La commission examine le rapport pour avis de MM. Jean-Marie Bockel et Jean-Pierre Masseret sur le programme 129 - Coordination du travail gouvernemental - de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » du projet de loi de finances pour 2017.
Il nous revient cette année encore de vous présenter notre avis sur les crédits de l'action 2 du programme 129 qui recouvre pour l'essentiel le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), l'Agence nationale de sécurité des systèmes d'information (ANSSI), le Groupement interministériel de contrôle (GIC) et deux établissements publics, l'Institut des hautes études de la défense nationale (IHEDN) et l'Institut national des hautes études de sécurité et de justice (INHESJ), et représente plus de la moitié des crédits du programme 129.
Cette action, dotée de 350 millions d'euros en autorisations d'engagement (+7%) et de 345 en crédits de paiement (+9,5%), progresse, conséquence de la poursuite de la montée en puissance de l'ANSSI, de la mise en oeuvre de la loi de 2015 relative au renseignement et de l'intensification des actions du SGDSN dans le domaine de la sécurité nationale, compte tenu de l'aggravation des menaces.
Jean-Marie Bockel vous exposera notre avis sur l'ANSSI qui représente plus de la moitié des effectifs et des crédits de cette action. Je vous présente, pour ma part, les crédits affectés aux autres entités.
S'agissant du coeur historique du SGDSN, je voudrais formuler deux observations. Nous constatons un développement des missions et une intensification de l'activité du SGDSN. L'aggravation des menaces a donc des conséquences sur son niveau d'activité. Pour illustrer mon propos, je relève le passage, depuis les attentats de novembre 2015, du rythme des réunions du conseil de défense et de sécurité nationale, de mensuel à quasi-hebdomadaire. Deuxième exemple : le plan Vigipirate rénové, publié en janvier 2014, a d'ores et déjà été complété depuis 2 ans par plus de trente postures particulières.
D'autre part, il devient la structure de portage d'un ensemble d'entités plus ou moins autonomes comme l'ANSSI ou encore le centre des transmissions gouvernementales ou le groupement interministériel de contrôle. Ensemble qui, tant en crédits qu'en effectifs, dépasse largement le coeur historique du SGDSN.
Si ces entités rattachées ont vu leurs moyens croître, tel n'a pas été le cas depuis plusieurs années du SGDSN qui a perdu des emplois avec, pour conséquence, un affaiblissement de la fonction « Soutien » dont les effectifs représentaient 15% du total en 2009 et ne représentent aujourd'hui qu'un peu plus de 7%. Si le SGDSN a vocation à demeurer une administration de mission d'une taille maîtrisée, cette caractéristique ne doit pas devenir une faiblesse, alors que ses missions se développent en intensité et en diversité. Nous estimons que cette situation doit faire l'objet d'une attention vigilante.
Ma seconde série d'observations concerne le GIC.
La loi relative au renseignement de juillet 2015 modifie sensiblement ses missions. Jusqu'alors chargé d'exécuter les interceptions de sécurité et de recueillir les données de connexion, il devient le pivot interministériel de gestion de l'ensemble des techniques et assure, pour leur mise en oeuvre, un rôle de conseiller auprès du Premier ministre et de correspondant privilégié de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR).
La place du renseignement dans la lutte contre le terrorisme entraîne dans le même temps une intensification de son activité.
Pour ce faire, il doit adapter ses structures et son organisation et réaliser un certain nombre d'investissements.
La révision du statut d'ensemble de son personnel a été initiée en cours d'année 2016, avec le rattachement effectif de son personnel au service du Premier ministre et par le transfert en 2017 des personnels militaires et civils qui, jusqu'alors, étaient mis à disposition par le ministère de la défense. Au total, le GIC disposera, en 2017, de 189 emplois temps plein (ETP). A l'horizon 2020, il devrait employer 220 personnes.
Un effort budgétaire est réalisé pour accompagner sa montée en puissance. Les crédits, hors titre 2, sont élevés à 16,6 millions d'euros, dont une moitié pour des investissements (acquisition de matériel informatique et réalisation d'infrastructures).
La montée en puissance du GIC constitue le point sensible de la mise en oeuvre efficace de la loi relative au renseignement. Nous mesurons l'ampleur et l'enjeu du processus de transformation en cours. Nous souhaitons que le Premier ministre se montre particulièrement attentif pour la sécuriser. Nous approuvons le renforcement de son autonomie et son financement, à titre principal, par des crédits généraux. Les modalités techniques de son adossement au SGDSN devront rapidement être précisées pour entamer la gestion de l'exercice 2017 sur des bases stables.
Quelques mots sur les fonds spéciaux. L'enveloppe est portée à 67,8 millions d'euros. Cet ajustement accompagne la montée en puissance des services de renseignement dans la lutte anti-terroriste. Il correspond à une demande de la Commission parlementaire de vérification des fonds spéciaux dans son dernier rapport.
Enfin, j'en viens aux deux opérateurs que sont l'IHEDN et l'INHESJ, l'un et l'autre poursuivent leur restructuration, mais à moyens comptés puisque les crédits sont une nouvelle fois revus à la baisse, -5%, et, comme leurs plafonds d'emplois, amputés de 2 unités pour l'IHEDN et de 4 pour l'INHESJ. Les établissements sont invités à développer leurs ressources propres. Nous relevons la difficulté que l'IHEDN éprouve désormais à mobiliser le soutien logistique des forces armées, en raison de l'intensification de leur engagement, et sur la nécessité pour celui-ci de conclure un contrat d'objectifs et de performance avec l'Etat pour concrétiser les orientations de son plan stratégique. Ce contrat « 2015-2017 » est en cours de négociations depuis plus d'un an, autant dire qu'il sera un exercice pour la forme. En revanche, il serait souhaitable que cette démarche soit entreprise de conserve dans les deux instituts pour la période 2017-2020 puisqu'ils sont amenés à mutualiser leurs moyens, mais il faudrait engager le travail dès le premier semestre de 2017.
Je m'associe aux propos de Jean-Pierre Masseret. Pour illustrer son propos sur les activités de l'INHESJ, je voudrais vous indiquer que j'ai eu l'occasion de visiter leurs nouveaux locaux sur le site de l'Ecole militaire et, notamment, la salle de formation à la gestion de crises qui accueille régulièrement des sessions de formation des préfets ou des ambassadeurs qui viennent d'être nommés, des élèves de l'école nationale d'administration, des fonctionnaires territoriaux, au cours desquels ils sont initiés à la conduite d'un état-major en situation d'être nommé. J'ai été très favorablement impressionné.
Il m'appartient de formuler quelques observations concernant l'ANSSI dont la montée en puissance se poursuit.
La cyberdéfense est devenue un enjeu majeur dans une société de plus en plus connectée. Nous avions travaillé ce sujet dans un rapport d'information en 2012 au sein de la commission et formulé des recommandations qui sont aujourd'hui progressivement mises en application. En effet, les systèmes d'information sont des points de vulnérabilité. Il est impératif d'en assurer la protection face au développement, naturellement, de l'espionnage industriel, scientifique et commercial, mais aussi contre le développement d'une cybercriminalité de plus en plus puissante et active. Selon le rapport Symantec 2016, 430 millions de variantes de programmes malveillants sont apparus sur le marché en 2016. Les grands groupes criminels sont à la fois des acteurs et des prestataires pour exploiter certaines failles, mais aussi les vendeurs de solutions de hacking de petits escrocs. Un demi-milliard de dossiers personnels ont été volés ou perdus. Le rançonnage qui consiste à chiffrer des données et à vendre la clef de déchiffrement contre rançon a augmenté de 35 % (391 000 attaques en France en 2015). La France est passée du 14e au 9e rang des pays où la cybercriminalité est la plus active.
Face à cette menace, la plupart des Etats ont mis en place des agences de cyberdéfense, de taille comparable à celle de l'ANSSI, qui poursuivent leur montée en puissance.
Sur la base de la stratégie nationale de sécurité informatique, l'ANSSI a développé toute une série d'activités à partir de ses six laboratoires d'expertise qui sont maintenus à un haut niveau de compétence et reconnus sur le plan international. Son périmètre d'action s'est élargi au-delà de la protection des administrations de l'Etat. Cela commence par la réglementation. Les textes d'application des dispositions de la loi de programmation militaire de décembre 2013, à la rédaction desquelles nous avions travaillé en commission concernant les opérateurs d'importance vitale, sont progressivement mis au point et publiés. Cela va jusqu'à l'investissement dans la mise au point de certains produits de sécurité en passant par une labellisation des produits, des prestataires de confiance et des filières de formation, et enfin du conseil apporté aux collectivités territoriales et aux entreprises avec le développement d'un réseau de correspondants en région.
Pour ce faire, l'ANSSI voit ses moyens progresser.
Ses effectifs passeront en 2017 de 497 à 547 ETP, +50. L'ANSSI considère toutefois que son effectif devrait être d'une centaine d'agents supplémentaires pour réaliser l'ensemble de ses missions. Ces effectifs ont des caractéristiques particulières, 25 % des agents étaient âgés de moins de 30 ans, et 40 % avaient entre 30 et 40 ans. Enfin, trois quarts des agents étaient des contractuels. En effet, les profils recherchés par l'ANSSI sont rares dans la fonction publique.
La montée en puissance reste un défi structurel de l'agence qui doit également pourvoir au turn over relativement important de ses agents. Elle doit à la fois recruter en nombre et maintenir la qualité de ce recrutement.
Le recrutement à la sortie des grandes écoles et des universités demeure relativement aisé en raison de la bonne réputation de l'agence. Le maintien de cadres et de techniciens expérimentés est plus problématique, compte tenu des rémunérations offertes par le secteur privé malgré l'existence d'une procédure permettant la transformation des CDD en CDI et la souplesse dont elle bénéficie pour fixer le niveau de rémunération. Le départ d'agents de l'ANSSI permet également l'émergence d'un réseau dans le secteur privé et un moyen de développer la « culture » de la cybersécurité.
Face à ces difficultés spécifiques, l'ANSSI doit être soutenue, en pérennisant les emplois autorisés mais non pourvus et en maintenant une certaine souplesse au niveau des rémunérations.
À plus long terme, une politique active de développement de filières de formation doit être conduite. La faiblesse du vivier demeure inquiétante et la concurrence devient de plus en plus forte entre les employeurs, y compris au sein du secteur public. Nous approuvons l'engagement de l'ANSSI dans une politique de labellisation des formations, mais cet effort devrait être conforté par une action plus intense du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, mais aussi des partenaires économiques, qui sont maintenant impliqués, pour orienter les universités et les grandes écoles à développer ces filières d'avenir. La formation est aussi un investissement d'avenir.
S'agissant des crédits affectés à l'ANSSI au sein du budget du SGDSN, la principale opération d'investissement concerne la création d'un centre sécurisé de serveurs informatiques pour stocker et traiter les données recueillies lors des cyberattaques. L'investissement, porté par le ministère de l'intérieur, représente un coût total de 24,2 millions d'euros que le SGDSN finance aux trois quarts. Les crédits ont été inscrits en AE (18,2 millions d'euros) en 2016 et transférés au ministère de l'intérieur. En 2017, 6,5 millions sont inscrits en CP. Pour le reste, les crédits servent pour l'essentiel à de l'acquisition de matériel informatique et au fonctionnement de l'agence et, notamment, du centre opérationnel.
Globalement, nous sommes satisfaits de l'évolution des crédits de cette action et donc du programme 129 et vous proposons d'exprimer un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Direction de l'action du gouvernement ».
Vous avez fait état du montant des fonds spéciaux. Ils sont couverts par le secret de la défense nationale. Savez-vous si l'ANSSI en bénéficie ?
Le montant est connu puisqu'il figure dans le programme annuel de performance annexé au projet de loi de finances. Ils sont destinés au financement d'actions liées à la sécurité extérieure et intérieure de l'Etat. Leur affectation est couverte par le secret de la défense nationale. Il appartient à une instance parlementaire spécifique, la commission de vérification des fonds spéciaux, d'en contrôler l'utilisation.
Nos capacités de cyberdéfense, sous tous leurs aspects, participent à la souveraineté de la France. Ces capacités sont reconnues sur le plan international.
Les autres pays européens font-ils un effort équivalent ? Comment se situe la France en Europe en matière de cyberdéfense ? Les Européens coopèrent-ils ?
S'il y a quelques années la France était un peu en retard sur ces questions, ce n'est plus le cas depuis la création de l'ANSSI. Les autres pays comme la Grande-Bretagne ou l'Allemagne ont des organismes dédiés à la cyberdéfense et y affectent des moyens au moins équivalents à ceux de l'ANSSI. Ils sont d'ailleurs en train de réévaluer à la hausse ces moyens et ils ont raison, car dans un domaine où les technologies évoluent très rapidement, ralentir l'effort, c'est se rendre plus vulnérable. Même de plus petits États comme les Pays-Bas investissent dans ce domaine, sans parler de l'exemple connu de l'Estonie qui, après de violentes cyberattaques peu après son indépendance, a fait de la cybersécurité une priorité et a développé une expertise d'excellence en ce domaine.
S'agissant de la coopération, il s'agit d'un domaine stratégique et donc les partenariats se nouent entre Etats. Au niveau de l'Union européenne, l'élaboration d'une réglementation commune progresse et il existe aussi des financements pour la recherche et le développement.
Ma question portait sur le même sujet de la coopération internationale, il y a été répondu.
La coopération européenne progresse, il y a une vraie prise de conscience. Elle a également progressé au sein de l'OTAN.
La Commission donne un avis favorable, à l'unanimité, à l'adoption des crédits de la mission « Direction de l'action du gouvernement ».
La commission entend la communication de Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur, et examine le projet d'avis de la commission sur le contrat d'objectifs et de moyens 2016-2020 entre l'Etat et France Médias Monde.
Nous sommes saisis du projet de contrat d'objectifs et de moyens de France Médias Monde, société nationale de programme en charge de diffuser à l'international des programmes d'information radiophoniques, télévisuels et multimédia en langues française et étrangères, à travers trois marques : France 24, RFI et MCD.
Ce contrat, qui couvre la période 2016-2020, nous arrive bien tard. Le gouvernement avait semble-t-il besoin de disposer d'une vision d'ensemble du secteur public de l'audiovisuel, après le renouvellement des directions de Radio France et de France-Télévisions pour présenter ce texte. Je souhaiterais, à l'avenir, que ces contrats nous soient soumis avant le début du premier exercice comptable de la période visée. En revanche, sa durée passe de 3 à 5 ans, ce qui permettra à l'entreprise de conduire son développement avec des perspectives claires. C'est un point positif.
Votre commission avait donné un avis favorable à l'unanimité au contrat 2013-2015 en l'assortissant de quelques réserves. La société a réalisé la quasi-totalité des objectifs, tout en préservant l'équilibre des comptes, dégageant même des moyens pour entamer, sur ses fonds propres, le passage à la diffusion en haute définition. Après cette phase de consolidation, de développement de l'offre éditoriale et d'excellentes performances des médias numériques, le nouveau contrat consacre une nouvelle étape.
Le lancement de France 24 en espagnol en constitue le principal enjeu. Dans un budget nécessairement contraint, la diffusion en Amérique latine, aux côtés des signaux francophones et anglophones, de 6 heures quotidiennes, complétées de programmes en français ou en anglais, est un objectif raisonnable, tout comme le choix d'une rédaction implantée à Bogota, d'une synergie avec RFI en espagnol et son réseau de radio partenaires et sa déclinaison sur les environnements numériques. Je propose simplement que la commission rappelle son attachement à une forme d'équilibre selon lequel tout développement en langue étrangère appelle un effort en faveur du maintien des positions des programmes en français et leur mise en synergie. C'est bien le cas dans ce projet.
Le deuxième projet est la participation de France 24 à la chaîne publique d'information « franceinfotv » diffusée depuis le mois de septembre sur le TNT. Tant qu'elle n'implique pas un effort financier ou un engagement juridique, cette participation est acceptable, même si, personnellement, je suis réservée sur ce projet piloté par France Télévisions. Je propose d'assortir notre acquiescement des garde-fous nécessaires En précisant que, en cas d'évolution sur ces points, un avenant devra être soumis aux commissions parlementaires.
Le troisième axe d'effort porte sur le développement numérique. Il s'agit de maintenir, développer et valoriser l'excellence de la position acquise.
La vocation de la société est de porter une stratégie mondiale de diffusion. Je vous propose néanmoins d'exprimer le souhait que l'Afrique, où les luttes d'influence s'intensifient, reste, comme le Maghreb, une zone prioritaire, notamment par la présence de France 24 sur la TNT, qui doit être activement soutenue par notre diplomatie, par le développement de l'offre radiophonique et télévisuelle, à travers des syndications de chaînes partenaires et par l'organisation de décrochages de contenus de France 24 à destination de l'Afrique ; perspective, de mon point de vue, trop discrètement évoquée dans le texte.
Mon grand regret, dans ce document, est le manque d'ambition à favoriser la diffusion sur le territoire national des médias de France Médias Monde. Cette offre de service public constituerait, à moindre coût, un formidable outil de cohésion sociale et permettrait d'offrir une alternative en langues française et étrangères à des programmes dont les contenus ne sont pas toujours compatibles avec les valeurs de la République et qui n'ont pas pour vocation première de favoriser l'intégration ; sans compter que la diffusion de ces programmes ne pourra que contribuer à l'ouverture d'esprit de nos concitoyens sur le monde à l'heure où sont réaffirmées les ambitions internationales de la France. Cette préconisation figurait dans l'avis rendu sur le contrat 2013-2015 et dans les avis de la Commission sur le programme 844 depuis lors. La Commission pourrait demander que cette vocation soit affirmée plus explicitement.
Le contrat envisage, à l'horizon 2018, l'adossement de CFI, organisme chargé de la coopération dans le domaine de l'audiovisuel, à France Médias Monde, conséquence du désengagement du ministère des affaires étrangères. Ce choix, plutôt qu'à Expertise France qui a vocation à regrouper toute l'offre d'expertise française et dispose d'une véritable compétence en matière de financement de ce type d'actions ou à l'Institut national de l'audiovisuel qui a une compétence reconnue en matière d'expertise et de formation, mériterait une évaluation complémentaire. Je propose que nous indiquions nos réserves. A minima, il conviendrait que cette activité soit cantonnée dans une filiale et que son financement repose sur des subventions du ministère des affaires étrangères au titre de l'aide au développement ou d'autres contributeurs internationaux et sur des ressources propres. Il ne saurait être envisageable que des ressources de la redevance financent l'aide au développement et réciproquement. Si cet adossement intervient, il faudra procéder par avenant et votre commission devra en être saisie.
S'agissant des moyens, nous avions souhaité dans notre précédent avis que l'Etat s'attache à récompenser l'efficacité de la gestion d'un opérateur vertueux. Pour une fois, et c'est une bonne chose, l'efficacité est gratifiée positivement par une progression de la dotation de la contribution à l'audiovisuel public de 9,5% sur la durée du contrat (+23,1 millions d'euros).
Il reste que la réalisation du contrat restera subordonnée :
- au respect des engagements de l'Etat, à la hauteur et selon le calendrier prévus ;
- à la réalisation des objectifs de ressources propres, modestes en valeur absolue, très ambitieux en valeur relative (+30,4% pour la publicité et le parrainage). A cet égard, il serait souhaitable que le cahier des charges de FMM soit révisé pour que RFI puisse diffuser de la publicité commerciale sur ses antennes en France ;
- à la maîtrise de sa masse salariale dans le cadre de la mise en oeuvre de l'accord d'entreprise conclu le 31 décembre 2015 ;
- et à la réalisation d'économies de fonctionnement dont on mesure la difficulté compte tenu des efforts passés.
Sous réserve de ces observations, je vous propose d'adopter l'avis dont le texte vous a été distribué.
La Commission adopte à l'unanimité le texte de l'avis sur le contrat d'objectifs et de moyens 2016-2020 entre l'Etat et France Médias Monde. Il fera l'objet d'une publication sous forme d'un rapport d'information.
La commission examine le rapport pour avis de Mme Joëlle Garriaud-Maylam et M. Philippe Esnol sur les programmes 844 - France Médias Monde - et 847 - TV5 Monde - de la mission « Avances à l'audiovisuel public » du projet de loi de finances pour 2017.
Dans le projet de loi de finances voté par l'Assemblée nationale, les ressources publiques aux opérateurs de l'audiovisuel public s'élèvent à 3,931 milliards d'euros, financées pour l'essentiel de la « redevance », dont le taux augmente de 1 €, et marginalement par affectation d'une partie du produit de la taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques (TOCE). Ces ressources progressent globalement de 1,6 % par rapport à 2016.
J'observe que l'assiette de la redevance, compte tenu des nouveaux usages (TV sur internet ou sur mobile), progresse moins que par le passé, ce qui ne laisse guère le choix au législateur que d'en augmenter le taux au-delà de la garantie de couverture de l'inflation ou de solliciter la TOCE, s'il souhaite financer de nouveaux projets, à défaut de pouvoir réaliser rapidement des économies significatives dans les plus grandes entités. Il serait utile de réfléchir à une évolution de l'assiette de la redevance englobant les nouveaux supports.
Au sein de cette masse, les opérateurs de l'audiovisuel extérieur ne reçoivent que 8,57%, France Médias Monde 256,8 millions d'euros et TV5Monde, 80 millions. Mais leurs dotations, si modestes soient-elles, progressent plus que la moyenne : respectivement 3,1 et 1,9%.
Alors qu'ils sont en phase de finalisation d'un contrat d'objectifs et de moyens 2016-2020 avec l'Etat pour FMM et d'un plan stratégique 2017-2020 pour TV5 Monde, leurs situations apparaissent très contrastées. La voie semble tracée et les financements assurés pour FMM, nous venons de le voir en examinant son contrat d'objectifs et de moyens. Elle semble pavée d'incertitudes pour TV5 Monde, Philippe Esnol s'y attardera dans un instant.
La couverture de France 24 atteint 315 millions de foyers avec notamment le développement de la diffusion sur la TNT en Afrique subsaharienne et le renforcement de sa distribution en Asie et aux États-Unis. Sur le tiers de leurs zones de réception, là où des mesures peuvent être réalisées, France 24 réunit 50,9 millions de téléspectateurs (45,9 en 2014) en données hebdomadaires, RFI, 40 millions d'auditeurs (37,3 en 2014) avec désormais une diffusion en mandingue, langue vernaculaire d'Afrique de l'ouest, et MCD qui diffuse en arabe, 7,3 millions. Sur ses environnements numériques, elle compte 30 millions de visites en moyenne mensuelle, et sur les réseaux sociaux, elle est n° 1 des médias sur Facebook avec 32 millions d'abonnés et compte 13,7 millions d'abonnés sur Twitter.
Au terme de son contrat d'objectifs 2013-2015, elle a réalisé tous les objectifs dépendant de sa seule action tout en préservant ses équilibres financiers grâce aux efforts de productivité et d'économies réalisés ces dernières années.
Elle a pu consolider et optimiser les grilles et contenus des trois médias, poursuivre le développement des environnements numériques avec le lancement des sites RFI Savoir et RFI Afrique, le développement de nouvelles applications et le lancement avec le site américain Mashable en mars 2016 d'un portail en français destiné à la jeune génération, développer sa présence à l'international sur tous ses supports, accompagner la transition vers la production HD, renforcer sa sécurité physique et informatique et, enfin, signer un accord d'entreprise qui constitue le socle social applicable à l'ensemble des salariés en harmonisant les fonctionnements et les modes de traitement des différentes catégories de personnel, à partir de régimes très disparates et dans une enveloppe budgétaire contrainte (4,1 millions d'euros en année pleine).
Pour 2017, premier exercice effectif de mise en oeuvre du nouveau contrat d'objectifs et de moyens, FMM aura pour but de consolider son offre éditoriale linéaire et numérique et de lancer France 24 en espagnol à l'automne, de développer un site mobile en arabe, en anglais et en français à destination des migrants aux côtés de la Deutsche Welle et de l'ANSSA (agence de presse italienne), financé intégralement par l'Union Européenne et de lancer un troisième journal télévisé sous-titré de France 24 pour les sourds et malentendants. L'entreprise prendra en compte l'évolution des charges de personnel liée au glissement de 2,2 % de la masse salariale dans le cadre de la négociation annuelle obligatoire tenant compte de la signature de l'accord d'harmonisation sociale, ainsi que de la hausse des amortissements liée aux importants investissements réalisés pour le passage à la HD.
Pour financer ces projets, FMM disposera de 251,5 millions d'euros de ressources publiques et d'une prévision de ressources propres de 9,4 millions d'euros (+2,2%), étant entendu que certains projets (Mashable, portail migrants) sont autofinancés par des ressources affectées.
Ces modalités sont conformes aux dispositions du COM.
TV5 Monde, vous le savez, est le principal outil télévisuel de rayonnement de la France et de la francophonie. A travers ses neufs déclinaisons généralistes régionalisées, sous-titrées dans 14 langues, et ses deux programmes thématiques HD Style consacrés à l'art de vivre et Tivi5Monde destiné aux enfants, elle est disponible dans 318 millions de foyers répartis dans 200 pays et territoires, soit une progression de 7 % par rapport à 2015.
Elle a été très affectée par une importante cyberattaque le 8 avril 2015 qui a interrompu, puis dégradé sa diffusion. Les coûts de rétablissement et de rehaussement du niveau physique de protection se sont élevés en 2015 à 4,67 millions d'euros et de 3,69 millions d'euros en 2016 sans compter la mobilisation des équipes de l'ANSSI. La société devra en outre affréter une équipe spécifique de supervision pour un montant récurrent estimé à 3 millions d'euros, ce qui représente environ 30 % de ses coûts de fonctionnement courants et près de 3% de l'ensemble de ses dépenses. Illustration concrète des conséquences de la cybercriminalité dont nous entretenait, ce matin, Jean-Marie Bockel.
En 2015, elle a suspendu tous les nouveaux développements prévus dans son plan stratégique 2014-2016, notamment dans le domaine des nouveaux médias et réalisé un plan d'économies drastique, y compris sur les dépenses de programmes et de diffusion. Les aides des pays bailleurs arrivant trop tardivement.
En 2016, la situation s'est redressée parce que TV5 Monde a bénéficié des contributions exceptionnelles non renouvelables des Etats bailleurs et d'une économie sur la taxe sur les salaires pour restaurer ses marges de manoeuvre et remettre à niveau ses programmes. Toutefois, l'indisponibilité de son équipe informatique en raison de la mise en place du système de protection a gelé les développements numériques.
Elle a pu néanmoins sur ses ressources propres financer le lancement de HD Style en Asie Pacifique et au Moyen-Orient en 2015 et adapter son offre destinée aux enfants pour une diffusion en Afrique francophone depuis mai 2016.
L'année 2017 se profile avec de grandes incertitudes.
TV5 Monde devra financer de façon récurrente 3 millions d'euros pour sa cybersécurité, le glissement d'un certain nombre de charges, la production et la diffusion en année pleine de certains programmes et des surcoûts liés au déménagement de son sous-locataire CFI. Elle ambitionne aussi de mettre en oeuvre son plan stratégique pour 2017-2020.
Ce plan est ambitieux. Il prévoit la transformation numérique de l'entreprise, chantier indispensable pour permettre à la chaîne de ne pas passer à côté de la mutation du marché mondial, mais qui sera difficile, notamment parce qu'il implique, dans sa dimension interne, une évolution des métiers.
L'objectif de mutation numérique de l'entreprise doit par ailleurs soutenir ses priorités géostratégiques en première ligne desquelles se trouve l'Afrique, principale opportunité et premier territoire de développement de la francophonie, où la concurrence se renforce chaque jour davantage. Pour ce faire, TV5 Monde doit obtenir d'être largement diffusée en TNT, et pour cela jouer son rôle de chaîne panafricaine, par des investissements accrus en programmes, en marketing, et potentiellement en sous-titrage dans les langues locales.
La chaîne doit aussi respecter ses missions de distribution la plus large possible et poursuivre la transition de sa distribution linéaire en HD. Afin d'accroître son accessibilité en dehors des seuls publics francophones, le renforcement de sa politique de sous-titrage est également un impératif. De même, la distribution des chaînes jeunesse « TIVI5 Monde » et « HD Style » devra être poursuivie.
Le besoin de financement dès 2017 serait de l'ordre de 9 millions d'euros.
La conférence des Hauts fonctionnaires responsables réunie en Suisse la semaine dernière a débouché sur une position ambiguë d'approbation du plan, mais sans s'engager sur son financement dans la durée. Les priorités qui font consensus sont la transformation numérique et l'Afrique.
L'ensemble des bailleurs ont admis d'inclure les coûts de cyber-protection dans la base de financement de la société et proposé une augmentation de leurs contributions : 1,43 million d'euros pour la France qui porte sa contribution à 78,36 millions et de 0,67 million d'euros pour les autres bailleurs qui portent leur contributions à 24,7 millions. Il y a donc, au stade actuel, une impasse partielle.
De notre point de vue, il existe un problème de gouvernance de la société par les pays bailleurs. Nous avions observé leur faible réactivité lors de la cyberattaque d'avril 2015, les financements complémentaires n'arrivant que pour l'exercice 2016. Nous l'observons de nouveau aujourd'hui pour le financement d'un plan stratégique qui recueille leur approbation. Cela ne rend pas facile la gestion de l'entreprise qui a besoin de perspectives claires pour avancer et laisse douter de la puissance de la volonté des partenaires de soutenir l'un des seuls projets concrets et visibles de la Francophonie.
Ce faisant, malgré ces réserves, compte tenu de l'effort non négligeable réalisé en faveur des opérateurs de l'audiovisuel extérieur, dont les dotations, si modestes soit-elles, progressent dans un contexte où la priorité budgétaire générale de maîtrise des dépenses publiques va plutôt à la défense et à la sécurité, ce qui témoigne de la prise de conscience de leur importance comme vecteurs d'influence dans un mode de plus en plus troublé et sur un marché de plus en plus concurrentiel, nous vous proposons de donner un avis favorable à l'adoption des crédits inscrits au Compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » pour ce qui concerne les programme 844 « France Médias Monde » et 847 « TV5 Monde ». C'est aussi un encouragement pour les dirigeants et les personnels de ces médias.
Avez-vous un avis sur les programmes de ces médias et plus généralement comme outil de l'action extérieure de la France ? Vous évoquez la difficulté de mobiliser les États bailleurs de TV5 Monde, il faut se souvenir qu'en un temps, la France avait eu quelque velléité de s'approprier » cet outil, ce qui avait suscité des mécontentements des partenaires canadiens et suisses, notamment. Est-ce que le climat s'est amélioré ?
Je crois que les partenaires sont attachés à cet outil, mais que les contraintes budgétaires s'imposent dans tous les Etats. La cyberattaque a tout de même soudé les partenaires qui ont tous sans exception apporté une contribution exceptionnelle. Reste que les moyens sont insuffisants pour assurer une présence plus importante sur tous les continents. La distribution, dans certaines régions, a un coût important que nous ne sommes pas toujours en mesure d'assumer alors que nos concurrents le font. Nous devrions être plus attentifs nous-mêmes lorsque nous réservons des chambres d'hôtel à l'étranger à s'enquérir de la distribution de France 24 et de TV5 Monde. Cela peut paraitre dérisoire, mais nos collègues américains et britanniques le font systématiquement, c'est aussi une manière de faire pression pour une meilleure diffusion de ces médias.
Nous avons eu quelques difficultés avec le Canada qui a pris beaucoup d'importance au sein des institutions de la francophonie lesquelles ont toujours regardé TV monde avec une certaine suspicion. Je crains qu'il ne sorte pas beaucoup de chose du sommet de la francophonie qui va se tenir prochainement à Antananarivo. Il faudrait, au cours de l'année qui vient, remettre à plat l'ensemble de cette organisation de la Francophonie et surtout que la France ait une vision claire de sa stratégie.
J'ai observé que TV5 Monde couvrait les grandes manifestations organisées par la France comme le Vendée Globe. Ces grandes manifestations sont aussi des relais d'influence et je me réjouis de cette synergie.
La Commission donne un avis favorable à l'adoption des crédits inscrits au Compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » pour ce qui concerne les programmes 844 « France Médias Monde » et 847 « TV5 Monde ».
La commission examine le rapport pour avis de M. Jean-Pierre Grand et Mme Marie-Françoise Perol-Dumont sur le programme 151 - Français à l'étranger et affaires consulaires - de la mission « Action extérieure de l'Etat » du projet de loi de finances pour 2017.
Le programme 151 finance les dépenses du réseau consulaire et, à ce titre, l'ensemble des services dévolus aux Français établis hors de France (qui sont environ 2 millions) ainsi qu'aux Français de passage à l'étranger qui représentent, quant à eux, un flux de plus de 21 millions de personnes par an. De ce programme relève aussi la délivrance des visas.
Je commencerai par une présentation de l'évolution des crédits du programme 151 pour 2017. Je céderai ensuite la parole à ma collègue co-rapporteure Marie-Françoise Perol-Dumont pour un point sur l'évolution de la communauté des Français à l'étranger, du réseau consulaire et de son activité.
Pour 2017, les crédits du programme 151 s'établissent à 386,7 millions d'euros, en augmentation de 16,2 millions d'euros (soit une hausse de 4,4%) par rapport à 2016.
Cette hausse s'explique principalement par l'inscription d'une dotation de 15,3 millions d'euros destinée à l'organisation des élections présidentielle et législatives. Il faut également noter une augmentation de 10,2 millions d'euros des crédits de titre 2 (masse salariale), dont 6,7 millions pour les services offerts aux Français de l'étranger et 3,5 millions pour le traitement des demandes de visas.
La préparation et l'organisation de l'élection présidentielle en avril-mai et des élections législatives en juin - au cours desquelles 11 députés français de l'étranger seront élus -, devraient particulièrement mobiliser le réseau consulaire en 2017. La possibilité, ouverte aux consulats depuis novembre 2015, de transmettre les procurations aux mairies par voie électronique permettra une baisse significative des délais d'acheminement, ce dont il faut se réjouir.
Les listes électorales consulaires (qui comptent 1,2 million d'électeurs) devraient, en outre, gagner en fiabilité grâce à la dématérialisation complète, depuis juin dernier, du registre des français de l'étranger dont elles sont extraites.
D'autres mesures de simplification adoptées dans le cadre de la loi du 1er août 2016, rénovant les modalités d'inscription sur les listes électorales, comme l'obligation de choisir entre l'inscription sur la liste électorale consulaire ou sur celle de leur commune française de rattachement, en vue d'éviter les problèmes liés à la double inscription, n'entreront malheureusement pas en vigueur avant les échéances électorales de 2017.
Comme en 2012, les Français de l'Etranger pourront choisir de voter par voie électronique pour les élections législatives, un nouveau marché ayant été attribué à cet effet, mais pas pour l'élection présidentielle. L'ergonomie du vote, point qui avait fait l'objet de critiques lors des dernières élections, devrait s'en trouver améliorée.
L'activité visas poursuit sa progression : 3,2 millions de visas ont été délivrés en 2015, contre 2,8 millions l'année précédente, soit une augmentation de 14,3% supérieure à celle enregistrée en 2014. La grande majorité (93 %) est constituée de visas de court séjour, pour l'essentiel liés au tourisme. Les recettes associées à cette activité augmentent elles aussi : 187 millions d'euros en 2015, contre 161 millions d'euros en 2014 et 137 millions d'euros en 2013.
Il faut toutefois s'attendre à une baisse sur l'année 2016, du fait de la réduction de la fréquentation touristique (-20% pour la Chine, -15 % pour la Russie) liée notamment au contexte sécuritaire et à la crainte d'attentats. C'est pourquoi le dispositif convenu l'année dernière avec le ministère des finances afin qu'une partie des recettes tirées des visas revienne au ministère des affaires étrangères et du développement international ne sera pas applicable en 2017. Même si le montant concerné était modeste (1,5 million d'euros en 2016), il a permis cette année le financement d'emplois hors plafond affectés au renfort du traitement des visas, ce qui était appréciable. Il est donc particulièrement regrettable que ce dispositif ne puisse produire d'effets en 2017.
La plupart des autres lignes du budget connaissent peu d'évolutions significatives. Il faut cependant souligner la nouvelle baisse subie par la dotation destinée aux bourses scolaires, qui passe à 110 millions d'euros, après une diminution de 125 à 115,5 millions d'euros l'année dernière. Cette baisse, nous dit-on, ne devrait pas avoir de conséquence sur le montant effectivement consacré à l'aide à la scolarité dans la mesure où la dotation budgétaire sera complétée par le reliquat d'un excédent de trésorerie dans les comptes de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) imputable à un changement de méthode comptable intervenu en 2012 et liée à la sous-consommation de l'enveloppe consacrée aux bourses en 2014 et 2015.
En pratique, selon les chiffres cités par le ministre, le montant annuel alloué aux bourses augmente depuis trois ans si l'on tient compte de cette soulte : 100 millions d'euros en 2015, 106 millions en 2016 et 110 millions en principe pour 2017. Il reste que la promesse de réaffecter intégralement aux bourses les économies liées à la suppression de la prise en charge des frais de scolarité n'est pas tenue. En outre, la souplesse apportée par la soulte ne pourra jouer au-delà de 2017. Une réévaluation de l'enveloppe sera indispensable dans le prochain PLF, sauf à diminuer l'aide effectivement apportée aux familles, une évolution qui serait difficilement supportable quand on sait que les frais de scolarité ne cessent quant à eux d'augmenter.
Les Français établis hors de France représentent une communauté forte de plus de 2 millions de personnes, dont 1,7 million étaient inscrites au Registre au 31 décembre 2015, un chiffre en augmentation de 1,8% par rapport à l'année précédente. Bien qu'inférieure au rythme moyen observé ces dix dernières années (+3 % par an), cette augmentation n'en est pas moins le signe d'une croissance dynamique.
Il faut rappeler que l'inscription au registre n'est pas obligatoire, de sorte qu'un certain nombre de nos compatriotes qui n'en ressentent pas le besoin, surtout en Europe et en Amérique du Nord, s'en exonèrent. Il faut espérer que la mise en service depuis le 15 juin dernier de l'inscription en ligne au registre, via le portail service public.fr, permettra d'améliorer le taux d'inscription. Cette facilité constitue une avancée importante, attendue de longue date, qui permet à tout un chacun de mettre à jour sa situation personnelle, y compris au regard de la liste électorale et d'obtenir des documents tels que la carte consulaire ou des attestations d'inscription.
Je rappelle que la première zone à accueillir des Français est l'UE (632 000), suivie de l'Afrique (236 000), de l'Amérique du Nord (234 000) et des pays européens hors UE (212 000), dont la Suisse (176 000 personnes), premier pays d'accueil au plan mondial. Les quatre autres premiers pays en termes de communauté française sont les Etats-Unis (142 000), le Royaume-Uni (128 000), la Belgique (121 000) et l'Allemagne (114 000).
En 2015, la taille de la communauté française à l'étranger croît dans toutes les régions du monde, à commencer par l'Amérique du Nord (+5%) et l'Europe hors UE (+4%), sauf au Moyen-Orient (-2%°). Si cette baisse s'explique par la situation politique notamment en Syrie, la progression reste tout de même forte dans des pays tels que l'Iran (+ 8%) et les monarchies du Golfe.
J'en viens maintenant au réseau consulaire et à son activité. Le 1er janvier 2016, le réseau consulaire était constitué de 213 postes (soit 8 de moins que l'année précédente) dont 89 consulats généraux et 120 sections consulaires d'ambassades, auxquels il faut ajouter 512 agences consulaires tenues par des consuls honoraires. Au troisième rang mondial derrière ceux des Etats-Unis et de la Chine, ce réseau continue à se transformer afin de maintenir son universalité et de répondre aux besoins de nos compatriotes malgré la contrainte budgétaire dans un contexte d'augmentation de la population française à l'étranger.
Cela impose de trouver des solutions permettant d'adapter les modalités de la présence consulaire, comme la transformation de consulats généraux en postes à gestion simplifiée ou en agences consulaires ou la suppression de sections consulaires et le transfert des fonctions consulaires à des postes de rattachement lié à la transformation d'ambassades en postes de présence diplomatiques (PPD). Dans le cadre de l'achèvement de la seconde phase de mise en place, des PPD devraient être prochainement supprimés, les postes consulaires du Nicaragua, du Salvador, des îles Fidji, des Seychelles et du Turkménistan.
Des activités telles que l'état-civil sont parfois regroupées dans certains postes qui se spécialisent, comme le poste consulaire de Berlin pour l'Allemagne ou celui de Rome pour l'Italie.
L'activité du réseau en direction des Français de l'Etranger reste soutenue, comme l'illustrent ces chiffres portant sur l'année 2015 : 258 350 demandes de passeports traitées, 76 200 cartes d'identité délivrées, 118 247 actes d'état civil établis. Il faut cependant noter, après des années de hausse, une tendance à la baisse en 2015 : - 5% pour les passeports, - 7 % pour les cartes d'identité et - 4% pour les actes d'état civil.
La délivrance d'actes notariés, activité que le réseau consulaire cherche à réduire, a elle connu un léger regain en 2015 et pourrait s'alourdir si, en conséquence de la déjudiciarisation du divorce par consentement mutuel, l'établissement des conventions de divorce, transféré aux notaires sur le territoire national, était mis à l'étranger à la charge des consulats. Cette perspective est évidemment un motif d'inquiétude pour la DFAE.
Parmi les avancées en termes de simplification des procédures, il faut noter l'entrée en vigueur, d'ici la fin de l'année, de l'envoi sécurisé des passeports par courrier sécurisé dans 38 pays - à la demande et aux frais des bénéficiaires, qui évite à ceux-ci une « deuxième comparution » au consulat.
Un nouveau dispositif pour le recueil des données biométriques des demandeurs de passeports à l'extérieur des consulats est en train d'être expérimenté, les valises Itinera utilisées depuis 2012 lors des tournées consulaires ne donnant pas toute satisfaction.
La pré-demande et le paiement en ligne des passeports seront mis en service dans le courant de l'année 2017. La dématérialisation des demandes de cartes d'identité fait, en outre, l'objet d'un projet auquel 90 000 euros sont consacrés en 2017 sur le programme 151.
Pour conclure, je vous propose de donner un avis favorable aux crédits du programme 151, même si leur augmentation en 2017 est essentiellement due à l'enveloppe destinée à la préparation des élections. En effet, grâce à la soulte, la baisse de la dotation des bourses ne devrait pas avoir de conséquence en 2017. Nous resterons, bien entendu, attentifs à son évolution, une réévaluation étant indispensable pour 2018.
Je suis également favorable à l'adoption de ce budget, tout en appelant à une vigilance particulière pour l'année prochaine, comme mon collègue, sur la dotation destinée aux bourses, ainsi que sur les crédits destinés à l'aide sociale (17,93 millions d'euros en 2017), qui ne sont pas affectés cette année mais que Bercy tente régulièrement de remettre en cause.
Merci pour cet exposé intéressant. Sur la question des bourses scolaires, il s'agit d'une diminution de 8 % d'une dotation destinée à des familles françaises à l'étranger qui sont dans le besoin, on aurait pu choisir une autre ligne budgétaire pour faire des économies. Les Français à l'étranger sont de moins en moins souvent des expatriés et, quand bien même ils le sont, l'aide de leur entreprise n'est plus ce qu'elle était. Certaines familles monoparentales qui travaillent n'arrivent plus à payer la scolarité et elles n'ont pas droit aux bourses parce que leurs revenus se situent juste au-dessus des seuils. Concernant les visas, je regrette que le mécanisme de retour ait porté sur une somme si limitée et a fortiori qu'il ne soit pas reconduit cette année, du fait sans doute de l'opposition de Bercy. S'agissant de la dotation destinée à l'organisation des élections, il faut souligner qu'elle provient du ministère de l'intérieur. Au final, j'approuverai ce budget même si j'aurais préféré m'abstenir.
J'abonde dans le sens de mon collègue Robert del Picchia concernant la dotation destinée aux bourses et les recettes tirées des visas. Je regrette beaucoup que des postes consulaires aient été supprimés pour faire des économies car ces suppressions posent d'importantes difficultés aux Français de l'étranger. Si les services consulaires en ligne constituent une avancée, il faut néanmoins souligner qu'un certain nombre de nos compatriotes à l'étranger n'ont pas accès à internet, ce qui pose problème, y compris pour le vote électronique. Pour ma part, je voterai ce budget mais avec des réserves.
Je remercie la rapporteure, Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, d'avoir évoqué l'aide sociale, il était important de le faire car ce sujet est préoccupant. La France est l'un des seuls pays dans le monde à délivrer une aide sociale aux personnes âgées, handicapées ou dans le besoin, y compris à l'enfance en détresse, se trouvant à l'étranger. Ce dispositif, qui remonte à 1977, est monté en puissance progressivement mais, depuis plusieurs années, l'enveloppe consacrée à cette aide sociale stagne alors que le nombre de demandeurs augmente. Il va falloir être vigilant à l'égard de son évolution à l'avenir et rappeler que cette politique unique au monde est nécessaire pour nos compatriotes à l'étranger.
Nous connaissons la réticence des Français à s'inscrire au registre, mais il faudrait les y inciter davantage et pas seulement pour des questions de sécurité liées à la survenue de catastrophes naturelles ou d'actes terroristes. Une affaire telle que celle qui a affecté les 200 salariés de l'entreprise Saudi Oger en Arabie saoudite, qui n'avaient pas été payés durant dix mois, a souligné les difficultés posées par l'absence d'inscription au registre et le manque de données individuelles quand il a fallu établir la liste et reconstituer la situation des personnes à dédommager. Je veux souligner que l'ambassade a mené un travail formidable dans ce dossier, à la résolution duquel j'ai également contribué.
Pour rebondir sur ce point, il faut souligner les efforts importants fournis par les ambassades et les consulats en faveur de l'inscription. Pour autant, l'idée de la rendre obligatoire est à manier avec précaution. En effet, cette mesure pourrait poser problème aux nombreuses personnes possédant une double nationalité dans des pays qui l'interdisent. Concernant l'affaire Saudi Oger, l'ambassade s'est effectivement fortement mobilisée et elle connaissait très bien les personnes concernées. Je veux aussi saluer l'implication dont ont fait montre les conseillers consulaires.
Au-delà de la baisse de la dotation des bourses qui pose problème, c'est tout le système de l'enseignement français à l'étranger qui se trouve menacé, les besoins en termes de renouvellement des infrastructures et des équipements, ainsi que de sécurité étant très importants, même si l'on a noté la mise en place cette année d'un fonds pour prendre en charge les mesures de sécurisation des établissements. Or, il faut le rappeler, notre réseau d'enseignement à l'étranger est unique au monde, il est essentiel pour notre rayonnement économique et culturel.
Pour revenir sur l'inscription au registre, il est juridiquement impossible de la rendre obligatoire ; en revanche, elle pourrait être couplée à la souscription d'une assurance rapatriement, moyennant le paiement d'une modique somme, qui serait garantie par l'Etat. Une telle mesure, qui a déjà été envisagée dans le passé, pourrait s'avérer incitative. Il faudrait relancer un tel projet, dans lequel des compagnies d'assurance sont prêtes à investir.
Il serait bien légitime que les personnes au secours desquelles l'Etat se porte puissent être identifiées.
Concernant la dotation destinée aux bourses, cela fait plusieurs années que l'on se repose sur ce reliquat, mais il faudra bien réévaluer l'enveloppe l'année prochaine. Concernant les critères d'attribution, l'administration estime qu'ils sont globalement satisfaisants et ne donnent pas lieu à des refus injustifiés alors que nos collègues sénateurs des Français de l'étranger nous font régulièrement part de la situation de familles se trouvant exclues du dispositif.
C'est que certains dossiers sont écartés au stade de l'instruction par les postes et ne sont même pas examinés en conseils consulaires des bourses.
Nous avons passé le message à plusieurs reprises lors de nos auditions, insistant sur la nécessité de réexaminer les critères d'attribution. Il faudra y retravailler.
Le volet « aide sociale » de ce budget est une spécificité qui nous honore et qu'il convient de pérenniser, nous y serons vigilants. Concernant les recettes des visas, le retour de 1,5 million d'euros en 2016 au ministère des affaires étrangères et du développement international était effectivement insuffisant, on ne peut que le regretter, de même que l'absence de retour en 2017.
La commission vote sur l'ensemble des crédits des missions « Action extérieure de l'Etat » et « Aide publique au développement ».
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Action extérieure de l'Etat », M. Jacques Legendre ainsi que les membres du groupe communiste, républicain et citoyen votant contre et M. Gaëtan Gorce s'abstenant.
Par ailleurs, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Aide publique au développement», les membres du groupe communiste, républicain et citoyen s'étant abstenus.
La commission nomme rapporteurs :
Cédric Perrin sur les projets de loi n° 154 (2015-2016) autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relative aux travaux et au cofinancement par la Suisse de l'opération de réactivation du trafic ferroviaire sur la ligne Belfort-Delle ainsi qu'à l'exploitation de la ligne Belfort-Delle-Delémont et n° 847 (2015-2016) autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse concernant la modernisation et l'exploitation de la ligne ferroviaire d'Annemasse à Genève (ensemble un échange de lettres interprétatif) (un rapport commun aux deux textes) ;
Hélène Conway-Mouret sur le projet de loi n° 4121 (AN-XIVe législature) autorisant l'approbation de l'avenant portant première modification à l'entente en matière de sécurité sociale du 17 décembre 2003 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Québec et de l'avenant portant seconde modification au protocole d'entente du 19 décembre 1998 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Québec relatif à la protection sociale des élèves et étudiants et des participants à la coopération (sous réserve de sa transmission) ;
Jacques Gautier sur le projet de loi n° 3950 (AN-XIVe législature) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Tadjikistan relatif à la construction d'une tour de contrôle sur l'aéroport de Douchanbé (sous réserve de sa transmission) ;
Bernard Cazeau sur le projet de loi n° 4026 (AN-XIVe législature) autorisant la ratification de l'accord de passation conjointe de marché en vue de l'acquisition de contre-mesures médicales (sous réserve de sa transmission).
Le compte rendu sera publié ultérieurement.
La réunion est close à 12 h 15.