La commission examine le rapport de Mme Marie-Françoise Perol-Dumont et les textes proposés par la commission sur les projets de loi n° 130 (2014-2015) autorisant l'approbation de la convention d'extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Costa Rica, n° 131 (2014-2015) autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Costa Rica et n° 221 (2014-2015) autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l'Union des Comores.
Nous groupons dans un seul rapport l'examen de trois projets de loi de coopération judiciaire en matière pénale avec le Costa Rica et les Comores, afin de réduire les délais de ratification des conventions d'ordre technique.
Pays de 4,8 millions d'habitants, le Costa Rica est un pôle de stabilité en Amérique centrale et la deuxième économie de la zone avec un PIB par habitant de 10 550 dollars - l'un des plus élevés d'Amérique latine. Le Costa Rica a entamé son processus d'adhésion à l'OCDE. La relation bilatérale est dense même si la communauté française au Costa Rica ne compte que 2 565 inscrits, dont 42 % de binationaux.
L'Union des Comores, en revanche, est un pays pauvre avec un PIB par habitant de 860 dollars. Ce pays a connu une histoire agitée, mais depuis 2002, un système de présidence tournante - chaque île gouverne à son tour - assure des alternances régulières et une certaine stabilité. Toutefois, la situation économique et sociale est mauvaise. La société est travaillée par des courants radicaux et des influences étrangères, prônant un islam plus radical sous couvert d'aides et de formations. Principal bailleur bilatéral, la France apporte une aide de 135 millions d'euros sur la période 2014 dans le cadre d'une programmation conjointe avec l'Union européenne. La question de Mayotte, qui a voté contre l'indépendance en 1975 avant de devenir un département français, est un sujet passionnel. La communauté française aux Comores compte 5 500 inscrits sur les listes consulaires, dont la grande majorité possède également la nationalité comorienne. La diaspora comorienne en France est estimée à 370 000 personnes pour 790 000 habitants aux Comores mêmes ! Les transferts de cette diaspora compteraient pour 25 % du PIB.
Les trois conventions examinées mettent en place des coopérations d'entraide judiciaire en matière pénale avec ces deux pays et, pour le Costa Rica, une procédure d'extradition. Actuellement, la coopération s'effectue soit au titre du principe dit de « courtoisie internationale », soit sur le fondement des conventions de l'ONU. Quelques statistiques : en matière d'extradition avec le Costa Rica, la coopération se fait uniquement au profit de la France. Depuis 2003, la France a émis six demandes d'extradition à destination du Costa Rica, dont la dernière en 2008. Un tiers des demandes a trait au trafic de stupéfiants, principalement de cocaïne. 26 demandes d'entraide judiciaire ont été adressées par la France au Costa Rica entre 2000 et 2016, tandis que sur la même période, sept demandes ont été adressées par le Costa Rica à la France. Depuis le 1er janvier 2008, la France a transmis 23 demandes d'entraide judiciaire aux autorités comoriennes portant principalement sur des infractions de nature sexuelle, des infractions à la législation sur les étrangers, des faits de rébellion, d'homicide involontaire ou de blanchiment. 7 des 23 demandes d'entraide transmises depuis 2008 n'ont pas été exécutées et sont toujours en cours. Depuis le 1er janvier 2008, les autorités comoriennes ont, de leur côté, transmis cinq demandes d'entraide judiciaire à la France.
Ces trois conventions, qui comportent les dispositions habituelles en pareil cas, sont conformes aux standards français, ainsi qu'aux obligations internationales et européennes de la France.
De facture classique, la convention d'extradition avec le Costa Rica prévoit que les deux parties s'engagent à se livrer réciproquement les personnes qui, se trouvant sur le territoire de l'une d'elles, sont recherchées par les autorités judiciaires de l'autre partie, soit aux fins de permettre l'exercice des poursuites pénales, soit aux fins d'assurer l'exécution d'une peine privative de liberté. Elle consacre le principe classique de la double incrimination dans chacun des pays, et retient deux seuils : peine d'au moins deux années d'emprisonnement ou reliquat de la peine à purger au moins égal à six mois. Les motifs de refus d'extrader sont très classiques : demandes motivées par des considérations politiques, principe du non bis in idem, prescription. À la demande du Costa Rica, l'extradition est refusée lorsque les faits qui la motivent sont sanctionnés par la peine capitale ou la peine de perpétuité, sauf à ce que la partie requérante garantisse que ces peines seront réexaminées, afin de ne pas les appliquer ou de ne pas les exécuter, pour tenir compte des exigences constitutionnelles du Costa Rica prohibant les peines perpétuelles. Il n'y a pas de convention d'extradition avec les Comores.
Les deux autres conventions, conclues respectivement avec le Costa Rica et l'Union des Comores, organisent l'entraide judiciaire en matière pénale selon des modalités très similaires. Les quelques différences tiennent à la mention, dans la convention avec les Comores, de techniques spéciales d'enquête - livraisons surveillées, opérations d'infiltration, interceptions téléphoniques - qui répondent clairement à des besoins opérationnels, compte tenu de la proximité ou même, dirais-je, de la porosité avec Mayotte, et qui devraient améliorer l'efficacité de la lutte contre les filières d'immigration clandestine et la criminalité en général. La coopération judiciaire avec ce pays a été peu efficiente jusqu'à présent - c'est un euphémisme.
À cette différence près, les deux conventions retiennent, classiquement, le principe de l'entraide la plus large possible, et organisent les modalités de sa mise en place. La convention avec les Comores garantit à la France la possibilité de refuser l'entraide judiciaire dans un dossier qui pourrait aboutir à une condamnation à mort aux Comores, où cette peine existe toujours. Les deux conventions prévoient de très larges possibilités d'obtention d'informations en matière bancaire et organisent également l'audition de témoins ou d'experts par vidéoconférence, le cas échéant, et pour les Comores, par mise à disposition de moyens par la France.
En conclusion, je recommande l'adoption de ces trois projets de loi qui devraient fluidifier la coopération judiciaire entre la France et chacun de ces deux pays, en encadrant l'émission des demandes, leur mode de transmission et leur exécution. Ces textes appellent dans l'ensemble peu de remarques, dans la mesure où les obligations internationales qu'ils contiennent résultent d'engagements européens et internationaux déjà intégrés dans notre ordre juridique et où aucune modification des dispositions législatives ou règlementaires en vigueur n'est à prévoir.
L'examen en séance publique est prévu le jeudi 10 novembre 2016, selon la procédure simplifiée, ce à quoi je souscris.
Merci de votre travail sur un sujet particulièrement difficile.
Suivant l'avis du rapporteur, la commission adopte le rapport (Mme Leila Aïchi vote contre) ainsi que les projets de loi précités.
La commission examine le rapport de M. Joël Guerriau et les textes proposés par la commission sur les projets de loi n° 241 (2014-2015) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Congo relatif aux services aériens, n° 242 (2014-2015) autorisant l'approbation de l'accord relatif aux services de transport aérien entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République démocratique du Congo et n° 260 (2014-2015) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Panama relatif aux services aériens.
Nous groupons dans un seul rapport l'examen de trois projets de loi autorisant l'approbation de trois accords conclus respectivement avec le Congo, la République démocratique du Congo (RDC) et le Panama en 2013 et relatifs aux services de transports aériens.
Ces accords comportent des dispositions similaires et classiques, issues du droit international de l'aviation civile et du droit européen. Ils ont été négociés, côté français, par la Direction générale de l'aviation civile (DGAC), en suivant un modèle-type élaboré par les autorités françaises à partir du modèle d'accords bilatéraux sur les services aériens proposé par l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI).
Les trois accords consacrent tout d'abord la possibilité d'exploiter, respectivement avec chacun des pays concernés, les quatre premières « libertés de l'air » telles que définies par l'OACI : liberté de survol - chaque pays est seul juge des aéronefs qu'il autorisera à survoler son territoire -, liberté d'escale non commerciale, possibilité de débarquer du trafic (passagers, fret, courrier) en provenance de l'État dont l'aéronef a la nationalité, sur le territoire de l'autre Partie et possibilité d'embarquer du trafic sur le territoire de l'autre Partie, à destination de l'État dont l'aéronef a la nationalité.
Les accords excluent, en revanche, l'exercice des huitième et neuvième libertés, c'est-à-dire le transport de trafic par une compagnie à l'intérieur d'un État étranger, appelé cabotage.
En application des arrêts de la Cour de justice des communautés européennes de 2002 dits « Ciel ouvert », confirmés par un règlement de 2004, consacrant l'application des principes de libre concurrence et de libre établissement, chaque accord, par une clause dite de désignation, donne aux parties la possibilité de désigner plusieurs transporteurs aériens autorisés à exploiter les routes spécifiées.
La France peut ainsi désigner des compagnies aériennes françaises ainsi que toute compagnie établie en France, sous contrôle effectif d'un État membre de l'Union européenne, et détenue directement ou par participation majoritaire au sein de l'Union européenne.
Deux clauses-types imposées par le droit européen incluent également la liberté pour les compagnies désignées de recourir à un prestataire de leur choix pour les services d'assistance en escale. D'autres clauses, tout aussi classiques, prévoient le principe d'égalité de traitement entre compagnies, la liberté pour une compagnie d'établir des agences commerciales sur le territoire de l'autre Partie et de procéder à des transferts internationaux de recettes, la liberté de fixation par les transporteurs de leurs tarifs et la liberté de conclure des accords commerciaux tels que des accords de partage de code, permettant au transporteur auprès duquel un passager a acheté un billet d'associer son code de désignation à un vol effectué par un autre transporteur.
Les accords prévoient également des exemptions de droits sur différents biens et services, toutes déjà prévues par le code général des impôts. Enfin, ils incluent les dispositions les plus récentes du droit international et du droit européen relatives à la sécurité et à la sûreté des vols.
En vertu de la procédure de notification applicable, la Commission européenne s'est prononcée sur les trois accords examinés, les jugeant tous conformes au droit européen.
Aucun changement d'ampleur n'est à attendre de ces accords à court terme ; leur principal effet est de renforcer la sécurité juridique des transporteurs et de pérenniser ainsi les services aériens existants entre la France et les trois pays concernés. En pratique, ils visent à conforter la situation d'Air France sur ces liaisons et à renforcer durablement nos liens avec les trois pays.
L'accord avec le Congo donne à Air France les garanties nécessaires pour maintenir sa desserte de Brazzaville (quatre fréquences hebdomadaires) et pour augmenter ses services vers Pointe-Noire, passés à un vol quotidien, afin de répondre à une demande soutenue de la clientèle d'affaires.
Relativement modeste - 170 000 passagers par an - le marché France-Congo est détenu à plus de 80 % par Air France. Toutefois, malgré son interdiction dans l'Union européenne en vertu du règlement de 2014 créant une liste noire de compagnies aériennes, la compagnie congolaise ECair assure également une liaison vers Paris. Le droit européen autorise en effet une compagnie interdite à exercer ses droits de trafic en affrétant un appareil avec équipage appartenant à un transporteur autorisé. Pour desservir Paris, c'est la compagnie suisse Privatair qui met les moyens nécessaires à disposition d'ECair.
L'accord comporte également une disposition qui aurait permis la désignation de la compagnie régionale d'Afrique centrale Air Cemac, projet toutefois abandonné en 2015 par les États de la Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale.
Air France détient le monopole du marché aérien de la RDC, qui représente 60 000 passagers, avec cinq fréquences hebdomadaires vers Kinshasa. L'enveloppe fixée de services aériens est évolutive, ce qui donne à Air France la possibilité d'envisager une progression de sa desserte.
En revanche, la RDC n'a concédé le service vers Lubumbashi que sous forme de partage de codes. Dans ce cadre, Air France pose son code sur un vol opéré depuis Nairobi par Kenya Airways.
À ce stade, la RDC n'a désigné aucune compagnie pour exploiter des services aériens vers la France ; toutes ses compagnies figurent au demeurant sur la liste noire.
Enfin, contrairement aux deux premiers qui modernisent le cadre existant, l'accord avec le Panama met en place un cadre juridique nouveau. Négocié à la demande du Panama, qui aspire à devenir un hub en Amérique centrale, il répond également au souhait de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française de disposer de routes alternatives pour leur desserte. Il leur appartiendra, en vertu des lois organiques qui les régissent, de fixer conjointement avec le Panama les modalités de cette desserte, pour le moment non concrétisée.
L'enveloppe de sept fréquences hebdomadaires par pavillon, permise par l'accord, autorise Air France à développer sa liaison aérienne directe entre Paris et Panama City, inaugurée le 25 novembre 2013. Les autorités panaméennes n'ont pas désigné de compagnie au titre de l'accord, leur compagnie nationale COPA ayant un rayon d'action régional.
La dégradation des relations entre la France et le Panama provoquée par l'affaire des Panama papers appelle une vigilance particulière des autorités françaises quant à l'application de l'accord. La loi de rétorsion adoptée par le Parlement panaméen ne concerne pas les transports aériens, mais les entreprises françaises dont Air France fait partie pourraient subir des sanctions fiscales. L'accord avec le Panama est le seul des trois à avoir été ratifié par l'autre Partie ; il pourrait donc entrer très rapidement en vigueur.
Ces trois accords sont de nature à pérenniser nos liaisons aériennes et par là nos échanges économiques avec les trois pays concernés, qui représentent de forts potentiels de croissance. Ils ont recueilli l'approbation d'Air France, principal transporteur aérien concerné à court terme, et n'appellent pas de modifications de la législation.
Je vous propose par conséquent d'adopter ces trois projets de loi, et de permettre leur examen en séance publique le 10 novembre prochain selon la procédure simplifiée.
Pouvez-vous préciser l'organisation retenue pour la desserte de Lubumbashi ? Cette ville, autrefois appelée Élisabethville, est la capitale de l'ex-Katanga, épicentre de la richesse minière du pays avec ses gisements de cuivre et de cobalt.
Air France n'étant pas en mesure d'assurer elle-même la desserte, la compagnie l'a confiée à Kenya Airways.
Suivant l'avis du rapporteur, la commission adopte le rapport ainsi que les projets de loi précités.
La commission examine le rapport pour avis de M. Christian Cambon et Mme Leila Aïchi sur le programme 105 - Action de la France en Europe et dans le monde - de la mission « Action extérieure de l'Etat » du projet de loi de finances pour 2017.
Les crédits de paiement du programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde » s'élèvent à 1,93 milliards d'euros en 2017, soit une diminution de 1,7 % par rapport à 2016.
Si les crédits du titre 2 portant sur la masse salariale augmentent de 6,3 % - pour des raisons que Leïla Aïchi vous détaillera - les autres crédits du ministère diminuent de 5,3 % pour des motifs qui apparaissent justifiés. L'un d'entre eux est de nature conjoncturelle : les dépenses de protocole sont en baisse de 12 millions d'euros parce qu'aucun sommet international n'est prévu en 2017, alors que le sommet de la Francophonie à Antananarivo avait mobilisé des crédits de 2016.
L'autre raison, structurelle, est la réduction de 98,6 millions d'euros des crédits dédiés aux contributions obligatoires de la France ; elle résulte de l'ajustement à la baisse du barème des contributions internationales de notre pays et de la diminution du budget de l'ONU, attendus depuis quelques années. Cela explique en grande partie la baisse de 11,2 % des contributions obligatoires qui s'établissent à 795,24 millions d'euros. La fin ou la réduction de format de certaines opérations de maintien de la paix au Libéria, au Darfour, en Haïti, au Kosovo ou encore en Côte d'Ivoire amplifient ce mouvement de baisse.
Autre motif de satisfaction : conformément aux recommandations formulées l'année dernière, le différentiel entre la somme appelée et les dépenses réelles pour les opérations de maintien de la paix closes a été recouvré par la France, soit 13 millions d'euros venus en atténuation de dépenses liées aux opérations de maintien de la paix (OMP).
Pour 2016, les reliquats s'élevaient à 3,4 millions d'euros dont il conviendra de vérifier, comme l'année dernière, le reversement au programme 105. On voit tout l'enjeu d'une gestion rénovée des contributions internationales et des opérations de maintien de la paix !
Après ce satisfecit, le modèle de gestion immobilière du ministère appelle une critique significative. La vente des biens immobiliers détenus par le ministère à l'étranger me semble devoir être soutenue aux conditions suivantes : il vaut mieux acheter que louer, la location revenant à jeter l'argent par les fenêtres sur le long terme ; et il convient de vendre pour améliorer le rayonnement de la France. Je comprends la nostalgie qui pousse à regretter la vente d'un vieux palais au coeur d'une vieille capitale européenne ; mais lorsque le bâtiment concerné est peu pratique, qu'il n'est plus aux normes, et qu'il engendre des coûts d'entretien disproportionnés que nous n'avons plus les moyens d'honorer, le conserver n'est pas une solution de bonne gestion. Au contraire, lorsque la vente rend possible le regroupement sur un même plateau de tous les services - services consulaires, poste économique, etc. - tout en conservant une résidence bien placée et bien calibrée, le rayonnement de la France y gagne. Le nouveau consulat général de Sydney, qu'une délégation de notre commission a récemment visité, montre la voie à suivre.
Enfin, et c'est une conviction forte, la vente se justifie lorsqu'elle favorise la mutualisation et la co-localisation avec des pays amis ou des services de l'Union européenne comme à Abuja, au Nigeria. Comme les responsables du ministère nous l'ont confirmé, ces expériences donnent des résultats positifs en contribuant au partage des coûts de sécurité, à la visibilité accrue de notre action, et au maintien de l'universalité de notre réseau. Autant de bonnes raisons pour les soutenir ! La construction en 2016 d'ambassades franco-allemandes à Dacca, au Bangladesh, et à Koweit City sont de bons exemples d'une co-localisation réussie.
La gestion de notre patrimoine à l'étranger fait malheureusement dépendre l'entretien normal des bâtiments des recettes exceptionnelles de cessions d'immeubles. Ce modèle n'est pas vertueux : financer des dépenses de fonctionnement par des recettes patrimoniales, c'est appauvrir l'État. De plus, ce système est en voie d'essoufflement en raison de la diminution des produits de cession. On est loin des 171 millions d'euros obtenus en 2015 pour la vente du seul campus diplomatique à Kuala Lumpur, amenant le produit de cessions, cette année-là, à 252 millions d'euros. En 2016, les ventes les plus importantes portaient sur le palais Clam-Gallas à Vienne, pour 22 millions d'euros, et de la résidence consulaire à Munich pour 12 millions d'euros. Certes, notre bâtiment viennois abritera désormais l'ambassade du Qatar, ce qui n'est pas idéal au point de vue de la lisibilité, mais il n'était plus adapté aux besoins. Il faut réaliser plus d'une vingtaine d'opérations pour espérer obtenir, si toutes les ventes aboutissent, un montant total de cessions de 66 millions d'euros en 2016 et de 71 millions d'euros en 2017.
Le PLF pour 2017 prend acte, au demeurant, de cette évolution : il augmente les crédits d'entretien lourd de l'immobilier à l'étranger de cinq millions d'euros pour les porter à 12,23 millions. Toutefois, cette dotation budgétaire est augmentée sur le programme 105 pour financer des dépenses d'entretien auparavant imputées sur le compte d'affectation spéciale (CAS) intitulé « Immobilier de l'État ». Il s'agit par conséquent d'un transfert d'imputation et non d'une augmentation de crédits à proprement parler.
Il est normal que les projets du ministère soient examinés par la Commission de l'immobilier de l'État - encore faut-il qu'elle se réunisse suffisamment tôt dans l'année pour que les projets validés puissent être menés à bien... Espérons donc qu'elle se réunira avant le mois de mai, ou même de mars 2017.
De plus, les conditions du droit de tirage du ministère des affaires étrangères sur le CAS doivent être optimisées. La gestion interministérielle de ce compte et la prise en compte de son montant dans les déficits publics ne doit pas empêcher le ministère qui l'alimente et qui en dépend pour l'entretien de ses biens à l'étranger de disposer des fonds, en temps et en heure. Il est également nécessaire et de bonne gestion publique de sécuriser la programmation pluriannuelle. Sa mise en place, à la demande de la Cour des Comptes et des rapporteurs du budget, conduit à des situations ubuesques où le ministère engage plus de 300 000 euros pour un projet en phase d'étude sans savoir s'il pourra ensuite financer les travaux, les études et les travaux n'ayant pas lieu sur le même exercice... Qui plus est, lorsqu'il s'agit d'un projet de co-localisation avec nos partenaires allemands, nous perdons toute crédibilité et toute capacité à peser sur les choix d'investissement !
On considère louable que le ministère participe au désendettement de l'État pour 60 millions d'euros encore en 2017, portant sa contribution totale à 220 millions d'euros depuis 2012. Mais en 2017, aucune vente exceptionnelle ne justifie cette contribution exceptionnelle. Si vous me passez l'expression, c'est une goutte d'eau dans le tonneau des Danaïdes de la dette... De plus, le besoin d'entretien des biens situés à l'étranger est compris entre 15 et 30 millions d'euros par an. Les crédits inscrits en loi de finances initiale étant insuffisants, il est regrettable que le maintien en l'état du patrimoine du ministère dépende d'une part d'objectifs de vente pour 2017, par nature soumis à la fois au risque de change et aux incertitudes liées au marché de l'immobilier, et d'autre part des règles d'utilisation des crédits du CAS. Nous ne nous opposons pas aux ventes immobilières, mais que leur produit bénéficie au ministère, plutôt que d'être affecté au désendettement de l'État !
Enfin, quelques remarques sur le recalibrage des postes du réseau diplomatique. Un bilan interne a conduit à l'ajustement des postes de présence diplomatique (PPD) ; l'ambassadeur sera assisté par un cadre B plutôt que par un cadre C, et deux à six personnes en contrat de droit local : ainsi, en toute circonstance, la présence française sera maintenue à un niveau suffisant. De plus, ces postes, jusqu'à présents offerts aux cadres les plus âgés avant leur départ en retraite, seront occupés en priorité par de jeunes ambassadeurs motivés par le défi qui consiste à faire au mieux avec peu de moyens. Ils auront un cahier des charges centré sur deux ou trois objectifs adaptés à la réalité locale.
En application de l'extension prévue du dispositif, 25 PPD seront créés. Pour que la politique menée ne se cantonne pas à une politique d'influence, ces postes doivent s'appuyer sur l'ensemble du réseau de l'action publique française. Il convient, pour cela, de mettre à profit les ressources dont disposent les treize grandes régions nouvellement créées. Laurent Fabius avait décidé l'affectation d'un conseiller diplomatique auprès des présidents de région ; c'est désormais aux préfets qu'ils seront rattachés. Quoi qu'il en soit, le relais est indispensable pour mobiliser les PME et les aider à saisir les opportunités que présentent les marchés à l'étranger.
Enfin, il apparaît que ces postes de présence diplomatique reposent tout entier sur la personnalité de l'ambassadeur nommé. Le métier étant désormais orienté à 40 % vers des objectifs économiques, il convient que le ministère réfléchisse au parcours de formation de ces personnels traditionnellement tournés vers l'analyse politique. Le partenariat noué avec Business France sur ce sujet va dans le bon sens.
Les crédits du programme 105 feront l'objet, avec l'ensemble des crédits de la mission « Action extérieure de l'État », d'un vote global le 16 novembre prochain. Je vous proposerai d'émettre un avis favorable au vu de la prise en compte de certaines de nos observations et de la contraction du budget, qui doit être encouragée.
Comme Christian Cambon l'a indiqué, les crédits du titre 2 du programme 105 sont en hausse de 6,7 % pour atteindre 630,8 millions d'euros en 2017. Le nombre d'équivalents temps plein travaillés (ETPT), qui s'élevait à 7 836 en 2016, sera de 7 871 en 2017. La programmation triennale 2015-2017 prévoyait la suppression de 246 emplois sur trois ans dont 56 en 2017. La définition de nouvelles priorités en matière de sécurité se traduit par la création de 67 ETP par dérogation au schéma d'emplois initialement prévu et par la révision dudit schéma pour 2017, qui prévoit désormais une baisse de 48 ETP.
Cette évolution appelle deux remarques. D'abord, pour financer les différentes priorités définies en 2017, un effort substantiel est prévu au titre des moyens de fonctionnement des ambassades portés à 83,3 millions d'euros, soit une baisse de 4,6 %. Il porte sur le fonctionnement courant et les voyages et missions qui constituent l'essentiel du programme 105. Or les économies déjà réalisées depuis plusieurs années laissent à penser que la marge d'action est désormais très réduite dans ce domaine.
Les priorités définies pour 2017, très attendues, me semblent pertinentes. Le Plan de renforcement des moyens de lutte-antiterroriste et de protection des communautés et des intérêts français à l'étranger, qui sera doté de 78 millions d'euros, augmente de 22 millions d'euros les crédits consacrés à la sécurisation de nos emprises. 40 ETP supplémentaires sont prévus pour les effectifs de policiers et gendarmes en poste dans notre réseau diplomatique et consulaire. Cet effort s'accompagnera d'un accroissement parallèle des dispositifs de gardiennage à hauteur de 16,6 millions d'euros. 53 millions d'euros seront consacrés aux dépenses de sécurité passive et active et à l'achat de véhicules blindés. Voilà un effort nécessaire, urgent et sans doute de long terme ! Nous ne pouvons plus nous contenter de renforcer les postes dits exposés, l'action terroriste pouvant frapper n'importe quelle emprise.
La coopération de sécurité et de défense appelée coopération structurelle est une ligne de dépenses dite pilotable du programme 105, par opposition aux lignes contraintes que sont les contributions aux organisations internationales et aux opérations de maintien de la paix et les dépenses de personnel ; à ce titre, elle a souvent été la variable d'ajustement du programme 105 : ses crédits sont passés de 106,41 à 62,90 millions d'euros en une dizaine d'années, ce que nous avons regretté et dénoncé. Cette politique au fort effet de levier voit enfin ses crédits augmenter après des années de baisse : le PLF pour 2017 augmente de 38 % les moyens consacrés à la coopération militaire structurelle pour les porter à 101,60 millions d'euros.
S'il faut s'en féliciter, il faut aussi regretter que le nombre de coopérants militaires continue de baisser de 20 ETP en 2017, soit une baisse de 50 unités entre 2015 et 2017. Nous avions 334 coopérants en 2007, nous en aurons 243 l'année prochaine. Cette réduction des moyens entrave la capacité de la France à faire émerger une architecture de sécurité africaine. Elle ne répond pas à la nécessité de lutter contre le terrorisme et les trafics transnationaux dans la bande sahélo-saharienne et de renforcer la sécurité maritime, notamment dans le golfe de Guinée. Enfin, elle n'est pas compatible avec l'implication de nos forces armées sur tant de théâtre d'opérations extérieurs. Il est essentiel que les crédits consacrés à la prévention et à la consolidation des capacités de sortie de crise de nos partenaires africains ne soient plus sacrifiés aux autres priorités du ministère. Un tournant décisif et durable s'impose pour mettre fin à cette contradiction de la politique étrangère française.
En matière de diplomatie économique, je déplore que, malgré nos recommandations et alors que les indicateurs de performance sont largement basés sur ses actions et ses résultats, l'opérateur Business France reste rattaché au ministère de l'économie. L'essentiel des crédits de la diplomatie économique dépend par conséquent de Bercy et non du Quai d'Orsay.
Il faut saluer l'initiative des rencontres express ou speed dating, lancée lors de la semaine des ambassadeurs, qui donne la possibilité à toute entreprise le demandant de rencontrer l'ambassadeur à Paris ou dans le cadre de rendez-vous réguliers par visioconférence. Ce rendez-vous devient annuel et pérenne. De même, l'instauration de conseils économiques pour les 126 postes situés dans les pays recevant plus de 50 millions d'euros d'exportations françaises, et l'insertion systématique d'un volet économique dans les plans d'action des ambassades forgent peu à peu de nouvelles habitudes qui ancrent la diplomatie économique comme composante essentielle de la politique étrangère de la France. Nous le savons, les points de PIB indispensables à notre croissance doivent être recherchés sur les marchés étrangers plus que sur le marché national.
Pour autant, l'emploi trouve sa source sur nos territoires, dans nos régions : c'est pourquoi nous suivrons avec attention l'évolution du dispositif des ambassadeurs pour les régions, évoqués par mon co-rapporteur, qui seront désormais remplacés par des conseillers diplomatiques auprès des préfets de région. Si leur rattachement à la tutelle étatique est compréhensible, il est essentiel que ces conseillers nouent des liens étroits avec les régions qui sont certainement les grands acteurs de demain du développement du commerce international français. Par leur connaissance du tissu industriel et économique, les régions sont le lien essentiel à travers lequel le ministère des affaires étrangères accompagnera efficacement les PME sur le chemin de l'exportation. Il est également souhaitable que le réseau diplomatique mène une action proactive, en analysant les marchés puis en sollicitant les PME, qui n'ont pas les réflexes ou les outils pour envisager l'exportation.
Enfin, à l'appui de Christian Cambon, je rappelle que la politique immobilière du ministère ne saurait subir les diktats de Bercy sans que soit pris en compte son impact essentiel sur la diplomatie économique. Nos emprises influent sur notre rayonnement, sur l'attractivité de notre territoire et sur l'image de la France. Mener une diplomatie économique efficace dans des locaux délabrés n'a pas de sens. Il me semble donc peu compréhensible qu'en 2017 le ministère contribue à un tel niveau au désendettement de l'État au détriment de ses propres investissements.
Enfin, un mot sur le programme 341 « Organisation de la COP21 », créé à titre temporaire en 2014 au sein de la mission « Affaires extérieures » afin de retracer les dépenses liées à la préparation et à l'organisation de la COP 21. Sa vocation remplie, il a été supprimé du PLF 2017.
Que la COP 21 ait été un grand succès pour la protection du climat et pour le rayonnement de notre pays n'exclut en rien un examen de sa gestion. Sur une enveloppe initiale de 187 millions d'euros dans les PLF 2015 et 2016, le programme 341 aura consommé 172 millions d'euros. Le respect du budget initialement prévu ne prend cependant pas en compte les 26 millions d'euros de dépenses supplémentaires que les attentats ont rendues nécessaires pour la sécurisation de la manifestation. Aux 13 millions d'euros initialement prévus pour le dispositif de sécurité ont été ajoutées des mesures de sécurité complémentaires déployées sous la responsabilité des ministères de l'Intérieur et de la Défense et imputées sur leurs crédits. L'essentiel de ces dépenses, soit 20,6 millions d'euros, sont des dépenses de rémunération de personnels titulaires (policiers, gendarmes...) qui auraient, sans la COP 21, touché la même rémunération en étant affectés à d'autres missions. Le ministère a considéré qu'il ne s'agissait donc pas là de surcoûts liés directement à la COP 21, interprétation qui prête à discussion. En effet, le chiffrage du dispositif de sécurité aurait été très incomplet et n'aurait eu que peu de sens si l'impasse avait été faite sur ces dépenses de personnel, coeur du dispositif de sécurisation.
La commission des finances et la nôtre avions recommandé que les recettes de mécénat couvrent les dépenses exceptionnelles qui n'étaient pas prévues au budget initial de la COP 21. Pour mémoire, les contributions financières des entreprises mécènes devaient représenter, selon les informations recueillies par vos rapporteurs lors de leurs auditions, un montant total attendu de 5,8 millions d'euros cumulés sur 2015 et 2016.
57 partenariats et mécénats ont été réalisés avec 49 organismes français et 8 groupes étrangers, permettant de réunir des contributions à hauteur de 26,9 millions d'euros (coût de commercialisation), soit plus de 15 % des dépenses publiques imputées sur le programme 341. Sur la foi de ce résultat, nous accordons un satisfecit au ministère pour la gestion de la COP 21.
Merci à nos rapporteurs. Christian Cambon a indiqué que certains postes d'ambassadeurs seraient désormais occupés par des personnes jeunes. Or j'ai entendu dire que nombre d'ambassadeurs en fin de carrière restent sans affectation. Est-ce vrai, et dans ce cas quelles tâches pourrait-on confier à ces personnes intelligentes et expérimentées, qui n'ont contre elles qu'un âge pourtant loin d'être canonique ?
J'ai plutôt rencontré, dans les PPD, des ambassadeurs expérimentés. Mon collègue vient de pointer le problème de ressources humaines que pose l'absence d'affectation de nombre d'ambassadeurs.
Le ministre des Affaires étrangères nous a annoncé que le mouvement d'extension des PPD, dont les Français de l'étranger sont les premières victimes, allait s'arrêter. Les Français établis en Papouasie-Nouvelle-Guinée sont obligés d'aller faire leurs démarches consulaires à Sydney. On voit parfois des aberrations : les élus consulaires du Brunei ont appris qu'ils dépendraient désormais non plus du consulat de la Malaisie mais de celui de Singapour, alors même que la circonscription consulaire de Malaisie englobe le Brunei... Puisque chaque PPD comptera désormais un poste de catégorie B, pourquoi ne pas attribuer à ce dernier certaines tâches consulaires pour éviter aux Français de l'étranger des déplacements très lourds ? Ce serait un progrès considérable.
Pourriez-vous préciser ce qui des 175 millions dégagés par la fermeture du campus de Malaisie - qui plus est installer les services en location dans des locaux très onéreux - est revenu au Quai d'Orsay ? Le ministère des affaires étrangères fait des efforts considérables depuis une quinzaine d'années ; je ne suis pas sûre que Bercy en fasse autant. Il conviendrait d'examiner les regroupements et les ventes au niveau interministériel. Alors que le nombre de postes dans les ambassades se réduit, que les consulats ferment, Atout France emploie des dizaines de personnes dans des pays non prioritaires, et à des tâches qui pourraient être effectuées à Paris. Autre exemple : Business France et les chambres de commerce font souvent exactement le même travail, sans suivi ni contrôle. Dès lors que Business France vend ses rapports à un prix assez élevé, il serait normal que nous soyons informés du résultat, positif ou négatif, de ses études.
Les PPD permettent de maintenir un ambassadeur au lieu de procéder à des fermetures nettes. De plus, la diplomatie économique devenant une priorité, il est normal que de jeunes diplomates soient affectés à ces postes.
Je partage les analyses de mes collègues sur le manque d'investissement et d'entretien de nos locaux. Faute d'investissements réguliers, l'état de l'Institut français d'Amsterdam nous oblige à nous en séparer, alors même que ses 5 000 mètres carrés auraient permis d'y rassembler l'ensemble des services. Comptez-vous présenter un amendement pour l'augmentation des crédits d'entretien ? Nous avons besoin d'une volonté politique d'investir et d'inverser la tendance.
Je poserai la même question que l'an dernier : que prévoit-on pour la sécurité de nos ambassades dans les pays les plus dangereux, par exemple pour le transport de nos ambassadeurs ? L'an dernier, il m'a été répondu que des efforts seraient consentis. La mise en sécurité de nos locaux est-elle forte et bien ciblée ?
Nous connaissons les orientations du ministère en matière d'effectifs. Comme Henri de Raincourt le rappelle, il y a un nombre important d'ambassadeurs hors sol. Or pour les ambassades thématiques, le Gouvernement a souvent fait appel à des personnalités extérieures au ministère, au détriment des diplomates les plus expérimentés.
Concernant la nomination de jeunes ambassadeurs, je rappelle que le nombre de postes concernés ne dépassera pas 25. C'est à mes yeux une pratique bienvenue, d'autant que les jeunes en question ne sont pas nécessairement inexpérimentés, ni de moins de trente ans. L'évolution des effectifs vise à concilier les deux exigences contradictoires de modération budgétaire et de maintien d'un réseau universel. C'est pourquoi certains postes sont allégés et resserrés sur des objectifs de présence et de vigilance. C'est aussi le sens des co-localisations. Avec l'Allemagne, l'expérience a été concluante. Enfin, la gestion des carrières soulève des difficultés analogues dans le corps préfectoral.
Il n'est pas raisonnable de confier les tâches consulaires à des PPD, en raison de la forte demande dans les pays concernés. De plus, les formalités consulaires font l'objet d'une forte dématérialisation, d'autant plus nécessaire dans les pays comme l'Australie où les distances sont très grandes. On rattache au poste consulaire le plus important et le plus proche les problèmes nécessitant des rendez-vous physiques, même si l'on va vers toujours plus de dématérialisation.
Oui, la location à long terme peut être dispendieuse. Revoyons cette politique qui porte atteinte au patrimoine de l'État et qui n'est pas le meilleur calcul économique.
Nous avons Business France, Atout France, l'équipe France, les chambres de commerce franco-étrangères - beaucoup de monde avec les mêmes tâches, qu'ils effectuent souvent très bien. Rationalisons et améliorons la lisibilité de notre action économique.
Je rejoins les observations de Mme Conway-Mouret sur l'entretien des locaux. Une délocalisation est parfois préférable à la rationalisation des locaux. Les bâtiments de Knightsbridge de l'ambassade de France seront probablement vendus. Mieux vaut que les services économiques à Londres se trouvent dans la City que dans les quartiers bourgeois de Mayfair. Ne faisons pas du regroupement systématique une religion manquant d'efficacité ! Demander au Quai d'Orsay de revoir les montants des crédits d'entretien aurait une certaine portée, mais nécessite de trouver un gage pour éviter l'irrecevabilité au titre de l'article 40.
Des progrès significatifs ont été réalisés pour la sécurité, avec une augmentation de 22 millions pour atteindre 78 millions d'euros. La sécurité sera renforcée sur tous les postes, et non seulement sur ceux à haut risque.
Les emprises sont globalement en baisse. Nous pourrions déposer un amendement symbolique gagé par un petit pourcentage sur les autres programmes de la mission, afin de montrer la véritable difficulté sur le programme 105. Le ministère des affaires étrangères a particulièrement contribué au désendettement de l'État. À Kuala Lumpur, alors que l'ambassade était évaluée à 220 millions d'euros, elle a été vendue 193 millions d'euros avec la perte de change et le Quai d'Orsay n'en a récupéré qu'à peine 100 millions d'euros : cela ne l'incite pas à vendre... Bercy doit-il penser la diplomatie de demain ? Lors des siècles passés, elle était définie par des philosophes. Désormais, c'est la comptabilité qui prime...
On envisage de recruter davantage de jeunes ambassadeurs. Réfléchissons sur les profils idéaux des diplomates de demain.
Organisons des passerelles avec le monde économique. Ainsi, l'ambassadeur en Australie a conduit avec succès les négociations sur les sous-marins ; il a eu une solide formation économique.
Mme Aïchi rouvre le débat sur Bercy. Plus largement, la question est : quels sont les intérêts de la France ? Une politique étrangère doit hiérarchiser les enjeux. Un budget ne peut pas remplacer la vision stratégique. De plus en plus, émerge la notion de stabilité. À quoi sert-il de remplacer un dictateur civil par un dictateur religieux ?! L'image de la France est très liée à notre histoire, à nos valeurs, au contexte historico-politique. Comment la faire vivre ? Beaucoup reste à faire sur les questions économiques. Ainsi, j'entendais encore récemment répondre à un investisseur - de près de 40 milliards d'euros - que tel ministre était au-dessus de son « rang » et qu'il devait plutôt rencontrer le Trésor !! C'est une logique dépassée. Mettons ces sujets sur la table, pour penser une politique avec des arbitrages clairs.
J'avais cru comprendre, un temps, que sur la cession de Kuala Lumpur, pas un centime n'était revenu au ministère, l'intégralité de la vente étant revenue à Bercy...
Ce n'est pas le cas. Certes, une partie du produit de la vente est retournée à Bercy, mais entre 60 et 100 millions d'euros sont revenus au Quai d'Orsay.
Nous reportons le vote au 16 novembre, avec un avis qui pourrait être favorable.
La commission réserve son vote jusqu'à la fin de l'examen des crédits de la mission « Action extérieure de l'État » le 16 novembre 2016.
La commission examine le rapport pour avis de M. Henri de Raincourt et Mme Hélène Conway-Mouret sur les programmes 110 - Aide économique et financière au développement - et 209 - Solidarité à l'égard des pays en développement - de la mission « Aide publique au développement » du projet de loi de finances pour 2017.
Nous nous sommes félicités, l'année dernière, de la tenue de grands événements réaffirmant l'engagement de la communauté internationale pour le développement : la conférence d'Addis-Abeba sur le financement du développement en juillet 2015, le sommet des Nations-Unies sur les nouveaux objectifs du développement durable en septembre, enfin la COP 21 à Paris en décembre. Le Président de la République avait également annoncé l'augmentation de l'aide publique au développement (APD) française de 4 milliards d'euros à l'horizon 2020, les dons devant augmenter à due concurrence des prêts : 2 milliards d'euros seraient consacrés au climat, les deux autres au développement stricto sensu.
Au-delà de ces signes encourageants, quelle est la situation réelle de l'APD au niveau mondial ? En 2015, environ 131 milliards de dollars d'APD - soit 0,3 % du revenu national brut (RNB) cumulé - ont été versés par les membres du Comité d'aide au développement (CAD) de l'OCDE. C'est une baisse en valeur mais, compte tenu de l'inflation et de la dépréciation de plusieurs monnaies par rapport au dollar, une hausse notamment alimentée par la croissance de l'aide aux réfugiés.
En effet, il est de plus en plus jugé nécessaire de ne pas s'en tenir aux réponses d'urgence face aux crises humanitaires et aux mouvements internationaux de réfugiés qui en résultent. La lutte à la racine contre ces phénomènes, en promouvant une aide au développement plus puissante et plus efficace, commence ainsi à pénétrer la société et à faire consensus. Cette prise de conscience est observée aussi, et de manière plus marquée, en Allemagne et aux États-Unis, deux pays qui ont donné une nouvelle impulsion à leur APD. Mme Merkel a mis l'accent sur le lien entre les flux de réfugiés et la pauvreté et l'instabilité de certaines régions du monde : elle a effectué une tournée des chefs d'État africains, tandis que d'autres se sont déplacés eux-mêmes à Berlin. Les projets de développement allemands dans les pays francophones d'Afrique de l'Ouest vont probablement se multiplier dans les années à venir ; soyons des partenaires de l'Allemagne dans cette évolution.
Les États-Unis ont connu une évolution similaire : la nécessité d'accroître l'aide au développement fait désormais l'objet d'un consensus bipartisan. En outre, il y a deux semaines, la fondation Gates a signé un accord avec l'AFD pour une coopération de grande ampleur en Afrique de l'Ouest, notamment sur la santé, la nutrition, l'agriculture et la sécurité alimentaire.
Le budget de la mission interministérielle « Aide publique au développement » s'élève à 2,616 milliards d'euros en crédits de paiement dans le PLF 2017, soit une hausse de 132 millions d'euros - et donc une augmentation de 5,3 % - par rapport aux 2 484 millions d'euros de crédits demandés en loi de finances initiale pour 2016.
Les ressources extrabudgétaires, issues de la taxe sur les transactions financières (TTF) et de la taxe sur les billets d'avion, affectées au fonds de solidarité pour le développement (FSD), s'élèveront à 738 millions d'euros, soit 268 millions d'euros de plus que l'année dernière. Cette hausse provient en réalité d'un amendement voté l'année dernière par les députés, qui avait affecté 25 % supplémentaires du produit de la TTF directement à l'AFD. Si l'apport supplémentaire de 268 millions d'euros est ainsi préservé, l'affectation de ces crédits au FSD, et non à l'AFD, n'est pas tout à fait conforme à l'intention initiale. En principe, le FSD est en effet consacré à l'environnement et à la santé. Il ne finance ni l'éducation, ni l'amélioration de la gouvernance - nouvelle responsabilité de l'AFD - ni les infrastructures ou les réseaux - tous secteurs qu'il faut soutenir dans les pays les plus pauvres. C'est un bémol qu'il convient d'apporter à cette consolidation.
Le programme 110 « Aide économique et financière au développement », géré par le Trésor, retrouve simplement le niveau de crédits inscrit au projet de loi de finances pour 2016 dans sa version initiale, avant l'amendement des députés qui en avait réduit le niveau de 50 millions d'euros au profit du programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement ». Ce dernier prévoit davantage de subventions versées par l'AFD, conformément à nos recommandations de longue date. Cette augmentation - une victoire que je dédie à Christian Cambon, qui y a tant oeuvré ! - s'élève à 35 millions d'euros environ, dont une partie est consacrée à la prise en charge par l'agence des experts techniques internationaux du ministère dans le cadre du transfert de la compétence « gouvernance ».
Le programme 209 affiche également une augmentation importante des crédits multilatéraux, en conséquence d'une hausse de 50 millions d'euros des contributions volontaires aux Nations-Unies pour soutenir les programmes humanitaires au Moyen-Orient.
Toutefois, les députés ont jugé insuffisante la progression totale des crédits par rapport à 2016, qui ne permet pas de retrouver le niveau de 2011. Depuis cette date, la mission « Aide publique au développement » a baissé d'environ 700 millions d'euros et la part de l'aide au développement dans le budget est passée de 0,46 à 0,37 %, nous éloignant des objectifs du développement à l'échelle internationale. Dès lors, les députés ont adopté un amendement augmentant le taux de la TTF de 0,2 à 0,3 % - soit environ 500 millions d'euros de recettes supplémentaires. Parallèlement, ils ont, comme l'année dernière, adopté un amendement affectant directement 270 millions d'euros du produit de la TTF à l'AFD, afin de soutenir l'activité de l'agence en matière de subventions. Cette affectation doit demeurer sans servir in fine, comme l'année dernière, à financer des dépenses multilatérales comme le fonds mondial Sida, alors que l'intention est bien de renforcer les subventions bilatérales.
La débudgétisation progressive des crédits de l'aide au développement au profit du FSD, dont le montant atteint cette année 738 millions d'euros, doit s'accompagner d'un effort de clarté. Je me réjouis de l'évolution réglementaire de ce fonds annoncée ici-même par la directrice générale du Trésor lors de son audition, avec l'établissement, en début d'année, d'un échéancier des dépenses du FSD : nous aurons ainsi la visibilité nécessaire sur cette composante désormais essentielle de notre APD.
Compte tenu de l'augmentation prévue des crédits et de l'évolution du texte à l'Assemblée nationale, je vous proposerai de donner un avis favorable aux crédits de la mission « Aide publique au développement ». Toutefois, nous devons attendre le vote de la seconde partie du budget par les députés pour nous prononcer au moment opportun.
Une hausse de plus de 130 millions d'euros du budget de l'APD dans un contexte de rigueur budgétaire, c'est très positif. Compte-tenu des quelque 270 millions d'euros supplémentaires votés par les députés lors de l'examen de la première partie du budget, le compte est bon !
Ce ne sont pas les seules bonnes nouvelles pour cette politique publique de plus en plus au coeur de l'actualité du fait des grands bouleversements internationaux évoqués. L'AFD connaîtra un essor sans précédent au cours des années à venir.
En 2015, le Président de la République avait décidé d'augmenter l'activité de prêts de 4 milliards d'euros en 2020 par rapport la situation actuelle, soit 12,5 milliards d'euros d'octrois au total. Conformément à cet engagement, en 2016, le volume d'autorisations d'engagement de bonifications de prêts prévues par le programme 110 était de 285 millions d'euros, pour une activité de 9 milliards d'euros de prêts. En 2017, les autorisations d'engagement demandées s'élèvent à 315 millions d'euros, soit une progression de 10 % - correspondant à une cible de 9,5 milliards d'euros d'octrois en 2017, deuxième pallier vers l'objectif de 12,5 milliards d'euros en 2020.
Pour poursuivre sa croissance et en raison du régime prudentiel auquel elle est soumise en tant que banque, l'AFD doit accroître ses fonds propres. Le projet de loi de finances rectificative pour 2016 devrait prévoir une recapitalisation de l'agence en jouant sur la « ressource à condition spéciale » (RCS), c'est-à-dire les montants prêtés chaque année par l'État à l'AFD dans des conditions particulièrement favorables, puisque ces crédits durent trente ans, dont dix ans de différé du remboursement en capital, à un taux de 0,25 %. L'AFD devrait ainsi rembourser à l'État les 2,4 milliards d'euros correspondants à son stock de RCS fin 2016, tandis que ce dernier souscrira à une augmentation de capital social de l'AFD du même montant. Le coût de l'opération s'élève pour l'Etat à la perte des intérêts restants dus, dont le paiement était étalé sur trente ans, soit 80 millions d'euros au total.
Cet accroissement de la force de frappe de l'AFD et la hausse considérable de ses financements au cours des prochaines années présentent le risque du passage à une pure logique de chiffre d'affaires et d'une certaine dispersion au détriment des pays qui ont le plus besoin de notre aide. Nous devrons rester vigilants pour que celle-ci reste bien ciblée sur les régions où la pauvreté affecte une grande partie de la population, ainsi que sur les pays en crise - comme nous le signalait la Directrice du Trésor.
Dernier point positif, la hausse des crédits prévue par le PLF 2017, compte tenu des amendements votés par les députés, permettrait la création de la « Facilité de prévention et de gestion des crises » que nous demandions dans notre rapport consacré à l'aide au développement au Sahel. Alors que nous préconisions un montant minimal de 100 millions d'euros pour cette enveloppe gérée par l'AFD, la somme finalement prévue pourrait être nettement supérieure. Cette création devrait être décidée lors du prochain comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID), qui devrait avoir lieu avant la fin de l'année.
L'augmentation des moyens de l'aide au développement doit bénéficier également à l'éducation, singulièrement à l'éducation de base au sens de l'ONU - le primaire, le secondaire et l'éducation des adultes. La communauté mondiale s'est fixée en 2015, parmi les nouveaux objectifs de développement, la mise en place d'une éducation préscolaire, primaire et secondaire de qualité d'ici à 2030. Comme nous en avons eu la confirmation au cours de nos travaux sur le Sahel, il s'agit d'un secteur-clef, à la croisée des enjeux économique et démographique, l'éducation des filles constituant le levier le plus puissant pour un contrôle des naissances plus efficace. Selon des recherches citées par l'Unesco - comme une étude d'Evans et Rose en 2007 - la population adulte ayant suivi des études primaires avait nettement plus de chances de soutenir la démocratie que si elle n'avait pas été scolarisée. De même, dans une population avec un ratio de 38 % de jeunes, le risque de conflit est réduit de moitié si l'on passe de 30 % à 60 % de jeunes scolarisés dans le secondaire, selon une étude de Barakat et Urdal de 2009, également citée par l'Unesco.
Or, après des progrès importants dans les années 2000, le nombre d'enfants non scolarisés a cessé de décroitre pour se stabiliser autour de 265 millions. Cette situation est en partie due à une stagnation de l'aide à l'éducation depuis 2010. Si cette aide a plus que doublé entre 2002 et 2010, atteignant 14,2 milliards de dollars, elle était en 2014 inférieure de 8 % à ce pic, avec 13,1 milliards de dollars. L'aide à l'éducation française, en particulier, a marqué le pas au cours des dernières années. Que ce secteur constitue le premier poste de dépenses de notre APD bilatérale, soit environ 15 % de notre aide totale, ne doit pas induire en erreur. La majeure partie, soit environ 600 millions d'euros, correspond à la scolarité des étudiants en provenance des pays en développement dans notre enseignement supérieur. Or, seule une partie de ces dépenses bénéficie réellement in fine aux pays d'origine.
Notre participation au Partenariat mondial pour l'éducation (PME) n'est plus à la hauteur de l'importance et de l'efficacité de cet instrument. Depuis 2002, le PME a contribué dans les pays partenaires à la scolarisation de 61 millions d'enfants supplémentaires et à la formation de 413 000 enseignants. Dans les pays membres du PME, les taux d'achèvement de l'école primaire ont augmenté de 9 points. De plus, cet instrument bénéficie en majorité aux pays francophones d'Afrique subsaharienne. Si nous avons joué un rôle moteur dans la création du PME en 2002 et appuyé son financement à hauteur de plus de 80 millions d'euros depuis 2004, l'engagement français n'a pas été reconduit lors de la dernière reconstitution financière pour la période 2015-2018 en raison du contexte budgétaire difficile. La France a néanmoins versé 1 million d'euros en 2015 et devrait verser 8 millions d'euros en 2016. À titre de comparaison, la contribution de la France au Fonds mondial Sida s'élève depuis plusieurs années à 360 millions d'euros par an.
Nous préconisons donc un rééquilibrage de la dépense au profit de l'aide à l'éducation, notamment à l'éducation primaire. Les nouveaux crédits dont devrait bénéficier l'AFD pour des dons devraient autoriser un tel infléchissement, d'autant que le secrétaire d'État chargé du développement et de la francophonie a fait également de l'aide à l'éducation l'une de ses grandes priorités.
Sous réserve de ces observations et de l'adoption ultérieure des crédits par les députés - ils l'ont été ce matin en commission et le vote en séance publique aura lieu le 10 novembre - je vous propose de donner un avis favorable aux crédits de la mission « aide au développement ».
Félicitations pour cet excellent travail. Une augmentation du budget est toujours préférable, mais elle est très faible par rapport aux besoins, notamment en Afrique. Quelle est la stratégie à long terme de la France en Afrique ? Je ne la vois pas très bien... Certains observateurs craignent que nous passions à côté de la grande transformation africaine. Les Nations-Unies sont passées des objectifs du millénaire pour le développement à des objectifs de développement durable. Ce chantier est énorme. L'Afrique a compris que les 131 milliards d'euros d'aide de l'OCDE ne suffissent plus : les crédits publics ne vont pas toujours là où ils seraient nécessaires. Le soutien au développement économique doit être au moins aussi important que l'APD classique, afin de réduire la pauvreté. Les sommes envoyées par la diaspora africaine sont dix fois supérieures à l'APD !
Pour une fois, soyons partie prenante de cette grande transformation, participons au recul de la pauvreté sans crédits budgétaires supplémentaires, en nous intégrant dans les partenariats avec l'Afrique. Nous nous associons avec la Chine - et non avec l'Europe - pour construire des infrastructures, alors que la plus grande partie de notre APD est multilatérale. Mme Merkel fait sa tournée toute seule ; l'Union européenne n'est pas très offensive. Que fait la France pour promouvoir un nouveau positionnement européen ? L'Union africaine a révisé sa politique avec l'Agenda 2063 pour le développement. Près de 10 milliards de dollars sont fournis par l'Inde, 60 milliards par la Chine, 30 milliards pour le Japon, et 100 milliards de francs - CFA - soit 150 millions d'euros seulement par la France... Que peut faire la France seule ? Même si ce n'est pas le sujet de ce rapport budgétaire, transmettons des messages. Nous avons besoin d'un véritable leadership pour que l'Europe soit le partenaire du développement africain, afin de faire reculer la pauvreté et pour que les entreprises françaises fassent partie de cet Agenda 2063. Même si je salue l'augmentation des crédits et que je me rallie aux positions des rapporteurs, je suis inquiet de l'absence de la France en Afrique. Retrouvons un leadership partagé avec les grands pays européens.
L'agence Expertise France présentera des résultats 2016 plus que satisfaisants, largement supérieurs à nos attentes lors de l'audition de son directeur, avec une croissance de 10 à 20 %. Cette agence, voulue par notre assemblée, a remporté des projets majeurs sur des sujets multiples - climat, environnement, finances publiques, renforcement de la sécurité des États fragiles, gestion de la crise syrienne... Elle contribue ainsi à l'aide au développement et ses résultats sont extrêmement encourageants et valorisants. Monsieur le président, lors de la mandature précédente, nous avons été extrêmement inspirés de vouloir la création de cette agence, qui nous permet notamment de travailler avec les Allemands - sans rivaliser avec la Deutsche Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit (GIZ), l'agence de coopération internationale allemande pour le développement.
Je me félicite de l'augmentation des crédits alloués au développement. Notre réflexion a été largement influencée par la crise migratoire. Avoir une véritable politique de développement est prioritaire. Je me félicite de l'effort sur l'éducation et de la prise en compte des enjeux démographiques. La politique démographique est l'une des plus fortes causes de la crise migratoire. Si l'Afrique compte aujourd'hui 750 millions d'habitants, ils seront 2 milliards dans vingt ans. Pour des raisons humanitaires, de développement, de respect des droits de l'homme et de la femme, promouvons une politique démographique. Demandons un fléchage vers les politiques d'éducation et la contraception.
Avec Didier Marie, je suis rapporteur pour la commission des affaires européennes sur le plan Juncker : 3,2 milliards d'euros seront consacrés à l'Afrique - même si la commission européenne ne les pas encore entérinés. Aidons ces pays chez eux au lieu d'attendre les migrations à nos frontières.
Votre politique de développement envers l'Afrique doit impliquer davantage l'Europe - ou plutôt, les autres pays Européens doivent nous rejoindre. Cela ne nous empêchera pas de piloter telle ou telle action de coopération - celle-ci étant certes plus compliquée que ce que nous voudrions qu'elle soit, en raison de notre histoire complexe avec ces pays. Oui à une action de long terme, mais prenons en compte la réalité politique.
Nous avons vu réapparaitre le traditionnel débat entre aide multilatérale et bilatérale. Je continue à regretter que l'essentiel des moyens de l'aide multilatérale transite à travers l'Union européenne, sans que la France ne soit visible. Or il faut de la visibilité pour mener une politique d'influence. Rendons à notre diplomatie des moyens supplémentaires.
Si M. Néri a raison d'évoquer la démographie, soyons prudents sur ce sujet conflictuel. Lorsque je présidais une mission en Afrique de l'Ouest, il y a deux ans, le ministre de la santé du Mali a réagi avec violence lorsque nous avons évoqué les politiques de limitation des naissances : selon lui, cela relève de leurs traditions culturelles et les regarde. Mais nous avons aussi le droit de prendre la parole car l'explosion démographique alimente l'immigration. Attention cependant à la manière de le dire ou de l'écrire.
Je n'ai pas changé d'avis ; j'entends un concert de louanges sur l'augmentation de 130 millions d'euros du budget, mais elle ne compense même pas les réductions budgétaires successives depuis 2012. Nous sommes revenus à un chiffre inférieur à celui de 2011, un peu meilleur que l'année précédente. Alors que l'APD était l'un des arguments essentiels du Président de la République, nous constatons un échec considérable à la fin de ce quinquennat.
Cette augmentation est très artificielle : la hausse de la TTF rapportera 500 millions d'euros. Sans cette hausse, le budget se serait réduit de 370 millions d'euros. Si cette taxe n'avait que des effets positifs, pourquoi pas ? Mais elle risque de coûter beaucoup plus que les 500 millions d'euros qu'elle rapporte. En 2013, M. Cazeneuve, alors ministre du budget, s'y était opposé, au motif qu'elle amputerait la liquidité de la place de Paris de 40 %. Cette année, M. Sapin a demandé de ne pas voter l'augmentation, en l'absence d'un accord européen. Le ministre de l'économie et des finances n'était pas en faveur de cette augmentation, et ce pour des raisons allant au-delà des clivages politiques. Après le Brexit, certains organismes financiers s'interrogent sur le lieu où s'implanter. Paris et Francfort sont les deux principaux concurrents. Les enjeux s'élèvent largement au-delà de 500 millions d'euros. Or l'Allemagne n'a pas instauré cette taxe et ne compte pas le faire. Attendons un accord européen. Je ne me joindrai donc pas au concert de louanges. Je me félicite de l'augmentation du budget de l'aide au développement mais la méthode n'est pas la bonne. Comme l'écrivait l'économiste Frédéric Bastiat au XIXe siècle, il y a « ce qu'on voit et ce qu'on ne voit pas » : des milliards d'euros peuvent être perdus demain...
Le problème de l'aide multilatérale n'est toujours pas tranché, mais des suggestions existent pour l'aide européenne et une utilisation efficace du Fonds européen de développement (FED), notamment que certains pays européens soient chefs de file pour une catégorie d'aide. Aucun pays européen ne peut assumer la totalité du kaléidoscope des aides. Lors d'un colloque, Philippe Aghion rappelait que les aides ciblées sont celles qui marchent le mieux, comme les aides à la vaccination fournies par la fondation Gates. Ainsi, le pays qui a un savoir-faire dans un pays le réplique dans d'autres. On risque de tirer d'amères conclusions de l'efficacité de l'aide financière au Mali...
Je m'interroge sur l'efficacité de l'État dans l'APD. Mon épouse préside une ONG intervenant au Mali depuis vingt ans. Il y a un an, nous avions été sidérés lors d'une rencontre avec une délégation européenne, plus nombreuse que celle de l'ambassade de France : elle se contentait de verser des fonds européens au budget du ministère de l'éducation malien, de façon aveugle, sans se soucier de l'efficacité sur le terrain, alors que notre association n'avait pas pu obtenir de financement pour des opérations de terrain opérationnelles, visibles, menées depuis cinq ans et essentielles sur le plan sanitaire. Je suis sceptique : faut-il plus d'Europe ? Garantissons plus de proximité.
Voyez le terrible paradoxe qui consiste à la fois à considérer que c'est mieux quand la France agit elle-même et à se plaindre d'être seuls et de devoir lutter pour entraîner les partenaires européens !
Plutôt que d'envoyer 12 000 soldats de l'ONU dans l'opération Sangaris, payons 2 000 soldats français avec la même somme, cela sera plus efficace !
Ces débats montrent l'attachement de chacun au développement de l'Afrique et l'importance de l'aide au développement pour la paix, la stabilité en France et dans le monde pour les siècles futurs. Ayons une politique imaginative, puissante, coordonnée et efficace.
Monsieur Joyandet, la question est plus large que ce rapport budgétaire. Nous voyons dans ce budget des points positifs, qui vont dans la bonne direction, sans aller jusqu'à considérer que le jour succède à la nuit !
Oui, la politique africaine de la France doit évoluer. Ne confondons pas l'aide au développement et une charité censée acheter la tranquillité : on se perd dans les sables et ce n'est pas ce qu'attendent nos partenaires africains. Selon eux, certains organismes français continuent à donner de l'argent sur des programmes flous, ce qui est inefficace pour l'Afrique, et seulement utile à la petite politique menée localement. Des gens ont fait des propositions très intéressantes - pensez à Africanistan, l'ouvrage de Serge Michaïlof.
Cette politique doit être reconfigurée et le principe du chef de file peut y contribuer, à l'instar de la décentralisation française. Un pays peut agir pour le compte des autres et leur rendre des comptes. Proximité, efficacité, mais aussi humanité sont fondamentaux.
L'aide bilatérale sur les programmes 209 et 110 s'élève à 800 millions d'euros, contre 1,5 milliard d'euros pour l'aide multilatérale, soit un rapport d'un tiers - deux tiers. La situation pourrait être améliorée. Inaugurant un centre africain de formation des apprentis financé notamment par la France, j'ai été accueilli par un bandeau « merci la France » écrit en chinois ! Oui, il faut une présence politique forte.
Monsieur Néri, la politique démographique déterminera pour une grande part le reste. Mais attention à la réalité du terrain. M. Rioux et M. Gates ont multiplié les précautions pour ne pas heurter les cultures locales sur la politique démographique, faute de quoi on obtient des résultats contraires. Plusieurs rapports de notre commission - de Jean-Marie Bockel, Jeanny Lorgeoux ou Hélène Conway-Mouret - proposent des réponses.
Je comprends ce qu'affirme M. Malhuret, non sans raison, sur la compétitivité de la place de Paris, mais on ne peut financer de politique d'aide au développement ambitieuse sans financement innovant. Lorsque je présidais une mission sur la TTF à la demande du président Sarkozy, ma feuille de route consistait à rallier le plus grand nombre de pays européens sur la TTF. La France s'est lancée seule, car si personne ne démarre, personne ne suivra. Une telle taxe est justifiée sur les plans pratique et moral. Les activités financières de certains organismes ont beaucoup profité de la mondialisation. Les pauvres doivent aussi en profiter.
Nous sommes très critiques envers nous-mêmes. La France est présente en Afrique via ses réseaux diplomatiques, culturels et éducatifs - malgré certaines inégalités. Certes, la force de frappe financière est insuffisante, mais les efforts de l'AFD pour développer des partenariats vont dans le bon sens. Nous sommes plus forts lorsque nous travaillons ensemble. Notre partenaire naturel n'est pas la Chine, même si nous pouvons travailler avec elle sur des projets importants. Nos priorités sont les bonnes. Le développement africain passera d'abord par une bonne gouvernance des pays. Nous devons jouer un rôle de formation dans les domaines de la justice, de la sécurité, des finances et de la fiscalité.
J'interrogerai M. Rioux sur le partenariat privilégié que l'AFD doit entretenir avec Expertise France. Nous avons besoin de travailler ensemble dans l'équipe France. Ce sont des partenaires naturels.
Le défi démographique est le plus sérieux pour l'Afrique. Nous comptons sur le sommet franco-africain de Bamako en janvier 2017 pour aborder l'ensemble des sujets. Mais soyons prudents sur la question démographique !
Faisons preuve de respect : écoutons autant que nous proposons, pour un véritable partenariat, sans donner de leçons ni proposer de solutions toutes prêtes. Sortons de cette logique de projets clef en main. Les projets qui réussissent sont ceux dans lesquels s'impliquent les Africains.
Il existe déjà une programmation européenne conjointe, des actions de développement des Etats-membres et de la Commission européenne au niveau de certains pays : ce que propose M. Cambon va un cran plus loin, c'est une idée intéressante.
La commission réserve son vote jusqu'à la fin de l'examen des crédits de la mission « Aide publique au développement » le 16 novembre 2016.
La commission auditionne M. Rémy Rioux, directeur général de l'Agence française de développement (AFD), sur le projet de loi de finances pour 2017 (Mission Aide publique au développement).
Nous venons d'écouter le rapport budgétaire de M. de Raincourt et de Mme Conway-Mouret sur le budget de l'Aide publique au développement (AFD). Nous serons donc heureux de vous entendre dans le cadre de ces auditions budgétaires. L'année à venir sera très importante : elle s'inscrit comme une étape essentielle dans la trajectoire fixée à l'horizon 2020 par le Président de la République, avec 12,5 milliards d'engagements. Nous avons eu un débat sur la taxe sur les transactions financières (TTF). Notre commission est très attachée à ce que les engagements pris se traduisent de façon concrète.
Merci pour votre accueil. Je suis venu devant vous le 18 mai lors de ma nomination : votre vote favorable m'honore et m'oblige.
Cela fait cinq mois, aujourd'hui même, que j'ai pris la tête de l'AFD. J'ai fait repartir la maison pour qu'elle tienne les engagements fixés pour 2016. Je suis très attentif au dialogue social, au siège à Paris mais aussi dans le réseau. J'ai rencontré tous les agents des agences locales lors du voyage que j'ai effectué il y a quelques jours en Afrique avec quelques sénateurs et sénatrices autour du Premier ministre.
J'ai également adressé des messages à tous les partenaires de l'Agence, dont bien sûr ceux d'Afrique. J'ai déjà fait sept déplacements, notamment au Tchad et au Ghana. Je suis aussi allé dans les autres régions d'intervention de l'AFD : en Tunisie, au Vietnam, en Colombie, en Équateur, à La Réunion... Je me suis également rendu à Rome, à Francfort, à Bruxelles, à Luxembourg, car l'Europe du développement est en train de se construire. Bien sûr, je rencontre tous les partenaires de l'AFD en France. J'ai commencé un tour des régions : je me suis ainsi rendu à Lille et à Roubaix pour rencontrer les acteurs de la politique du développement au niveau territorial et aussi pour engager le débat avec ceux qui sont moins convaincus de l'utilité de cette politique. J'irai bientôt dans la région Grand-Est. J'ai été à l'université d'été du Medef ; je rencontre les ONG et nous travaillons activement avec la Caisse des dépôts pour renforcer l'ancrage territorial de notre Agence.
Dans les prochaines semaines, nous vivrons trois moments importants : le vote des lois de finances de cet automne, le comité interministériel à la coopération internationale et au développement (CICID), qui se tiendra sans doute fin novembre ou début décembre. Enfin, nous fêterons le 75e anniversaire de l'AFD créée à Londres en décembre 1941. Nous nous retrouverons au musée du Quai Branly le 6 décembre : nous présenterons l'Agence et les axes de son nouveau projet. Pierre-René Lemas et moi-même signerons alors la convention entre nos deux établissements publics, convention que le Sénat a appelé de ses voeux lors du vote d'un amendement dans la loi Sapin II.
J'en viens au budget : nous devons avoir les moyens d'atteindre les objectifs fixés par le Président de la République. Le projet de loi de finances rectificative prévoit la recapitalisation de l'AFD, soit 2,4 milliards de fonds propres supplémentaires par transformation du stock de prêts du Trésor qui se trouvent au passif de notre bilan. Cela nous permettra de réaliser les 4 milliards d'engagements annuels supplémentaires d'ici à 2020. Le projet de loi de finances pour 2017, qui vous viendra de l'Assemblée, devrait favoriser la politique de développement. Le projet de loi initial est satisfaisant, prévoyant une augmentation de 80 millions des crédits de bonification sur le programme 110 et de 100 millions de ressources à conditions spéciales sur le programme 153, afin de proposer des prêts dans les pays les moins avancés. En outre, le projet de loi de finances double les autorisations d'engagement pour l'outre-mer : nous les utiliserons en faveur du rayonnement régional de nos territoires ultramarins. Les montants en subventions ont cristallisé les débats à l'Assemblée nationale. Dans le texte initial, une augmentation de 30 millions était prévue pour les moyens en dons confiés à l'AFD au sein du programme 209. Le débat lors de la première partie de la loi de finances a entraîné une augmentation de 270 millions, soit un total de 300 millions. Si vous confirmez ce vote, ce sera plus qu'un doublement de nos moyens sur le programme 209. N'ayez aucun doute : nous serons capables d'utiliser ces moyens supplémentaires. Dans le passé, l'AFD a géré des enveloppes en dons supérieures à 300 millions. Nous avions trouvé les emplois utiles dans les zones les plus fragiles. De plus, la décrue des crédits bilatéraux nous a poussés à aller chercher des délégations de crédits européens à Bruxelles : cette année, nous obtiendrons certainement plus de 400 millions, soit plus que la contribution de la France au budget du Fonds européen de développement (FED). Ainsi, dans le projet en faveur du lac Tchad, la France a financé 5 millions, tandis que le budget européen versait 30 millions. Ce projet a été valorisé par le Président de la République au sommet d'Abuja. Si le Parlement nous confie 300 millions supplémentaires, nous pourrons intervenir dans les pays fragiles que vous avez évoqués dans plusieurs de vos rapports. Notre priorité portera sur les secteurs sociaux, notamment sur l'éducation qui a beaucoup souffert ces dernières années, surtout au Sahel. Les dossiers relatifs à la gouvernance devraient atteindre, à terme, près de 10 % des engagements de l'Agence. Bien sûr, je défends ces montants additionnels. L'affectation de la TTF est également très positive pour l'AFD : la sanctuarisation de la ressource en dons nous est précieuse.
J'en viens à la stratégie que nous allons mettre en oeuvre. La priorité africaine sera réaffirmée, notamment en direction des pays les plus pauvres et des zones en crise. Nous porterons une grande attention aux sujets migratoires : l'Afrique doit être regardée comme un tout. Considérer le Sahara comme une frontière conduit à ne pas examiner un certain nombre de phénomènes. Le Sahara est une mer et non pas une frontière. Enfin, l'Afrique doit aussi être considérée comme une opportunité, avec les énergies renouvelables - voyez l'initiative de Jean-Louis Borloo - et le financement des non-souverains au-delà des États.
Le deuxième axe de notre projet stratégique portera sur la France : elle doit se projeter dans les pays prioritaires mais aussi s'approprier les expériences, les intentions et les aspirations de ses partenaires du sud. Le partenariat avec la Caisse des dépôts que nous signerons le 6 décembre sanctionnera cette stratégie : les discussions sont denses et fluides. La direction générale de la Caisse des dépôts et toutes les équipes que nous avons réunies la semaine dernière en séminaire sont conscientes des enjeux : nous allons bâtir en commençant par les projets et les équipes. L'ambition initiale de la mission de préfiguration est nullement réduite.
Merci pour votre présentation. Nous venons de présenter notre projet de rapport : beaucoup de nos collègues souhaitent que nous prenions en compte les transformations profondes de l'Afrique, notamment en ce qui concerne la démographie, l'éducation et la santé des femmes. La France doit être au rendez-vous. Je vous félicite d'aller chercher les crédits européens. Notre collègue Cambon défend l'idée de chef de file afin que chaque projet soit bien identifié. Nous y sommes tout à fait favorables.
En 2017, les autorisations d'engagement pour bonification de prêts au sein du programme 110 s'élèveront à 315 millions. Quelle est la stratégie de l'AFD pour hausser ces engagements à ce niveau sans entrer pour autant dans une logique de chiffre d'affaires ? Comment développer l'Agence et gérer la concurrence avec les banques et les organismes internationaux ?
Ma collègue Conway-Mouret et moi-même avons présenté un rapport avant l'été : nous étions convaincus qu'il fallait faciliter les flux entre le Sahel et le Maghreb, mais aussi entre le Sahel et l'Afrique de l'ouest et l'Afrique centrale. Ne restons pas bloqués sur la seule Afrique subsaharienne. Comment l'AFD pourra-t-elle développer cette vision ?
Il s'est passé beaucoup de choses à l'AFD en cinq mois : bravo. Nous nous réjouissons de votre priorité en faveur de l'Afrique et de la nouvelle impulsion que vous avez donnée à l'Agence en interne. Je salue aussi votre politique d'ouverture. L'absence de la France, que certains déploraient, appartient désormais au passé.
Pour 2020, 4 milliards d'engagements sont prévus pour lutter contre les changements climatiques. Les pays africains ont pris des engagements lors de la COP 21 et nous espérons qu'ils seront confirmés lors de la prochaine COP. Quel est le potentiel de l'Afrique en matière d'énergies renouvelables ? Quels types de projets l'AFD défend-elle en ce domaine ?
En matière d'éducation, les engagements français ne sont pas à la hauteur des priorités affichées, particulièrement pour l'éducation primaire. Quelles évolutions prévoyez-vous pour 2017 ?
Je défends le partenariat entre l'AFD et Expertise France. Ne pourriez-vous pas davantage mobiliser cette dernière en matière de bonne gouvernance ?
L'AFD est la principale bénéficiaire des fonds fiduciaires mis en place par l'Union européenne pour répondre aux crises liées aux conflits syriens et irakiens et à l'instabilité au Sahel. Ces fonds sont-ils efficaces ? Ont-ils un impact sur le terrain ? Répondent-ils aux situations d'urgence ?
Comment travaillez-vous avec les autres acteurs de l'équipe France, notamment Expertise France, qui est également accréditée auprès de la Commission européenne pour gérer les fonds européens. Certes, vous n'êtes pas en concurrence, mais comment s'établissent vos complémentarités ?
En cinq mois, vous avez beaucoup voyagé et vous avez rencontré les ONG. Les dirigeants de Coordination Sud, qui représentent 170 ONG de développement en France, ont donné une conférence de presse juste avant l'élaboration du budget pour 2017 : ils se disaient attristés de constater que les ONG ne bénéficiaient que de 2 % de l'aide publique au développement alors que la moyenne de l'OCDE se situe à 17 %. Comptez-vous modifier cette répartition ? Certes, nous savons que la France, vieux pays centralisé, se méfie de la société civile, mais il serait bon d'évoluer car nous avons des ONG parmi les plus efficaces dans le monde. La coopération pourrait donc s'améliorer.
En second lieu, les promesses pour 2020 sont sympathiques, mais nous sommes en fin de quinquennat, et elles engagent les successeurs dans un contexte budgétaire qui sera sans doute tendu. En réalité, nous avons assisté à une baisse du budget de l'aide publique au développement depuis 2012, et l'augmentation de cette année ne rejoint même pas les niveaux de 2011 : les promesses faites par l'actuel Président ne seront donc pas tenues.
Vous vous félicitez de la TTF qui va sécuriser le budget de l'AFD. Certes, 500 millions sont en jeu, si toutefois ils sont intégralement reversés à l'aide au développement, mais la Place de Paris risque d'être affectée par cette nouvelle taxe. En 2013, M. Cazeneuve, alors ministre du budget, avait demandé le rejet de cette taxe qui allait diminuer la liquidité de la Place de Paris de 40 %. M. Sapin s'est opposé cette année à cette augmentation de la TTF, avant d'accepter un compromis avec sa majorité. Je ne critique par la TTF en tant que telle, mais pourquoi la France l'instaure-t-elle alors que l'Allemagne ne compte pas le faire et que nous sommes en concurrence avec notre voisin pour accueillir divers organismes financiers suite au Brexit ? Les pertes pour notre pays risquent d'être bien supérieures aux recettes escomptées. Je trouve savoureux que l'on parle de financement innovant dès qu'on instaure une nouvelle taxe. Voyez celle que l'on a instaurée sur les billets d'avion : Air France avait menacé de déposer le bilan si elle était mise en place. Benjamin Franklin disait qu'il n'y a que deux choses certaines dans la vie : la mort et les impôts. Cela dit, je pense que vous ne pouvez pas prendre part à ce débat purement politique.
Avez-vous connaissance de l'expérimentation menée par l'un de vos anciens directeurs en Centrafrique : le fonds Bêkou ? Si oui, pensez-vous possible de l'étendre pour glaner des crédits supplémentaires au bénéfice de notre action publique ?
L'action de la France en Afrique est-elle visible ? L'électrification de l'Afrique voulue par Jean-Louis Borloo avance-t-elle ?
La France veut donner l'exemple avec la TTF : certes, elle prend des risques, mais ce faisant, elle est fidèle à ses valeurs.
On nous a dit beaucoup de bien du fonds Bêkou en Centrafrique. Nous avons commis un rapport sur les OPEX : la conclusion, c'est que les opérations militaires ne règlent pas, à elles seules, les conflits. Une phase deux est nécessaire, à savoir le développement et le plus tôt est le mieux. L'AFD devrait intervenir dès les fins de crise, surtout grâce à ses nouveaux moyens : en a-t-elle la volonté ?
En mai, nous avions évoqué l'évaluation des actions de l'AFD. En cette période de disette budgétaire, il est indispensable de mesurer l'efficacité des politiques publiques. Allez-vous faire comme nos amis anglais qui ont recours à des expertises extérieures ? Il est toujours plus facile de se juger soi-même que de l'être par des organismes indépendants. Si certaines politiques sont faciles à mesurer, d'autres le sont beaucoup moins.
La crise migratoire a des conséquences importantes pour la France et pour toute l'Europe. Le développement permet de répondre aux défis posés par la pauvreté. Cela passe, bien sûr, par l'éducation et la santé. L'AFD devra en faire ses priorités.
N'oublions pas qu'une des causes de la crise migratoire tient à la démographie : il faudra beaucoup de courage et de tact pour aborder cette question avec nos amis africains. L'honneur de la France est de soulever les problèmes difficiles pour y apporter des réponses.
Je me félicite de voir que vous vous saisissez de tous ces sujets. Les Britanniques ont construit un beau consensus bipartisan autour du développement, ce qui les a amenés à 0,7 % de leur PIB en dons. J'ai été frappé par ce qui s'est passé en Allemagne. La visite de la Chancelière au Mali, au Niger, en Éthiopie, puis son accueil du président tchadien et du président nigérien il y a trois semaines ne sont pas passés inaperçus. Jeune Afrique les a d'ailleurs qualifiés d'évènements historiques. La Chancelière est allée chercher en Afrique une réponse à sa crise domestique. L'axe franco-allemand doit être renforcé.
J'ai également été frappé par ce qui se passe aux États-Unis : je vivais sur des souvenirs des années Bush. Lors de mon dernier voyage, j'ai rencontré tous les acteurs américains : les Républicains et les Démocrates ont adopté l'an passé cinq lois importantes sur le développement, avec des allocations budgétaires conséquentes.
Les évolutions européennes et françaises sont encourageantes. Tous les projets de l'AFD comprennent désormais des crédits européens. Les Allemands, les Italiens, les Suédois, les Français ont des banques de développement. Lorsque les Espagnols reviendront à meilleure fortune, ils devraient également créer une telle structure. Avec la Commission et la BEI, le système est de plus en plus coordonné et efficace, même si sa visibilité politique n'est pas encore totale.
J'ai publié une petite tribune dans La Croix après mon voyage en août.
Pour répondre à M. de Raincourt, nous allons présenter le projet de l'Agence pour 2020. Le contrat avec l'État devrait être signé mi-2017 et le CICID sera une étape importante. À mon sens, nous devrons continuer à faire le maximum pour l'Afrique : nous devrons financer d'autres entités que les États, d'où le lien avec la gouvernance. Ainsi, nous ne pouvons plus prêter au Ghana, d'où l'importance de pouvoir le faire auprès du secteur privé et des collectivités locales. L'ouverture à d'autres pays est une décision purement politique. Les subdivisions administratives dans le traitement de l'Afrique n'ont plus de légitimité, même si des sous-régions existent. Les phénomènes actuels ne sont pas suffisamment pris en compte, dans leur dimension globale, au niveau de l'Afrique. L'AFD devrait être la première agence non-africaine à avoir cette approche continentale. J'étais en Tunisie il y a une semaine et j'ai été frappé par le fait que mes interlocuteurs voulaient bâtir des liens plus étroits avec leurs voisins du sud. Nous devons accompagner ce mouvement.
Mme Conway-Mouret m'a interrogé sur les changements climatiques. L'Agence réalise 50 % de son activité en Afrique, 55 % en faveur du climat et 50 % avec d'autres acteurs que les gouvernements. C'est notre spécificité.
Dès mon arrivée, j'ai validé un plan d'action sur la mise en oeuvre du programme énergies renouvelables en Afrique. Nous nous étions engagés sur 2 milliards, mais mes équipes me disent que nous allons dépasser ce chiffre. Les Africains vont expérimenter des formes de production et de distribution novatrices. L'Afrique va donc nous apprendre des process que nous ne connaissons pas. De même, la ville de Medellin a réorganisé tout son système de transport, y compris avec le métro câble. La France va s'inspirer de ce modèle. Mme Keller m'a dit sa surprise devant cette gestion novatrice des transports collectifs : la France pourrait sans doute s'en inspirer, y compris pour le ferroviaire.
L'éducation de base en français doit bien sûr être favorisée. La formation supérieure doit aussi être encouragée. Les deux secteurs les plus rentables en Afrique subsaharienne sont la micro-finance et l'éducation. L'AFD peut jouer un rôle important pour accompagner des entrepreneurs qui voudraient investir le champ de l'éducation. N'oublions pas non plus le partenariat mondial pour l'éducation dirigé par Mme Albright.
Plusieurs d'entre vous m'ont interrogé sur Expertise France : j'ai rencontré M. Sébastien Mosneron Dupin dès ma prise de fonction. Nous souhaitons travailler en commun car les deux maisons sont très complémentaires. Nous finançons tandis qu'Expertise France a un rôle d'expertise technique. Nos programmes font donc régulièrement appel à cet organisme. Reste que nos actions doivent apparaître coordonnées à la Commission européenne.
Oui, madame Perol-Dumont, l'AFD est la première agence à émarger sur les fonds européens. Nous souhaitons conserver ce leadership. Nous avons inauguré un centre d'enfouissement technique à Lomé : la France a investi 3 millions sur un projet qui a en coûté 20, dont 7 financés par l'Union européenne et 10 par la Banque ouest-africaine de développement (BOAD). Le Premier ministre français a posé la première pierre.
M. Malhuret m'a interrogé sur les partenariats : je vous avais dit que je voulais que l'AFD soit plus forte, plus innovante et plus partenariale. Les 12 milliards de projets prévus en 2020 ne pourront être menés par la seule AFD. Tous nos partenaires doivent être partie prenante et apporter des projets. Nous sommes en partenariat rapproché avec la société civile et avec les ONG, notamment depuis le transfert du guichet ONG en 2011. Dans le projet de budget pour 2017, 87 millions sont prévus pour ce guichet, en augmentation régulière depuis 2012. Dans la prochaine convention d'objectifs et de moyens (COM), nous définirons l'étape suivante. Nous devons aussi augmenter les crédits en faveur des collectivités locales qui se montent aujourd'hui à 3 millions. Lorsque j'étais à Lille et à Roubaix, j'ai senti que les collectivités avaient besoin d'un appui national pour aller de l'avant. Le partenariat implique, à mes yeux, davantage de projets.
Un mot sur la recapitalisation de l'AFD : l'Agence va disposer de près de 2,5 milliards de fonds propres supplémentaires d'ici la fin de l'année. Cette décision financière est majeure. Pour ce qui est des budgets à venir, nous savons ce qu'il en est : chaque année, le combat doit être mené ; c'est la règle.
Je ne me prononcerai pas sur le bien-fondé de la TTF. En revanche, je n'ai pas de doutes sur l'emploi de cet argent : les besoins sont tels que nous saurons employer les 270 millions qui nous ont été affectés par l'Assemblée nationale si, bien sûr, vous confirmez ce vote.
Je vous transmettrai des éléments précis sur le fonds Bêkou, messieurs Lorgeoux et Reiner. C'est un exemple parmi d'autres de l'utilisation des fonds européens, dont je n'entends que des témoignages positifs.
Dès que je vais dans un pays, j'entends une demande de France, monsieur Guerriau. C'est vrai en Afrique, mais aussi dans les pays émergents, d'où mon insistance à développer des réseaux et à trouver des alliés en France.
Je rencontre régulièrement le chef d'État-major des armées. Le général de Villiers est un grand avocat de l'aide au développement. J'ai employé l'expression « Barkhane du développement » afin de renforcer notre efficacité collective. Vous avez parlé de phase 2 : à mon sens, ces distinctions ont vécu. Dès le départ, sécurité et développement doivent oeuvrer de concert. M. Jean-Marie Guéhenno nous a bien dit qu'il fallait être très attentif dès le début de la crise, car c'est à ce moment-là que les lignes peuvent bouger, alors qu'ensuite, elles se cristallisent à nouveau.
Bien sûr, l'évaluation est indispensable, monsieur Cambon. Nous avons lancé 377 recrutements cette année, dont 225 nouveaux postes. Nous remettons à niveau divers services, dont ceux chargés de rendre des comptes. Avec le conseil d'administration, nous allons réfléchir au bon pilotage de cette maison : après les engagements viennent les signatures puis le décaissement et enfin les mesures d'impact. Nous devrons certainement renforcer notre management.
Avec les co-financements, il est possible de s'évaluer les uns les autres. En tant que magistrat de la Cour des comptes, je suis particulièrement sensible à ces questions de transparence et d'efficacité.
Notre nouvelle stratégie tiendra compte de la transition démographique, monsieur Néri. Cette notion sera donc utilisée et nous la déclinerons sous plusieurs aspects : secteurs sociaux, emploi, retraites, jeunesse... Les problèmes démographiques de l'Afrique ne concernent pas seulement l'Europe : l'Afrique devra aussi gérer ses flux internes. Nous allons voir avec la Caisse des dépôts quels sont les instruments disponibles pour être plus efficaces qu'aujourd'hui.
Nous avons fait un tour approfondi de tous les sujets. Je remercie le directeur général et nos deux rapporteurs ainsi que tous les intervenants. Ce sujet est important et comme nous sommes la commission des affaires étrangères et de la défense, nous estimons que sécurité et développement forment un tout avec, comme but ultime, la paix.
La réunion est levée à 12 h 45.