La commission entend M. Etienne Guyot, président de la Société du Grand Paris.
C'est la deuxième fois que vous venez devant notre commission. Nous sommes heureux de vous accueillir à nouveau car il nous paraît indispensable de pouvoir faire régulièrement le point sur l'avancement de ce grand projet structurant et d'avenir qu'est le Grand Paris.
Il y a un an vous nous faisiez un premier bilan, à la veille d'annonces gouvernementales qui ont confirmé les grandes lignes du projet.
Je sais que l'enquête publique sur le tronçon sud de la ligne rouge vient d'être lancée. C'est une étape majeure dans la mise en oeuvre opérationnelle du projet.
Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur le calendrier retenu pour cette ligne et pour vos prochaines actions ?
Il s'agit d'un projet important pour la région, comme pour l'ensemble du pays.
La société du Grand Paris (SGP) assure la maîtrise d'ouvrage du Grand Paris Express, qui est l'une des composantes du nouveau Grand Paris des transports. Depuis la dernière audition devant votre commission, il y a eu beaucoup d'évolutions. Où en sommes-nous six mois après les arbitrages rendus par le Premier ministre le 6 mars 2013 ? Vous avez devant vous la carte du projet, qui constitue notre feuille de route, avec le Grand Paris Express, d'une part, la prolongation ou la modernisation des lignes du réseau existant, d'autre part. Cette double composante a été confirmée par le Premier ministre, de façon à ce que, d'ici 2030, l'ensemble des territoires soient concernés par le projet. Le Grand Paris constitue un seul et même projet relatif aux transports en Ile-de-France.
Sur un plan de mobilisation de la région de douze milliards d'euros, sept milliards seront engagés d'ici fin 2017. Le projet du Grand Paris Express a quant à lui été confirmé, amplifié et sécurisé par le Premier ministre : 23,5 milliards d'euros y seront consacrés. La société du Grand Paris apportera deux milliards d'euros aux transports du quotidien : un milliard sera consacré à EOLE, et un milliard sera dédié aux autres opérations du plan de mobilisation.
Le Premier ministre a aussi demandé qu'un effort d'optimisation des coûts soit réalisé, afin qu'une économie de trois milliards d'euros par rapport au coût initial soit dégagée. Nous nous sommes livrés à ce travail en partenariat avec le syndicat des transports d'Ile-de-France (STIF), la région et les services de l'Etat.
La société du Grand Paris ne dispose pas encore d'une maîtrise d'ouvrage totale sur le Grand Paris Express, même si le Premier ministre a souhaité une évolution en ce sens, si le STIF en est d'accord. Le STIF est en effet maître d'ouvrage d'une partie de la ligne 15, entre Saint-Denis et Champigny.
Pour le reste, cinq lignes sont identifiées. La ligne 14, déjà existante, est en cours de prolongement par la RATP et le STIF entre Saint-Lazare et Mairie de Saint-Ouen. En vertu du protocole Etat-région signé en juillet dernier, la SGP en finance 55 %. Elle sera complétée au Sud vers Orly et au Nord, entre mairie de Saint-Ouen et Saint-Denis, par la SGP.
La ligne 15 est fondamentale. Elle desservira la banlieue de la proche couronne de Paris, par un métro à grande capacité, d'environ mille personnes par rame, avec la possibilité d'avoir une rame toutes les 85 secondes.
La ligne 16, entre Saint-Denis et Noisy-Champs, et la ligne 17, qui desservira l'aéroport Charles-de-Gaulle et la Seine-et-Marne, sont des lignes adaptées, qui pourront accueillir 500 personnes par rame. Elles auront la même technologie que celle utilisée sur la ligne 15, afin de rendre possible des économies d'échelle en ce qui concerne les sites de maintenance, les postes de contrôle et de commande et le gestionnaire d'infrastructures, qui est, en vertu de la loi, la RATP. Elles présentent un enjeu tant de désenclavement du territoire, avec l'ouverture de l'Est de la Seine-Saint-Denis, qu'économique, avec la desserte du parc des expositions, de Roissy et du projet du triangle de Gonesse.
La ligne 18, d'Orly à Versailles en passant par le plateau de Saclay, disposera d'un métro léger, de 250 personnes par rame environ. Elle croisera la ligne 14 à l'aéroport d'Orly, qui deviendra un noeud ferroviaire. Il sera situé entre les aérogares Ouest et Sud, à proximité de la nouvelle gare TGV en projet.
Ces lignes constituent un ensemble cohérent et une feuille de route très claire. La ligne 15 devrait être mise en service en 2020, mais nous préparons aussi l'horizon 2023. Toutes ces échéances sont réalistes. Certes, l'horizon global a été repoussé à 2030, par rapport à la date initiale de 2025, mais cette nouvelle échéance intègre aussi la réalisation d'améliorations sur les transports du quotidien.
Le Premier ministre nous a demandé de lancer toutes les enquêtes publiques relatives au Grand Paris Express avant la fin 2015, ce qui est prévu dans notre agenda. Grâce à une décision très importante concernant la fiscalité, le projet a également été sécurisé du point de vue financier. La loi de finances pour 2010 a créé une fiscalité dédiée au Grand Paris Express, la taxe locale sur les bureaux, mais celle-ci a en partie été utilisée à d'autres fins, qu'il s'agisse du financement de l'ANRU, ou en raison de son écrêtement au profit des caisses de l'Etat. Sa part dynamique est désormais réaffectée dans sa totalité à la SGP, de telle sorte que le montant des ressources fiscales sera supérieur à 500 millions d'euros par an. Il s'agit d'une réorientation de cette taxe, mais pas d'une augmentation.
L'enquête publique sur le tronçon sud de la ligne 15, entre Pont de Sèvres et Noisy-Champs, a été lancée il y a 15 jours et s'achèvera le 18 novembre. C'est un tronçon important, qui couvre 33 kilomètres, traverse quatre départements, dessert seize gares et représente 300 000 voyageurs supplémentaires à horizon de mise en service.
L'investissement sur ce tronçon a été voté à l'unanimité par le conseil de surveillance de la SGP, à hauteur de 5,3 milliards d'euros, ce qui représente une somme considérable. Cette décision nous a permis de franchir un cap, en entrant dans une phase d'investissement, à la suite de la phase d'études. Environ 300 millions d'euros de marchés publics ont été signés au cours de l'été pour arrêter le choix des maîtres d'oeuvre, des équipes d'architectes, des maîtres d'oeuvre système, de l'assistance à maîtrise d'ouvrage, générale et système. Cette assistance à maîtrise d'ouvrage est nécessaire pour le pilotage et l'avancement du projet compte tenu du nombre d'emplois dont dispose notre structure, qui est plafonné.
Cinquante millions d'euros devraient être consacrés à l'acquisition foncière d'ici la fin de l'année. Nous avons déjà acquis une trentaine de parcelles. Nous commençons par les surfaces qui seront consacrées aux gares et à leurs tréfonds. Cet élément est fondamental. Les gares sont des éléments du réseau significatifs pour les collectivités territoriales. Nous ne limitons pas cette démarche aux besoins relatifs à la ligne 15 Sud, mais l'élargissons à l'ensemble du réseau. C'est un moyen de limiter la pression foncière.
La ministre Cécile Duflot a assisté à une réunion à la SGP le 30 septembre dernier, où étaient présents les maîtres d'oeuvre, les assistants à maîtrise d'ouvrage, les maires présents sur la ligne 15 Sud, les présidents de conseils généraux concernés. Elle y a livré ses orientations pour les gares et en matière d'emploi. Le projet est donc sur les rails, et avance bien.
Le Premier ministre a pris des décisions très claires et courageuses. Il n'est pas facile de décider que telle ligne sera en service en 2023, telle autre en 2026, etc. Ces choix ont reçu un accueil favorable de l'ensemble des acteurs. Ce consensus est important et nous permet d'avancer.
Il en est de même de la méthode que nous avons mise en place, qui est partenariale. J'ai toujours estimé que nous ne pouvions avancer seuls, et qu'il fallait travailler en partenariat avec les collectivités territoriales et l'ensemble des acteurs. Le conseil de surveillance est composé de onze représentants de l'Etat et dix représentants des collectivités territoriales. C'est à ces entités que nous devons rendre des comptes. Un comité stratégique a également été mis en place, sous la présidence de Jean-Yves le Bouillonnec, avec l'ensemble des maires, des représentants du Parlement, du CESER et des chambres consulaires. Il fonctionne très bien et a arrêté un certain nombre de thèmes de travail sur lesquels nous allons bientôt avoir un retour.
La SGP est aujourd'hui chargée de la maîtrise d'ouvrage de cinquante-sept gares, demain soixante-douze si le STIF le décide. Un comité de pilotage est mis en place pour chacune de ces gares. Coprésidé par la SGP et le maire de la commune concernée, il rassemble les différents acteurs : Etat, STIF, opérateurs de transport...
Onze équipes d'architectes ont été choisies. Mais les projets de gares ne sont pas encore fixés. D'ici début décembre, j'ai demandé un rendez-vous avez les vingt-deux maires concernés par la ligne 15 Sud, puisque chacun d'entre eux va participer à l'élaboration du projet de gare avec l'architecte.
Les quatre conventions que nous avons signées avec le STIF témoignent de notre relation de partenariat. La loi de décentralisation actuellement en cours d'examen contient des dispositions qui devraient encore améliorer les conditions de travail entre nos deux entités. Le STIF exerce un rôle important ; en tant qu'autorité organisatrice de transport, il est responsable de l'offre de services de transport.
Nous avons par ailleurs lancé un cycle d'études complémentaires avec les différents opérateurs, la SNCF, la RATP et RFF afin d'améliorer les interconnexions, au service des usagers et à un moindre coût.
Nous développons aussi un partenariat avec les services de l'Etat. Un accord a été conclu avec la DRAC sur la dimension culturelle du projet. Nous discutons avec le préfet de police et les huit préfets de département afin de prendre en compte ab initio la dimension relative à la sécurité.
Le partenariat est une valeur très forte à nos yeux. Cette logique de co-construction nous permet d'avancer rapidement.
J'en viens aux perspectives. L'enquête publique relative à la ligne 15 Sud s'achevant le 18 novembre, le commissaire enquêteur devrait rendre son rapport en début d'année prochaine. Une déclaration d'utilité publique sera ensuite élaborée, avec les services de l'Etat, pour permettre les expropriations lorsqu'elles seront nécessaires. Nous préparons le dossier d'enquête publique relatif à la ligne 16, entre Saint-Denis et Noisy, pour la fin de l'année. Dans cette perspective, douze réunions publiques seront organisées entre novembre et décembre, pour expliquer, gare par gare, comment le métro va arriver. Nous préparons aussi les autres échéances pour l'horizon 2023, le dossier d'enquête publique pour le tronçon de la ligne 14 jusqu'à Orly, même si la ligne 14 s'arrêtera en 2023 à Villejuif, ainsi que le dossier relatif à la ligne 18, sur le plateau de Saclay.
Dans nos travaux, il y a plusieurs thématiques sur lesquelles nous mettons beaucoup l'accent. L'emploi, tout d'abord. Ce projet va créer entre 15 000 et 20 000 emplois directs par an, non délocalisables. Son impact est donc important au niveau national. Aujourd'hui, le transport urbain représente 50 % de l'industrie ferroviaire française. Avec les services de l'Etat, nous avons ciblé, année par année, filière par filière, métier par métier, les perspectives de création d'emplois. Des réunions auront lieu entre l'Etat et les entreprises, pour qu'elles puissent s'organiser. Nous allons pouvoir jouer sur la politique d'allotissement, afin de toucher le plus grand nombre d'entreprises possible, des PME aux majors, en passant par les ETI, sans obérer pour autant le pilotage du projet. En effet, plus il y a de lots, plus les interfaces sont sensibles.
Le projet comporte aussi une dimension numérique. La loi nous oblige à profiter de l'infrastructure pour favoriser le déploiement du très haut débit, qui constitue un enjeu pour les voyageurs comme pour les entreprises. Nous nous apprêtons à lancer à la fin novembre un appel à manifestation d'intérêt pour développer les services digitaux. Nous comptons là aussi avancer en partenariat avec les spécialistes du secteur.
J'en viens à l'aspect transition énergétique. Nous avons signé, la semaine dernière, sous l'égide de Nicole Bricq, un partenariat avec le consortium Efficacity, qui rassemble les fleurons français de l'industrie et de la recherche dans le domaine du développement durable. Il va nous aider à réaliser les infrastructures les plus performantes du point de vue énergétique. Deux sujets sont importants à cet égard : il existe des sources de géothermie à utiliser et l'énergie générée par le réseau, dite énergie fatale, peut être récupérée.
Enfin, il convient de s'intéresser dès aujourd'hui, au moment de la conception du réseau, à la question de la sécurité, qu'il s'agisse de la sécurité civile ou de la sécurité publique. Nous sommes accompagnés dans cette tâche par l'architecte Jacques Ferrier, qui est notre conseil pour la conception des gares. Notre objectif est de concevoir des gares faciles d'utilisation, dans lesquelles les voyageurs trouvent intuitivement leur chemin, pour des raisons de confort comme de sécurité.
Nous avons compris que vous êtes passionnés par ce projet et que vous mettez en oeuvre des méthodes que nous apprécions : concertation, information et prise de décision en commun.
Je voudrais revenir sur le financement. D'après le Premier ministre, il manquerait 2,5 milliards d'euros à ce stade. Le rendement du déplafonnement de la taxe locale sur les bureaux sera-t-il suffisant ?
Le Premier ministre a fait état de la nécessité de réduire les coûts du projet. Quelles sont les économies effectivement réalisables sur les infrastructures ? Vous avez parlé de mise en commun de moyens et d'éviter des dépenses qui auraient pu résulter de la redondance de certaines actions. Mais que comptez-vous faire concrètement sur les investissements ?
J'ai enfin une question sur le Charles-de-Gaulle Express, pour lequel les financements manquent. Est-il prévu à terme de l'intégrer à l'ensemble du dispositif du Grand Paris Express ?
J'ai été l'un des parlementaires extérieurs à la région, associés à la commission préparatoire au Grand Paris. Cette participation de parlementaires extérieurs démontre l'impact du projet sur l'ensemble de votre territoire national. Pourriez-vous nous préciser davantage le périmètre de votre mission ? Si l'objectif est de créer de nouvelles interconnexions et de faciliter les déplacements, peut-être faudrait-il éviter de faire venir dans le centre de Paris des personnes qui n'y sont qu'en transit, entre deux lignes à grande vitesse par exemple.
J'ai retrouvé chez Monsieur Guyot le même enthousiasme que lorsque nous avions effectué une audition sur les relations entre le STIF et la SGP, dans le cadre du projet de loi « métropoles ». Comment vos rapports avec le STIF ont-ils évolué ? Il s'agit d'une question décisive. A l'époque, les responsables du STIF que nous avions rencontrés étaient très positifs. Je voulais aussi vous poser la question du Charles-de-Gaulle Express. Par ailleurs, dans vos partenariats avec les entreprises de construction ferroviaire, allez-vous les aider à développer des produits complètement nouveaux, qui permettront de réaliser des économies d'énergie ?
Je vous remercie d'avoir rappelé l'ambition du projet, qui est de sortir les Franciliens de la galère des transports quotidiens mais aussi de réduire les coûts en Ile-de-France, préjudiciables à notre pays en termes de compétitivité économique. Je voudrais rappeler qu'outre la taxe sur les bureaux déplafonnée, le projet sera financé par un prélèvement fiscal sur les Franciliens, de l'ordre de vingt-et-un euros par personne et par an. Je le dis, parce qu'on entend parfois que le Grand Paris est un cadeau fait à la métropole, alors que les entreprises et les Franciliens le paient.
Ma première question porte sur un amendement à l'article 8 de la loi d'habilitation à prendre par ordonnances diverses mesures de simplification et de sécurisation de la vie des entreprises, que le Gouvernement a fait adopter à l'Assemblée nationale. Cet amendement concerne directement la SGP, alors que le sujet du projet de loi semble assez éloigné des transports. Il rend possible la révision du schéma du réseau de transport du Grand Paris, tel qu'il avait été acté conjointement par l'Etat et la région, ainsi que le financement, par la SGP, d'infrastructures de transport qui ne relèvent pas de sa compétence initiale, mais de celle du STIF. Cet amendement a suscité une certaine émotion. Nous savons que l'accord entre le STIF et la SGP est bien avancé, sous l'égide du Premier ministre. Cela a fait l'objet d'annonces en mars. Mais il y a aussi les deux milliards d'euros de « ponction », si j'ose dire, sur les recettes de la SGP. A ce sujet, la SGP va-t-elle devenir le banquier du STIF et cela n'a-t-il pas un impact sur l'ensemble du projet ? N'affaiblit-on pas ainsi la mission de la SGP, qui était bien spécifique à l'origine ?
Cet amendement revêt une forme de brutalité, en donnant la possibilité de « détricoter » le réseau, comme certains l'ont dit, puisqu'il sera possible, par ordonnance, de réviser le schéma du réseau de transport. Vous nous avez parlé à juste titre de concertation et de transparence. Pouvez-vous nous préciser ce qui se cache derrière cette disposition, adoptée subrepticement à l'Assemblée, de façon un peu rapide, dans un texte qui ne concerne pas les transports ? Nous avons passé des heures à élaborer ce réseau, et cette mesure donne la possibilité de le modifier rapidement, par ordonnance, de façon un peu brutale.
Je voudrais enfin vous faire part d'une satisfaction, bien qu'elle soit à nuancer. Lorsque le Premier ministre a présenté ses mesures en mars, j'étais inquiet parce que les éléments sur les lignes 16 et 17 étaient très elliptiques. Il était question de tout réétudier. Vous avez à la place opté pour une démarche d'optimisation à hauteur de trois milliards d'euros, qui peut être saluée. Cet objectif me semble toujours préférable à la réduction du tracé du réseau. Mais, et c'est là qu'est la nuance de ma satisfaction, cette optimisation va concerner l'ensemble du réseau. On ne remet pas en cause la totalité du schéma, mais on le revoit un peu dans son ensemble. Ces économies ne vont-elles pas affaiblir le réseau ? Si l'on raccourcit les quais par exemple, n'y a-t-il pas un risque de saturation dès l'ouverture, un peu comme cela a été le cas sur le tramway d'Issy les Moulineaux à la Défense ? Une équation financière réduite implique nécessairement une ambition réduite. Elle restreint mécaniquement le champ des possibles.
Je vous félicite à mon tour pour la clarté de votre exposé et le caractère consensuel de votre méthodologie. Vous nous dites que le réseau du Grand Paris va voir transiter jusqu'à 2 millions de voyageurs par jour : ce sera une véritable ville souterraine, comme dans les romans d'anticipation ! Votre responsabilité est donc énorme. L'appel à manifestation d'intérêt concernant le numérique que vous avez évoqué vise, je suppose, à ce que ces passagers captifs puissent utiliser leurs smartphones et leurs tablettes en tous lieux, et à ce que des start-up puissent s'implanter dans les gares. Mais vous êtes-vous intéressé au confort des passagers, au-delà du numérique ? Comptez-vous lancer un appel à manifestation d'intérêt pour l'ergonomie des lieux ? Par ailleurs, vous nous avez parlé de recettes très modestes générées par l'aspect numérique. Disposez-vous d'un budget pour les autres aspects qui seront indispensables au confort de cette ville souterraine ?
Monsieur Teston, notre modèle de financement prévoit des ressources fiscales, une part très importante d'emprunt et une dotation d'un milliard d'euros si nécessaire après 2015, abondée si nécessaire encore après 2020. C'est un modèle qui fonctionne, et j'insiste sur l'importance de la notion de « si nécessaire ».
Dans notre modèle, nous allons concentrer la réalisation sur quelques années, et la financer sur une beaucoup plus longue période : autrement dit, recourir à l'emprunt. Les recettes affectées vont servir à financer d'abord les études, puis le remboursement des emprunts. Le tableau de ressources fait apparaître un montant de 25,5 milliards de dépenses d'ici 2030, qui sera couvert par un emprunt levé essentiellement sur les marchés, mais aussi auprès de la BEI et de la CDC. Cet emprunt sera remboursé au plus tard 40 ans après la dernière mise en service. Pourquoi 40 ans ? Alors que la durée de vie des infrastructures sera très longue, il est impossible de trouver actuellement sur le marché des ressources à plus de 20 ans. Une campagne de refinancement intermédiaire sera donc nécessaire. Dans le tableau d'équilibre rendu public le 6 mars dernier, nous avons calculé que les recettes fiscales actuelles, compte tenu de leur dynamisme probable, permettront de financer 21,8 milliards d'euros. Quand on verra que le modèle commence à s'essouffler, alors des ressources fiscales nouvelles seront mises en place afin que l'on puisse y adosser 2,5 milliards d'emprunt nouveau. Il n'y a donc pas d'impasse de financement.
Le critère de soutenabilité est fondé sur un remboursement complet 40 ans après la dernière mise en service. On ne va pas pousser devant nous une dette perpétuelle. Mais c'est un horizon lointain, et il n'y a pas d'inconvénient à repousser après 2020 la création de recettes fiscales supplémentaires.
Cet horizon de 40 ans reste beaucoup plus court que celui du métro parisien. Je rappelle que l'emprunt lancé en 1900 pour financer la première ligne de métro n'a été complètement remboursé qu'en 1977 ! Pour les optimisations, nous jouons à fond sur les infrastructures, sans obérer les réserves de capacité. Nous adaptons la dimension des trains aux prévisions de trafic à horizon 2035. Ainsi, sur la ligne 15, la plus chargée, qui devra avoir une capacité de 1000 passagers par rame, nous allons pouvoir réduire la longueur des rames de 10 % par rapport à une longueur initiale de 120 mètres. Sur les lignes 16 et 17, pour lesquelles était prévue également une longueur des rames de 120 mètres, après adaptation, nous serons plutôt à 60 mètres. En ce qui concerne la ligne 18, il s'agira d'un métro léger autour de 45 mètres. Nous diminuons ainsi l'ensemble des coûts. Le détail des 3 milliards d'euros d'économies a été très travaillé.
En ce qui concerne le Charles de Gaulle Express, je ne suis pas le plus qualifié pour répondre. Mais nous avons toujours dit que nous y sommes favorables, parce ce que c'est un projet tout à fait complémentaire du Grand Paris Express : il n'a pas le même tracé, ni le même public, ni la même utilité. Dans un cas, on vise les voyageurs qui vont et viennent de l'aéroport Charles de Gaulle au centre de Paris, dans l'autre cas, on répond à une problématique de vie quotidienne et de trajets domicile / emploi. Nous ne nous sentons donc pas concurrencés.
Monsieur Revet, le périmètre de la Société du Grand Paris est celui fixé par la loi. Elle a été chargée de définir le schéma d'ensemble du réseau, de construire les infrastructures, d'acheter les rames pour les revendre au STIF. Elle peut avoir aussi une mission d'aménageur, si l'Etat et les collectivités territoriales le veulent. Notre coeur de métier est donc le transport. Après avoir développé le schéma d'ensemble, nous travaillons gare par gare, site par site, avec les communes, sur les perspectives de valorisation foncière, en donnant la priorité à nos propres parcelles. Nous nous inscrivons dans le cadre de la politique du logement, qui est désormais territorialisée. Certes, nous avons des échanges avec le port autonome de Paris, qui peuvent avoir une dimension allant au-delà du périmètre de la Société du Grand Paris. Mais nous ne sommes pas chargés de l'aménagement de la vallée de la Seine.
L'objectif fondamental est de désaturer les réseaux de transport existants, d'éviter aux voyageurs de passer par la zone centrale et par Paris. C'est pourquoi 75 % de nos gares sont en interconnexion. Elles desservent surtout la petite couronne, mais ont aussi des points de contact avec la grande couronne, là où il y a des gares TGV et des aéroports. Il y aussi la dimension du schéma d'exploitation : combien de Franciliens vont s'arrêter dans les gares ? Le STIF, en tant qu'autorité organisatrice, est en charge du pilotage de cette réflexion, à laquelle nous concourons de manière très étroite. Il a demandé aux opérateurs de transport d'étudier différentes hypothèses d'exploitation et de fréquentation des gares. Ce sont des sujets en cours, qui seront examinés par le comité de pilotage du mois de décembre.
La LGV Normandie n'est pas pour demain puisque, faute d'avoir les moyens de notre politique, nous faisons la politique de nos moyens. Peut-on imaginer qu'un train partant du Havre puisse contourner en boucle le coeur de la région parisienne pour déposer ses voyageurs aux différentes correspondances ?
Il n'y aura pas d'interopérabilité entre les LGV et les lignes du Grand Paris Express. Ce ne sont pas les mêmes technologies, et un TGV ne pourra pas rouler sur nos lignes. Mais il y aura une interconnexion à la gare de La Défense pour les voyageurs arrivant de Normandie.
Monsieur Filleul, nous avons de très bons rapports avec le STIF, qui va hériter de l'exploitation des infrastructures. J'ai proposé d'anticiper la mise en oeuvre du projet de loi, soit par une convention complémentaire, soit par la mise en place des instruments quotidiens du vivre ensemble. Par exemple, nous avons mis en place un comité de la ligne 15 unifiée. De même, nous ne prendrons aucune décision concernant le matériel roulant sans l'accord du STIF.
Va-t-on aider les entreprises à faire de la recherche dans le domaine des économies d'énergie ? C'est tout l'intérêt d'une opération du type Efficacity, qui permet de passer par l'intermédiaire d'un consortium dans lequel les grandes entreprises sont associées.
Monsieur Capo-Canellas, vous avez raison : ce sont d'abord les Franciliens qui financeront le Grand Paris Express. Seul un milliard d'euros viendra du budget de l'Etat, si nécessaire. Je tiens à vous rassurer sur l'amendement à l'article 8 de la loi de simplification du droit des entreprises. L'arbitrage rendu par le Premier ministre le 6 mars dernier est très clair : il faudra trouver 3 milliards d'économies, à schéma d'ensemble inchangé. Mais, alors que la loi sur le Grand Paris ne prévoyait aucune procédure de modification de ce schéma à horizon 2030, je ne suis pas choqué que l'on prévoit dès maintenant une procédure de modification, même si ce n'est pas d'actualité aujourd'hui. Une éventuelle modification devra en tout état de cause respecter les principes de participation du public, de consultation des collectivités territoriales et d'évaluation environnementale.
Madame Masson Maret, vous avez évoqué le confort des voyageurs au-delà de la seule dimension numérique, pour laquelle nous allons lancer une AMI au mois de novembre. Nous avons choisi Jacques Ferrier, qui a conçu le pavillon de la France lors de l'Exposition universelle de Shangaï, comme architecte conseil auprès de la Société du Grand Paris pour une période de sept années. L'objectif est de parvenir à des gares humaines et urbaines, Jacques Ferrier parle de « gares sensuelles », d'abord destinées à la personne. Tout doit être fait pour faciliter la vie du voyageur, en jouant sur les matériaux, la lumière et le bruit. Des puits de lumière naturelle seront prévus partout où ce sera possible. Les sons seront différenciés entre l'arrivée et le départ des rames. Il faut travailler sur la dimension intuitive du voyageur, pour lui ménager un parcours agréable. Jacques Ferrier va intervenir comme conseil auprès de chacune des équipes d'architectes que nous avons choisies. Certains ont des noms connus, mais d'autres sont de jeunes architectes talentueux à qui nous voulons donner leur chance. On nous a fait le reproche de ne pas avoir pris d'architectes étrangers. C'est vrai pour les seize premières gares sur les soixante-douze à concevoir. Mais il ne faut pas y voir d'ostracisme et nous espérons qu'il y aura des étrangers parmi les architectes en charge des suivantes. Il conviendra de distinguer les parvis des gares des salles d'échanges et des descentes aux quais : autant d'espaces qui devront recevoir des traitements différents. Cette ville souterraine ne doit pas être un monstre, mais un point de départ pour de nouvelles urbanités, avec des aménités, des services, des commerces qui facilitent la vie des gens. Dans cette perspective, nous travaillons avec les communes, car il ne s'agit pas de fragiliser le tissu commercial autour des gares, mais bien d'amener des services supplémentaires.
Nous voilà rassurés, à supposer que nous fussions inquiets. C'est un grand projet qui avance, et nous nous félicitons du consensus qui règne jusqu'à présent et doit perdurer. Je confirme à Vincent Capo-Canellas que les provinciaux seront très heureux de pouvoir circuler dans Paris et de profiter ainsi des installations que les Franciliens auront financées !
Louis Nègre est nommé rapporteur de la proposition de loi n° 47 (2013 - 2014), présentée par Pierre-Yves Collombat et plusieurs de ses collègues, relative à la prévention des inondations et à la protection contre celles-ci.
Michel Teston est nommé rapporteur sur le projet de loi n° 1468 portant réforme ferroviaire.
Nous anticipons certes un peu cette nomination mais ce texte portant réforme ferroviaire est important et il est utile que notre rapporteur puisse dès à présent se mettre au travail et procéder aux auditions qui lui paraissent nécessaires.
Je ne vais pas entrer aujourd'hui dans le détail du projet de loi, mais je parlerai de méthode. Jusqu'à présent, nous avons pu avancer sur la réforme ferroviaire dans le cadre du groupe de travail sur le transport et la mobilité. Je souhaite continuer et inviter ses membres à participer aux auditions que je ferai en tant que rapporteur. Si l'un des groupes politiques n'était pas représenté au sein du groupe de travail, rien n'empêche que l'on invite aussi l'un de ses représentants, afin que tout le monde ait la même information.
Je suis d'accord et remercie Michel Teston pour la méthode qu'il propose. Je me demande toutefois si les auditions les plus importantes ne devraient pas avoir lieu devant la commission toute entière ?
L'espoir existait de voir ce texte important adopté par le Parlement avant la fin de l'année. C'est donc une déception de le voir renvoyé à plus tard, alors que je suis convaincu qu'il aurait pu recueillir un large consensus au Sénat. Les attentes de nombreux territoires et régions, ainsi que d'opérateurs locaux qui se débattent dans des difficultés financières insolubles, sont importantes. En ce qui concerne les auditions, nous entendrons, bien-sûr, le ministre. Mais je ne pense pas qu'il soit possible, ni même souhaitable, de tenir les auditions du rapporteur devant l'ensemble de la commission.