Nous examinons ce matin le rapport d'Albéric de Montgolfier sur la proposition de loi réformant le système de répression des abus de marché, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, et sur les propositions de loi de même objet déposées l'année dernière par notre rapporteur général et par Claude Raynal. Nous établirons le texte de la commission à partir de celui transmis par l'Assemblée nationale.
Je souhaite la bienvenue à François Pillet, rapporteur pour avis de la commission des lois.
La proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale réforme le système de répression des abus de marché, c'est-à-dire des délits d'initié, de la diffusion de fausses informations et de la manipulation de cours ou d'indice. Elle rejoint largement les propositions de loi identiques que Claude Raynal et moi-même avions déposées le 7 octobre dernier. Nous avions fait précéder le dépôt de ces textes de nombreuses auditions pour consulter l'ensemble des acteurs : les représentants des petits porteurs, des avocats, mais aussi le procureur de la République financier, le président de l'Autorité des marchés financiers (AMF), la Chancellerie, Bercy, etc. Pour préparer ce rapport, j'ai à nouveau rencontré le président de l'AMF et le procureur de la République financier.
La réforme du système de répression des abus de marché présente un certain caractère d'urgence, car les dispositions permettant aujourd'hui de sanctionner ces agissements ont été censurées par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 18 mars 2015, à la suite d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) dans l'affaire EADS, et seront abrogées le 1er septembre prochain, s'agissant du moins des délits d'initiés. C'est pourquoi cette réforme a été dissociée du projet de loi « Sapin II » dans lequel il était prévu qu'elle trouve sa place.
Le Conseil constitutionnel reproche à notre système actuel d'autoriser le cumul des poursuites devant l'AMF et devant le juge pénal, dans des conditions contraires au principe de nécessité des peines. Avant cela, dans un arrêt Grande Stevens de 2014, la Cour européenne des droits de l'homme avait condamné l'Italie, qui a un système identique au nôtre, au nom du principe ne bis in idem. Les conséquences de cet arrêt pour la France nous ont beaucoup occupés, Claude Raynal et moi-même, dans le cadre de la mission d'information sur les pouvoirs de sanction des régulateurs financiers que nous avons menée l'an dernier. Cette question a également agité toute la place de Paris : professionnels, avocats, universitaires, juridictions, régulateurs...
L'important travail qui a ainsi été réalisé a ouvert de nombreuses pistes de réforme et en a écarté presque autant, en particulier la dépénalisation, pour des raisons d'exemplarité, la suppression de la répression administrative, pour des raisons d'efficacité, la création d'une juridiction spéciale etc. La solution qui a recueilli le plus large assentiment est celle d'un aiguillage des poursuites fondé sur une concertation entre l'AMF et le parquet national financier. C'est celle que retient la présente proposition de loi et que retenaient également nos propres propositions de loi. Restait à définir la nature et les modalités de cet aiguillage.
Le parquet national financier défendait l'idée d'un monopole du parquet dans l'appréciation des poursuites pénales. Il proposait ainsi que le procureur puisse à tout moment et, en tout état de cause, avant l'ouverture de poursuites par l'AMF, « évoquer » une affaire pour engager les poursuites au pénal et « réquisitionner » les services de l'AMF. Le groupe de travail de l'AMF proposait quant à lui que cette répartition se fasse sur la base de critères objectifs, en particulier le montant du gain réalisé : en deçà d'un certain montant l'affaire aurait été automatiquement orientée vers l'AMF.
D'une part, la solution du parquet national financier me semble attentatoire à l'indépendance de l'AMF et peu équilibrée ; de l'autre, la solution de l'AMF présente des difficultés car, dans certaines affaires, il n'y a pas de gain quantifiable et la gravité n'est pas nécessairement question de montant. Une appréciation au cas par cas nous semblait donc préférable. D'où les propositions de loi que nous avons déposées avec Claude Raynal, prévoyant que la décision d'orientation des poursuites découle en première intention d'une concertation entre l'AMF et le parquet national financier. Aucune des deux autorités ne pourrait ainsi engager de poursuites sans que l'autre n'y consente. C'est ce schéma qui est retenu dans la proposition de loi votée par l'Assemblée nationale.
En cas de désaccord persistant, où chacun revendiquerait la possibilité de poursuivre une affaire, nous avions préconisé la création d'une instance neutre, composée à parité de magistrats du Conseil d'État et de la Cour de cassation, sur le modèle du tribunal des conflits. Cette proposition avait le mérite d'évacuer le problème de la séparation des pouvoirs, et d'avancer sur les aspects du dispositif de répression des abus de marché. Nous pensions en effet que la question de l'arbitrage présentait des enjeux pratiques assez mineurs, même si elle suscitait d'importantes crispations institutionnelles. À l'inverse, la fin du cumul des sanctions pénales et administratives exigeait des adaptations importantes de notre droit.
Depuis, la réflexion juridique a avancé. Le Conseil d'État, interrogé par le Gouvernement, a indiqué qu'il n'y avait pas d'obstacle constitutionnel à prévoir le caractère prioritaire de la voie pénale sur la voie administrative et à subordonner l'engagement de poursuites devant la commission des sanctions de l'AMF à l'accord du parquet. La présente proposition de loi consacre cette solution en confiant le rôle d'arbitre au procureur général près la Cour d'appel de Paris qui pourrait ainsi autoriser le parquet national financier à passer outre l'opposition de l'AMF en engageant des poursuites, et réciproquement.
Compte tenu de ces éléments et du consentement de l'AMF comme du parquet national financier, je vous propose de nous rallier au principe d'un arbitrage par le procureur général, en adoptant cependant un amendement pour préciser la procédure de concertation et d'arbitrage afin d'en garantir la transparence, l'efficacité et la rapidité. Pour l'instant, la détermination des modalités de cette procédure est renvoyée à un décret, ce que je ne trouve pas très satisfaisant, d'autant que sont en cause à la fois des éléments de procédure pénale et les relations entre une autorité publique indépendante et l'autorité judiciaire.
Au-delà de la question juridique du cumul de poursuites, la réforme du système de répression des abus de marché doit également être l'occasion d'améliorer celui-ci. À cet égard, il faut constater une heureuse convergence : la transposition de la directive européenne et du règlement relatif aux abus de marché - le paquet MAD-MAR - doit intervenir avant le 3 juillet prochain. Je rappelle, pour m'en féliciter, que c'est à l'initiative de notre commission et particulièrement de notre collègue Richard Yung, qui rapportait la loi Ddadue de 2014, que le Parlement a refusé au Gouvernement l'autorisation de réaliser cette transposition par voie d'ordonnance. Nous avions alors estimé que nous ne pouvions nous dessaisir de la transposition de ces textes qui conduisent à la refonte des dispositions incriminant les abus de marché, sur le plan tant pénal qu'administratif et qui fixent aux États membres des plafonds minimum de sanction. En outre, il nous semblait nécessaire que cette transposition aille de pair avec la réforme du système de cumul des poursuites. La présente proposition de loi nous donne raison. La fin du cumul implique en effet que la voie pénale soit à la fois plus rapide et plus sévère, car actuellement les amendes sont faibles - 140 000 euros en moyenne contre plus d'un million pour l'AMF - et les peines de prison restent théoriques et parfois très tardives. Au pire, il s'agit de peines avec sursis.
Si elle ne correspond pas tout à fait à ce nous proposions, la nouvelle échelle des sanctions me semble globalement satisfaisante. Les peines sont revues largement à la hausse, ce qui est le corollaire indispensable de la fin du cumul des poursuites et de l'aiguillage : il ne serait pas acceptable que les cas les plus graves, comme des délits en bande organisée, soient orientés vers une voie moins répressive. En conséquence, la proposition de loi prévoit de remonter à cinq ans, contre deux actuellement, les peines d'emprisonnement pour tous les abus de marché. Elle aligne également les sanctions pécuniaires sur celles prévues pour la voie administrative, soit 100 millions d'euros. Je proposerai de revenir à ce que nos propositions de loi prévoyaient, en créant une circonstance aggravante si les faits sont commis en bande organisée, avec dix ans de prison à la clef.
Par ailleurs, la transposition du paquet MAD-MAR crée deux incriminations spécifiques nouvelles : celle d'incitation ou recommandation à l'utilisation d'informations privilégiées, et celle de divulgation illicite d'informations privilégiées, autrefois intégrée au délit d'initié. Les autres incriminations sont maintenues même si leur définition est adaptée aux textes européens. Ces mesures correspondent globalement à ce que nous préconisions dans nos propositions de loi. Cependant, si le texte de l'Assemblée nationale permet une plus grande sévérité de la justice, il est plus lacunaire s'agissant de la rapidité de la réponse pénale. L'AMF est de ce point de vue beaucoup plus réactive. La crédibilité de cet aiguillage repose sur la capacité de la justice à traiter rapidement les affaires qu'elle sera amenée à juger.
L'amélioration passe tout d'abord par une meilleure coopération entre l'AMF et le parquet au stade de l'enquête. Je vous présenterai un amendement pour faire en sorte que les deux autorités s'informent mutuellement de l'ouverture d'une enquête et coordonnent leurs investigations, comme le prévoyaient nos propositions de loi. Je vous proposerai également d'autoriser le parquet national financier à réaliser des écoutes téléphoniques en cas de bande organisée, sous le contrôle du juge des libertés et de la détention et sans attendre l'ouverture d'une information judiciaire. J'ai consulté hier notre collègue rapporteur pour avis de la commission des lois, qui n'y voit pas d'objection.
Cependant, tout ne dépend pas de la loi : il faut aussi changer les habitudes de la justice pénale et recourir plus souvent à la citation directe devant le tribunal correctionnel ou au plaider coupable. Le procureur de la République financier comme le président du Tribunal de grande instance de Paris y sont prêts, comme ils l'ont déclaré publiquement. Je ne peux que m'en féliciter. Par souci de symétrie, je vous proposerai d'élargir aux abus de marché la possibilité pour l'AMF de conclure des accords transactionnels.
L'objectif de la présente réforme doit être double : une AMF confortée comme régulateur avec les moyens et l'expertise nécessaires, mais également garante du bon fonctionnement des marchés financiers ; une juridiction pénale renforcée et crédibilisée par des procédures plus rapides et des sanctions plus sévères.
Notre rapporteur général a rendu compte avec précision de notre travail commun. Le sujet est technique. La préparation de cette proposition de loi a été passionnante, notamment pour comprendre le fonctionnement de l'AMF et du parquet national financier. Elle a suscité des débats riches dans l'ensemble de la profession. S'agissant de l'aiguillage, la solution que nous avons proposée, dérivée du Tribunal des conflits, avait vocation à ne pas être très largement utilisée. Elle a été modifiée par l'Assemblée nationale à la suite de l'avis rendu par le Conseil d'État. La nouvelle rédaction intègre une partie des propositions que nous avions faites. Au-delà des amendements que nous examinerons, il est fondamental que la commission mixte paritaire aboutisse. Sinon, nous ne serions pas dans les temps.
Un tel sujet ne suscite pas de désaccord politique majeur. Je suis certain que la commission mixte paritaire aboutira, d'autant que nous avons largement préparé le travail des députés.
L'exposé du rapporteur général a été particulièrement précis sur ces questions techniques dont beaucoup sont afférentes à des règles de procédure. La commission des lois a donné son avis sur l'article 1er, l'amendement que nous avons proposé avec le rapporteur général reçoit l'accord enthousiaste de Bercy et, moyennant quelques interprétations, de la Chancellerie, mais surtout de l'AMF et du parquet, qui appliqueront ce texte.
Nous sommes favorables à ce texte. Je remercie le rapporteur général de sa présentation. Le sujet est technique ; les réponses sont concrètes. La coordination améliorée entre l'AMF et le parquet est nécessaire, l'alourdissement des sanctions l'est également. La loi doit répondre aux préoccupations et aux attentes de nos concitoyens. La création d'un fond d'indemnisation pour protéger et dédommager les lanceurs d'alerte serait également bienvenue. Une question subsiste au sujet du trading à haute fréquence, qui est un acteur essentiel sur les marchés financiers, où il représente 40 % des transactions, en échappant à tout contrôle humain : selon l'AMF, il faut six mois de travail pour contrôler cinq à dix minutes de trading haute fréquence. Certains envisagent de le supprimer. Ce sujet n'est pas évoqué : pourquoi ?
Je me réjouis que l'on augmente le quantum des peines. Les États-Unis utilisent cette arme non seulement comme sanction contre les délits d'initiés ou les abus de marché, mais aussi à des fins stratégiques, pour faire régner la terreur sur les entreprises et les banques françaises, en leur infligeant des pénalités de cinq, sept ou neuf milliards de dollars. Pour des raisons historiques, nous nous sommes toujours montrés plus mesurés. L'AMF progresse en termes de sanctions. Si les juges se saisissent de cet outil, on gagnera en efficacité.
Je reste perplexe devant ce texte, même si je rends hommage au travail d'Albéric de Montgolfier. Les marchés financiers obéissent à une éthique et à une technique professionnelles placées sous le contrôle de l'AMF. Les comportements délictuels relèvent du parquet : c'est une évidence. Ceux qui sont contraires à l'éthique sont du ressort de l'AMF : c'est préférable. Ce qui m'inquiète, c'est votre décision de confier au parquet le soin de s'autoproclamer juge de la poursuite ou non. Je ne voudrais pas que des comportements professionnels marginaux ou innovants puissent être sanctionnés comme délits par le parquet, alors qu'ils relèvent d'une régulation professionnelle. Le système dérivé du Tribunal des conflits est plus pertinent.
Qu'est-ce que le parquet national financier ? Est-il propriétaire du droit de poursuivre ou bien met-il en oeuvre une politique gouvernementale, tant il est vrai que l'action publique - le fait de poursuivre des délinquants - est une décision gouvernementale ? Mieux vaudrait éviter que se crée une légitimité annexe non-républicaine : d'un côté les lanceurs d'alerte qui prennent à témoin l'opinion publique relayée par Internet, de l'autre un procureur de la République financier qui se sent obligé de voler au secours de la victoire, dans un système fermé sur lui-même. Je ne suis pas certain que le Gouvernement parviendra à contrôler ce système. Je lance une alerte sur le risque de dépossession de l'action publique : je m'abstiendrai donc sur ce texte.
Ce texte technique et complexe suffit-il cependant à garantir l'indépendance de l'AMF ? Je pense en particulier à la Commission des sanctions. Dans l'affaire EADS, l'échec des poursuites nous a tous surpris. Ne faudrait-il pas également renforcer la compétence du parquet national financier, en lui donnant le dernier mot, pour éviter les conflits entre les autorités administratives et judiciaires ?
Marc Laménie, sur dix ans d'activité, le montant cumulé des sanctions de l'AMF atteint 117 millions et 2,9 millions pour les sanctions pénales.
La question des lanceurs d'alerte, Eric Bocquet, ne figure pas dans ce texte, dont l'objet est de répondre à une urgence. Elle sera reprise dans la loi « Sapin II ». En ce qui concerne le trading à haute fréquence, Gérard Rameix m'a confirmé la semaine dernière que l'AMF avait considérablement renforcé ses moyens informatiques de sorte qu'elle est désormais en mesure de détecter les abus. Elle est ainsi devenue le premier régulateur au monde à avoir prononcé une sanction dans ce domaine.
Richard Yung, il était effectivement paradoxal que les infractions les plus graves fassent l'objet des sanctions les moins lourdes. D'où la nécessité de corriger les textes pour aligner le plafond des sanctions.
Gérard Longuet, le texte marque un recul pour le parquet qui, pour l'instant, est libre de se saisir de toute affaire que l'AMF peut traiter par ailleurs. Le Conseil constitutionnel nous oblige à faire un choix, afin d'éviter deux poursuites pour une même infraction. Le texte restreint les pouvoirs du parquet national. L'AMF et le parquet national financier considèrent que dans 99,9 % des cas, la concertation aboutira à une solution. L'arbitrage du procureur général de Paris n'interviendra qu'en cas de désaccord à l'issue de cette concertation. Dès lors que l'aiguillage sera pris en faveur de l'AMF, le parquet sera dessaisi. Je suis d'accord avec vous : les sanctions et la régulation du marché relèvent de l'AMF. En revanche, les affaires les plus graves devront faire l'objet de poursuites pénales. Enfin, même lorsqu'une affaire sera traitée sur le plan pénal, l'AMF restera associée tout au long de la procédure. La mesure que nous proposons est une avancée par rapport au droit existant. J'espère avoir convaincu Gérard Longuet de voter ce texte.
Yvon Collin, aucune disposition du texte ne modifie la composition de la Commission des sanctions. Une meilleure concertation entre le parquet national financier et l'AMF devrait garantir une meilleure négociation. Notre système est objectivement plus répressif que dans beaucoup d'autres pays.
Richard Yung, les sanctions infligées aux banques françaises aux États-Unis portent rarement sur des délits boursiers ; elles sont plutôt prononcées par les régulateurs pour d'autres types de manquement, celui de l'État de New York en ce qui concerne BNP-Paribas, celui des assurances de Californie dans le cas de François Pinault avec Equitable Life. Très peu d'affaires boursières mettent en cause les entreprises françaises. En revanche, il est vrai que les banques françaises souffrent de la multiplicité des régulateurs dont elles dépendent aux États-Unis. La répression vise surtout leur activité lorsqu'elles font commerce avec l'Iran, par exemple.
Quant au parquet national financier, c'est à lui d'établir sa propre jurisprudence. Son pouvoir d'évocation l'autorise à se saisir des affaires les plus graves, même en matière fiscale. Le Conseil constitutionnel doit trancher dans l'affaire des questions prioritaires de constitutionnalité « Cahuzac » et « Wildenstein » : s'il décide d'appliquer le principe du ne bis in idem, il faudra trouver une solution fiscale. Le parquet national financier dispose de moyens limités. Il est essentiel qu'il ne se saisisse que des affaires les plus importantes pour éviter tout risque d'encombrement. La crédibilité de la voie judiciaire repose sur la capacité de traiter les délits dans des délais raisonnables.
EXAMEN DES AMENDEMENTS
Article 1er A
Les amendements rédactionnels nos COM-1, COM-2 et COM-3 sont successivement adoptés.
L'amendement n° COM-14 précise la nouvelle définition de l'incrimination de fausse information.
L'amendement n° COM-14 est adopté.
L'amendement n° COM-4 fixe le taux maximum de l'amende prévue pour les personnes morales au quintuple du taux prévu pour les personnes physiques et il s'applique uniquement à l'amende exprimée en valeur absolue.
L'amendement n° COM-4 est adopté.
L'amendement n° COM-5 prévoit que les personnes qui commettent différents abus de marché seront punies de dix ans d'emprisonnement en cas de délits en bande organisée.
On passe rapidement sur des sujets qui ne sont pas sans importance. En ce qui concerne l'amendement n° COM-14, complété par l'amendement n° COM-5, nous avons très récemment été impressionnés par les variations qu'ont subis les titres automobiles de Renault et de Peugeot sur les marchés après une visite chez Renault des services de la concurrence et des fraudes laissant soupçonner des actes de négligence ou de malveillance au regard de normes sur la pollution au diesel. Par extension, PSA a fait l'objet de la même rumeur. Ces deux informations venaient de l'administration centrale. S'agissait-il de fausses informations ou non ? À qui revient la responsabilité de ces informations ? Dans notre société de l'immédiat et de la rumeur, l'origine des informations est parfois indécelable, ce qui pose problème, car l'indication fausse ou trompeuse est un délit qui doit être poursuivi.
La réponse de notre rapporteur général sur l'aiguillage m'a favorablement impressionné : effectivement, une fois que la procédure administrative sera retenue, le parquet ne pourra plus poursuivre. Cependant, compte tenu de la pression de l'opinion, il choisira peut-être d'adopter une attitude préventive en se saisissant de la plupart des affaires. Il faudrait établir une doctrine forte si nous voulons éviter que les marchés ne soient perturbés par la multiplication de fausses informations ou de rumeurs dont les responsables resteront insaisissables, qu'il s'agisse de journalistes se retranchant derrière la protection des sources, ou de personnes reprenant des déclarations des pouvoirs publics qui ont, par ailleurs, la responsabilité de poursuivre. Le système reste à mon sens un peu curieux.
Le délit de fausse information existe déjà dans notre droit actuel. Il est en outre prévu par la transposition de la directive européenne et du règlement européen du 16 avril 2014. La proposition de loi en précise la définition et l'amendement n° COM-14 le rapproche du droit existant. Dans le cas des constructeurs automobiles que vous citiez, la presse n'a fait que relayer une information réelle en faisant mention des perquisitions qui ont eu lieu ; en constatant un soupçon de négligence par rapport aux normes de pollution au diesel, elle ne livre pas non plus de fausse information ; ce serait en revanche le cas si un article de presse accusait sans fondement tel ou tel constructeur de truquer ses moteurs. Le droit existant prévoit des sanctions pour ce genre d'infraction. Le parquet national financier collabore avec l'AMF qui fait jouer son expertise, de sorte que dans 99,9 % des cas, il n'y aura pas de situation de conflit. D'autant que Gérard Rameix nous a confirmé disposer de moyens techniques et informatiques lourds pour surveiller les marchés. C'est un avantage sur la police et sur le parquet national financier, qui ne disposent pas de tels moyens. L'aiguillage que nous proposons est clair. Je n'ai pas beaucoup d'inquiétude sur ce sujet.
Je vous remercie de votre réponse.
L'amendement n° COM-5 est adopté.
L'amendement de cohérence n° COM-6 est adopté.
L'amendement n° COM-15 prévoit que le parquet national financier peut réaliser des interceptions téléphoniques sans saisir le juge d'instruction et sans ouvrir d'information judiciaire lorsqu'un abus de marché est commis en bande organisée.
Je n'ai pas d'objection a priori. Cependant, que sont les moyens d'enquête renforcée dont il est question ? L'article 706-1-1 du code de procédure pénale prévoit déjà la possibilité d'écoutes téléphoniques et d'infiltrations. En quoi consisteraient ces infiltrations lorsqu'il s'agit d'évaluer les abus de marché ?
Il s'agirait notamment d'effectuer des actes d'enquête sous une fausse identité. L'AMF a également le droit de recourir à des identités d'emprunt pour ses enquêtes.
Par ailleurs, l'AMF se mobilise pour enquêter sur les escroqueries au Forex, qui causent des préjudices très importants. Gérard Rameix nous a ainsi dit que parmi les sociétés qui proposent du trading sur les devises, 90 % se livrent à des escroqueries. Et pour ce qui est des 10 % qui restent et qui exercent leur activité de façon sérieuse, leurs opérations sont perdantes à 90 %. Dans ce domaine, les espérances de gains sont infiniment plus faibles que les risques de pertes.
Il s'agit donc de personnes physiques qui prennent une fausse identité.
Cela peut aussi concerner des personnes morales.
L'amendement n° COM-15 est adopté.
L'article 1er A est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 1er
Les amendements identiques nos COM-7, que je vous propose, et COM-16, de François Pillet au nom de la commission des lois, devraient rassurer Gérard Longuet. Ils précisent que la phase de concertation entre le parquet national financier et l'AMF s'inscrirait au total dans un délai maximal de deux mois et quinze jours.
Me voilà rassuré.
Les amendements identiques nos COM-7 et COM-16 sont adoptés.
L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article additionnel après l'article 1er
L'amendement n° COM-17 de François Pillet au nom de la commission des lois soumet à l'autorisation du juge des libertés et de la détention les demandes par lesquelles l'AMF obtient des opérateurs de téléphonie les factures détaillées, autrement appelées les fadettes, des personnes sur lesquelles elle enquête. Avis favorable : on se conforme ainsi à la décision du Conseil constitutionnel.
L'amendement n° COM-17 est adopté et devient l'article 1er bis A.
Article 1er bis
L'amendement rédactionnel n° COM-8 est adopté.
L'article 1er bis est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 2
Les amendements de coordination identiques nos COM-9 et COM-18 sont adoptés.
L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Articles additionnels après l'article 2
L'amendement n° COM-10 étend aux abus de marché la procédure de composition administrative, car elle a fait ses preuves en termes de rapidité, d'efficacité et de sévérité.
L'amendement n° COM-10 est adopté et devient l'article 2 bis.
L'amendement n° COM-11 devrait également rassurer Gérard Longuet, car il renforce la coopération entre l'AMF et le parquet national financier au stade de l'enquête, en prévoyant une information réciproque systématique sur les enquêtes ouvertes et la possibilité pour l'une ou l'autre des autorités d'enquête de solliciter de l'autre autorité des actes d'enquête ou d'expertise. Cet amendement permet d'éviter des superpositions d'enquête non coordonnées.
La pertinence de cet amendement n'est pas tout à fait assurée. Il entretient un déséquilibre entre le niveau d'information du parquet national financier et celui de l'AMF où seul le Secrétaire général a connaissance des ouvertures d'enquêtes, le Collège n'en étant informé qu'au stade de la notification des griefs.
Il y a une différence de nature entre les deux, car si le collège de l'AMF peut engager des poursuites et prononcer des sanctions, il n'est pas, à la différence du parquet national financier, à la fois autorité d'enquête et autorité de poursuite.
L'amendement n° COM-11 est adopté et devient l'article 2 ter.
L'article 3 est adopté sans modification.
Article 4
Mon amendement n° COM-12 prévoit la possibilité d'une présence de l'AMF à l'audience de la juridiction saisie dans les cas où elle ne se porte pas partie civile, afin d'apporter son expertise sur des points techniques, formuler des observations orales ou déposer des conclusions.
Il est écrit dans l'amendement que : « le président de l'Autorité des marchés financiers ou son représentant est présent » ; ce n'est pas une possibilité, qui existe d'ailleurs déjà dans les textes puisque l'AMF peut, en tant que partie civile, demander à participer aux débats. Imposer la présence du président de l'AMF à l'audience ne me semble pas opportun puisque l'on souhaite détacher la procédure judiciaire de la procédure administrative. En outre, l'AMF serait obligée de mener une enquête spécifique sur chaque dossier. Je ne soutiendrai pas cet amendement superfétatoire.
On reviendrait alors au texte initial. Cette présence est de droit, puisque le président de l'AMF a la possibilité de se porter partie civile.
Cet amendement prévoit le cas, évoqué avec Gérard Rameix, où l'éclairage de l'AMF à l'audience se révèle nécessaire même si cette dernière ne se porte pas partie civile. Je propose la rédaction suivante : « le président de l'Autorité des marchés financiers ou son représentant peut être présent à l'audience de la juridiction saisie ».
L'amendement n° COM-12 rectifié est adopté.
La modification ne me semblait pas nécessaire. L'amendement garantit la présence à l'audience du président de l'AMF ou de son représentant ; ainsi, le point de vue professionnel est représenté. Ensuite, ce dernier est libre de prendre la parole ou de se taire ; cette rédaction donne la possibilité au président du tribunal de l'interroger.
Je vous invite à déposer en séance l'amendement de la commission dans sa forme initiale.
L'article 4 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 4 bis
L'amendement rédactionnel n° COM-13 est adopté.
L'article 4 bis est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 5
L'amendement de précision rédactionnelle n° COM-19 est adopté.
L'article 5 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
La séance est levée à 10 h 35.
Le compte rendu de cette réunion sera publié ultérieurement.