Délégation sénatoriale à l'Outre-mer

Réunion du 15 novembre 2012 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • campagne
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  • mer
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  • polynésie
  • profonde
  • technologie

La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Serge Larcher

Monsieur le ministre, je vous remercie pour votre disponibilité car le décalage horaire entre la Polynésie et l'hexagone, de 11 heures depuis le passage ici à l'heure d'hiver, vous conduit à nous rencontrer à 22 heures, heure locale.

Cette visioconférence est une première pour la délégation à l'outre-mer qui fêtera bientôt son premier anniversaire et j'espère qu'aucune saturation des réseaux du côté des États-Unis ne viendra perturber ou interrompre nos échanges. La thématique des zones économiques exclusives nous fait aborder décidément de nombreux défis techniques !

Notre délégation a en effet choisi comme sujet d'étude les ZEE ultramarines : à travers de nombreuses auditions, nous en explorons semaine après semaine les ressources et les enjeux. Ces enjeux sont évidemment majeurs pour les collectivités des outre-mer et il était donc indispensable de recueillir l'expression d'autorités politiques locales sur ce sujet : Richard Tuheiava, un de nos trois rapporteurs, avec Jean-Étienne Antoinette, sénateur de Guyane et Joël Guerriau, sénateur de Loire-Atlantique, n'a pas manqué d'attirer notre attention sur ce point.

Je vous donne la parole.

Debut de section - Permalien
Temauri Foster, ministre des ressources marines du gouvernement de la Polynésie française

C'est un grand honneur pour moi d'être entendu par la délégation sénatoriale à l'outre-mer. La Polynésie française est une poussière d'îles, située au coeur d'une immense zone maritime de 5 millions de km2. Nos 119 îles représentent 270 000 habitants, un PIB de 4,2 milliards d'euros, et un taux de chômage estimé à plus de 12 %. La Polynésie ressent fortement la crise, avec une chute du PIB de 10 % sur la décennie.

Je vais tout d'abord vous présenter un rapide panorama des secteurs économiques auquel s'intéresse le ministère des ressources marines. En 2011, les produits de la mer, la pêche, l'aquaculture et la perliculture représentaient une production de 11 000 tonnes pour une valeur estimée à plus de 142 millions d'euros ; la perliculture et la pêche sont les première et deuxième ressources du pays à l'exportation.

Les énergies renouvelables marines représentent une production annuelle de 200 millions de KWh et 28 % de la production totale d'énergies renouvelables. Nos objectifs fixés par le schéma directeur des énergies renouvelables nous conduiront à privilégier les projets hydroélectriques tout en optimisant la filière photovoltaïque et en préparant l'avenir avec des projets pilotes sur les énergies du futur. En 2018, 38 % de notre production d'électricité devra venir des énergies renouvelables, contre 28 % aujourd'hui.

Pour atteindre nos objectifs économiques, toutes filières confondues, des mesures d'accompagnement sont indispensables : refonte de notre cadre réglementaire et institutionnel ; nécessité de mieux gérer et protéger nos ressources ; évaluation et refonte de notre dispositif d'aides avec le souci de plus d'efficacité et d'équité ; développement de nos coopérations régionales et internationales ; formation de notre jeunesse et des acteurs de ces filières. Notre programme est ambitieux, et correspond aux enjeux économiques, sociaux et énergétiques que nous devons relever. La réduction de notre dépendance aux énergies fossiles est notamment un objectif crucial pour nous. Nous avons fixé comme objectif d'augmenter le chiffre d'affaires du secteur des énergies marines d'ici 2018. Mais les équipements structurants sont très coûteux. Nous cherchons des financements nationaux et internationaux, publics ou privés. Nous avons besoin du soutien de la métropole pour financer des investissements lourds, notamment en matière d'énergies renouvelables et de pêche. Nous souhaitons bien sûr le maintien du dispositif de défiscalisation.

Enfin, j'exprime toutes mes préoccupations sur la diminution des moyens déployés pour surveiller notre immense zone économique exclusive. Enfin, nous sollicitons un accompagnement renforcé dans la recherche et développement de nos filières les plus importantes.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Larcher

Je vous remercie, Monsieur le ministre. Vous avez soulevé le problème de la souveraineté sur nos espaces maritimes. La rédaction d'un Livre blanc de la Défense est actuellement en cours ; notre préoccupation est d'y affirmer notre volonté de protéger, sauvegarder et surveiller les espaces maritimes de tous nos outre-mer, afin que nos richesses halieutiques et minières ne soient pas exploitées par d'autres. La France doit se doter des moyens d'affirmer sa souveraineté dans ce domaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Tuheiava

Pouvez-vous nous dresser un état des lieux des projets en cours concernant les énergies renouvelables ?

Debut de section - Permalien
Temauri Foster, ministre des ressources marines du gouvernement de la Polynésie française

La Polynésie s'est engagée à réduire ses besoins en énergies renouvelables de 50 % d'ici 2020. Un plan a été mis en place. Nous travaillons actuellement au développement d'une autre centrale de distribution hydroélectrique d'un potentiel de production de 10 mégawatts. Pour ce qui concerne le solaire, nous arrivons à saturation. Il faut désormais trouver des solutions de stockage de l'énergie solaire.

L'un des projets les mieux maîtrisés en Polynésie utilise l'énergie thermique des mers : c'est le SWAC, un système de climatisation qui utilise de l'eau profonde pour fournir du froid renouvelable. Un hôtel de Bora-Bora est entièrement climatisé grâce à ce système. Cela fonctionne très bien. Un deuxième projet SWAC en cours concerne un hôtel en construction sur l'atoll de Marlon Brando. Un troisième projet SWAC a pour objet de climatiser l'hôpital de Taiohae aux Îles Marquises. Son plan de financement est en cours de finalisation. Un quatrième projet SWAC concerne la côte ouest de Tahiti.

Nous avons par ailleurs entamé une étude sur l'énergie houlomotrice. Nous attendons un projet finalisé de la société porteuse du projet.

Concernant l'énergie hydrolienne, un début de travaux a été réalisé sur l'atoll de Hao, où des essais sur la courantologie ont été menés. Nous cherchons des sociétés pour réaliser les futures turbines. Notre objectif est d'appliquer ce programme dans tous les atolls où il y a de forts courants.

Enfin, nous avons, en partenariat avec l'État, cofinancé un projet d'études qui utilise l'énergie thermique des mers (ETM). Nous avons fait appel à une société française et une société japonaise, qui ont travaillé en collaboration. L'étude est à présent terminée. Nous attendons la finalisation de ce projet, très coûteux, pour lequel nous avons besoin du soutien financier de la métropole.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Tuheiava

Quel est le sentiment du gouvernement polynésien au regard des enjeux des ressources minérales profondes et au vu des contraintes technologiques et budgétaires ?

Debut de section - Permalien
Temauri Foster, ministre des ressources marines du gouvernement de la Polynésie française

Mon collègue, M. Jacky Bryant, vous répondra plus précisément sur les ressources minérales. Pour ce qui concerne les ressources marines, nous maîtrisons les ressources de surface, mais pas celles des grandes profondeurs. Il faut investir beaucoup de moyens pour connaître les ressources de nos fonds marins. De plus en plus de navires de recherche, nationaux et internationaux, sillonnent nos océans. Mais nous ne connaissons pas toujours les objectifs de leurs recherches.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Tuheiava

On constate une baisse capacitaire en matière de surveillance. Dans les huit prochaines années, comme l'indique le Livre Blanc sur la Défense, on rencontrera des difficultés réelles en matière de surveillance des mers. Quelles sont vos recommandations sur cette importante question ?

Debut de section - Permalien
Temauri Foster, ministre des ressources marines du gouvernement de la Polynésie française

Je dois vous faire part de ma profonde déception. Nous n'aurons peut-être plus de moyens pour assurer la surveillance de notre ZEE d'ici huit ans. Je reste persuadé qu'avec l'aide de l'État d'autres moyens seront déployés. Je m'adresse à vous pour relayer ce message afin que l'État investisse en Polynésie dans des moyens plus modernes, satellitaires notamment, pour déceler tous les navires conformes à la réglementation imposée par les différents comités de pêche internationaux. Ces navires qui naviguent dans nos ZEE doivent être équipés de façon à pouvoir être détectés par des radars. Nous devons être capables de déceler les navires étrangers qui pénètrent dans nos ZEE. De tels outils modernes nous permettraient de simplifier notre intervention, même si nous n'aurons prochainement plus autant de bateaux de surveillance.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Larcher

C'est une préoccupation de la délégation que la France puisse exercer ses compétences régaliennes sur ses ZEE. Le Livre Blanc sur la défense nous inquiète beaucoup. Les navires étrangers peuvent traverser nos ZEE, mais non y stationner pour y piller nos richesses. Nous devons nous faire entendre.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Guerriau

Vos objectifs sont ambitieux et clairvoyants. Votre espace maritime de 5 millions de km2 constitue une richesse mais aussi un défi. Existe-t-il un document plus précis qui analyse cet espace maritime, et décrive les moyens à mettre en oeuvre pour aller dans le sens de vos préoccupations ?

La pêche et l'aquaculture polynésiennes sont en concurrence avec l'Asie. Pourquoi cette concurrence est-elle si forte, et comment pouvez-vous renforcer votre compétitivité pour y faire face ?

En matière de recherche et développement, de quoi disposez-vous sur votre territoire, en matière d'effectifs notamment ? Quels sont vos besoins ?

Vous avez à relever un certain nombre de défis ; quels sont les handicaps les plus lourds à surmonter pour vous ?

Debut de section - Permalien
Temauri Foster, ministre des ressources marines du gouvernement de la Polynésie française

Nous avons mis en place, avec l'État, un Conseil polynésien de la Mer et du Littoral, présidé par le Haut-Commissaire et par le Président de la Polynésie. Dans le cadre d'un renforcement du partenariat avec l'État, ce Conseil étudie les moyens de renforcer la contribution à l'essor économique de la Polynésie, tout en veillant à la protection de l'environnement.

Il se réunit deux fois par mois et est composé de plusieurs comités, notamment : le comité stratégique qui conduit la politique maritime intégrée ; le comité opérationnel de l'action en mer, chargé de coordonner l'action des services de l'État et de la Polynésie. Les aspects liés à la surveillance de la pêche en Polynésie sont en cours de discussion. L'État et la Polynésie travaillent ensemble pour accompagner le développement des activités autour des ressources marines, mais nous ne disposons pas d'un Livre Bleu.

S'agissant de la concurrence avec l'Asie, il est très difficile pour la Polynésie d'être compétitive, pour des raisons notamment salariales ; la main d'oeuvre asiatique est très faiblement rémunérée comparée à celle polynésienne, qui perçoit un SMIC. Un autre handicap pour nous est l'éloignement de notre territoire des autres marchés. Cet éloignement est dû au coût élevé du transport. Pour y remédier, nous avons demandé que la Polynésie puisse bénéficier du dispositif européen d'aide au transport des produits de la mer, dispositif dont bénéficient la Guadeloupe et La Réunion. Cela permettrait à la Polynésie d'exporter davantage ses produits. Nous sommes par ailleurs à la recherche de marchés de niches, mais nous sommes freinés par le coût du fret.

Pour être plus compétitifs, nous avons choisi d'améliorer et d'accroître notre flottille de pêche afin qu'elle couvre une surface plus importante de ZEE. Il faut savoir en effet qu'un tiers seulement de notre ZEE est exploité de manière constante et efficace. Nous examinons par ailleurs la possibilité de faire appel à une part raisonnable de main d'oeuvre étrangère, notamment à des techniciens de haut niveau pour assurer la conservation des poissons dans le froid.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Larcher

Votre marché cible est-il hexagonal, ou bien est-il constitué des pays de votre zone, y compris le Japon par exemple ?

Debut de section - Permalien
Temauri Foster, ministre des ressources marines du gouvernement de la Polynésie française

Notre plus gros marché pour la pêche est l'Europe. Nous travaillons également avec les États-Unis, les Îles Hawaï, le Japon.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Larcher

Quelles sont vos attentes s'agissant de la recherche et développement ? Travaillez-vous avec l'IFREMER par exemple ?

Debut de section - Permalien
Temauri Foster, ministre des ressources marines du gouvernement de la Polynésie française

Nous travaillons avec l'IFREMER, l'IRD, le Trium, qui sont installés en Polynésie française. Notre partenariat porte sur la recherche fondamentale et appliquée. Nous cherchons à avoir un soutien technique de chercheurs métropolitains spécialisés pour accompagner nos axes de développement.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Tuheiava

Quel est votre sentiment sur la question des câbles optiques sous-marins, technologie de pointe ?

Debut de section - Permalien
Temauri Foster, ministre des ressources marines du gouvernement de la Polynésie française

Cette poussée technologique est inévitable et s'avère indispensable dans le monde actuel de la communication et des échanges. Je me réjouis que la Polynésie dispose de câbles optiques sous-marins, mais je crois qu'ils doivent être davantage développés. Le câble polynésien est sous-exploité. Il faut accroître son utilisation pour raccorder plus de capacités, améliorer la qualité de la transmission, augmenter la puissance du débit entrant et sortant, et diversifier la ramification vers d'autres pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Larcher

Je vous remercie, Monsieur le ministre. Vous pouvez compter sur notre soutien, tout particulièrement sur les questions de la souveraineté française sur nos ZEE et de la recherche et développement.

Nous entendons à présent M. Jacky Bryant, ministre de l'environnement et des mines du gouvernement de la Polynésie française. Je vous cède immédiatement la parole.

Debut de section - Permalien
Jacky Bryant, ministre de l'environnement et des mines du gouvernement de la Polynésie française

Avant de vous présenter mon ministère, je ne peux pas faire l'impasse d'une première réflexion sur la relation des Polynésiens avec le monde océanique, relation qui remonte à la nuit des temps. C'est l'océan qui fait le lien entre nos îles. Nous ne pouvons pas, aujourd'hui, envisager de développement durable sans avoir à l'esprit l'ensemble de nos déplacements immémoriaux sur mer. La source de nos connaissances se trouve dans la répétition de ces déplacements, et dans nos traditions, cruciales pour comprendre notre démarche et pour permettre les mutations vers l'avenir.

J'en viens à la présentation du Ministère de l'environnement, de l'énergie et des mines de la Polynésie française. Il exerce, sous l'autorité du Président de la Polynésie française, les missions confiées par le conseil des ministres en matière de politique environnementale, énergétique et minière. Il assure également le suivi des conséquences des essais nucléaires en Polynésie française.

À ce titre, il exerce la tutelle sur les services administratifs suivants :

- la direction de l'environnement ;

- le service de l'énergie et des mines ;

- la délégation polynésienne pour le suivi des conséquences des essais nucléaires.

En matière d'environnement, l'axe de travail prioritaire du gouvernement porte sur le volet réglementaire, avec la volonté affichée de rendre notamment le dispositif répressif plus efficace et dissuasif.

En 2012, deux lois du pays ont ainsi été promulguées : l'une relative à la protection des espaces classés et l'autre à la répression du dégazage en mer. Un projet de loi du pays relatif aux espèces protégées a été soumis à l'Assemblée de la Polynésie française, tandis qu'un autre projet de loi du pays, relatif à l'habilitation des agents assermentés pour constater et rechercher les infractions en matière environnementale, est en cours de rédaction.

Nous nous préoccupons également du traitement des pollutions. En 2012, dans le cadre d'un partenariat avec l'Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Énergie (ADEME), une étude sur le gisement des déchets dans l'ensemble du Pays a été réalisée. La restitution des résultats interviendra à la fin de l'année et débouchera sur la rédaction de la politique sectorielle des déchets.

Ce document référence présentera les objectifs de la Polynésie française à court, moyen et long termes ainsi que les plans d'actions et de financements correspondants. Il quantifiera également le nécessaire effort de solidarité à mettre en place vis à vis des îles éloignées.

Le gouvernement finalise par ailleurs la mise en place d'une responsabilité élargie du producteur, qui permettra de responsabiliser les metteurs sur le marché de certains produits, et de les sensibiliser à leur collecte et à leur traitement en fin de vie.

Pour ce qui concerne les opérations liées à la biodiversité, des plans de gestion des écosystèmes réconciliant les savoirs traditionnels et la connaissance scientifique sont en cours d'élaboration, prioritairement sur les îles sentinelles que sont Eiao, Scilly, Rapa et Maiao.

Enfin, la Polynésie française, en partenariat avec l'État et l'Union Européenne, poursuit le déploiement de nombreux projets environnementaux, notamment dans le cadre des dispositifs INTEGRE, RESCUE et du RUAHATU. Ainsi, un nouvel axe dénommé « Zones de vie » a été créé afin de favoriser des projets d'aménagement destinés à améliorer le cadre de vie des citoyens.

J'aborde à présent la politique énergétique du ministère. Le projet de loi du pays relatif aux principes directeurs de la politique énergétique de la Polynésie Française, présenté à la fin de ce mois à l'assemblée de la Polynésie française, inscrit la maîtrise de l'énergie comme axe de travail prioritaire.

Le gouvernement a souhaité y poser les bases d'une saine concurrence dans le domaine des énergies renouvelables. D'autres lois du pays viendront compléter ce cadre réglementaire, notamment sur la production, le transport et la distribution d'électricité, ainsi que la définition de règles d'urbanisme, d'aménagement et de construction réduisant la consommation d'énergie.

La Chambre territoriale des comptes avait reproché à la Polynésie française de s'être entièrement retirée de sa mission d'autorité concédante et de contrôle. Le gouvernement s'efforce de prendre les dispositions nécessaires pour que le Pays soit à nouveau porteur de ses choix de développement énergétique et qu'il exerce un véritable contrôle sur le délégataire du service public.

Progressivement, la Polynésie française se réapproprie sa mission de transport de l'énergie électrique, maîtrisant ainsi les flux et choisissant la nature des énergies prioritaires, privilégiant les énergies renouvelables (photovoltaïque, hydraulique, etc.). Les gouvernements précédents avaient mis en place des incitations financières fortes pour les installations photovoltaïques, jusqu'au 30 juin 2011, en faisant abstraction de la concession liant la Polynésie française à l'opérateur historique. Ces incitations financières pèsent aujourd'hui, et de manière durable, sur le budget du Pays. Le gouvernement a maintenu une politique d'incitation des installations photovoltaïques tout en privilégiant l'utilisation de l'électricité produite en autoconsommation et en limitant les coûts pesant sur le budget de la collectivité.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Tuheiava

Pouvez-vous nous dresser un panorama de vos ressources minérales profondes ?

Debut de section - Permalien
Jacky Bryant, ministre de l'environnement et des mines du gouvernement de la Polynésie française

Nous avons très peu de connaissances sur nos ressources. De nombreuses informations laissent à penser que les fonds marins de la Polynésie française seraient riches en minerais, plus ou moins précieux. Nous avons comme objectif de produire, d'ici 2013, une étude prospective globale des activités liées à l'exploration et à l'exploitation des ressources minérales océaniques profondes, à partir des publications qui ont été faites. Quelques atolls disposent de ces ressources, mais leur exploitation est sans commune mesure avec les quantités existantes.

La Polynésie française détient notamment dans son sol et son sous-sol maritime des encroûtements de ferromanganèse enrichis en cobalt et platine. Les premiers résultats de l'étude en cours permettent d'affirmer qu'en Polynésie française les trois types de gisements rencontrés, par ordre d'intérêt décroissant, sont les suivants :

- les encroûtements polymétalliques, qui présentent le plus grand intérêt, de par leur richesse en cobalt (1,8 %) et platine (2,8 g/T) ainsi que leur présence à des profondeurs modérées (entre 800 et 1 500 mètres, sur les flancs et sommets des monts sous-marins), notamment aux Tuamotu et entre Tahiti et les Australes. Cette configuration autorise une exploitation relativement aisée ;

- les vases des plaines abyssales, qui contiennent des terres rares (lanthanides, yttrium, scandium) en quantité significative, à des profondeurs comprises entre 4 000 et 5 000 mètres ;

- les nodules polymétalliques, qui présentent un intérêt très limité, de par leur teneur réduite en éléments métalliques.

Ces gisements marins en eau profonde ne présentent cependant pas d'intérêt immédiat, dans la mesure où les ressources terrestres actuellement identifiées en cobalt, platine et terres rares, d'exploitation bien plus aisée, correspondent respectivement à 100, 200 et 800 années de consommation.

Par ailleurs, il n'y a aucun projet minier en cours dans la ZEE polynésienne. En effet, malgré l'importance des travaux déjà menés dans la ZEE dans le cadre du programme ZEPOLYF, de nombreuses données restent à acquérir pour définir précisément les caractéristiques des gisements identifiés, notamment dans les secteurs des îles Tuamotu et celles de la Société, ainsi que leurs rendements potentiels. En outre, l'expérience de la dernière concession minière, mal vécue par les populations, incite le Pays à demeurer prudent, pour protéger ses populations et son environnement souvent endémique à une île.

Des travaux d'exploration complémentaires doivent donc nécessairement être réalisés. Or, de tels travaux sont extrêmement coûteux. Autant les moyens d'exploration des grands fonds sont aujourd'hui bien maîtrisés, autant en matière d'exploitation les techniques et processus sont toujours en cours de développement. Le coût estimé pour l'exploration d'une zone de 100 km² avoisine les 2 849 200 euros.

La Polynésie française suit avec grand intérêt le projet SOLWARA, première exploitation industrielle en eau profonde prévue pour la fin 2013 en Papouasie Nouvelle-Guinée. La faisabilité technique et la rentabilité économique de ce type d'exploitation devra être démontrée.

Enfin, la Polynésie française est exclue des programmes de financement des études et formations dans le cadre de la coopération du Pacifique Sud.

Encore une fois, j'attire votre attention sur notre démarche. Si la logique est de soutenir le développement de la Polynésie par l'extraction des ressources (nodules, encroûtements, terres rares...) pour compenser la baisse de l'activité d'autres domaines économiques, ou la baisse des transferts de l'État, alors cette logique n'a pas d'avenir. Notre démarche doit porter aussi sur le volet environnemental. La ressource minérale, la ressource minière et la ressource en biodiversité doivent trouver leur place dans une exploitation que nous devons créer, imaginer, mais pour laquelle nous devons aussi investir des moyens. Il faut un projet de développement durable pour que la connaissance des grands fonds ne serve pas seulement à l'extraction : la magie des profondeurs doit aussi devenir un atout pour un nouveau type de tourisme de découverte des fonds marins : la plongée en eau profonde. Cette approche prendra du temps. Il faut beaucoup investir dans la recherche.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Tuheiava

Quels enseignements tire-t-on des études d'impact sur l'exploitation des gisements : quelle rentabilité économique ; quel impact sur l'environnement ?

Debut de section - Permalien
Jacky Bryant, ministre de l'environnement et des mines du gouvernement de la Polynésie française

L'exploitation des ressources minières océaniques, qui s'apparente à l'industrie pétrolière offshore, nécessitera la mise en place d'infrastructures lourdes tant sur site qu'à terre, pour l'extraction, le transport, le stockage et le traitement des minerais le cas échéant. Toutes ces activités génèreront des quantités importantes de boues et de déblais à terre, qui devront être pris en charge et éliminés.

Les impacts environnementaux de telles activités sur les écosystèmes des grands fonds, bien que difficilement quantifiables, sont largement prévisibles : la perturbation de la morphologie des fonds marins et de leur environnement physico-chimique et hydrodynamique, ainsi que les inévitables pollutions accidentelles connexes, entraîneront une forte perturbation, voire une destruction irréversible de la biodiversité et des habitats des zones d'extraction.

Ces effets seront d'autant plus fortement ressentis au niveau des monts sous-marins que ces derniers sont caractérisés par leur grande vulnérabilité, liée à un fort taux d'endémisme et de spéciation. L'industrie de la pêche polynésienne risque également d'être atteinte puisque les monts sous-marins, où se concentrent les poissons pélagiques et notamment les thonidés, constituent des zones de pêche privilégiées pour la flottille palangrière polynésienne.

Enfin, la mise en exploitation de certains gisements, identifiés au sein de zones de reproduction des thonidés, aurait des répercussions à l'échelle du stock mondial de cette ressource.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Guerriau

Quelles sont les actions que vous conduisez actuellement pour optimiser les ressources en énergie des océans ? Quels enseignements en tirez-vous ?

Debut de section - Permalien
Jacky Bryant, ministre de l'environnement et des mines du gouvernement de la Polynésie française

Un atlas du potentiel de développement des énergies marines renouvelables a été réalisé l'année dernière par le Pays. Il en ressort que la Polynésie française possède non seulement un fort potentiel dans l'exploitation thermique des mers, mais également un avantage comparatif. En effet, la Polynésie française présente les caractéristiques suivantes :

- un fort différentiel thermique : la température de l'eau change rapidement avec la profondeur ;

- et un tombant près des côtes : il existe de la profondeur très près des côtes, ce qui réduit les coûts d'investissements.

Le Pays a ainsi tout intérêt à développer le SWAC (Climatisation par l'eau des océans), technologie qui consiste à utiliser l'eau froide des profondeurs des mers pour refroidir par contact, grâce à un échangeur, l'eau du circuit des climatiseurs. Cette eau froide se substitue aux compresseurs électriques.

Après un projet pilote dans un hôtel de Bora Bora, ce système de climatisation est en cours de déploiement dans un second hôtel au large de Tahiti, ainsi qu'au centre hospitalier de la Polynésie française. Cette technologie est très intéressante pour une autre raison : elle contribue à la diminution des gaz à effet de serre.

La deuxième technologie utilisant le différentiel thermique est la production d'électricité destinée à la consommation. L'état du fluide circulant dans un circuit fermé (habituellement de l'ammoniaque) se modifie en fonction de sa température. La modification de l'état (passage de l'état liquide à l'état gazeux) fait fonctionner la turbine qui fabrique l'électricité. Cette électricité va être par la suite transportée vers les points de consommation. Toutefois, cette technologie est nouvelle et en cours d'expérimentation. Les coûts de construction sont très élevés et il convient de noter que la mise en place d'une telle technologie occupera un domaine maritime qui pourrait concurrencer d'autres activités maritimes.

Il ressort également de l'étude produite l'année dernière que la Polynésie aurait intérêt à exploiter l'énergie de la houle, compte tenu de sa surface maritime. Là encore, cette technologie demeure nouvelle et nécessite des expérimentations. De même, sa mise en place occupant un domaine maritime, pourrait concurrencer d'autres activités maritimes.

Il n'en demeure pas moins que la Polynésie, compte tenu de sa configuration géographique, dispose d'atouts certains en matière d'études et d'expérimentations de nouvelles technologies durables liées à la mer et au soleil. Une réflexion devrait pouvoir être menée afin de favoriser l'implantation d'unités de recherche dans ces domaines.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Tuheiava

Quelles sont les actions locales en cours concernant la réforme du code minier ?

Debut de section - Permalien
Jacky Bryant, ministre de l'environnement et des mines du gouvernement de la Polynésie française

La loi organique statutaire donne compétence à la Polynésie française pour réglementer et exercer les droits d'exploration et d'exploitation des ressources minérales de sa ZEE, y compris du plateau continental constituant son sol et son sous-sol. Cette compétence ne concerne cependant ni les matières premières stratégiques, ni la recherche scientifique en mer, ces domaines relevant de l'État. De même, celui-ci conserve dans la ZEE les compétences en matière de circulation en mer, de sécurité des navires et de répression de la pollution causée par les opérations d'exploration et d'exploitation minières.

Mon ministère travaille actuellement à la refonte du code polynésien en vue de l'adapter aux techniques modernes de prospection et d'extraction. Les points suivants sont concernés :

- la procédure d'instruction et d'attribution des titres miniers ;

- le choix du mode de gouvernance ;

- les mesures fiscales et douanières ;

- le contrôle et les sanctions administratives et pénales ;

- le renforcement de la protection de l'environnement marin.

Interruption de la visioconférence du fait de la dégradation de la liaison.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Larcher

Mes chers collègues, nous auditionnons M. Yves Fouquet, spécialiste des ressources minérales marines profondes à l'IFREMER. Je lui cède tout de suite la parole.

Debut de section - Permalien
Yves Fouquet, spécialiste des ressources marines profondes à l'IFREMER

Je vous remercie de m'avoir invité. Géologue, je travaille sur les grands fonds marins depuis 1982. J'ai fait une thèse sur les ressources minérales terrestres et j'ai travaillé au Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) : j'ai mené des explorations terrestres essentiellement au Gabon. Je suis donc initialement un « terrien » mais je travaille sur les océans depuis de nombreuses années.

Je vais commencer mon propos par une courte introduction pour bien préciser le sujet. J'évoquerai ensuite le contexte international. Je montrerai enfin les potentialités des zones économiques exclusives (ZEE) françaises.

Pourquoi s'intéresser aux océans ? Les océans recouvrent deux tiers de la planète. Près de 60 % des océans sont à plus de 2 000 mètres de profondeur. Les explorations scientifiques des grands fonds ont conduit à la découverte de certains types de minéralisation. L'intérêt des océans n'est pas de remplacer les continents en termes de ressources, mais ils peuvent permettre la diversification des sources d'approvisionnement. Depuis quelques années, dans le contexte de l'augmentation de la demande au niveau mondial, l'industrie s'intéresse à ces connaissances scientifiques sur les grands fonds.

On peut relever plusieurs contextes dans lesquels les différents types de minéralisation peuvent se former. Ma présentation n'évoquera pas le contexte du plateau continental, dans lequel on trouve des sables, des graviers ou des minéraux lourds. On a ensuite le talus continental et les grands fonds, avec les zones sédimentaires et la croûte océanique, essentiellement volcanique. Dans les plaines abyssales, on trouve les nodules, les encroûtements et, éventuellement, les sédiments métallifères qui peuvent contenir de petites concentrations de terres rares. Dans la partie volcanique, on trouve les amas sulfurés associés aux sources hydrothermales.

Les nodules sont des boules d'une dizaine de centimètres de diamètre qui peuvent tapisser les fonds océaniques, en particulier dans les zones éloignées des continents. Ils se situent à environ 4 000 mètres de profondeur.

À des profondeurs moindres, entre 1 000 et 3 000 mètres, on peut trouver les encroûtements de manganèse qui, contrairement aux nodules, se forment sur tout substrat dur, comme des anciens volcans ou des atolls immergés. Il s'agit de croûtes noires, qui peuvent faire de 10 à 20 cm d'épaisseur.

Le troisième des principaux groupes de minéralisations est celui des sulfures hydrothermaux : ces sites se situent entre 1 000 et 5 000 mètres de profondeur et se présentent sous forme de cheminées hydrothermales.

S'agissant de la composition de ces minéralisations, les nodules sont composés essentiellement de manganèse et de fer. Ils peuvent aussi contenir - il s'agit des éléments intéressants - du nickel, du cobalt et du cuivre (en moyenne à hauteur de 2 %). Les encroûtements contiennent également une dominante de fer et de manganèse, mais également 0,7 % de cobalt en moyenne. Ils sont donc plus riches que les nodules. Il ne s'agit par ailleurs que d'une moyenne et certaines zones sont beaucoup plus enrichies. Les sulfures hydrothermaux sont constitués d'une combinaison de souffre et de métaux, avec, en moyenne 11 % de zinc et 5 % de cuivre. Ce sont donc des composés plutôt riches.

À côté de ces métaux de base, on peut trouver d'autres métaux : des encroûtements enrichis en platine, tellure ou nickel ; pour ce qui concerne les sulfures, on peut trouver des concentrations en métaux précieux, en or et en argent, mais aussi du plomb ou du cobalt, ou encore des métaux plus rares comme le germanium.

Quelles sont les dimensions de ces différents objets ? La zone la plus intéressante en matière de nodules, qui fait l'objet aujourd'hui de permis miniers dans les zones internationales, se situe au milieu de l'océan Pacifique. Il s'agit d'une zone très étendue, de plusieurs milliers de kilomètres carrés. Pour ce qui concerne les amas sulfurés, l'extension ne comprend que quelques centaines de mètres. Ces objets sont donc tout à fait différents des nodules en termes de nature, de richesse et d'extension.

Depuis plusieurs années, on constate un certain engouement pour ces ressources marines profondes. À partir 1978, date de découverte des premières sources hydrothermales au large du Mexique, de nombreuses campagnes d'exploration ont eu lieu dans l'Est du Pacifique. De nombreux sites hydrothermaux ont été découverts dans les années 1980. À la fin des années 1980 et au début des années 1990, des actions d'exploration ont été menées dans le Sud-ouest du Pacifique et ont permis la découverte d'autres sites hydrothermaux. Plus récemment, à la fin des années 1990 et dans les années 2000, des actions ont eu lieu dans l'Atlantique, notamment dans le cadre de programmes européens, essentiellement dans la ZEE des Açores. Dans le Pacifique-Est, la France coopère avec l'Allemagne, les États-Unis et le Canada. Dans le Sud-ouest du Pacifique, des coopérations ont existé avec l'Allemagne et le Japon.

Il y a donc des enjeux scientifiques, à la fois en géosciences mais aussi en biologie, des enjeux environnementaux - de connaissance de la biodiversité et des écosystèmes des grands fonds marins - ; des enjeux économiques et technologiques car, pour explorer et exploiter, il faut faire évoluer les technologies. Il y a bien sûr également des enjeux juridiques, des enjeux géopolitiques liés à la diversification des sources d'approvisionnement. Enfin, il y a des enjeux d'éducation et de formation.

Je souhaite maintenant dresser l'état des lieux au niveau mondial.

S'agissant des ZEE des États, on a des permis d'exploration par exemple dans le Sud-ouest Pacifique et dans les zones japonaises. En 2010 et 2011, des permis d'exploitation ont été délivrés en Papouasie et en mer Rouge. Ainsi, à horizon de plusieurs années, il pourrait y avoir de l'exploitation.

Le domaine international est géré par l'Agence internationale des fonds marins (AIFM), liée à l'ONU. Une législation internationale s'est mise en place progressivement : au début des années 2000 pour les nodules et en 2010 pour les sulfures hydrothermaux. La législation sur les encroûtements est en cours de discussion et pourrait être adoptée l'année prochaine.

Cette législation a conduit au dépôt de permis d'exploration, notamment pour la zone au large du Mexique. La France a un permis dans cette zone, tout comme l'Allemagne. Des groupes privés ont également obtenu des permis dans cette zone particulièrement intéressante en matière de nodules. Dans l'Océan Indien, l'Inde a obtenu un permis dans une zone nodulée.

S'agissant des sulfures, quelques heures après la validation de la législation, la Chine a déposé un dossier. Elle détient aujourd'hui un permis dans l'Océan Indien, à la pointe Sud-est de l'Afrique. La Russie a obtenu un permis dans l'Atlantique. La France envisage de déposer une demande de permis au Nord de la zone russe dans l'Océan Atlantique. Ce permis est en cours de discussion. La Corée a obtenu un permis dans l'Océan Indien. On sait par ailleurs que le Brésil se mobilise sur ce sujet et a la volonté de déposer un permis dans l'Atlantique, au Sud du permis russe. On soupçonne enfin que les Chinois souhaitent déposer un nouveau dossier pour l'Atlantique Sud.

S'agissant des encroûtements cobaltifères, le Japon et la Chine souhaiteront très certainement déposer des permis quand la législation sera déposée.

Comme vous le voyez, il y a une vraie dynamique en termes de dépôt de dossiers par les différents pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Quelle est la nature exacte de ces permis ? S'agit-il de permis exclusifs et quelle durée couvrent-ils ?

Debut de section - Permalien
Yves Fouquet, spécialiste des ressources marines profondes à l'IFREMER

Dans les zones internationales, ce sont des permis exclusifs délivrés pour 15 ans. Des rapports doivent être produits chaque année pour indiquer les travaux réalisés sur la base de ces permis.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Tuheiava

Vous parlez bien de l'Autorité des fonds marins qui est basée à Kingston, en Jamaïque ?

Debut de section - Permalien
Yves Fouquet, spécialiste des ressources marines profondes à l'IFREMER

Oui, c'est bien cela !

Debut de section - Permalien
Yves Fouquet, spécialiste des ressources marines profondes à l'IFREMER

L'Autorité est basée à Kingston, mais la convention qui régit le droit de la mer a été signée à Montego Bay.

Pour terminer, je souhaite apporter un éclairage sur le potentiel de nos ZEE.

Ces zones font à peu près 11 millions de kilomètres carrés, une grande partie étant située en Polynésie, mais aussi autour des îles Kerguelen, Crozet et Saint-Paul et en Nouvelle-Calédonie.

Du point de vue hydrothermal, on connaît certains indices aux Antilles, un potentiel existe près de Clipperton tout comme autour des volcans actifs de Polynésie. Une amorce d'exploration a été lancée avec succès à Wallis-et-Futuna. Il pourrait également y avoir un potentiel autour des volcans actifs en Nouvelle-Calédonie. Pour avoir des minéralisations de ce type, il faut des températures de 300 ou 400 degrés pour le cuivre et 150 ou 200 degrés pour le zinc, ce qui n'est possible qu'en grande profondeur.

Pour les oxydes de manganèse, on en a découvert aux Kerguelen, un potentiel existe du côté des îles Éparses mais il reste à explorer. Quelques jalons existent en Nouvelle-Calédonie. Des actions d'exploration ont été menées en Polynésie française il y a plus d'une vingtaine d'années. On y a démontré l'existence de croûtes intéressantes : les zones les plus enrichies en cobalt sont, au niveau mondial, en Polynésie. À Wallis-et-Futuna, des opérations préliminaires ont été menées et ont conduit à la découverte de croûtes entre 500 et 1 500 mètres.

S'agissant enfin des nodules, beaucoup d'explorations ont eu lieu dans le Pacifique. Quelques nodules sont connus du côté de Clipperton ou de la Polynésie. Les nodules étant loin des îles, les zones intéressantes sont plutôt dans les zones internationales.

Enfin, je souhaite souligner que, au cours des deux dernières années, des campagnes d'exploration ont été menées dans la ZEE de Wallis-et-Futuna. On n'avait jusqu'alors pas de cartes hydrographiques : dans beaucoup de ces zones, il faut donc faire les cartes. On s'est focalisé sur les zones volcaniques actives : on a mené des explorations scientifiques pour retrouver des indices, c'est-à-dire un processus conduisant à la concentration de métaux. Ces explorations, financées par l'État français, par l'IFREMER mais aussi par les groupes privés comme ERAMET, ont été fructueuses puisque des indices ont été trouvés.

Il y a donc un réel potentiel et un contexte mondial qui montre que beaucoup de choses se passent dans ce domaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Larcher

Merci pour votre excellente présentation ! Nous aurions peut-être dû commencer par vous auditionner.

Debut de section - Permalien
Yves Fouquet, spécialiste des ressources marines profondes à l'IFREMER

Une réflexion nationale a été menée en 2010 sur les ressources minérales marines. Cela a abouti à un document qui a été publié récemment, analysant le sujet et ayant une approche prospective. Certaines conclusions ont été reprises par le Comité interministériel de la mer de l'année dernière. Elles font aujourd'hui l'objet de discussions au niveau ministériel.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Tuheiava

Merci pour cet exposé ! Notre compréhension est redessinée s'agissant du contexte mondial. Votre exposé démontre que les choses bougent en ce moment.

Debut de section - Permalien
Yves Fouquet, spécialiste des ressources marines profondes à l'IFREMER

Pour ce qui concerne les ressources minérales marines, je suis le seul spécialiste en France. Je travaille depuis 30 ans sur ce sujet. Si beaucoup d'efforts ont été faits par la France dans les années 70, les spécialistes de l'époque sont aujourd'hui en retraite. Le dernier spécialiste des nodules part en retraite dans six mois et ne sera pas remplacé : il n'y aura alors plus de mémoire.

Il y a un vrai engouement en matière de ressources minérales profondes. Il faut cependant faire passer la bonne information : ce n'est pas l'Eldorado, mais il y a un vrai potentiel.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Tuheiava

Vous avez évoqué la législation internationale. Nous sommes en train de réformer notre code minier. La France n'est-elle pas en retard en matière de législation ? Par ailleurs notre législation nationale est-elle cohérente avec la législation internationale ?

Debut de section - Permalien
Yves Fouquet, spécialiste des ressources marines profondes à l'IFREMER

Je ne suis pas juriste, mais je connais les discussions actuelles sur le code minier.

Quand on regarde les critères retenus pour le programme Extraplac, il s'agit de questions de pente ou d'épaisseur de sédiments, critères qui m'ont toujours paru orientés sur la recherche de pétrole. Je pense que, pour la mise en place de législations, il est important de connaître le potentiel des ZEE. S'agissant de la France, ne faisons pas l'erreur d'instituer des critères orientés par les pétroliers n'ayant aucune connaissance des objets minéralisés. Les juristes et les scientifiques doivent discuter ensemble.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Tuheiava

J'ai le sentiment que les opérateurs industriels sont encore un peu timides. Quelles sont les ressources minérales profondes qui auraient un intérêt stratégique majeur pour les prochaines années ?

Debut de section - Permalien
Yves Fouquet, spécialiste des ressources marines profondes à l'IFREMER

C'est une question délicate. Cela dépend des éléments qui seront stratégiques dans 20 ou 30 ans. L'exemple très médiatisé, ce sont les terres rares : c'est un groupe chimique très particulier. C'est un élément stratégique du fait du monopole de la Chine. Mais d'autres éléments comme l'indium ou le germanium, qui ne sont pas des terres rares, sont également stratégiques.

On évoque beaucoup les terres rares, notamment suite à un article d'une université japonaise évoquant la Polynésie française. Or, en Polynésie, les sédiments concernés sont en grande profondeur et les concentrations sont limitées. Les mines chinoises ont des taux de concentration plus importants. Il faut donc rester objectif. Pour la Polynésie française, il convient de faire des explorations plus poussées, en cherchant des concentrations dépassant la moyenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Guerriau

Merci pour cette présentation très intéressante et très instructive.

La technologie des forages d'exploration est-elle au point ? D'où viennent les outils de forage ? Sont-ils le produit de nos propres industries ? Qui détient les savoir-faire ? Comment avez-vous vécu ces forages ?

De nombreuses nations s'intéressent aux ressources minérales marines et déposent des permis. Les Français ont été les pionniers : notre pays perd-il son avance scientifique en matière d'exploration ? Certaines opportunités qu'il ne faudrait pas manquer existent-elles aujourd'hui ?

Comment peut-on fédérer les intérêts industriels, techniques et scientifiques pour que la France prenne toute sa place au plan international ?

Debut de section - Permalien
Yves Fouquet, spécialiste des ressources marines profondes à l'IFREMER

La France est très bien placée en matière de connaissance scientifique, du fait de l'effort fait au cours des années 1970. Le permis de nodules français est situé dans la zone où la densité est la plus importante. La France a été considérée comme explorateur pionnier en matière de nodules et, en matière de sources hydrothermales, elle a été le découvreur en 1978 et reste bien placée.

Pour autant, la France était bien placée dans les années 1970-1980 car elle disposait de la technologie. À la fin des années 1980, les sous-marins japonais et russes sont apparus. Avec les actuels engins téléopérés, la technologie s'est démocratisée, avec les allemands, les portugais, les canadiens, les japonais... La Chine a testé cet été son sous-marin habité, qui peut plonger le plus profond au monde. Il y a également des pays très dynamiques comme l'Inde ou la Corée.

Dans ce domaine existe une vraie volonté politique en Chine et en Corée. Il faut ensuite aussi les moyens et les technologies.

L'Europe a, au contraire, délaissé le Pacifique au cours des dix dernières années. En France, on ne compte que cinq ou six personnes qui travaillent sur ce sujet.

Les industriels ont pris des risques pour la phase d'exploration à Wallis-et-Futuna et cette phase a permis la découverte d'indices intéressants. Dans mon équipe, trois personnes partent en retraite dans l'année qui vient. La France est donc certes bien positionnée de par la durée de la recherche et de par la technologie, mais on arrive à la limite de crédibilité : la France ne dispose plus des masses critiques pour mener tout de front. Notre pays a développé de bonnes coopérations avec la Russie dans l'Atlantique. Au Brésil, une vraie volonté politique existe et les moyens sont là, mais les chercheurs sont encore ignorants : une volonté de coopération avec la France existe. Si la France ne le fait pas, les Chinois y sont prêts.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

S'agissant de la campagne de Wallis-et-Futuna, j'ai été étonnée de vous entendre évoquer un problème de cartographie. Cela concerne-t-il beaucoup de territoires ? Y a-t-il une planification des campagnes de cartographie ?

Debut de section - Permalien
Yves Fouquet, spécialiste des ressources marines profondes à l'IFREMER

Non, pour l'instant, le seul programme planifié est celui relatif à l'extension du plateau continental. Pour autant, il ne suffit pas de faire des cartes, il faut aussi établir un inventaire des indices minéralisés. Cette démarche n'est pas lancée et il n'existe par ailleurs pas de stratégie de financement.

Les zones clés pour notre pays sont, dans le fil d'une stratégie nationale, l'axe France-Brésil, mais aussi le permis de la France dans l'Atlantique et le permis pour les nodules. Les actions semblables à celle menée à Wallis-et-Futuna sont intéressantes et peuvent être un exemple. Il faut donc de l'argent et, surtout, des bras.

Debut de section - Permalien
Yves Fouquet, spécialiste des ressources marines profondes à l'IFREMER

S'agissant des technologies, pour les sulfures, il y a des choses à développer du point de vue des équipements de forage. Il y a les outils géophysiques, de méthode indirecte. Il y a également des technologies à développer pour la surveillance de l'environnement.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Larcher

Nous vous remercions pour votre contribution d'aujourd'hui, qui nous permet d'y voir un peu plus clair. Les opérateurs industriels nous avaient plutôt inquiétés, en minorant l'intérêt de ces richesses minérales, estimant qu'elles étaient inexploitables du fait de la profondeur ou du manque de technologies appropriées et que, d'autre part, il y avait suffisamment de minerais et de terres rares sur les continents.

Debut de section - Permalien
Yves Fouquet, spécialiste des ressources marines profondes à l'IFREMER

Certes, mais il faut diversifier les ressources d'approvisionnement !

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Larcher

Ils estiment par ailleurs qu'il existe peut être des minerais riches à des profondeurs moindres. Enfin, ils soulignent que le mode d'exploitation conduirait à nuire à l'environnement.

Debut de section - Permalien
Yves Fouquet, spécialiste des ressources marines profondes à l'IFREMER

Le point important est déjà de savoir ce qui existe.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Larcher

Il faut donc faire l'inventaire de toutes ces possibilités.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Larcher

Je souhaite la bienvenue à M. Julien Denègre, Business Development Manager, dans le département Mines et métaux de Technip. Quels sont les enjeux des ZEE pour la France et l'Europe ?

Debut de section - Permalien
Julien Denègre, Mines et métaux, Technip

Business Development Manager, Mines et métaux, Technip. - Je suis responsable commercial de la branche Mines et métaux du groupe Technip, société d'origine française créée en 1958 par l'Institut français du pétrole, à l'initiative du général de Gaulle. Notre coeur de métier est l'ingénierie et la construction de grands projets dans le domaine de l'énergie pour des sociétés minières comme ERAMET et AREVA, et des groupes pétroliers, comme Total, Shell, BP. Nous ne sommes pas opérateurs nous-mêmes. Notre chiffre d'affaires atteignait 7 milliards d'euros en 2011 ; nous employons 32 000 personnes dont 4 500 en France. Notre groupe est donc très international. Nos trois segments sont les activités sous-marines, les activités de surface en mer, et les activités terrestres.

Nous n'avons pas d'activité en mer dans la ZEE française autre que le projet de Wallis-et-Futuna ; nous l'avons commencé en 2010, en partenariat avec l'IFREMER et ERAMET. Notre unique projet en outre-mer, qui a atteint le stade de l'exploitation, est à terre. il concerne l'exploitation du nickel en Nouvelle-Calédonie. Nous travaillons par ailleurs, dans cette région du monde, en Australie et en Papouasie-Nouvelle-Guinée.

Nous sommes très exposés à la concurrence européenne, américaine, sud-asiatique, chinoise. Nous sommes pionniers pour l'activité minière sous-marine, pour laquelle nos concurrents sont néerlandais, car les Pays-Bas ont une forte culture des métiers du dragage.

Enfin, pour répondre à une question que vous m'avez posée par écrit, n'étant pas « miniers » nous-mêmes, nous ne sommes pas impliqués dans la réforme du code minier. Nous apportons des solutions d'exploitation à nos clients : nous construisons des usines, à terre comme en mer. Une fois l'usine terminée, nous n'intervenons plus, ni dans la maintenance, ni dans l'opération. Nous ne cherchons pas à rentrer dans ces activités, car nous deviendrions concurrents de nos clients.

Debut de section - Permalien
Julien Denègre, Mines et métaux, Technip

Non. Si Total ou Shell nous demandait de construire une usine ou une plateforme, nous le ferions. Mais nous ne sommes pas concessionnaires d'un permis d'exploitation de pétrole, que ce soit en Guyane ou ailleurs.

S'agissant de l'état des lieux des campagnes, l'IFREMER a réalisé trois campagnes en mer à Wallis-et-Futuna, qui étaient essentiellement des campagnes d'exploration. Nous n'en sommes pas encore à l'exploitation, ni même aux études d'ingénierie.

Nous travaillons par ailleurs sur des projets qui en sont au stade de l'exploitation de minerais en eau profonde ou peu profonde, pour des compagnies australiennes, canadiennes, sud-africaines ou japonaises. Nous avons réalisé des études et des systèmes permettant l'exploitation de minerais en eau peu profonde ou très profonde. Jusqu'à 3 000 mètres, la profondeur est considérée comme accessible. De 4 000 à 6 000, c'est difficile, mais nous y viendrons un jour. D'autres projets sont beaucoup plus accessibles : le phosphate par exemple, est à une profondeur de 200 à 400 mètres seulement. En Nouvelle-Zélande ou aux Fidji, où l'eau est peu profonde, les solutions mises en oeuvre consistent dans le dragage.

À l'inverse, à Wallis-et-Futuna, le système déployé est très proche des systèmes pétroliers très profonds, dans des conditions extrêmes.

Nous travaillons aussi avec Nautilus en Papouasie. Nous avons également travaillé pour le compte d'un consortium japonais.

À l'instar des Français, les Japonais cherchent à valoriser les minerais qui se trouvent dans leur ZEE. Les Coréens, qui n'ont pas de ressources dans leurs eaux, vont explorer ailleurs. Ils ont des concessions aux Îles Tonga où ils cherchent à mettre en place un pilote. C'est ce que nous avons fait à Wallis-et-Futuna : nous avons mis en commun les expertises nationales de l'IFREMER et d'ERAMET. Nous avons les savoir-faire, que nous associons, à l'image de ce que feront bientôt les Brésiliens et de ce que font déjà les Russes.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Larcher

Quels pourraient être les scénarios de prospective à moyen et long termes dans nos ZEE ?

Debut de section - Permalien
Julien Denègre, Mines et métaux, Technip

Nous avons la chance d'avoir une immense ZEE. Technip a choisi de commencer par Futuna car nous savions qu'il était très probable que nous y trouverions des amas sulfurés. C'est aujourd'hui la ressource la plus convoitée. Nous savons aussi que la Polynésie et les Caraïbes pourraient receler des ressources. Le programme EXTRAPLAC au large de la Guyane a montré qu'il pouvait y avoir des hydrates de métal. Mais explorer notre riche ZEE suppose une stratégie de long terme, avec les moyens financiers suffisants pour mener à bien ces campagnes. Le partenariat permet de mettre en commun les compétences, mais aussi les moyens financiers. Technip n'a pas vocation à faire de l'exploration ; nous intervenons une fois l'exploration terminée, quand le forage est fini et quand le potentiel minier a déjà été prouvé. Pour autant, au vu du gros potentiel, notre président a souhaité accompagner le financement de Futuna, mais ce n'est pas la vocation de Technip. L'IFREMER reste le maître d'oeuvre du projet à Futuna, même si les industriels intéressés contribuent financièrement. L'exemple de Futuna est intéressant non seulement pour la science, mais aussi du point de vue de la structure contractuelle choisie, qui met en commun les savoirs des établissements publics, des spécialistes de l'exploration, de la technologie et de l'exploitation. Il fallait une société minière pour porter la concession, ERAMET en l'occurrence. Ce projet est un bon laboratoire scientifique, mais aussi d'idées.

Si, demain, on veut exploiter la ZEE pour son potentiel minier ou énergétique, il faudra le soutien d'une société pétrolière ou « énergéticienne ». Si on veut exploiter les hydrates en Guyane, il serait bon que GDF-Suez ou Total soit intéressé à prendre part à un consortium.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Tuheiava

Le montage financier consiste souvent en un partenariat public-privé. Les industriels prennent des risques. Est-ce un bon schéma de fonctionnement ?

Debut de section - Permalien
Julien Denègre, Mines et métaux, Technip

Nous pensons que oui. C'est le schéma à Futuna. Les engagements du Grenelle de la Mer de 2009 comportaient un important volet sur l'océanographie, l'amélioration des connaissances des fonds marins et en particulier de la ZEE française. Les objectifs sont louables, mais coûteux compte tenu justement de l'immensité de notre ZEE. Un moyen de financer l'océanographie est de coupler les campagnes en mer avec les projets industriels. Le projet de Nautilus en Papouasie-Nouvelle-Guinée qui a nécessité de nombreuses campagnes en mer, est privé, et aujourd'hui, Nautilus est probablement le seul projet d'exploration de gisement qui ait été réalisé à un niveau scientifique aussi élevé, et grâce à des moyens privés. Les campagnes de forage de cette profondeur, comme les études d'impact environnementales très approfondies, n'avaient encore jamais été réalisées. Les scientifiques qui ont contribué au projet de Nautilus se sont félicités d'avoir pu atteindre ce niveau élevé de connaissance, grâce aux moyens financiers.

Pour conclure, il sera d'autant plus facile d'explorer les fonds marins français que des industriels s'y associeront, avec des moyens de financer des campagnes comme celles de Nautilus.

De même, nous avons exploré la ZEE de Futuna avec l'IFREMER à un niveau qui n'avait jamais été réalisé, grâce à la mise en commun des moyens financiers. Je ne suis pas sûr qu'aujourd'hui les ministères de tutelle aient la capacité de déployer un effort financier de cette envergure. Or, l'objectif est industriel, comme l'indique l'engagement du Grenelle de l'environnement de « préparer à moyen terme le pilotage industriel » de la zone de Futuna. Pour autant, les projets industriels sont aussi un moyen d'améliorer la connaissance scientifique de la ZEE, comme cela a été le cas à Futuna, d'une manière considérable.

Debut de section - Permalien
Julien Denègre, Mines et métaux, Technip

Pour envisager l'exploitation d'un projet minier, il faut avoir démontré sa rentabilité. Cela implique plusieurs étapes :

- établir plusieurs études : une étude géologique du gisement ; une étude d'impact environnemental en vue de démontrer que l'exploitation sera acceptable du point de vue de l'environnement ; et une étude d'ingénierie ;

- en déduire si le projet est rentable, et à quelle échéance, compte tenu également du coût du minerai sur le marché et des coûts de maintenance de l'opération.

Il faut ensuite instruire un titre minier, compte tenu des risques environnementaux et des retombées pour le territoire. À Futuna, nous avons trouvé un gisement, mais nous n'avons pas encore réalisé les études du pilote. L'acceptabilité environnementale et la rentabilité n'ont pas encore été démontrées. Nous avons commencé l'exploration en 2010 ; nous espérons que les résultats des analyses nous seront remis en juin 2013. S'ils sont concluants, nous mèneront davantage de campagnes et probablement des études d'ingénierie qui détermineront l'existence d'un intérêt économique pour éventuellement poursuivre le projet. Les éléments économiques, financiers et environnementaux, sont donc cruciaux pour décider de la réalisation du projet.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Guerriau

Quel est le grand rendez-vous que la France ne doit pas manquer sur le plan technologique ou industriel ?

Debut de section - Permalien
Julien Denègre, Mines et métaux, Technip

Les enjeux d'aujourd'hui concernent l'exploration minière, qu'elle soit maritime ou terrestre. Il faut encourager les projets comme celui de Futuna, et avoir une vision à long terme. Les filières électronucléaire, d'Airbus ou d'Ariane, ont mis dix à quinze ans pour être créées. Pour développer une filière, il faut du temps, une stratégie de long terme, et l'encouragement continu de cette filière. Si le projet à Futuna continue, on peut aboutir à une vraie filière minière sous-marine française. Il y a eu une véritable impulsion après le Grenelle, après le Livre Bleu, après le plan métaux stratégiques de M. Jean-Louis Borloo en 2010, puis avec la création du Comité des métaux stratégiques, le COMES. Il y a donc eu une réelle continuité. Cette dynamique doit être poursuivie et entretenue, par des mécanismes financiers ou juridiques. Certes, le risque existe : dans une campagne à la mer, on peut ne rien trouver. Aussi bien l'État que les industriels, Technip et ERAMET, ont pris ce risque. Mais j'y crois. On peut aboutir à une vraie filière. Le nouveau gouvernement s'y intéresse, dans la continuité du gouvernement précédent.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Larcher

C'est un véritable sujet pour nous. Le potentiel en richesses existe. Il nous reste à rendre possible à terme l'exploitation de matériaux qui seront demain rares ou enfouis à des profondeurs inaccessibles. L'enjeu est aussi notre dépendance énergétique. C'est politique. Les industries de pointe ont besoin de matériaux stratégiques.

Debut de section - Permalien
Julien Denègre, Mines et métaux, Technip

Par exemple, les turbines éoliennes consomment beaucoup de cuivre et un peu de terres rares. La fabrication de ces machines, dont l'objet est de contribuer au développement durable, nécessite des minerais, donc d'exploiter une mine... L'image de la mine n'est pas très positive aujourd'hui.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Larcher

Mais nous avons besoin de matériaux rares, et spécifiques aux milieux océaniques, qui sont très agressifs.

Debut de section - Permalien
Julien Denègre, Mines et métaux, Technip

Une autre question importante est la sécurisation des matières premières par des sociétés françaises. On peut acheter du cuivre à la Chine, mais cela peut devenir risqué si la Chine se trouve brusquement en situation de monopole, comme c'est le cas en ce moment avec ses exportations de terres rares. La vraie question est : la France a-t-elle la volonté d'exploiter des mines avec des miniers français ? En Nouvelle-Calédonie, beaucoup de titres ont été attribués à des sociétés étrangères. Le nickel n'est pas seulement exploité par ERAMET. Une des raisons qui nous ont incités à commencer par Futuna était d'empêcher les industriels étrangers, nombreux à s'être intéressés à ce projet, de prendre des titres miniers sur ce territoire. Nous avons commencé par Futuna pour protéger les intérêts français.

La France doit donner les titres miniers aux compagnies minières françaises. Le danger de perdre notre souveraineté sur nos territoires est réel. On l'a fait dans le passé... Le contrôle de notre ZEE est un vrai sujet stratégique.