Mes chers collègues, nous allons sans plus tarder aborder le premier point de notre ordre du jour : la constitution d'un groupe de travail sur le bilan des mesures de lutte contre les violences au sein des couples. Il s'agit bien évidemment d'un sujet crucial pour notre délégation. Il a été décidé au cours de notre réunion du 1er octobre que ce groupe de travail serait composé d'un représentant par groupe.
Je rappelle que notre délégation va travailler parallèlement sur les femmes victimes de la traite des êtres humains. Ce rapport d'information sera porté par une rapporteure par groupe : Corinne Bouchoux pour le groupe Écologiste, Hélène Conway-Mouret pour le groupe socialiste et républicain, Joëlle Garriaud-Maylam pour Les Républicains, Brigitte Gonthier-Maurin pour le CRC, Mireille Jouve pour le RDSE et moi-même pour le groupe UC-UDI.
Pour en revenir à la composition du groupe de travail sur les violences au sein des couples, nous avons reçu les candidatures de Laurence Cohen pour le CRC, Roland Courteau pour le groupe socialiste et républicain, de Christiane Kammermann pour Les Républicains et de Françoise Laborde pour le RDSE. Corinne Bouchoux représentera le groupe Écologiste. Je pense que nous pouvons considérer que ce groupe de travail est constitué, sous réserve de la confirmation de celui ou celle d'entre nous qui y participera au titre du groupe UC - UDI.
Je rappelle que notre objectif est que ce groupe de travail rende son rapport à la fin du mois de février. La même date a été retenue pour le rapport sur les femmes victimes de la traite des êtres humains.
Il est très positif que notre collègue Roland Courteau, dont nous connaissons l'engagement dans la lutte contre les violences au sein des couples, participe à ce groupe auquel il apportera, cela ne fait aucun doute, une contribution décisive. Ses initiatives législatives, dans un domaine où il possède une vraie expertise, sont bien connues. Nous en sommes tous convaincus, il est important que les sénateurs participent activement aux travaux de la délégation.
Je voudrais rappeler, en tant que membre de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, qu'il existe au sein de cette assemblée un Réseau parlementaire pour le droit des femmes de vivre sans violence, auquel j'appartiens. Nous avons récemment procédé à un état des lieux de la mise en oeuvre, par les parlements nationaux, de la Convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique, dite convention d'Istanbul. Dans ce mécanisme de suivi, il existe deux organismes : le comité des parties à la Convention, qui comprend des parlementaires des différents États membres, et un groupe d'experts indépendants. Il s'agit du Groupe d'experts sur la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique (GREVIO), qui a tenu tout récemment sa réunion inaugurale à Strasbourg. Chaque année, ce groupe d'experts indépendants évaluera les mesures, notamment d'ordre législatif, prises par les États pour donner effet à la convention et établira un bilan d'étape.
Compte tenu de mon implication dans le suivi de la Convention d'Istanbul, j'apprécierais beaucoup d'être associée au groupe de travail qui s'est constitué au sein de notre délégation, car ce sujet des violences faites aux femmes m'intéresse tout particulièrement.
Le programme de travail de ce groupe sera communiqué à tous les membres de la délégation afin qu'ils puissent, s'ils le souhaitent, participer à ses réunions.
Madame la Présidente, je me réjouis de la constitution de ce groupe de travail et de la confiance que vous me faites en me permettant d'y apporter ma contribution.
Je suis particulièrement favorable au travail que notre délégation va entreprendre sur ce sujet et qu'elle contribue ainsi à une activité de contrôle de l'action du Gouvernement qui, je ne suis pas la seule à le penser, est particulièrement importante pour notre assemblée.
Nous en venons maintenant au deuxième point de notre ordre du jour : l'examen de la synthèse de la table ronde du 25 juin 2015 sur les femmes et la lutte contre le changement climatique.
Vous avez reçu le procès-verbal de cette réunion, à laquelle ont été associés, je le rappelle, aux côtés de notre délégation, nos collègues du groupe de travail du Sénat sur le suivi des négociations climatiques internationales, Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes de l'Assemblée nationale, ainsi que Danielle Bousquet, présidente du Haut conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes (HCE|fh). Quant aux spécialistes auditionnées le 25 juin, elles représentaient le Comité ONU Femmes-France, l'UNESCO, l'OCDE, qui effectue un suivi du financement de l'aide au développement, et plus particulièrement des financements alloués à la promotion de l'égalité, ainsi que deux associations : Women in Europe for a better future (WECF), très impliquée dans le domaine de la lutte contre le changement climatique sous l'angle des femmes, et OXFAM France, davantage spécialisée dans la sécurité alimentaire.
Le constat établi par ces intervenantes se résume de la manière suivante.
Tout d'abord, les femmes sont les premières victimes du dérèglement climatique. Certes, celui-ci affecte tant les hommes que les femmes, mais ses conséquences sont plus marquées pour les femmes, qui représentent une proportion très importante des personnes les plus démunies. Or ce sont justement les personnes les plus vulnérables qui subissent de plein fouet les effets des changements climatiques : accès perturbé à l'eau, à l'énergie, aux ressources alimentaires...
L'exclusion que subissent les femmes dans de nombreuses sociétés du fait de leur pauvreté et de leur faible niveau d'instruction aggrave donc, et ce constat est extrêmement répandu, les effets économiques et sociaux des changements climatiques.
Je voudrais vous citer quelques chiffres significatifs :
- 70 % des personnes dans le monde subsistant avec moins de un dollar par jour sont des femmes ;
- les femmes possèdent moins de 1 % des ressources du monde et moins de 2 % des terres ;
- moins de 5 % des prêts bancaires dans le monde sont attribués à des femmes.
L'exemple le plus connu peut-être des conséquences négatives en chaîne, pour les filles et les femmes, du dérèglement climatique, concerne l'eau. Les changements climatiques rendent le ravitaillement en eau, qui incombe aux femmes, plus difficile. Les épisodes de sécheresse qui se multiplient obligent les femmes à parcourir chaque jour des distances de plus en plus longues et la corvée d'eau leur prend de plus en plus de temps. Ce phénomène a, entre autres conséquences, pour effet la déscolarisation des petites filles qui sont mises à contribution pour participer à ces corvées. Ainsi se trouve aggravée la spirale de l'exclusion et de la pauvreté des femmes.
Pourtant, les femmes ont aussi un grand rôle à jouer dans la lutte contre le dérèglement climatique. Elles ne doivent pas être considérées uniquement comme des victimes : les nombreuses compétences qu'elles possèdent, notamment en raison de leur contribution aux activités économiques, et les responsabilités familiales qui leur incombent, en font aussi des actrices toutes désignées de la lutte contre les changements climatiques.
Par exemple, leurs compétences dans le domaine agricole doivent être mieux connues et les faire considérer comme des atouts pour le développement durable. Elles ont en effet une très bonne connaissance de la terre et de leur environnement. Il ne faut pas oublier qu'elles représentent entre 45 et 80 % des petits agriculteurs dans le monde. Certains produits agricoles seraient d'ailleurs produits à 90 % par des femmes. Pourtant, elles ne possèdent que très peu de terres, sont exclues des technologies, des marchés et du crédit et le rendement des terres qu'elles exploitent est, pour cette raison, inférieur de 30 à 40 % à celui des terres cultivées par les hommes.
Selon une estimation faite par L'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), si les agricultrices avaient accès aux mêmes ressources (terres, crédit, technologie, instruction...) que les hommes, elles pourraient augmenter leur production dans une proportion telle que la diminution du nombre de personnes souffrant de la faim dans le monde pourrait être comprise entre 100 et 150 millions.
Je n'en dis pas plus sur l'importance des femmes dans la lutte contre les changements climatiques, car vous avez reçu avant cette réunion la synthèse des travaux de la table ronde que je vous ai présentée.
Abordons maintenant, avant de procéder à notre débat, les neuf recommandations que je vous propose d'adopter en conclusion de ce rapport. Certaines de ces recommandations concernent l'aide au développement, d'autres ont pour objet plus spécifiquement la lutte contre les changements climatiques et la COP 21.
Je voudrais revenir, avant notre débat sur le texte des recommandations, sur la qualité de la table ronde à laquelle nous avons assisté le 25 juin. Les débats que nous avons eus à cette occasion ont été extrêmement riches et éclairants.
Merci, chère collègue. Les recommandations que je soumets à votre approbation sont inspirées par le constat qu'en renforçant les droits des femmes et en encourageant leur autonomisation, on permet d'accroître l'efficacité des mesures destinées à atténuer les conséquences des changements climatiques ou à s'y adapter. L'égalité entre hommes et femmes doit, nous en sommes ici convaincus, être une dimension importante et renforcée, non seulement des mesures destinées à lutter contre le dérèglement climatique, mais aussi et plus généralement de la politique d'aide au développement. C'est d'ailleurs autour de ces deux axes que sont organisées les recommandations que je vous soumets.
La première recommandation concerne l'accès aux financements des projets de développement intéressant les femmes, qui doit être privilégié.
Il me semble que nous devons sur ce point marteler que l'aide publique au développement ne doit pas être sacrifiée par notre pays : la question des moyens attribués à tous les projets de développement concernant les femmes et les filles est, c'est une évidence mais il faut bien le rappeler, cruciale. Il est indispensable que nous affirmions l'exigence que la France augmente son aide publique au développement.
Je suis tout à fait d'accord. L'aide publique au développement et le budget du ministère de l'écologie ont été les principaux contributeurs, encore cette année, à la réduction des déficits publics.
Il me semble aussi qu'il y a actuellement une sorte de confusion entre aide humanitaire et crédits destinés à la lutte contre les changements climatiques.
Aujourd'hui, en effet, les associations d'aide humanitaire et d'aide au développement appréhendent cette confusion que vous évoquez entre les crédits destinés à l'aide au développement et les crédits destinés à la lutte contre les changements climatiques. Ces deux sources de financement doivent être plus clairement distinguées.
Disposons-nous d'éléments chiffrés sur la part de l'aide publique au développement attribuée à des projets concernant des femmes ? Ce qui compte, en réalité, ce sont les valeurs humaines que vous défendez. Par ailleurs, nous le savons tous au Sénat, la coopération décentralisée contribue également de manière importante à notre effort d'aide au développement et doit être prise en compte dans l'évaluation des moyens que notre pays y consacre.
En matière d'aide au développement, il serait très utile de disposer de statistiques précises mettant en évidence la part des projets de développement permettant d'améliorer la situation des filles et des femmes. Ce point fait d'ailleurs l'objet de la recommandation 4 que nous allons aborder dans un instant.
Je propose donc, en cohérence avec la réflexion de Brigitte Gonthier-Maurin, de compléter la recommandation 1 pour rappeler que le renforcement de l'aide publique au développement doit être une priorité pour notre pays.
La recommandation 1, ainsi amendée, est adoptée à l'unanimité.
Les recommandations 2, qui concerne le nécessaire soutien des savoir-faire traditionnels dans le cadre des mesures d'adaptation et d'atténuation des changements climatiques, et 3, relative au soutien des projets de développement ouvrant des perspectives économiques aux femmes, sont adoptées à l'unanimité.
La recommandation 4 concerne la nécessité d'établir des statistiques sexuées permettant d'évaluer l'impact sur la situation des femmes et des filles des projets d'aide au développement, et plus particulièrement des projets concernant le développement durable. Il est certain que l'on dispose aujourd'hui de peu d'informations sur la répartition de l'aide au développement. Il semble que trop peu de femmes en bénéficient directement, mais ce point doit être confirmé par des outils statistiques appropriés.
La recommandation 4 est adoptée à l'unanimité.
La recommandation 5 est importante, car elle concerne le fait que des femmes doivent accéder à l'expertise scientifique dans le domaine de la climatologie. C'est une dimension indispensable de la lutte contre les changements climatiques.
La recommandation 5 est adoptée à l'unanimité.
Les recommandations suivantes concernent les négociations climatiques et la COP 21.
La recommandation 6 vise le renforcement de la présence des femmes dans les négociations climatiques internationales. Les femmes sont sous-représentées dans les délégations participant aux négociations climatiques internationales, de même qu'elles sont sous-représentées parmi les bénéficiaires des mesures prises au cours de ces réunions.
La recommandation 6 est adoptée à l'unanimité.
La recommandation 7 portant sur la prise en compte des besoins des femmes dans la définition des politiques et des programmes concernant la lutte contre les changements climatiques est adoptée à l'unanimité.
La recommandation 8 a pour objet la participation au Sommet de Paris de délégations largement féminisées. En réalité, c'est un objectif de parité qu'il aurait fallu fixer, même si cet objectif, il faut en être conscient, est essentiellement symbolique. Je suis d'ailleurs sans illusion sur la possibilité d'y parvenir... Les négociations internationales sont le reflet des organisations politiques des pays qui y participent : elles sont peu féminisées !
Je suis d'accord pour ma part avec le principe de délégations paritaires.
Je pense qu'il vaut mieux nous concentrer sur une rédaction consensuelle. Quand je vois le mal que l'on peut avoir ici lorsque l'on parle de parité...
Je serais d'avis de privilégier l'efficacité et d'adopter une formulation moins exigeante.
À la suite de cet échange, la recommandation 8 est adoptée à l'unanimité.
La recommandation 9 vise à intégrer la dimension de l'égalité entre les femmes et les hommes dans les deux volets de la lutte contre le changement climatique (adaptation et atténuation), et dans les différents volets de l'accord de Paris : non seulement dans le préambule, mais aussi dans les chapitres opérationnels et dans l'agenda des solutions qui sera défini lors de la COP 21.
La recommandation 9 est adoptée à l'unanimité.
Venons-en au titre de notre rapport. Que diriez-vous de : « La justice climatique passe par l'égalité » ?
Pour ma part, ce titre me semble convenir au contenu du rapport et aux convictions que nous portons s'agissant des conséquences des changements climatiques pour les femmes, partout dans le monde.
Je voudrais vous remercier, Madame la présidente, d'avoir accepté que, au cours de notre réunion du 29 octobre, je puisse présenter avec notre collègue Didier Mandelli, du groupe Les Républicains, un compte rendu très concret d'une mission que nous avons faite en septembre dernier à Madagascar, qui nous a permis d'aborder les changements climatiques à travers le regard des femmes. Je retrouve dans la synthèse que vous nous avez présentée bien des constats que nous avons effectués sur le terrain, avec l'aide de l'association Care France qui fait à Madagascar un travail remarquable. Ce que nous avons vécu à Madagascar est absolument passionnant. Je vous parlerai, le 29 octobre, des systèmes de crédit que les femmes y ont mis en place, et qui ont bouleversé le rapport de forces patriarcal au sein de leur communauté. Je vous montrerai un court reportage très éclairant sur ce sujet. Ce qui est enthousiasmant, c'est qu'au coeur de la plus grande misère, ces femmes trouvent en elles-mêmes les ressources pour faire bouger les choses.
Je souscris aux recommandations que vous nous avez présentées, même si pour ma part j'aurais préféré pour certaines d'entre elles des formulations plus radicales. Je reviens aux estimations de la FAO dont vous nous avez parlé : que 100 à 150 millions de personnes puissent cesser de souffrir de la faim si l'on aidait davantage les femmes dans leur activité d'agricultrices, c'est considérable ! Cela donne à réfléchir... J'ai été très émue, pendant ce voyage, de constater combien, victimes de la misère, les femmes trouvent la force d'agir et de relever la tête ! L'aide qui fait toute la différence pour elle est extrêmement modique. Quand on sait que les crédits destinés à l'aide publique au développement française, comme nous l'observions tout à l'heure, ne cessent de baisser depuis plusieurs années...
Cette mission à Madagascar devait être extrêmement intéressante. L'association Care y réalise un excellent travail, en effet.
Votre compte-rendu, Madame la présidente, m'a moi aussi fait penser aux femmes de Madagascar. Pendant huit ans, je me suis occupée de coopération décentralisée entre le Finistère et la région du nord-est de Madagascar, où j'ai mené des actions d'aide au développement. La situation des femmes à Madagascar rejoint en tous points la synthèse que vous nous avez présentée. Nous avons effectué un rapport sur ces différentes actions, que je serais heureuse de vous transmettre.
Il faut vraiment insister sur le fait que toute solution, en matière de lutte contre le réchauffement climatique, passe nécessairement par les femmes. Qu'il s'agisse des systèmes de culture, du problème du bois de chauffe, de l'énergie nécessaire aux activités domestiques ou de la gestion des puits, aucune solution ne peut être mise en oeuvre concrètement sans elles. Cela implique de mettre en oeuvre des actions ciblées sur les femmes. Cette prise de conscience est fondamentale.
Pour en revenir au titre de notre rapport, je préférerais que l'on affirme que l'égalité est « au coeur » de la justice climatique. La notion de « coeur » me semble devoir figurer dans notre travail, car ces sujets touchent profondément à l'humain. L'idée est qu'améliorer la situation des femmes est un des moyens de promouvoir la justice climatique.
Votre proposition me convient tout à fait ! Nous pourrions intituler le rapport : « L'égalité au coeur de la justice climatique », ou « L'égalité, condition de la justice climatique ».
Ce titre, pour ma part, a du mal à passer. Je ne comprends pas à quoi se réfère le terme de « justice climatique ».
Nous ne faisons pas là une référence institutionnelle. Il s'agit d'un objectif : l'injustice climatique existe, il est urgent d'en prendre la mesure et de lutter contre un phénomène dont les femmes sont les premières victimes.
Je préfèrerais donc que le titre du rapport se réfère à la notion d'injustice climatique, qui me semble plus aisée à cerner.
Pourquoi pas : « Combattre l'injustice climatique passe par l'égalité » ?
L'égalité entre les hommes et les femmes a-t-elle des conséquences sur le climat ?
L'égalité entre les femmes et les hommes est un élément décisif de la lutte contre les changements climatiques, dont elle ne peut que contribuer à atténuer les effets. Élément clé de notre sujet, la question des émissions de gaz à effet de serre ne peut être résolue sans prendre en compte le rôle déterminant des femmes, si l'on se réfère très concrètement, par exemple, au problème crucial de la cuisson des produits alimentaires. Rien ne se fera sans les femmes ! Quant à l'adaptation aux changements climatiques (l'objectif de réduction de deux degrés devient presque idéaliste, à mon avis), les femmes, là encore, sont des actrices incontournables, qu'il s'agisse par exemple des corvées d'eau, de la gestion des puits ou des méthodes d'exploitation agricole, comme je l'ai déjà mentionné. Il y a une logique sexuée qui doit dominer l'approche de toutes ces questions, cela me semble évident.
Pour répondre à Marie-Annick Duchêne, je voudrais rappeler qu'à Madagascar, les femmes ne peuvent avoir recours, pour faire la cuisine, qu'au charbon de bois. Elles utilisent pour cela du bois de rose ; nous avons donc essayé de leur proposer des alternatives à cet appauvrissement de leur territoire, comme par exemple des fours solaires ou l'utilisation d'autres essences de bois. Quand on survole Madagascar, on voit des colonnes de fumée qui illustrent très concrètement le réchauffement climatique et ses dangers... Le micro-crédit, par ailleurs, est l'un des vecteurs de développement. Dans le cadre de la coopération décentralisée avec le Finistère que j'évoquais tout à l'heure, nous avons pu opérer un partenariat avec une association pour mettre en place des mécanismes de financement, parfois pour des montants très modestes, qui aidaient les femmes à investir dans l'agriculture ou dans tout autre entreprise.
Il ne s'agit pas toujours de micro-crédit, en l'occurrence, car beaucoup de femmes à Madagascar n'y sont pas éligibles.
Je reviens à notre titre. La notion d'égalité doit y figurer. Je propose : « L'égalité entre hommes et femmes pour la justice climatique ».
Je suis d'accord. Y a-t-il des objections ? Je n'en vois pas. Il me semble que nous pouvons considérer que ce titre est adopté.
Examinons maintenant ensemble le texte de la contribution de la délégation à la proposition de résolution du Sénat, qui sera soumise au groupe de travail du Sénat sur le suivi des négociations climatiques internationales, puis examinée en séance publique le lundi 16 novembre en vue de la COP 21.
Le texte des recommandations que nous avons adoptées tout à l'heure me convient. S'agissant de notre contribution à cette proposition de résolution, je trouve qu'il serait utile de compléter l'exposé des motifs par les trois alinéas qui sont en quelque sorte les « considérants » de nos recommandations, et qui font très utilement référence non seulement au renforcement impératif, partout dans le monde, des droits des femmes, mais aussi à la nécessité de promouvoir l'accès aux soins et la maîtrise de la fécondité. Nous savons que, s'agissant de la situation des femmes et de la lutte pour l'égalité, tout se tient et que la maternité, la santé sexuelle et reproductive et l'éducation y prennent une part décisive.
Je ne vois aucun inconvénient à ce que nous intégrions ces alinéas dans l'exposé des motifs, sous réserve des ajustements rédactionnels nécessaires. Je vous en donne lecture :
« Le renforcement des droits des femmes et leur autonomisation sont une condition de l'efficacité des mesures destinées à tenter d'atténuer les conséquences des changements climatiques.
Ce constat implique de promouvoir partout dans le monde le partage des ressources et l'accès des femmes à la terre, aux technologies, au crédit, à l'éducation, à l'emploi, aux soins et à la maîtrise de leur fécondité.
L'égalité entre hommes et femmes doit donc être une dimension importante et renforcée de la politique d'aide au développement. »
Je voudrais proposer, dans l'exposé des motifs, un amendement précisant que l'égalité est une dimension non seulement décisive, mais aussi stratégique, des mesures qui seront décidées à l'échelle internationale afin de lutter contre le réchauffement climatique.
Je n'y vois aucun inconvénient. Il me semble que nous pouvons considérer cet amendement comme adopté.
Je vous donne maintenant lecture du dispositif que je soumets à votre approbation :
« Le Sénat,
Conscient que les femmes supportent l'essentiel des conséquences des changements climatiques auxquelles les exposent leur plus grande pauvreté et leur situation d'exclusion et qu'elles constituent une proportion importante des victimes des catastrophes naturelles, mais que partout dans le monde elles sont porteuses de solutions pour lutter contre le dérèglement climatique et pour s'adapter à ses effets ;
Reconnaissant que les initiatives des femmes pour lutter contre le changement climatique doivent être systématiquement prises en compte dans les négociations internationales sur le climat et, plus particulièrement, dans la COP 21 et qu'il est nécessaire d'encourager une meilleure participation des femmes à ces négociations ;
Forme le souhait que l'égalité entre hommes et femmes soit reconnue comme une dimension importante de l'accord de Paris et de l'agenda des solutions qui sera élaboré au cours de la COP 21 [...].
Je propose que l'égalité entre hommes et femmes soit une dimension non pas importante, mais fondamentale de l'accord de Paris.
Je suis d'accord. Je pense que nous pouvons considérer cet amendement comme adopté.
Mes chers collègues, je constate que notre rapport, ainsi que les neuf recommandations qui le concluent et notre contribution à la future proposition de résolution du Sénat, ont été adoptés à l'unanimité. Je vous remercie de votre contribution active et stimulante à ce débat.
Je voudrais dire un mot avant l'arrivée de Pascale Boistard, secrétaire d'État aux droits des femmes, sur l'intérêt qu'il pourrait y avoir à faire davantage rayonner les travaux de notre délégation, car ils gagneraient à être mieux connus, plus particulièrement des commissions. Nous devrions pouvoir oeuvrer à leur meilleure diffusion car les rapports, particulièrement intéressants, publiés par notre délégation concernent des sujets très variés qui recoupent en fait les champs de compétences de toutes les commissions.
Nous disposons de documents destinés à présenter notre délégation. Il me semble que notre programme de travail, vous avez raison, mériterait d'être présenté aux commissions. Certains collègues, à mon avis, pourrait apprécier d'avoir la possibilité d'inviter des associations actives dans leur département au colloque sur l'engagement associatif des femmes que nous projetons d'organiser à l'occasion de la journée du 8 mars. Quoi qu'il en soit, l'idée de valoriser nos travaux auprès des commissions ne peut qu'être soutenue.
Nous accueillons maintenant Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État aux droits des femmes, que je remercie d'être venue jusqu'à nous. Madame la ministre, c'est la deuxième fois que notre délégation a le plaisir de vous auditionner. Cette réunion doit être l'occasion de présenter les crédits budgétaires destinés à l'action de votre département ministériel, de faire un point d'actualité sur les temps fort de votre action et, enfin, d'évoquer l'examen prochain, en deuxième lecture au Sénat, de la proposition de loi visant à lutter contre le système prostitutionnel. La commission spéciale s'est en effet réunie hier.
Madame la ministre, vous avez la parole, puis nous vous poserons des questions.
Le domaine d'action de mon secrétariat d'État étant large, nous travaillons toujours en transversalité, comme vous le savez, ce qui rend les choses parfois complexes.
Un bon exemple de cette transversalité est l'application de la loi du 4 août 2014 pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes. On peut s'en féliciter : cette loi est aujourd'hui mise en oeuvre à 95 %. Je considère que c'est une belle avancée, et le dernier décret d'application doit être publié prochainement, conjointement avec le ministère du travail.
L'expérimentation de la garantie des impayés de pensions alimentaires, aujourd'hui testée dans dix-neuf départements, et qui consiste à substituer la Caisse d'allocations familiales (CAF) au mauvais payeur, charge à elle de se retourner ensuite contre celui-ci, est un exemple à mon avis emblématique des avancées permises par cette loi. La garantie touche au quotidien des femmes, dont il permet de stabiliser la situation financière, dans l'intérêt des enfants dont ils ont la charge.
C'est pourquoi nous avons décidé de généraliser le dispositif sans attendre les dix-huit mois d'expérimentation. Le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) tirera les conséquences de cet objectif.
Mes activités récentes m'amènent à aborder avec vous en premier lieu le lien entre les droits des femmes et l'actualité internationale : vous savez qu'au sein de la prochaine Conférence climatique qui se tiendra à Paris en décembre, une journée spécifique sera dédiée à la question « genre et climat ». Portée par le Président de la République et soutenue par Laurent Fabius, cette initiative doit déboucher sur des propositions concrètes, en lien avec la société civile et avec le secteur économique.
Plusieurs manifestations auront lieu en amont de la Conférence climatique et le Président de la République a réaffirmé devant les Nations unies, où il participait à la 70ème Assemblée générale, il y a quelques jours, le rôle central des femmes en matière de changement climatique, dont les incidences sur les mouvements de populations sont importantes. Le changement climatique, les femmes en sont les victimes, mais aussi les actrices ; il faut le souligner.
Nous portons également au niveau international la voix de la France en ce qui concerne la maîtrise de la fécondité, droit essentiel des femmes que nous avons réaffirmé à l'ONU en septembre dernier. À cet égard, le Président de la République a rappelé que la France considérait la prostitution comme une violence faite aux femmes : à ce titre, nous sommes résolus à lutter contre ce phénomène.
Cette semaine est la semaine de l'égalité professionnelle : permettez-moi d'aborder cette question. Les premiers résultats sont encourageants, puisque les chiffres dont nous disposons permettent de situer la France parmi les pays qui voient leurs inégalités professionnelles diminuer : la France réduit ces inégalités deux fois plus que la moyenne européenne. Quant à l'entreprenariat au féminin, le salon des micro-entreprises, auquel j'assistais hier soir, a été une nouvelle occasion de rappeler que nous souhaitons renforcer tous les dispositifs qui accompagnent les femmes dans la création d'entreprises, parmi lesquels le Fonds de garantie pour la création, la reprise, le développement d'entreprises à l'initiative des femmes (FGDF).
À cet égard, j'ai signé hier une convention avec le Fonds de solidarité pour que les femmes puissent être accompagnées dans leurs projets de création d'entreprise dans l'économie sociale et solidaire, secteur relativement peu investi jusqu'à ce jour.
S'agissant de l'encouragement à la création d'entreprises, nous avons défini trois priorités : le secteur rural, le secteur de la politique de la ville et la reprise d'entreprise. En effet, faute de repreneurs, nombre d'entreprises, et donc nombre de produits comme de savoir-faire, péricliteraient aujourd'hui si les femmes ne s'y investissaient pas. Afin de faire connaître ces dispositifs, nous sommes sur le point de signer un partenariat avec La Poste pour que les femmes, en particulier celles qui résident en zone rurale, sachent qu'elles peuvent être accompagnées dans leurs projets.
Parallèlement, nous avons augmenté le plafond de garantie du FGDF, afin que ce dispositif puisse accompagner des projets jusqu'à 45 000 euros. Nous devrions ainsi pouvoir accompagner des femmes dont les projets ne sont pas financés par les banques.
Notre ambition est de porter le nombre de femmes cheffes d'entreprise, de 30 % actuellement à 40 % en 2017.
Par ailleurs, nous avançons à grands pas sur le terrain des territoires d'excellence, initiative lancée en 2012 et qui consiste à établir des partenariats entre l'État, les régions et tous les organismes qui travaillent à la mixité, l'insertion des femmes dans le domaine professionnel et l'égalité au sien des entreprises. L'intérêt de ce dispositif est de « coller » aux réalités de terrain pour répondre au mieux aux besoins spécifiques identifiés sur les territoires. Dans quelques jours, le nombre de territoires d'excellence aura doublé, puisque je m'apprête à signer 1a dix-huitième convention, l'objectif étant de généraliser le dispositif à la France entière.
J'en viens maintenant à la lutte contre les violences, pour laquelle trois plans d'action sont actuellement engagés : un plan contre les violences domestiques, un plan contre la traite des êtres humains et un plan, présenté le 9 juillet dernier, qui vise à lutter contre le harcèlement sexiste dans les transports. Ces plans d'actions sont adossés à trois textes législatifs emblématiques : la loi du 5 août 2013 portant diverses dispositions d'adaptation dans le domaine de la justice en application du droit de l'Union européenne et des engagements internationaux de la France, qui retranscrit dans notre droit la Convention d'Istanbul et la loi pour l'égalité réelle du 4 août 2014 dont plusieurs dispositions renforcent la lutte contre le harcèlement, auxquelles il faut ajouter la future loi contre le système prostitutionnel, qui sera la semaine prochaine examinée en deuxième lecture dans votre assemblée.
Alors que le 4ème plan gouvernemental de lutte contre les violences a été lancé, je vous annonce que nous préparons pour le 25 novembre prochain un recensement précis du nombre des hébergements d'urgence susceptibles d'accueillir les femmes en danger. En collaboration avec le ministère du logement, de l'Égalité des territoires et de la ruralité, nous avons envoyé une circulaire aux préfets pour que la question spécifique des femmes en danger soit prise en compte dans les commissions d'attribution des hébergements d'urgence, mais également dans les commissions d'attribution des logements, pour permettre aux femmes de sortir des dispositifs d'urgence. En parallèle, nous travaillons pour que les nouvelles places d'hébergements soient attribuées dans des structures spécifiquement dédiées aux femmes.
Sur le terrain, nous mettons l'accent sur la formation des professionnels, notamment afin d'améliorer le dépôt des mains courantes et l'accueil des plaintes (des conventions visent à renforcer la collaboration entre les services de police, de gendarmerie et l'action de la justice) ; le renforcement de l'ordonnance de protection et la généralisation du téléphone grand danger. Actuellement, 400 téléphones sont à la disposition des procureurs, auprès desquels nous menons des campagnes d'information et enfin, nous comptons lancer une nouvelle campagne d'information à destination du grand public : c'est l'un de nos projets pour le 25 novembre.
J'en arrive maintenant au budget, dont je vous annonce qu'il sera cette année le plus haut de la mandature, passant de 21 à 27 millions d'euros. Cette augmentation budgétaire a été acceptée, notamment dans la perspective de l'adoption de la loi visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel, afin d'abonder le fonds pour les victimes de la traite et l'insertion des personnes prostituées, inscrit au sein des crédits du chapitre 137.
Je vous remercie. Je précise que, dans la logique de ce que vous venez de nous présenter, le Sénat va débattre d'une proposition de résolution, le 16 novembre prochain, en vue du sommet de Paris en décembre 2015 : nous venons d'adopter ensemble un passage de cette proposition de résolution, centré sur le thème « femmes et changement climatique », qui pourrait être soumis au Sénat. Par ailleurs, notre délégation vient de valider la constitution d'un groupe de travail sur l'évaluation des dispositifs existants en matière de lutte contre les violences au sein des couples. Le sujet des violences faites aux femmes est donc au coeur de notre programme de travail.
Tout d'abord, une attention particulière sera portée par le groupe auquel j'appartiens à l'adoption des crédits du programme 137 lors de la discussion budgétaire. Je souhaite par ailleurs revenir sur la question des campagnes de communication visant à sensibiliser l'opinion publique aux violences faites aux femmes.
D'autre part, tous les départements ne mettent pas en oeuvre les directives de la même manière ; d'autre part, toutes les actions ne sont pas toujours efficaces. Les violences sont partout, la simple lecture quotidienne des journaux suffit à nous le rappeler.
C'est pourquoi j'estime qu'il est essentiel que l'ensemble des partenaires institutionnels soient impliqués pour que, sur le terrain, les responsables disposent de véritables relais.
Pourriez-vous nous fournir des éléments plus précis sur l'évolution des chiffres concernant l'égalité professionnelle, en particulier s'agissant du temps partiel contraint ? J'aimerais pouvoir disposer du détail de ces évolutions. Concernant l'évolution de votre dotation budgétaire, il me semble que l'augmentation dont vous parlez résulte d'un regroupement des crédits inscrits au sein des programmes budgétaires 204 (Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins), 101 (Accès au droit) et 176 (Police nationale).
Or, comme nous l'ont rappelé hier Sophie Bejean et Bertrand Monthubert, respectivement présidente et rapporteur du comité pour la stratégie nationale pour l'enseignement supérieur (StraNES), en commission de la culture, de l'éducation et de la communication, la question des moyens alloués à votre politique ne pourra pas être résolue par redistribution si on veut éradiquer le fléau des violences.
Comme ma collègue Brigitte Gonthier-Maurin, j'ai été choquée par les chiffres présentés hier en commission de la culture, de l'éducation et de la communication par les représentants du comité de la StraNES. Les retours sur investissement des crédits engagés dans l'enseignement supérieur sont bien plus importants pour les hommes que pour les femmes et cela s'explique par tous les obstacles que nous connaissons : plafond de verre et inégalités professionnelles, entre autres.
Concernant l'application effective de la loi pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes du 4 août 2014, dont je me réjouis, pourriez-vous, même ultérieurement, nous fournir des chiffres plus précis ? Le Téléphone grand danger (TGD), par exemple, est un dispositif dont nous avons parlé au sein du Réseau parlementaire pour le droit des femmes de vivre sans violence, auquel j'appartiens. On sent actuellement une inquiétude des collectivités territoriales, sur lesquelles reposent la prise en charge et l'organisation des plates-formes d'appel, puisque le TGD, s'il veut être efficace, suppose que quelqu'un réponde efficacement aux appels sept jours sur sept et 24 heures sur 24.
Je salue tout d'abord l'endurance et la continuité de votre ministère en matière de lutte contre les inégalités, en particulier professionnelles. Je souhaite insister sur l'importance de la mise en oeuvre des garanties d'impayés des pensions alimentaires.
Hier, en commission des affaires sociales, le président de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) a confirmé ce que vous disiez tout à l'heure : la substitution des CAF aux mauvais payeurs a des effets très positifs, non seulement sur la situation des femmes qui en bénéficient, mais aussi sur la stabilisation des parcours des enfants qu'elles élèvent.
Concernant le plan de lutte contre le harcèlement des femmes dans l'espace public, j'y porte une attention particulière puisque Nantes fait partie des villes d'expérimentation. Actuellement, nous expérimentons un programme innovant qui permet aux femmes, la nuit, de demander aux transports en commun de les déposer au plus près de leur domicile.
En ce qui concerne la place des femmes dans l'espace urbain, permettez-moi de regretter que les femmes, et en particulier les plus fragiles, soient sous représentées au sein des comités d'architectes innovants.
Comme vous le savez, je suis particulièrement sensible à la question de la lutte contre les violences, plus particulièrement les violences au sein des couples.
Il me semble que la question des hébergements d'urgence est cruciale et que, par ailleurs, la généralisation du dispositif des TGD est une mesure qui va dans le bon sens.
Permettez-moi néanmoins de vous rappeler que la loi de 2006 prévoyait qu'un rapport soit remis tous les deux ans au Parlement pour faire le point, non seulement sur les structures d'hébergements des victimes, mais aussi sur les soins dispensés aux auteurs. À ma connaissance, un seul rapport a été remis depuis 2006 ; il me semble qu'il serait bon de renouer avec cette procédure. À cet égard, disposez-vous de chiffres sur les stages de responsabilisation proposés aux auteurs de violences ? Beaucoup d'hommes violents peuvent être soignés et il me semble essentiel de pouvoir le leur proposer.
Par ailleurs, vous savez qu'il existe une grande disparité d'utilisation par les parquets de l'ordonnance de protection. Le « délai raisonnable » n'est pas interprété de manière uniforme sur le territoire : attendre parfois six semaines pour bénéficier d'une mesure de protection quand on est en grand danger ne me semble pas en adéquation avec la loi.
Enfin, je voudrais insister sur l'importance des séances d'information dans les établissements scolaires : sensibiliser les jeunes, dès le plus jeune âge, à la question des violences est essentiel. Or, à ma connaissance, aucune instruction en ce sens n'a été envoyée aux chefs d'établissements depuis 2010.
Le recouvrement des pensions alimentaires concerne aussi les femmes françaises établies à l'étranger, il faut le rappeler. Même si leurs situations sont diverses et qu'on ne peut remédier à toutes les difficultés qu'elles rencontrent, il arrive cependant que des ex-conjoints soient domiciliés en France. J'aimerais savoir si vous travaillez sur ce sujet avec le ministère des affaires étrangères et quelle approche vous privilégiez.
Deux campagnes de communication vont être lancées, l'une début novembre pour alerter sur le harcèlement dont sont victimes les femmes dans les transports en commun, et l'autre le 25 novembre, dans le cadre de la Journée internationale contre les violences faites aux femmes.
Comme vous le soulignez, Monsieur le sénateur Laménie, ces campagnes de communication ne se bornent pas à imaginer un diptyque slogan/affichage, mais aussi à renouveler les outils d'information et de sensibilisation, tout en délivrant aux femmes victimes de violences des renseignements ciblés, afin de les guider efficacement dans leurs démarches d'obtention d'une protection.
La campagne portant sur le harcèlement dans les transports visera à mobiliser les citoyens sur la place et le respect des femmes dans l'espace public ; les acteurs (transporteurs et associations) seront aussi sensibilisés sur ce sujet peu connu ; des rappels à la loi seront effectués pour que chacun comprenne le respect dû à une femme seule, dans la rue ou dans les transports en commun.
Un guide synthétique portant sur l'égalité professionnelle en France a été réalisé par le ministère des affaires sociales, de la santé et des Droits des femmes et est disponible sur son site Internet ; il contient l'essentiel des données chiffrées disponibles sur ce sujet.
S'agissant des moyens de lutte contre les violences évoqués par plusieurs d'entre vous, je précise que 463 000 euros ont été inscrits cette année sur le programme 137 au titre de la part de l'État dans la mise en oeuvre du TGD aux fins de paiement de l'opérateur téléphonique et du personnel d'assistance ; s'y ajoutent les sommes qui seront versées par les conseils départementaux dans le cadre de conventions conclues avec les associations assurant un suivi des victimes. Une certaine inégalité territoriale subsiste néanmoins, tant dans le déploiement du TGD, car tous les départements n'ont pas encore signé de telles conventions, que dans celui de l'ordonnance de protection. Celle-ci nécessite un travail pédagogique auprès des professionnels concernés (justice, police et gendarmerie) pour les sensibiliser à l'intérêt de ces dispositifs et à leur efficacité. À cette fin, notre ministère a réalisé un fascicule démontrant tout l'intérêt du système TGD et son utilité pour protéger des femmes en danger de mort après une séparation avec leur ex-compagnon : les demandes de TGD ont augmenté après cette sensibilisation des professionnels de la justice.
Un bilan de la mise en oeuvre de l'ordonnance de protection sera effectué vers le 25 novembre 2015. Ce dispositif a été renforcé par des dispositions de la loi pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes du 4 août 2014. J'ai demandé à la Mission interministérielle pour la protection des femmes victimes de violences et la lutte contre la traite des êtres humains (MIPROF) de réaliser une formation des avocats et des magistrats pour les sensibiliser à cette procédure, l'utilisation de cette ordonnance étant inégale selon les départements. Nous devons réaliser un travail de formation, mais aussi d'évaluation de nos dispositifs, dont je souhaite pouvoir quantifier l'utilisation. En effet, j'ai constaté l'année dernière qu'il était très difficile d'affiner par département les données relatives à l'hébergement d'urgence, car les commissions départementales en charge de l'hébergement d'urgence ne comprennent pas toutes des déléguées aux droits des femmes, que ce soit au niveau départemental ou régional.
Aussi, Sylvia Pinel, ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité, et moi-même avons rédigé cette année une circulaire dont l'application permettra d'identifier précisément les places d'hébergement disponibles.
Bien que d'une manière inégale, les stages destinés à la prise en charge des auteurs de violences se développent sur notre territoire, dix tribunaux de grande instance (TGI) les mettant en oeuvre, notamment dans le département du Calvados. Les auteurs de violences, comme cela a été souligné, peuvent être aidés. L'enjeu est de prévenir la récidive.
Le décret d'application de la loi n° 2015-993 du 17 août 2015 portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne permettra de renforcer les dispositions de la loi n° 2014-873 du 4 août 2014 pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes.
Concernant les établissements scolaires, j'ai signé en juillet, conjointement avec Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'Éducation nationale, une saisine du Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes (HCE|fh) pour vérifier si la circulaire de 2003, concernant l'éducation à la sexualité, était bien appliquée dans tous les établissements scolaires ; cette éducation à la sexualité comporte différents aspects, parmi lesquels le respect entre les filles et les garçons et l'information des jeunes sur leurs droits. Elle vise aussi la sensibilisation à l'égalité. Un travail pédagogique est à mener sur le rapport à la violence et le développement dès le plus jeune âge de la relation à l'autre ; les conclusions du HCE|fh devraient être assorties de propositions et nous être communiquées début 2016.
En réponse à Claudine Lepage, je préciserai que l'extension en dehors du territoire français du dispositif de Garanties contre les impayés de pensions alimentaires (Gipa), expérimenté dans dix-neuf départements avant d'être étendu à partir du 1er janvier 2016 à l'ensemble des départements métropolitains et d'outre-mer, fait l'objet d'une étude conjointe avec le ministère des affaires étrangères.
J'ai décidé d'abonder à hauteur de 400 000 euros sur trois ans l'enquête nationale sur les violences subies et les rapports de genre (VIRAGE), qui n'avait pas été menée depuis plus de douze ans. Cette enquête, dont il faut souligner l'importance, permettra d'identifier les types de violences et leurs mécanismes. Les premiers résultats seront publiés courant 2016 ; compte tenu des spécificités des violences liées à l'insularité, un volet particulier, dédié aux territoires d'outre-mer, sera réalisé ultérieurement pour un coût de 25 000 euros.
Je vous en remercie. Vous avez abordé le sujet des violences au sein des couples : il y a un an, la délégation a effectué un déplacement, dans le cadre de la Journée internationale contre les violences faites aux femmes du 25 novembre, dans un centre qui accueille les hommes auteurs de violences. Ces hommes devraient pouvoir retrouver une vie normale, pour peu qu'ils soient soignés.
Pour traiter de la question de l'égalité filles et garçons à l'école, souvent mal comprise, il faudrait l'aborder sous l'angle du respect, essentiel, et former les enseignants : j'ai beaucoup de retours négatifs sur la manière dont cette question est actuellement traitée au sein des établissements scolaires.
Je vous remercie de vos très intéressants propos, qui n'abordent cependant que peu le cas des Françaises résidant à l'étranger. Pendant les vingt années où j'ai été membre du Conseil supérieur des français de l'étranger, puis de l'Assemblée des français de l'étranger pour le Liban, l'Irak, la Jordanie et la Syrie, tant d'abominations m'ont été rapportées : femmes et enfants violés, tués, blessés ou enlevés... et je ne parle pas de ce que j'ai pu constater pendant la guerre au Liban !
Beaucoup de femmes françaises, ou qui le sont devenues, vivent hors de nos frontières. Cependant, jamais aucun des conseils consulaires auxquels j'ai assisté n'a abordé le sujet des femmes victimes de violences et à ma connaissance, il n'y a pas encore de conseils spécifiques consacrés à nos concitoyennes de l'étranger qui subissent ces violences. Je souhaiterais donc vraiment que ce point puisse être étudié par votre ministère, mais il y a urgence !
L'égalité entre filles et garçons à l'école figure dès cette rentrée dans la formation initiale ou complémentaire des enseignants, comme l'a souhaité la ministre de l'Éducation nationale, afin que cette dimension soit prise en compte dans la pédagogie. Des outils sont mis à leur disposition pour leur permettre d'enseigner le respect et l'égalité entre les filles et les garçons.
Reste la question des manuels scolaires, dont certains ont encore récemment fait l'objet d'articles très critiques quant à leur contenu. Les éditeurs doivent respecter les programmes, mais ils ont une grande latitude quant à leur présentation. Les manuels sont utilisés pendant plusieurs années. Ceux qui sont utilisés actuellement ont été élaborés pour la période 2008-2015. Le prochain renouvellement en 2016 permettra de mieux prendre en compte l'égalité entre filles et garçons.
Je voudrais préciser que j'ai souhaité maintenir à moyens constants en 2015 les enveloppes attribuées aux déléguées régionales aux droits des femmes, ce qui représente 16 millions d'euros sur les 25 millions que je peux allouer. Il y a donc une stabilité des moyens budgétaires alloués à ce titre par l'État aux régions et aux départements.
Même si le Gouvernement agit déjà beaucoup par son réseau d'ambassades, il faut, comme vous le soulignez, Madame Kammermann, que l'on donne une lecture beaucoup plus précise de ce qu'il est possible de faire pour les femmes françaises vivant à l'étranger, afin qu'elles bénéficient également des dispositifs accessibles aux femmes qui vivent en France et puissent être protégées et soutenues par des représentants de la France.
C'est pour cela qu'il est très important que des réunions d'informations à destination des femmes françaises vivant à l'étranger soient tenues dans les consulats.
Il faut en effet embrasser tous les sujets qui intéressent les femmes françaises vivant à l'étranger.
À ce propos, les consulats et les ambassades portent une attention particulière à l'insertion professionnelle des femmes qui ont choisi de suivre leur mari à l'étranger. Je l'ai constaté au Japon ou au Brésil au cours des voyages que j'effectue pour promouvoir la France à l'étranger et qui me permettent aussi de découvrir des dispositifs originaux mis en place dans certains pays.
Je rappelle que M. Courteau a rédigé l'année dernière au nom de la délégation un rapport d'information contre les stéréotypes sexistes dans les manuels scolaires, étude qui s'est prolongée en début d'année 2015 par un rapport sur l'initiation à l'égalité par les jouets.
Venons-en maintenant là la deuxième lecture de la proposition de loi relative à la lutte contre le système prostitutionnel par le Sénat. La commission spéciale chargée d'élaborer un texte s'est réunie hier, mercredi 7 octobre 2015. Le texte adopté abroge le délit de racolage et supprime la pénalisation des clients de personnes prostituées. Ce n'était probablement pas l'objectif premier partagé par les membres de la commission spéciale : ce texte aboutit de fait à une libéralisation du système prostitutionnel. Cependant, en séance publique la semaine prochaine, la proposition de loi pourra être amendé.
La commission spéciale a adopté l'article premier ter présenté par Michelle Meunier sur les dispositifs de protection des personnes prostituées en offrant une protection spécifique à celles qui contribuent par leur témoignage au démantèlement de ces réseaux. La question qui s'est posée lors de l'examen par la commission spéciale de ces dispositifs de protection des personnes portait sur le moment de leur mise en oeuvre : est-ce au début de la procédure, dès lors qu'une femme contacte les services de police pour dénoncer des faits d'exploitation sexuelle dont elle est victime, étant dès ce moment directement menacée ainsi que sa famille, ou bien est-ce seulement après une décision de justice définitive, comme cela pouvait être le cas auparavant ? Il me semble avoir été rassurée sur ce point, mais vous pourrez apporter des éclaircissements à la délégation. Vous pourrez également nous éclairer sur l'éternel débat sur l'efficacité de la pénalisation du client, qui fait l'objet d'études et de contre-études plus ou moins fiables, dont les conclusions pouvant être totalement opposées. Pour éclairer le débat, une synthèse de ces différentes études pourraient être transmise aux membres de la délégation ainsi qu'à ceux de la commission spéciale.
En tant que rapporteure de la commission spéciale, je tiens à saluer la présence ici de plusieurs de nos collègues commissaires et membres de la délégation, qui ont exprimé des votes courageux sur certains amendements, par-delà leurs appartenances politiques.
La réunion de la commission spéciale m'a laissé l'impression que certains de ses membres restaient figés dans des postures d'un autre temps, intransigeantes, à contre-courant du monde extérieur qui évolue. Pour rester sur une note positive, la commission spéciale a néanmoins adopté l'article premier ter, essentiel, qui facilitera l'obtention des informations et des témoignages utiles pour le démantèlement des réseaux prostitutionnels, tout en protégeant la personne prostituée par un statut assurant sa protection physique, une nouvelle domiciliation, des mesures de réinsertion ou la possibilité de bénéficier d'une identité d'emprunt.
Il faut aussi se réjouir que plusieurs amendements portant sur l'article 6 n'aient pas été adoptés.
Demeure la disposition essentielle que constitue la pénalisation du client, qui n'a pas été adoptée par la commission spéciale mais que nous tenterons de réintégrer par amendement lors du débat en séance publique.
Le texte adopté par la commission spéciale doit nous inviter à être présents lors de l'examen du texte en seconde lecture le 14 octobre pour défendre cette proposition de loi qui est un élément déterminant l'égalité entre les hommes et les femmes.
Outre le fait que différentes études, comme le relevait Chantal Jouanno, apportent des conclusions différentes, il me semble qu'un certain nombre de données erronées peuvent laisser à penser à certains de nos collègues que la pénalisation de l'acte sexuel tarifé va fragiliser la situation de la personne prostituée : de ce fait ils n'entendent pas les arguments en faveur de la pénalisation.
L'argument selon lequel la prostitution a toujours existé continue d'être développé par les opposants à la pénalisation. Je me réjouis de l'adoption de l'article premier ter : il faut saluer le travail législatif effectué, en lien avec les différents ministères, depuis la première lecture de la proposition de loi.
Le résultat du vote du Sénat demeurant incertain, il faut préalablement à l'examen du texte en séance publique veiller à ce que certaines conceptions de la prostitution, qui peuvent influer sur le vote, soient combattues en appuyant notre argumentation sur des propos cohérents et rassurants.
Certains de nos collègues s'interrogent notamment sur le fait que disposer librement de son corps permette de vendre un acte sexuel.
La position du Gouvernement sur cette proposition de loi est constante. Nous soutenons depuis le début que les personnes prostituées doivent être considérées non plus comme des délinquantes mais comme des victimes, étant donnée la réalité actuelle de la prostitution, notamment dans notre pays. Nous soutenons aussi qu'un accompagnement social sur la base du volontariat doit permettre de lutter contre les filières mafieuses qui génèrent d'importants profits, la traite de ces victimes alimentant les ramifications du crime organisé.
Le texte adopté par la commission spéciale le 7 octobre, même si je n'ai pas à juger du travail du Sénat, crée un déséquilibre ; si le texte qui sera adopté en séance publique le 14 octobre prochain est identique à celui que propose la commission, cela constituera une invitation au développement du système prostitutionnel, comme on peut le constater dans certains pays limitrophes.
Même si le délit de racolage n'a pas permis d'atteindre l'objectif de démantèlement des réseaux prostitutionnels, de nouveaux outils sont à développer pour lutter contre la réalité de la prostitution qui sévit aujourd'hui dans notre pays.
Le Gouvernement écoute les débats et les préoccupations qui peuvent se faire jour pour aboutir à un texte équilibré. Des réunions pilotées par mon secrétariat d'État avec les présidents des deux commissions spéciales, les deux rapporteures, les ministères de la Justice et de l'Intérieur ont permis de définir des points d'équilibre au travers de différents articles, et notamment la rédaction de l'article premier ter dont vous parliez, qui permet de renforcer la protection des personnes prostituées s'engageant à témoigner pour permettre le démantèlement de filières mafieuses de prostitution dont on connaît la violence.
J'entends vos interrogations légitimes quant aux conclusions divergentes des diverses études qui ont été réalisées sur le système prostitutionnel, mais je suis convaincue de la pertinence des études commandées par le Gouvernement. Je demeure réservée sur certaines références citées dans l'hémicycle : l'impartialité de ces études me semble sujette à caution.
La question de la prostitution peut conduire à des débats passionnels, mais je ne doute pas que la raison régnera dans l'hémicycle le 14 octobre prochain, lors du vote du Sénat, quelles que soient les opinions des uns et des autres. Le débat sera, j'en suis certaine, débat serein et respectueux.
Le vrai sujet, au-delà de la diversité des points de vue qui peuvent prospérer sur la prostitution, demeure la situation de ces femmes, en danger de mort sur notre territoire, et dont les familles, ne l'oublions pas, sont aussi en danger dans leurs pays d'origine.
La France défend des valeurs depuis de longues années au niveau international ; elle est sur le point de les mettre en oeuvre sur son territoire pour résoudre cette question de la prostitution, dont les enjeux dépassent nos seules personnes et invitent à l'humilité. Ce débat répond aussi, je voudrais le rappeler, à une demande de la société civile.
Un grand débat sur les migrations se déroule actuellement en Europe car une partie des femmes enlevées par Daech, Boko Haram ou d'autres organisations, sont vouées à l'esclavage sexuel et arrivent sur notre territoire. On ne peut laisser faire et cela dépasse les frontières de notre pays, c'est un problème mondial. Le Président de la République l'a bien exprimé lors de son discours à l'ONU ; les instances européennes sont dans la même logique. Le Conseil de l'Europe, au sein duquel 47 pays sont représentés, a beaucoup débattu, lui aussi, sur les migrations et la lutte contre la traite des êtres humains. José Mendes Bota, membre du Conseil de l'Europe, a publié en 2014 un travail remarquable sur la traite des êtres humains et la prostitution. Je m'interroge sur le manque de cohérence dans leur vote au Sénat de certains collègues qui, également membres de la délégation parlementaire française auprès de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, ne peuvent donc ignorer ces travaux sur la traite.