Commission des affaires sociales

Réunion du 28 novembre 2012 : 2ème réunion

Résumé de la réunion

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  • drogue
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La réunion

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Au cours d'une première réunion tenue dans la matinée, la commission procède à l'examen du rapport pour avis de Mme Laurence Cohen sur le projet de loi de finances pour 2013 (action « Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (Mildt) » du programme « Coordination du travail gouvernemental » de la mission « Direction de l'action du Gouvernement »).

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

L'an dernier, je recommandais à notre commission d'émettre un avis défavorable à l'adoption du budget de la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (Mildt). Depuis 2007, celle-ci concentrait en effet son action sur la répression, n'accordant que peu de place à la prévention et à la réduction des risques, ce qui l'avait coupée des professionnels de l'accompagnement des toxicomanes.

Où en est-on un an plus tard ? L'année 2012 a été pour la Mildt une année de transition. Sa présidence, vacante de mai à octobre, a été attribuée à Mme Danielle Jourdain-Meninger, inspectrice générale des affaires sociales, en remplacement de M. Etienne Apaire. Le plan gouvernemental de lutte contre les drogues et les toxicomanies portait sur la période 2008-2011 ; le prochain devrait être présenté à la fin du premier semestre 2013.

Dans ce contexte, les attentes envers la Mildt sont très élevées de la part de tous les acteurs, policiers, magistrats, médecins ou associations d'aide aux usagers. Tous souhaitent un outil de pilotage interministériel de la politique de l'État qui soit fort, cohérent et équilibré.

Malheureusement, le budget pour 2013 n'est pas à la hauteur : à 22 millions d'euros contre 23,2 millions en 2012, il baisse de 5,5 %. La Mildt est également financée par un fonds de concours alimenté par le produit de la vente des biens saisis aux trafiquants, qui a fortement augmenté ces dernières années avec la création par la loi Warsmann du 9 juillet 2010 de l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués. Cette ressource, qui était de 21 millions d'euros en 2010 et 2011, ne devrait toutefois pas dépasser 15 millions en 2012. Les perspectives pour l'an prochain ne semblent pas meilleures. Ce fonds de concours n'offre qu'un palliatif insuffisant et, par nature, aléatoire au désengagement budgétaire de l'Etat. Il faut néanmoins encourager la Mildt plutôt que la condamner car la tâche à accomplir est immense.

L'Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT), rattaché à la Mildt, dresse un tableau de l'usage de stupéfiants en France : 13,4 millions de personnes ont déjà consommé du cannabis. On compte 1,2 million d'usagers réguliers et 550 000 usagers quotidiens ; à dix-sept ans, 41,5 % des jeunes ont déjà expérimenté cette drogue. La banalisation de la cocaïne se poursuit : entre 2005 et 2010, le nombre d'usagers au cours d'une année est passé de 250 000 à 400 000, avec 1,5 million d'expérimentateurs. L'héroïne connaît depuis 2010 une diffusion accrue : le nombre d'expérimentateurs est passé de 360 000 à 500 000 entre 2005 et 2010 et sa consommation a fortement augmenté. Avec un public souvent marginalisé et un mode de consommation par injection, vecteur de transmission du sida ou de l'hépatite C, c'est une question de santé publique majeure.

Enfin, la situation est également inquiétante pour les produits licites, alcool et tabac, en particulier chez les jeunes. Si l'expérimentation à dix-sept ans est en très légère baisse, l'usage régulier augmente : 31,5 % des jeunes de cet âge sont des fumeurs quotidiens, contre 30 % des adultes. Le phénomène des ivresses répétées se développe tandis que la consommation régulière d'alcool chez les adultes diminue. On compte néanmoins 3,8 millions de consommateurs à risque, majoritairement des hommes. Des estimations déjà anciennes attribuent 60 000 décès chaque année au tabac et 33 000 à l'alcool.

Face à ce constat, il faut axer notre politique des addictions sur la prévention et à la réduction des risques, sans pour autant relâcher les efforts en matière de lutte contre les trafics. Le chef de l'Office central pour la répression du trafic illicite des stupéfiants (Octris) m'a dit manquer de moyens pour faire face aux nouveaux réseaux d'acheminement de la drogue en France, depuis l'Amérique latine et les Caraïbes via l'Afrique de l'Ouest, depuis le Maroc ou par les poreuses frontières orientales de l'espace Schengen. Les crédits du ministère de l'Intérieur couvrent à peine ses dépenses de fonctionnement et d'équipement standard, et c'est le fonds de concours de la Mildt qui finance une partie de ses initiatives opérationnelles. Est-ce bien juste ?

Depuis 2007, le produit de ce fonds de concours est redistribué pour 35 % à la police, 25 % à la gendarmerie, 10 % aux douanes, 20 % au ministère de la justice et 10 % à des actions de prévention. Il convient de corriger ce déséquilibre en faveur des services répressifs, d'autant que les sommes en question ont été multipliées par trois depuis 2007. Les professionnels que j'ai auditionnés prônent tous une meilleure visibilité de l'utilisation du fonds de concours et une modification de la clé de répartition.

L'accès aux mesures de prévention, de réduction des risques et de traitement, prôné par l'OMS depuis 1993, n'est pas assuré en prison. De ce fait, le risque de contamination par l'hépatite C est y multiplié par dix, celui de contamination par l'hépatite B, par quatre. Comme le recommandait déjà la mission d'information Assemblée nationale-Sénat sur les toxicomanies dont notre collègue Gilbert Barbier était corapporteur, des considérations de santé publique rendent impérative une action résolue en faveur de la réduction des risques en milieu carcéral.

Les traitements de substitution aux opiacés bénéficient d'ores et déjà à 9 % des détenus. Il importe de garantir la continuité de ces traitements à l'entrée, durant et surtout à la sortie de la détention : selon l'Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (OEDT), le risque de mortalité est accru durant les deux semaines suivant la libération.

L'absence de programme d'échange de seringues n'est pas acceptable : cessons de nier l'évidence ! Les mesures de réduction des risques doivent s'accompagner d'une formation des personnels aux spécificités de la prise en charge de la toxicomanie. L'audition de représentants des agents de l'administration pénitentiaire m'a révélé l'absence totale de formation des surveillants, qui sont pourtant en première ligne. Il faut aussi sensibiliser les personnels soignants des unités de consultations et de soins ambulatoires (UCSA) et conduire des travaux épidémiologiques en milieu pénitentiaire.

De manière générale, il est indispensable que la nouvelle politique des addictions dont la Mildt devrait être le fer de lance ouvre enfin la voie aux initiatives innovantes adoptées par nos voisins, à commencer par les salles de consommation à moindre risque. Mme Touraine a confirmé que leur expérimentation, promesse de campagne du Président de la République, aurait lieu dès 2013. La Mildt est chargée d'en définir le cahier des charges ; sur le terrain, les associations sont prêtes. Je souhaite que l'on dépasse les fantasmes sur cette question, et que l'on s'attarde sur les causes et les conséquences des pratiques clandestines d'usagers parmi les plus fragiles, avec l'ambition d'améliorer le vivre-ensemble pour les riverains.

C'est une solution pragmatique. En plus d'offrir un cadre sanitaire indispensable pour des conduites à risques qui sont souvent le fait de personnes désocialisées, ces salles seraient aussi un lieu d'accueil et de dialogue, point d'entrée vers les traitements de substitution et le sevrage pour ceux qui le souhaiteraient. Un travail de concertation avec les acteurs et de dialogue avec les riverains est bien entendu nécessaire, mais il est dans l'intérêt de tous que des salles de consommation à moindre risque voient le jour, à titre expérimental, à Paris et en province, où des collectivités de toutes sensibilités politiques sont candidates.

Il faut également évaluer les expérimentations en cours. Le manque de moyens est usant : ainsi, l'association Gaia n'a pu acheter un appareil de diagnostic de l'hépatite C qu'en combinant l'aide de la région Ile-de-France et celle d'un laboratoire privé.

La politique de réduction des risques doit s'appuyer sur des données scientifiques incontestables. J'espère que la feuille de route en sera constituée par les recommandations issues de l'expertise collective réalisée par l'Inserm en 2010, dont le précédent gouvernement n'avait que très peu tenu compte, en commençant par l'adaptation des outils et des approches à l'évolution des substances et des modalités de consommation. Il convient de mettre l'accent sur la prévention en direction des collégiens et lycéens, à l'intérieur comme en dehors du cadre scolaire. Les jeunes décrocheurs sont les plus exposés. Il faut généraliser leur suivi sanitaire et social et travailler avec les acteurs associatifs.

Il nous incombe de nous interroger sur la demande exponentielle de réponses pénales faite aux magistrats et que dénonce le syndicat de la magistrature. Si le recours à la troisième voie, aux alternatives aux poursuites, se développe, le simple non-respect d'un stage de sensibilisation est une infraction inscrite au casier judiciaire, d'où un cercle vicieux, une sanction, une stigmatisation permanente.

Les nouvelles formes d'addiction comportementales, dites sans substance, ne sont véritablement prises en compte que depuis la fin des années 2000. Jeu pathologique ou cyberdépendance vont souvent de pair avec des situations personnelles et familiales complexes. La France compterait 200 000 joueurs excessifs, dont la moitié jouent plus de 1 500 euros par an. Les comorbidités, notamment avec l'alcool et le tabac, sont établies et l'impact financier, social et familial de ces pratiques peut être grave. Pour adapter l'offre de soins, formons mieux à ces questions les généralistes et les tra0vailleurs sociaux.

Les premiers gestes du Gouvernement et de la présidente de la Mildt sur le traitement des addictions sont encourageants. Nous y reviendrons lorsque le futur plan de lutte contre les drogues et les toxicomanies sera connu ; il devra fixer dès le départ les modalités d'une évaluation rigoureuse et impartiale.

La Mildt n'échappe pas aux réductions de moyens que connaît la politique de santé. Ce recul de l'Etat pose problème car les défis à relever sont immenses. Une répartition budgétaire est nécessaire sur quatre points : la prévention, la réduction des risques, le soin et la réduction de l'offre et des dommages dus au trafic de drogues. Ces axes se retrouvent dans une charte intitulée « Pour une autre politique des addictions » rédigée en juillet dernier par des experts reconnus et à laquelle j'ai participé. Elle a été signée par 1 620 personnes et associations représentatives, vous l'avez sous les yeux. A nous parlementaires de soutenir ces initiatives de la société civile.

La nouvelle direction de la Mildt annonce des orientations axées sur la prévention, l'éducation et l'accompagnement, qui devraient corriger les effets délétères des pratiques de ces dernières années. Je salue cette nouvelle politique des addictions tout en déplorant l'insuffisance des crédits accordés par le Gouvernement, qui rendra difficile sa mise en oeuvre.

Debut de section - PermalienPhoto de Samia Ghali

Je salue le travail de la rapporteure sur ce sujet aussi vaste que complexe. La consommation de drogue n'est-elle que le fait de personnes en difficulté ? La réponse est-elle dans les salles de shoot ? Je n'en suis pas convaincue.

Les politiques menées ces dernières années, par exemple la distribution de seringues, ont fait reculer la contamination par l'hépatite C et le sida. Les dispositifs mobiles d'associations comme la Croix Rouge ou Médecins du Monde sont allés dans les cités, à la rencontre des toxicomanes et même des vendeurs. Seuls les plus aguerris se rendront dans les salles de shoot ; je crains que celles-ci ne servent qu'à nous donner bonne conscience... Répression d'un côté, autorisation de l'autre : c'est contradictoire !

Les consommateurs de drogue, surtout de cocaïne et d'héroïne, se recrutent souvent plus parmi les classes aisées que dans les quartiers populaires, par exemple des cadres qui se droguent en réponse au stress. Comment faire intervenir la médecine du travail, à laquelle vous ne faîtes pas référence ?

Je n'en démordrai pas, il faut taxer les consommateurs, car ce sont eux qui font vivre le trafic. Acheter de la drogue est une forme de recel. Je mets acheteur et vendeur sur le même plan. Un simple stage de sensibilisation, le plus souvent non suivi, ne suffit pas : agissons là où ça fait mal, en sanctionnant tout autant le consommateur que le petit dealer.

La prévention ? Il faudrait expliquer dès le CM2 les risques liés à la consommation de drogue, dire à ces enfants, qui fument parfois déjà, qu'un joint n'est pas la même chose qu'une cigarette. L'immense majorité des consommateurs de cocaïne ont commencé par le cannabis, preuve que la prévention est indispensable parce qu'il n'y a pas de drogue « douce ». Même ceux qui arrivent à s'en sortir connaîtront des séquelles tout au long de leur vie.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

Ne stigmatisons pas les consommateurs de drogue : toutes les couches de la société sont concernées. Sans doute les propositions de Samia Ghali relèvent-elles plutôt de la commission des lois que de la nôtre.

N'oublions pas les drogues de synthèse, dont la toxicité psychique et neurologique est terrible.

Des professionnels de santé, des médecins estiment que les salles de shoot ne sont peut-être pas une mauvaise solution. Pour ma part, je suis perplexe. La prise en charge sanitaire des toxicomanes pose de vrais problèmes. Les toxicomanes se passent le nom des médecins ou pharmaciens qui y sont sensibilisés, ce qui expose ces derniers à des poursuites et parfois à de lourdes peines. J'ai ainsi vu en Nord-Pas-de-Calais des médecins tout sauf malhonnêtes condamnés pour être allés au-delà de l'altruisme...

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Jeannerot

Ce rapport a le grand mérite de présenter un état des lieux complet. Les chiffres cités montrent l'ampleur d'un phénomène qui touche toutes les couches de la société. Attention toutefois à ne pas adopter une approche trop fataliste. Oui à une prévention offensive, notamment dans le cadre scolaire, au développement des soins aux toxicomanes, mais cela ne suffit pas : il faut aussi empêcher concrètement l'émergence et le développement de ces addictions.

Enfin, quelle nuance faites-vous entre « expérimentateur » et « consommateur » ?

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Il y a un problème lié aux traitements de substitution aux opiacés. J'ai suivi des toxicomanes qui, dix ou quinze ans après avoir arrêté la drogue, prenaient encore des produits de substitution et restaient dans une dépendance légalisée. Triste constat, d'autant que la consommation de drogue peut provoquer des dégâts psychiatriques très importants, avec notamment des états schizophréniques. Les rares qui s'en sortent conservent toujours des séquelles.

La question de la recherche n'est abordée ni dans le rapport, ni dans la Charte. Il est établi que certains organismes sont génétiquement plus appétents : il leur suffit d'avoir touché une fois à la drogue, lors d'une rave party par exemple, pour en réclamer à nouveau. On ne trouvera de solution que lorsqu'on aura compris quel gène rend certains organismes plus appétents que d'autres, et comment y remédier.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Pasquet

Ce débat est intéressant mais frustrant car l'examen d'une ligne budgétaire du projet de loi de finances se prête mal à l'évaluation de la politique de lutte contre la drogue et la toxicomanie. L'an dernier, la mission commune d'information Assemblée nationale-Sénat sur les toxicomanies avait réalisé des auditions très intéressantes, notamment sur la recherche, et produit un rapport très riche. Je regrette qu'aucune suite ne lui ait été donnée.

La compétence de la Mildt s'étend à l'ensemble des addictions, parce que toutes posent un problème de santé publique et appellent des mesures et des prises en charge spécifiques. La politique du tout-répressif menée jusqu'ici a montré ses limites. Les objectifs de la nouvelle présidente de la Mildt sont intéressants ; j'espère que nous pourrons faire des propositions pour le plan qui sera présenté au printemps.

Les salles de consommation ? Changeons d'abord leur nom. Mieux vaudrait par exemple parler de centres de santé spécialisés. Ces lieux offriront aux consommateurs une prise en charge médicale et sociale, et s'inscriront dans la démarche de prévention et d'éducation.

Enfin, comme l'a dit Samia Ghali, le rôle à confier à la médecine du travail et aux comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) mérite également d'être étudié.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Bruguière

La dépénalisation n'entraîne pas une réduction de l'usage, au contraire. Je crains que l'instauration des salles de shoot ne lève l'interdit. Les jeunes se diront : c'est autorisé. Je pense comme Samia Ghali qu'il faut pénaliser le consommateur, et pas seulement le petit dealer. A la mort de son père, un jeune homme de mon village très tranquille a basculé dans la drogue. Hospitalisé d'office, il est ressorti huit jours plus tard sans avoir été soigné. Il peut suffire d'un problème grave dans la vie pour que quelqu'un sombre dans l'alcool ou la drogue. Ce gentil garçon, Jean-François, est mort. Il ne faut donc pas appeler ces salles « centres de santé » !

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Un rapport budgétaire, aussi passionnant soit-il, est un exercice qui a ses limites, notamment de temps. Trop souvent, la question de la drogue et de la toxicomanie est traitée sur le mode du sensationnel : on braque les projecteurs tantôt sur le cannabis, tantôt sur les salles de consommation, tantôt sur les déclarations de tel ou tel ministre, sans donner au public de véritables éléments de réflexion. La charte apporte des éléments pour un débat renseigné, au-delà du cercle des spécialistes, car nous sommes tous concernés, en tant qu'élus bien sûr, mais aussi dans le cadre familial ou professionnel.

Les nombreux professionnels que j'ai auditionnés estiment que la politique répressive ne répond pas aux réalités du terrain. Cette charte, qui rassemble des points qui ont fait consensus parmi les associations, pourrait servir de base à des politiques de prévention.

Pour répondre à Claude Jeannerot, on parle d'« expérimentateur » quand la personne a fait usage de la drogue une fois dans sa vie, et de « consommateur » quand cet usage est régulier. Taxer les consommateurs ? Aux termes de la loi de 1970, la consommation de drogue est punie d'une peine de prison. Le syndicat de la magistrature estime que ce n'est pas une réponse adéquate.

J'ai été frappée d'apprendre à quel point le personnel pénitentiaire était démuni. Dans nos prisons surpeuplées, les toxicomanes, loin d'être suivis, sont relégués dans leur cellule. Quand des violences éclatent, les surveillants ne peuvent y répondre, d'où l'importance d'une formation adaptée à ces comportements. Je pensais naïvement qu'il y avait sans doute une surconsommation de médicaments en prison ; j'ai appris qu'en réalité, les médicaments étaient détournés de leur usage, écrasés et sniffés avec des pailles qui sont partagées et réutilisées, entraînant blessures et infections. Il est impératif de se pencher sur la toxicomanie en prison et d'adapter nos politiques au terrain.

La Mildt a réalisé en 2012, avec le ministère du travail, un guide sur la prévention des risques liés à la consommation de drogues en milieu professionnel. Longtemps ignorée, cette question fait aujourd'hui l'objet d'une attention renouvelée.

Nous aurions aimé qu'une attention plus grande soit portée à la prévention, à l'éducation et à l'accompagnement, mais les moyens alloués jusqu'ici étaient très faibles. La lettre de cadrage du Premier ministre et les déclarations de la présidente de la Mildt vont toutefois dans le bon sens.

L'alcool, enfin, est une drogue, licite. Heureusement que les jeunes ne regardent pas nos débats : celui que nous venons d'avoir sur la taxation de la bière ne les aurait guère incités à réduire leur consommation !

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Le problème, c'est la surconsommation. Comme pour l'huile de palme !

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Printz

Samia Ghali connaît très bien ces sujets, je rejoins ses propos. Allons à l'essentiel : il faut plus de moyens pour traquer et punir les trafiquants ; sans eux, il n'y aurait pas de drogue, donc pas de toxicomanie.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

Comme René-Paul Savary, je suis d'avis qu'il faut faire davantage pour la recherche. Qu'entend-on par prévention ? Est-elle identique pour les jeunes et pour ceux qui sont enracinés dans la vie professionnelle ? L'esprit du temps conduit beaucoup de jeunes cadres à recourir à des stupéfiants, pour atteindre les objectifs qui leur sont fixés. La prévention est liée aux conditions de travail.

Quel est l'objectif de la Mildt ? Selon la charte, elle devrait s'attacher à « créer du lien, rechercher du consensus entre les différents acteurs administratifs et professionnels afin de proposer et d'animer une politique publique dans ce domaine ». Si c'est d'une politique d'ensemble pour lutter contre tout ce que recouvre le terme générique de drogue qu'il s'agit, que faisons-nous face au lobby de l'alcool ? Souvenons-nous de nos débats en séance publique où tant d'aberrations ont été énoncées ! Des crédits doivent être destinés parallèlement à la répression, aux services du ministère de l'Intérieur qui ont en face d'eux des gens dotés de moyens importants. Dans cette perspective, que doivent peser les moyens de la Mildt ? Il faut financer l'accompagnement, la prévention, la communication, qui doivent être adaptés et diversifiés. La mission ne peut pas tout faire, compte tenu de l'ampleur du problème des toxicomanies...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Vous regrettez à juste titre la baisse des crédits alloués cette année. Pourquoi en effet l'effort devrait-il être moindre que l'année dernière ?

La diminution prévisible des fonds de concours, malgré la loi Warsmann, est-elle due à un déstockage massif lors de l'exercice précédent ou à une moindre efficacité des saisies ? En vertu de quoi s'effectue la répartition entre les différents services, que vous retracez dans votre rapport ? Vous parlez des poreuses frontières orientales de l'espace Schengen. Les frontières maritimes ne le sont pas moins. La suppression des postes de douanes ou police aux frontières dans les ports n'aide pas les saisies. Les crédits sont-ils bien ciblés ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Leroy

Je suis frappé par la recrudescence des accidents de la route causés par la drogue ou l'usage combiné de drogue et d'alcool. Les jeunes ne devraient-ils pas être sensibilisés aux effets néfastes de la drogue au moment où ils sont réceptifs, pendant qu'ils préparent le permis de conduire ? J'aimerais disposer de statistiques claires sur le nombre d'accidents dus à la drogue.

Debut de section - PermalienPhoto de Samia Ghali

La lutte contre le trafic et la consommation de drogue est l'une des raisons de mon entrée en politique. C'est dire combien notre travail ici est essentiel pour moi. Catherine Génisson considère que beaucoup a été fait pour les consommateurs de drogues. Il reste encore beaucoup à faire. Si nous touchons là au domaine de la commission des lois, il nous revient de lui apporter nos réflexions et propositions. Il faut mettre les consommateurs face à leurs propres responsabilités.

On ne peut estimer que le trafic ramène le calme dans les cités, bien au contraire. Tous les problèmes réapparaissent, les violences faites aux femmes en particulier. Les trafiquants sont des chefs d'entreprise hors pair, organisés et pourvus d'indéniables compétences intellectuelles. Ils achètent aux employés des bailleurs sociaux la liste des impayés et ciblent les familles monoparentales en difficulté, proposant de payer leur loyer contre la mise à disposition d'une pièce où ils accèdent à tout moment. Des familles entières sont ainsi détruites, des femmes déprimées, au bord du suicide.

J'entends bien l'avis du syndicat de la magistrature. Cela leur ferait du travail supplémentaire. Il faudrait réfléchir à de fortes amendes pour les consommateurs. Et que dire de l'exemple donné par les adultes, les éducateurs, quand les jeunes me font remarquer que les professeurs de leur lycée, les policiers même, viennent leur acheter de la drogue ? On a cassé l'autorité, brisé les repères : il y a quelque chose qui ne va pas dans notre société.

Il y a aussi une irresponsabilité de la part de certains hommes politiques. Mes propos sont durs mais je les assume : je regrette ces déclarations sur la dépénalisation ou la légalisation que certains prônent dans les médias, sans débat préalable au Parlement, sans souci du danger de leurs propos pour les jeunes qui regardent la télévision. Ils donnent le sentiment que ce n'est pas grave...

Debut de section - PermalienPhoto de Samia Ghali

Ce n'est pas dans les cités que la consommation est la plus importante, mais dans les quartiers bourgeois. Les cités ont consommé dans les années 1980, puis elles ont vécu les dégâts causés par la drogue. Elles en ont souffert. Il est vrai que pendant ce temps, on n'avait pas à s'occuper de l'emploi, de l'école, de la situation économique et sociale. On les a peut-être endormies, peut-être a-t-on laissé la drogue s'y installer. Elles ont compris sa nocivité, alors elles se sont mises à vendre plutôt qu'à consommer.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

Je respecte le témoignage que nous venons d'entendre. Nous voyons combien il importe d'approfondir la recherche sur ces questions très difficiles. Tout de même, les consommateurs sont dépendants des trafiquants. On ne peut occulter ce fait. Le récit poignant de Marie-Thérèse Bruguière montre combien les addictions graves exigent une permanence de soins, car on ne peut être coercitif 24 heures sur 24. C'est d'ailleurs ce qui explique les échecs de la lutte contre les drogues, licites ou illicites...

L'alcool n'est pas une drogue en soi, c'est la surconsommation qui est dangereuse, pas la consommation normale. Ne faisons pas d'amalgame. Quant aux salles de shoot, leur vocation n'est pas celle de centres de soins, mais plutôt de lieux où les risques liés à la consommation seraient réduits. Je reste donc perplexe...

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Gardons-nous des caricatures. Les salles de consommation s'adressent à une population sur laquelle les professionnels n'ont aucune prise, afin de renouer un lien, pour ensuite proposer des soins, un accompagnement. On ne peut mener la politique de l'autruche. Le regroupement de consommateurs dans un quartier crée des problèmes d'insécurité. Ces salles offrent une occasion de travailler avec ces publics, en leur redonnant un cadre. Attention à la façon de les nommer : ce ne sont ni des salles de shoot, ni des salles de consommation gratuite, mais des lieux de contact avec les professionnels, où ceux-ci proposeront une prise en charge.

Les politiques suivies en France, mais aussi en Europe et aux Etats-Unis reviennent sur l'aspect répressif, qui a échoué. C'est pourquoi je suis à titre personnel, comme de nombreux professionnels, pour la dépénalisation de l'usage, mais contre la légalisation...

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

pour marquer l'interdit. La lutte contre l'usage de la drogue, qui relève d'une politique de santé, exige des moyens financiers et humains. Or ceux-ci diminuent d'année en année. Aussi les nombreuses personnes que nous avons entendues n'ont-elles jamais mentionné la recherche lors des auditions. Bien sûr qu'il faut y travailler, mais connaissez-vous l'état global de la recherche en France ?

Nous devons mener une politique beaucoup plus volontariste. Redonnons aux services de police leur mission de lutte contre les organisations criminelles ! Il y a les consommateurs, certes, mais aussi les réseaux criminels et leur puissance financière, qui pourrissent les quartiers.

Le fonds de concours a perduré sans concertation ni évaluation de la clé de répartition. Tous les professionnels, y compris ceux des services de police, réclament la transparence de l'allocation des crédits et sont favorables à une nouvelle clé de répartition. Seuls 10 % de l'enveloppe vont à la prévention. N'oublions pas que la mission est interministérielle. Or le ministère de l'Intérieur, sur les crédits de la Mildt, paie des factures de téléphone ou des jumelles de surveillance et tant d'autres choses disparates, qu'il devrait prendre en charge sur son budget de fonctionnement. Je ne peux répondre à la question de Jean-Pierre Godefroy sur les causes de la variation du fonds de concours, notamment l'écoulement d'éventuels stocks, faute de données plus précises.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Vous ne dites mot de la présence de médecins dans les salles de shoot. Cela m'inquiète. Que se passe-t-il en cas d'accident ?

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Ces salles ne sont pas encore mises en place. C'est la Mildt qui est chargée d'établir leur cahier des charges. Il est temps de passer au vote sur le rapport pour avis et les crédits.

La commission donne un avis favorable à l'adoption des crédits de l'action « Mildt » de la mission « Direction de l'action du Gouvernement ».

La commission désigne Georges Labazée en qualité de rapporteur sur l'enquête de la Cour des comptes relative à la politique vaccinale de la France.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

La commission des affaires européennes nous a renvoyé la proposition de résolution européenne qu'elle a adoptée mercredi dernier. Présentée par Jean-Louis Lorrain, elle porte sur deux projets de textes communautaires que le rapporteur a étudiés précisément : une proposition de règlement sur les essais cliniques de médicaments ; une proposition de directive encadrant les procédures nationales de fixation des prix des médicaments.

Son rapport met en évidence les inquiétudes suscitées par le projet de règlement sur les essais cliniques qui, en l'état actuel de sa rédaction, pourrait mettre en place une procédure européenne d'autorisation offrant bien moins de garanties que notre législation en matière d'évaluation éthique ou de protection des personnes vulnérables. Il souligne également le caractère contestable du projet de directive sur la transparence des mesures nationales de fixation des prix des médicaments, qui raccourcit les délais pour réaliser les évaluations préalables à l'autorisation de mise sur le marché et exclut leur réexamen lors des décisions relatives au remboursement.

La proposition de résolution demande le retrait du projet de directive et des modifications substantielles du projet de règlement. Nous pourrions désigner un rapporteur et y apporter d'éventuels amendements dans un délai d'un mois, soit au plus tard le 21 décembre. Il me semble cependant qu'il n'y a pas lieu de dupliquer le travail déjà effectué par Jean-Louis Lorrain, qui a abouti à des réserves très claires sur ces deux textes européens.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Le paragraphe n° 17 de la proposition de résolution relève que les articles consacrés aux aspects éthiques sont très insuffisants. Cette remarque peut-elle concerner la question de la recherche sur les personnes, dont nous avons débattu récemment ?

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Il s'agit ici des essais cliniques de médicaments... Jean-Louis Lorrain propose de ne pas accepter en l'état le projet de règlement européen, très en retrait par rapport à notre législation nationale en matière de protection des personnes se prêtant aux essais de médicaments.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Je vous propose de laisser jouer la disposition de notre règlement prévoyant qu'à l'issue du délai d'un mois, la proposition de la commission des affaires européennes est considérée comme adopté par la commission saisie au fond. Elle deviendrait alors une résolution du Sénat sauf si le président du Sénat, un président de groupe ou de commission ou le Gouvernement demandait sa discussion en séance publique.

Il en est ainsi décidé.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Les membres du groupe UMP sont convoqués salle Médicis. Veuillez nous excuser.

La commission procède ensuite à l'examen du rapport pour avis de M. Michel Vergoz sur le projet de loi de finances pour 2013 (mission « Outre-mer »).

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vergoz

Le 15 novembre, le Parlement adoptait définitivement le projet de loi relatif à la régulation économique outre-mer posant, après la création d'un ministère des outre-mer de plein exercice, un jalon dans la lutte contre les difficultés économiques et sociales de nos départements et collectivités ultramarins : le niveau de vie médian des populations d'outre-mer est inférieur d'un tiers au niveau hexagonal, tandis que les écarts de prix atteignent jusqu'à 40 % sur les produits alimentaires. Sur fond de chômage massif chez les jeunes (60 % en Martinique et à la Réunion contre 22 % dans l'hexagone) et de sentiment de relatif abandon, cette situation a conduit aux manifestations aux Antilles en 2009, à la paralysie de Mayotte pendant quarante-quatre jours en 2011, au conflit social à la Réunion au début de cette année.

Après plusieurs années de diminution, les crédits marquent une inflexion salutaire. Le budget de la mission s'élèvera l'année prochaine à plus de 2 milliards d'euros en crédits de paiement (+ 5 %). Il ne représente qu'une partie de l'effort total consenti en faveur des populations ultramarines. Celles-ci bénéficient de crédits transversaux, répartis en quatre-vingt-onze programmes, relevant de vingt-sept missions, à hauteur de 13,8 milliards d'euros de crédits de paiement.

Les outre-mer ont largement participé à l'effort national de maîtrise de la dépense publique. Sous couvert d'appel au développement endogène, trop propice au désengagement de l'Etat, des coûts de rabot successifs sur les dépenses fiscales ont remis en cause la solidarité nationale. Après la réduction des exonérations de charges sociales décidée par la loi pour le développement économique des outre-mer (Lodéom), les crédits de la mission ont chuté dans les deux dernières lois de finances. L'année dernière en particulier, les crédits de paiement ont baissé de 53,5 millions d'euros au préjudice du soutien aux entreprises et du service militaire adapté (SMA).

Les économies et les sociétés ultramarines sont devenues très dépendantes de la dépense fiscale, largement privilégiée par rapport à la dépense budgétaire. Elle s'élève à 3,1 milliards d'euros en 2013, après 3,4 milliards d'euros en 2011, soit une fois et demie le montant des crédits de paiement de la mission.

L'article 56 du projet de loi de finances pour 2013 abaisse le plafonnement global des réductions et crédits d'impôt à caractère incitatif ou liés à l'investissement à compter de l'imposition des revenus de l'année 2009. Compte tenu de la grande précarité de nos territoires, je salue la décision d'exonérer les dépenses fiscales spécifiques à l'outre-mer, mais j'ai aussi conscience du malaise que cela provoque. Il ne s'agit pas d'avantages indus ; les outre-mer sont trop souvent injustement accusés de profiter de soi-disant largesses. La nécessité de réduire les niches fiscales peut se justifier pour redresser les finances publiques, elle est même impérative lorsque ces niches sont improductives ou inefficaces. Toutefois, il s'agit depuis des années du principal outil de soutien à nos territoires d'outre-mer. Un retrait brutal risquait de mettre en péril des pans entiers d'économies qui font face dans leur environnement régional à la concurrence de faibles coûts salariaux. Comme l'a déclaré le président François Hollande dans sa conférence de presse sur le pacte de compétitivité, « l'économie n'aime pas les chocs ; ce que demandent les acteurs économiques, c'est de la visibilité, de la stabilité, et pas des improvisations ».

Ce choix ne préjuge pas de l'évaluation des niches fiscales outre-mer que le Gouvernement réalisera avant le 1er mai 2013, engagement défendu à travers l'amendement n° 333 soutenu par le président de la commission des finances Gilles Carrez et adopté à l'unanimité à l'Assemblée nationale le 15 novembre. Après une appréciation objective de l'efficacité des incitations fiscales, nous pourrons décider en toute connaissance de cause. Je serai très attentif à la réalisation effective de ce projet.

La maquette budgétaire ne connaît pas de changement fondamental par rapport à l'an dernier. Seule la constitution du ministère a entraîné la création d'une nouvelle action, consacrée au pilotage des politiques des outre-mer, dotée de 2,8 millions d'euros, qui regroupe des crédits relevant auparavant du ministère de l'intérieur.

Le programme « Emploi outre-mer » sera doté de près de 1,4 milliard d'euros en crédits de paiement, soit plus de 4 % par rapport à 2012. Représentant la plus grande partie des dépenses du programme, la compensation des exonérations de charges s'élèvera à 1,157 milliard d'euros contre 1,117 milliard en 2012. Ciblé sur les plus petites entreprises, l'allégement des charges doit, en diminuant le coût du travail, favoriser la création d'emplois pérennes dans les entreprises du secteur marchand des départements d'outre-mer et de Saint-Pierre-et-Miquelon.

Les moyens de cette action sont légèrement supérieurs au montant des besoins évalués par les caisses de sécurité sociale à environ 1,15 milliard d'euros en 2012. Mais les crédits prévus sont généralement sous-budgétisés : malgré leur hausse significative, il reste malaisé de savoir si l'Etat pourra faire face à l'intégralité de ses engagements envers les organismes de sécurité sociale.

L'essentiel des autres crédits du programme « Emploi outre-mer » concerne le service militaire adapté (SMA), doté de 199 millions d'euros, en progression de 7 %. En tant que maire, j'ai mesuré avec bonheur à quel point ce dispositif essentiel répond aux besoins des outre-mer, en tout cas à la Réunion. Grâce à un programme effectué sous statut de volontaire dans les armées pendant environ un an, le SMA offre à une partie des jeunes ultramarins âgés de dix-huit à vingt-six ans, le plus souvent en situation d'échec scolaire, une formation civique et une meilleure employabilité.

Le programme « SMA 6000 », lancé début 2009, augmente la capacité de formation de 2 900 volontaires à 6 000 en 2015 et l'ouvre à de nouveaux bénéficiaires, jeunes diplômés en chômage de longue durée, pour un cursus de formation court (six mois). Pour accompagner la montée en puissance de ce programme, la mission « Outre-mer » prévoit une hausse de 43 % des dépenses d'investissement du SMA, tandis que ses dépenses courantes seront maîtrisées. Nous nous félicitons de cette évolution très positive. Les acteurs concernés se sont approprié le dispositif et le taux d'insertion des jeunes à l'issue de leur formation s'élève à 76 %.

Etant donné la dégradation de la situation économique des outre-mer, la mobilité vers l'hexagone est un facteur de succès. Le besoin est évalué à 1 200 volontaires sur 4 200 jeunes insérés par an, alors qu'aujourd'hui seulement 600 s'engagent dans cette voie. Il conviendra de renforcer l'information sur la mobilité hors des territoires d'outre-mer.

Le programme « Conditions de vie outre-mer » s'établit à 645,5 millions d'euros en crédits de paiement, en hausse de 2,7 %. La volonté de revenir à la ligne budgétaire unique (LBU) comme socle de la politique du logement dans les outre-mer se traduit par une remise à niveau significative. Elle progresse de 6 % en crédits de paiement, pour atteindre 227 millions d'euros.

La situation du logement en outre-mer demeure tendue. Les contraintes spécifiques sont connues : besoins très importants liés au rattrapage économique et à la croissance démographique supérieure à celle de l'hexagone, pauvreté, limitation des disponibilités foncières, difficultés financières de certaines collectivités territoriales. Certes, en 2011, 8 107 logements ont été financés, dont près de la moitié à la Réunion, soit 53 % de plus qu'en 2007. Cependant, il y avait plus de 70 000 demandes de logements sociaux pour l'ensemble de ces territoires. Selon les projections réalisées par la délégation générale à l'outre-mer, 20 500 logements neufs devraient être construits chaque année jusqu'en 2030 pour répondre à l'intégralité des demandes. La dotation prévue ne suffira pas pour faire face à l'immensité des besoins : elle constitue une première étape.

Les crédits du fonds exceptionnel d'investissement (FEI) augmentent très fortement en 2013, de 194 % en autorisations d'engagement et 36 % en crédits de paiement, conformément à un engagement de campagne du Président de la République, qui a annoncé un programme pluriannuel d'investissements publics.

Les crédits affectés au FEI ont fortement diminué, revenant de 165 millions d'euros en autorisations d'engagement et 51 millions d'euros en crédits de paiement en 2009 à 17 millions d'euros en autorisations d'engagement et 19 millions d'euros en crédits de paiement en 2012.

Le rattrapage du retard des outre-mer en équipements structurants est impératif pour améliorer les conditions de vie de nos concitoyens ultramarins. En 2013, le plan de rattrapage des investissements publics sera doté de 50 millions d'euros et 500 millions d'euros sont prévus pour les cinq prochaines années. Les investissements devraient être ciblés sur l'adduction d'eau potable et l'assainissement, ainsi que les équipements de proximité sanitaires et sociaux.

La lutte contre le désenclavement est, de manière tout à fait inappropriée, intitulée « continuité territoriale », ce qui est un leurre si l'on compare sa dotation (51 millions d'euros) à celle de la Corse (plus de 180 millions d'euros). « Aide à la mobilité » m'apparaît plus conforme à la réalité.

Sous cette réserve, je salue la volonté de préserver l'une des rares missions dont les crédits progresseront en 2013. Selon la programmation triennale, les crédits poursuivront leur hausse, au rythme de 3,9 % entre 2013 et 2014, puis de 3,6 % entre 2014 et 2015.

Je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de cette mission, que la commission des finances a adoptés le 20 novembre dernier.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Jeannerot

Vous soulignez à juste titre l'évolution positive de ce budget, ainsi que la pertinence du SMA, qui s'adressera à un nombre de jeunes en hausse significative. Un tel dispositif serait très utile en métropole, où certains jeunes rempliraient parfaitement les conditions d'accès. Si l'on y ajoute les emplois d'avenir, nous avons deux dispositifs qui ouvrent des perspectives aux jeunes d'outre-mer.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

Je suis sur la même ligne que vous sur le SMA ainsi que sur ce beau département de Corse. Vous parlez d'exonérations de charges de 1,157 milliard d'euros. Ne s'agit-il pas plutôt de cotisations ? Sont-elles les mêmes que sur le territoire métropolitain ?

Vous évoquez les niches fiscales. Ma question est peut-être inopportune, mais quand pensez-vous voir la fin de ce système dérogatoire, qui mettrait enfin les Dom à égalité avec les territoires métropolitains ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vergoz

Pas de sitôt, voire jamais ! C'est la Constitution qui l'affirme. Elle dispose, en son article 73, que les lois et règlements « peuvent faire l'objet d'adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités » - insularité, éloignement, exigüité de leur territoire...

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vergoz

Appelons un chat un chat : oui, la défiscalisation crée un malaise. La possibilité de dérogations est inscrite, non seulement dans notre loi fondamentale, mais à l'article 349 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Nous aurons de grands débats à ce sujet, qu'il nous faudra suivre avec attention. Sans être un promoteur ou un idéologue de la défiscalisation, je ne veux pas jeter le bébé avec l'eau du bain.

Donnons au nouveau Gouvernement le temps de la réflexion. Non seulement les banques locales ont tourné le dos aux entreprises, plus encore qu'en métropole, mais encore l'Etat s'est désengagé budgétairement, à hauteur de 40 %, ces dernières années. Je n'ai d'ailleurs jamais entendu la rue réunionnaise ou ultra-marine réclamer la défiscalisation : celle-ci a été élaborée dans le secret de cabinets parisiens, pour servir quelques milliers de privilégiés dans l'hexagone. Dont acte. Nous héritons de cette situation. Je suis très heureux que la sagesse l'ait emporté et que le président de la commission des finances de l'Assemblée nationale ait déclaré qu'il fallait laisser du temps pour l'analyse.

Quelle est l'alternative ? Comment en sortir ? Si le Gouvernement veut remplacer un jour la dépense fiscale par une dépense budgétaire équivalente, banco ! D'autant qu'il se chuchote - parce qu'aucune étude objective n'a jamais été menée à ma connaissance - que la défiscalisation coûterait plus cher à la Nation que la dépense budgétaire. Imaginons que ce soit exact... Responsables, nous savons que la Nation affronte des difficultés.

Je suis d'accord avec M. Jeannerot sur le service militaire adapté (SMA) qui est apprécié chez les ultra-marins. J'ai plaisir à entendre un collègue souhaiter son expérimentation dans l'hexagone. Les jeunes en sortent formés, diplômés et insérés dans la société. Il y a de multiples formations comme chauffeurs de poids-lourds ou de tractopelles. Une intéressante section consacrée à l'environnement a également été ouverte.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Jeannerot

En Martinique, le SMA marche bien, ainsi qu'en Guyane. Il faudrait le proposer dans certaines régions de métropole.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Le SMA forme dans tout l'outre-mer, notamment aux métiers du bâtiment.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vergoz

Les exonérations de cotisations patronales sont spécifiques à l'outre-mer et concernent des entreprises de moins de onze salariés.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

Je voterai ce rapport, mais pourquoi ne pas envisager de péréquation pour respecter les spécificités des territoires ultra-marins ? Ce serait préférable et sans doute plus juste que les défiscalisations actuelles.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vergoz

J'ai été révolté par les dérives de la défiscalisation. Ces bateaux de vingt-cinq mètres pourrissant dans le port de la Pointe des Galets et que des pêcheurs n'avaient pas le droit d'acheter, c'était inadmissible. Sortons par le haut en proposant des mesures plus justes.

Suivant son rapporteur, la commission donne un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Outre-mer » ainsi qu'à l'article 66 ter rattaché

Enfin la commission procède à l'examen du rapport pour avis de M. Claude Jeannerot sur le projet de loi de finances pour 2013 (mission « Travail et emploi »).

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Jeannerot

Depuis dix-huit mois, le nombre de demandeurs d'emploi augmente sans discontinuer, le cap des trois millions de chômeurs a été franchi en août et il y a eu 45 000 chômeurs de plus en octobre. Dans le même temps, la France doit gérer un endettement historique, d'où l'indispensable effort de réduction des déficits publics. Le Gouvernement en a tenu compte en élaborant un projet de budget du travail et de l'emploi qui marque un réel changement d'orientation.

Le changement se manifeste d'abord par l'évolution globale des crédits : entre 2008 et 2012, le nombre de demandeurs d'emploi a augmenté d'un million, tandis que les crédits de la mission « Travail et emploi » baissaient de 20 %. Ce budget inverse la tendance avec 10,3 milliards, soit une hausse de 2 %, et même de 4 % en tenant compte du transfert de 250 millions vers le compte d'affectation spéciale « fonds national de développement et de modernisation de l'apprentissage ».

Le changement se traduit également par la volonté d'établir une relation de confiance avec les partenaires sociaux. Par respect de leur autonomie, le Gouvernement a décidé de ne plus ponctionner le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels, pratique à laquelle nous nous étions opposés l'an dernier.

Le changement passe surtout par la définition de nouvelles priorités. L'emploi des jeunes, d'abord, a été au coeur de la campagne du président de la République. 100 000 jeunes seront embauchés en emploi d'avenir. La montée en charge se poursuivra en 2014 pour arriver à un total de 150 000 bénéficiaires par an. Les crédits consacrés aux emplois d'avenir atteindront 2,3 milliards en autorisations d'engagement et 466 millions en crédits de paiement. Les moyens consacrés aux autres dispositifs en faveur des jeunes, notamment au contrat d'insertion dans la vie sociale, seront maintenus. En revanche, le Gouvernement propose de supprimer le contrat d'autonomie, lancé en 2008 dans le cadre du plan « Espoir banlieues » et dont nous en avions maintes fois dénoncé le médiocre rapport coût-efficacité. Sa suppression occasionnera une économie de 46 millions.

Dans quelques semaines, nous examinerons le projet de loi relatif au contrat de génération, retranscrivant l'accord unanime conclu par les partenaires sociaux le 19 novembre. Les entreprises de moins de trois cents salariés bénéficieront d'une aide de l'Etat lorsqu'elles recruteront un jeune tout en maintenant dans l'emploi un senior qui sera chargé de transmettre ses savoirs et ses compétences. Le coût de cette mesure, qui sera présentée en collectif, devrait se monter à un milliard par an.

La deuxième priorité consiste à atténuer les effets de la crise pour les publics les plus fragiles, grâce notamment aux contrats aidés. En 2012, le Gouvernement a pris des mesures d'urgence pour remédier à la surconsommation des contrats aidés observée pendant les premiers mois de l'année. Il a d'abord autorisé, en juin, la conclusion de 80 000 contrats supplémentaires : 60 000 contrats d'accompagnement dans l'emploi (CAE) et 20 000 contrats initiative-emploi (CIE). Puis il a ouvert en octobre une nouvelle enveloppe de 40 000 CAE, un décret d'avance débloquant les 300 millions nécessaires. Pour 2013, le projet de loi de finances consacre encore 1,5 milliard à 340 000 CAE et 186 millions à 50 000 CIE. Le déploiement des emplois d'avenir n'interviendra pas au détriment des autres contrats aidés.

Le secteur de l'insertion par l'activité économique (IAE) effectue un travail remarquable auprès de personnes en grande difficulté. Il était initialement prévu de reconduire à l'identique les crédits votés en 2012, soit 140 millions pour les entreprises d'insertion, 23,5 millions pour les ateliers et les chantiers d'insertion et 12,7 millions pour les associations intermédiaires. Lors du débat sur les emplois d'avenir, il a beaucoup été question des moyens attribués à ce secteur. L'Assemblée nationale, qui a souhaité adresser un signal positif aux entreprises d'insertion percevant une aide au poste dont le montant n'avait pas été revalorisé depuis dix ans, a décidé de majorer de 10 millions leur dotation. Sans répondre à tous les besoins, cette mesure aidera les entreprises d'insertion à attendre la réforme du financement de l'IAE que Michel Sapin a annoncée mercredi dernier.

Troisième priorité, l'accompagnement des mutations économiques est plus nécessaire que jamais dans le contexte de crise. Il est proposé de pérenniser le contrat de sécurisation professionnelle (CSP), créé en 2011, auquel 90 000 personnes ont déjà adhéré. Le CSP, pour lequel plus de 100 millions sont prévus, offre un parcours de transition professionnelle à des personnes licenciées pour motif économique. Le dispositif du chômage partiel est relancé : il évite des licenciements en cas de retournement brutal de la conjoncture. Le gouvernement précédent avait pourtant réduit considérablement la dotation qui n'était plus que de 40 millions en 2011 et de 30 millions cette année. Il est proposé de la porter à 70 millions. Le Gouvernement a également décidé de rétablir la procédure d'autorisation administrative préalable supprimée en début d'année.

La quatrième priorité est le renforcement du service public de l'emploi. En 2011, la précédente majorité avait supprimé 1 800 postes à Pôle emploi, alors que le chômage repartait à la hausse. En 2012, il a été décidé, au contraire, d'augmenter les moyens de Pôle emploi en lui permettant d'embaucher 2 000 agents supplémentaires en CDI. Afin de les financer, la dotation de l'Etat va augmenter de plus de 100 millions, pour atteindre 1,47 milliard. Ces 2 000 agents seront tous affectés à l'accompagnement des demandeurs d'emploi, pour mettre en oeuvre le nouveau suivi personnalisé. En complément, Pôle emploi va redéployer 2 000 postes de travail des fonctions support vers l'accompagnement. Au total, 4 000 conseillers supplémentaires seront ainsi au contact direct des usagers.

Les missions locales, qui suivent les jeunes de moins de vingt-six ans, verront également leurs moyens augmenter : à la dotation de base de près de 180 millions, s'ajouteront 30 millions au titre de leur contribution au déploiement des emplois d'avenir.

Cinquième et dernière priorité, le développement des formations en alternance, avec l'objectif, fixé par le Premier ministre, de 500 000 apprentis à la fin du quinquennat. Cet objectif peut sembler en retrait par rapport aux annonces passées. L'ancien président de la République avait annoncé, le 1er mars 2011, que 800 000 jeunes seraient formés par alternance dès 2015, ce qui supposait d'augmenter le nombre d'alternants d'un tiers en quatre ans. Peu friand d'effets d'annonce, Jean-Marc Ayrault a préféré fixer un objectif plus modeste, mais plus réaliste. Une partie des moyens consacrés à l'apprentissage figurent dans la mission « Travail et emploi ». Les régions recevront notamment une dotation de 550 millions, pour la prime d'apprentissage, et 1,2 milliard sera versé à la sécurité sociale afin de compenser le manque à gagner dû à l'exonération de cotisations sociales applicable aux contrats d'apprentissage.

Depuis l'an dernier, une part importante des ressources dédiées à l'apprentissage est retracée dans le compte d'affectation spéciale « fonds national de développement et de modernisation de l'apprentissage » qui dépensera 825 millions en 2013, dont 250 millions versés aux régions au titre de la compensation des compétences transférées en matière d'apprentissage, 200 millions consacrés à la péréquation des sommes perçues au titre de la taxe d'apprentissage, 360 millions au financement des actions arrêtées en application des contrats d'objectifs et de moyens conclus entre l'Etat et les régions et 15 millions pour financer le bonus versé aux entreprises qui comptent plus de 4 % d'apprentis dans leurs effectifs. L'Assemblée nationale a majoré de 2 millions la dotation des actions de promotion de l'apprentissage, afin de prolonger certaines expérimentations tendant à prévenir les ruptures de contrats d'apprentissage, encore trop fréquentes, notamment dans des secteurs comme l'hôtellerie-restauration.

La politique du travail et de l'emploi prend sa part de l'effort nécessaire de réduction des déficits publics. Elle y contribue en supprimant ou réduisant des niches fiscales et sociales et je me félicite de la limitation des exonérations applicables aux heures supplémentaires. Notre commission souhaitait remettre en cause ces exonérations coûteuses pour les finances publiques - 4,9 milliards en 2012 - et qui décourageaient les embauches.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit d'aligner le taux de cotisation des auto-entrepreneurs sur celui des autres travailleurs indépendants. Cette mesure représente une économie de 130 millions, puisque l'Etat n'aura plus besoin de compenser le manque à gagner pour la sécurité sociale.

L'article 71, rattaché à la mission, supprime l'exonération de cotisations sociales pour les salariés créateurs ou repreneurs d'entreprise, instituée par la loi du 1er août 2003 pour l'initiative économique. Cette mesure a eu peu de succès et est aujourd'hui concurrencée par le régime de l'auto-entrepreneur. Sa suppression économisera 4 millions. L'article 72 réserve le bénéfice de l'exonération applicable aux organismes d'intérêt général installés dans les zones de revitalisation rurale à ceux comptant moins de cinq cents salariés, soit une économie de l'ordre de 20 millions.

Des économies sont enfin demandées aux services du ministère du travail et de l'emploi : il perd 141 ETP, les crédits de fonctionnement courant baissent de 6 % et les dépenses de gestion et d'entretien du parc immobilier de 8 %. Les subventions versées à divers opérateurs, tels que l'Institut national du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle (Intefp), le Centre d'études de l'emploi (CEE) ou l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (Anact) vont également diminuer. Cette baisse des crédits et des effectifs impose aux agents des réorganisations, mais elle est indispensable pour accroître les moyens des ministères prioritaires, sans creuser les déficits ni augmenter encore les prélèvements obligatoires.

Il nous faudra rester vigilants sur la situation de ces chômeurs âgés, ayant suffisamment cotisé pour avoir droit à une retraite à taux plein, qui arrivent aujourd'hui en fin de droits et qui subissent les conséquences de la suppression de l'allocation équivalent retraite (AER). Le Sénat a voté hier soir un amendement de Martial Bourquin instaurant une taxe sur les nuits d'hôtel de luxe, dont l'objectif est de trouver une ressource. M. Cahuzac nous a dit que le nombre de personnes concernées serait précisément connu en décembre, et il a confirmé l'engagement du gouvernement à faire avancer ce dossier d'ici janvier.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Jeannerot

Certes, car à l'expiration de leurs droits à l'assurance chômage, ces personnes se retrouvent titulaires de minima sociaux, dont le montant est modeste, 470 euros pour l'ASS, alors que le montant de l'AER, dont elles pensaient bénéficier jusqu'à leur retraite, était de l'ordre de 1 000 euros. Le Gouvernement souhaite disposer d'un peu de temps pour évaluer les effets du décret qui a rétabli l'âge de départ à la retraite à soixante ans pour les salariés qui ont commencé à travailler tôt. Il réexaminera cette question dans le cadre de la discussion sur l'avenir des régimes de retraite qui aura lieu au premier semestre 2013. Dans l'immédiat, le ministre du travail a donné instruction aux préfets d'éviter, à court terme, une chute des revenus de ces chômeurs grâce à des contrats d'accompagnement dans l'emploi.

Je suis très attaché au devenir de l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (Afpa). Son président, Yves Barou, nous a dit à quel point sa situation financière était précaire. Le Gouvernement a pris des mesures d'urgence pour éviter la cessation de paiement mais une action plus structurelle est nécessaire : tel est l'objet du plan de refondation qui vient d'être rendu public. L'Etat peut aider l'Afpa en lui transférant le patrimoine immobilier dont il est propriétaire, via des baux emphytéotiques, et en participant à sa recapitalisation, ses besoins en fonds propres étant estimés entre 200 et 300 millions. A moyen terme, la définition d'un service d'intérêt économique général (SIEG) ferait échapper une partie du marché de la formation à la stricte application des règles de la concurrence, ce qui aiderait l'Afpa à faire valoir ses atouts et ses spécificités.

En conclusion, ce projet de budget n'est évidemment qu'un des leviers à la disposition du Gouvernement pour gagner la bataille de l'emploi. La compétitivité de nos entreprises doit s'améliorer : tel est l'objet du pacte annoncé par le Premier ministre, qui prévoit la mise en place d'un crédit d'impôt afin d'alléger le coût du travail. Beaucoup d'entreprises étant également confrontées à des problèmes de financement, nous allons bientôt examiner le projet de loi relatif à la Banque publique d'investissement. Nous devrons également améliorer le fonctionnement du marché du travail, qui fait peser tout le poids de la précarité sur les jeunes et les seniors. Les partenaires sociaux sont invités à négocier sur ce sujet un accord historique, qui pourrait servir de base à une grande réforme législative. Dans cette attente, je vous invite à émettre un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission, ainsi que des deux articles qui y sont rattachés et du compte d'affectation spéciale FNDMA.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Vous avez noté, à juste titre, l'augmentation du chômage. Une manifestation aura lieu samedi prochain à l'appel de l'Association pour l'emploi, l'information et la solidarité des chômeurs et travailleurs précaires (Apeis) : il faut soutenir le travail de ces associations, car le problème est à la fois individuel et sociétal.

Je partage vos remarques sur l'Afpa : le SIEG répondrait, en partie, aux difficultés actuelles.

Qu'en est-il des cotisations sociales versées par les auto-entrepreneurs ? Pour certains chômeurs, ce statut séduisant n'est-il pas une illusion ?

Je suis étonnée par votre conclusion : vous donnez un avis positif à l'adoption de cette mission alors que ses crédits, en forte baisse, ne sont pas à la hauteur de nos ambitions.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

Ce rapport de qualité illustre le dynamisme de notre politique en faveur de l'emploi. La baisse des crédits de fonctionnement s'explique par le nécessaire redressement des comptes publics.

Le rapporteur a rappelé notre débat d'hier soir sur l'AER : j'espère que le gouvernement fera rapidement des propositions concrètes pour régler ce problème douloureux.

Concernant le service public de l'emploi, je partage ses remarques sur l'Afpa. Je signale que le Nord-Pas-de-Calais expérimente un service public de la formation professionnelle continue. Pourquoi ne pas examiner ce qui s'y fait ? Enfin, les maisons de l'emploi, qui n'ont pas été évoquées, ne font-elles pas doublon avec Pôle emploi ?

Les collectivités territoriales devraient proposer plus de contrats d'apprentissage, car les formations en alternance, qui existent aussi dans l'enseignement supérieur, offrent aux jeunes une voie royale vers l'emploi.

Notre rapporteur a évoqué la suppression des exonérations de cotisations sociales pour les auto-entrepreneurs. Il faudra sans doute aller plus loin et réexaminer ce statut, qui est souvent choisi par des chômeurs qui n'ont en réalité pas les moyens de mener à bien un projet de création d'entreprise. De plus, il donne lieu fréquemment à des abus, certaines entreprises licenciant leurs salariés pour leur demander de devenir ensuite des sous-traitants auto-entrepreneurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Les 30 millions en faveur des emplois d'avenir seront-ils versés aux missions locales ? J'ai été interrogée à ce sujet...

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

L'apprentissage est une voie de formation intéressante et il faut se préoccuper, comme vous le faites, monsieur le rapporteur, des ruptures de contrats d'apprentissage.

Je m'inquiète de la baisse des subventions à certaines agences, notamment à l'Anact, alors que les conditions de travail se dégradent.

Hier soir, nous avons eu un débat très intéressant sur l'AER : certes, la mesure adoptée sur les nuits d'hôtel de luxe mérite sans doute d'être améliorée, mais nous devons venir en aide à ces personnes qui se retrouvent dans des situations dramatiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Labazée

En tant que président de conseil général, je finance des mesures en faveur de l'apprentissage dans des grands groupes. Les chefs d'entreprise qui comparent volontiers leur situation à celle qui prévaut en Allemagne, oublient trop souvent que l'apprentissage est dans ce pays au coeur de la stratégie des entreprises.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Jeannerot

Oui, l'apprentissage est indispensable et devrait être encouragé par les collectivités territoriales. Dans mon département, je dois me montrer pédagogue pour faire comprendre tout l'intérêt de cette formation. L'objectif de 500 000 apprentis d'ici cinq ans me semble ambitieux, mais réaliste.

Des moyens supplémentaires sont donnés aux missions locales : pour les emplois d'avenir, elles sont le seul référent des jeunes.

Ces deux dernières années, les crédits versés aux maisons de l'emploi ont fortement diminué. Les maisons de l'emploi percevront, comme en 2012, 63 millions alors qu'elles étaient dotées de 95 millions en 2010. Bien que le Gouvernement maintienne leurs crédits en 2013, nous devrons être attentifs car les situations varient considérablement d'une région à l'autre. Dans certains territoires, les maisons de l'emploi ont su trouver leur place, dans d'autres, elles restent en concurrence avec Pôle emploi. Le travail de complémentarité doit aller à son terme.

Le projet de loi de financement pour 2013 prévoit de relever le taux de cotisation des auto-entrepreneurs, sans modifier leur statut. Néanmoins, je partage votre appréciation sur celui-ci et la question reste posée.

Laurence Cohen estime que les crédits diminuent : certes, mais uniquement pour les services du ministère du travail, ce qui aura des conséquences sur l'administration et sur certaines agences, comme l'Institut national du travail qui devra consentir des efforts de gestion, et l'Anact dont les effectifs passeront de 84 à 82 ETP, ce qui n'est pas considérable. Globalement, les crédits de la mission augmentent, je le rappelle, de 2 %.

Debut de section - PermalienPhoto de René Teulade

N'oublions pas l'apport de la future Banque publique d'investissement qui apportera une contribution décisive au financement des entreprises.

Suivant son rapporteur, la commission donne un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Travail et emploi », ainsi qu'aux articles 71 et 72 rattachés et au compte d'affectation spéciale « FNDMA ».

présidence de M. Claude Jeannerot, vice-président, puis de Mme Annie David, présidente -