avant mon argumentation.

Au terme de ces observations, je souhaite indiquer au Gouvernement et au Sénat que la commission des lois a émis un avis favorable au vote de ce projet de loi, sous réserve, évidemment, de l’adoption des amendements qu’elle a proposés.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires économiques, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, en préambule, je tiens à préciser que, bien que ne faisant pas partie des sénateurs ultramarins, je suis particulièrement sensible aux questions relatives à l’outre-mer et suis très honoré de faire partie de la délégation sénatoriale à l’outre-mer, qui me fait ainsi apprécier cette lointaine France des grands horizons.

Je me réjouis que le projet de loi que nous examinons aujourd’hui soit l’un des premiers textes présentés par le nouveau gouvernement. C’est un signal fort qui est adressé à nos concitoyens ultramarins. Mais c’était aussi une nécessité, comme vous le savez, monsieur le ministre, puisque ce projet de loi vise à répondre à un problème aussi grave qu’urgent qui touche les territoires ultramarins et que l’on désigne, par euphémisme, sous le vocable de « vie chère ».

En effet, le niveau des prix de la plupart des produits de grande consommation y est très largement supérieur à celui de l’Hexagone. C’est un constat. Pour les produits alimentaires, les prix sont 30 % à 50 % plus élevés ! Dans l’excellent rapport de notre collègue Serge Larcher figure un relevé de quelques prix : ainsi, un pack de six bouteilles d’eau de source, vendu 1, 08 euro en métropole, est au prix de 3, 60 euros en Guyane, 2, 64 euros en Guadeloupe et 3, 85 euros à La Réunion, et je passe sur l’eau de javel et la lessive ou encore le chocolat, déjà cité.

Cette réalité est d’autant plus préoccupante qu’elle frappe de plein fouet les ménages modestes, qui sont nombreux outre-mer.

Les effets de la crise économique et financière mondiale ont donc été pour un grand nombre de nos concitoyens ultramarins beaucoup plus prégnants que pour nous, les métropolitains. Ces situations de « détresse économique » des ménages ont conduit à des crises sociales très graves dans diverses collectivités ultramarines ces dernières années.

Mais que faire face à ce fléau que constitue le coût élevé de la vie outre-mer ? Ne rien faire, comme c’était souvent le cas précédemment ? Bloquer les prix ? Les dispositifs actuels d’encadrement des prix, loin d’être efficaces, sont plutôt une entrave à la baisse durable des prix. En effet, ce système contribue paradoxalement à la formation de rentes. De plus, il ne s’attaque pas à l’origine du problème, qui réside dans la structure de formation des prix, dans laquelle interviennent de nombreux intermédiaires.

C’est pourquoi ce projet de loi intervient à point nommé. Il représente une innovation très intéressante qui permettra de lutter efficacement contre la « vie chère » outre-mer, puisqu’il prévoit un véritable changement de stratégie en matière de régulation économique. Il vise en effet à s’attaquer à la « source » du problème, c’est-à-dire au processus de formation des prix.

Ainsi, l’article 1er, qui rend possibles la régulation des marchés de gros et la levée des obstacles à la concurrence en amont, constitue une véritable avancée. Deux amendements adoptés en commission des affaires économiques ont modifié cet article et en ont précisé et élargi le champ. Il couvrira ainsi l’ensemble des étapes : le fret, le stockage et la distribution.

En permettant au Gouvernement de prendre par décret des mesures destinées à corriger des situations de monopole ou d’oligopole, cet article devrait enfin permettre de réduire efficacement et durablement les prix en outre-mer.

L’article 2, qui ouvre la possibilité d’interdire des accords octroyant des droits exclusifs d’importation à un opérateur lorsque cette exclusivité n’a pas de justification économique, va dans le même sens. Un amendement de notre collègue Georges Patient, adopté en commission, a renforcé ce dispositif en inversant la charge de la preuve, qui reposera désormais sur l’entreprise et non sur l’autorité répressive, comme le prévoyait le projet de loi dans sa version initiale.

L’article 3, qui permettait, dans sa rédaction initiale, aux régions d’outre-mer ainsi qu’aux autres collectivités ultramarines détenant une compétence économique de saisir l’Autorité de la concurrence pour toutes les affaires de leur territoire dont elles auraient eu connaissance, sera également un outil très important dans les mains de ces collectivités. Un amendement adopté en commission a modifié la rédaction de cet article, qui prévoit désormais que les collectivités ultramarines peuvent saisir l’Autorité de la concurrence pour toute pratique contraire aux mesures de réglementation des marchés de gros.

De même, l’article 5, qui donne à l’Autorité de la concurrence un pouvoir « d’injonction structurelle » lorsqu’elle constate une situation de position dominante dans le secteur de la grande distribution, est une arme supplémentaire pour lutter contre la « vie chère ».

Cet article a, lui aussi, fait l’objet d’ajustements lors de l’examen en commission. La nouvelle rédaction précise notamment le critère de déclenchement de l’action de l’Autorité de la concurrence.

La nouvelle approche qui consiste, dans ce projet de loi, à s’attaquer directement au processus de formation des prix est très intéressante. Cependant, elle ne suffira probablement pas à régler le problème des prix élevés outre-mer, car ce phénomène est aussi lié à des facteurs structurels sur lesquels nous ne pouvons malheureusement pas agir.

C’est pourquoi ce projet de loi méritait d’être complété. L’article 6 bis, introduit en commission, qui traduit l’engagement du Président de la République de mettre en place un « bouclier qualité-prix » en outre-mer, va dans ce sens. Cet article prévoit une négociation annuelle en vue de la conclusion d’un accord de modération des prix d’une liste de produits de consommation courante.

Le second chapitre de ce projet de loi comporte diverses dispositions relatives à l’outre-mer. Il prévoit notamment l’extension et l’adaptation d’un certain nombre de normes aux collectivités d’outre-mer, en particulier à Mayotte, dernière venue dans la collectivité nationale. Il me semble que ces dispositions prennent en compte les spécificités des collectivités ultramarines et répondent à leurs besoins.

L’article 8, par exemple, dont il a été beaucoup question, vise à supprimer l’obligation de cofinancement d’au moins 20 % pour les collectivités d’outre-mer dans les projets dont elles assurent la maîtrise d’ouvrage.

La démarche intéressante et innovante qui caractérise ce projet de loi est aussi le signe d’une prise en compte nouvelle des outre-mer et de leurs spécificités. C’est une démarche très positive, qui donne aux collectivités ultramarines les clés de la maîtrise de leur avenir.

C’est pourquoi aucun des membres du RDSE ne s’opposera à l’adoption de ce texte, et c’est pourquoi aussi la très grande majorité d’entre nous approuveront le projet de loi, contribuant ainsi modestement à cette longue marche vers l’égalité réelle que vous avez évoquée en préambule de votre intervention, monsieur le ministre.

Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Magras

Monsieur le ministre, le texte que vous nous présentez aujourd’hui a l’ambition d’atténuer, par la régulation, le coût de la vie en outre-mer. C’est une préoccupation qui est au cœur de la vie économique de l’outre-mer et que, naturellement, nous partageons.

Cette problématique mérite en effet à nos yeux une attention cruciale, attention que la précédente majorité lui a d’ailleurs accordée. Les inquiétudes qui s’étaient exprimées en 2009 revêtaient, certes, un caractère multiforme, mais c’est la cherté de la vie qui avait été l’élément déclencheur du mouvement de protestation.

Le précédent gouvernement y avait répondu par la LODEOM et la mise en place d’un dialogue sans précédent avec les états généraux de l’outre-mer, à l’issue duquel le conseil interministériel de l’outre-mer avait arrêté 137 mesures, dont certaines étaient relatives à l’atténuation du coût de la vie. Et, ici, au Sénat, sur l’initiative du président Gérard Larcher, une mission commune d’information sur la situation des départements d’outre-mer avait été mise en place.

Nous sommes donc bien conscients que la cherté de la vie est une préoccupation non seulement structurelle mais également légitime au sein des populations ultramarines.

Nous nous réjouissons donc que vous ayez choisi, par ce texte, d’en faire une priorité et considérons qu’en cela, vous en conviendrez, monsieur le ministre, vous vous inscrivez dans une forme de continuité de l’action engagée par vos prédécesseurs.

Sourires sur plusieurs travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Magras

À titre liminaire, nous souhaitons souligner que, si nous partageons sans aucune réserve votre objectif de réduction du coût de la vie outre-mer, il n’en reste pas moins que la méthode et les outils que vous nous proposez au travers de ce projet de loi suscitent quelques interrogations et inquiétudes. Je dois toutefois signaler que certaines d’entre elles ont été atténuées par les travaux de la commission des affaires économiques, qui ont notablement fait évoluer le texte sur des points qui le méritaient.

En effet, les dispositions du projet de loi destinées à agir sur le fonctionnement du marché liaient très explicitement la cherté de la vie au comportement des entreprises. Or il est incontestable que les relations économiques exclusives qu’entretiennent les collectivités d’outre-mer avec la métropole et plus généralement avec l’Europe pour l’approvisionnement de leurs marchés ne peuvent qu’entraîner un enchérissement du coût de la vie, du fait, en premier lieu, du coût du transport des marchandises.

Il est en outre indéniable que l’étroitesse de ces marchés engendre une propension naturelle à l’établissement d’oligopoles, voire de monopoles sur bien des segments. Cela s’explique par la difficulté d’y réaliser des économies d’échelle, car, comme vous le savez, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’approvisionnement en petites quantités tend à renchérir les prix, pour permettre aux entreprises d’atteindre le seuil de rentabilité.

C’est pourquoi, d’une manière générale, il serait selon nous abusif de considérer que le jeu du marché est structurellement faussé, contrairement à ce qui ressort de ce texte à la lumière des pouvoirs qu’il conférait initialement à l’Autorité de la concurrence. Sur ce point, nous avons bien noté les amendements de la commission des affaires économiques.

Après ces considérations d’ordre général, j’en viens maintenant aux articles du texte.

L’article 1er renforce les moyens de contrôle sur les marchés de gros en introduisant la possibilité pour le Gouvernement de réglementer l’accès aux marchés tout en conférant à l’Autorité de la concurrence les moyens de sanctionner la méconnaissance des règles fixées par le Gouvernement.

À elle seule, on pouvait considérer cette mesure comme un outil de dissuasion. Fallait-il aller plus loin ?

Comme je le disais, les marchés d’outre-mer sont naturellement propices aux oligopoles et aux monopoles. Ce projet de loi le reconnaît d’ailleurs implicitement dès lors qu’il prohibe les clauses de contrats commerciaux ayant pour objet ou pour effet d’accorder des droits exclusifs d’importation à un opérateur. Mais on admet dans le même temps que l’efficacité économique puisse passer par l’instauration de monopoles au bénéfice des consommateurs…

À ce titre, l’article 2 introduit donc une disposition rassurante qui nous semble adaptée à la réalité des marchés ultramarins, même si un renvoi au décret pour l’encadrement et la définition des « motifs objectifs » nous aurait semblé opportun.

Les modalités de saisine de l’Autorité de la concurrence introduites par l’article 3 appellent également quelques observations.

Certes, la région nous semble être la collectivité territoriale qui dispose de la vision la plus globale de l’organisation du territoire. Mais la saisine de l’Autorité n’aurait-elle pas pu également être ouverte aux communes ? Je le disais hier en commission, ces dernières connaissent en effet l’aménagement commercial de leur espace et auraient pu se voir confier la charge, au moins pour avis, de veiller à l’équilibre entre petits commerces et grandes surfaces.

De même, nous relevons que les associations de consommateurs sont absentes du texte. S’il avait été prévu que les collectivités ne puissent se tourner vers l’Autorité de la concurrence qu’une fois saisies par une association, cela aurait indéniablement eu pour effet d’encourager la constitution de telles associations en outre-mer, où nous estimons qu’elles devraient jouer un rôle charnière. Ce texte, qui concerne les consommateurs, aurait, à nos yeux, gagné à les impliquer davantage, ce qui aurait également permis de développer une culture alternative, osons le dire, par rapport à la contestation sociale en matière de consommation.

L’article 4, en abaissant le seuil de concentration à 5 millions d’euros de chiffre d’affaires, est en cohérence avec l’objectif de ce texte consistant à favoriser le développement de la concurrence. Mais ne risque-t-il pas de créer les conditions d’un émiettement des distributeurs qui serait préjudiciable aux consommateurs ?

Nous avions, monsieur le ministre, de sérieuses inquiétudes quant à la rédaction initiale de l’article 5. Les réponses que vous nous avez apportées hier et le travail très appréciable de la commission ont contribué à apaiser, au moins en partie, ces inquiétudes.

Malgré tout, nous redoutons encore que le texte n’ait pour effet de permettre à l’Autorité de la concurrence d’agir non seulement sur le comportement des acteurs, mais également sur la structure des marchés.

Bien sûr, nous reconnaissons qu’il n’existe pas de concurrence pure et parfaite et qu’il revient au législateur de corriger les effets pervers nés des dysfonctionnements du marché. Néanmoins, nous avons craint que ce texte n’aille au-delà de la régulation en instaurant un véritable contrôle sur la structure des marchés. Les amendements de la commission ont atténué cet aspect, ce dont nous prenons acte avec une satisfaction prudente.

Nous notons que le Sénat a également précisé la notion de « préoccupations de concurrence » en introduisant les critères de pratique de prix abusifs et de marges comparativement élevées. La rédaction initiale nous paraissait par trop imprécise, laissant à l’Autorité la possibilité d’apporter une appréciation totalement discrétionnaire, d’autant plus inquiétante que cette autorité peut s’autosaisir. Avec le constat d’abus préalable, on tend donc vers un pouvoir plus « normal » de l’Autorité.

Notre inquiétude essentielle demeure quant au pouvoir d’injonction de cession d’actifs, qui reste marqué par une certaine imprécision. Eu égard à sa portée, nous restons convaincus que la mesure mériterait d’être mieux encadrée pour permettre aux acteurs économiques de disposer de davantage de visibilité. La cession devrait-elle s’effectuer au bénéfice d’un concurrent ? Ou d’un nouvel opérateur ? Ou dans un secteur différent ?

Si ces précisions ne figurent pas dans le texte, ne risquons-nous pas de paralyser certaines initiatives ou de décourager certains investissements ?

La régulation du marché ne doit pas être exclusive de l’attractivité de l’outre-mer.

Par ailleurs, en introduisant une injonction de cession d’actifs sans l’assortir de réparation, ce texte ne risque-t-il pas d’engendrer un effet d’aubaine ? Je prends l’exemple d’une entreprise qui aurait acquis une situation solide sur un marché par ses seuls mérites et se trouverait contrainte de céder des actifs dont des concurrents pourraient bénéficier indûment et à un prix décoté, sans que l’entreprise obtienne de dédommagement.

Sous cette forme, nous estimons que l’injonction de cession pourrait porter une double atteinte à des principes constitutionnels.

Il y aurait, d’une part, atteinte au principe de liberté d’entreprendre si une entreprise se trouvait sanctionnée alors qu’elle était placée en position dominante du fait de l’acquisition ou du développement d’une innovation. L’acquisition d’une innovation peut très bien s’accompagner d’accords commerciaux exclusifs. Dans ce cas, seront-ils considérés comme des « motifs objectifs » ?

Il y aurait, d’autre part, atteinte au droit de propriété si l’on privait une entreprise du droit de disposer pleinement des actifs qu’elle a acquis.

Quant aux effets collatéraux sur l’économie, ils nous semblent ne pas avoir été suffisamment pris en compte. En cas de cession d’actifs forcée, que deviennent, par exemple, les employés? Le texte est silencieux sur ce point, pourtant fondamental dans le contexte du marché de l’emploi que l’on connaît outre-mer.

En effet, en cédant des actifs, l’entreprise pourrait être contrainte de se séparer d’une partie de sa masse salariale, en conséquence de la diminution de l’activité. Le bénéficiaire de la cession serait-il contraint de reprendre ces salariés ? C’est un point sur lequel nous sommes particulièrement vigilants et nous serons attentifs aux précisions que vous voudrez bien nous apporter, monsieur le ministre.

Enfin, pour conclure sur l’Autorité, nous considérons que le droit positif confère, en l’état, des outils amplement suffisants et dissuasifs pour assurer, en outre-mer comme en métropole, une régulation du marché. La nouveauté introduite est l’injonction de cession d’actifs qui, comme je le disais, nous semble comporter davantage de risques que d’effets potentiels notables.

C’est pour cette raison que je vous proposais hier, monsieur le ministre, d’introduire une clause de revoyure, à laquelle vous m’avez semblé favorable.

La cherté de la vie revêt, en outre, de multiples aspects – je pense en particulier aux coûts de la téléphonie mobile, à la fois localement et en itinérance. Je rappelle, pour ceux qui l’auraient oublié, qu’un ultramarin en déplacement en métropole, donc sur son territoire national, est en itinérance.

L’article 6 transpose ainsi le règlement du Parlement européen et du Conseil du 13 juin 2012 afin d’intégrer les communications transnationales, ce qui est le cas, malgré la distance, des communications avec l’outre-mer. Il s’agit donc d’appliquer le principe d’égalité républicaine à ce secteur. Nous sommes satisfaits que le projet de loi intègre les conséquences du travail engagé en matière d’alignement des coûts de téléphonie mobile depuis cinq ans.

Par ailleurs, une disposition est introduite en faveur des collectivités territoriales d’outre-mer, dont nous connaissons les difficultés financières. Elle avait bien sa place dans un texte relatif à la régulation économique en raison du poids que représentent les collectivités dans l’économie avec la commande publique.

Vous leur permettez donc, monsieur le ministre, d’engager des projets sans exiger la garantie d’une contrepartie de financement lorsqu’elles assurent elles-mêmes la maîtrise d’ouvrage. Nous y voyons un assouplissement destiné à maintenir et à garantir aux acteurs économiques un rôle d’investisseurs des collectivités territoriales qui tient compte de leurs difficultés.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, vous l’aurez compris, nous sommes plus que réservés sur le cœur de ce projet de loi.

L’expression démocratique ne nous a pas permis de poursuivre le travail amorcé par le gouvernement précédent, lequel avait engagé des réformes structurelles, ce qui demande du temps.

En conclusion, nous partageons votre objectif visant à rapprocher le coût de la vie outre-mer de celui de la métropole, car c’est pour nous une ambition républicaine à laquelle nous ne saurions déroger. Je ne vous surprendrai pas en vous disant que nous divergeons, en revanche, sur les moyens d’y parvenir.

Je ne peux m’empêcher de conclure sur une réflexion personnelle. Selon moi, il y a deux manières d’aborder la cherté de la vie en outre-mer.

Soit on estime qu’il faut lutter contre la vie chère et tout faire pour diminuer les coûts en important des marchandises de moins en moins chères, mais avec le risque qu’elles soient de moindre qualité. On porterait alors atteinte à cette qualité de la vie qui est apparue dans les territoires ultramarins.

Soit, au contraire, on considère que la vie chère est un fait inhérent à l’insularité et l’éloignement et que les populations doivent disposer des moyens nécessaires pour satisfaire leurs besoins dans un environnement qui se veut exigeant, contraignant et coûteux. En d’autres termes, il s’agirait de créer les conditions pour que le travail et les investissements garantissent à chacun des revenus suffisants. Les salaires sur l’île d’où je viens sont déjà supérieurs à ceux qui sont pratiqués dans les autres territoires ultramarins, et même en métropole, dans certains cas, mais cela n’est pas suffisant et, lorsque je parle de revenus, je ne parle pas des seuls salaires.

À cet égard, je relève, monsieur le ministre, que, dans une récente déclaration, vous avez souhaité que l’outre-mer se tourne vers le tourisme haut de gamme. Il va sans dire que je ne peux qu’approuver cette ambition, mais permettez-moi de vous faire remarquer qu’elle nécessitera des réformes structurelles, y compris en matière de coût de la vie.

Le groupe UMP a donc fait le choix de s’abstenir sur ce projet de loi, mais, monsieur le ministre, chers collègues, nous resterons vigilants quant aux effets réels qu’aura ce texte sur nos territoires respectifs.

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Labbé

Monsieur le ministre, chers collègues de l’outre-mer, je voudrais vous faire part de toute la considération de notre groupe pour vos territoires et les populations que vous représentez.

Il est bon de rappeler que les territoires d’outre-mer font de la France le troisième domaine maritime du monde et que, en termes de richesses naturelles et de biodiversité, ils permettent à notre pays de posséder un patrimoine naturel d’importance mondiale.

De plus, riches d’une population jeune et d’une grande diversité culturelle, les territoires d’outre-mer doivent permettre à la France de vivre une mondialisation ouverte, avec de nombreux atouts pour l’avenir.

Les outre-mer sont une chance, une richesse pour la France ; il est donc de notre devoir de nous en préoccuper.

La situation économique et sociale dans ces territoires est particulièrement préoccupante. Alors que les ménages des territoires ultramarins sont plus modestes qu’en métropole, avec des revenus inférieurs de 38 %, les prix des produits alimentaires sont, quant à eux, entre 30 % et 50 % supérieurs à ceux que l’on trouve dans l’Hexagone. Les mouvements sociaux, notamment depuis 2009, nous ont rappelé que nos concitoyens ultramarins souffraient du coût anormalement élevé de la vie.

Ces prix élevés sont le résultat d’économies particulièrement tributaires de la métropole et marquées par une dépendance aux importations énergétique et manufacturière.

Dans les magasins des territoires ultramarins, les prix de plus de la moitié des produits sont supérieurs de 55 % à ceux qui sont pratiqués en métropole.

La hausse des prix à la consommation touche en premier lieu les produits énergétiques et l’alimentation, mais le coût des transports et les dépenses de communication subissent aussi l’inflation.

Si cette situation s’explique en partie par l’éloignement, les circuits d’approvisionnement longs et le volume des importations, le nombre restreint d’acteurs économiques, lesquels bénéficient souvent d’une situation de quasi-monopole, est également en grande partie la source du problème. La position dominante de certains acteurs facilite le maintien de cartels, permettant des arrangements collusoires ; l’absence de concurrence permet à quelques oligopoles de profiter de la situation aux dépens des consommateurs.

Il est nécessaire de répondre à cette situation au nom de l’intérêt général et de la solidarité nationale. C’est ce qui est proposé dans ce projet de loi relatif à la régulation économique outre-mer.

Pour casser les monopoles et permettre aux prix de baisser, ce texte s’attache à faciliter le jeu de la concurrence dans ces territoires, de remédier aux dysfonctionnements en levant les obstacles à la concurrence. L’objectif est également de réengager les acteurs dans la loyauté de leurs transactions, d’améliorer la transparence des prix et la protection des consommateurs, et aussi d’inciter à réduire les coûts.

En plus de lutter contre les pratiques anticoncurrentielles, aujourd’hui monnaie courante, l’Autorité de la concurrence disposera de prérogatives étendues, notamment un pouvoir d’injonction structurelle en matière de grande distribution pour éviter toute forme de rente et de monopole.

Comme vous l’avez annoncé, monsieur le ministre, il s’agit, par ce texte, de pouvoir enfin agir sur les causes de ces dysfonctionnements, ces facteurs anormaux concourant à la vie chère dans lesquels certains n’hésitent pas à voir la marque d’une exploitation outrancière par quelques groupes.

Enfin, monsieur le ministre, nous avons apprécié que vous annonciez hier, lors de votre audition, que ce projet de loi était le premier acte d’une nouvelle politique volontariste en direction des outre-mer. Nous attendons des textes sur l’économie et sur l’agriculture qui permettront d’exploiter, dans le sens noble et durable du terme, les nombreuses richesses naturelles existant sur ces terres, au bénéfice prioritaire des populations qui y vivent. Nous attendons aussi un texte sur la fiscalité, car il est tout à fait anormal que certains de nos territoires puissent être considérés comme des paradis fiscaux.

Vous voulez agir vite, vous l’avez dit en conclusion de votre propos, monsieur le ministre, marquant ainsi votre détermination et celle du Gouvernement. Vous savez que vous êtes attendu, monsieur le ministre, mais vous êtes aussi espéré. Soyez assuré du soutien du groupe écologiste pour mener à bien cette nouvelle politique annonciatrice de la nécessaire transition que nous appelons de nos vœux. Ma collègue Aline Archimbaud, membre de la délégation sénatoriale à l’outre-mer, vous présentera tout à l’heure les amendements que nous proposons pour enrichir le texte.

Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Pozzo di Borgo

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les populations des collectivités ultramarines souffrent d’un mal sérieux en matière de pouvoir d’achat. Nous sommes réunis aujourd'hui pour examiner un projet de loi qui tente d’y apporter un remède.

Le revenu médian par unité de consommation est de 800 euros outre-mer, soit près de 40 % de moins que le revenu médian métropolitain. Or les prix des produits alimentaires sont plus élevés de 20 % en Guadeloupe et de près de 40 % en Guyane qu’en métropole. Quant aux produits laitiers consommés tous les jours, ils sont souvent deux fois plus chers en outre-mer que dans l’Hexagone.

Bien que sénateur de Paris, je suis aussi un îlien et, à ce titre, sensible à ces problèmes. Certes, la Guyane n’est pas une île, sinon une île dans la grande Amazonie ! §

Peut-on imaginer que des tomates puissent coûter 6 euros le kilo ailleurs que dans le septième arrondissement de Paris ?

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Pozzo di Borgo

Quelles sont les causes de ce décrochage des prix de nombreux biens de consommation par rapport au niveau de vie de la population ?

Une très grande part des produits consommés en outre-mer sont importés. En effet, l’insuffisant développement économique local, s’agissant notamment de la production de biens de consommation, et tout particulièrement de produits agroalimentaires, a rendu ces territoires dépendants des importations.

Le surcoût qu’engendre le transport, par voie maritime, de produits frais, ainsi que les positions monopolistiques ou oligopolistiques des importateurs et des grossistes, contribuent à ce décrochage des prix.

En outre, l’octroi de mer frappe non seulement les produits importés, mais aussi, ce qui est tout de même le comble, les productions locales : sucre, rhum, banane, fruits et légumes. Pour cette raison, il est de plus en plus perçu par les consommateurs comme une taxe injuste, qui participe à la cherté de la vie.

Le projet de loi soumis à notre examen n’est pas le premier texte visant à proposer une réponse au problème de la faiblesse du pouvoir d’achat des ultramarins.

Ainsi, à la suite du premier signal d’alerte qu’a constitué la crise sociale violente ayant éclaté en 2009 en Guadeloupe, la loi du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer a apporté un apaisement, sans pour autant proposer de réponse structurelle à cette crise. Par exemple, elle a prévu que le Conseil d’État ait la possibilité, et non l’obligation, de fixer les prix pour les produits de première nécessité. Cependant, ces prix sont repartis à la hausse en outre-mer dès le 1er janvier 2010 !

Faute de mesures structurelles, les territoires d’outre-mer ont connu de nouveaux mouvements sociaux contre la vie chère après 2009. Ainsi, au début de l’année 2012, la Réunion a subi un conflit social important à propos des prix des carburants.

En réponse à cette situation très pénible, voire insupportable, pour les habitants de ces départements, le projet de loi soumis à notre examen présente des solutions qui vont plutôt dans le bon sens. Je pense notamment au renforcement des pouvoirs de l’Autorité de la concurrence, via la création d’un dispositif d’injonction structurelle ou l’abaissement du seuil de notification des opérations de concentration. Encore faudra-t-il être vigilant sur les ententes…

L’interdiction des clauses accordant des droits d’importation exclusifs est une autre mesure que les membres du groupe de l’Union centriste et républicaine soutiennent pleinement.

Je tiens en outre à saluer le travail de la commission, notamment l’adoption d’un amendement tendant à permettre d’élargir le pouvoir de réglementation des marchés de gros –marchés de fret, de stockage, de distribution – à l’ensemble de la chaîne, ainsi qu’à la gestion des facilités essentielles, notamment pour les carburants.

En tout état de cause, de telles mesures peuvent favoriser un appel d’air bénéfique à la concurrence, et ainsi à une baisse des prix.

Cela étant, si mon groupe votera ce texte, mon appartenance à l’opposition m’oblige à le critiquer un peu !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Pozzo di Borgo

J’en reviens au texte.

Je suis circonspect quant à la disposition, introduite en commission sur l’initiative du Gouvernement, visant à imposer la négociation d’un accord de modération des prix d’une liste de produits de consommation courante dans les départements d’outre-mer. Un tel dispositif avait déjà été mis en place, sans succès. Cela ne remédie pas aux causes de la vie chère, et nous considérons pour notre part qu’il s’agit plutôt d’un placebo.

Si le projet de loi comporte quelques mesures d’un intérêt évident, il manque cependant cruellement d’ambition. En réalité, pour améliorer durablement la situation dans ces territoires en matière de coût de la vie, il faudrait déployer un programme beaucoup plus vaste, axé sur le développement endogène, c’est-à-dire fondé sur les ressources locales.

Il faut donc créer un cadre favorable au développement des productions locales de biens de consommation, notamment de produits agroalimentaires. J’observe d’ailleurs que l’on constate un peu les mêmes problèmes en Corse.

Ces territoires ont, peut-être, besoin d’une revitalisation agricole, pour relancer l’élevage et le maraîchage, améliorer la productivité, afin de diminuer les importations et de pouvoir « consommer local ». L’effet sur les prix sera immédiat, si l’on en retranche les frais d’importation.

Il en va de même pour la production « locale » d’énergie. L’article 13 du projet de loi de finances pour 2011 avait supprimé les subventions au développement des énergies renouvelables outre-mer, notamment à la Réunion, tuant dans l’œuf l’espoir de voir se mettre en place une production locale d’énergie.

Mes chers collègues, sans une volonté forte de promouvoir le développement endogène des territoires d’outre-mer, il ne saurait y avoir ni produits agricoles, ni énergie durablement bon marché. D’ici à ce que le vœu pieux que j’ai formé devienne réalité, ce projet de loi constitue un outil temporairement cohérent au service de la régulation économique outre-mer. Les sénateurs du groupe de l’Union centriste et républicaine le soutiendront. §

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, même si je suis personnellement très sensible à la situation des outre-mer, je me ferai aujourd'hui le simple porte-voix de mon collègue Paul Vergès, qui, retenu par d’autres obligations, regrette vivement de ne pouvoir participer à nos débats.

La situation économique et sociale dans nos régions d’outre-mer, et plus spécifiquement à la Réunion, est extrêmement tendue. Nous connaissons les chiffres du chômage : 30 % de la population active et 60 % des jeunes de moins de 26 ans sont privés d’emploi.

Mais, si l’emploi est le défi majeur à relever, nous devons également faire face à d’autres problèmes qui affectent considérablement les populations, par exemple ceux du logement ou du niveau des prix. C’est très probablement sur ce dernier point que nos compatriotes attendent des réponses immédiates.

La question du coût de la vie est récurrente dans nos régions ultramarines. Elle est liée à l’organisation et au fonctionnement des sociétés et des économies qui prévaut outre-mer depuis plus de soixante-cinq ans.

Ces dernières années, cette question s’est cristallisée autour de mouvements sociaux de grande ampleur, à la Réunion, à la Martinique, en Guadeloupe, en Guyane, à Mayotte, à Wallis-et-Futuna ou en Nouvelle-Calédonie.

À la Réunion, les manifestations de février dernier ont révélé l’exaspération de la population. La question du coût de la vie est posée depuis des dizaines d’années. Les rapports se sont succédé, mais la situation n’a guère évolué.

Selon une étude de l’INSEE, sur les vingt dernières années, les écarts de prix pour les différents biens et services ont évolué diversement à la Réunion : certains ont diminué, d’autres, plus nombreux, ont augmenté, s’agissant notamment des produits alimentaires, qui représentent un des premiers postes de dépense des Réunionnais. En effet, les prix de ces produits ont augmenté plus vite à la Réunion qu’en France métropolitaine : l’écart, qui était de 30 % en 1992, s’élève à 36, 6 % en 2012.

Pour sa part, l’étude d’impact du projet de loi fait état d’un écart moyen de 24 % entre les prix en métropole et les prix à la Réunion. Elle fait en outre référence à l’avis de l’Autorité de la concurrence selon lequel, sur un échantillon de 100 produits, les écarts pouvaient atteindre 50 % entre les prix affichés en France continentale et ceux pratiqués à la Réunion. Pour la moitié de ces 100 produits, l’écart pouvait atteindre 55 % ! Depuis 2007, l’indice des prix à la consommation a tendance à être plus élevé dans l’île qu’en France. Or, plus de la moitié de la population réunionnaise dispose d’un revenu annuel largement inférieur à 9 000 euros, c’est-à-dire inférieur au seuil national de pauvreté. Pour la métropole, ce taux s’élève à 24, 2 %.

Le coût de la vie est plus élevé outre-mer. Les ménages réunionnais doivent faire face à cette réalité, bien montrée dans l’étude d’impact du projet de loi.

Cette cherté de la vie est une donnée structurelle, qui découle de l’intégration des économies d’outre-mer à celles de la France et de l’Europe. À la fin des années cinquante, la Réunion importait environ 250 000 tonnes de marchandises et exportait presque le même volume. Aujourd’hui, si elle exporte 700 000 tonnes de marchandises, elle en importe près de 4 millions de tonnes, le taux de couverture des exportations par les importations ayant atteint le niveau extrêmement faible de 6 %.

L’éloignement de la principale source d’approvisionnement de la Réunion est le facteur déterminant de la vie chère. En effet, la première source d’approvisionnement est située à 10 000 kilomètres de l’île. Les deux tiers en valeur des importations proviennent de France et d’Europe, où les coûts de production sont, de surcroît, beaucoup plus élevés que dans les pays voisins de la Réunion.

À ces coûts de production, il faut ajouter les coûts, de plus en plus élevés, du transport maritime ou aérien. Les variations du coût des matières premières ont des répercussions inévitables sur le coût du transport et donc, in fine, sur le prix payé par le consommateur. Les mécanismes de la fiscalité sur les produits importés de la métropole ou d’Europe engendrent également un surcoût.

Dans ces conditions, des situations de monopole se sont constituées dans les secteurs de la grande distribution, de l’énergie – je pense notamment au carburant – et des transports.

Le constat dressé par l’OCDE est sans appel : le nombre limité d’acteurs sur la plupart des marchés ultramarins facilite le maintien de cartels ou d’arrangements collusifs.

Il convient aussi de signaler que les circuits de distribution diffèrent : la Réunion compte un maillon supplémentaire dans cette chaîne, celui des importateurs grossistes.

Lors des états généraux de l’outre-mer, plusieurs constats ont été effectués. Ainsi, l’examen des marges commerciales a fait apparaître des situations sectorielles diverses, mais délicates à interpréter, compte tenu des différences d’organisation dans la chaîne d’approvisionnement. Une étude de l’INSEE sur la rentabilité comparée des entreprises à la Réunion et en métropole démontre également l’existence d’un avantage relatif pour les entreprises de grande taille, dans le commerce – automobile et commerce de gros – et les services.

Tous ces éléments contribuent à la vie chère outre-mer. Tous les gouvernements successifs ont tenu compte de cette situation dans la rémunération de leurs agents : c’est ce que l’on appelle la « sur-rémunération ». Ce phénomène existe depuis la loi d’intégration du 19 mars 1946. Depuis cette date, tous les gouvernements ont en effet attribué une indemnité de vie chère à leurs agents. En 1975, une indexation de la valeur du point, lors du passage du franc CFA au franc, combinée à une indemnité de vie chère de 35 %, avait donné naissance à la sur-rémunération de 53 % à la Réunion, l’île aux 60 000 fonctionnaires, toutes fonctions publiques confondues.

La question de la sur-rémunération a, elle aussi, fait l’objet de nombreuses études et suscité de nombreux rapports. On se souvient de l’analyse effectuée en 1996 par Bernard Pêcheur sur le niveau comparé des salaires annuels moyens dans la fonction publique : avec un indice de 100 pour la France entière, il était de 143 à la Réunion, alors que le différentiel des prix entre la Réunion et la métropole allait de 9, 5 % à 11, 2 %.

La même année, Jean-Jacques de Peretti, ministre de l’outre-mer, présentait un projet de réforme fondé sur le double principe du maintien du niveau de rémunération des agents en poste et d’une réinjection sur place de l’intégralité des crédits d’État dégagés par la réduction des rémunérations des futurs fonctionnaires, au profit d’actions en faveur de la création d’emplois.

Treize ans plus tard, en 2009, nos collègues sénateurs publiaient un rapport intitulé Les DOM, défi pour la République, chance pour la France. Ils estimaient que le mécanisme de sur-rémunération « ne [devait] répondre qu’à un objectif de “ compensation ” du différentiel de coût de la vie dans les DOM par rapport à la métropole ». La mission recommandait alors que le montant de la majoration soit réellement ajusté au différentiel de prix.

Or les majorations, dans la fonction publique d’État, sont extrêmement variables. Le taux de référence est de 53 % à la Réunion. Par mimétisme, de nombreux services ont vu les rémunérations de leurs agents intégrer des majorations de traitement, au travers de conventions collectives validées par les gouvernements successifs. Le taux de majoration s’élève à 47 % pour les agents de la caisse d’allocations familiales et de la caisse générale de sécurité sociale, mais il est de 25 % pour ceux d’EDF et de 30 % pour les salariés des banques et des assurances ; à l’Institut d’émission des départements d’outre-mer, les agents perçoivent une sur-rémunération de 24, 6 %, et ce taux atteint 20 % pour les médecins libéraux, qu’ils soient généralistes ou spécialistes.

L’évaluation généralement avancée du « coût » de cette sur-rémunération est de 1, 03 milliard d’euros au titre de 2008 pour tout l’outre-mer, qui compte 90 000 fonctionnaires civils de l’État. Pour la seule Réunion, le coût de la majoration de traitement pour l’ensemble de la fonction publique est estimé à plus de 600 millions d’euros. Encore faut-il préciser que, dans la fonction publique hospitalière, le taux moyen de sur-rémunération est de 53 %.

Dans la fonction publique territoriale, à la Réunion, environ 70 % des agents sont contractuels, le coût de la sur-rémunération représentant une telle charge pour les budgets communaux qu’il fait obstacle à la titularisation de ces agents et à leur véritable intégration dans la fonction publique.

Trois générations après la mise en application de la loi de 1946, la situation dans la fonction publique est donc totalement anarchique ! En revanche, il a fallu près d’un demi-siècle pour accorder l’égalité sociale aux plus démunis et réaliser l’égalité du SMIC ! Cet objectif d’égalité a été au cœur de toutes nos luttes pendant un demi-siècle.

Ainsi, l’État prend en compte le coût de la vie pour déterminer la rémunération des agents de la fonction publique, mais il n’en tire aucune conséquence pour l’écrasante majorité des employés des collectivités locales, pour la fixation du niveau du SMIC et de celui des minimas sociaux, qui relève de sa compétence.

Revenus indexés d’un côté, tenant compte de la vie chère, revenus non indexés de l’autre : une situation d’apartheid social institutionnalisé, socialement injuste, économiquement préjudiciable et moralement inadmissible, règne dans les sociétés d’outre-mer.

Les événements survenus ces dernières années, quel qu’en soit le détonateur, montrent bien que nous sommes arrivés au bout du processus d’intégration économique lancé en 1946 ! Les contradictions qui en découlent sont très nombreuses. Les transferts publics – transferts sociaux, traitements de la fonction publique, subventions – irriguent toute l’économie et la société réunionnaise, une société à deux vitesses, marquée par des disparités sans cesse croissantes, un chômage massif, le tout entraînant un délitement social. Il nous faut donc aujourd’hui remettre en cause les bases du système mis en place voilà plus de soixante ans.

Par exemple, pourquoi aller acheter des produits à 10 000 kilomètres, en France, alors que la Réunion pourrait s’approvisionner dans les pays environnants, dès lors que les produits importés ne concurrencent pas la production locale ?

Se pose ainsi la question de la double intégration de la Réunion à l’ensemble européen et à l’environnement régional, en conséquence des accords de partenariat économique, les APE. Cette question n’est pas résolue aujourd’hui. Nous avons toujours souhaité que la Réunion s’engage dans la voie du codéveloppement ; ce projet de loi peut nous offrir un début de commencement.

Nous approuvons les mesures contenues dans ce texte, car elles vont dans le bon sens, selon nous, pour lutter contre les monopoles, les oligopoles, les positions dominantes, mais ces mesures s’inscrivent dans le cadre du fonctionnement actuel de l’économie. Ainsi, tout en les approuvant, nous en relativisons la portée.

La question fondamentale reste celle-ci : quel mode de développement pour la Réunion, et dans quelle perspective ?

Le changement fondamental et structurel de la situation actuelle exige en effet que d’autres chantiers touchant au fonctionnement de notre société et de notre économie soient ouverts : celui de la diversification des sources d’approvisionnement, dans le respect des équilibres à préserver pour le développement de la production locale ; celui de la politique des revenus, dans le cadre de la concertation nécessaire avec les acteurs concernés ; celui de toute la chaîne de formation des prix, avec notamment les questions de la fiscalité ou du fret.

Il faut ouvrir tous ces chantiers et en appeler à la responsabilité de chacun des acteurs, politiques, sociaux, économiques. Il faut un plan à long terme, sur dix ou quinze ans, pour corriger des erreurs accumulées, tenir compte des inégalités à combattre, recréer une cohésion sociale et ouvrir la voie au développement durable pour tous.

Le Gouvernement a le mérite de mettre sur la table cette question de la vie chère et de reconnaître ainsi son caractère urgent et prioritaire. Faut-il rappeler à l’orateur précédent que tel n’était pas le souci de la majorité d’hier, dans toutes ses composantes ?

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Les mesures contenues dans ce projet de loi doivent constituer, à nos yeux, une première étape dans la nécessaire réforme générale du fonctionnement des sociétés et des économies de l’outre-mer.

Voilà ce que Paul Vergès souhaitait vous dire.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Patient

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, prix trop élevés, marges abusives dans un contexte de grande pauvreté : ce n’est pas moi, ultramarin, qui le dis, mais l’INSEE, à travers des chiffres publiés en 2010. Ils révèlent que les produits alimentaires sont entre 30 % et 50 % plus chers dans les outre-mer que dans l’Hexagone, alors que le revenu disponible des ménages y est inférieur de 35 % en moyenne ! L’Autorité de la concurrence affirme également qu’il existe un écart tarifaire situé entre 43 % et 74 %, ce que confirment les résultats d’une enquête de l’association UFC-Que choisir.

Des explosions sociales à répétition, de plus en plus graves depuis 2008, en Guyane, en Martinique, en Guadeloupe, à la Réunion, à Mayotte, sont les conséquences de cette situation : cela ne cesse de gronder ! Nos compatriotes sont mécontents des limites des actions menées jusqu’à présent. En effet, celles-ci sont demeurées sans résultat, se résumant trop souvent à des effets d’annonce pour casser une légitime revendication et ne traduisant pas une volonté réelle de remédier à la cherté de la vie.

Aussi est-ce tout le mérite de votre projet de loi, monsieur le ministre, que de doter les autorités publiques de nouveaux outils de régulation adaptés aux outre-mer, afin de pouvoir y établir une concurrence effective. Les consommateurs ultramarins doivent eux aussi pouvoir bénéficier du jeu normal de la concurrence, avec des prix soumis à une pression concurrentielle effective et une liberté d’accès pour les nouveaux acteurs économiques.

Tel est le sens des mesures présentées pour corriger les situations de monopole ou d’oligopole, pour interdire les clauses des contrats commerciaux accordant des droits d’importation exclusifs à un opérateur, pour expertiser les effets des réglementations là où elles existent, par exemple dans les secteurs des carburants, des télécommunications, des dessertes aériennes et maritimes ou des tarifs bancaires, afin de les adapter ou de les compléter si elles apparaissent insuffisamment efficaces.

Le mérite de ce texte est aussi de viser à l’efficience en renforçant les moyens d’action en matière de concurrence et de transparence des prix. Je pense notamment à l’ouverture aux collectivités territoriales de la faculté de saisir directement l’Autorité de la concurrence pour lutter contre les pratiques anticoncurrentielles sur leur territoire, ou à l’attribution à cette même autorité d’un pouvoir d’injonction structurelle, pour combattre les pratiques de prix abusifs, de monopole, d’oligopole ou d’entente, mesure qui suscite d’ailleurs la grande colère des MEDEF locaux !

Nous allons maintenant disposer d’un arsenal juridique qui non seulement nous permettra d’obtenir une baisse durable des prix, mais rétablira aussi la confiance des ultramarins dans les mécanismes de formation des prix et garantira la disparition des profits injustifiés.

Je salue donc cette initiative du Gouvernement, qui, peu de temps après son installation, donne une traduction concrète au cinquième des trente engagements de François Hollande pour les outre-mer. En s’attaquant à la vie chère, le Président de la République envoie un signe fort aux populations ultramarines, tant cette question, très sensible dans nos régions, tient une place essentielle dans nos politiques de développement économique.

Je salue enfin l’insertion opportune, à l’article 8, d’une disposition qui permettra de dispenser les collectivités territoriales d’outre-mer de la participation minimale au financement des projets dont elles assurent la maîtrise d’ouvrage. Là aussi, un des engagements de François Hollande pour les outre-mer commence à se réaliser, à savoir « l’émergence des collectivités outre-mer », notamment « en leur redonnant des marges de manœuvre fiscales » et en veillant à ce que « les dotations de l’État aux collectivités locales tiennent compte plus rapidement des évolutions démographiques ». Autant de mesures dont nous espérons la concrétisation dans la toute prochaine loi de finances !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Laufoaulu

Non que je le trouve sans défauts : j’ai des doutes sur l’efficacité dans la pratique, à Wallis-et-Futuna, du dispositif : comment, par exemple, pourra-t-on mettre en œuvre ce qui est prévu concernant les droits exclusifs d’importation avec des pays comme l’Australie ou la Nouvelle-Zélande ?

Par ailleurs, ce texte demeure essentiellement axé sur le commerce et la grande distribution, et se trouve donc assez lacunaire sur des points essentiels au regard de la vie chère, par exemple le coût des transports aériens et maritimes ou celui de l’électricité. Mais le Parlement est là pour améliorer le texte, avec l’appui du Gouvernement.

Néanmoins, ce projet de loi a le mérite de s’attaquer en urgence à l’un des problèmes majeurs auxquels nos compatriotes d’outre-mer sont confrontés, celui de la cherté de la vie, et je ne peux que soutenir cette démarche, d’autant que, chaque année, dans cette enceinte, j’insiste sur ce point.

À Wallis-et-Futuna, je crois pouvoir affirmer sans être contredit que, comme l’a souligné récemment le conseiller du Premier ministre pour l’outre-mer, nous sommes les plus touchés par le problème des monopoles, qui nous imposent des prix que l’on peut qualifier sans emphase de « délirants ».

Oui, hélas, Wallis-et-Futuna est le territoire « plus » : plus de chômage – 30 % de la population bénéficie de revenus financiers –, les prix les plus élevés, plus d’inflation, plus d’enclavement, nos petites îles étant perdues au milieu du Pacifique, à 2000 kilomètres de la Nouvelle-Calédonie et à 3000 kilomètres de Tahiti ! La carte postale des eaux turquoise du lagon masque une réalité sociale devenue insupportable à une population qui souffre et n’en peut plus. Les prix sont bien plus élevés que dans les DOM, en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française.

À la suite des mouvements sociaux de l’an dernier, un comité consultatif économique et social a été créé, venant compléter l’observatoire des prix mis en place il y a trois ans. Mais ce travers bien français de la « commissionnite » traduit une incapacité à agir concrètement.

Je vous le dis, monsieur le ministre, à Wallis-et-Futuna, seules des mesures autoritaires prises par l’État pourront faire baisser les prix et les marges, car notre problème, c’est non pas les oligopoles, mais les monopoles.

Les monopoles, lorsqu’ils correspondaient à une notion de service public à la française, ont permis pendant longtemps à la France d’avoir des prix bas pour le timbre et les communications, par exemple, jusqu’à ce que Bruxelles impose à notre pays d’y mettre fin.

Dans quelques rares cas, des monopoles privés peuvent tourner à l’avantage du consommateur, mais, presque toujours, ce dernier devient la victime des entreprises en situation de monopole. Ainsi, le coût de l’électricité est six fois plus élevé à Wallis-et-Futuna qu’en métropole et presque trois fois plus qu’en Polynésie française. Pourquoi ? Entre autres raisons, parce que Total Pacifique est la seule compagnie disposant d’un bateau pouvant entrer dans la passe de Wallis afin de livrer le fioul utilisé pour la production d’électricité. Elle en profite pour prendre une marge de 30 %. Monsieur le ministre, le Gouvernement ne pourrait-il faire pression sur Total pour que cette société fasse un geste ?

De même, nous sommes soumis aux décisions unilatérales de la seule compagnie aérienne desservant actuellement Wallis-et-Futuna, Aircalin, qui nous impose non seulement des horaires parfois pénibles, mais aussi et surtout des tarifs élevés.

Les dispositions du chapitre Ier du projet de loi nécessitent d’être transposées à Wallis-et-Futuna, du fait que les articles du code de commerce ne s’y appliquent pas actuellement. C’est pourquoi l’article 7 prévoit une habilitation du Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures d’adaptation nécessaires.

Monsieur le ministre, je salue l’insertion de cette disposition, mais un délai de dix-huit mois après la publication de la présente loi est prévu, auquel il faut ajouter le délai nécessaire à la ratification : cela risque de nous mener à fin 2014, début 2015. Les immenses difficultés auxquelles sont confrontées aujourd’hui nos populations excluent une telle attente, aussi le Gouvernement doit-il faire un effort pour la transposition des dispositions de ce projet de loi à Wallis-et-Futuna. J’ai d’ailleurs déposé un amendement en ce sens.

J’insiste aussi sur la spécificité de la situation de Wallis-et-Futuna, qui imposera la prise de mesures particulières et vigoureuses dans le cadre de l’ordonnance prévue à l’article 7, comme je le demande par voie d’amendement. De telles mesures seront, je l’espère, préparées en concertation avec les élus du territoire ; notre marge de manœuvre sera plus importante que pour les départements d’outre-mer, le droit européen de la concurrence ne s’appliquant pas à Wallis-et-Futuna.

Enfin, j’évoquerai brièvement les ordonnances qui sont soumises à ratification au travers de l’article 11 de ce projet de loi, certaines concernant Wallis-et-Futuna. Je me réjouis notamment que soient rendues applicables sur notre territoire des mesures relatives à des domaines aussi divers que la protection des consommateurs dans le secteur des services financiers à distance, le don du sang ou la stratégie nationale pour la mer et le littoral.

Voilà, monsieur le ministre, mes chers collègues, les quelques points que je voulais aborder au cours de cette discussion générale ; j’aurai l’occasion de les développer un peu plus au moment de l’examen des articles et des amendements. §

Debut de section - PermalienPhoto de Aline Archimbaud

Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, comme l’a indiqué Joël Labbé, les membres du groupe écologiste saluent et soutiennent le travail du Gouvernement sur le problème si urgent de la vie chère en outre-mer.

Monsieur le ministre, le texte que vous nous présentez aujourd’hui opère une salutaire révolution – c’est vous qui avez employé ce mot –, eu égard à l’approche retenue. Il n’est plus question de coller des rustines, de se contenter de traiter la partie visible du problème. Au contraire, vous avez fait le choix courageux de vous attaquer aux sources de la vie chère en outre-mer, c'est-à-dire à la manière dont se forment les monopoles et les oligopoles, ainsi que les prix.

Nous sommes bien conscients que ce texte n’est que la première partie du dispositif que vous souhaitez mettre en place pour garantir aux ultramarins des prix raisonnables. Nous imaginons que la créativité du Gouvernement l’amènera à compléter ce projet de loi, par la recherche de voies complémentaires pour maîtriser les prix en outre-mer.

Aussi les sénateurs écologistes souhaitent-ils profiter de l’occasion pour vous proposer deux autres pistes de réflexion, visant également à s’attaquer à la racine du problème.

C’est pourquoi nous serons amenés, au cours de l’examen de ce texte, à soumettre à votre vote, mes chers collègues, deux demandes de rapport, en partant du constat partagé que les économies des territoires ultramarins sont particulièrement dépendantes des importations et que ceux-ci présentent un important déficit structurel de leur balance commerciale, au profit de la France hexagonale. Les marchandises sont ainsi transportées sur de longues distances, ce qui pèse lourdement sur les prix et entraîne une dégradation de l’empreinte carbone des biens consommés outre-mer.

Le premier rapport d’information gouvernemental que nous demandons aurait pour objet de nourrir la réflexion sur les mesures à prendre pour encourager et dynamiser l’ouverture des marchés locaux aux produits locaux, afin d’offrir à ceux-ci davantage de débouchés de proximité et donc de promouvoir les filières courtes.

Le second rapport que nous demandons porterait sur les moyens de développer les échanges commerciaux régionaux entre les territoires ultramarins et leurs voisins au sein des quatre grandes régions concernées : la Caraïbe, l’océan Indien, le Pacifique et l’Océanie.

Par ailleurs, un troisième amendement tendra à proposer la création d’un comité de suivi chargé d’évaluer l’application de la présente loi. Les dispositions de ce projet de loi nous paraissent prometteuses, mais, comme souvent d’ailleurs, tout dépendra de la manière dont elles seront mises en œuvre. Quel usage le Gouvernement fera-t-il des nouveaux outils qui vont lui être conférés ? Suffisamment de moyens seront-ils donnés à l’autorité de la concurrence pour qu’elle puisse mener à bien les missions qui lui sont confiées ?

Surtout, il s’agit, en vertu du principe de subsidiarité, d’associer les acteurs locaux au suivi de l’application du présent texte. Ce comité de suivi serait ainsi composé, en plus de représentants du Gouvernement et de parlementaires, d’élus locaux, de représentants d’associations et de syndicats, qui enrichiraient la réflexion de leur connaissance particulièrement fine du terrain.

En ce qui concerne la seconde partie de ce projet de loi, beaucoup plus générale, les écologistes souhaitent tout d’abord apporter une précision à l’article 8.

Étant donné la difficulté des collectivités locales ultramarines à s’autofinancer, la suppression, les concernant, de l’obligation de participation minimale de 20 % au financement des projets dont elles assurent la maîtrise d’ouvrage est salutaire. Cela permettra de faciliter la structuration économique de ces territoires.

Cependant, pour que les sommes ainsi fléchées soient utilisées le plus efficacement possible, il nous paraît opportun de conditionner leur affectation au caractère social ou environnemental des opérations concernées. Par exemple, les collectivités d’outre-mer ont un besoin urgent de structures de transports collectifs, de moyens de production d’énergies renouvelables, de centres de stockage des déchets et de réseaux d’assainissement. Par cette proposition, nous souhaitons faire en sorte que les financements aillent en priorité à ce type de projets durables, économiquement structurants et pourvoyeurs d’emplois locaux.

Enfin, les sénateurs écologistes ont souhaité profiter du caractère délibérément très large du champ du second chapitre de ce projet de loi pour présenter deux amendements visant à améliorer considérablement la situation sanitaire en outre-mer, concernant l’un les épandages aériens, l’autre le taux de sucre dans les aliments.

Nous proposons tout d’abord d’interdire les épandages aériens, en supprimant toute possibilité de dérogation. C’est en effet en outre-mer qu’il y est le plus recouru, alors même qu’il est reconnu que ce mode d’épandage de pesticides est une menace pour la santé des habitants, ainsi que pour la faune et la flore. La catastrophe environnementale et sanitaire du chlordécone, dont la population n’a pas fini de payer les conséquences, ne doit pas se reproduire, et il convient donc de ne plus tolérer de dérogations à l’interdiction des épandages aériens.

Enfin, notre dernier amendement vise à interdire que les produits commercialisés dans les régions d’outre-mer contiennent un taux de sucre plus élevé que les mêmes produits de même marque vendus dans l’Hexagone, comme c’est souvent le cas actuellement. Cette situation, qu’aucun argument objectif ne justifie, a des effets directs sur la santé des ultramarins, 25 % des enfants et adolescents et plus d’un adulte sur deux présentant une surcharge pondérale.

Au travers de la défense des amendements que nous présenterons dans la suite de la discussion, il ne s’agira en aucun cas, pour nous, de manifester un désaccord avec le présent projet de loi, mais bien de montrer tout notre intérêt pour les réformes qu’il tend à introduire, en les appuyant et en proposant d’aller parfois encore un peu plus loin.

Nous espérons que nos propositions sauront retenir votre attention. §

Debut de section - PermalienPhoto de Karine Claireaux

Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le projet de loi relatif à la régulation économique outre-mer traduit l’engagement pris par le Président François Hollande et la détermination du Gouvernement à lutter résolument contre les causes de la vie chère en outre-mer. Nous ne pouvons que nous réjouir de voir enfin prise à bras-le-corps cette problématique récurrente dans nos collectivités ultramarines.

L’archipel de Saint-Pierre et Miquelon est, on le sait, pour le moins atypique dans l’ensemble de l’outre-mer, du fait de sa petitesse et de sa faible population.

Si ce projet de loi a avant tout été élaboré en réponse à la crise sociale survenue dans les DOM, il n’en demeure pas moins un texte visant à s’appliquer à tous les outre-mer. Dans mon archipel, plusieurs mesures trouveront à s’appliquer, à la plus grande satisfaction de la population. Il s’agit, par exemple, du financement à 100 % de certains projets structurants, ainsi que de diverses mesures à caractère social, qui, reprises à la demande des parlementaires par le Gouvernement – je l’en remercie au passage –, permettront enfin l’application de certaines aides au logement, ou encore le développement de l’action sociale et familiale dans l’archipel : une certaine équité entre ma collectivité et la métropole se trouvera ainsi rétablie.

En matière d’affichage, j’attire votre attention sur un point qui peut s’avérer particulièrement handicapant pour mon archipel : le calcul de son PIB.

Ce calcul est faussé, car certaines données habituellement prises en compte dans les autres départements manquent. En effet, nous n’entrons pas « dans les cases ». Par défaut, le principal facteur retenu est celui des transferts de l’État vers l’archipel, y compris au titre de la DSP « transport maritime ». Le PIB ne reflète absolument pas la richesse du territoire et n’a pas été calculé en raisonnant en termes de parité de pouvoir d’achat, alors même que le coût de la vie est particulièrement élevé sur l’archipel.

Il faut, a minima, présenter le PIB de Saint-Pierre-et-Miquelon avec un maximum de précautions. Une estimation, la plus fiable possible, du différentiel des prix entre la métropole et l’archipel doit être effectuée. En effet, l’indice des prix à la consommation était, en 2009, de 119 en métropole, de largement plus de 120 dans les DOM et de 142, 7 à Saint-Pierre-et-Miquelon.

Cette précision étant apportée, si nous sommes déterminés à nous attaquer durablement au problème de la vie chère à Saint-Pierre-et-Miquelon, il faudra aller au-delà des mesures proposées et réfléchir à des dispositions « pointues », notamment en matière d’effets de seuil.

Les principaux handicaps sont, pour les importateurs d’abord, le paiement immédiat des droits et taxes à l’importation – au lieu du système de la TVA –, qui induit des coûts supplémentaires en matière de gestion des stocks, d’invendus, etc. Il faudrait étudier avec les collectivités de l’archipel les conditions d’un accompagnement, y compris financier, afin de changer ce mode de fonctionnement particulièrement handicapant.

Certaines marges sont peut-être abusives et certains prix pratiqués excessifs, mais nous rencontrons aussi, et surtout, des problèmes structurels, qui font que, avant même leur commercialisation, certaines marchandises ou certaines prestations sont déjà beaucoup plus onéreuses qu’en métropole.

Plus généralement, les faibles volumes d’achats, le fait que l’archipel ne compte qu’une banque, qui ne joue pas toujours le jeu avec les entreprises, étant donné sa situation de monopole, le coût exorbitant du transport des marchandises, malgré une DSP très avantageuse, les stocks à constituer obligatoirement compte tenu des délais de livraison sont autant de handicaps évidents dans la formation des prix.

En outre, à cause d’une économie exsangue et de l’absence de mise en œuvre de projets structurants, le territoire n’offre pas aux entreprises les meilleures conditions pour réduire le coût de leurs prestations. Dans ce domaine aussi, plusieurs éléments sont en cause, et nous ne résoudrons pas la question de la vie chère à Saint-Pierre-et-Miquelon si nous ne prenons pas le temps de la réflexion ou si nous n’agissons que partiellement sur les principaux facteurs d’inflation. Il y en a un qui, s’il ne relève pas de la compétence de l’État, certes, devra être abordé de front : celui de la fiscalité locale, laquelle est aujourd’hui tout sauf incitative pour les investisseurs potentiels.

Monsieur le ministre, vous nous avez dit que ce texte était une « boîte à outils ». Il va maintenant nous falloir apprendre à nous en servir. Je pense qu’un vaste travail nous attend afin que, tous ensemble, nous puissions valablement et durablement réguler le coût de la vie à Saint-Pierre-et-Miquelon. §

Debut de section - PermalienPhoto de Abdourahamane Soilihi

Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, les mouvements de grève à répétition et les manifestations des mois d’octobre et de novembre derniers contre la cherté de la vie à Mayotte ont sévèrement menacé l’équilibre économique du territoire et affecté l’économie locale à bien des égards.

Une foule en colère a usé d’une liberté d’expression constitutionnellement garantie et la population de l’île attend impatiemment des solutions d’urgence qui la mettraient à l’abri des dysfonctionnements d’un marché trop étroit, où les prix pratiqués sont en total décalage avec le pouvoir d’achat des Mahorais.

Certes, monsieur le ministre, ce projet de loi de deux chapitres tant attendu ne répond pas à toutes les préoccupations des ultramarins, plus particulièrement à celles des Mahorais, qui vivent désormais dans un département où s’applique d’emblée le droit commun.

Dès après votre nomination en tant que ministre des outre-mer, j’ai eu l’occasion de vous accueillir à Mayotte pour évoquer avec vous les difficultés auxquelles ce jeune département est confronté et rechercher des solutions pérennes. Ensuite est venu le temps de présenter à l’ensemble de nos compatriotes ultramarins un projet de loi visant à régler la question de la vie chère dans les outre-mer.

Avant sa présentation en conseil des ministres, ce projet de loi était considéré par la population de Mayotte comme un outil porteur d’espoir. Or, malgré les constats et les propositions faits par les membres de la commission des lois du Sénat qui se sont rendus à Mayotte au mois de mars dernier, sous l’égide de nos collègues Jean-Pierre Sueur, Christian Cointat et Félix Desplan, dont le rapport d’information sur Mayotte a été publié le 18 juillet dernier, les Mahorais ne s’y retrouvent pas. Ils attendent pourtant avec impatience des solutions pour dynamiser leur pouvoir d’achat.

Les auteurs de ce rapport, monsieur le ministre, insistent sur les défis que le jeune département doit relever. Surtout, ils formulent cinq propositions. Leurs éloquentes conclusions sont plus que jamais d’actualité, mais force est de constater qu’aucune de ces propositions n’a été prise en compte ni dans ce texte ni par le Gouvernement, qui s’est pourtant déclaré prêt à mettre en œuvre le changement.

La première de ces propositions est d’ouvrir le marché mahorais aux pays voisins pour une liste de produits de première nécessité.

La deuxième est de diminuer les taxes d’importation sur les produits de première nécessité, tout en augmentant celles sur les produits dits « de luxe ».

La troisième est d’assurer pour les consommateurs la transparence dans la formation des prix, de faire connaître les prix des mêmes produits en métropole et de sanctionner, le cas échéant, les entreprises qui pratiquent des marges trop élevées.

La quatrième est d’engager rapidement une réflexion sur les solutions qui permettraient de limiter le poids des monopoles à Mayotte et, plus généralement, dans les outre-mer.

Enfin, la cinquième est de favoriser la consommation des produits locaux.

Dans ces conditions, comment déposer des amendements sur un texte qui méconnaît de façon générale les problématiques réelles auxquelles est confronté l’ensemble du tissu économique mahorais et qui ne comporte aucun dispositif ou article sur la régulation du coût de la vie à Mayotte ?

C’est une déception, monsieur le ministre, pour la population de l’île, qui attend toujours avec ferveur le début de la mise en œuvre des promesses faites par le candidat François Hollande lors de sa visite à Mayotte, le 31 mars dernier.

En effet, ce texte constitue à mes yeux un projet inadapté à mon territoire. Sachez, monsieur le ministre, que les Mahorais comptent beaucoup sur la nouvelle majorité pour continuer le chantier ouvert par le précédent gouvernement.

À l’instar des mesures d’urgence présentées dans le rapport d’information sénatorial, les vraies solutions résident dans la mise en œuvre d’une action politique, d’une forte interconnexion entre le secteur public et le secteur privé, qui doivent conjointement garantir l’essor du développement économique et social de ce territoire, ce qui permettra, à terme, d’endiguer les effets dévastateurs de la cherté de la vie à Mayotte.

Pour appuyer les précédentes observations, je vous ferai remarquer au passage, monsieur le ministre, que le problème de la vie chère à Mayotte résulte simplement d’une absence d’interaction entre le secteur public, qui, à ce jour, demeure le seul support de l’économie locale, et le secteur privé, qui dépend entièrement des marchés publics à l’échelon local.

La vie est trop chère pour les Mahorais parce qu’elle est d’abord chère pour toutes nos collectivités locales, qui souffrent d’un manque criant de moyens pour garantir au mieux la conduite d’une politique de proximité à destination des usagers.

Le caractère d’urgence, souligné par la commission des lois, du traitement de la problématique de la vie chère à Mayotte ne doit nullement être occulté. Il existe malheureusement une forte inadéquation entre le niveau du pouvoir d’achat des Mahorais et les prix pratiqués dans la grande distribution. L’écart est considérable !

Plutôt que d’octroyer aux collectivités ultramarines la faculté inédite de saisir l’Autorité de la concurrence, comme le prévoit le projet de loi, il aurait été plus judicieux de résoudre le problème du marché monopolistique avec les acteurs en présence, qui pratiquent des marges tarifaires abusives.

À cet égard, je préconise, à l’instar de nos collègues de la commission d’information sénatoriale, la mise en place immédiate d’un fonds spécifique de rattrapage afin d’établir un équilibre entre le département de Mayotte et les autres DOM en matière de niveau de vie. Cela permettra, d’une part, de relever les défis de la départementalisation, et, d’autre part, de relancer les négociations avec l’ensemble des acteurs locaux pour aboutir à des compromis face à ce fléau, qui ne doit pas être une fatalité pour nos territoires ultramarins.

Qu’il me soit permis de dire que vie chère et départementalisation s’effacent devant une exigence singulière, celle de la réussite de la décentralisation dans le département de Mayotte.

Pour conclure, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais préciser que, d’une façon générale, pour l’opinion la vie chère s’explique uniquement par les relations commerciales existant entre les sources de distribution et les consommateurs, alors que cette question est beaucoup plus complexe et transcende largement cette frontière.

La vie chère, c’est aussi le coût excessif des transports maritime et aérien, les frais trop élevés de téléphonie en outre-mer, les différentes taxes douanières appliquées, une politique d’éducation très insuffisante et une jeunesse livrée à elle-même, un réseau associatif, acteur incontournable de la vie locale, confronté à des difficultés grandissantes, le manque de structures d’encadrement socioéducatif, une politique de logement presque inexistante, l’absence d’une véritable politique de coopération régionale, et j’en passe.

Debut de section - PermalienPhoto de Abdourahamane Soilihi

Je souhaite vivement, monsieur le ministre, que les prochaines ordonnances traitent de façon concrète les problématiques de la vie chère dans ce département, confronté à de lourds défis.

Après vous avoir entendu, j’indique que je soutiendrai ce projet de loi parce que c’est un début, mais beaucoup reste à faire pour Mayotte. §

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Antiste

Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est soumis a pour objet de rendre effective la libre concurrence dans une économie insulaire qui souffre de la petite taille de ses marchés et de leur éloignement des principales sources d’approvisionnement.

Ce texte est l’occasion pour nous, représentants de nos populations, de prendre nos responsabilités en mettant fin à la situation actuelle d’inégalité économique entre les territoires d’outre-mer et l’Hexagone.

Il n’est plus possible de laisser des facteurs structurels et géographiques favoriser indirectement la constitution de monopoles ou d’oligopoles et de rester sourds au désarroi grandissant d’une population ultramarine au bord de l’explosion sociale.

En effet, la cherté de la vie, accentuée ces dernières années par la crise économique mondiale, a déclenché depuis 2008-2009 des crises sociales récurrentes.

Les consommateurs domiens ont protesté contre les écarts de prix entre l’outre-mer et la métropole pour les produits alimentaires de première nécessité, qui atteignent souvent de 30 % à 50 %.

Cependant, l’exiguïté des marchés en question et leur éloignement ne suffisent pas à expliquer le niveau élevé des prix.

En effet, l’organisation des marchés de gros et de détail a aussi sa part de responsabilité dans le manque de concurrence sur les marchés domiens.

Selon l’Autorité de la concurrence, le secteur de la grande distribution à dominante alimentaire est trop peu concurrentiel dans les DOM en raison de la longueur des circuits logistiques vers les territoires ultramarins et de la rareté du foncier commercial, qui favorise un niveau de concentration élevé. Par exemple, certains groupes détiennent des parts de marché supérieures à 40 % en termes de surfaces commerciales, soit sur la totalité du département concerné, soit sur une ou plusieurs zones de chalandise.

S’agissant du marché de détail, la faible concurrence est d’autant plus préjudiciable au consommateur domien que, en amont, les importateurs grossistes sont relativement préservés des pressions concurrentielles et que, dans le même temps, les pratiques d’exclusivité territoriale atténuent la capacité des distributeurs à arbitrer entre différents importateurs-grossistes.

Ainsi, ces diverses entorses à la liberté de la concurrence sont les causes profondes de la vie chère dans les territoires ultramarins, sachant que les tarifs maritimes, entre autres taxes, accentuent encore l’envolée des prix.

Pour conclure, je souhaite préciser que le présent projet de loi a pour mérite de comporter des mesures immédiates. Cependant, il ne faut pas perdre de vue que le meilleur remède contre la vie chère consiste à jouer sur les mécanismes de composition des prix. On sait que plus il y a d’intermédiaires, plus le prix final est élevé. Il s’agira donc, monsieur le ministre, de réduire au maximum leur nombre et de tenter de produire, idéalement, sur place.

Ainsi s’ouvre devant nous une nouvelle voie d’exploration : comment produire au maximum localement, malgré les contraintes et les dimensions du territoire, tout en privilégiant l’éclosion d’initiatives nouvelles, la condition étant bien sûr de mettre à la disposition des volontaires des lieux de production, tant pour l’agriculture et l’artisanat que pour l’industrie ?

Mener cette réflexion n’est possible que si l’État et les décideurs locaux apportent un soutien à travers – pourquoi pas ? – la mise à disposition d’espaces de production ou de transformation, voire de zones franches, comme je l’avais déjà préconisé lors de la discussion sur la réforme portuaire.

Un texte nécessaire, donc, et audacieux nous est soumis aujourd’hui, qui recueille tout notre soutien, d’autant que vous l’annoncez, monsieur le ministre, comme étant le premier d’une heureuse série à venir. §

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cointat

Vous voulez lutter, monsieur le ministre, contre la vie chère outre-mer : bravo ! La situation actuelle est inacceptable, en effet. Les prix sont beaucoup trop élevés et gangrènent les économies ultramarines.

Certes, l’éloignement, l’insularité, l’étroitesse, voire l’exiguïté, des marchés ne peuvent être effacés. Toutefois, ces handicaps structurels n’expliquent pas à eux seuls les différences de prix constatées. On est confronté à des abus de position dominante manifestes, autrement dit à des monopoles échappant absolument à toute concurrence.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cointat

Vous voulez notamment prendre par décrets des mesures pour remédier à ces dérives : c’est parfait ! Mais ce que vous envisagez sera-t-il suffisant ? J’en doute, même beaucoup, tellement les circuits sont verrouillés et les habitudes ancrées. Les flux financiers qu’engendre cette situation anormale depuis des décennies, malgré de nombreux efforts pour y remédier, sont loin d’être négligeables, et les gains qui en résultent, vous le savez, monsieur le ministre, ne sont pas perdus pour tout le monde !

Vous allez vous heurter à des structures bétonnées, bien organisées, qu’il sera très difficile d’ébranler, voire de contourner, et qui, tels les tentacules d’une pieuvre, s’efforceront insidieusement d’étouffer la moindre velléité de concurrence. Quelques compagnies aériennes s’en souviennent amèrement. Je pense que vous vous en souvenez également, monsieur le ministre. §

Il vous faudra donc, si vous voulez réussir, mettre en œuvre des moyens puissants, résolument et sans concessions. Or, malheureusement, je ne les vois pas dans le projet de loi que vous nous soumettez. Toutes les excuses, même celles à la sonorité de bon aloi, comme par exemple la protection de l’emploi local, qui est pourtant loin du compte, vous seront habilement opposées : saurez-vous y résister et ne pas vous laisser prendre au piège ? Même l’administration tombe parfois dans la trappe du monopole !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cointat

Édifiant, n’est-ce pas ?

Je vous souhaite donc beaucoup de courage et de détermination, monsieur le ministre, car il est vital pour les économies d’outre-mer de faire sauter le terrible verrou que représentent les économies de comptoir, encore florissantes, hélas !

Seules la concurrence et la transparence, notamment dans la composition des prix, seront à même de modifier en profondeur le paysage du coût de la vie. Il convient d’encourager et de promouvoir les mécanismes naturels de régulation et d’équilibre. Par exemple, l’obligation de publier les différentes étapes de formation du prix des produits est certainement un moyen de contourner les résistances. L’ouverture des marchés à la concurrence par le biais d’incitations, y compris fiscales, pourra jouer un rôle positif, notamment en matière de transport aérien, mais à la condition d’assurer un suivi et une protection du marché contre toute entente.

Pour des raisons institutionnelles et de compétences, le présent projet de loi visant à la lutte contre la vie chère ne concerne ni la Nouvelle-Calédonie ni la Polynésie française. Pourtant, l’expérience démontre que c’est dans ces territoires que le coût de la vie est le plus élevé. Que l’on ne nous oppose pas l’argument de l’éloignement, car j’ai pu voir un produit métropolitain de consommation courante vendu presque deux fois moins cher dans un magasin de Port Vila, au Vanuatu –archipel encore plus lointain –, que dans les grandes surfaces de Nouméa, en Nouvelle-Calédonie.

Aussi, dans l’intérêt tant des consommateurs que des économies locales, il serait utile de conduire une action de conseil et d’accompagnement auprès des gouvernements de ces territoires afin qu’ils entreprennent, eux aussi, les efforts nécessaires pour lutter avec efficacité contre les monopoles, les positions dominantes, les abus de marges commerciales et qu’ils ramènent les prix à un niveau raisonnable.

Je terminerai mon intervention en évoquant brièvement les mesures que vous souhaitez prendre par ordonnance, monsieur le ministre, pour lutter contre l’immigration clandestine à Mayotte.

J’ai participé, sous la conduite du président Jean-Pierre Sueur et en compagnie de mon collègue Félix Desplan, à une mission d’information de la commission des lois du Sénat à Mayotte, dont le rapport propose beaucoup de pistes de réflexion et de solutions. M. le rapporteur pour avis de la commission des lois en sait quelque chose. Nous avons pu constater que, malheureusement, les efforts remarquables effectués ces dernières années pour lutter contre l’immigration clandestine, assortis de sévères conditions d’accès au territoire du fait de la délivrance au compte-gouttes des visas, étaient désormais devenus vains. Ça a marché, mais ça ne marche plus ! Il ne faut pas se voiler la face, notre dispositif de sécurité aux frontières de Mayotte, bien que très coercitif, est devenu une passoire. Il faut donc en changer.

La départementalisation de Mayotte représente une chance considérable pour son développement économique et social, mais celui-ci tient à une condition incontournable : le développement économique des Comores, grâce à une coopération régionale bien comprise et bien maîtrisée avec Mayotte. La France en détient les clés. Elle peut faire un geste fort en relançant le principe de libre circulation dans l’archipel. Il lui suffit de remplacer le « visa Balladur » par un visa délivré à l’arrivée sur le territoire à tout détenteur d’un passeport comorien en règle, avec prise d’empreintes et de photographie, de manière à connaître exactement les entrées et les sorties et à pouvoir, le cas échéant, reconduire à la frontière ceux qui ne respecteraient pas la durée autorisée de séjour. Tout Comorien en situation irrégulière serait donc toujours obligé, avec ce nouveau dispositif, de quitter le département. Cette main tendue n’aurait pas seulement une haute valeur symbolique ; elle créerait également les conditions d’un essor économique partagé, indispensable au développement de Mayotte, cent-unième département français.

Il y a encore, bien entendu, beaucoup de choses à dire sur le présent projet de loi, monsieur le ministre, mais j’en resterai là, car je dépasse le temps de parole qui m’est imparti.

Ce texte a au moins un mérite : celui d’exister. Pour moi, il ne va pas assez loin, et surtout il n’est pas assez fort, mais comme je préfère un bon « tiens » à rien du tout, monsieur le ministre, à titre personnel, je le voterai. §

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vergoz

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, une page se tourne, un dernier chapitre se termine, un livre se referme aujourd’hui, celui de l’histoire économique de l’outre-mer durant ces dernières décennies, une histoire faite d’abus de toutes sortes et construite à partir de monopoles, d’oligopoles et autres positions dominantes, tous insolents, voire provocateurs.

Et si la colonie ne s’éteignait que ce soir seulement ? Vous l’aurez compris, mes chers collègues, ce jour est un grand jour. Ce n’est pas l’aboutissement d’un combat, car le combat pour la justice ne s’arrête jamais, mais c’est le début d’une nouvelle ère pour les outre-mer.

Ce texte sur la régulation économique outre-mer, sur la lutte contre la vie chère et une partie de ses racines profondes, représente une véritable rupture avec un système jusqu’ici verrouillé. Tous les mots sont pesés.

Monsieur le ministre, vous avez porté ce texte novateur jusqu’à cet hémicycle. Au mois de juillet dernier, lors de votre premier déplacement officiel à la Réunion, je ne pensais pas que vous parviendriez à le conserver intact.

Vous avez fait mieux : vous l’avez positivement enrichi. L’article additionnel sur le « bouclier qualité prix » l’atteste, ainsi que l’adoption de l’amendement que j’ai présenté en commission, portant sur l’ouverture de la « gestion des facilités essentielles » à la concurrence.

Monsieur le ministre, je salue les convictions chevillées au corps que vous avez manifestées avec ardeur et un courage certain lors de la défense de ce texte.

Vous vous êtes sûrement heurté à tous les archaïsmes, aux conservatismes, à toutes ces puissances qui ont fait plier tant de bonnes volontés dans le passé. Vous n’avez pas cédé, car vous savez que la population ultramarine, dans sa grande majorité, vit une véritable désespérance sociale. Nous avons tous en mémoire les colères contre la vie chère qui se sont exprimées, ces dernières années, dans tous nos territoires.

Le texte qui nous est soumis est certes très technique, mais il s’attaque de front, et au fond, à tous les mécanismes qui verrouillent notre économie, paralysent son développement et sont à l’origine, pour une bonne part, de la vie chère.

C’est une belle « boîte à outils » que vous nous livrez au travers du présent texte, monsieur le ministre.

L’injonction structurelle ou l’interdiction des clauses d’exclusivité, le renforcement du contrôle des concentrations sont des armes dissuasives pour rendre enfin normal le fonctionnement de nos économies, pour donner enfin de la respiration à nos sociétés.

La vie chère est un problème majeur dans nos territoires, mais les mesures structurelles proposées dans cette loi vont encore plus loin car, en favorisant la concurrence, en la rendant sincère, libre et loyale, elles favoriseront l’émergence d’activités, le développement tout court : la création d’entreprises, la création d’emplois, le développement social.

Cette promesse d’un développement solidaire, cette promesse d’un véritable changement, les ultramarins l’ont plébiscitée lors des dernières élections présidentielle et législatives. Cette loi, mes chers collègues, restera, quoi qu’on en dise, un marqueur du changement.

Dans les combats que vous engagez au travers de ce texte, vous me trouverez à vos côtés, monsieur le ministre, pour les faire vivre de manière responsable, car ces combats seront rudes et la pédagogie permanente devra être la démarche maîtresse.

Pour conclure, je reprendrai les mots d’Hannibal s’engageant dans la traversée des Alpes avec des éléphants, au iiie siècle avant Jésus-Christ : « Nous trouverons un chemin, ou nous en tracerons un. » Quel beau et grand chantier vous nous ouvrez ici : merci, monsieur le ministre ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Cornano

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au regard des espoirs déçus nés de la réforme engagée en 2009, après les événements socioéconomiques qui ont secoué l’outre-mer et l’engagement pris par François Hollande de lutter sans concessions contre les monopoles et les marges abusives, le combat mené par les pouvoirs publics contre la vie chère suscite parmi nos concitoyens des attentes légitimes, qu’il ne faut pas décevoir.

Nous ne pouvons donc que saluer l’initiative du Gouvernement, qui s’est saisi de la question dès son entrée en fonctions, en adoptant de surcroît une approche différente, fondée sur des mesures de régulation ex ante de la concurrence outre-mer.

La mise en œuvre d’une réglementation nouvelle des structures concurrentielles se devait de reposer sur une approche spécifique aux enjeux des marchés économiques dans nos territoires ultramarins, et le texte qui nous est aujourd’hui soumis marque une étape fondamentale en ce sens. Le présent projet de loi offre ainsi un nouvel outil permettant d’espérer un développement de la concurrence par les prix.

Ce texte appelle néanmoins plusieurs remarques de ma part.

En premier lieu, la création d’une nouvelle infraction économique réprimant les accords exclusifs d’importation devrait permettre aux marchés de retrouver les conditions de la pleine concurrence, nécessaire à une baisse des prix. Toutefois, nous pouvons nous interroger sur les effets indirects que peut induire la mise en place d’une telle infraction, notamment sur les collectivités qui sont également soumises au droit de la concurrence lorsqu’elles exercent une activité économique, l’étude d’impact étant restée silencieuse sur ce point.

En deuxième lieu, les collectivités territoriales se voient offrir le droit de saisir librement l’Autorité de la concurrence de tous les actes ou comportements contraires au droit de la concurrence. J’espère que cette disposition les incitera à jouer pleinement, voire effectivement, leur rôle de surveillance du marché.

En troisième lieu, possibilité est donnée à l’Autorité de la concurrence d’adresser des « injonctions structurelles » au secteur de la grande distribution, par exemple en modifiant, en complétant ou en résiliant des accords ou des actes qui conduisent à limiter le jeu de la concurrence, pouvant aller jusqu’à des cessions de surfaces. Je reste dubitatif quant aux perspectives que semble offrir cette disposition : comment sera utilisé ce nouveau pouvoir par l’Autorité de la concurrence ?

Enfin, on peut estimer qu’il aurait été utile d’approfondir et de clarifier la politique de surveillance – et non de contrôle – des prix, en accordant des moyens juridiques, matériels et surtout humains supplémentaires aux différents organismes chargés de cette politique. Je songe à l’Observatoire des prix et à la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, dont les effectifs sont en constante baisse en raison du non-remplacement des agents partant à la retraite ou du non-renouvellement des postes.

Pour conclure, si le présent projet de loi n’est pas tout à fait exhaustif – mais quel texte législatif l’est ? –, nous pouvons nous accorder pour dire qu’il constitue une bonne avancée dans le cadre de la lutte contre la vie chère outre-mer. C’est pourquoi je voterai pour son adoption. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Étienne Antoinette

Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, 49 %, c’est le différentiel de prix pour un panier de produits alimentaires de base entre la métropole et la Guyane. Un Guyanais réaliserait une économie de 23 % s’il s’installait en métropole.

Faut-il le rappeler, ces chiffres s’inscrivent dans des territoires qui subissent de lourds retards infrastructurels, dans des collectivités locales confrontées aux défis du rattrapage et aux contraintes de la mise aux normes européennes, et dont la population gagne beaucoup moins qu’en métropole tout en payant beaucoup plus cher pour tout, même pour les produits cultivés ou fabriqués sur place. §

Si certains s’en sortent mieux, le reste de la population souffre véritablement dans sa chair, à tel point que la question du pouvoir d’achat suscite outre-mer, fait rarissime, des mouvements sociaux intercatégoriels. De surcroît, ces conflits sont bien plus longs, plus graves et plus profonds que les autres.

Pour combattre la vie chère, le Gouvernement veut agir sur la formation des prix : il a raison ; il faut intervenir pour remédier aux caractéristiques des marchés ultramarins qui freinent le jeu de la concurrence.

Pour que la vie chère ne soit plus une fatalité, il est nécessaire que les progrès de la productivité ne soient pas captés par les intermédiaires commerciaux via leurs rentes de situation monopolistique ou oligopolistique.

L’affirmation de la compétence de l’Autorité de la concurrence, la condamnation des droits exclusifs d’importation, la lutte contre les concentrations sont ainsi des mesures salutaires que le Gouvernement a la responsabilité de porter au plus haut niveau d’exigence au travers de l’habilitation qu’il reçoit pour remédier aux dysfonctionnements des marchés de gros.

Mais prenons garde que le renforcement global de la concurrence pour les échanges entre la métropole et les outre-mer ne masque l’hétérogénéité des prix pratiqués sur un même territoire. En effet, le rapport entre les prix sur le littoral et les prix à l’intérieur des terres peut parfois être de un à dix. Le prix du sac de ciment est ainsi multiplié par cinq entre Cayenne et Maripasoula. Pis encore, quand le prix de la bouteille de gaz est, par arrêté, fixé par péréquation, il reste, en Guyane, plus élevé d’une commune à l’autre. En outre, alors que certaines filières sont subventionnées, défiscalisées et exonérées, il est très fréquent que le prix proposé au consommateur demeure élevé. De même, le coût d’une production locale peut être exorbitant par rapport à ce qu’il est en métropole. Ainsi, le prix du mètre cube d’oxygène produit à Kourou pour l’hôpital de Cayenne s’élève à 9 800 euros, lorsque la même quantité d’oxygène coûte 300 euros en métropole. Ce rapport de un à trente est choquant, et ne s’explique pas exclusivement par l’étroitesse du marché, la fiscalité, le coût de la main-d’œuvre ou je ne sais quel autre alibi. Il convient de se pencher sérieusement sur les marges pratiquées outre-mer.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Étienne Antoinette

Nous sommes passés d’une économie de comptoir à une économie de marges, à laquelle il faut s’attaquer. Je présenterai un amendement ayant cet objet.

J’invite le Gouvernement à ouvrir une perspective d’intégration des territoires d’outre-mer dans leur environnement régional, tout en veillant, bien sûr, à la production locale.

La structure des prix met trop souvent en relief cette aberration absolue consistant, par exemple, à importer de la métropole vers la Guyane des produits brésiliens. Il faut, et c’est le jeu de la concurrence, faciliter l’accès du consommateur ultramarin à ces produits presque locaux. Cela consistera, hélas, à encadrer, au bénéfice de la sécurité du consommateur, une pratique déjà existante, tant la débrouillardise, sinon la contrebande, est la réponse la plus courante à la vie chère.

Cela étant, si le jeu de la concurrence est un élément important dans la fixation des prix, il n’est pas le seul.

Tout d’abord, le seul renforcement de la concurrence ne peut suffire à remédier aux contraintes en matière d’accès aux marchés : les difficultés logistiques, le déséquilibre des flux sont autant de facteurs qui conduisent les opérateurs de fret à ne pas pratiquer des tarifs avantageux.

Ensuite, les effets de la concurrence sont peu perceptibles par le consommateur. Celui-ci a un point de repère, son pouvoir d’achat. Or ce dernier est également lié au revenu. La lutte contre la vie chère par le biais d’une concurrence effective ne doit en aucun cas conduire à négliger le soutien au développement économique que la situation des territoires d’outre-mer exige.

Monsieur le ministre, l’État doit donc jouer un rôle de stratège, consistant à renforcer les règles du marché au bénéfice des consommateurs, à inciter les opérateurs privés à contrôler leurs marges. Mais il est également de sa responsabilité d’être l’un des acteurs du développement économique des territoires d’outre-mer, condition même d’une vie moins chère.

Monsieur le ministre, chers collègues, les territoires ultramarins sont pris dans la nasse constituée de toutes les contraintes qui pèsent sur leur économie et n’ont pas de marge de manœuvre pour en sortir. Or on leur enjoint de surcroît de faire aussi bien qu’ailleurs, d’appliquer les normes européennes, de participer à l’effort national en temps de crise… On risque l’asphyxie ! Parallèlement, une image d’assistés, de « danseuses » ou de bénéficiaires de niches fiscales nous colle toujours à la peau. Il est temps que les vérités soient dites et comprises. §

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Tuheiava

Mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de saluer ce projet de loi relatif à la régulation économique outre-mer, que porte hardiment le ministre Victorin Lurel et qui met en musique, sans plus attendre, un nouvel engagement du Président de la République française en faveur des outre-mer.

Y aurait-il une fatalité à ce que les outre-mer subissent des prix élevés, que l’éloignement de l’Hexagone ne suffit pas à expliquer ? Y aurait-il également une fatalité à ce que les mêmes causes structurelles se retrouvent sur trois océans ?

Nous, parlementaires ultramarins et hexagonaux qui nous reconnaissons dans le socialisme, nous ne pouvons pas nous plier à quelque fatalité que ce soit.

En réalité, la Polynésie française ne se distingue des autres outre-mer français que par des spécificités liées à l’histoire du Centre d’expérimentation du Pacifique, le CEP, actif entre 1963 et 1996. C’est mon tout premier message.

Cette implantation a conduit à une inexorable flambée des prix et à la mise en œuvre d’un système dans lequel l’État et les autorités locales de l’époque ont rivalisé d’inconscience.

« Il a fallu acheter la paix sociale », reconnut l’amiral Vichot en 2009, faisant écho aux propos du général de Gaulle, qui, en 1962, avait déclaré, à propos de la Polynésie française : « Il ne faudra pas regarder à l’argent. »

Alors que toutes les voix sensées – celles de René Dumont, de Simon Nora et de beaucoup d’autres – lançaient, dès les années soixante-dix, des avertissements solennels, l’État ferma les yeux sur un système fiscal reposant presque exclusivement sur la consommation et laissa une aristocratie « néocoloniale » locale bâtir des fortunes considérables, à l’abri d’une fiscalité qui lui était indolore, et mettre en place des monopoles.

La période coloniale, qui ne s’arrêta pas avec la Constitution de 1946, nous avait légué une « économie de comptoir ». Le CEP, sans la supprimer, y juxtaposa une véritable « économie de garnison », trente années durant.

Je l’affirme à cette tribune nationale, parce que j’en ressens le devoir : la Polynésie française n’avait alors et n’a encore qu’un système économique artificiel, déviant et budgétivore, dont certains, localement, espéraient qu’il serait éternel, puisqu’il les mettait, grâce à la fiscalité, à l’abri des crises et des soubresauts sociaux suscités par un peuple traditionnellement peu enclin à se plaindre.

Pourtant, cette histoire qui fut la nôtre engendra des poisons : le clientélisme et la corruption, une gabegie organisée sur fonds publics, le creusement d’un fossé de plus en plus large entre les riches et les exclus de cette économie artificielle.

Lutter contre la cherté de la vie en Polynésie, c’est donc aussi et d’abord ne plus reproduire et réalimenter ce modèle économique périmé et politiquement déviant, car ce serait là une bien grave erreur. C’est mon second message.

Les prix élevés locaux ne sont que le reflet de ce modèle sociétal devenu injuste et plus « cruel » que ne le laissent penser les images idylliques de nos côtes.

On met souvent en avant le statut d’autonomie et les compétences respectives de l’État et de la collectivité polynésienne. Mais quand l’État a eu besoin de la Polynésie, il a su contourner par la force, la ruse et l’achat certaines compétences statutaires locales. Avec ce texte, tournons ensemble, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette première page difficile de l’histoire commune entre l’État et la Polynésie.

Aujourd’hui, il est temps de remettre les pendules à l’heure, dans un esprit apaisé et d’apaisement, mais seulement au terme d’un examen de conscience politique bilatéral.

Malgré les tentatives de réformes voulues par le gouvernement polynésien en place depuis avril 2011, une partie importante de la classe politique et de la classe possédante dispose encore des moyens d’empêcher que, dans une collectivité de la République, soient appliqués les grands principes d’égalité devant l’impôt et devant les charges publiques qui font la fierté de la nation française.

Au travers de l’examen de ce projet de loi, que je voterai avec conviction, je vous demanderai, monsieur le ministre et, surtout, mes chers collègues, de ne plus voir la problématique de la vie chère en Polynésie française sous le seul prisme d’une lecture froide et brutale de la répartition des compétences entre le pays et l’État, mais sous l’angle de mesures ciblées, audacieuses, telles que celles que présenteront modestement mes amendements, pour aider le Gouvernement polynésien à vaincre les obstacles que l’histoire a placés devant lui.

Monsieur le ministre, je sais – vous m’avez déjà rassuré sur ce point – que vous ne serez pas celui qui, sous prétexte de respecter les compétences statutaires, aura laissé la misère et l’ignominie continuer à exercer, en Polynésie française, leur pouvoir destructeur. Vos – nos – concitoyens des antipodes savent pouvoir compter sur votre aide.

Pour ces raisons, je voterai résolument ce projet de loi, qui est devenu un peu le nôtre.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Félix Desplan

Je ne reviendrai pas sur le dispositif du projet de loi, que M. le ministre, MM. les rapporteurs et certains de nos collègues ont déjà explicité. Je voudrais simplement redire, dans le court temps qui nous est imparti, qu’il y a effectivement urgence.

La situation économique et sociale outre-mer est particulièrement préoccupante. En Guadeloupe, le taux de chômage a augmenté de près de 5 % en un an. À Pointe-Noire, ville dont je suis le maire, la ligne budgétaire du centre communal d’action sociale pour 2012 a été épuisée en à peine huit mois : c’est une première.

Alors que la précarité ne cesse de s’accroître, que les revenus de la grande majorité des ultramarins diminuent – je rappelle que les revenus des ménages ultramarins sont, en moyenne, inférieurs de 35 % à ceux des ménages hexagonaux –, les prix non seulement de l’alimentation et de l’essence, mais aussi de produits devenus indispensables aujourd’hui, comme l’accès à internet ou la téléphonie, restent exorbitants. Dans le secteur de la grande distribution, selon l’Autorité de la concurrence, pour un échantillon de soixante-quinze produits importés de métropole, les prix relevés en magasin dans les DOM sont supérieurs d’au moins 55 % à ce qu’ils sont dans l’Hexagone, dans la moitié des cas !

L’encadrement de certains prix, et tout particulièrement ceux des produits de première nécessité, apporte, certes, un apaisement dans l’immédiat. C’est pourquoi le Gouvernement, tout en privilégiant la négociation avec les organisations professionnelles, a décidé de se donner les moyens de le mettre en œuvre.

Cependant, le seul encadrement des prix n’apporte pas toujours de solution pour le long terme, et n’oublions pas qu’il peut être générateur d’effets pervers : alignement des prix sur le maximum autorisé, ruptures de stock ou risque d’augmentation exponentielle par la suite.

Aussi faut-il procéder à un changement structurel, aller de façon durable et pérenne vers plus de transparence et de concurrence, l’absence de celles-ci se faisant cruellement sentir sur nos territoires, encore trop marqués par une économie de comptoir. C’est le choix du Gouvernement, et je m’en félicite.

Il est vrai qu’opter pour une telle politique ne relève pas de la facilité : changer les comportements et les pratiques des importateurs, des distributeurs et des divers intermédiaires demandera du temps, et les effets de cette démarche ne seront pas immédiatement perceptibles par une population impatiente parce que confrontée, dans son quotidien, à la cherté de la vie, et d’autant plus exaspérée qu’elle a aujourd’hui les moyens de connaître les prix pratiqués dans l’Hexagone.

Il est vrai aussi que ce projet de loi n’est qu’une étape dans un processus d’assainissement des pratiques du commerce dans nos territoires et vers la modernisation de notre économie.

L’important, c’est que nous disposons là des premiers outils, et que ces outils sont efficaces. D’autres devront encore être étudiés et mis en place, notamment pour améliorer la chaîne logistique, favoriser le développement des coopératives et des interprofessions ou permettre une véritable coopération caribéenne favorisant la consommation et l’échange de produits locaux.

Mais ce texte représente d’ores et déjà un grand pas dans la bonne direction, une avancée courageuse. Traduisant le respect de l’engagement politique pris par le président François Hollande, il constitue un signe fort à l’adresse de nos populations, la marque d’une vraie volonté de changer le cours des choses. Pour ces raisons, je vous invite, mes chers collègues, à soutenir ce projet de loi.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Gillot

Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, les mesures proposées dans ce projet de loi visent à lutter contre la vie chère en facilitant le jeu de la concurrence, afin d’améliorer la chaîne de formation des prix dans les outre-mer.

L’Autorité de la concurrence a d’ailleurs observé à plusieurs reprises, au travers de ses différents avis rendus depuis 2009, que les frais de transport et l’octroi de mer ne justifient pas à eux seuls des écarts de prix pouvant aller jusqu’à plus de 55 % entre la métropole et les marchés ultramarins. Les mesures envisagées, conformes au droit européen, vont dans le sens d’un renforcement de la régulation, au niveau tant des importateurs grossistes que des détaillants.

La boîte à outils mise en place au travers de ce texte renforcera l’arsenal juridique dont disposent les pouvoirs publics pour remédier aux atteintes au principe de liberté des prix et de la concurrence, lesquelles privent tous les consommateurs, ainsi que, bien souvent, les entreprises, du bénéfice de produits et de services de qualité au meilleur prix.

J’approuve donc l’amendement du Gouvernement prévoyant la tenue d’une négociation annuelle dans chacune de nos collectivités ultramarines, un accord de modération du prix global pour une liste de produits de grande consommation et l’intervention du préfet en cas d’échec de ces négociations.

En effet, il était nécessaire de réviser cet arsenal juridique, qui n’avait le pouvoir de contraindre le marché et de réglementer les prix que dans des situations très exceptionnelles, comme celles de catastrophe naturelle, pour prendre un exemple extrême.

Ce projet de loi marque donc une grande avancée dans la lutte contre la vie chère. Son adoption permettra d’accroître la marge de manœuvre du Gouvernement dans cette lutte, ainsi que celle des collectivités, en leur permettant de saisir directement l’Autorité de la concurrence, et de renforcer les pouvoirs de cette dernière outre-mer.

Ce texte est une des solutions au problème de la vie chère. Toutefois, nous savons qu’il nous faudra approfondir d’autres pistes dans les mois prochains. Ce texte est un premier acte posé dans la lutte contre la vie chère outre-mer ; il est nécessaire, mais il doit être conforté.

Je pense notamment à la possibilité, voire la nécessité, de développer des échanges commerciaux avec nos voisins proches, par exemple la zone Caraïbes ou l’Amérique latine. Aujourd’hui, en raison de notre appartenance à l’Union européenne, nous sommes soumis à des normes dont je ne remets pas en cause le bien-fondé, mais qui sont parfois un élément contraignant. Si ces normes, dans leur dessein initial, visent à nous protéger, cette protection devient dans certains cas une contrainte trop importante. N’y a-t-il pas là matière à réflexion et à négociation avec les instances européennes sur cette réalité, afin de dégager un facteur supplémentaire d’amélioration de la concurrence dans nos territoires ?

Prenons l’exemple concret de l’approvisionnement en carburant. Si, aujourd’hui, la Guadeloupe pouvait s’approvisionner auprès de pays exportateurs de pétrole de sa zone régionale, tel le Venezuela, le prix du carburant à la pompe en Guadeloupe pourrait être réduit de façon significative, et ce gain ne serait pas négligeable pour le pouvoir d’achat des Guadeloupéens.

Je veux aussi appeler l’attention du Gouvernement sur la nécessaire mise en œuvre rapide de la loi après son vote. Je sais que vous avez déjà pris des engagements sur ce point, monsieur le ministre, mais il importe vraiment que, une fois la loi promulguée, les décrets d’application soient rapidement publiés, afin que les différentes mesures prennent leur plein effet dans les meilleurs délais. Rappelons-nous, à cet égard, du retard pris dans la publication des décrets de la loi pour le développement économique des outre-mer, la LODEOM.

S’agissant du cas particulier des carburants, la crise économique actuelle appelle des mesures urgentes. Certaines d’entre elles, non mises en œuvre à ce jour, avaient été proposées au travers des nombreux rapports élaborés à la suite des mouvements sociaux de 2009. Je pense notamment à la filialisation des activités de stockage de la société anonyme de raffinerie des Antilles, la SARA, à l’ouverture du stockage à de nouveaux importateurs et à l’affichage des prix dans les stations-service, ainsi qu’à l’arrêt de la publication de prix plafonds, sur lesquels tous les distributeurs s’alignent, ce qui fausse le libre jeu de la concurrence. Dans ce domaine particulier, vous vous êtes déjà engagé à prendre rapidement des mesures, monsieur le ministre : ce serait un signal fort adressé à nos populations.

Je m’interroge également sur le rôle et les moyens de l’Observatoire des prix et des revenus. Malgré sa récente réforme, l’Observatoire des prix de la Guadeloupe peine à publier des comparaisons avec la métropole, ce qui nuit à l’information du consommateur et, d’une certaine manière, à la transparence des prix. Le Gouvernement a-t-il l’intention, monsieur le ministre, de renforcer les moyens de cet organisme ?

Enfin, il me semblerait opportun de mettre en place une réglementation des tarifs bancaires pour tenter de corriger d’éventuelles situations de monopole dans un secteur qui n’est pas exempt de comportements abusifs, contre lesquels nous souhaitons également lutter. Je sais que je ne vous apprends rien sur ce sujet, monsieur le ministre, et je connais votre engagement en la matière. En tout état de cause, les comparatifs publiés annuellement placent les outre-mer aux premiers rangs des départements les plus chers à cet égard. Le Gouvernement envisage-t-il de prendre quelques mesures concernant ce secteur ?

Monsieur le ministre, je sais que la promotion de la production locale, dont nous devons favoriser le développement, est aussi une priorité pour vous.

En fait, la lutte contre la vie chère appelle le recours à des moyens multiples. Elle doit mobiliser l’ensemble des acteurs publics – Gouvernement, collectivités, Autorité de la concurrence, observatoires des prix –, mais également la société civile, par le biais notamment des associations de consommateurs et des médias. Pour être véritablement efficace, elle ne pourra être que collective.

Je formule donc le vœu que la nouvelle loi soit le premier outil en vue du règlement du problème du pouvoir d’achat des ultramarins. Vous avez dit, monsieur le ministre, que ce texte marquait le début d’une révolution ; nous serons à vos côtés dans le combat pour faire gagner nos territoires !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

La parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
Victorin Lurel, ministre

Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux remercier l’ensemble des orateurs pour la qualité et la pertinence de leurs interventions dans cette discussion générale. Ce texte, j’ai eu l’occasion de le dire, n’a cessé d’évoluer depuis les premiers temps de son élaboration, grâce à la très large concertation que nous avons conduite. Je ne puis que me féliciter de l’intérêt des contributions, et même des objections, que j’ai pu entendre durant cette discussion.

Tout cela permet encore, à ce stade, de faire évoluer de façon positive le texte, conformément à la philosophie qui n’a cessé de nous animer.

Monsieur le rapporteur, cher Serge Larcher, je tiens à vous renouveler mes remerciements pour le remarquable travail que vous avez conduit, notamment pour les modifications de forme, mais aussi de fond, particulièrement opportunes que vous avez apportées à ce projet de loi. Pour employer une expression aujourd’hui quelque peu connotée, ce fut une très belle coproduction législative ! §

Monsieur le rapporteur pour avis, je comprends tout à fait que les délais contraints aient pu compliquer la tâche de la commission des lois. Cela rehausse encore la qualité des améliorations qu’elle a apportées au texte, notamment à l’article 2 sur la notion de clauses des contrats commerciaux. Toutefois, je tiens à rappeler que, même dans l’urgence, nous avons mis en ligne l’avant-projet de loi dès les premiers jours du mois d’août et saisi dans les temps l’ensemble des collectivités locales des outre-mer. Celles-ci ont toutes formulé un avis, favorable dans la plupart des cas d’ailleurs, accompagné de remarques complémentaires dont nous avons tenu compte. J’ai en outre eu l’occasion de recevoir tous les parlementaires, députés et sénateurs. Un travail approfondi en amont a donc été mené.

Monsieur Requier, j’ai apprécié vos propos et votre intérêt pour « la lointaine France des grands horizons ». Je suis évidemment sensible à la position bienveillante du groupe RDSE sur ce projet de loi. Je veux, en tout cas, vous renouveler notre engagement à agir très précisément, comme vous le souhaitez, sur les facteurs structurels de la vie chère.

Monsieur Magras, j’ai entendu les interrogations et les inquiétudes que vous avez exprimées sur certains aspects du texte au nom du groupe UMP. Même si je ne partage pas les préventions que vous avez pu formuler quant au rôle de l’Autorité de la concurrence, que je ne considère pas comme un adversaire du développement économique, ni de la liberté d’entreprendre, je suis heureux que notre travail commun ait pu dissiper vos craintes, même si cela ne supprime pas, pour autant, nos divergences idéologiques !

Je veux vous le redire : ce texte n’est ni une entrave à l’innovation et au progrès, ni une atteinte au droit de propriété.

J’ai été intéressé par votre réflexion sur la possibilité de lutter contre la vie chère en attaquant cette problématique par le versant des revenus, qu’il faudrait augmenter outre-mer, les prix y étant structurellement plus élevés. J’ai même cru entendre que vous ne pensiez pas seulement aux salaires, mais probablement aussi aux revenus du capital… §

Je peux souscrire à cet argument, mais je vous sais suffisamment avisé pour savoir que tout le monde ne dispose pas aujourd’hui, en tout cas dans les outre-mer, de la même capacité à valoriser son patrimoine foncier ou immobilier qu’un habitant de Saint-Barthélemy !

Nouveaux rires sur les mêmes travées.

Debut de section - Permalien
Victorin Lurel, ministre

Naturellement, je vous rejoins quand vous dites qu’aucune loi ne résoudra les problèmes géographiques des outre-mer qui font et feront encore l’objet de nos politiques publiques.

La question des territoires d’approvisionnement doit, à l’évidence, être au cœur de nos réflexions. Pour autant, ce n’est pas, il me semble, au présent projet de loi d’y répondre. Il constitue une première réponse ciblée sur les causes structurelles de la vie chère et le Gouvernement, croyez-le bien, ne s’arrêtera pas à ce texte.

Je tiens aussi à vous rassurer en vous confirmant que nous ne nous défaussons pas sur les collectivités et que l’État ne renoncera en aucune façon à son pouvoir de saisine de l’Autorité de la concurrence.

En ce qui concerne l’article 5 et l’injonction structurelle, j’ai bien noté que l’UMP aurait souhaité supprimer cet article et mettait en doute sa constitutionnalité. Nous aurons à en débattre plus précisément lorsqu’il viendra en discussion.

Enfin, je peux souscrire à votre remarque sur le recours trop fréquent du Gouvernement aux ordonnances. Cependant, je tiens à vous faire observer que, en l’espèce, il s’agit, pour Saint-Pierre-et-Miquelon, d’une demande expresse des parlementaires. Par ailleurs, si le chapitre II comprend un certain nombre de ratifications et de nouvelles demandes d’habilitation, c’est parce que des retards ont été pris, dont la responsabilité incombe au gouvernement précédent.

Monsieur Labbé, madame Archimbaud, je veux vous remercier pour votre soutien à l’action du Gouvernement, plus particulièrement dans les outre-mer.

Je sais que vous avez tenu à consulter vos élus locaux et j’ai apprécié les échanges que nous avons eus. Je serai donc d’autant plus sensible à vos propositions, qui me semblent aller dans le bon sens : pour que cette réforme d’envergure puisse produire ses effets, il convient que les acteurs locaux s’en emparent et que les intéressés, y compris les parlementaires, puissent assurer un suivi étroit des effets de la loi. Cet accompagnement pourra aider, j’en suis sûr, le Gouvernement à résister aux différentes pressions qui ne manqueront pas de s’exercer, car pour notre part, nous voulons changer les choses de manière volontariste, et ce n’est jamais chose aisée, je puis vous l’assurer !

Sur la question des taux de sucre dans les aliments et les boissons outre-mer, dont vous avez fort justement rappelé la prégnance et l’urgence, je veux vous dire que la proposition de loi que j’avais défendue en tant que député sera reprise très rapidement, afin que cesse cette injustice qui frappe les outre-mer.

Monsieur Pozzo di Borgo, nous sommes bien d’ accord sur le fait que le précédent gouvernement n’a pas apporté les réponses structurelles qu’appelait la problématique de la vie chère outre-mer. Je tiens, néanmoins, à préciser que le présent projet de loi n’a pas pour seul objet de rehausser le pouvoir d’achat de nos concitoyens. Il a aussi pour vocation de rétablir de la justice dans le mécanisme de fixation des prix. Par ailleurs, vous vous dites réticent à l’égard de l’instauration du « bouclier qualité prix », au motif que des dispositifs similaires existaient déjà. En réalité, les dispositions de la LODEOM ne prévoyaient qu’un pouvoir de blocage des prix dans des circonstances extrêmement restrictives qui, de fait, l’ont rendu inapplicable.

Ce que prévoit le projet du Gouvernement est d’un autre ordre. Il s’agit d’abord d’en appeler à la responsabilité des acteurs, en donnant la priorité à la négociation, mais surtout de viser un objectif de résultat : c’est pourquoi le préfet aura la capacité, en cas d’échec des négociations, d’arrêter les prix sur le fondement de facteurs objectifs.

Madame Assassi, je sais combien Paul Vergès aurait souhaité participer à ce débat : à la Réunion, il a contribué à animer les discussions autour du projet de loi, avec des propositions et des contributions utiles.

Nous sommes parfaitement conscients de la nécessité d’ouvrir d’autres chantiers, qui ne pouvaient être abordés dans ce texte, comme ceux de la diversification des sources d’approvisionnement – dans le respect des équilibres à préserver pour le développement de la production locale –, de la politique des revenus et de toute la chaîne de formation des prix.

La question précise des sur-rémunérations, à laquelle vous avez consacré un long développement, n’est pas abordée dans le projet de loi et elle ne figure pas aujourd’hui à l’agenda du Gouvernement, ce qui n’empêche évidemment ni les propositions ni le débat.

Je voudrais faire savoir à Paul Vergès que, sur cette affaire précise, il n’y a pas consensus quant au caractère nocif de la sur-rémunération pour la situation économique. Certes, elle augmente le pouvoir d’achat de certains, mais ce pouvoir d’achat est largement dépensé sur place, ce qui soutient l’activité, l’emploi et donc les revenus des personnes qui occupent ces emplois. Une réduction brutale du revenu disponible des ménages en outre-mer aurait incontestablement un effet déflationniste.

D’ailleurs, un de mes prédécesseurs, Mme Girardin, avait eu le courage de dire à ses propres amis politiques que l’on ne met l’accent que sur des aspects apparemment négatifs de la sur-rémunération, alors que celle-ci alimente la consommation, qui est le premier moteur de la croissance, avant l’investissement et le solde de la balance commerciale. Ne considérer que l’aspect inflationniste dans cette affaire, c’est analyser le problème par le petit bout de la lorgnette. Il nous faudra analyser précisément les choses, établir des simulations, ce qui n’a pas été fait jusqu’à présent. La seule simulation dont on dispose aujourd’hui a été réalisée à la Réunion par le fils de Pierre Mendès-France, mais personne ne lit plus cette étude où il nuançait et tempérait les choses.

J’aurai plaisir à débattre de ce sujet avec M. Vergès. Que conviendrait-il éventuellement de faire ? Instaurer une épargne forcée, comme il le propose, supprimer la sur-rémunération pour les nouveaux entrants dans la fonction publique ou augmenter les revenus dans tous les autres secteurs de la société, comme cela se fait déjà par le biais des conventions collectives, des accords de branche et des accords d’entreprise ?

Ce n’est pas forcément sur ce point qu’il faut agir. C’est la raison pour laquelle nous nous attaquons aux structures et aux mécanismes fondamentaux du fonctionnement de nos économies.

Madame Claireaux, je suis évidemment conscient que la situation très particulière de Saint-Pierre-et-Miquelon, au regard notamment du faible volume d’importations et du monopole du fret maritime, ne permettra pas à la plupart des dispositions de ce projet de loi d’y être efficaces dans la lutte contre la vie chère.

C’est la raison pour laquelle, à votre demande et à celle de votre collègue députée Annick Girardin, le Gouvernement a décidé d’agir sur les revenus à Saint-Pierre-et-Miquelon, en étendant l’application des aides au logement et de l’action sociale et familiale.

Enfin, je tiens à rectifier solennellement ici, devant le Sénat, l’étude d’impact de ce projet de loi en ce qui concerne la notion de PIB à Saint-Pierre-et-Miquelon. Celle-ci n’a, à mon sens, pas toute la pertinence souhaitable. Nous allons diligenter des études pour tenter d’y voir clair.

Monsieur Patient, je vous remercie de votre soutien actif, dans cette assemblée comme sur le terrain. Oui, les engagements de campagne du Président de la République – les soixante concernant la France hexagonale et les trente, voire trente-cinq, qui ont été pris envers les outre-mer – constituent la feuille de route du Gouvernement. Ils seront tenus, à l’instar de cet engagement n° 5 sur la vie chère que vous avez bien voulu rappeler.

Monsieur Laufoaulu, je veux vous dire que je suis sensible à votre soutien sur ce texte, dont vous convenez qu’il s’attaque à un problème majeur.

Vous avez appelé mon attention et celle du Gouvernement sur la situation spécifique de Wallis-et-Futuna. Vous avez raison, le coût d’accès à certains biens essentiels est « délirant », pour reprendre le terme que vous avez employé. Vous avez certainement l’électricité la plus chère de France, voire du monde. Manifestement, il faut faire quelque chose. Ce projet de loi, cette boîte à outils, nous donnera les moyens de discuter avec le monopoleur. Nous allons voir comment nous attaquer de manière plus résolue encore à cette question.

J’en ai bien conscience, ce projet de loi ne pourra répondre à tous les problèmes nés de l’éloignement et de l’insularité de nos territoires. Dès lors que la concurrence et le jeu des forces économiques peuvent faire baisser les prix et que l’on peut lutter contre la captation indue de marges par les opérateurs, nous œuvrerons pour aller dans ce sens. Mais encore faut-il qu’il y ait un marché !

Reste que – ce sujet n’a pas été évoqué – se pose la difficulté de s’attaquer à tous les maillons de la chaîne de formation des prix. Dès lors que nous aurons obtenu une réduction en amont, comment faire en sorte que la répercussion se fasse en aval ? Je pense, par exemple, au fret. Nous pourrions certes utiliser les armes que nous offre le code civil – je dis cela sous le regard de Portalis –, notamment la répétition de l’indu, mais il s’agit d’un processus lourd.

Vous le voyez, la tâche est ardue. Il nous faudra avoir une volonté forte et une grande patience pour s’attaquer résolument et durablement à ce problème.

Concernant l’habilitation du Gouvernement à adapter par ordonnance les dispositions du projet de loi, je ne puis que m’engager à votre endroit, mesdames, messieurs les sénateurs, à faire preuve de la diligence nécessaire.

Par ailleurs, je rechercherai tous les moyens pour résoudre les problèmes auxquels Wallis-et-Futuna doit, plus largement, faire face, et je m’attacherai à apporter les réponses qu’il nous sera possible de formaliser dès le 2 octobre, date à laquelle je recevrai une délégation de tous les élus wallisiens et futuniens.

Monsieur Cointat, je tiens tout d’abord à vous remercier sincèrement pour vos conseils avisés et votre analyse lucide – vous êtes un homme d’expérience et vous connaissez bien nos territoires – des freins qui empêchent, voire entravent les changements que nous voulons opérer dans les économies des outre-mer. Venant de vous, ces remarques n’en ont que plus de poids !

Considérant l’ancienneté des pratiques et la puissance des intérêts, vous dites douter de notre réussite. Je peux entendre de tels propos, mais j’espère que l’avenir vous donnera tort.

Debut de section - Permalien
Victorin Lurel, ministre

J’espère que nous saurons surmonter les résistances, les freins et les obstacles. En tout cas, nous sommes armés de suffisamment de courage, de volonté et de résolution pour aller au bout de cet engagement.

Debut de section - Permalien
Victorin Lurel, ministre

Je tiens à vous assurer de ma résolution, de celle du Gouvernement et de celle des autorités au plus haut niveau. J’en veux pour preuve le souhait personnel du Président de la République d’accélérer le calendrier pour ne pas laisser le temps aux lobbies de s’organiser.

Je suis évidemment favorable à la mise en place d’un accompagnement des collectivités locales de Polynésie française et de Nouvelle-Calédonie.

Enfin, nous débattrons du visa Balladur lors de la discussion de l’amendement de M. Thani Mohamed Soilihi.

Monsieur Abdourahamane Soilihi, monsieur le maire de Mamoudzou, je dois dire que vous m’avez agréablement surpris. J’ai d’abord eu droit à une charge en règle de votre part, mais vous avez finalement admis que nous étions de bonne volonté. Nous sommes tous responsables, et même coresponsables, de ce qui se passe à Mayotte. J’y suis allé plusieurs fois – d’ailleurs, j’y retournerai –, et la vérité exige de dire que la situation n’y est pas évidente.

Au demeurant, vous pourriez au moins m’en rendre grâce, le Gouvernement a déjà fait preuve de volontarisme dans votre territoire. Alors qu’un duopole imposait une véritable captation de prix, pour ne pas dire autre chose, avec une bouteille de gaz à 36 euros, contre 21 ou 22 euros ailleurs, nous avons imposé une baisse de 10 euros. Cela aurait pu être fait avant ! Cette situation a perduré jusqu’à notre arrivée au gouvernement, malgré les belles promesses qui avaient été faites. Nous, nous avons agi !

M. Cointat a raison, on m’a fait un chantage à l’emploi, au motif que les entreprises allaient déposer le bilan. Saura-t-on y résister ? Y compris nous, élus locaux ? En tout cas, l’ambassadeur de l’île Maurice est venu me dire que j’avais eu raison d’agir ainsi.

Je peux vous l’assurer, ici, du haut de cette tribune, j’ai dit à l’un des monopoleurs qu’il s’agissait non pas de 28 euros, la presse ayant distillé cette information, mais de 22 euros ! Il m’a répondu vouloir en discuter. Résultat, le prix est passé de 36 euros à 26 euros. Certes, on aurait peut-être pu faire en sorte qu’il soit compris entre 22 et 26 euros, mais il faut respecter le prix de revient et le seuil de rentabilité des entreprises.

On le dit très fortement, il ne s’agit pas de stigmatisation. Il faut comprendre ce qui se passe. Nous allons examiner des amendements relatifs à la publication des informations relatives à la formation des prix. M. Cointat, avec d’autres de ses collègues, a souligné que de telles informations étaient nécessaires. Or, contrairement à ce que l’on croit aujourd’hui, nous ne les avons pas, pas plus que l’INSEE. Il n’y a pas de centrale de bilans. Au-delà des études globales macroéconomiques et méso-économiques qui ont été réalisées, nous ne sommes pas informés des mécanismes de formation des prix. Alors oui, il faut aller plus loin en imposant une obligation de publication sans pour autant aller contre le secret commercial ! Telle est l’ambition du Gouvernement.

En conclusion, même si cela va peut-être vous surprendre, j’aimerais invoquer les mânes de Turgot, de Colbert et de Portalis.

Turgot avait lutté contre les entraves, les droits de douane, l’octroi et autres patentes, pour créer un marché unique. Or cela existe encore chez nous.

Colbert, lui, avait combattu le pacte, la monodirectionnalité, une réalité encore très prégnante.

Portalis, par le biais du code civil, a clarifié un certain nombre de points, pour ce qui concerne tant les États que les droits des personnes.

C’est donc sous les auspices de ces trois statues de votre hémicycle que nous menons notre action. Soyez assurés, mesdames, messieurs les sénateurs, de la détermination du Gouvernement à aller au bout de son ambition.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste, ainsi que sur plusieurs travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Mes chers collègues, la commission des affaires économiques se réunira à dix-neuf heures pour examiner les amendements extérieurs, qui sont nombreux, ce qui nous conduira probablement à siéger un peu tard cette nuit.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Mes chers collègues, il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant création des emplois d’avenir.

La liste des candidats établie par la commission des affaires sociales a été affichée conformément à l’article 12 du règlement.

Je n’ai reçu aucune opposition.

En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire :

Titulaires : Mme Annie David, M. Claude Jeannerot, Mme Christiane Demontès, M. Ronan Kerdraon, Mmes Catherine Procaccia et Chantal Jouanno, ainsi que M. Hervé Marseille ;

Suppléants : M. Gilbert Barbier, Mme Françoise Cartron, M. Jean Desessard, Mme Colette Giudicelli, ainsi que MM. Jean-Pierre Godefroy, Gérard Roche et René-Paul Savary.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

J’informe le Sénat que la commission des affaires économiques a fait connaître qu’elle a d’ores et déjà procédé à la désignation des candidats qu’elle présentera si le Gouvernement demande la réunion d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production du logement social.

Cette liste a été affichée et la nomination des membres de cette commission mixte paritaire aura lieu ultérieurement lorsque le Gouvernement formulera effectivement sa demande.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-huit heures quarante, est reprise à vingt-et-une heures, sous la présidence de Mme Bariza Khiari.