La commission examine les amendements sur la proposition de loi n° 560 (2011-2012) permettant l'instauration effective d'un pass navigo unique au tarif des zones 1-2.
Nous avons déjà discuté de cette proposition de loi la semaine dernière. J'avais alors proposé un amendement qui n'avait pas été retenu par la commission, mais qui a convaincu mon groupe, ce qui est déjà un premier pas. Je l'ai donc redéposé avec mon groupe. Il est strictement identique à celui que je vous avais présenté. Pour mémoire, il vise à distinguer la grande couronne et la petite couronne de Paris, en termes de taux de versement transport, pour tenir compte de la spécificité de certaines entreprises et du fait que le réseau est nettement moins dense et la région plus mal desservie dans la grande couronne. Je pourrais développer, mais j'imagine que ce n'est pas nécessaire...
Nous avons la même attitude, même si j'avais dit que cet amendement paraissait aller dans le bon sens, puisqu'il permet de tenir compte des dessertes et d'alléger les charges des entreprises. Nous maintenons notre avis défavorable.
Ce sont effectivement les entreprises qui trinquent, mais je voudrais également vous faire part de mon opposition de fond sur le principe même de la création d'une zone unique étendue. La fédération nationale des agences d'urbanisme, présidée par l'un des vôtres, s'est prononcée contre l'étalement urbain. Or, votre proposition le facilite. Mais on ne peut pas être à la fois pour et contre un principe. Avec ce genre d'argument, nous risquons d'aboutir à une explosion du mitage du paysage, pourtant dénoncé de toutes parts. Je constate qu'on dit une chose, mais que l'on fait l'inverse.
Notre groupe s'abstiendra. Nous pensons qu'aujourd'hui, il faut davantage consacrer le budget à l'investissement qu'au fonctionnement. Mais je ne suis pas d'accord avec Monsieur Nègre, qui me conduit à réagir. Nous partageons le souci de ne pas favoriser le mitage mais il y a une erreur au niveau de l'appréciation de ses causes : ce n'est pas la tarification unique qui le provoque, puisqu'il existe déjà. Pour tous les partis républicains, il faut changer le discours tenu à l'égard des habitants qui vivent dans ces zones et arrêter de les accuser de favoriser le mitage urbain. Il faut au contraire les aider à se lier à la ville plutôt que de les exclure. Ce qui favorise le mitage, c'est bien autre chose que le choix des zones à faible tarification.
Je suis d'accord avec vous sur le fait que ce n'est pas le facteur principal, mais c'est un facteur aggravant. L'orientation n'est pas la bonne. Je vous rejoins sur la nécessité de consacrer nos efforts à l'investissement plutôt qu'au fonctionnement.
Exposer les choses de cette manière, c'est mélanger beaucoup de phénomènes. Densifier la zone dense est un objectif des élus d'Île-de-France. C'est inscrit dans le schéma directeur régional, qui peut-être un jour sera adopté - ce que je souhaite. Mais même si cette volonté est inscrite dans le schéma directeur, le déplacement des populations vers la grande couronne francilienne se poursuit, parce qu'il n'est pas lié au transport mais au coût du foncier et de l'immobilier. La population est contrainte de se loger loin de ses emplois, et se trouve ainsi confrontée à toute une série de difficultés. Curieusement, les emplois continuent en effet de se concentrer au centre, dans la zone où le versement transport est le plus élevé. Ceci devrait d'ailleurs nous faire réfléchir sur l'argument de la compétitivité et du poids des charges des entreprises. Si elles continuent de s'installer à la Défense, c'est parce qu'elles y trouvent d'autres intérêts : le coût du versement transport n'est pas un handicap. Ce qui se passe en grande couronne, ce n'est pas une diminution des terres agricoles, mais un phénomène de désindustrialisation, avec l'apparition de friches industrielles, à Longueville, Champagne-sur-Seine, Bagneaux-sur-Loing... Je vous invite à les visiter pour vous en rendre compte. En plus, pour l'avoir vérifié, le surcroît de la fréquentation des transports en commun ne vient pas tant de la tarification que de la qualité du transport. On pourrait ainsi renverser l'argument... Si on améliore la qualité des transports demain, on favorise le mitage. Est-ce une raison pour ne pas améliorer la qualité des transports ? Ce n'est évidemment pas du tout mon point de vue...
On pourrait appliquer le raisonnement de Michel Billout aux populations qui sont en dehors de l'Île-de-France. Là, la différence est notable, car il n'y a pas de facilités d'abonnement au réseau. Il n'y a pas de limite dans de tels raisonnements. Il faut bien qu'il y ait des frontières. Nous serons en tout état de cause contre l'amendement. Nous considérons qu'il ne faut pas charger la barque des entreprises, surtout en ce moment.
La commission décide d'émettre un avis défavorable sur l'amendement.
Au-delà de l'espace francilien, il y a des disparités au niveau du financement des transports. J'ai toujours entendu que la France payait pour la région parisienne : il suffit de voir à quel endroit se situe la limite des péages autoroutiers. Quand je viens à Paris, c'est à Mantes que les péages s'arrêtent, alors que l'autoroute arrive jusqu'à Paris. Nous pourrions raisonner autrement, y compris sur le ferroviaire. J'avais suggéré la semaine dernière la réalisation d'une étude sur cette question, et il m'avait semblé que cela répondait à une demande. Je voudrais pour ma part que nous ayons une réflexion en amont, afin d'explorer les différentes pistes, car nous devons développer le transport collectif, et nous avons le moyen de le faire, sur l'ensemble du territoire et pas seulement en région parisienne. Michel Teston, qui présidait la commission la semaine dernière, avait évoqué la réflexion menée par Louis Nègre et Roland Ries dans le cadre du groupe de travail « mobilités et transports ». Il faut que nous posions nos propres problématiques, et que nous mettions à plat le financement des transports dans ce pays. On traite toujours les choses partiellement, on n'a jamais de vision globale.
Le groupe de travail « mobilités et transports » co-présidé par Louis Nègre et Roland Ries pourrait effectivement se pencher sur le financement par l'ensemble des citoyens des services de transport sur tout le territoire national. Il doit déjà y avoir des études, il serait intéressant d'en faire la synthèse et de la présenter devant la commission.
Je rappelle que ce groupe de travail est ouvert à tous les sénateurs, pas seulement aux parisiens... Il permet d'avoir une vision plus large et de n'occulter aucun problème. Je confirme que les intuitions de Charles Revet sont bonnes : nous avons déjà regardé un peu cela, et la province paie effectivement une partie des transports parisiens. Avec étude sérieuse, nous verrons le combien, le pourquoi et le comment.
- Présidence commune de M. Raymond Vall, président et de M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques -
La commission organise, conjointement avec la commission des affaires économiques, une table ronde autour de M. Didier Ridoret, président de la Fédération française du bâtiment (FFB) et de M. Patrick Liebus, président de la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (CAPEB).
Nous sommes très heureux de recevoir les présidents de la Fédération française du bâtiment (FFB) et de la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (CAPEB).
Le Sénat s'intéresse beaucoup aux questions de logement et il nous est donc apparu tout à fait naturel d'organiser cette matinée d'audition, notamment après celle de M. Philippe Pelletier, président du Plan bâtiment durable, qui avait été particulièrement intéressante.
Vos deux organisations se mobilisent depuis le début de l'année pour attirer l'attention des pouvoirs publics sur la situation du secteur du bâtiment. Cette audition vous permettra donc de nous faire part de vos difficultés, de vos inquiétudes mais aussi de vos revendications.
Le Président de la République a fixé des objectifs ambitieux en matière de logement, tels que la production de 500 000 logements par an, dont 150 000 logements sociaux. Des premières mesures ont d'ores et déjà été votées : je pense bien sûr à la loi relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement adoptée à la fin de l'année 2012 ou au « dispositif Duflot » adopté dans le cadre de la loi de finances pour 2013. Nous attendons donc de vous que vous dressiez le bilan de ces premières mesures et que vous nous fassiez part de vos attentes alors que la ministre de l'égalité des territoires et du logement a lancé une concertation en vue du dépôt d'un grand projet de loi en juin prochain.
Enfin, dans la droite ligne de l'audition de M. Philippe Pelletier il faut évoquer l'objectif fixé par le Président de la République de rénovation thermique de 500 000 logements par an d'ici 2016. Le Président de la République devrait d'ailleurs annoncer d'ici à deux semaines un « plan d'urgence » pour le logement et la rénovation thermique.
J'ai confié à notre collègue Claude Bérit-Débat, vice-président de la commission des affaires économiques et rapporteur du projet de loi relatif à la mobilisation du foncier public, la tâche d'organiser cette audition. Elle se déroulera en trois séquences : d'abord la situation économique du secteur du bâtiment ; ensuite les moyens à mobiliser pour produire 500 000 logements par an ; enfin, ceux à mobiliser pour la rénovation thermique de 500 000 logements par an. Chacune de ces séquences sera introduite par un propos liminaire de nos deux invités.
La CAPEB représente 380 000 entreprises de moins de 20 salariés réalisant, au total, 79 milliards d'euros de chiffre d'affaires et recrutant quelque 80 000 apprentis. Toutes ces entreprises, même quand elles dépassent le seuil de dix salariés et qu'elles font du commerce, relèvent de l'artisanat, parce qu'elles en ont fait le choix. Or, elles traversent des conditions très difficiles, qui s'aggravent : l'activité est en recul, de 1 milliard d'euros de chiffre d'affaires en 2012, ce qui devrait entraîner la suppression de 16 000 à 20 000 emplois sur l'année. Concrètement, l'artisanat a perdu 800 emplois chaque mois dans la construction, dans le plus grand silence puisque les entreprises artisanales ne sont pas celles qui sont sur le devant de la scène. Leur trésorerie est exsangue : pour un quart des entreprises, la trésorerie n'aurait jamais atteint un point aussi bas, selon une enquête récente. Les causes en sont connues : le recul de l'activité, la hausse du coût des matériaux, l'augmentation des salaires et surtout celle des charges. En 2009, le carnet de commande allait en moyenne de huit à douze mois, il ne va pas aujourd'hui au-delà de deux à trois mois, et trop souvent même à la semaine, voire au jour le jour : dans ces conditions, la trésorerie ne peut pas tenir. D'autres causes sont également bien identifiées : le passage de la TVA de 5,5 % à 7 % a fait mal, car les artisans ont souvent dû faire un geste commercial envers leur client pour les devis effectués avant la hausse ; le crédit d'impôt développement durable (CIDD) a baissé de 10 % en 2011 puis de 15 % en 2012, le prêt à taux zéro (PTZ) a été recentré sur les logements neufs, et le plafond de ressources abaissé de 45 000 à 30 000 euros pour l'écoprêt à taux zéro : ces mesures ont restreint l'activité, c'est très visible sur la réhabilitation. L'année 2013 s'annonce tout aussi difficile, avec la perspective d'un recul de l'activité de 3 %, ce qui représenterait la perte de 40 000 emplois dans la construction, dont 20 000 dans l'artisanat.
Ces chiffres sont alarmants, je pourrais vous en communiquer bien d'autres.
Merci d'avoir organisé cette table-ronde qui est extrêmement importante pour nous. La construction connaît en effet une période très compliquée.
La FFB couvre l'ensemble des entreprises du bâtiment. Nous comptons 57 000 adhérents. Le premier d'entre eux en volume est l'entreprise VINCI, troisième constructeur mondial. Nous comptons également 43 000 artisans parmi nos adhérents. Nos adhérents couvrent les deux tiers du chiffre d'affaires du secteur du bâtiment, qui est de 129 milliards d'euros hors taxes en 2011. Le secteur compte également 1,2 million de salariés et représente entre 6 et 7 % du produit intérieur brut (PIB) de notre pays. Il s'agit donc d'une activité très importante qui a toujours su, dans les périodes de croissance, multiplier les emplois.
Les entreprises du bâtiment sont en général peu capitalisées. Elles sont souvent pauvres en fonds propres et donc très fragiles en cas de « vents forts ». Cette insuffisance en fonds propres est due à une insuffisance de rentabilité : la marge nette moyenne est de 1 %, contre 3 % il y a quelques années.
L'année 2012 a été difficile en termes d'activité, après une année 2011 marquée par un certain rebond. Après une année 2007 remarquable en termes d'activité, avec la mise en chantier de 467 000 logements neufs, 2008 a marqué le début de la décroissance. Sur l'ensemble de la période, la production a chuté de 17 % et près de 50 000 emplois ont été perdus.
En ce qui concerne les secteurs, l'activité de réhabilitation-rénovation-entretien constitue un pilier très fort, avec plus de 55 % du chiffre d'affaires. Cette activité s'est beaucoup développée au cours des quinze dernières années. La construction neuve représente 29 % de l'activité et l'activité de construction non résidentielle (bâtiments administratifs, locaux commerciaux) 14 %.
Les perspectives pour 2013 sont sombres. C'est pour cette raison que nos organisations se sont mobilisées en début d'année. Ces perspectives sont d'autant plus sombres que le secteur est un « gros bateau » caractérisé par une relative inertie : même si de bonnes orientations sont prises, il faut attendre un long moment avant d'en percevoir les effets. Nous estimons déjà que le début de l'année 2014 sera marqué par une mauvaise tendance en termes d'activité. Pour 2013, nos perspectives sont de -3,5 % en termes d'activité et de - 40 000 emplois. Chaque mois, 3 500 personnes vont quitter les effectifs du bâtiment.
Nous avons le sentiment que, depuis maintenant 18 mois, le secteur de l'immobilier est dans le collimateur. Il y a une liste impressionnante de décisions qui ont été prises à l'encontre de notre secteur, comme la taxation des plus-values immobilières, la fin du PTZ dans l'ancien... Le secteur n'a plus les faveurs des pouvoirs publics : c'est le ressenti de nos adhérents.
La loi de modernisation de l'économie (LME) a été extrêmement mal acceptée et dévastatrice pour nos entreprises. Dès le départ, nous étions persuadés que cette loi aurait un impact négatif en matière de délais de paiement. Nous avons été entendus partiellement par la mise en place d'accords dérogatoires. Nous constatons cependant que nos délais fournisseurs se sont considérablement contractés alors que nos clients paient plus lentement qu'avant. Vous imaginez l'impact sur les trésoreries des entreprises. L'activité construction ne peut donc se passer d'un soutien bancaire, alors même que les banques freinent leurs concours.
Le crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE) est une perspective satisfaisante pour nos entreprises. Le dispositif n'est cependant pas bien compris pour l'instant par les chefs d'entreprises : un travail de pédagogie s'impose.
Quand le régime des auto-entrepreneurs est entré en vigueur au 1er janvier 2009, nous avons été en première ligne pour le dénoncer. En tant qu'entrepreneurs, nous promouvons la libre entreprise. Ce régime est cependant appliqué dans le bâtiment, un secteur réglementé avec une concurrence très forte. Nous demandons la sortie du bâtiment du régime de l'auto-entrepreneur. Nous espérons avoir gain de cause. La concurrence étrangère constitue par ailleurs un point très important : toutes les régions sont concernées par une « invasion » d'entreprises venant travailler en sous-traitance ou répondre à des appels d'offre de promoteurs ou de collectivités publiques. Les tarifs pratiqués défient toute concurrence. Cette concurrence se pratique grâce à la directive sur le détachement qui est systématiquement détournée. Nous lançons un cri d'alarme et avons des propositions pour contrer cette concurrence étrangère. Si nous n'y prenons pas garde, l'entreprise du bâtiment comprendra demain un encadrement français et un outil de production qui viendra de l'étranger.
Les entreprises ont actuellement besoin de 5 000 à 15 000 euros de trésorerie. Les banques ne suivent pas, se contentant de regarder les résultats obtenus l'année précédente sans prendre en compte les carnets de commande.
En matière de marchés publics, il faut revenir à une application stricte du code des marchés publics et au « mieux disant ». Certaines entreprises travaillent en dessous du marché grâce à la sous-traitance, parfois en cascade. Il faut davantage de transparence, de l'allotissement, des circuits courts... Il faut également travailler sur les groupements, avec un cadre législatif permettant de les sécuriser.
Le CICE est particulièrement complexe pour les entreprises artisanales. 200 000 entreprises de l'artisanat en sont exclues, alors qu'elles vont subir l'augmentation de la TVA.
La CAPEB est mobilisée depuis le début contre le régime de l'auto-entrepreneur. 57 % des auto-entrepreneurs ne déclarent pas de chiffre d'affaires. Ils vivent grâce à du travail dissimulé couvert par le statut d'auto-entrepreneur. Comment vivre avec une activité qui rapporte 4 300 euros par an ? On parle d'augmentation de TVA, or il n'y a pas de TVA pour les auto-entrepreneurs ! Il s'agit de concurrence déloyale dans un secteur extrêmement réglementé.
Les entreprises low cost répondent aux marchés publics en sous-traitance. Elles sont payées toutes taxes par le donneur d'ordre mais ne reversent pas la TVA à l'État français. Il n'est donc pas étonnant qu'elles puissent faire des marges importantes. Il faut appliquer la loi française : si on leur appliquait réellement la TVA, elles n'auraient aucun intérêt à venir répondre aux marchés publics français.
Nous sommes sur la première thématique de cette matinée. Nous passerons ensuite aux problématiques de la construction de logements et de la rénovation, deux axes d'une politique qui est en train d'être mise en oeuvre.
Les deux Présidents ont mis en perspective les problèmes rencontrés par le bâtiment depuis plusieurs années : ils mettent en cause la LME, le statut de l'auto-entrepreneur ; ils s'interrogent sur le CICE, sur l'augmentation de la TVA qui est passée de 5,5 % à 7 % et sur l'augmentation à venir. Je souhaite indiquer que, unanimement, notre commission des affaires économiques milite pour que la TVA soit fixée à 5 % pour le logement social. J'espère que nous y parviendrons.
Merci aux deux présidents pour leur exposé très réaliste de la situation du secteur du bâtiment. Je souhaiterais apporter des réponses s'agissant de la LME.
Sur les délais de paiement, nous vous avions auditionné, Monsieur le Président de la FFB, à l'occasion des débats parlementaires. Vous nous aviez indiqué que les délais de paiement dans le bâtiment étaient alors de 107 jours. Ils atteignent aujourd'hui 45 jours. Tout le monde a donc profité de la loi. Vous déplorez les délais non respectés par vos clients. La LME avait prévu cela en confiant une mission spécifique aux commissaires aux comptes, chargés de dénoncer le non respect des délais.
Pour ce qui concerne l'auto-entrepreneuriat, cette mesure visait à encourager la création d'entreprises - l'objectif semble atteint -, mais aussi à réduire le travail dissimulé et à répondre à un segment de marché auxquelles les entreprises classiques ne peuvent pas toujours répondre, comme les petits travaux pour les particuliers. Je suis plutôt favorable à ce qu'on réfléchisse à limiter dans le temps le bénéfice de ce régime, pour permettre à ceux qui ont réussi de rentrer dans le droit commun. Ceux qui ne font pas de chiffre d'affaires n'ont rien à faire dans ce dispositif.
Vous avez évoqué à juste titre la question préoccupante de l'emploi de main d'oeuvre étrangère. Certaines entreprises proposent des devis de 30 à 40 % inférieurs à ceux d'autres entreprises pour les chantiers publics. Je souhaite rappeler que les salariés détachés par des entreprises étrangères sous-traitantes intervenant en France doivent être déclarés à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) et doivent être payés au même tarif que les salariés français.
J'ai entendu vos propos. Pour autant, nous avons l'impression que ni la FFB ni la CAPEB n'ont une influence sur leurs propres ressortissants. Quels moyens entendez-vous utiliser pour contribuer à appliquer la législation ? Cette question relève des pouvoirs publics mais également de la profession.
Le travail en alternance est soumis à une réglementation qui pose beaucoup de difficultés aux employeurs. S'agissant par ailleurs de la réglementation thermique, beaucoup de clients ne savent pas si l'employeur est suffisamment compétent : seriez-vous favorables à ce que leurs compétences soient validées par un diplôme ou un label ?
Alors que les délais de paiement font des ravages dans la trésorerie et que nous avions mis en garde contre les inconvénients du régime de l'auto-entrepreneur, je voudrais souligner que le Gouvernement élabore des pistes concernant aussi bien la trésorerie des entreprises que la rénovation thermique. S'agissant des marchés publics, les critères sociaux et environnementaux ne devraient-ils pas être mieux appliqués ? Les contrôles constituent par ailleurs une absolue nécessité pour la main d'oeuvre étrangère. Un commissaire européen, que j'ai saisi l'an dernier, m'a dit qu'un projet de directive serait présenté prochainement pour limiter les sociétés de type « boîte à lettres ».
Vous avez annoncé une baisse d'activité importante pour le premier trimestre 2014. Avez-vous des estimations sur les risques de fermeture d'entreprises ?
L'Observatoire des délais de paiement corrobore vos constats sur l'allongement de ces délais. Certaines entreprises gèrent de la trésorerie au détriment des PME.
Les banques sont réticentes à prêter. Dans le cadre de la mission que je mène sur ces questions, je proposerai un durcissement de la traque aux mauvais payeurs. S'agissant du risque de délocalisation, la règle du mieux-disant doit être respectée dans les appels d'offres. Je signale que des groupements de petites entreprises peuvent d'ailleurs faire le poids face à des entreprises plus grandes. Enfin, il faut un grand plan de relance et l'abaissement à 5 % de la TVA est une bonne piste.
Vous dites ne pas croire au CICE. Vous avez pourtant dû être consultés lors de l'élaboration de cette politique. S'agissant de la main d'oeuvre étrangère à bon marché, il est nécessaire de procéder à des contrôles et de lutter contre la concurrence déloyale.
Le recours à la sous-traitance est aussi pratiqué par certains de vos adhérents et les collectivités territoriales, lorsqu'elles font appel à une entreprise, n'ont pas toujours les éléments nécessaires pour décider en toute connaissance de cause. Je constate de plus que l'apprentissage est en perte de vitesse.
Des Africains qui se retrouvent à Paris sans papiers, notons-le, pratiquent un travail non déclaré et sont bien plus mal traités que le personnel français. Quant à la question de la rénovation énergétique, c'est un effort nécessaire pour lutter contre la misère de ceux qui ne peuvent plus payer leurs factures.
Je propose aux deux intervenants qu'ils ne répondent aux questions que dans le cadre des deux séquences suivantes. Je signale par ailleurs qu'on devrait adapter au nouveau contexte économique la LME, adoptée dans d'autres circonstances.
La plupart des questions portent en effet sur les thématiques que nous allons aborder maintenant : l'objectif de construction de 500 000 logements par an, au sujet duquel vous allez intervenir à présent, et la rénovation thermique qui constituera ensuite le troisième thème de cette table ronde.
Comment construire 500 000 logements par an ? Nous nous félicitons d'abord de cet objectif. Pour mémoire, seulement 395 000 logements ont été construits annuellement au cours de la dernière décennie ; l'objectif de 500 000 n'a peut-être pas été atteint depuis les années qui ont suivi la dernière guerre.
Mais où construire ces logements ? Il faut mettre l'accent sur des zones telles que l'Île-de-France et les grandes métropoles, où les besoins sont les plus importants mais où il est également le plus difficile de construire. La FFB estime qu'on pourrait atteindre en 2013 315 000 logements.
Cet objectif de 500 000 logements se répartit entre 150 000 logements sociaux, 70 000 logements locatifs privés et 280 000 logements en accession.
La question des moyens est essentielle pour les logements sociaux. Il faut baisser la TVA, mais aussi soutenir les grands acteurs tels qu'Action Logement, dont le modèle économique est menacé. Enfin, les subventions demeurent indispensables.
S'agissant du parc locatif privé, le dispositif « Sellier » a été remplacé par le dispositif « Duflot ». Celui-ci permettra la construction d'environ 40 000 logements, mais son zonage devrait être revu afin de ne pas en exclure les projets situés en zone de moyenne tension locative, dite zone B2. Enfin la volonté des investisseurs institutionnels de revenir vers le logement est à encourager. Toutefois, le plafonnement des niches fiscales à 10 000 euros constitue un frein considérable.
Le sujet le plus important est celui des logements en accession. Le dispositif du PTZ n'est pas assez puissant aujourd'hui pour permettre aux primo-accédants d'accéder à la propriété : il faut en élargir l'accès.
Enfin, le foncier ne manque pas en France, mais il est nécessaire d'inverser la règle fiscale actuelle, qui réduit la fiscalité pour ceux qui détiennent leur bien depuis longtemps : il faudrait au contraire pénaliser ceux qui le conservent sur une longue période afin de favoriser les transactions.
Je ne reviendrai pas sur les chiffres évoqués par Didier Ridoret.
Comment atteindre l'objectif de production de 500 000 logements fixé par le Président de la République ? Le secteur manque aujourd'hui de visibilité. Le « dispositif Duflot » n'aura un réel impact qu'à partir de 2014. Comme pour le Pacte pour l'artisanat, il faut des moyens.
Le Livret A et le livret Développement durable concentrent des sommes importantes qui pourraient être réinjectées rapidement. Le relèvement de 20 à 25 % du taux obligatoire de logements sociaux prévu par l'article 55 de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains est une mesure importante. La cession des terrains publics disponibles de l'État et des établissements publics est également attendue : les négociations doivent être engagées rapidement pour que ces terrains puissent être libérés au plus vite.
S'agissant de la TVA, l'éventuelle diminution du taux ne doit pas concerner uniquement la rénovation ou le logement social. Je rappelle que quand le Gouvernement a abaissé le taux de 19,6 à 5,5 %, près de 40 000 emplois ont été créés. Je pense que, dans le contexte difficile actuel, des messages forts doivent être envoyés. La baisse de la TVA aurait un impact très fort sur la création d'emplois. Je répète par ailleurs que la TVA doit être payée par tous ceux qui doivent la payer.
Un travail est à faire sur le PTZ : il doit être piloté par les collectivités locales et ainsi ajusté par rapport aux besoins locaux.
En matière de logement, il faut agir à l'échelle intercommunale. Il faut également agir sur la fiscalité pour favoriser la libération du foncier. Si le coût du bâtiment augmente, c'est aussi parce que le coût du foncier est très élevé. Il faut engager une réflexion sur la densification et faciliter la construction citoyenne.
Je voudrais répondre sur plusieurs points.
Sur les délais de paiement, le bâtiment est très spécifique. Il y a une co-activité très forte ; on intervient sur une oeuvre unique, dans un délai imparti et à des prix convenus. Cela demande de vérifier la facturation ou les prix réalisés. Aujourd'hui le temps de vérification des facturations n'est pas inclus dans les délais de paiement, et nous demandons à ce qu'ils soient inclus. Les délais de paiement clients n'ont en effet pas bougé : on est toujours à près d'une centaine de jours. Je ne mets pas en doute la vertu de la LME pour d'autres secteurs : elle n'est cependant pas adaptée au bâtiment, en raison de ces « délais cachés ».
J'ai compris les critiques qui m'ont été adressées pour ce qui concerne la concurrence étrangère. La FFB a porté ce problème sur la place publique. Il ne lui appartient pas de faire la police au sein de ses adhérents.
S'agissant de la construction des logements, les recours sont un des facteurs de la difficulté à construire. La volonté politique existe de prendre ce sujet à bras le corps. Il faut débattre et trouver des solutions.
Concernant les entreprises low cost, il faut pouvoir vérifier et contrôler. Il est faux de prétendre que les salariés concernés sont payés autant que les salariés français : j'ai eu connaissance de cas où des salariés vivaient dans des caves. Comment peut-on accepter que Zola revienne dans notre pays au 21ème siècle ?
Certaines entreprises utilisent les auto-entrepreneurs pour les faire travailler chez eux. Des actions de répression sont indispensables dans ce domaine.
Les artisans sont aujourd'hui les banquiers des particuliers : il est en effet toujours plus facile de faire attendre son artisan que son banquier. Il arrive par ailleurs que des marchés publics soient passés mais les artisans non payés. C'est notre rôle de dénoncer ces situations.
Thierry Repentin, ministre de la formation professionnelle, m'a reproché que nous ne formions plus. C'est une réalité : mais pourquoi prendre un apprenti si c'est pour le licencier peu après ?
S'agissant des marchés publics, il est possible de résoudre en partie le problème de la concurrence par une clause d'insertion sociale. Ce type de clause est utilisé par certaines communes et intercommunalités.
Vous avez évoqué la question de la TVA. Comme je vous l'indiquais, nous sommes unanimes pour défendre le taux de 5 % applicable au logement social. Nous allons relayer votre position. Vous avez rappelé par ailleurs la problématique de la libération du foncier. En tant que rapporteur de la loi sur la mobilisation du foncier, je vous avais rencontrés, ainsi que l'ensemble des acteurs du logement : il existe un consensus pour inverser la logique de la taxation des plus-values immobilières. Vous avez plaidé, Monsieur Liébus, pour des mesures à l'échelle de l'intercommunalité. Certaines existent déjà (PLH, PLU, SCOT...).
Une question enfin : les investisseurs institutionnels, les « zinzins », ont disparu du secteur du logement depuis vingt ans. On souhaite aujourd'hui les y faire revenir : avez-vous des idées pour les mobiliser ?
En matière de libération du foncier, la fiscalité inversée est une voie. Les pays nordiques ont adopté une autre solution : ils ont mis en place une taxation qui permet de taxer davantage le terrain quand il prend de la valeur, du fait de mesures prises par les pouvoirs publics.
Les mesures annoncées par Mme Cécile Duflot sont intéressantes, mais il faudrait cesser de réserver tous les moyens aux seuls territoires urbains. Dans la ruralité aussi, il y a des logements sociaux insalubres, mais les opérateurs n'accèdent pas aux subventions pour faire les travaux nécessaires. Ensuite, quelle est la tendance en matière de partenariats public-privé ?
La TVA à 5,5 % a été utile, je m'en réjouis d'autant que je me suis battu à l'époque pour l'abaisser à ce niveau. Je souhaiterais connaître la part de la commande publique des collectivités locales dans l'ensemble du secteur de la construction : avez-vous une estimation à nous communiquer ? Enfin, ce que nous voyons sur le terrain, c'est que la demande et l'offre de logement ne coïncident pas bien, en témoigne les logements vides, y compris en centre bourg. Cependant, les documents d'urbanisme, les règlementations freinent les constructions, nous obligeant finalement à construire là où il y a déjà du logement, au lieu, dans certains cas, de rénover ce qui pourrait l'être dans d'autres secteurs : quelle est votre position sur ces questions ?
Cette table-ronde est l'occasion d'un échange très concret et très utile. Le zonage doit être revisité, je le dis d'autant plus aisément que j'ai eu des responsabilités dans des gouvernements qui l'ont soutenu. Ce qu'il nous faut aujourd'hui, c'est le rendre plus efficace, mieux relié à la demande de logement elle-même.
Je crois, ensuite, qu'il nous faut « mettre le paquet » sur la rénovation thermique et l'amélioration de l'habitat, en mobilisant les crédits qui sont disponibles aussi à l'échelon européen : le Fonds européen de développement régional (Feder) prend désormais en compte cet objectif, nous devons nous en saisir le plus efficacement possible !
Dans ma ville, qui compte 12 000 habitants, on construit beaucoup, la commune donne toujours la priorité à la qualité, pas seulement au prix, et je ne retrouve pas, dans ce que me disent les artisans du bâtiment, les propos que j'entends aujourd'hui de la part du président de la CAPEB. Cependant, comme vous, je suis contre l'auto-entreprenariat, je suis même favorable à ce que nous revenions sur cette réforme chère à M. Hervé Novelli et, comme vous, je suis convaincu qu'il faut améliorer certains des outils actuels, en particulier le PTZ.
Le logement n'est pas un bien comme un autre, il répond à un choix de vie, à une projection dans le temps qui implique une relation de confiance : c'est bien le problème aujourd'hui, celui de la confiance dans l'avenir. Or, nos règles aggravent la situation, en particulier les ruptures fiscales, les changements de cap qui entraînent encore plus de méfiance de la part de nos concitoyens. Je le dis sans arrières pensées politiques puisque c'est bien l'ancienne majorité qui a changé les règles sur la fiscalité des plus values immobilières à 30 ans, mettant à mal des investissements indispensables.
Ce dont nous avons besoin, c'est donc d'un choc de confiance, en direction des investisseurs : nous devons être rapides, lisibles et efficaces, ou bien rien de ne produira. Et la TVA fait évidemment partie de ce « package » global, de même que les mesures pour inverser la logique de la taxation des plus-values dans le temps.
Nous avons également besoin d'un programme d'envergure sur la rénovation thermique : ici encore, des annonces sont faites, mais côté réalisation, c'est peanuts !
Autre chose que je ne peux passer sous silence : l'accession à la propriété n'est pas du tout prise en compte dans les mesures annoncées, alors que sans elle, parce qu'elle représente 300 000 logements par an, nous n'atteindrons jamais l'objectif de 500 000 logements neufs annuels, c'est tout simplement mécanique.
Enfin, nous devons encore évoquer la réglementation, et la mauvaise volonté que l'État met dès qu'il s'agit de construire à la campagne. Dans ma commune, qui est sous le seuil des documents d'urbanisme, un artisan maçon que je connais vivait très bien en construisant quelques maisons dans le secteur, c'était la base de son activité, mais maintenant que l'État refuse quasiment toute construction nouvelle à la campagne, il ne peut plus vivre !
La situation économique de l'artisanat ne saurait être florissante quand toute l'économie du pays se porte mal. J'ai été saisi de nombreuses fois par les adhérents de la CAPEB, je leur ai répondu à tous, individuellement. Je note que vous n'avez pas évoqué dans votre propos les commandes des collectivités locales, alors qu'elles sont importantes et que nous sommes de bons payeurs. Je déplore aussi que les artisans soient devenus trop souvent procéduriers, n'hésitant pas à poursuivre la collectivité devant les tribunaux pour des marchés non remportés...
C'est exact, mais cela n'empêche : les artisans sont devenus moins bons joueurs... Je ne suis pas connu pour être un fervent partisan du Gouvernement actuel, mais je crois que lorsque le pays traverse une crise comme celle que nous connaissons, une certaine unité nationale s'impose pour sortir le pays de l'ornière ! Or, vous demandez une baisse de la TVA, sans considérer les besoins de l'État face à la crise. Vous dites que les 500 000 logements neufs seront difficiles à atteindre, mais que proposez-vous, quels conseils donneriez-vous au Gouvernement pour atteindre ses objectifs tout en respectant les impératifs budgétaires de l'État ?
Les artisans vont très rarement en justice contre les collectivités locales, les démarches en restent effectivement au stade précontentieux. Vous me parlez des besoins de l'État face à la crise, mais c'est aussi mon propos. Comme trésorier de l'Unedic, je sais très bien comment les choses se passent : nous en sommes à rechercher 18,6 milliards d'euros pour financer le chômage, nous démarchons les banques européennes, en sachant très bien que nous n'avons pas d'autre choix que de trouver cet argent, parce que vous savez comme moi que si les chômeurs n'étaient plus indemnisés, ce serait l'insurrection. Or, si nous pouvions ne pas détruire des emplois dans un secteur aussi dynamique que le bâtiment, nous éviterions à l'Unedic de devoir indemniser ! Nous demandons une baisse de la TVA, ce serait moins d'argent dans les caisses de l'État, mais le gain serait certain ailleurs, via les moindres indemnités chômage : nous ne demandons pas à être protégés, nous demandons à pouvoir créer des emplois, parce que nous croyons en l'avenir de notre pays. Investissez dans nos professions, vous serez récompensés au centuple et c'est comme ça, par l'activité et l'emploi, que notre pays s'en sortira !
La confiance ne se décrète pas : nos concitoyens s'inquiètent pour l'avenir et s'interrogent sur leur capacité à investir, c'est un fait. En revanche, notre règlementation change trop souvent, instaurant un cadre instable pour les investissements de long terme, c'est un désavantage par rapport à l'Allemagne par exemple, où les règles principales n'ont pas changé depuis au moins trente ans.
De même, les normes et la réglementation en sont venues à freiner la construction, par leur complexité, par les coûts qu'elles induisent, et nous faisons face à des demandes toujours nouvelles, pour renforcer encore les règles, alors même que les coûts de construction représentent déjà la moitié du coût global du logement. En ceci aussi, nous avons besoin d'un cadre de travail plus stable et pérenne.
Les investisseurs institutionnels sont-ils prêts à prendre plus de place dans la construction ? Oui, mais à la condition de leur apporter une rentabilité d'au moins 3%, ce qui suppose bien davantage de moyens sur les leviers dont nous disposons : les mesures adoptées ou annoncées vont dans le bon sens, mais elles exigent plus de moyens pour avoir un véritable effet d'entrainement.
Les PPP ont fait le buzz, mais ils ne représentent en fait qu'une infime partie de l'activité. Aujourd'hui, la tendance est plutôt au retrait, après quelques affaires retentissantes.
Les collectivités locales jouent un rôle très important : elles représentent le quart de l'activité de nos adhérents. Nous nous inquiétons de voir les moyens des collectivités locales s'amenuiser : un moteur de notre activité en serait ralenti.
Nous regrettons que les problèmes soient abordés sous le seul angle budgétaire. Cela se conçoit quand l'argent se fait rare, mais notre point de vue d'entrepreneur nous pousse à considérer un ensemble bien plus large de facteurs, de conséquences, et à nous engager davantage pour l'avenir. Lorsqu'en août 2011 le Gouvernement de M. François Fillon a modifié la taxation des plus values immobilières, son objectif était uniquement budgétaire. Mais les effets de la mesure sont allés très loin, puisqu'elle rapporte finalement moins que prévu dans le temps et qu'elle a freiné l'activité, avec des conséquences graves pour l'emploi. Nous entrepreneurs raisonnons en investisseurs : nous savons qu'un logement représente 1,8 à 2 emplois, que l'effet sur l'activité est direct, tangible : tout ceci invite à aller bien plus loin que le seul raisonnement budgétaire.
Nous passons à la troisième séquence : comment atteindre l'objectif de rénovation thermique de 500 000 logements par an ? Le Président de la République a fixé l'objectif et annoncera très prochainement des mesures en ce sens. Quelles sont vos suggestions ?
Je salue le remarquable travail de Philippe Pelletier, qui a su être à l'écoute des professionnels et définir avec eux les meilleures solutions techniques. Les financements innovants, d'abord, sont utiles, mais on ne peut espérer qu'ils règlent tous les problèmes, puisqu'ils ne sont pas adaptés à un grand nombre de situations. On évoque ensuite le tiers financeur, mais son intervention ne sera pas gratuite : elle représenterait 8% du chiffre, ce qui ne serait pas sans conséquence sur les travaux. C'est pourquoi je crois essentiel de privilégier le mix énergétique, de cibler toutes les énergies utilisées et de ne pas s'en tenir au contrat de performance énergétique, qui est utile mais qui n'est pas très adapté à l'habitat diffus.
Je veux également souligner l'indispensable maintenance des équipements nouveaux que nous installons aujourd'hui : la maintenance est essentielle pour leur performance dans le temps, mais aussi pour leur sécurité et leur salubrité. Pourquoi pas, comme pour l'automobile, prévoir un contrat d'entretien qui lierait la garantie ?
La CAPEB s'est fortement impliquée dans le programme « Habiter mieux », nous avons une connaissance fine des situations dans leur diversité. Les mesures vont dans le bon sens, mais les moyens ne suivent pas, il faut amplifier le programme si l'on veut lutter véritablement contre la précarité énergétique. Le crédit d'impôt développement durable (CIDD) et l'écoprêt à taux zéro viseraient 120 000 logements, mais il faudrait passer à 280 000 pour être efficace. De même, l'abaissement du plafond à 30 000 euros, au lieu de 45 000 euros, a vidé l'incitation de sa portée : en dessous de 30 000 euros annuels, un ménage a bien d'autres choses à financer que des travaux d'amélioration énergétique, nous en sommes là. Le PTZ+ devrait également être mobilisé, pour que des primo-accédants engagent des travaux d'amélioration énergétique en même temps qu'ils deviennent propriétaires.
Nous avons sauvé le programme Formation aux économies d'énergie dans le bâtiment (FEE-Bât), que les énergéticiens voulaient cesser de financer : ces formations aident les artisans à s'adapter au marché très évolutif des équipements du bâtiment, il faut maintenir ce programme menacé l'an prochain, j'insiste auprès de la représentation nationale car c'est un message fort de notre organisation.
Nous déplorons également que les certificats d'économie d'énergie soient détournés de leur fonction première, la caricature étant leur usage pour la vente en hypermarchés de téléviseurs importés d'Asie : est-ce vraiment le modèle d'économie d'énergie que nous voulons aider ? Ne vaudrait-il pas mieux encourager les travaux d'économies d'énergie dans le bâtiment ? Réfléchissons un peu plus à l'utilisation des outils...
L'offre et la demande se forment, mais de manière encore latente et il manque l'étincelle qui les feront se rencontrer et s'entraîner : nous attendons cette étincelle, elle est d'autant plus nécessaire que le marché de la rénovation thermique est plus étroit que celui de la construction neuve.
Le Gouvernement doit donc se positionner et envoyer un signal fort, mobiliser des outils puissants. L'éco-PTZ a montré ses limites, il faut confier son éligibilité aux entreprises et aux artisans, ils sont bien mieux placés que les banques qui reconnaissent elles-mêmes leurs difficultés à instruire les dossiers très techniques du bâtiment. Il faut également allonger la durée de ce prêt, le rendre sécable, et en réserver éventuellement une partie à la rénovation énergétique d'un bien lors de son achat, car les dépenses peuvent être très importantes, mais sont plus efficaces.
Nous avons également besoin de règles stables et claires, au service d'objectifs définis à moyen terme et assortis de ressources pérennes. En fait, tout le monde est prêt, les besoins ont été évalués aussi bien que les outils et nous ne gagnerions plus grand-chose à pousser plus avant les études : ce dont nous avons besoin, c'est de passer à l'action, avec des leviers suffisamment fort et l'impulsion doit venir du Gouvernement !
Des réglementations très techniques ont été adoptées - la RT 2005, puis la RT 2012 et maintenant la RT 2020 -, elles exigent des formations poussées qui ne sont pas accessibles à tous les professionnels. Un problème paraît également se poser sur la formation professionnelle des maîtres d'oeuvre : est-ce le cas ? Vous évoquez les questions d'apprentissage et de recrutement : le contrat de génération ne peut-il pas vous aider ?
Je signale une expérimentation très intéressante de l'université du Limousin, qui a monté une formation dédiée à la construction de maisons à énergie positive, ce type d'initiative est très utile dans les territoires, pour diffuser des techniques économes d'énergie.
Cependant, comme vous le dites, nous avons besoin d'un grand programme pour lancer la rénovation thermique, ou bien elle ne décollera pas.
Le programme « Habiter mieux » touche tous les secteurs du bâtiment, il est très ambitieux mais côté moyens, c'est très insuffisant ! Nous savons tous que les plafonds d'éligibilité sont trop bas, que les conditions techniques sont trop sévères, et que tous ces critères sont calibrés en fonction des moyens que l'Etat peut ou veut mettre sur ce programme. Nous sommes tous d'accord sur le constat, et nous connaissons les bénéfices économiques, sociaux et environnementaux que nous pouvons en espérer : ce dont nous avons besoin maintenant, c'est de décisions !
Les décisions devraient intervenir dans les deux prochaines semaines, le Président de la République l'a confirmé.
Philippe Pelletier nous avait annoncé l'arrêt probable du programme FEE-Bât, je note avec satisfaction qu'il n'en n'est rien : c'est une bonne nouvelle.
Je signale que les programmes dont nous parlons visent la précarité énergétique et qu'ils n'enlèvent rien aux autres mesures pour l'amélioration énergétique des logements, en particulier celles des collectivités locales dans le cadre des programmes locaux de l'habitat.
Nous nous sommes battus pour le programme FEE-Bât et nous avons obtenu son maintien de haute lutte : nous devons être vigilants pour la suite. Les maîtres d'oeuvre, ensuite, ont accès aux formations, ce n'est pas une difficulté. Je salue également l'initiative de formation avec l'université du Limousin : un adhérent de la CAPEB en est à l'origine.
Plusieurs d'entre vous nous demandent des propositions de financement, nous en avons une à vous faire dès aujourd'hui : l'instauration d'un prêt pour travaux de performance énergétique, vers lesquels seraient fléchées une partie des ressources des livrets d'épargne. Il faudrait imposer aux banques les mêmes conditions de délivrance, le même nom, les mêmes taux, et un plafond autour de 8 000 à 10 000 euros : ce nouveau prêt identique dans toutes les banques, visible pour le consommateur, aidera concrètement les ménages à sortir de la précarité énergétique.
Merci pour toutes ces informations et ces propositions, nous les relaierons dans les meilleurs délais.
- Présidence de M. Raymond Vall, président -
La commission procède à l'examen du rapport et du texte de la commission sur le projet de loi n° 770 (2011-2012) ratifiant l'ordonnance n° 2012-827 du 28 juin 2012 relative au système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre (période 2013-2020).
EXAMEN DU RAPPORT
Ce projet de loi ratifie une ordonnance transposant la directive de 2009 relative au marché d'échange des quotas d'émission de gaz à effet de serre. Le gouvernement avait été habilité à légiférer par ordonnance par l'article 2 de la loi du 5 janvier 2011 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne. Notre marge de manoeuvre est donc réduite, mais ce texte est l'occasion de nous pencher sur le marché des quotas de CO2.
Lors de la signature du protocole de Kyoto, l'Union européenne s'était engagée à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 8 % entre 1990 et 2012. Pour ce faire, la directive énergie du 13 octobre 2003 a mis en place un système communautaire d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre, à l'usage des sites industriels les plus émetteurs de CO2. Chaque État détermine, en lien avec la Commission, un niveau global d'émissions compatible avec l'objectif de Kyoto ; il répartit ensuite ce montant en quotas de CO2, c'est-à-dire en autorisations d'émissions, entre les installations industrielles entrant dans le champ du dispositif. Cette répartition fait l'objet de plans nationaux d'allocation des quotas.
Jusqu'à présent, les quotas ont été attribués gratuitement aux exploitants, en fonction de leurs émissions antérieures, diminuées d'un taux d'effort. L'exploitant qui a consommé tous ses quotas doit racheter sur le marché secondaire des quantités supplémentaires auprès d'autres opérateurs disposant d'un excédent. Dans l'hypothèse où il demeurerait en déficit de quotas, il doit s'acquitter de pénalités financières non libératoires.
De 2005 à 2007, une première phase a permis d'établir un système de libre échange des quotas d'émission dans toute l'Union, d'ajuster la méthode de calcul des quotas et de mettre en place l'infrastructure nécessaire en matière de surveillance.
Le marché d'échange a véritablement été lancé avec la deuxième phase, de 2008 à 2012. Il concerne plus de 11 000 installations en Europe, dont 10 % en France. La distribution des quotas a été relativement concentrée, puisque 10 % des installations se sont vu attribuer 75 % des quotas. Elles ont dû restituer chaque année aux pouvoirs publics un nombre de quotas correspondant à leurs émissions. Les quotas sont inscrits dans un registre national dont la tenue est assurée par la Caisse des dépôts et consignations. Les trois secteurs les plus importants en termes de quotas de CO2 sont ceux de l'acier, de l'électricité et du ciment. La mise en place du marché des quotas s'est accompagnée du développement d'un marché secondaire, avec BlueNext à Paris ou ECX à Londres.
Depuis, le paquet énergie-climat de décembre 2008 a conduit à l'adoption de la directive européenne du 23 avril 2009, qui fixe un objectif de réduction des émissions de 21 % en 2020 par rapport à 2005, soit une baisse annuelle moyenne de 1,74 %. Elle remanie le marché d'échange des quotas carbone en vue de la troisième phase 2013-2020. C'est cette directive que nous transposons ici.
La directive de 2009 prévoit des mécanismes harmonisés et gérés au niveau européen. À partir de 2013, un montant global de quotas sera disponible pour l'ensemble de l'Union européenne afin d'être réparti entre secteurs d'activité. Il s'agit de mettre fin aux disparités actuelles entre les différents plans nationaux d'allocation des quotas.
La directive inclut aussi de nouveaux secteurs et de nouveaux gaz dans le dispositif, principalement les émissions de CO2 liées aux produits pétrochimiques, à l'ammoniac et à l'aluminium, ainsi que les émissions de protoxyde d'azote.
Enfin, la directive met un terme à l'allocation gratuite des quotas. À compter de 2013, le principe est celui de la mise aux enchères par les États membres. Les entreprises d'électricité devront acquérir la totalité de leurs quotas dans le cadre d'enchères. Les autres secteurs verront la part d'allocation gratuite passer progressivement de 80 % en 2013 à 30 % en 2020, jusqu'à la suppression des quotas gratuits en 2027. Ceux-ci pourront toutefois être attribués aux activités exposées à un risque de « fuite de carbone », c'est-à-dire de délocalisations industrielles motivées par le coût du carbone au sein de l'Union.
L'article 10 de la directive impose que la moitié au moins du produit des enchères soit affecté à des actions en faveur de la réduction des émissions de gaz à effet de serre. En France, les crédits dégagés financeront le plan de rénovation thermique annoncé lors de la conférence environnementale de septembre.
L'ordonnance du 28 juin 2012 transpose ces dispositions en droit interne. Elle modifie essentiellement le code l'environnement, ainsi que le code monétaire et financier.
La directive prévoit que doit entrer dans son champ toute installation de combustion, quelle que soit sa nature. Les installations nucléaires de base sont donc intégrées au dispositif, à l'article L. 229-5 du code de l'environnement.
L'article 27 de la directive prévoit que les États peuvent exclure du système de quotas un certain nombre d'installations de petite dimension, ainsi que les hôpitaux. Dans la transposition proposée, seuls les hôpitaux sont exclus du système.
L'article L. 229-8 est réécrit pour prévoir que la mise aux enchères des quotas est désormais le mode d'allocation de principe. Le taux de quotas gratuits est fixé à 80 % des émissions des 10 % d'installations les plus performantes du secteur. Le taux doit diminuer chaque année pour s'établir à 30 % en 2020. Une exception est faite pour les secteurs considérés comme exposés aux fuites de carbone, qui bénéficient d'un taux de quotas gratuits de 100 %.
Enfin, le code de l'environnement intègre le fait que les phases du système d'échanges durent désormais huit ans et non plus cinq, et que le registre des émissions n'est plus national mais européen. L'ordonnance met par ailleurs le code monétaire et financier en cohérence avec le règlement du 12 novembre 2010 relatif à la mise aux enchères des quotas d'émission de gaz à effet de serre.
L'Autorité des marchés financiers (AMF) est chargée de délivrer en France l'autorisation permettant de participer aux enchères. Elle se voit également attribuer les pouvoirs de contrôle, d'enquête et de sanction afférents.
Bref, l'ordonnance opère une transposition rigoureuse de la directive. Je vous proposerai un seul amendement, car l'article 4 de l'ordonnance oublie de préciser l'échéance de 2027 pour la suppression totale des quotas gratuits. À terme, tous les quotas devront être alloués par enchères, afin d'avoir un effet incitatif sur le plan environnemental. Le ministère n'y est pas opposé sur le fond mais dit devoir s'assurer que cet amendement est juridiquement recevable : le texte ne couvre que la période jusqu'en 2020, peut-on viser la période ultérieure ? Adoptons l'amendement aujourd'hui, nous aurons cette discussion avec le gouvernement en séance.
L'enjeu ne réside plus dans la transposition. Le marché carbone fait face à de nombreuses difficultés structurelles, le système d'échange de quotas a été marqué par des scandales récents et l'on s'interroge à bon droit sur sa régulation. En 2009, une fraude « carrousel » à la TVA, s'appuyant sur le régime fiscal applicable aux transactions transfrontalières, aurait porté sur 5 milliards d'euros. Le scandale a conduit plusieurs États, dont la France, à mettre fin à la TVA sur les échanges de quotas et BlueNext a été fermé en décembre dernier.
La question de la régulation de ce marché est donc cruciale. La commission des finances du Sénat s'y est intéressée à de nombreuses reprises. En l'état actuel de la réglementation, la directive ne prévoit qu'un contrôle ex post du marché par la Commission. Il n'y a pas, aujourd'hui, de gendarme du marché européen du carbone.
Autre illustration des difficultés de ce marché : le recul concernant les compagnies aériennes opérant dans le ciel européen. Elles devaient, en avril 2013, compenser 15 % de leurs émissions de l'année 2012 en achetant des crédits carbone sur le marché, les 85 % restant leur étant alloués en quotas gratuits. Or cette obligation a été suspendue jusqu'à l'automne 2013 pour les vols intercontinentaux. La taxe sur les émissions polluantes des avions s'applique toutefois pour les vols intérieurs dans le ciel européen.
Enfin, du fait de la crise économique actuelle et d'une allocation initiale trop généreuse des quotas, le cours du carbone s'est effondré, pour s'établir autour de 5 euros la tonne - or le système n'est réellement incitatif qu'à 25 ou 30 euros.
C'est tout l'enjeu des négociations en cours au niveau européen. La Commission a proposé un gel des enchères : 900 millions de quotas qui devaient être attribués dans les trois prochaines années seraient reportés à 2019, afin de faire remonter le cours de la tonne de carbone et d'absorber les excédents sur le marché, estimés à 1,4 milliard de tonnes. Cette proposition doit toutefois être adoptée par le Parlement européen puis par les États. La commission de l'industrie du Parlement européen a voté contre, la commission de l'environnement pour, sous certaines réserves. Un vote en séance plénière interviendra en mars ou avril. L'approbation des États n'ira pas sans peine : si la France soutient la proposition de la Commission, plusieurs États, dont la Pologne, ont d'ores et déjà annoncé leur opposition à ce gel des quotas.
En tout état de cause, il s'agit là d'un remède temporaire. Lors de la conférence environnementale, le Président de la République a annoncé des objectifs plus ambitieux, dont une baisse de 40 % des émissions de gaz à effet de serre en 2030 et de 60 % en 2040. Dans la lutte contre le changement climatique, le système d'échange des quotas carbone doit redevenir un outil incitatif pour la transition vers une économie pauvre en carbone.
Je connais mal ce dispositif. Si je comprends bien, on impose des contraintes aux entreprises afin de respecter les objectifs de baisse des émissions de gaz à effet de serre. Comment fonctionne le système de mise aux enchères ?
Cette troisième phase du système d'échange des quotas ne me pose pas de problème sur le fond. L'effondrement du coût de la tonne de carbone a grippé le système.
Je m'inquiète toutefois de l'extension du périmètre au protoxyde d'azote, qui risque de pénaliser l'élevage agricole. La moitié des gaz à effet de serre émis par l'agriculture proviennent du mode de fonctionnement des ruminants - c'est le vétérinaire qui parle - et de l'utilisation d'engrais. Intégrer le protoxyde d'azote dans le périmètre du système d'échange des quotas fragiliserait terriblement l'élevage français. N'oublions pas que les surfaces en herbe représentent aussi un extraordinaire puits de carbone ! Nous avons tous à coeur l'équilibre des territoires. Il est choquant de taxer les territoires ruraux afin d'alimenter un fonds pour l'amélioration de la qualité énergétique de l'habitat dans les territoires urbains.
Je n'ai pas déposé d'amendement car j'espère vous convaincre de retirer le protoxyde d'azote du périmètre et de conserver pour cette molécule le système d'allocation gratuite de quotas. En plein Salon de l'agriculture, le président de la République a promis son aide aux éleveurs laitiers dont il dit comprendre les difficultés. Et nous adopterions un système qui les pénalise ? Il y a là beaucoup d'incohérence. Oui au système d'allocation de quotas, mais ne fragilisons pas l'élevage français.
Notre groupe a depuis l'origine dénoncé le système du marché carbone, car nous estimons que le marché ne peut pas tout. Difficile toutefois d'être contre une amélioration d'un système qui ne fonctionne manifestement pas bien. Le contrôle est trop lâche, il est grand temps d'y remédier. Ce ne sera pas simple : sur un marché mondial, ceux qui veulent frauder y arrivent toujours...
Le monde agricole a joué le jeu du Grenelle de l'environnement. Ne laissons pas croire qu'il n'est pas prêt à de nouvelles avancées. Intéressons-nous plutôt à la santé des agriculteurs exposés à des produits toxiques... L'élevage est déjà mal en point : en Lorraine, de nombreuses exploitations disparaissent. Elles ont d'autres préoccupations, notamment la perte de confiance due à la multiplication des intermédiaires entre le producteur et le consommateur - en la matière, l'industrie agroalimentaire n'est pas innocente.
On ne peut prendre du Grenelle ce qui nous convient et freiner la mise en oeuvre d'autres aspects alors que ceux-ci apportent un mieux au plus grand nombre !
Prenant en compte le Grenelle de l'environnement, les agriculteurs ont réduit leurs émissions de CO2de 15 % en faisant évoluer leurs pratiques et en limitant l'utilisation de produits phytosanitaires. Mais les émissions liées au nombre de ruminants sur le territoire sont incompressibles. On arrive à l'os : si on limite le nombre d'animaux, les éleveurs mettront la clé sous la porte. Et ce ne sont pas des terres en jachère qui amélioreront le cycle du carbone : point de puits de carbone sans prairies, point de prairies sans animaux !
Inclure le protoxyde d'azote dans le dispositif créerait en outre une distorsion de concurrence avec les pays extra-européens qui ne s'imposent pas de telles contraintes. Cessons de faire toujours plus, sinon nous n'aurons plus d'agriculteurs sur notre territoire ! Et, encore une fois, ce n'est pas aux territoires ruraux d'abonder un fonds pour l'habitat.
Cet aspect des choses m'avait échappé. Je ne suis pas spécialiste, mais là, c'est du bon sens paysan !
L'agriculture ne rentre pas dans le champ d'application du texte. Elle n'est pas le seul secteur à émettre du protoxyde d'azote. Le texte vise les installations classées, les exploitants d'aéronefs et, dorénavant, les installations nucléaires de base. Nous demanderons au ministre de confirmer que l'élevage n'est pas concerné. Quand bien même, je ne vois pas comment de petites exploitations agricoles pourraient échanger des quotas. En outre, des secteurs sont exclus du champ d'application dès lors qu'il y a un risque de délocalisation : c'est un filet de sécurité supplémentaire.
Ce qui va sans dire va souvent mieux en le disant. Il y aura toujours d'habiles technocrates pour réussir un jour ou l'autre à faire entrer dans le champ d'application un secteur que le législateur voulait exclure !
Le recours croissant aux ordonnances me choque : celle-ci compte pas moins de 24 articles.
Il faut interroger le gouvernement pour s'assurer que les éleveurs, dont la situation est déjà bien difficile, sont bien exclus du dispositif. N'oublions pas le rôle majeur de l'élevage contre l'érosion des sols et les inondations, et pour la sécurité alimentaire : difficile de planter un drapeau français sur la viande si l'on dissuade nos agricultures de produire. Il serait absurde de les intégrer dans le mécanisme des émissions que l'on ne peut maîtriser.
Je remercie notre rapporteure pour sa réponse, mais il faut être précis. L'élevage, ce sont aussi les entreprises qui fabriquent les engrais. Si celles-ci sont pénalisées, le prix du produit final sera impacté.
Rien de cela n'est bien nouveau ; nous ne faisons qu'appliquer la loi du 5 janvier 2011... que vous avez votée, je vous le rappelle.
C'est la première fois que le protoxyde d'azote est inclus dans le protocole. L'agriculture ne se limite pas à l'élevage, mais doit être appréhendée dans sa globalité ; il y a aussi la fabrication d'engrais.
Il faut interroger le gouvernement sur ce point. Si les fabricants d'engrais sont intégrés au dispositif, je serai contre : je ne veux pas fragiliser davantage l'élevage français.
Je veux donner à M. Esnol les précisions demandées. À la suite du protocole de Kyoto a été mis en place en Europe un système de quotas. Les secteurs économiques fortement émetteurs de gaz à effet de serre ont été identifiés ; chaque secteur s'est vu attribuer des permis d'émettre, des droits à polluer. En fonction de leurs émissions et de leur activité, les entreprises se sont vues attribuer un volume d'émissions en baisse. Celles qui ont émis plus que ce seuil doivent donc acheter des quotas à celles qui ont moins émis.
Dans un premier temps, un grand nombre de quotas ont été mis gratuitement sur le marché ; résultat, le prix de la tonne de CO2 s'est effondré, d'autant que l'activité industrielle en Europe baissait. D'où cette troisième phase : l'extinction programmée des quotas d'émission gratuits.
Si une entreprise n'a pas utilisé tous ses permis d'émettre ou a contrario a besoin de permis supplémentaires, elle va sur le marché où l'on vend et achète des permis. C'est la rencontre de l'offre et de la demande. C'est en quelque sorte la taxe carbone appliquée aux entreprises.
D'autres font de la compensation, en plantant des arbres. Ce système peut paraître aberrant, mais on n'y échappera pas. Il faudra une comptabilité universelle intégrant les actions ou les modes de production permettant de protéger la planète.
Monsieur Bizet, il faut en effet lever les ambigüités. Nous vérifierons auprès du gouvernement si un éleveur peut relever du système d'échange de quotas. En fonction de la réponse du ministre, vous aurez le temps de déposer un amendement si vous le souhaitez. Je doute toutefois que l'élevage soit concerné, les secteurs visés étant explicitement énumérés. Les entreprises d'engrais sont en revanche incluses : si tel n'était pas le cas, je déposerai un amendement pour qu'elles le soient !
On ne peut concevoir l'élevage sans engrais synthétiques à côté des engrais organiques. Je me souviens très bien du vote de 2011, mais le diable se loge dans les détails. D'accord pour taxer les industries chimiques, mais ne fragilisons pas davantage un secteur qui contribue pour 11,5 milliards à l'excédent de notre balance commerciale ! Notre vote dépendra de la réponse du ministre sur ce point.
EXAMEN DES AMENDEMENTS
L'article unique est adopté
Article additionnel après l'article unique
Nous aussi, en attendant les réponses du gouvernement.
Le projet de loi est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.