Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées

Réunion du 29 juin 2010 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

Je suis très heureux d'accueillir M. Jean-Paul Herteman, président du CIDEF et du GIFAS, le conseil des industries de défense, qui regroupe les industries aérospatiales autour du GIFAS, les constructions navales autour du GICAN et les industries de matériel de défense terrestre autour du GICAT.

M. Jean-Paul Herteman est accompagné par l'amiral François Dupont, qui a surveillé la construction et a été le commandant du SNLE « le Triomphant » et qui a été également le directeur de l'IHEDN représentant le GICAN. Il est accompagné de MM. Christian Mons, président du GICAT et président de Panhard, Guy Rupied, délégué général du GIFAS, Jean-François Lafore, délégué général du GICAT et Mme Agnès Ferragu-Palomeros, directeur des affaires institutionnelles du GIFAS, et enfin M. Guillaume Muesser, secrétaire du CIDEF.

J'ai initialement voulu cette table ronde afin d'évoquer la coopération européenne en matière industrielle et d'armement. C'était avant d'apprendre la réduction des dépenses budgétaires dont nous allons débattre au Sénat le 8 juillet prochain dans le cadre du débat d'orientation budgétaire.

Cette table ronde prend donc, dans ce contexte, une actualité particulière. La crise économique va se traduire par d'importantes coupes dans les dépenses publiques et il serait naïf de penser que le ministère de la défense sera épargné. Nous recevions du reste une délégation de sénateurs de la République italienne la semaine dernière. La réduction de l'effort de défense est une réalité qui s'impose aussi à eux, comme elle s'impose à nos amis britanniques et à tous les pays membres de l'Union européenne.

La question n'est donc pas de savoir si la défense paiera. Elle est de savoir combien et sur quels postes de dépenses ?

Cela peut paraître injuste si on prend en compte les efforts déjà fournis par le budget global de la défense et si on s'attend à ce que chaque budget contribue à proportion de sa part dans le budget de la nation. Le budget des équipements militaires, le programme 146 est un terrible objet de tentation budgétaire, puisqu'il est à la fois le plus important en volume, de l'ordre de dix-huit milliards l'an dernier, soit dit en passant un record que nous ne sommes pas près de battre, et le plus facile à réduire, en tout cas davantage que les baisses de traitement ou les diminutions d'effectifs, qui, dans le domaine de la défense, ont été d'une ampleur inégalée : 54.000 hommes sur cinq ans entre 2008 et 2012. J'ajoute, qu'en général, les réductions de commandes aux producteurs d'armes émeuvent moins l'opinion publique que la diminution des effectifs d'enseignants. Mais cela n'est pas une raison pour baisser les bras et accepter n'importe quel arbitrage budgétaire car, au-delà de la question de la défense, il en va de l'avenir de la recherche française, dans les domaines les plus stratégiques, puisqu'il s'agit toujours, par définition, d'une recherche de rupture qui va nourrir les innovations de demain, et donc les emplois qualifiés d'après-demain.

Dans ce contexte, les industriels de l'armement doivent sans doute réfléchir, si possible de façon collective, aux solutions qu'ils devront mettre en oeuvre avec l'Etat, chacun étant tenté, dans ce type de situation difficile, d'essayer de détourner l'attention sur son voisin et d'éviter, pour soi-même, les effets mortifères de la régulation.

L'expérience a montré que certaines coupes dans les programmes, en fin de compte, coûtaient plus cher au contribuable qu'elles ne rapportaient. Je pense en particulier aux frégates FREMM, dont le coût unitaire a bondi du fait de la réduction du programme de 18 à 11. Que faire ?

Tout le monde s'accorde pour dire que les restructurations et la coopération européenne sont les deux seules voies intelligentes pour faire des économies.

En matière de restructuration, je pense en particulier au domaine des blindés et aux programmes VBMR (véhicule blindé multi-rôle) et EBRC (engin de reconnaissance roue-canons), qui mettront aux prises les deux, voire les trois constructeurs français que sont NEXTER, Renault Trucks et Panhard. Il me semble évident que celui d'entre eux qui ne remportera pas les deux programmes aura beaucoup de mal à survivre. Le moment ne serait-il donc pas venu de restructurer nos industriels nationaux et, si oui, comment le faire : en les regroupant entre eux, ou en les mariant chacun à un Européen ? Je sais que mes collègues Daniel Reiner et Jacques Gautier ont particulièrement étudié cette question et feront sans doute bénéficier la commission de leurs réflexions.

En matière d'Europe de la défense, nous avons parfois le sentiment d'être dans une impasse. Mais c'est parfois quand les choses sont au plus mal, que renaît l'espoir. Au fond, cette crise est peut être la meilleure chance jamais donnée à la défense européenne. Si tel était le cas, alors se poserait la question de savoir avec qui pourrait se construire cette défense, qu'on ne fera pas, cela est sûr à 27.

On pense beaucoup, en ce moment, aux Britanniques, puisque nos deux armées sont voisines, les efforts de défense comparables et les industries complémentaires. En outre les membres du gouvernement actuel semblent très désireux d'accroître la coopération bilatérale avec notre pays et nous faisaient déjà des appels du pied avant même d'être aux affaires, comme peut en témoigner le sénateur Reiner avec qui j'étais à Londres au mois de février dernier. Néanmoins, il y a loin de la coupe aux lèvres et particulièrement quand il s'agit d'Albion.

Quant aux Allemands d'aujourd'hui, il nous faut bien nous rendre à l'évidence : ils sont résolument différents de ceux d'hier et leur opinion publique semble ne plus tolérer que leur gouvernement s'engage dans une politique volontariste de défense et d'équipement militaire. Nous ne referons plus le Transall ensemble, nous ne referons plus le Milan ensemble, nous ne referons plus le Tigre ensemble.

Alors la question se pose sans doute d'une coopération renforcée avec les pays latins. Les Italiens sont notre premier partenaire industriel. Je pense en particulier à l'industrie navale, avec les frégates Horizon et FREMM, à l'espace où notre coopération a été, et demeure, une véritable success story. Les satellites SICRAL et Athena-Fidus s'inscrivent dans la ligne du programme de coopération à technologies duales franco-italien ORFEO (COSMO-SKYMED et PLEIADES) et HELIOS II B. Cet axe de notre coopération s'inscrit, de surcroît, dans la priorité donnée par notre Livre blanc à la fonction « connaissance et anticipation ». Je pense enfin à la défense antimissiles balistiques, avec les programmes SAMP-T et les missiles Aster 15 et 30 dont les derniers essais en mer, tant français qu'italiens, ont été un succès. Sans doute pourrait-on joindre, dans cette préfiguration d'une alliance latine, les Espagnols, avec lesquels nous avons beaucoup en commun dans le domaine aéronautique, au sein d'Airbus Military, même si cela est plus difficile et parfois douloureux, Amiral Dupont, dans le domaine des sous-marins.

Je serais donc très désireux d'avoir votre sentiment sur ces trois questions : la diminution des budgets de défense, les restructurations industrielles et l'Europe de la défense.

Debut de section - Permalien
Jean-Paul Herteman, président du CIDEF

En tant qu'industriel, je n'ai aucune légitimité à me prononcer sur les coupes dans le budget de la défense. Celles-ci sont peut-être incontournables, mais pour d'autres raisons que l'absence de besoins. Le monde de demain, n'en doutons pas, sera aussi dangereux que celui d'aujourd'hui. Notre préoccupation demeure de fournir à nos concitoyens les moyens d'un maximum de sécurité à long terme. Dans ce monde devenu complexe, la posture de défense d'un pays dépend, outre de ses forces armées, de sa capacité industrielle à faire face à l'évolution des menaces, à entretenir, au sens large, son système de défense et à offrir aux pays tiers et alliés des moyens de défense. Point de souveraineté sans défense. Si le budget des équipements militaires a augmenté ces dernières années, il a été divisé par deux depuis vingt ans en euros constants. Ne nous y trompons pas : en matière d'industrie de défense, il faudra compter demain, outre les États-Unis, le Royaume-Uni, l'Allemagne et la Russie, avec l'Inde et la Chine, sans parler d'Israël dont l'effort de défense est remarquable, mais la taille limitée. Si nous voulons que notre pays continue de jouer son rôle sur la scène internationale, il faut convaincre l'opinion et les hauts responsables militaires de la nécessité de poursuivre l'effort supporté par la défense en matière de recherche et de technologies stratégiques, au lieu de le sacrifier. Pour diminuer l'insupportable fardeau de la dette, nous ne gagnerons rien à réduire des dépenses qui généreront de la richesse à notre pays à moyen et long termes, afin d'obtenir une meilleure notation de la part d'agences dont la myopie n'est plus à démontrer. Permettez-moi d'illustrer ce plaidoyer pro domo par une simple anecdote : Safran reçoit aujourd'hui davantage de subventions de l'Union européenne que de la délégation générale à l'armement (DGA). Cette situation traduit, certes, la montée en puissance de l'Europe de la défense, qui n'est peut-être pas aussi floue qu'on le dit, mais aussi le niveau excessivement bas des aides françaises.

Ensuite, en ces temps difficiles, deux pistes, qui ne sont pas nouvelles, méritent selon nous d'être creusées. Pour plus d'efficacité, peut-être faut-il envisager une externalisation accrue du maintien en condition opérationnelle (MCO) des matériels militaires, à l'instar des Britanniques ? Notre temps n'est plus celui du Désert des Tartares : inutile d'entreposer d'importantes quantités d'armes pour parer à une hypothétique invasion des chars du Pacte de Varsovie. La logique d'emploi extensif des matériels impose de mettre l'accent sur l'entretien des matériels. Or la technicité a un coût que réduirait une meilleure coopération entre privé et public. Contrairement à ce que l'on croit ces deux mondes ne s'opposent pas. Pour exemple, en tant que président de Safran, j'ai été très bien reçu par le personnel et les syndicats de l'Atelier industriel aéronautique de Bordeaux, il y a quelques mois. Faisant le même métier, nous serons tous gagnants à des partenariats public-privé, y compris sur le plan social. S'agissant de la permanence de la maintenance des industriels en temps de guerre sur le terrain il suffirait de recourir au système des réservistes, ce qui serait une autre façon de cimenter l'unité nationale.

Enfin, l'Europe de la défense n'est pas une réponse immédiate au défi que nous devons affronter. De fait, la mutualisation des forces suppose que les États membres de l'Union s'entendent sur leur doctrine d'utilisation. La rationalisation et la mise en commun des moyens industriels sont une nécessité, mais ne nous attendons pas à des miracles, tant qu'il n'y aura pas de partage des systèmes de force. Prenons l'exemple du fameux moteur de l'A400M, que la Snecma, membre du groupe Safran, construit avec Rolls Royce. Le retard du programme de deux ans est lié à la difficulté d'obtenir la certification civile du logiciel de contrôle du moteur, théoriquement indispensable avant un premier vol. Cela n'a rien de surprenant puisque les pays partenaires de l'A400M ont confié à la société allemande MTU, la moins expérimentée d'Europe, la conception de ce logiciel qui est trois fois plus compliqué que celui de l'A380 civil.

L'Europe de la défense se construira dans la durée, à moins d'une rupture pour des causes peut-être exogènes au monde européen. Sa construction exige que les gouvernants, et donc les peuples, acceptent de penser l'indépendance dans l'interdépendance -ce qui ne doit pas se traduire par une dissémination des bureaux d'études dans chaque pays. La question se pose de savoir avec qui construire l'Europe de la défense ? Il est évident qu'elle ne se fera pas à 27... Avec les Britanniques ? Nous pouvons cheminer un peu ensemble, mais le Royaume-Uni reste une île... Son intérêt passe avant le reste. L'Europe du Sud est une piste sérieuse, en particulier l'Italie. L'Espagne n'est pas à sous-estimer au regard de ses importants efforts ces vingt dernières années en faveur des industries de défense, aéronautique et électronique. Enfin, la question de l'Allemagne relève de la sphère politique.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

Quelles expériences avez-vous des coopérations franco-britanniques ? Quelles sont les perspectives en ce domaine ? La question est d'actualité : côté britannique, M. Liam Fox, actuel ministre de la défense, est devenu leur apôtre et leur Livre blanc, dont la préparation est en cours outre-Manche, les mettrait en exergue ; côté français, M. Hervé Morin a même mis des experts à la disposition des Britanniques qui sont intéressés par notre expérience et notre méthodologie en matière d'élaboration du Livre blanc. Il existe, par ailleurs, le groupe de haut niveau coprésidé par le délégué général pour l'armement et son homologue britannique.

Debut de section - Permalien
Jean-Paul Herteman, président du CIDEF

Dans le secteur aéronautique, les coopérations sont fructueuses. Depuis le Jaguar, il n'y pas eu de coopération franco-britannique, si l'on excepte la contribution britannique à l'A400M. Cependant, la Snecma et Rolls Royce, entreprises directement concurrentes dans le secteur de l'aéronautique civile, qui représente 80 % de notre métier, construisent ensemble, après le Jaguar, le Hawk et le T-45 Hawk. Pour la réalisation du moteur de l'A400M, notre coopération a été efficace. Elle a même donné lieu à un peu de transfert technologique. Nous nous sommes immédiatement mis d'accord sur le fait que la turbine haute pression et la chambre de combustion, soit les parties chaudes, reviendraient à la Snecma, et l'architecture du moteur à Rolls Royce. Cela s'explique aisément : le moteur de l'A400M est à 5 % près celui du moteur de 14 000 livres de poussée que nous développons pour l'avion russe Sukhoï SuperJet 100, d'où des économies d'échelle. De son côté, Rolls Royce est le seul systémier à savoir construire des moteurs à trois arbres de rotation, c'est-à-dire à trois corps fonctionnant à des vitesses différentes. Nous avons su dépasser nos egos pour offrir au client le meilleur produit au meilleur coût.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Boulaud

A considérer les réserves du premier constructeur français face aux coopérations, la France n'est-elle pas, elle aussi, une île en matière d'industrie aéronautique ?

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Reiner

Comment les industriels français, au-delà de leurs intérêts respectifs, peuvent-ils faire oeuvre utile en éclairant la prise de décision politique sur la meilleure manière de procéder à des coupes budgétaires ? Soutenir l'effort en matière de recherche et de technologies stratégiques est une nécessité qui s'impose à tous, politiques comme industriels. Sans quoi, disait Hubert Védrine dans un récent article, le protectorat nous guette. La crise, cet épisode malheureux, déclenchera peut-être une féconde réflexion à long terme...

Debut de section - Permalien
Jean-Paul Herteman, président du CIDEF

Si le réflexe national joue en matière de défense, il faut souligner que Safran réalise plus de 50 % de ses activités de défense à l'exportation et l'industrie française en moyenne 40 %. Notre pays n'est donc pas une île incapable de partenariats internationaux.

Monsieur Reiner, nous sommes prêts à contribuer au débat en insistant sur les programmes structurants à long terme et les pistes d'économie dans les cinq années à venir. Mais, n'en attendez pas trop de nous : pour reprendre la boutade américaine, « il ne faut pas consulter les dindes sur le menu de Thanksgiving » !

Debut de section - Permalien
Christian Mons, président du GICAT

En effet ! La préparation de l'avenir exige de ne pas réduire les équipes de développement qui assureront notre indépendance dans l'interdépendance. Hormis le nucléaire, il faut désormais penser en termes européens. Le ministère de la défense a établi différents scenarii entre lesquels il ne nous appartient pas de trancher. Pour compenser l'impact négatif des coupes budgétaires telles qu'on les a annoncées, nos industries doivent concentrer prioritairement leurs forces sur les activités d'exportation. En effet, les conséquences de l'Europe de la défense ne se feront sentir que dans cinq à dix ans alors que nous pouvons obtenir des résultats rapides en faisant preuve de volontarisme politique, d'une meilleure coopération avec le ministre des affaires étrangères et d'une plus grande agressivité commerciale.

Debut de section - Permalien
Jean-Paul Herteman, président du CIDEF

Malgré une forte demande des grands pays émergents, la situation sera difficile. La compétition internationale sera également plus intense, nos concurrents étrangers adoptant la même stratégie que la nôtre face aux coupes budgétaires. Souvenez-vous : après la guerre du Vietnam, nous n'avons pas vendu un hélicoptère durant des années. Renforçons la maison France par des technologies plus avancées, c'est notre atout à l'export.

Debut de section - Permalien
Christian Mons, président du GICAT

La recherche et développement est indispensable à la compétitivité de la France, à l'efficacité de son armée et au développement de ses exportations. Son budget doit être maintenu, voire augmenté dans le cas de l'armement terrestre. Une coupe de 50 % dans le budget actuel était une grosse erreur. Quant à répartir l'effort entre les acteurs, sachez que la solidarité entre entreprises a ses limites.

Debut de section - PermalienPhoto de André Trillard

Les coupes budgétaires menacent-elles votre capacité à accélérer la cadence de production en cas de conflit ?

Debut de section - Permalien
Christian Mons, président du GICAT

En matière de construction de plates-formes et d'armement -canons et tourelles-, nous sommes à l'étiage : il nous faudrait plusieurs années pour réussir à produire 5 000 chars.

Debut de section - Permalien
Jean-Paul Herteman, président du CIDEF

Dans l'aéronautique, la situation est différente car l'existence d'un secteur civil donne plus de marges de manoeuvre. Pour autant, je veux souligner que nous avons perdu des capacités dans la chaîne en amont : le titane vient aujourd'hui de Russie ou des Etats-Unis, sans parler des composants électroniques.

Debut de section - Permalien
Christian Mons, président du GICAT

Nous achetons l'acier pour le blindage en Suède...

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Boulaud

Une question qui irriterait sans doute le général Georgelin : le retour de la France dans le commandement intégré de l'Otan a-t-il des conséquences sur les industriels ?

Debut de section - Permalien
François Dupont, amiral, représentant du GICAN

Non. Tout dépendra, à long terme, des investissements de l'Otan.

Debut de section - Permalien
Jean-Paul Herteman, président du CIDEF

Nous avons des pistes, entre autres obtenir la labellisation de l'Otan pour certains de nos armements originaux comme l'armement air-sol modulaire, ce qui nous assurera des perspectives d'exportation considérables. Nous y travaillons, mais nous sommes encore loin du compte.

Debut de section - Permalien
Christian Mons, président du GICAT

J'ajoute que, signe évident du retour de la France dans toutes les structures de l'OTAN, depuis un an et demi environ, la Namsa, l'organisme d'achat de l'Otan, nous consulte. Bref, à long terme, les effets se feront sentir.

Debut de section - Permalien
François Dupont, amiral, représentant du GICAN

Les coopérations sont toujours plus difficiles dans le domaine des plates-formes que celui des systèmes de combat et de missiles.

Debut de section - Permalien
Jean-Paul Herteman, président du CIDEF

car les plates-formes, contrairement à l'équipement, touchent à la souveraineté nationale.

Debut de section - Permalien
François Dupont, amiral, représentant du GICAN

L'intégration entre industriels européens est plus poussée qu'on ne le pense. Difficile de dire, dans un salon d'armement, si telle ou telle société est française ou multinationale. Cela est vrai de Thales, mais n'oublions pas que le CFM 56, le moteur le plus vendu au monde, est le fruit d'une coopération...

Debut de section - Permalien
Jean-Paul Herteman, président du CIDEF

et que son premier client est the United States Air Force !

Debut de section - Permalien
François Dupont, amiral, représentant du GICAN

D'autant que notre industrie est au meilleur niveau international. Le bâtiment de projection et de commandement (BPC), que les Russes vont peut-être acheter, est un produit de conception totalement française, intelligent parce qu'il utilise de la technologie civile. Les FREMM, que nous pourrions vendre en d'autres circonstances, économiques et politiques, à la Grèce, au Maroc et à l'Algérie, sont également des matériels très en avance sur leur temps, de même que le Rafale. Il serait dommage de ne pas mettre en avant ces produits de conception française fabriqués par l'industrie européenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Boulaud

J'étais content que l'on gagne la coupe du monde en 1998 !

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Reiner

Vous voulez garantir l'avenir et sanctuariser les crédits amont.

Debut de section - Permalien
Christian Mons, président du GICAT

Autant que faire se peut : nous le devons aux générations futures.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Reiner

Tout le monde a compris que, sur le long terme, il serait plus facile, pour réduire les coûts des programmes lancés en Europe, que les états-majors se mettent d'accord sur des équipements fondamentaux suffisamment proches. Après, s'agit-il d'une décision politique ou d'artisan ? L'exemple de l'Agence européenne de défense n'est pas probant, même si l'OCCAR réussit mieux. De même les accords de Saint-Malo sont merveilleux, mais qu'est-ce que cela donne concrètement ? Cela ne passera donc pas par le politique. Thales et MBDA offrent de bons exemples de sociétés nées en Europe et qui y travaillent. Si MBDA connaît de petits soucis cela va plutôt bien pour Thales. Faut-il suivre ces deux exemples et qui peut le faire ? On le sait, il y a beaucoup de fabricants de blindés en Europe : des regroupements seront indispensables.

Debut de section - Permalien
Christian Mons, président du GICAT

Pour faire une entreprise, il faut des entrepreneurs. On peut associer des noms aux entreprises dont vous avez évoqué la réussite. Même si un accompagnement politique est nécessaire, on a d'abord besoin d'un plan d'entreprise ambitieux conduit par un entrepreneur s'appuyant sur des partenaires fiables. Les sociétés européennes produisant des véhicules blindés qui ne seront pas fédérées par un entrepreneur, disparaîtront. Certains, tel BAE, sont déjà à l'oeuvre : ce sont les Anglo-américains et les Allemands. Si nous restons aussi discrets et modestes, nous disparaîtrons.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

Pour appuyer votre analyse je rappelle que les Français, qui avaient fait la meilleure réponse à l'appel d'offre britannique en cours pour un véhicule blindé de combat d'infanterie, ont été finalement écartés au profit des américains. Le choix a été justifié par une question de souveraineté... L'initiative doit-elle venir du politique ou celui-ci doit-il faire confiance aux industriels ? Autrement dit, saurez-vous vous entendre ou une impulsion politique est-elle nécessaire ?

Debut de section - Permalien
Christian Mons, président du GICAT

Les politiques peuvent accompagner. J'observe que la plus grande entreprise de plates-formes terrestres est étatique : il faudrait décider de la confier à un industriel qui aurait ainsi la liberté d'action.

Debut de section - Permalien
Christian Mons, président du GICAT

Il peut donner un signal ; on lui demande de laisser faire et non de faire.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

Les Allemands, quoique devenus pacifistes, ont une industrie de l'armement qui marche très fort.

Debut de section - Permalien
Christian Mons, président du GICAT

Privées à 100 %, ces sociétés ont un client étatique très attentif à leurs intérêts et qui partage son marché entre elles. Elles disposent donc d'un marché captif très rentable. Rheinmetall a réalisé cinq acquisitions depuis un an et son chiffre d'affaires va passer de 3 milliards d'euros cette année à 5 milliards.

Debut de section - Permalien
Jean-Paul Herteman, président du CIDEF

Le politique n'est jamais loin et l'industriel allemand dont j'ai parlé, la société MTU, a pu présenter une lettre de son ministre exigeant que telle tâche lui revienne, faute de quoi le gouvernement allemand se désintéresserait du projet A400M -lettre qu'il lui a peut-être suggérée... Nous ne sommes pas sur un marché comme les autres et ceux qui gagneront seront ceux qui auront établi la plus grande symbiose entre industriels et politiques par une démarche très coordonnée.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Reiner

Cela dit, les pouvoirs politiques sont totalement nationaux et la dimension européenne n'est pas opératoire. Nous sommes schizophrènes. Entendons les Anglais sur l'Agence européenne de défense...

Debut de section - Permalien
Jean-Paul Herteman, président du CIDEF

Ils l'ont faite pour qu'elle ne marche pas, avec peu de budget et des clauses de propriété intellectuelle impensables. Nous devrions en effet céder la propriété intellectuelle à l'ensemble des Vingt-Sept, tant pour les travaux de foreground que pour le background, qui est notre propriété. Veut-on ainsi détruire l'emploi industriel en France ? C'est le contraire de ce qu'il faut faire !

Debut de section - Permalien
Christian Mons, président du GICAT

L'Europe de la Défense ne se fera pas en appliquant la loi du juste retour.

Debut de section - Permalien
Jean-Paul Herteman, président du CIDEF

Ou alors des retours intelligents...

Debut de section - Permalien
François Dupont, amiral, représentant du GICAN

Notre jugement sur l'AED sera-t-il aussi sévère dans dix ans ? Certes, le budget de l'Agence est sous-évalué et elle n'occupe qu'une centaine d'agents. Cependant, elle est l'endroit où l'on traite de la veille stratégique et des recherches à conduire. Il s'agit de fixer des programmes pour que les industriels puissent agir demain. Ne soyons donc pas trop pessimistes.

Debut de section - Permalien
François Dupont, amiral, représentant du GICAN

De l'incitation ! Elle devra montrer qu'elle a une réalité politique. Mais je voudrais revenir sur l'externalisation. C'est le sujet sur lequel les forces armées et les industriels peuvent se rejoindre, en mettant tout à plat pour une démarche gagnant-gagnant. Les entreprises doivent avoir un vrai rôle à jouer. Encore convient-il que les forces armées ne craignent pas pour leur coeur de métier. Quand on a suspendu le service national, nous avons dû nous montrer plus intelligents et ne plus nous demander comment occuper les appelés. De la même manière, nous devons aujourd'hui penser autrement et, par exemple, savoir si l'on veut des avions ou des heures de vol.

Debut de section - Permalien
Christian Mons, président du GICAT

Il y a déjà eu un mouvement, même s'il faut l'amplifier. Il existe des poches de productivité et d'économies. L'idée n'est pas très facile à accepter pour les AIA (ateliers industriels de l'aéronautique), mais il n'y a pas de raison d'assurer la maintenance régulière des avions militaires, les grandes visites, autrement que celle des avions civils, même si la maintenance en piste doit être assurée par des militaires. Les statuts du personnel militaire et des ouvriers de l'Etat entraînent des contraintes et des coûts considérables.

Debut de section - Permalien
François Dupont, amiral, représentant du GICAN

La société Helidax de DCI met à disposition des hélicoptères pour la formation et l'entraînement des personnels de l'armée de terre et quand on passe de 80 Gazelle à 36 EC 120 Colibri, on réduit les coûts de l'heure de vol de 2 300 euros à 800. A Dax, où cette société est basée, la présentation est assurée simultanément par le représentant de la société et le colonel de l'ALAT qui se félicite de la souplesse ainsi procurée et du moindre coût.

Debut de section - Permalien
Christian Mons, président du GICAT

Quand j'étais chez Thales, j'ai participé à la mise en place d'un partenariat public privé innovant pour les ravitailleurs anglais, et ça marche.

Debut de section - Permalien
Agnès Ferragu-Palomeros, directeur des affaires institutionnelles du GIFAS

Cela n'est pas tout à fait exact : le MRTT, le multi-role transport tanker, coûte très cher aux Anglais.

Debut de section - Permalien
Christian Mons, président du GICAT

A cause de la certification des pilotes civils pour des avions militaires.

Debut de section - Permalien
Agnès Ferragu-Palomeros, directeur des affaires institutionnelles du GIFAS

Pour plusieurs raisons : les clients sont uniquement militaires alors qu'il était prévu un partage avec des clients civils, les négociations ont duré plus de six années, le risque a été supporté par l'industrie ...

Debut de section - Permalien
Christian Mons, président du GICAT

Je signalais une démarche qui me paraît devoir être élargie sans tabou. Or, en France, on ignore les coûts réels des services publics parce que leur comptabilité n'est pas analytique et n'inclut pas les retraites, l'énergie, ou encore la surface occupée par les installations. Le problème de coût a été le même pour les Anglais. Sait-on combien nous coûtent nos ravitailleurs ?

Debut de section - Permalien
Agnès Ferragu-Palomeros, directeur des affaires institutionnelles du GIFAS

Il semblerait qu'ils coûtent cher : on estime que dix heures de MCO sont nécessaires pour une heure de vol compte tenu de l'âge du parc.

Debut de section - Permalien
Christian Mons, président du GICAT

Il a fallu inclure le coût des bases aériennes pour les ravitailleurs anglais.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Reiner

L'institution militaire est prête à entendre ce discours parce qu'elle raisonne désormais en coût de possession. Passer de la Gazelle au Tigre, d'un vieux char à un Leclerc, cela entraine des coûts considérables en termes de MCO...

Debut de section - Permalien
Christian Mons, président du GICAT

Les états-majors y sont favorables, mais cela se heurte à des difficultés insoupçonnées. La gendarmerie envisage de nous louer des blindés pour aller en Côte-d'Ivoire ou en Géorgie ; or un blindé est une arme de catégorie 2 et une société de leasing ne peut en posséder, de sorte que les banquiers ne peuvent assurer le financement en d'une opération de leasing de matériel de guerre. Il faudrait assouplir une réglementation qui date de Napoléon III car, en restreignant l'offre à l'État ou au fabricant, on nous limite à notre seule capacité financière.

Debut de section - Permalien
Christian Mons, président du GICAT

La législation y est très différente, s'agissant des armes. Voilà en tout cas des sujets sur lesquels l'état-major est très désireux de transformer de l'investissement en coûts de fonctionnement. Nous ne sommes pas hostiles à des formules de location car cela permettrait de mutualiser les efforts. Tous les pays n'étant pas engagés en même temps en Afghanistan ou au Kosovo, ils pourraient alléger les coûts tout en disposant immédiatement du matériel. Nous avons présenté des offres à la Namsa.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

Je vous ai trouvé optimiste sur l'exportation et sur la capacité de l'industrie à compenser la diminution des commandes par l'export. La war room de l'Elysée vous y aide-t-elle ?

Debut de section - Permalien
Christian Mons, président du GICAT

Nous fondons tous de grands espoirs sur l'exportation, avec l'aide de la war room de l'Elysée, mais aussi de la maison France, avec ses ambassadeurs, même si tous ne sont pas encore motivés, et avec les attachés militaires...

Debut de section - Permalien
Christian Mons, président du GICAT

Ubifrance s'ouvre sur l'armement et nous aide sur les salons étrangers. Nous devons tous nous mobiliser sur ces marchés hyperconcurrentiels. Même si les Américains ont un marché captif bien supérieur, nous défendons nos positions et la Russie, pour des raisons techniques et politiques, est intéressée par nos produits, comme le serait la Chine.

Debut de section - Permalien
Christian Mons, président du GICAT

Il fera jour demain... Notre VBL a été copié par cinq pays, mais nous en avons vendu 2 500 et nous en vendrons encore parce que nous gardons notre avance technologique -elle constitue notre meilleur brevet. Alors qu'un brevet coûte très cher à déposer ou à défendre, le meilleur produit est celui qui a de l'avance technologique et qui la conserve. Des Européens, dont les Turcs, nous ont copiés mais la R.-D. reste déterminante et, pour garder notre capacité de vente, nous avons besoin de bureaux d'études et d'une R.-D. efficace.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

Je vous remercie beaucoup de nous avoir tant appris alors que nous sommes confrontés à des choix délicats.

Debut de section - Permalien
Christian Mons, président du GICAT

Faites les bons !

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

Il faut sanctuariser la R.-D. et l'amont afin de ne pas être définitivement distancés. En cette période difficile, vous nous donnez des motifs de ne pas être exagérément pessimistes. L'externalisation donne des marges...

Debut de section - Permalien
Christian Mons, président du GICAT

C'est certainement important car une entreprise, comme un garage, a besoin d'activités récurrentes. Le MCO représente tous les ans 35 % du chiffre d'affaires de Panhard, avec de bonnes marges et peu de risques, contrairement à la R.-D. Comme disait mon père, on a besoin d'un pas de porte et d'un fonds de commerce ainsi que de chalands qui visitent régulièrement l'entreprise. Un VBL représente quarante années de pièces de rechange. Cependant, on n'est pas allé jusqu'au bout de la logique quand on a créé le GIAT et la DCMAT commence seulement à externaliser.

Debut de section - Permalien
Agnès Ferragu-Palomeros, directeur des affaires institutionnelles du GIFAS

Je voudrais revenir sur la réduction du budget de la défense et son impact sur l'industrie. La défense a déjà beaucoup contribué à la baisse des dépenses et la RGPP conduit à une réduction de 54 000 personnes. Dans ces conditions, ce sont les programmes qui seront touchés. Or, une baisse importante des budgets alloués aux programmes affecterait des PME-PMI qui ont déjà beaucoup souffert de la crise. Le démantèlement des équipes qui en résulterait se traduirait par du chômage et, à ce coût social très lourd il faudrait ajouter la perte de compétences et de qualité. De plus, des réductions de cibles ou le décalage des programmes engendreraient de nouvelles charges qui se traduiraient par une augmentation des coûts unitaires, une baisse de la compétitivité et constitueraient un handicap pour les exportations. Il est certes nécessaire de réaliser des économies, mais est-il opportun de les faire porter sur le budget d'équipement qui fait vivre directement plus de 160 000 personnes et qui constitue une source d'emplois à haute plus-value.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

Je vous remercie de l'avoir annoncé si clairement. Vous avez plaidé avec éloquence sur un sujet sur lequel nous avons un débat avec le ministre et au plus haut niveau. Sur quoi les économies vont-elles porter ? S'il s'agit du format, les armées ont déjà beaucoup donné, et passer au-delà de 54 000 hommes porterait un coup au moral. Si l'on n'ampute pas les capacités, ce seront les équipements : quels seront les moins mauvais choix ? Nous serions heureux d'être dispensés de cet exercice...