La commission a tout d'abord procédé à l'audition de M. Philippe Montagner, président de Bouygues Télécom.
a ouvert la séance en rappelant que le sujet de la couverture du territoire en téléphonie mobile avait fait l'objet, la semaine dernière, d'une question orale avec débat au Sénat. Il a estimé qu'après cet échange entre les sénateurs et le Gouvernement, il était apparu utile d'entendre les opérateurs de téléphonie mobile directement intéressés par le sujet.
a commencé par présenter l'entreprise qu'il dirige. Il a ainsi précisé que Bouygues Télécom fêtait ses dix ans, qu'elle comptait 8 millions de clients, dont 5,5 millions abonnés à des forfaits téléphoniques, et que son personnel se composait de 7.300 personnes, dont 2.500 conseillers de clientèle, tous localisés en France.
Il a relevé que, malgré un chiffre d'affaires de 4,5 milliards d'euros, Bouygues Télécom ne dégageait qu'un résultat net de 352 millions d'euros. Surtout, il a fait valoir que le cumul des résultats nets de Bouygues Télécom sur dix ans restait négatif, ce qui traduisait bien le risque énorme qu'avait pris l'entreprise et les investissements très lourds qu'elle avait consentis. Il a rappelé que Bouygues Télécom avait dynamisé le marché de la téléphonie mobile en le développant en direction du grand public, notamment grâce à la création des forfaits. Il a observé que la difficulté rencontrée par Bouygues Télécom tenait à la faible couverture de son réseau initial et au fait que ses concurrents, dotés d'une couverture territoriale plus large, s'étaient empressés d'imiter ses innovations commerciales. Revenant sur le positionnement de l'entreprise à l'égard de ses deux concurrents principaux, Orange et SFR, il a relevé que le chiffre d'affaires de Bouygues Télécom représentait le seul résultat opérationnel d'Orange France et a déploré, de ce fait, que le régulateur du secteur, sur les différents dossiers qu'il avait à instruire, traite les trois opérateurs à égalité plutôt qu'en équité. Il a souligné que, malgré cette difficulté, Bouygues Télécom persistait à innover, par exemple en proposant, depuis novembre 2002, des services i-mode utilisant un réseau national haut débit Enhanced Data rates for Global Evolution (EDGE), et, également, en lançant récemment une offre de téléphonie mobile illimitée vers tous les téléphones fixes ou mobiles de 20 h à 24 h.
Malgré ces efforts d'innovation, M. Philippe Montagner, président de Bouygues Télécom, a constaté que la part de marché de son entreprise apparaissait bloquée autour de 17 %, les deux groupes concurrents de Bouygues Télécom freinant la croissance de l'entreprise.
Evoquant les perspectives de l'entreprise, il a estimé qu'elle était confrontée à quatre défis : d'abord, l'entrée sur le marché de la téléphonie mobile des opérateurs virtuels ; ensuite, le développement explosif de la téléphonie sur internet, qui, en raison de sa quasi-gratuité, encourageait une nouvelle substitution, non plus du mobile au fixe, mais du fixe au mobile ; en outre, l'apparition de contraintes réglementaires toujours nouvelles, parmi lesquelles la baisse imposée des tarifs des appels entrants, la mise en oeuvre d'une portabilité des numéros mobiles, certes intéressante pour un troisième opérateur, mais coûteuse à développer, et enfin, la nécessité de déployer de lourds investissements pour le déploiement des réseaux Universal Mobile Telecommunications System (UMTS).
S'agissant de la couverture des zones blanches en téléphonie mobile, M. Philippe Montagner, président de Bouygues Télécom, a assuré la commission du fait que son entreprise avait toujours été volontaire pour contribuer au développement rapide de cette couverture, mais en équité, c'est-à-dire conformément à sa part de marché. Or, a-t-il noté, il n'a pas été possible de convaincre les deux autres opérateurs sur ce point, si bien que le poids de l'élargissement de cette couverture mobile repose finalement, à parts strictement égales, sur les trois opérateurs. Il a par ailleurs observé que plus le temps passait, plus le montage des antennes devenait difficile et long -26 mois désormais contre 18 auparavant- en raison de contraintes réglementaires croissantes.
Concernant l'UMTS, M. Philippe Montagner, président de Bouygues Télécom, a estimé qu'il serait judicieux de parler dès à présent du projet de couverture des zones rurales en UMTS. Il lui a semblé préférable de prévoir cette couverture par un réseau commun aux trois opérateurs utilisant exclusivement la technologie la plus moderne de transfert de données, ce qui permettrait aussi le transport de la voix sur Internet, et qu'il serait utile de le concevoir d'emblée pour organiser ensuite le déploiement complémentaire du réseau de troisième génération de chacun des trois opérateurs.
A l'issue de cette intervention, M. Charles Revet a souhaité obtenir confirmation du fait que Bouygues Télécom était bien l'opérateur en charge de la couverture de son département de Seine-Maritime et connaître les modalités de ce déploiement.
a rappelé que le Sénat s'était prononcé, sur l'initiative de son collègue M. Bruno Sido, en faveur du principe d'itinérance locale et qu'un point avait été opportunément fait sur le dossier lors de la question orale avec débat de la semaine passée. Il a rappelé que, dans son département, presque 100 % du territoire était couvert en haut débit, alors que les zones « blanches », non couvertes en téléphonie mobile et identifiées lors du Comité interministériel d'aménagement et développement du territoire (CIADT) de 2001, restaient les mêmes aujourd'hui. Il a pourtant noté que sept pylônes seulement étaient nécessaires pour couvrir toutes ces zones blanches et regretté que Télédiffusion de France (TDF) ne mette pas ces pylônes à disposition des opérateurs de téléphonie mobile dans des conditions acceptables.
évoquant la Lozère dont il est l'élu, a rappelé que la phase I du plan de couverture était bien avancée, même s'il espérait que, dans le choix des pylônes, un accord serait trouvé entre les opérateurs, concentrés sur la couverture du centre des communes, et les élus locaux qui souhaitent, plus largement, couvrir le plus de territoire possible, grâce à des pylônes plus grands, mais plus chers. S'agissant de la phase II, dont il a rappelé qu'elle était à la charge des opérateurs, il a exprimé l'attente des élus locaux et suggéré que des efforts soient faits pour que les trois opérateurs s'accordent afin d'utiliser les équipements déjà existants sur le territoire.
n, a répondu à M. Charles Revet en lui confirmant que Bouygues Télécom était bien le chef de file du plan de couverture mobile de son département en phase I et que 11 pylônes avaient déjà été définis sur ce territoire mais que leur mise en place était longue. A ce sujet, il a rappelé que les trois opérateurs avaient, à fin décembre, implanté 378 pylônes et que ce chiffre serait porté à 1.000 d'ici à la fin de l'année 2006. Il a renvoyé, pour plus de détails, aux documents qu'il avait fait distribuer et qui avaient été établis par l'autorité de régulation des communications électroniques et des Postes (ARCEP) pour faire le point, département par département, sur l'avancement du plan de couverture des zones blanches.
En réponse à M. Jean-Pierre Vial, il a précisé, que sur les 6 pylônes de Bouygues Télécom pour la phase I, un pylône allait prochainement ouvrir et que, par ailleurs, cinq pylônes étaient en cours d'autorisation. Il a également déploré les prix pratiqués par TDF pour la location de ces pylônes.
En réponse à M. Jacques Blanc, il a rappelé que si un accord entre les trois opérateurs mobiles était déjà intervenu au plan national, il était possible qu'un nouvel accord soit nécessaire localement pour la mutualisation de certains équipements. Il a aussi précisé que 13 pylônes étaient déjà déployés en Lozère.
a souligné que Bouygues Télécom faisait figure de « petit Poucet » des opérateurs et qu'il usait des « petits cailloux » de l'innovation pour être à la hauteur des deux autres. Par ailleurs, s'agissant de l'UMTS, il s'est interrogé sur le choix opéré par Bouygues Télécom pour favoriser la technologie EDGE, s'inquiétant notamment d'une pénalisation de Bouygues Télécom dans le temps, alors même qu'Orange s'apprêtait à développer le très haut débit.
a souhaité connaître la raison des difficultés invoquées par M. Philippe Montagner, concernant le montage des antennes de téléphonie mobile, s'interrogeant notamment sur leur lien avec les préoccupations relatives à la santé.
a rappelé qu'au sein de l'Association des départements de France (ADF), il suivait le dossier de l'avancement de la couverture mobile du territoire et a fait observer le rôle majeur que tenaient les départements dans ce projet. Il a noté que, lors de la phase I, les collectivités territoriales prenaient en charge les infrastructures passives et que l'essentiel de leur déploiement serait réalisé d'ici à la fin de l'année 2006. Il a ensuite souligné les difficultés que représentaient le financement par l'Etat de ce plan de couverture ainsi que la persistance de zones grises, sujet sur lequel les opérateurs semblaient ne pas vouloir s'entendre, ce qui devait inciter le Gouvernement à se rapprocher de l'autorité de régulation et du Conseil de la concurrence, afin que l'ensemble du territoire soit desservi par les trois opérateurs et que les zones déjà couvertes en téléphonie mobile ne bénéficient pas d'un service de qualité moindre que les zones nouvellement couvertes grâce au plan actuellement en cours de déploiement.
a répondu à M. Gérard Cornu en lui indiquant que le choix de Bouygues Télécom de retenir la technologie EDGE était un choix d'optimisation dans la mesure où il était apparu nettement moins coûteux de déployer sur l'ensemble du territoire cette technologie, d'un débit à peine deux fois moindre que celui de l'UMTS, pour ensuite consacrer des investissements importants au développement de la nouvelle génération de débit qui sera trois à cinq fois supérieur à celui des technologies EDGE et UMTS. Il a donc considéré qu'il s'agissait d'un risque commercial maîtrisé et convenu qu'il serait impératif pour Bouygues Télécom de ne pas manquer la prochaine génération.
Répondant ensuite à M. Pierre-Yvon Trémel, M. Philippe Montagner, président de Bouygues Télécom, a expliqué que le temps nécessaire au montage des antennes de téléphonie mobiles se passait en obtention de permis et d'autorisations divers et en enquêtes et contre-enquêtes variées pour répondre aux préoccupations d'environnement et de santé. S'agissant des conflits entre opérateurs et clients, il a convenu que, dans ces débuts, Bouygues Télécom avait pu rencontrer des difficultés dans la gestion de la croissance forte de sa clientèle mais que, cette croissance étant désormais maîtrisée, Bouygues Télécom faisait l'objet de beaucoup moins de plaintes de la part de ses clients suite à l'annonce de l'amende du Conseil de la concurrence (seulement 700 appels sur 7 millions de clients), les plaintes des clients s'orientant plutôt, aujourd'hui, vers les fournisseurs d'accès à internet. Il a donc considéré que les actions menées par les associations de consommateurs, à commencer par UFC-Que Choisir, ne mettaient pas fondamentalement en cause Bouygues Télécom. Toutefois, il a reconnu que le discours consumériste, consistant à dénoncer l'entente entre les trois opérateurs et le niveau élevé des prix en téléphonie mobile, lui paraissait difficile à comprendre à l'heure où nul ne souhaite acquérir la quatrième licence UMTS, malgré son faible prix -619 millions d'euros- et malgré le fait qu'elle s'assortissait d'une itinérance sur les trois autres opérateurs, qui la rendait très attractive.
Quant aux interrogations de M. Michel Teston, M. Philippe Montagner, président de Bouygues Télécom, a estimé que les deux autres opérateurs français semblaient considérer qu'ils n'avaient pas intérêt à favoriser l'itinérance en zone grise, dans la mesure où ils jugeaient qu'un tel développement serait à l'avantage de Bouygues Télécom. Il a souligné en outre les difficultés d'interopérabilité des systèmes, qui n'avaient pas été conçus en même temps ni dans cette perspective. Il en a conclu à la nécessité d'anticiper sur les problèmes similaires que poserait le déploiement de la troisième génération de téléphonie mobile. Il a estimé que le transport de la voix sur Internet pourrait constituer une solution au problème, pour peu que les réflexions sur ce thème aient été menées suffisamment en amont.
après avoir rappelé qu'il avait présenté un rapport sur les antennes de téléphonie mobile, a souhaité savoir si l'on assistait à une évolution en matière d'acceptation des implantations d'antennes. Il a jugé que la situation opposait les villes, où celles-ci étaient mal accueillies, et les zones rurales, où on se plaignait au contraire d'une implantation insuffisante. Il a souhaité savoir à ce titre si les chartes élaborées entre les villes et les opérateurs facilitaient l'implantation des antennes. M. Philippe Montagner, président de Bouygues Télécom, a indiqué en réponse que le phénomène de rejet existait toujours en matière d'implantation des antennes-relais, bien que leur innocuité ait été établie. Il a estimé que la mise en place des chartes évoquées par M. Daniel Raoul permettait d'améliorer les conditions d'implantation des antennes téléphoniques, même si cette démarche allongeait les procédures d'installation. Il a jugé qu'au niveau global, l'implantation des antennes téléphoniques semblait susciter un rejet moins important que par le passé, même si des difficultés demeuraient sur certains sites en particulier en zones urbaines.
après s'être félicité de la qualité des documents fournis par M. Philippe Montagner, a rappelé l'importance de la question des zones grises.
ayant souhaité obtenir des précisions, d'une part, sur la définition des notions de mutualisation et d'itinérance et, d'autre part, sur la raison des coupures de liaisons sur les autoroutes, M. Philippe Montagner, président de Bouygues Télécom, a rappelé que la mutualisation consistait à installer sur un pylône commun aux trois opérateurs les équipements de chacun d'entre eux ; l'itinérance consistait, elle, à ce qu'un opérateur propriétaire d'un pylône autorise les autres à utiliser son infrastructure pour relayer leurs communications. Concernant la couverture des autoroutes, il a estimé que celle-ci était plutôt de bonne qualité. Il a indiqué que les terminaux, en revanche, étaient plus ou moins sensibles aux conditions d'émission. Il a fait valoir que la question se posait différemment en matière de trains, la vitesse de ceux-ci étant souvent un obstacle à des communications de bonne qualité. Dans ces conditions, la solution consisterait sans doute à développer une autre technologie. M. Daniel Reiner ayant souhaité savoir ce qu'il en serait lors de la mise en place du train TGV-Est, M. Philippe Montagner, président de Bouygues Télécom, a estimé que les technologies actuellement en oeuvre ne permettraient pas une couverture parfaite de ce dernier en téléphonie mobile.
a vivement déploré les dégradations commises par les sous-traitants des opérateurs sur les châteaux d'eau sur lesquels étaient implantées des antennes-relais. Il a souligné que ces incidents étaient d'autant plus graves que les châteaux d'eau étaient soumis à des contrôles de sécurité très stricts. Il a également regretté que l'impact visuel des antennes-relais installées sur ces châteaux d'eau ne soit pas pris en compte, alors même que cet élément l'avait été lors de l'édification de l'ouvrage. Il a enfin estimé que la cartographie des zones blanches ne reflétait pas la réalité, certaines zones étant considérées comme couvertes bien que les communications ne fussent possibles que depuis des points élevés.
a fait part de sa très grande attention à la question des châteaux d'eau. Il a exprimé son accord de principe pour l'élaboration d'un code de bonne conduite entre les opérateurs et les collectivités sur ce point. Il a indiqué que les sous-traitants de Bouygues Télécom étaient plus souvent en charge de l'installation du matériel que de sa maintenance, celle-ci étant effectuée directement par Bouygues Télécom. Quant aux questions d'esthétique, il a souligné que son entreprise y prêtait une attention croissante. Pour ce qui était, enfin, de la cartographie des zones blanches, il a rappelé que les cartes recouvraient des réalités différentes. En effet, certaines zones permettaient les communications en plein air, d'autres des communications à l'intérieur des bâtiments et d'autres enfin des communications dans les voitures en mouvement.
a déclaré que les aspects techniques et la cartographie du territoire en zones de couleurs différentes ne présentaient à ses yeux aucun intérêt, la seule question importante étant de savoir si le téléphone mobile fonctionnait ou non. Il a estimé à ce titre que les autres pays parvenaient à des résultats bien meilleurs que ceux de la France dans ce domaine.
après avoir abondé dans le sens de M. François Fortassin, a estimé que le chiffre de couverture de la population masquait le fait que 60 % du territoire n'était pas couvert. Il a cité en exemple une zone de 78 kilomètres entre Albi et Toulouse, où la connexion au réseau était impossible. Il en a conclu que les opérateurs privés n'étaient pas parvenus à mettre en place une couverture du territoire satisfaisante et que cela pourrait conduire à réfléchir à l'opportunité de l'intervention d'une entreprise publique dans ce domaine.
En réponse à ces deux interventions, M. Philippe Montagner, président de Bouygues Télécom, a rappelé que le choix avait été fait en France de mettre en place trois réseaux différents, ce qui pouvait paraître une solution peu efficace. Il a estimé que cette faiblesse de conception était naturellement difficile à surmonter parfaitement. Quant à l'impression que pouvaient avoir certains clients que les réseaux étaient plus efficaces dans les pays étrangers, il a souligné le fait que, lorsqu'un étranger passait un appel hors de son pays, sa communication était prise en charge par l'ensemble des opérateurs mobiles opérant sur le territoire où il se trouvait, selon le principe du roaming, qui voulait que, dans ce cas, les communications soient acheminées au mieux. Il s'ensuivait qu'il était vraisemblable que des étrangers se trouvant en France avaient le même sentiment d'une plus grande efficacité du réseau en France que dans leur pays d'origine. S'ajoutait en outre le fait que la géographie de la France en faisait un pays très difficile à couvrir. Il en a conclu qu'afin d'éviter d'être confronté au même problème en matière de haut débit, il fallait entamer dès à présent une réflexion sur la mise en place d'un réseau unique de haut débit qui serait interopérable par tous les opérateurs. M. Daniel Raoul a ajouté que les normes d'émission des ondes radio pouvaient en outre être plus élevées à l'étranger qu'elles ne l'étaient en France, ce qui accroissait la couverture du réseau.
a estimé que le cahier des charges de la couverture du territoire en téléphonie mobile défini en 2003 était trop restrictif et aboutissait à une couverture imparfaite. Il a déclaré que les opérateurs devraient trouver une solution, les collectivités territoriales n'ayant pas l'intention de financer une phase III du plan de couverture en téléphonie mobile.