La commission a tout d'abord procédé à l'audition de M. Pascal Saint-Amans, chef de la division chargée de la coopération internationale et de la compétition fiscale à l'OCDE.
a indiqué que le Sénat est appelé à se prononcer sur dix-huit projets de loi visant à ratifier, d'une part, douze accords, sous forme d'échange de lettres, relatifs à l'échange de renseignements en matière fiscale et, d'autre part, six avenants à des conventions fiscales traitant de la suppression des doubles impositions. La technicité des accords, tout comme les aspects politiques, ont conduit la commission des finances à organiser trois auditions afin de mieux comprendre la politique conventionnelle fiscale française. Cette dernière résulte notamment de l'action, directe ou indirecte, de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), de la direction de la législation fiscale et du ministère des affaires étrangères
a souligné que la ratification d'accords fiscaux d'échange de renseignements en matière fiscale est un sujet d'actualité partagé par de nombreux membres de l'OCDE, compte tenu de l'intensification de la lutte contre la fraude fiscale depuis un an.
Présentant le contexte particulier dans lequel s'inscrivent les projets de loi de ratification, il a indiqué que l'année 2009 a constitué « une année révolutionnaire » dans la mesure où, depuis cette date, il est désormais risqué de dissimuler des capitaux à des fins de non-imposition. Dès 1996, le G7 réuni à Lyon a pris conscience des difficultés posées par l'évasion fiscale. En 1998, un rapport de l'OCDE sur la concurrence fiscale dommageable (« Harmful tax competition ») a défini les quatre critères d'identification d'un paradis fiscal : des impôts insignifiants ou inexistants, l'absence de transparence sur le régime fiscal, l'absence d'échanges de renseignements fiscaux avec d'autres Etats, l'absence d'activités économiques substantielles. Sur la base de ces critères, quarante paradis fiscaux ont été identifiés à la fin des années 1990.
En 2002, l'OCDE a créé le concept d'Etat non coopératif en matière d'échange de renseignements, et formalisé un certain nombre de standards internationaux à respecter afin de ne pas être qualifié de juridiction non coopérative. L'échange d'informations constitue un axe pertinent d'action, car les paradis fiscaux étant caractérisés par une fiscalité inexistante ou insignifiante, les accords visant à proscrire la double imposition ne sont pas les instruments pertinents pour lutter contre l'évasion fiscale.
Le modèle d'accord d'échange de renseignements à des fins fiscales reprend l'article 26 du modèle de convention de non double-imposition. Les standards promus par l'OCDE sont les suivants : l'échange d'informations est fait sur demande, lorsque l'information est vraisemblablement pertinente, la nature de cette information pouvant être fiduciaire ou bancaire.
Toutefois, en l'absence d'une volonté politique internationale forte, l'échange d'informations en matière fiscale ne s'est pas sensiblement amélioré avant 2008, et ce d'autant moins que les juridictions visées critiquaient le caractère unilatéral de ces accords et l'absence de bénéfices mutuels. En 2008, la situation politique internationale évolue avec le scandale du Liechtenstein, la crise financière et grâce à l'élection de M. Barack Obama, qui dans ses fonctions précédentes avait signé un texte de loi (« Stop tax haven abuses act ») permettant aux autorités américaines d'exiger des données confidentielles concernant des comptes bancaires, y compris dans les paradis fiscaux recensés par Washington. En 2009, ce changement a été confirmé par le sommet du G 20 de Londres qui a publié deux listes d'Etats non coopératifs en matière fiscale. Cette même année, les grandes places financières comme la Suisse, le Luxembourg, Singapour, Hong Kong, Andorre, le Liechtenstein et Monaco ont adopté les standards de l'OCDE
Les critères de classement des Etats non coopératifs sont les suivants : la liste « blanche » regroupe les Etats qui ont signé au moins douze accords d'échanges d'information à des fins fiscales ; la liste « grise » concerne les Etats qui se sont engagés à signer des accords d'échanges ; la liste « noire » rassemble enfin les Etats qui n'ont pris aucun engagement. En avril 2009, vingt-deux Etats ont pu être retirés de la liste grise, deux Etats supplémentaires devraient connaître le même sort en 2010. Au total, 400 accords auraient été signés dont cinquante entre des paradis fiscaux.
s'est étonné que l'inscription sur la liste blanche puisse être autorisée, alors même que l'Etat n'a signé des accords qu'avec des paradis fiscaux.
a confirmé que la qualité des signataires de l'accord n'est pas un critère retenu pour le passage sur la liste blanche. Il a toutefois souligné que peu d'Etats se contentent de signer douze conventions, et que la plupart continuent à signer des accords au-delà de cette limite.
Par ailleurs, il a fait observer que les listes seront désormais contrôlées. En effet, le Forum mondial sur la transparence et l'échange d'informations à des fins fiscales a décidé, en 2009, de franchir une étape supplémentaire en lançant un programme d'évaluation de l'application des standards de l'OCDE. Fondée sur le principe de l'examen par les pairs (« peer review »), l'évaluation comporte deux phases :
- la première phase conduit deux pays examinateurs, assistés du secrétariat du Forum, à étudier la pertinence du réseau conventionnel du pays examiné sur le fondement des réponses apportées aux trois questions suivantes: les accords ont-ils été signés avec les partenaires de cet Etat ? La ratification des accords signés est-elle en cours ? Le cadre législatif et réglementaire est-il adapté aux nouveaux engagements de cet Etat ?
- la seconde phase a pour objectif de dresser un bilan quantitatif et qualitatif des échanges d'information effectués.
Depuis, le 10 mars 2010, dix-huit juridictions sont l'objet d'une évaluation qui débouchera sur l'adoption d'un nombre équivalent de rapports par le Forum mondial.
S'agissant de la cellule de régularisation mise en place par le ministère français de l'économie pour inciter les évadés fiscaux à se dénoncer, M. Pascal Saint-Amans a fait remarquer que d'autres Etats que la France ont mis en place une structure similaire.
s'est félicité de l'augmentation des accords d'échange d'information qui traduit un nouvel état d'esprit. L'évaluation des standards de l'OCDE est un exercice prometteur à condition que des moyens efficaces y soient alloués.
a souhaité connaître la place de la France au sein du comité des affaires fiscales de l'OCDE.
a souligné que la France est un membre dynamique, qui a permis de politiser au niveau international la question des échanges de renseignements à des fins fiscales, rendant ainsi possible la levée du secret bancaire dans des pays particulièrement rétifs à ce changement comme la Suisse. Les conférences internationales de Paris, le 21 octobre 2008, et de Berlin, le 23 juin 2009, organisées notamment à l'initiative de M. Eric Woerth, alors ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, illustrent le rôle actif joué par la France.
a souhaité connaître le bilan de la surveillance des prix de transfert au sein des entreprises.
a indiqué que la définition du prix des transactions intra-groupe est couverte par l'article 9 du modèle de convention fiscale de l'OCDE, fondé sur le principe de pleine concurrence, c'est-à-dire que ces transactions doivent être conduites par les établissements du groupe comme s'il n'existait aucun lien entre eux. Les prix de transfert constituent un enjeu majeur pour les Etats dans lesquels sont situées les sociétés internationales, car ils peuvent directement influencer la matière taxable compte tenu des possibilités d'optimisation fiscale. Si les prix de transfert sont particulièrement contrôlés par les administrations fiscales françaises et allemandes, il n'existe pas de suivi de l'OCDE, qui ne s'intéresse qu'à l'application du contrôle fiscal en matière de prix de transfert, et qui ne dispose à ce jour d'aucune information sur les montants en jeu. Depuis janvier 2010, l'organisation a toutefois lancé des travaux complémentaires afin de mettre en place un système d'information permettant d'identifier, par pays, la matière taxable et le montant d'impôt effectivement payé par les sociétés multinationales. Cette initiative a fait suite au constat selon lequel les pays en développement seraient également des victimes des logiques d'optimisation en matière de transactions intra-groupe.
Répondant à une question de M. Jean Arthuis, président, sur la localisation des activités relatives au commerce électronique, M. Pascal Saint-Amans a expliqué que l'OCDE a élaboré des principes directeurs dès le début des années 2000 dans le cadre de son comité des affaires fiscales. Il existe aujourd'hui « un corpus de droit mou » qui traite de cette problématique.
a souligné que le commerce électronique se caractérise par des assiettes taxables difficiles à identifier.
s'est demandé si les critères relatifs aux paradis fiscaux peuvent être renforcés, et si les propriétaires des capitaux hébergés dans ces juridictions continuent d'être exonérés en matière fiscale.
a observé que le coût de la fraude s'est sensiblement accru, l'évasion fiscale représentant désormais un comportement à risques compte tenu des pénalités financières ou pénales en vigueur.
s'est étonné que le Chili puisse être inscrit sur la liste blanche de l'OCDE alors qu'il figure sur la liste noire de la France, ce qui pose un problème de coordination des décisions nationales et internationales. Elle a souligné que la liste française se justifie par le fait que certains Etats non coopératifs peuvent être quittes de leurs engagements en matière d'échanges d'informations alors mêmes que les accords signés ne le sont qu'avec d'autres Etats non coopératifs.
Rappelant que le Chili applique un taux d'impôt sur les sociétés de 19 % et dispose d'une administration fiscale jugée performante, M. Pascal Saint-Amans a indiqué que l'adhésion de ce pays à l'OCDE a été subordonnée à son engagement de lever le secret bancaire. Ayant signé un nombre suffisant d'accords d'échange de renseignements, le Chili a été retiré de la liste grise en décembre 2009.
Répondant à une question de M. Jean Arthuis, président, sur les délais de ratification des accords par les différents Etats concernés, M. Pascal Saint-Amans a indiqué qu'un groupe de travail a été constitué au sein de l'OCDE, car les délais moyens entre la négociation des accords et l'entrée en vigueur de ces derniers ne sont pas satisfaisants dans certains cas.
a souhaité obtenir des précisions, d'une part, sur les modalités de sélection des pays examinateurs dans le cadre de la procédure d'examen par les pairs et, d'autre part, sur les principaux domaines où le modèle de convention de l'OCDE est en retrait par rapport à la position conventionnelle française.
a précisé les éléments suivants. L'examen par les pairs, qui inclut les 91 pays membres du Forum, comprend trois étapes :
- l'envoi d'un questionnaire afin de connaître les spécificités du pays ;
- la rédaction d'un rapport par deux pays et le secrétariat du forum ;
- l'adoption du rapport par le groupe d'examen des pairs en juillet 2010, puis par le Forum mondial, lors de sa réunion à Singapour à l'automne 2010.
Un délai de quatre à six mois est prévu entre le lancement du processus d'examen d'un pays et l'adoption du rapport.
S'agissant des différences entre les modèles, le modèle français de convention d'échanges d'informations est plus restrictif que celui de l'OCDE, notamment en ce qui concerne le partage des frais pour la collecte d'information, ou les exceptions à l'échange de renseignements.
s'est interrogé sur l'existence d'une éventuelle procédure de déclassement dans le cas où les Etats inscrits sur la liste grise n'appliquent pas les engagements souscrits.
a indiqué qu'une procédure d'alerte est en vigueur afin de signaler le non-respect des engagements, et que des représailles peuvent être décidées.
La commission a ensuite procédé à l'audition de Mme Marie-Christine Lepetit, directrice de la législation fiscale.
a rappelé, à titre liminaire, le caractère exceptionnel de l'année 2009 sur le plan de la politique fiscale bilatérale de la France en matière d'échange de renseignements. Toutefois, il s'est interrogé sur le stock des accords à ratifier et plus particulièrement sur la longueur des délais constatés entre le premier cycle de négociations et la ratification des accords. Puis il a souhaité disposer d'une présentation de l'articulation de l'action des trois ministères impliqués dans la conduite de la politique fiscale conventionnelle : le ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, le ministère du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat et le ministère des affaires étrangères et européennes.
Tout en soulignant la complexité technique des accords en matière de coopération fiscale, Mme Marie-Christine Lepetit, directrice de la législation fiscale, a relevé l'affirmation récente de leur dimension politique. Si la lutte contre les paradis fiscaux constitue une priorité depuis de nombreuses années, tant au niveau bilatéral que multilatéral, comme en témoignent les travaux de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et de l'Union européenne, elle a connu ces deux dernières années une ampleur particulière. La crise financière a constitué, à certains égards, un accélérateur certain qui a conduit le G 20, au sommet de Londres du 2 avril 2009, à afficher une ambition « spectaculaire » ainsi que des engagements « inédits » en matière de développement de la coopération fiscale.
Abordant les dernières évolutions postérieures au sommet, elle a observé que l'essentiel de la première étape du processus décidé par l'OCDE a été accompli. Celle-ci consiste en la conclusion d'accords relatifs à l'échange d'informations ainsi qu'aux obligations de transparence. S'agissant de l'effectivité de tels instruments, une procédure d'évaluation des différents engagements pris par les Etats en matière de coopération fiscale a été mise en oeuvre par le forum mondial de l'OCDE sur la transparence et l'échange de renseignements.
Répondant à M. Jean Arthuis, président, sur les retards constatés lors du processus conventionnel, Mme Marie-Christine Lepetit a rappelé les différentes étapes de la procédure de conclusion d'un accord fiscal, convenant que certains accords étaient parfois, dans le passé, entrés en vigueur plus de dix ans après le premier paraphe. Cependant, elle a souligné que de nets progrès ont été réalisés conduisant à un raccourcissement substantiel des délais, qui varient aujourd'hui de quelques mois à moins de trois ans.
S'agissant des raisons de ces retards, elle a mis en avant les contingences administratives, la survenance d'événements modifiant l'équilibre de l'accord ou, plus rarement, les désaccords sur le partage du droit d'imposition ou celui des recettes fiscales.
En ce qui concerne les responsabilités respectives des trois ministères concernés, Mme Marie-Christine Lepetit a rappelé que le ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, ainsi que le ministère du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat sont en charge de la négociation des accords tant bilatéraux que dans les enceintes multilatérales telles que le G 20. Le ministère des affaires étrangères et européennes intervient dans la finalisation du processus ainsi que dans la préparation du projet de loi autorisant la ratification.
s'est interrogé sur l'état d'avancement de la coopération fiscale avec la Suisse. Il a demandé si l'exclusion de la clause relative à la « pêche aux informations », mentionnée à l'article 10 de l'avenant à la convention fiscale conclue avec ce pays, prive d'effectivité les engagements pris au titre de cet avenant, notamment pour toute demande concernant les « trusts », les fiducies ou les « holdings ». Il a souhaité connaître l'interprétation de la direction de la législation fiscale sur les applications concrètes de cette clause. Enfin, s'agissant de l'articulation de la politique conventionnelle bilatérale de la France avec l'action de l'Union européenne, il a demandé si les résistances du Luxembourg et de l'Autriche en matière de coopération fiscale ont été surmontées.
a tout d'abord rappelé qu'il existe trois modèles des meilleures pratiques d'échange de renseignements : l'échange spontané, l'échange dit « automatique » ou bien encore l'échange à la demande. Depuis le sommet du G 20, tenu en avril 2009, elle a constaté que ce dernier modèle est en voie de généralisation, conformément aux positions prises par les Etats à ce sommet. L'échange automatique d'informations ne constitue donc qu'une option qui peut être utilisée dans le cadre de négociations bilatérales d'un accord fiscal. Il est cependant au coeur des discussions communautaires puisque le projet de révision de la directive en matière de fiscalité des revenus de l'épargne sous forme de paiements d'intérêts, qui est en cours d'examen, améliore les conditions d'échange automatique de renseignements.
a alors précisé que l'avenant conclu avec la Suisse s'inscrit, pour sa part, dans le cadre de l'échange à la demande, conformément au modèle élaboré par l'OCDE. En conséquence, toute interrogation effectuée « au hasard », sans être accompagnée d'indication ou des raisons justifiant la demande, n'est pas autorisée.
Puis M. Adrien Gouteyron et M. Philippe Marini, rapporteur général, se sont interrogés sur les modalités de l'encadrement de l'appréciation par les parties du bien-fondé des raisons justifiant la demande de renseignements. En réponse, Mme Marie-Christine Lepetit a précisé que les termes utilisés dans l'avenant proviennent de l'accord-cadre élaboré par l'OCDE. Ils signifient que l'échange à la demande doit être circonstancié, fondé sur des raisons pertinentes et formulé sur la base de recherches préalables. Il ne peut avoir de caractère systématique ou statistique. Elle a ensuite tenu à rassurer les commissaires sur l'absence d'ambiguïté tenant à l'interprétation de l'engagement des parties en matière d'échange de renseignements, y compris des données bancaires. Une lettre interprétative de l'avenant autorise la demande de renseignements, même en l'absence d'informations complètes de la part du demandeur. Ainsi l'administration fiscale française peut à titre d'illustration, obtenir la communication d'informations bancaires en l'absence de transmission d'un numéro de compte.
A la question de M. Adrien Gouteyron sur la portée de la lettre interprétative, Mme Marie-Christine Lepetit a confirmé que celle-ci éclaire la convention fiscale et est donc dotée de la même force juridique.
En outre, en réponse à M. Philippe Marini, rapporteur général, sur le traitement d'une demande de renseignements portant sur des « trusts », fiducies ou « holdings », elle a précisé que ces entités sont couvertes par l'accord d'échange de renseignements conclu avec la Suisse. Néanmoins, ce sujet nécessite une vigilance particulière dans le cadre de l'OCDE.
En ce qui concerne l'attitude de l'Autriche et du Luxembourg en matière de coopération fiscale, Mme Marie-Christine Lepetit a expliqué que la démarche de la Commission européenne de lutte contre les paradis fiscaux consiste à mettre à jour un ensemble de textes, législatifs ou conventionnels, existants ou en cours d'élaboration, tels que la directive sur la fiscalité de l'épargne, la directive sur la coopération administrative pour l'établissement du montant des taxes et impôts et celle sur l'assistance mutuelle en matière de recouvrement de créances fiscales ainsi que le mandat de négociation de l'Union avec les paradis fiscaux, y compris le Liechenstein, plutôt que d'élaborer un texte spécifique. Elle a déploré qu'un tel procédé de négociation globale liant des textes de nature différente ait conduit à une situation de blocage dans le cas de l'opposition d'un Etat à l'un des textes. Elle a illustré son propos par l'hostilité des deux Etats précités au projet de révision de la directive sur la fiscalité de l'épargne.
Elle s'est néanmoins félicitée que la présidence du Conseil européen par l'Espagne au premier semestre 2010 ait permis de tendre vers une solution en désolidarisant les négociations sur la directive sur l'assistance mutuelle en matière de recouvrement de celles relatives aux autres textes. Le conseil pour les affaires économiques et financières a ainsi pu adopter ce projet en janvier 2010. S'agissant des autres textes, Mme Marie-Christine Lepetit a déploré le blocage créé par le Luxembourg et l'Autriche, qui conditionnent leur accord à une entrée en vigueur différée de la directive sur la fiscalité sur l'épargne ainsi qu'à la conclusion d'accords équivalents avec d'autres paradis fiscaux. Néanmoins, un compromis devrait être proposé avant la fin du premier semestre afin que le territoire de l'Union ne constitue pas une exception aux meilleures pratiques d'échange de renseignements.
s'est alors interrogé tant sur les conditions permettant un dénouement favorable à la situation actuelle de blocage que sur les conséquences d'un échec éventuel des négociations. En réponse, Mme Marie-Christine Lepetit a rappelé que les textes doivent être adoptés à l'unanimité. En l'absence d'un tel accord, les textes non modifiés demeurent en vigueur.
a souhaité obtenir des précisions complémentaires sur les modalités du contrôle effectué en matière de restitution des retenues à la source à l'administration fiscale française, ainsi que sur l'état d'avancement de la coopération fiscale avec le Luxembourg et l'Autriche. En réponse, Mme Marie-Christine Lepetit a observé que la mise en oeuvre des accords relève avant tout de la volonté politique. S'agissant du Luxembourg, l'avenant à la convention est conforme au modèle établi par l'OCDE. Elle s'est félicitée d'un tel accord, qui améliore de manière substantielle la transparence fiscale. Elle a précisé que des négociations sont en cours avec l'Autriche en matière d'échange de renseignements. Elle a ajouté que l'adoption de la révision de la directive sur la fiscalité de l'épargne fera de l'Union européenne un territoire en avance sur les problématiques de coopération fiscale.
En réponse à la question de M. Albéric de Montgolfier sur la fiabilité des réponses données dans le cadre d'une demande de renseignements, Mme Marie-Christine Lepetit a souligné que, en dépit d'une compétition fiscale certaine entre Etats, les univers communautaire et multilatéral ne sont pas marqués par la suspicion. Ce sont des « univers de confiance mais pas de naïveté ». Elle est ainsi convenue de l'existence de mécanismes de contournement des règles inscrites dans la directive sur la fiscalité de l'épargne, évoquant la possibilité pour les trusts et fiducies d'échapper à la retenue à la source. Elle a conclu que s'il est impropre de considérer que les dernières étapes réalisées en matière d'échange de renseignements mettent fin à l'existence des paradis fiscaux, elles constituent cependant des avancées majeures non seulement en droit mais également dans les pratiques. Elle a illustré son propos par la mise en place, dans le cadre du forum mondial, d'une organisation d'évaluation de l'application des accords signés par les Etats en matière d'échange de renseignements : le groupe d'évaluation des juridictions non coopératives du forum global de l'OCDE sur la transparence et l'échange d'informations présidé par M. François d'Aubert. Ajoutant que le champ d'investigation du groupe est « planétaire », elle a précisé que la France fera l'objet d'une évaluation par cette structure à la fin de l'année. En conclusion, elle a insisté sur la nécessité de demeurer vigilant sur l'aboutissement d'une telle démarche.
Enfin, la commission a entendu MM. Jean-François Casabonne-Masonnave, sous-directeur des conventions, des affaires civiles et de l'entraide judiciaire à la direction des Français à l'étranger et de l'administration générale, Paul-Bertrand Barets, sous-directeur des affaires économiques internationales à la direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats et Grégoire Masnou, adjoint au sous-directeur des accords et traités à la direction des affaires juridiques du ministère des affaires étrangères et européennes.
a expliqué à titre liminaire que, dans une période où le Parlement est invité à autoriser la ratification de nombreuses conventions fiscales, la commission des finances souhaite comprendre les conditions de l'élaboration de ces textes et s'assurer de l'effectivité de leur application. Dans cette optique, il a souhaité que les intervenants, d'une part, précisent le rôle du ministère des affaires étrangères et européennes (MAEE) dans ce processus et, d'autre part, indiquent les raisons du délai souvent long séparant la signature des conventions de leur ratification.
a tout d'abord décrit le contexte dans lequel sont actuellement signées de nombreuses conventions fiscales. Jusqu'à une époque récente, la lutte contre les paradis fiscaux n'allait pas de soi, mais un consensus international est apparu sur ce sujet au cours des dix-huit derniers mois.
En outre, il a souligné l'hétérogénéité des situations des pays partenaires, certains ne disposant même pas de législation et d'administration fiscales, ce qui rend difficile la recherche des interlocuteurs pertinents.
a souligné l'importance des enceintes multilatérale, dans lesquelles la France est très active, en matière de lutte contre le secret bancaire. Ainsi, dans une déclaration émise lors de leur réunion à Toyako, en juillet 2008, les chefs d'Etat et de gouvernement des pays du G8 ont incité « tous les pays qui n'ont pas encore instauré intégralement les normes de l'Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE) en matière de transparence et de partage efficace des renseignements dans le domaine fiscal à le faire sans plus tarder » et encouragé « l'OCDE à intensifier ses travaux en matière de fraude fiscale », tout en demandant à cette organisation de leur présenter un rapport en 2010. Le MAEE a d'ailleurs proposé que la France adopte une position ambitieuse dès le début des préparatifs de ce sommet, à l'automne 2007, à un moment où notre pays était encore assez isolé sur cette question.
Il a déclaré que, à la suite du G8 de Toyako, dans un contexte marqué par la crise financière et par la mise au jour de plusieurs scandales d'évasion fiscale, Bercy a pris le relais de manière efficace. Ainsi, M. Eric Woerth, alors ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, et M. Peer Steinbrück, alors ministre des finances de la République fédérale d'Allemagne, ont lancé, à l'automne 2008, au sein de l'OCDE, une initiative conjointe en vue de lutter contre les paradis fiscaux.
a estimé que la réunion du G20 à Londres, en avril 2009, a constitué une étape décisive, les dirigeants affirmant clairement, dans leur communiqué final, que « l'ère du secret bancaire est terminée ». Puis, lors du sommet de Pittsburgh, en septembre 2009, un processus de « revue par les pairs » a été avalisé par les dirigeants du G20 afin d'assurer l'effectivité du changement de comportement des juridictions non coopératives. Cette impulsion politique devrait se manifester de nouveau à l'occasion des prochaines réunions du G8 et du G20.
S'agissant de l'élaboration des conventions fiscales signées par la France, M. Jean-François Casabonne-Masonnave a indiqué que le rôle du MAEE est limité. Par ailleurs, il a reconnu qu'il n'existe pas de motif satisfaisant justifiant la lenteur du processus de ratification. Il est vrai, cependant, que jusqu'à un passé récent, ces textes ne figuraient pas parmi les premières priorités gouvernementales, alors même que la ratification des traités constitue une tâche « lourde et permanente » pour le MAEE.
En réponse à une interrogation de M. Jean Arthuis, président, M. Jean-François Casabonne-Masonnave a précisé que la négociation de ces conventions est menée par le ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi. Pour sa part, la direction des affaires juridiques du MAEE effectue des tâches de vérification du respect du droit et de mise en forme de l'accord.
a ajouté que sa direction intervient :
- d'une part, pour avis, sur le projet d'accord, afin d'anticiper son passage devant le Conseil d'Etat ;
- d'autre part, pour effectuer le suivi de ces traités de leur « naissance » à leur publication, voire, le cas échéant, jusqu'à leur dénonciation ou à leur abrogation.
Il a relevé que le processus de ratification des accords signés au début de l'année 2009 a été lancé dans le nouveau contexte créé par la loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Vème République (n° 2008-724 du 23 juillet 2008), qui impose notamment l'élaboration d'une étude d'impact pour les textes soumis au Parlement. Cette procédure, qui s'applique également aux projets tendant à autoriser la ratification des traités internationaux, a entraîné un retard qui ne devrait pas se reproduire à l'avenir. De plus, le secrétariat général du Gouvernement s'attache à réduire les délais de consultation interministérielle de ces textes. Il pourrait également être envisagé de s'inspirer des pratiques de pays, comme le Royaume-Uni, qui disposent d'une procédure de ratification implicite par le Parlement, l'autorisation de ratifier étant supposée acquise à défaut d'inscription dans un certain délai.
a ajouté que les dix-huit projets actuellement en cours de navette parlementaire devraient être suivis, d'une part, par deux conventions récemment signées avec l'Uruguay et le Vanuatu et, d'autre part, par une série d'accords avec les Etats ou territoires figurant dans l'arrêté du 12 février 2010 pris en application du deuxième alinéa du 1 de l'article 238-0 A du code général des impôts, dont au moins une dizaine devraient être signés cette année.
a souhaité connaître l'évolution du processus de ratification de la convention signée avec la Confédération helvétique.
a fait valoir que ce dossier est principalement piloté par le ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, le MAEE ne disposant, pour sa part, que des informations que lui fait remonter l'ambassadeur de France en Suisse. A cet égard, il a observé que les ambassadeurs peuvent contribuer à replacer la conclusion des conventions fiscales dans le cadre général des relations de la France avec les Etats étrangers et attirer l'attention de l'ensemble des administrations sur la nécessité d'être attentif à la manière dont sont présentés ces dossiers. S'agissant de la Suisse, il a estimé que la suite du processus dépend de la constance de la volonté politique manifestée par la France.
s'est interrogé sur le rôle des postes diplomatiques dans la phase de négociation des conventions.
a expliqué que l'ambassade intervient « par exception » sur ces sujets, lorsqu'une difficulté particulière survient. De même, lorsque les autorités d'un pays constatent sa présence sur la liste française des Etats ou territoires non coopératifs, c'est l'ambassadeur de France accrédité auprès d'elles qu'elles convoquent afin d'obtenir des explications.
Puis, en réponse à une question formulée par M. Adrien Gouteyron, il a jugé difficile d'établir un pronostic sur la date de révision éventuelle des conventions actuellement soumises au Parlement. A priori, ces textes ont vocation à fournir un cadre pour les moyen et long termes mais la vérification du caractère effectif de la coopération des pays partenaires sera déterminante.
s'est enfin interrogé sur les conséquences d'un refus, par le Parlement, d'autoriser la ratification d'une telle convention, M. Jean Arthuis, président, se demandant si un tel refus ne pourrait pas constituer un signal politique fort à l'adresse de certains pays.
a considéré que toute décision du Parlement a, par définition, une portée politique.