La crise économique et financière est loin d'être terminée. La dégradation de la note de la dette du Portugal, la situation de la Grèce (le rapport de Simon Sutour et Jean-François Humbert l'a démontré), mais aussi d'autres économies de notre Union (l'Irlande ou l'Espagne, par exemple) demeurent particulièrement inquiétantes et exigent que l'Europe fasse preuve de solidarité mais aussi de clairvoyance.
Aujourd'hui, l'urgence est à la solidarité financière avec les États en difficulté. Mais il ne saurait s'agir que de cela ! La crise a démontré que nous avons besoin d'une gouvernance économique plus européenne. Nous devons construire enfin le « pacte de coordination des politiques économiques » que Jacques Delors appelait de ses voeux, et ceci dans le but de faire pendant au Pacte de stabilité.
C'est une nécessité pour résorber les déséquilibres entre les économies des différents États. C'est aussi indispensable pour faire face aux marchés et aux acteurs économiques qui, trop souvent, font jouer une forme de concurrence européenne entre les États, nous affaiblissant tous.
Il est de l'intérêt de tous les Européens d'avoir une gouvernance plus collective.
C'est là l'objet des six textes du « paquet gouvernance économique » que la Commission européenne a déposé le 29 septembre 2010 et qui présente un ensemble de réformes visant au renforcement de la coordination des politiques économiques et fiscales de l'Union européenne. Ce « paquet » a, ou en tout cas devrait avoir, pour cadre la stratégie « Europe 2020 » et pour objectif de renforcer le Pacte de stabilité et de croissance européen.
À nos yeux, ces propositions sont insuffisantes, voire dangereuses. Bien que les textes du « paquet gouvernance » aient vocation à permettre la mise en oeuvre de la stratégie « UE 2020 », le contenu des propositions est malheureusement en deçà des ambitions affichées.
Le « paquet gouvernance » a trois priorités principales :
- renforcer le pacte de stabilité et de croissance ainsi que la coordination des politiques budgétaires des États de l'Union ;
- élargir la surveillance économique pour éviter les dérives des comptes publics et restreindre les différences de compétitivité dans l'Union ;
- assurer la mise en oeuvre de ces dispositions en rendant quasi-automatiques les sanctions pour les États ne remplissant pas les objectifs fixés.
Dans cette perspective, le « paquet gouvernance » est composé de six textes, quatre sur les aspects budgétaires et deux pour détecter et sanctionner les déséquilibres macroéconomiques. Cette procédure concernant les déséquilibres excessifs est un élément nouveau du cadre de surveillance dont serait dotée l'Union européenne. Elle prévoit une évaluation régulière des risques de déséquilibres, fondées sur un tableau de bord d'indicateurs économiques.
À vrai dire, on peut se demander si les propositions avancées sont à la hauteur des défis qui attendent l'Union européenne. S'il est indispensable que les États de l'Union veillent à maîtriser leur dette et leurs déficits, il est tout aussi fondamental, pour préparer l'avenir, de mettre en oeuvre la stratégie « UE 2020 », ce qui ne sera pas réalisable dans un contexte de politiques d'austérité généralisée.
La situation en Grèce le démontre s'il le fallait : l'austérité imposée ne permet pas la réduction durable des déficits et de la dette. Seule une politique économiquement efficace et socialement juste sera à même de provoquer la réduction des déficits publics et la maîtrise de la dette par la réduction du chômage et le retour de la croissance. C'est la seule voie crédible pour maîtriser les déficits et la dette des États.
Les discussions entre le Parlement européen et le Conseil ne sont pas encore terminées. La présidence polonaise a d'ailleurs indiqué le 3 juillet dernier qu'il est peu probable que le paquet législatif soit accepté rapidement. Il est donc utile que les parlements nationaux, donc le Sénat, puissent faire entendre leur voix et puissent peser sur les négociations en cours pour améliorer ces textes. C'est bien l'objet de cette proposition de résolution européenne.
Cette proposition de résolution européenne met en avant 5 priorités :
- introduire une « règle d'or » en matière d'investissement : les emprunts publics dédiés à l'investissement dans les dépenses d'avenir doivent bénéficier d'un traitement spécifique ;
- intégrer la ressource publique, et non simplement la dépense, dans l'appréciation du déséquilibre budgétaire des États membres : en France, une politique énergique de réduction des dépenses fiscales qui grèvent le budget de l'État et de la Sécurité sociale est indispensable, comme l'a d'ailleurs recommandé la Commission européenne le 7 juin dernier ;
- réviser les rythmes de réduction des dépenses publiques : il faut éviter que les États, et notamment la France, ne soit asphyxiés par un plan d'austérité, l'exemple grec étant à cet égard édifiant ;
- réviser l'introduction du vote à la majorité qualifiée « inversée » des sanctions : un mécanisme qui entraînerait une quasi-automaticité des sanctions réduirait définitivement le champ de négociation entre États et mettrait en cause la souveraineté des parlements nationaux ;
- soutenir les améliorations du texte portées par la commission des affaires économiques et monétaires du Parlement européen quant à la définition des indicateurs macroéconomiques, avec notamment l'introduction d'indicateurs sociaux.
Au stade où en sont aujourd'hui les discussions entre le Conseil et le Parlement européen, je veux insister sur un élément qui me semble prioritaire : il me semble totalement inopportun de mettre en oeuvre la règle dite de « majorité qualifiée inversée ».
C'est le point de blocage principal entre le Conseil et le Parlement européen. Nous devons, je crois, soutenir les États qui ne veulent pas de ce mécanisme rendant les sanctions automatiques : ce serait fermer la porte à l'ajustement politique nécessaire pour ces mesures, ce serait rendre automatique l'austérité dans de nombreux États, et notamment en France. Il s'agit aussi de préserver une forme de souveraineté indispensable dans les États.
Pour être plus concret encore, dans l'état dans lesquelles se trouvent les finances publiques en France, notre pays devrait faire face, automatiquement, à ces sanctions. Il faut donc évaluer très précisément ce à quoi nous devrions faire face.
Selon nos estimations, en ajoutant l'effort de réduction des déficits publics et le paiement des sanctions exigibles, c'est près de 20 milliards d'euros que nous aurions à trouver annuellement (soit environ 1 point de PIB).
Il serait d'ailleurs particulièrement utile que nous puissions demander une étude sérieuse et chiffrée avec précision de ce à quoi la France s'engage par ces textes. Pour le moment, nous n'avons pas vu de projections réelles du ministère des finances... il serait donc utile que nous en ayons connaissance.
A minima, un débat doit être organisé sur les conséquences précises de ces engagements : le prochain gouvernement, quelle qu'en soit la couleur politique, ne saurait se retrouver sans aucune marge de manoeuvre, incapable de mener la politique pour laquelle il aura été élu.
Voilà pourquoi il me semble qu'une expression de la commission des affaires européennes est indispensable.
Au-delà, notre texte aborde deux dimensions plus spécifiques, tenant à la régulation du système financier, corollaire indispensable à la meilleure coordination des politiques économiques. Conformément au vote (quasi unanime) de l'Assemblée nationale, notre PPRE propose de mettre en oeuvre une taxe sur les transactions financières. En outre, il nous semble indispensable que le Sénat demande la révision des mécanismes de régulation du système financier en lien avec la mise en oeuvre du mécanisme européen de stabilité. Nous souhaitons, par exemple, exclure les États rentrant dans ce mécanisme de la notation par les agences dont on ne connaît que trop les défauts.
Le Sénat ne peut, aujourd'hui, se détourner de l'enjeu essentiel pour l'avenir que représente la coordination des politiques économiques en Europe. Nous devons dire que nous souhaitons mettre en oeuvre cette coordination, tout en permettant la mise en oeuvre de la stratégie européenne de croissance. Nous devons aussi veiller à ce que la France ne prenne pas d'engagement qu'elle ne saurait tenir.
C'est tout le sens de cette proposition de résolution européenne.
La proposition de résolution présentée par Mme Nicole Bricq et les membres du groupe socialiste porte sur le paquet « gouvernance économique », composé de six textes, qui a été présenté par la Commission européenne en septembre 2010.
Cette proposition de résolution me paraît poser un problème de « timing ». Elle vient beaucoup trop tard.
Comme je le rappelais, la Commission européenne a présenté ce paquet « gouvernance » il y a neuf mois. Notre commission l'a d'ailleurs examiné à ce moment-là : nous avons eu deux réunions à ce sujet, l'une le 29 septembre et l'autre le 19 octobre, avec un rapport conjoint de Pierre Bernard-Reymond et Richard Yung.
Depuis lors, naturellement, les discussions à l'échelon européen ont eu lieu. Le Conseil est parvenu à un accord le 15 mars. Quant au Parlement européen, il s'est prononcé le 23 juin. Nous en sommes maintenant au stade des négociations entre le Conseil et le Parlement. Ces négociations ne portent plus que sur un petit nombre de points.
En réalité, c'est seulement le caractère plus ou moins « automatique » des sanctions qui est en débat. Le Parlement européen veut les sanctions les plus automatiques possibles en cas de non respect du pacte de stabilité. Le Conseil, au contraire, veut conserver une marge d'appréciation politique.
Sur le plan technique, cela se traduit par deux schémas différents. Selon le Parlement européen, c'est la Commission européenne qui doit complètement diriger la procédure, et le Conseil doit statuer à la « majorité qualifiée inversée » : autrement dit, ce que propose la Commission européenne sera adopté sauf si le Conseil s'y oppose à la majorité qualifiée. Comme il sera très difficile de trouver une majorité qualifiée pour s'y opposer, les sanctions seront quasi automatiques.
Pour le Conseil, qui s'est rallié au compromis franco-allemand de Deauville, il faut que le Conseil décide à la majorité qualifiée « normale » pour dire si la situation d'un pays justifie que des sanctions soient prises. Ensuite, et ensuite seulement, les sanctions elles-mêmes seraient prises à la « majorité qualifiée inversée ». Le Conseil garderait donc un pouvoir d'appréciation : la procédure ne serait pas complètement entre les mains de la Commission européenne.
C'est essentiellement sur ce point que portent les discussions. Les autres aspects ne sont plus en débat. On en est donc au stade qui serait, chez nous, celui de la préparation d'une commission mixte paritaire.
Soyons clairs : si quelqu'un vient nous voir pour nous suggérer des amendements à un projet de loi alors qu'on en est au stade de la CMP, nous lui répondons : « Cher collègue, vous venez trop tard, nous n'en sommes plus au stade des amendements ».
Donc, cette proposition de résolution arrive trop tard dans le calendrier européen.
Elle arrive aussi trop tard dans le calendrier du Sénat. Elle a été déposée le 20 juin, et distribuée le 23 juin. Nous l'examinons aujourd'hui, 15 jours après son dépôt. On peut difficilement faire plus vite ! Mais nous devons songer à la suite de la procédure. La commission compétente au fond, qui est la commission des finances, doit pouvoir se prononcer. Si nous adoptons aujourd'hui une proposition de résolution, la commission des finances disposera d'à peine une semaine pour désigner un rapporteur et se prononcer, alors qu'elle n'a pas prévu de réunion en cette fin de session. Sur un sujet de cette importance, ce ne serait pas une méthode de travail convenable. Nous devons respecter les droits de la commission compétente au fond.
Les problèmes de « timing » que je viens de détailler, à la fois sur le plan européen et sur le plan national, devaient nous conduire, me semble-t-il, au rejet de cette proposition de résolution.
Mais cette proposition de résolution mériterait un débat de fond, avec le temps nécessaire. Elle aborde d'ailleurs certains sujets qui dépassent le paquet « gouvernance ».
Sur plusieurs points, je pourrais pour ma part approuver les orientations proposées par nos collègues.
Tout d'abord, je me félicite que la proposition de résolution soutienne la stratégie « UE 2020 » qu'elle se prononce pour la coordination des politiques économiques, et qu'elle soutienne la procédure du « semestre européen » qui va renforcer cette coordination à la fois sur le plan économique et sur le plan budgétaire.
Ensuite, je crois que la proposition de résolution met en garde à juste titre contre une approche purement comptable, qui ne prenne pas en compte la qualité de la dépense publique. Nous avons à réduire les déficits et la dette, mais nous avons aussi à préparer l'avenir. C'est d'ailleurs ce que nous essayons de faire à l'échelon national avec le « grand emprunt ».
C'est pourquoi la « règle d'or » que propose le groupe socialiste est séduisante : il s'agirait de soustraire aux restrictions budgétaires les dépenses d'avenir. C'est un débat qui a déjà eu lieu au Conseil ces dernières années, pour épargner les dépenses productives. Certains avaient proposé de sanctuariser les dépenses de défense, bien public par excellence, d'autres les dépenses relatives au nucléaire, d'autres encore celles d'éducation... Vous le voyez, la frontière serait difficile à tracer, et pourrait susciter des débats sans fin, mettant en cause des modèles de société : par exemple l'éducation, qui relève largement du niveau local au Royaume-Uni, représente un poste important du budget de l'État pour notre pays. C'est pour ces raisons que le Conseil a jusqu'à présent écarté cette piste.
Enfin, je suis pour ma part d'accord avec la proposition de résolution lorsqu'elle s'oppose aux sanctions quasi automatiques préconisées par le Parlement européen. Lorsqu'un pays est en déficit, il faut examiner de près les causes de ce déficit et les perspectives dans lesquelles il se situe. Il est donc souhaitable que le Conseil garde un pouvoir d'appréciation, et c'est bien la position que défend le Gouvernement dans la lignée de l'accord franco-allemand de Deauville.
D'ailleurs, lors de nos débats de l'automne dernier sur ce sujet, la plupart d'entre nous avaient jugé que c'était l'aspect préventif du pacte de stabilité et le renforcement de la coordination des politiques qui étaient les points importants, alors que les sanctions financières pour déficit excessif paraissaient un remède peu crédible. Il faut bien constater qu'aujourd'hui, personne ne parle d'infliger à la Grèce des sanctions financières, alors que s'il y a un pays qui ne respecte pas le pacte de stabilité, c'est bien la Grèce.
En revanche, sur d'autres points, je ne peux pas souscrire à la proposition de résolution.
Je pense notamment au paragraphe 16, qui juge que le paquet « gouvernance économique » ne « présente qu'un durcissement du Pacte de stabilité et de croissance qui aura pour conséquence d'imposer à toute l'Europe une politique d'austérité généralisée qui ne permettra pas de relancer la croissance et l'emploi en Europe ». En réalité, il n'y a pas à proprement parler de « durcissement » du pacte de stabilité, puisque les seuils de 3 % pour le déficit et 60 % pour la dette restent les mêmes. Ce qui change, c'est le nouveau volet préventif, c'est la coordination renforcée des politiques, c'est la définition d'une trajectoire pour réduire la dette globale et ce sont les règles d'adoption des sanctions. Mais il n'y a pas d'exigences d'austérité plus grandes qu'auparavant.
Ensuite, il n'est pas exact que l'assainissement des finances publiques détournerait l'Union de la croissance. Regardons autour de nous : les pays avec les finances publiques les plus saines, l'Allemagne, l'Autriche, les Pays-Bas, sont ceux qui ont la plus forte croissance.
En réalité, il y a urgence pour l'Europe à stopper l'emballement de la dette publique.
Dans le cas de la France, on peut renvoyer au rapport qu'a présenté, le 23 juin dernier, le président de la Cour des comptes, Didier Migaud. Ce rapport souligne fortement que la France doit réduire son déficit structurel, c'est-à-dire non imputable à la conjoncture défavorable. Ce déficit structurel représente 5 % du PIB, et son existence ne date pas d'aujourd'hui. C'est un mal chronique ! Et je m'étonne que la proposition de résolution, dans son exposé des motifs, vante la gestion des finances publiques entre 1997 et 2002, alors que la dette publique n'a cessé de gonfler pendant ces 5 années, dans une conjoncture pourtant exceptionnellement favorable, avec un dollar fort et un baril de pétrole bon marché ! La France a continué, comme elle le faisait depuis 1980, à vivre au-dessus de ses moyens pendant ces années fastes : la fameuse cagnotte mécaniquement dégagée par la croissance en 2000 n'a même pas servi à désendetter notre pays... Si les keynésiens admettent l'utilité d'une relance budgétaire en tant de crise, ils reconnaissent aussi la nécessité de dégager un excédent budgétaire lorsque la conjoncture est favorable. Or, depuis 30 ans, la facture des baisses d'impôts et des hausses de dépenses a été systématiquement reportée sur les générations futures, quelle que soit la situation économique.
La crise financière a fait augmenter les déficits, et la dette publique va dépasser 85 % du PIB cette année. Nous ne pouvons pas continuer à consacrer l'équivalent du produit de l'impôt sur le revenu au paiement de la dette ! Didier Migaud préconise un effort de réduction de 20 milliards de notre déficit annuel ; je relève que c'est précisément le chiffre qui résulterait de l'application à la France du «paquet gouvernance» en ce qui concerne la réduction de la dette.
Je ne peux non plus souscrire au paragraphe 19 de la proposition de résolution, qui « demande que soit pris en compte l'aspect des recettes dans le volet préventif du pacte de stabilité et de croissance qui, en l'état actuel, ne se penche que sur l'aspect des dépenses, introduisant dès lors des propositions de réformes dites structurelles qui visent surtout à mettre à mal les systèmes de solidarité ».
D'abord, il ne me paraît pas exact de dire que le volet préventif du pacte ne se penche que sur l'aspect des dépenses. Il prévoit certes que la croissance annuelle des dépenses ne doit pas dépasser le taux de croissance prévisible du PIB sur le moyen terme (ce qui paraît d'ailleurs raisonnable), mais il précise qu'un dépassement est possible s'il est contrebalancé par des mesures supplémentaires du côté des recettes.
Surtout, il ne me paraît pas justifié de s'opposer de cette manière aux « réformes structurelles ». J'observe que tous les États membres de la zone euro en ont reconnu la nécessité dans le « pacte pour l'euro plus » qui a été signé par tous les gouvernements, de gauche comme de droite. J'observe également que les pays qui, comme l'Allemagne, ont engagé ces réformes structurelles sont ceux qui ont, aujourd'hui, une croissance plus forte et des finances publiques en meilleur état. Et je crois que plus ces réformes seront différées dans certains pays, plus grand sera le risque d'une Europe coupée en deux, entre une « zone Nord » plus dynamique et une « zone Sud » engluée dans l'endettement.
Pour terminer sur une note plus positive, je voudrais dire que j'approuve la proposition de résolution lorsqu'elle défend l'idée qu'il faut soutenir la croissance au niveau européen en développant des projets d'avenir pour le continent.
A cet égard, l'idée des «project bonds», qui permettraient de mobiliser des fonds privés grâce à une garantie publique pour des projets européens, mérite d'être explorée et il est heureux que la Commission l'ait retenue dans sa proposition de cadre financier pluriannuel présentée le 29 juin. Mais ce sujet déborde celui de la gouvernance économique. Ne demandons pas au « paquet gouvernance » plus qu'il ne peut apporter et qui serait déjà essentiel : une meilleure coordination des politiques économiques et budgétaires.
Le « paquet gouvernance » ne peut pas non plus, à lui seul, apporter la stabilité financière que nous appelons tous de nos voeux. La proposition de résolution regrette que le projet de mécanisme européen de stabilité passe sous silence la régulation des marchés. Mais ce n'est pas l'objet du « paquet gouvernance » : d'autres textes sont en cours ou à venir pour faire progresser la régulation financière en Europe.
Enfin, je rappelle que l'introduction d'une taxe sur les transactions financières, que demande la proposition de résolution, est désormais sur la table, puisque la Commission européenne l'a proposée le 29 juin lors de la présentation du prochain cadre financier pluriannuel. La France s'était d'ailleurs prononcée en faveur d'une telle taxe à l'automne dernier.
En conclusion, je dirais que cette proposition de résolution comprend des aspects qui me paraissent pertinents, d'autres beaucoup plus discutables. Elle mériterait un débat approfondi, non seulement devant notre commission, mais aussi devant la commission compétente au fond, voire en séance plénière.
Mais, pour des raisons que j'ai exposées en commençant, elle vient trop tard dans le calendrier européen, comme dans celui du Sénat, pour qu'un tel débat soit possible. Il ne me paraît pas concevable de statuer à la va-vite sur des sujets aussi centraux. Les aspects de la proposition de résolution qui ne concernent pas strictement le paquet gouvernance, et ils sont nombreux, pourraient être débattus à l'automne.
Dans ces conditions, je souhaite que la proposition de résolution soit retirée, et qu'à défaut, elle soit rejetée.
Contrairement au rapporteur, je crois que nous sommes dans de très bonnes conditions pour débattre d'un sujet aussi important, car nous sommes particulièrement nombreux aujourd'hui en commission, de part et d'autre. Concernant le timing, je note que les 19 et 20 juin derniers, le Conseil Ecofin a examiné ce « paquet gouvernance » et je remarque que le rapporteur nous propose de débattre à l'automne, ce qui prouve bien que le sujet n'est pas clos. Pour ce qui est du calendrier sénatorial, je suis sûr que la commission des finances peut prévoir une réunion d'ici la fin de la session extraordinaire.
Concernant l'intervention de Jean-François Humbert, je dois dire qu'elle m'est apparue très politique et peu technique, ce qui est rare à la commission des affaires européennes. Sur le fond, je ne vois pas de différences considérables entre nous ; un accord aurait été possible mais ce n'est visiblement pas la voie retenue.
J'ai trouvé malvenu de la part du rapporteur de mettre en cause la gestion des années 1997-2002, car les analyses de la Cour des comptes montre bien que l'état de nos finances publiques n'est pas imputable à cette période-là.
Mais ce serait peut-être opportun de reporter à octobre le vote dans notre commission : il pourrait être différent à l'issue du renouvellement sénatorial !
Pour ma part, je suis très heureux que cette proposition de résolution soit soumise à la commission des affaires européennes car elle soulève des enjeux majeurs pour notre pays et pour l'euro. Les différents gouvernements se sont laissé aller à la facilité de la dette, dans tout l'Occident, car la situation aux États-Unis n'est pas meilleure qu'en Europe.
La vraie question est de savoir quand la politique de rigueur peut gêner la croissance. Nous ne pouvons pas nous contenter de la schizophrénie du texte proposé par les socialistes qui plaide pour la maîtrise des déficits mais refuse la rigueur.
Ce débat va prendre de l'importance. Je suis moi aussi partisan de le reporter à la prochaine session et, comme le rapporteur le suggère, de le soumettre au Sénat en séance plénière. Je propose donc un rejet temporaire de ce texte.
Je tiens seulement à faire observer que la référence à la période 1997-2002 a d'abord été faite par le groupe socialiste lui-même dans sa proposition de résolution. Savez-vous quel est le dernier Premier Ministre qui a présenté un budget en équilibre ? C'est Raymond Barre, en 1980 pour le budget 1981 !
Je me félicite de ce débat. Je ne veux pas m'arrêter sur les questions tactiques de calendrier, mais simplement préciser nos points de divergence sur la relance.
Tout le monde, à droite comme à gauche, a été ou sera keynésien : la relance ne nous sépare pas. Ce n'est pas une question de doctrine économique, mais de circonstances et d'analyse des conditions dans lesquelles on peut ou non faire de la relance.
C'est devenu impossible aujourd'hui : nous avons déjà procédé à une relance à l'occasion de cette crise, en tentant de conserver les amortisseurs économiques qui ont d'ailleurs permis à la France de mieux s'en sortir que d'autres durant cette crise, mais nous le payons aujourd'hui d'un endettement excessivement lourd.
Je me souviens, lors de mon arrivée au Sénat en octobre 2007, d'avoir déjà exprimé mon inquiétude pour la loi de finances pour 2008 qui nous était présentée avec un déficit de 40 milliards d'euros. Nous en sommes aujourd'hui à un déficit de 140 milliards et une dette publique qui avoisine 1600 milliards d'euros ! Parfois, la relance est possible ; à d'autres moments, elle est dangereuse car nous vivons sous l'oeil acéré des marchés financiers qui nous imposeraient des taux d'intérêt très élevés et nous enverraient dans le mur : nous ne pourrions plus rembourser nos emprunts, comme la Grèce aujourd'hui. C'est à éviter absolument.
N'oublions pas que l'endettement reporte la charge sur nos enfants, mais aussi sur nos petits-enfants et arrière petits-enfants. Quelle sera leur opinion sur la gestion économique effectuée par notre génération ? Pensez enfin à ce que nous serions capables de faire si les 45 milliards que nous consacrons chaque année au service de la dette (ce qui constitue dorénavant le premier poste budgétaire de l'État), nous les investissions dans l'avenir ! Continuer sur cette pente, ce ne serait pas mener une politique d'investissement, mais une politique qui nous ferait sombrer...
Je voudrais aussi revenir sur la question de la majorité qualifiée inversée. C'est à mes yeux un progrès dans la construction européenne. Soit nous refusons cette nécessité d'une plus grande intégration et d'une gouvernance économique plus forte, soit nous répondons à ce défi ensemble et, en ce cas, la majorité qualifiée inversée va dans le bon sens.
Je finirai en soulignant deux points d'accord avec le texte du groupe socialiste : l'instauration d'une taxe sur les transactions financières (que soutiennent le Parlement européen et le Gouvernement) et l'amélioration de l'association des partenaires sociaux à la définition de la politique économique.
Ce débat excellent est à prolonger. Cette discussion que nous avons aujourd'hui, nous aurions pu l'avoir plus tôt. J'insisterai sur la question des recettes : la majorité présidentielle est peu audible sur le sujet de savoir qui fiscaliser. Or, la question de la justice et de l'efficacité du système fiscal est essentielle. Si la Grèce est en difficulté, c'est aussi parce qu'elle a de mauvaises rentrées fiscales, notamment de la part des plus aisés de ses citoyens. Nous avons aussi à débattre de ce sujet en France, où est menée une politique de niches fiscales sans aucune efficacité : aujourd'hui, les plus riches ne payent pas assez et les montants versés aux dirigeants qui quittent une société sont proprement scandaleux. Il est temps de vérifier que ceux qui ont profité de la crise payent enfin à leur dû !
Je conviens que les dirigeants qui ont coulé une société et qui la quittent avec des ponts d'or devraient être plus imposés. Mais le problème qui nous occupe est plus large. J'ai d'ailleurs apprécié le discours de François Marc. Je pense qu'imposer des sanctions financières à un pays qui n'arrive pas à rembourser ses dettes, ce n'est pas sérieux !
Il est essentiel d'avoir un débat de fond sur ces sujets. Il me semble difficile en pratique d'en organiser un en séance, d'ici la suspension, certains de nos collègues étant déjà en campagne électorale et absents du Sénat. Je suggère que le président de la commission des affaires européennes demande un débat sur la gouvernance économique à la rentrée d'octobre.
Je tiens seulement à souligner que, contrairement à ce qu'écrit le groupe socialiste, les propositions de réformes dites structurelles ne visent pas surtout à « mettre à mal » les systèmes de solidarité, mais au contraire à les sauver ! C'est ce que nous avons commencé à faire avec la réforme des retraites, d'ailleurs.
L'idée de cette proposition de résolution est née à l'occasion de la visite à Bruxelles de la commission des finances en mai dernier, à laquelle Nicole Bricq et moi-même avons participé. Il nous est apparu qu'il n'était jamais trop tard pour bien faire, vu les perspectives catastrophiques qui se présentent et vu l'attention que Bruxelles manifeste à l'égard des parlements nationaux. J'observe que le rapporteur général de la commission des finances n'a pas écarté l'idée d'une réunion au besoin et que cette proposition de résolution européenne a toute sa légitimité aujourd'hui. A Bruxelles, la présidence polonaise a évoqué un report après l'été de la décision finale sur le « paquet gouvernance ». Il n'est donc pas trop tard pour influer sur le dénouement du trilogue. Les arguments de forme avancés par le rapporteur tiennent peu. Il faut nous donc avoir un vrai débat sur le fond.
Permettez-moi d'abord d'observer qu'en 2005, l'Allemagne et la France avaient un déficit public équivalent et qu'en 2010 le déficit français est devenu le double de celui de l'Allemagne. Il n'y a donc pas de reproche exclusif à faire à la gestion des années 1997-2002. Le président de la Cour des comptes, M. Didier Migaud, est bien obligé de constater l'état de nos finances publiques aujourd'hui.
Je crois qu'en vérité, deux ou trois points durs nous différencient. Effectivement, ce n'est pas sur le keynésianisme que nous nous distinguons, mais plutôt sur la façon d'assainir les finances publiques, et c'est pourquoi le paragraphe 19 de notre proposition de résolution a toute son importance. Le déficit de la France s'explique par l'abaissement des recettes fiscales. Même l'Union européenne l'a relevé dans sa récente recommandation sur le programme français de stabilité. La Cour des comptes indique aussi que deux tiers de notre déficit sont imputables aux décisions prises depuis quelques années en matière de baisse des recettes.
Je serais prêt à voter la proposition de résolution du groupe socialiste, mais s'il en était retiré les paragraphes 19, 20, 24, 25 et 26.
La différence entre les situations française et allemande ne vient pas seulement de ce que François Marc vient d'expliquer. Le fond de la question, c'est la productivité : l'Allemagne est devenue beaucoup plus productive que la France, grâce à un chancelier socialiste qui a eu la possibilité de mener en Allemagne une politique salariale draconienne. Peut-être que si nous avions eu un Schröder français, nous n'en serions pas là où nous en sommes aujourd'hui.
Je peux témoigner que, dans le domaine agricole, le différentiel de coût de main-d'oeuvre entre la France et l'Allemagne a été plus que gommé, et que nous sommes aujourd'hui pénalisés.
Je tenais à faire une remarque sur la forme de nos travaux. Je souhaiterais, au nom du groupe socialiste, demander que tout rapporteur sur un texte soumis à notre commission soit à l'avenir désigné en commission.
Je prends note de cette demande. Je me réjouis du débat que nous avons eu sur ce sujet essentiel. Les remarques qui ont été faites de part et d'autre sur la proposition de résolution européenne étaient importantes. Quel que soit le vote que vous allez émettre, je pense effectivement qu'il serait opportun de revenir sur le sujet en séance plénière à l'automne.
À l'issue de ce débat, la commission des affaires européennes a rejeté, par seize voix contre dix, la proposition de résolution n° 648.
Texte de la proposition rejetée
Vu l'article 88-4 de la Constitution,
Vu le projet de programme de stabilité européen transmis par le gouvernement français à la Commission européenne,
Vu la proposition de règlement modifiant le règlement CE n° 1466/97 relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaires ainsi que la surveillance et la coordination des politiques économiques COM (2010) 526,
Vu la proposition de directive du Conseil sur les exigences applicables aux cadres budgétaires des États membres COM (2010) 523,
Vu la proposition de règlement modifiant le règlement (CE) n° 1467/97 du Conseil visant à accélérer et à clarifier la mise en oeuvre de la procédure concernant les déficits excessifs COM (2010) 522,
Vu la proposition de règlement sur la prévention et la correction des déséquilibres macroéconomiques COM (2010) 527,
Vu la proposition de règlement sur la mise en oeuvre efficace de la surveillance budgétaire dans la zone euro COM (2010) 524,
Vu la proposition de règlement établissant des mesures d'exécution en vue de remédier aux déséquilibres macroéconomiques excessifs dans la zone euro COM(2010) 525,
Vu les conclusions du Conseil européen des 23 et 24 mars 2011,
Vu les rapports de la Commission des affaires économiques et monétaires du Parlement européen réunie le 19 avril 2011 sur l'ensemble de ces propositions,
Considérant que la gouvernance économique de l'Union européenne est un enjeu fondamental pour la croissance et l'emploi en Europe, indispensable pour la mise en oeuvre effective de la stratégie UE 2020, définie au printemps 2010 pour sortir l'Europe de la crise et préparer son économie pour l'avenir,
Considérant que la Commission, le Parlement européen et le Conseil sont aujourd'hui dans la phase de « trilogue » pour adopter le paquet « gouvernance économique » présenté par la Commission européenne et amendé par le Parlement européen,
Se félicite de voir les États membres et les institutions de l'Union européenne prendre en compte la nécessité de coordonner leurs politiques économiques,
Soutient les procédures prévues dans le cadre du « semestre européen » et notamment l'organisation de débats avec le gouvernement sur le projet de programme de stabilité avant qu'il soit soumis à la Commission européenne et suite à l'avis qui sera apporté par cette dernière,
Regrette que le projet de paquet « gouvernance économique » ne présente qu'un durcissement du Pacte de stabilité et de croissance qui aura pour conséquence d'imposer à toute l'Europe une politique d'austérité généralisée qui ne permettra pas de relancer la croissance et l'emploi en Europe,
Regrette que ce projet ne prenne pas en compte les objectifs fixés par la stratégie UE 2020, qui implique la mise en oeuvre d'investissements importants dans les secteurs d'avenir,
Demande que soit introduite dans ce paquet de réglementation européenne une « règle d'or » sur l'investissement permettant aux États membres de relancer leur économie et d'engager les investissements publics et les dépenses nécessaires pour préparer leur avenir,
Demande que soit pris en compte l'aspect des recettes dans le volet préventif du pacte de stabilité et de croissance qui, en l'état actuel, ne se penche que sur l'aspect des dépenses, introduisant dès lors des propositions de réformes dites structurelles qui visent surtout à mettre à mal les systèmes de solidarité,
Estime qu'il y a dans la mise en oeuvre des politiques économiques un élément essentiel de souveraineté nationale sous le contrôle des parlements et rejette, dès lors, la proposition d'introduire une règle dite de « majorité qualifiée inversée » pour l'adoption des sanctions prévues à l'encontre des États membres en infraction avec les règles du Pacte de stabilité rendant ces sanctions quasi-automatiques,
Juge indispensable de revoir le régime des sanctions prévues dans les volets préventifs et correctifs en cas de non respect du cadre imposé par le pacte de stabilité et appelle le Gouvernement français à ne pas accepter un niveau d'engagement auquel il ne pourrait lui-même faire face,
Soutient le rapport présenté au Parlement européen concernant la définition des indicateurs devant permettre de coordonner les politiques économiques en ce qu'ils vont au-delà des simples éléments de rigueur budgétaire et intègrent des indicateurs sociaux, mais demande que ces derniers soient renforcés,
Soutient l'approche du Parlement européen préservant le rôle des partenaires sociaux et des systèmes sociaux nationaux, notamment pour ce qui est des négociations salariales,
Estime que les politiques d'ajustement à l'échelle européenne ne sont soutenables qu'accompagnées de politiques de relance à cette même échelle,
Recommande au Gouvernement de présenter de manière conjointe avec ses partenaires européens une proposition législative visant à introduire une taxe sur les transactions financières,
Souhaite que soient revus les mécanismes de régulation du système financier en lien avec la mise en oeuvre du mécanisme européen de stabilité,
Le 29 juin 2011, la Commission européenne a publié ses propositions pour le prochain cadre financier pluriannuel de l'Union européenne, ouvrant ainsi la grande négociation sur cet encadrement des budgets européens pour les années 2014 à 2020. Il s'agit du quatrième exercice de ce type depuis la création, en 1988, de ce qui s'appelait alors les perspectives financières.
Mais il s'agit d'une négociation exceptionnelle : elle sera la première à 27 États membres et elle intervient dans un contexte de crise économique et monétaire inédit pour l'Union européenne. Il n'est pas difficile de présager que ces circonstances vont rendre particulièrement difficile l'obtention de l'unanimité au Conseil, sans laquelle le cadre financier ne peut être adopté. Sans compter que, depuis Lisbonne, il faut obtenir avant l'accord du Parlement européen, lequel n'a pas attendu pour faire entendre sa voix sur ce dossier stratégique pour l'avenir de l'Union européenne.
En effet, le cadre financier pluriannuel représente un outil essentiel au service du projet européen, qui repose sur l'idée selon laquelle l'Union est bien plus que la somme de ses États membres. Les politiques financées par le budget européen doivent permettre de créer des biens publics propres à l'Union, dont les plus importants (la paix, la stabilité, la liberté, la libre circulation) sont sans doute les plus difficiles à chiffrer. L'objectif du budget européen est donc de créer cette valeur ajoutée européenne, grâce aux synergies et aux économies d'échelle qu'il permet de dégager. S'il est conçu dans cet esprit, le budget européen peut même contribuer à réduire les dépenses nationales.
Les États membres, à commencer par le nôtre, n'en semblent pas convaincus aujourd'hui. Il est d'ailleurs significatif que la Commission se soit engagée à lancer une analyse des coûts de la non-Europe pour les États membres ; cette analyse gagnerait à être prise en compte au cours du processus de négociation à venir !
Le ton a d'emblée été donné par la « lettre des cinq », adressée le 18 décembre 2010 à la Commission européenne par l'Allemagne, la France, le Royaume-Uni, les Pays-Bas et la Finlande. Elle préconise que les crédits n'augmentent pas davantage que l'inflation durant la période couverte par le prochain cadre financier pluriannuel.
Sans doute faut-il relever que ne figurent pas, parmi ses signataires, plusieurs États contributeurs nets au budget européen, tels la Suède, le Danemark ou l'Autriche. Un gel du budget européen en termes réels n'est donc pas acquis. Néanmoins, la Commission est échaudée par l'expérience de 2004 : en décembre 2003, le « groupe des six » réunissant des pays contributeurs nets au budget européen avait également adressé une lettre au président de la Commission demandant la stabilisation des dépenses communautaires. La Commission s'en était affranchie et avait fait le choix de proposer un budget ambitieux, à hauteur de 1,26 % du RNB en moyenne sur la période 2006-2013, s'agissant des crédits d'engagement. Ce choix fut alors perçu comme une provocation par les États membres. Et l'accord final fut conclu au Conseil sur un budget à 1,048 % du RNB !
Soucieuse que sa proposition 2014-2020 ne soit pas elle aussi balayée d'emblée par des États membres particulièrement tendus, la Commission a néanmoins dû tenir compte de la position inverse adoptée par le Parlement européen.
Le 8 juin 2011, le Parlement européen a adopté le rapport de sa commission spéciale « sur les défis politiques et les ressources budgétaires pour une UE durable après 2013 » (SURE), qui préconise une augmentation d'au moins 5 % des ressources pour le prochain cadre financier pluriannuel. Selon le Parlement, porter ainsi les crédits d'engagement à 1,11 % du RNB de l'UE ne représenterait de toute façon qu'une contribution limitée pour atteindre les objectifs que l'UE s'est fixés. Le Parlement met au défi le Conseil de lui indiquer quels projets il entend sacrifier ! En retour, le Conseil fait valoir que la demande du Parlement européen d'augmenter de 5% les ressources, surtout en euros constants, n'est pas sérieusement documentée...
La Commission européenne, prise entre l'enclume et le marteau, a publié ses propositions jeudi dernier. Elle a habilement proposé une stabilisation à 1,05 % de la part des crédits d'engagements dans le RNB de l'UE, ce qui devrait représenter pour le Conseil un support valable de discussion. Mais elle a aussi montré qu'elle avait écouté le Parlement en proposant, en dehors du cadre financier pluriannuel, des enveloppes budgétaires complémentaires qui, ajoutées au cadre financier pluriannuel, portent en fait les crédits d'engagement à 1,11 % du RNB, soit le chiffre avancé par le Parlement européen !
Les pays contributeurs nets ne sont pas dupes et ont déjà réagi négativement à ce projet. La France a cependant adopté une position nuancée. Bien sûr, elle dénonce la réalité de la charge qui sera supportée par son budget national, charge cachée derrière le projet de la Commission présenté en euros constants (prix 2011). La France a ainsi calculé l'écart entre les plafonds de crédits de paiement 2014-2020 proposés par la Commission et convertis en euros courants, avec les sommes réellement dépensées dans le cadre financier 2007-2013 lui-même converti en euros courants. Résultat : selon la France, les crédits de paiement augmenteraient de 250 milliards d'euros, soit une hausse de 30 % d'un cadre financier à l'autre.
Mais, par ailleurs, la France n'a pas manqué de se féliciter : sa priorité politique, la politique agricole commune, a été sauvegardée. Le budget de la PAC et de la politique commune de la pêche est quasiment stabilisé en euros courants. La PAC reste clairement une grande politique de l'Union européenne, même si sa part relative recule encore dans le budget de l'Union. Elle sera complétée par deux nouveaux instruments hors du cadre financier pluriannuel : une réserve de 3,5 milliards d'euros pour réagir en urgence aux situations de crise et une nouvelle éligibilité des agriculteurs au Fonds européen d'ajustement à la mondialisation.
Dans le détail, la Commission propose de conserver la structure de la PAC en deux piliers mais avec plus de souplesse entre eux. Elle envisage, sans surprise, de verdir le premier pilier en subordonnant 30 % de l'aide directe à des exigences écologiques nouvelles. Elle entend aussi faire converger les niveaux des soutiens directs à l'hectare. Cette convergence sera financée par les États dont le niveau des paiements directs dépasse aujourd'hui la moyenne. Enfin, elle compte plafonner le niveau des paiements directs ; les économies ainsi dégagées resteraient dans les enveloppes nationales et seraient versées au second pilier. Ce pilier « développement rural », qui recevrait presque le quart des crédits PAC au lieu du cinquième aujourd'hui, sera plus orienté vers la compétitivité, l'innovation, la lutte contre le changement climatique et l'environnement. Le fonds européen agricole de développement rural (FEADER) intégrera un cadre stratégique commun, applicable à tous les fonds structurels, et donc sera lui aussi soumis à la même conditionnalité liée aux performances dans le cadre de la stratégie « Europe 2020 ».
Deuxième politique de l'UE justement, la politique de cohésion qui est en passe de devenir la première politique de l'UE : ses crédits dépassent tout juste le niveau de ceux de la PAC ! La Commission entend toujours mettre la priorité sur les régions les plus pauvres : ces régions de convergence mobiliseraient presque la moitié des crédits. Mais elle confirme son intention de créer une nouvelle catégorie de régions en transition, pour toutes les régions ayant un PIB entre 75 et 90 % de la moyenne : ces régions recevraient une aide d'une intensité égale aux deux tiers de celle destinée aux régions de convergence. Nous pouvons nous réjouir de la plus grande équité qui en résultera : nos régions françaises les plus en peine seraient dorénavant traitées de la même manière que des régions sortant de l'objectif convergence. Près de 39 milliards d'euros seraient alloués à ces régions, soit presque autant que l'aide consentie à l'ensemble des régions de compétitivité (53 milliards).
Le rôle du fonds social européen sera renforcé pour compléter les investissements en faveur de la croissance par des mesures pour l'emploi et la formation : une part minimale en faveur du FSE sera à prélever sur les fonds structurels, qui sera de 25 % pour les régions de convergence, 40 % pour les régions en transition et 52 % pour les régions de compétitivité.
Le fléchage des fonds sera assuré par la signature d'un contrat de partenariat avec chaque État membre, qui orientera le soutien financier vers quelques priorités désormais connues pour les régions de compétitivité et en transition : l'efficacité énergétique, les énergies renouvelables, la compétitivité et l'innovation des PME. Deux types de conditionnalité sont introduites : l'une, sectorielle, sera établie ex ante dans chaque contrat, l'autre sera liée à la nouvelle gouvernance économique, ce qui donnera certainement lieu à débats. L'idée d'une réserve de performance allouée aux régions qui auront le plus progressé vers Europe 2020 est retenue et mobiliserait 5% du budget, ce qui n'est pas négligeable.
Enfin, la Commission propose, pour améliorer l'absorption des fonds, de limiter à 2,5% du PIB les transferts au titre de la cohésion : c'est une proposition opportune, que nous avions appelée de nos voeux pour éviter l'explosion des budgets de cohésion vers les nouveaux États membres.
En revanche, le silence de la Commission sur le cas des régions ultrapériphériques est inquiétant... Il nous faudra rester en alerte sur ce dossier où la France a peu d'alliés spontanés, car l'enjeu est grand pour l'outre-mer...
Si le budget de la cohésion l'emporte sur la PAC, c'est parce qu'en fait, à côté de la politique de cohésion qui se déploie dans les limites de chaque État et dont les crédits accusent une légère baisse, la Commission envisage d'identifier un nouveau fonds de 40 milliards d'euros pour l'interconnexion en Europe. Il s'agit d'une amorce de financement pour les « chaînons manquants » de projets paneuropéens reliant le centre à la périphérie, qu'il s'agisse des transports, des réseaux d'énergie ou de technologies de l'information, dont on estime les besoins cumulés à 1000 milliards d'euros d'ici 2020 !
Ces deux grandes politiques de l'UE, PAC et cohésion, continueront à concentrer 75 % des crédits d'engagement du cadre financier pluriannuel 2014-2020 que propose la Commission. C'est dire l'inertie du budget européen qui, avec le quart restant, doit financer des ambitions croissantes et des engagements multiples.
La Stratégie « Europe 2020 » d'abord : c'est dans la perspective de cette stratégie, arrêtée au printemps 2010, que l'ensemble du budget est conçu. La PAC et la politique de cohésion seront désormais axées sur cette stratégie globale. Mais, plus précisément, un des objectifs d'Europe 2020 est de porter à 3% du PIB les investissements en R&D. C'est dans cette perspective que la Commission propose un nouveau cadre stratégique commun pour la recherche, l'innovation et le développement technologique, dénommé « Horizon 2020 ». Il lui serait alloué 80 milliards d'euros (prix 2011) destinés aux grandes priorités : santé, sécurité alimentaire et bioéconomie, énergie, changement climatique. Il s'agit d'une augmentation considérable, pratiquement de moitié. Son opportunité est discutée par certains : la complexité de l'actuel PCRD décourage son utilisation si bien que ce programme n'a pas fait la preuve de son efficacité. C'est pourquoi la France estime qu'augmenter le budget de cette politique, surtout dans une telle proportion, avant de l'avoir profondément réformée n'est pas envisageable...
Deuxième impératif à financer : les nouvelles compétences de l'UE issues du traité de Lisbonne
Depuis l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne le 1er décembre 2009, l'Union européenne dispose de compétences renforcées dans plusieurs domaines, principalement en matière de citoyenneté et de justice, et en matière d'action extérieure.
En ce qui concerne l'espace de liberté, de sécurité et de justice, le traité a élargi le champ de la coopération judiciaire en matière civile comme en matière pénale, renforcé les rôles d'Europol et d'Eurojust, et prévu la mise en place progressive d'un « système intégré de gestion des frontières extérieures ». L'actualité a souligné la nécessité de renforcer cette politique et de concevoir, au niveau communautaire, une politique d'immigration légale et d'intégration. Dans sa communication, la Commission n'évoque pourtant ni la question des Roms ni celle de l'accueil des émigrants des printemps arabes. Mais elle propose une hausse de ces crédits d'environ 20 %, ce qui représente une enveloppe encore modeste de 8,2 milliards d'euros (2011) sur 7 ans. Elle sera dorénavant répartie en seulement 2 fonds : l'un pour les migrations et l'asile, l'autre pour la sécurité intérieure. Un effort particulier sera par ailleurs consenti en matière de protection civile, afin de renforcer la réaction de l'UE face aux catastrophes.
Pour ce qui est de l'action extérieure de l'UE, le traité de Lisbonne a également approfondi la politique étrangère et de sécurité commune. La création du poste de Haut représentant de l'Union en est l'illustration la plus visible. Sa légitimité reste fragile mais il dispose déjà d'un « service européen pour l'action extérieure » composé de 5600 fonctionnaires et d'une représentation dans 89 pays, ce qui en fait le troisième réseau diplomatique du monde, après les États-Unis et la France et avant le Royaume-Uni !
Parallèlement à ses nouvelles missions à financer, l'UE s'est engagée à consacrer 0,7% de son PIB à l'aide au développement pour la réalisation des objectifs du millénaire pour le développement. L'UE n'oublie pas aussi sa responsabilité en matière de politique de voisinage destinée à stabiliser les pays qui l'entourent, y compris au-delà de la Méditerranée, dans l'intérêt de ces pays mais aussi de l'UE. Elle doit aussi contribuer financièrement à la réalisation des engagements internationaux qu'elle a souscrits en matière de changement climatique et de protection de la biodiversité. Enfin, elle doit financer l'aide humanitaire, devenue avec le traité de Lisbonne une politique à part entière de l'action extérieure de l'UE.
On comprend que cette rubrique du cadre financier pluriannuel « L'Europe dans le monde » constitue un défi budgétaire. La Commission propose de la porter à 70 milliards d'euros (prix 2011), ce qui constitue une hausse sensible par rapport au précédent cadre, mais cela sera-t-il suffisant ? Cette hausse est complétée par l'augmentation, hors budget, de la réserve d'urgence, à laquelle sont alloués 2,5 milliards d'euros et de celle du fonds européen pour le développement (le FED) qui mobilise 30 milliards d'euros.
Pour boucler un cadre financier représentant 1,05% du PIB, la Commission a recouru à un artifice qui va compliquer les négociations : elle a créé plusieurs instruments en dehors du budget ou en dehors des plafonds du cadre financier. Cela va à l'encontre du principe même de cette négociation, qui vise précisément à donner de la visibilité à la dépense de l'UE sur 7 ans et donc à anticiper les dépenses maximales. Ainsi, la Commission a sorti du cadre le financement des projets ITER (de réacteur thermonucléaire expérimental) et GMES (de surveillance spatiale pour l'environnement et la sécurité) dont les coûts ont dérivé et ne peuvent plus, selon elle, être supportés exclusivement par le budget de l'UE. Elle a néanmoins prévu de conserver au sein du budget le financement de Galileo (alternative européenne au système de positionnement par satellites américain), au motif que Galileo est « un projet dont l'UE est l'unique propriétaire ». S'il est un peu tôt pour juger des conséquences de ce choix, il est légitime de s'interroger, dans ce contexte, sur l'avenir d'ITER, dont le réacteur doit être construit en France...
Enfin, la Commission envoie un signal politique au Conseil en prévoyant aussi de réduire les dépenses d'administration, qui représentent près de 6 % du budget de l'UE. Les fonctionnaires européens subiront un durcissement de leurs conditions de travail et leur nombre sera diminué de 5 % dans les institutions, agences et autres organes européens... Je souligne que la Commission elle-même a déjà gelé ses effectifs depuis 2007, alors que le traité de Lisbonne a étendu les compétences communautaires...
On le voit, la Commission a du mal à tout faire rentrer dans l'enveloppe très contrainte que le Conseil rechigne déjà à consentir... Difficile de « faire rentrer la couette dans l'édredon ! », pour reprendre l'expression de l'ambassadeur Philippe Etienne, représentant permanent de la France à Bruxelles. L'impératif du prochain cadre financier pluriannuel sera donc assurément de dépenser « mieux » au lieu de dépenser « plus ».
Comment faire? Une première piste consiste à améliorer la cohérence et l'usage efficace des dépenses de l'UE.
En introduisant plus de conditionnalité dans l'octroi des fonds, la Commission entend justement qu'un euro dépensé par l'UE serve plusieurs objectifs : un euro de la politique de cohésion peut réduire la pauvreté et en même temps renforcer l'efficacité énergétique ; un euro de la PAC peut soutenir le revenu agricole et aussi contribuer à la lutte contre le changement climatique...
Il faut viser non seulement cette cohérence interne du budget de l'UE, mais aussi la cohérence entre les fonds européens et nationaux. D'une certaine manière, au plan macroéconomique, cette convergence entre échelons politiques européens va progresser avec le « semestre européen » : en organisant un dialogue entre Bruxelles et les capitales des États membres sur les politiques économiques qu'ils mènent, cette procédure va contribuer à faire converger les politiques menées dans chaque Etat membre avec les objectifs de l'UE. Alain Lamassoure espère que ce rendez-vous annuel permettra de vérifier que les objectifs d'Europe 2020 sont bien pris en compte dans les budgets nationaux, ce qui ne fut pas le cas pour la stratégie de Lisbonne.
Au plan microéconomique, il est important de promouvoir une approche intégrée des projets pour favoriser la synergie entre les fonds publics, européens, nationaux ou locaux, et assurer ainsi une action cohérente et donc efficace.
Une deuxième piste pour mieux dépenser le budget européen, c'est de le concentrer sur les actions présentant une véritable valeur ajoutée européenne.
Comme le rappelle le Parlement européen dans le rapport de la commission SURE adopté fin mai 2011, un enjeu essentiel du prochain cadre financier pluriannuel est de veiller à retenir au niveau communautaire les dépenses apportant une plus-value à cet échelon, par rapport aux mêmes dépenses effectuées au niveau national. Si cette condition est respectée et que l'UE n'intervient pas en doublon des États membres, l'investissement au niveau européen peut permettre de réduire les dépenses nationales. Un euro investi dans le budget de l'UE peut réduire le budget national d'un euro, mais même de plus d'un euro, grâce à la plus-value significative d'une action commune et coordonnée au niveau européen. Le budget européen peut aider à optimiser les résultats des actions économiques et sociales. Comme le souligne Alain Lamassoure, maintenir 27 budgets nationaux en matière de développement et de coopération, conserver des réseaux consulaires distincts pour des États membres de l'accord de Schengen, garder au Botswana une représentation de 6 États membres de l'UE, est-ce bien raisonnable?
Pour que l'effet vertueux de la mutualisation fonctionne, il faut toutefois qu'il ne soit pas contrecarré par une bureaucratie étouffante... C'est malheureusement ce qui entrave l'efficacité du budget européen de la recherche. A première vue, il semble plus efficace de chercher une seule fois, en mutualisant les budgets pour obtenir un effet de masse critique, plutôt que 27... et pourtant, les sommes consacrées par l'UE à la recherche ne produisent pas l'effet escompté: aujourd'hui, un laboratoire français doit changer de comptabilité pour être éligible au PCRD ! La simplification des procédures est donc un objectif prioritaire pour faire éclore la valeur ajoutée européenne. La Commission affiche sa volonté d'avancer en ce domaine, tant mieux !
Troisième piste pour mieux utiliser le budget de l'UE : utiliser son effet de levier.
Puisque le cadre financier pluriannuel est trop étroit pour permettre la réalisation de tous les objectifs de l'Union européenne, il importe d'utiliser le budget européen comme un catalyseur : l'impact des investissements publics européens dans les infrastructures ou les grands projets peut être optimisé si ces investissements servent aussi à mobiliser dans leur sillage d'autres fonds, émanant de la Banque européenne d'investissement (BEI), de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) ou bien encore du secteur privé (fonds de pension, entreprises d'assurance...).
D'ores et déjà, il faut encourager le recours aux partenariats public-privé (PPP) pour monter les projets européens qui présentent une rentabilité suffisante. Leur montage est délicat, la difficulté majeure consistant à trouver le bon partage des risques entre les secteurs public et privé. Mais les PPP ont fait la preuve de leur utilité pour contribuer à la fourniture d'infrastructures ou de services publics stratégiques, aussi bien dans le secteur des transports que dans celui des bâtiments et équipements publics ou encore celui de l'environnement.
Les nouveaux instruments financiers représentent un autre type d'instrument permettant de mobiliser les ressources privées en complément de l'investissement public. Ainsi, la politique de cohésion a lancé de nouveaux instruments combinant subvention et prêts. Ils présentent l'avantage d'exercer un plus grand effet de levier que les subventions traditionnelles, mais ils sont encore peu exploités par les régions. D'autres projets innovants sont envisagés à l'échelle de l'Union: les fonds de capital-risque européens, un fonds européen des brevets pour revendre ou louer les brevets non utilisés...
Enfin, il convient d'explorer la piste des « project bonds », ces émissions obligataires destinées à permettre le financement des grands projets prioritaires de l'UE, qu'il s'agisse de créer des infrastructures nouvelles ou de moderniser des infrastructures existantes. Ainsi, dans le secteur des transports, il s'agirait de remettre à niveau les infrastructures, de résorber les goulets d'étranglement, de numériser les systèmes de péage et de signalisation, de déployer des réseaux de station pour le véhicule décarboné... Dans le secteur de l'énergie, le financement devrait être consacré à rénover et mettre à niveau en termes de sûreté les centrales nucléaires, à promouvoir les énergies renouvelables, à renforcer l'efficience énergétique...
Le mécanisme reposerait sur une garantie que l'UE et la BEI pourraient apporter en appui aux emprunts obligataires qu'émettrait la société de projet assurant le financement de l'infrastructure : cette garantie améliorerait la qualité de ces obligations et les rendrait ainsi plus attractives pour les investisseurs. La BEI accorde déjà des garanties similaires pour des prêts relatifs à des projets européens en matière de transports.
Dans sa communication, la Commission confirme son intention d'encourager ce type d'emprunts. D'ores et déjà, les autorités françaises ont manifesté leur intérêt pour cette initiative. Elles insistent néanmoins sur la nécessité de limiter la couverture du risque de défaut de la société de projet et d'inscrire au budget communautaire ce risque, que l'Union prendrait en charge par le biais de la garantie : ainsi, les pertes éventuelles seraient plafonnées au niveau de la contribution budgétaire, en excluant tout engagement hors bilan pour le budget communautaire. Il faudra donc veiller à ce que les conséquences budgétaires des « project bonds » soient bien intégrées dans le prochain cadre financier pluriannuel.
Il me semble que seules ces pistes d'avenir permettraient de résoudre la quadrature du cercle et d'espérer une action européenne ambitieuse dans un cadre financier quasiment gelé.
On peut toutefois imaginer dégeler les moyens financiers à disposition de l'UE en créant enfin une nouvelle ressource propre, qui permettrait d'affranchir la négociation sur les dépenses du raisonnement des États membres en termes de «juste retour» et de soldes nets. Mais notre collègue Pierre Bernard-Reymond y reviendra le moment venu et présentera les propositions de la Commission en la matière. Pour ma part, je tiens simplement à me féliciter du soutien que la Commission apporte à l'appel lancé par le Parlement européen en faveur d'une conférence interparlementaire, avec les parlements nationaux, pour débattre sérieusement de cette question fondamentale.
Comme vous le voyez, le défi de ce cadre financier pluriannuel est de traverser la tempête financière en sauvegardant modestement ce qui peut l'être. Comme nous l'a dit le directeur du Budget de la Commission, M. Hervé Jouanjean, l'Europe n'est pas vue aujourd'hui par les États membres comme une opportunité mais comme une dépense. Si l'UE affiche des ambitions mais ne se donne pas les moyens de les réaliser, la distance entre l'UE et les citoyens européens risque encore de s'accroître. A nous de défendre une vision de moyen terme au-delà des strictes considérations comptables.
Ce sujet mérite encore d'être creusé. Je n'ai pu, vu les délais, vous présenter qu'une réaction à chaud par rapport aux propositions de la Commission qui nous sont arrivées jeudi dernier. Mais nous pourrions approfondir le sujet à l'automne et insister sur les points durs que nous souhaiterions voir préserver dans la longue négociation qui s'annonce.
Ma première réaction est de me féliciter des nouvelles, plutôt bonnes, que François Marc nous annonce en matière de politique de cohésion et, globalement, de politique agricole.
Je félicite mon collègue pour son excellent rapport qui ouvre le débat sur le cadre financier pluriannuel et qui va même au-delà, puisqu'il envisage des réformes. Son allusion au maintien de six représentations diplomatiques de pays européens au Botswana ne peut manquer de nous interpeller. Yann Gaillard et moi-même sommes satisfaits à ce stade des propositions en matière de politique de cohésion. Je rappelle que la création d'une catégorie de régions intermédiaires devrait rapporter quelque 3 milliards d'euros à plusieurs régions françaises, sans rien enlever aux autres. Mais nous devons continuer à aiguillonner le Gouvernement, comme nous l'avons fait avec la résolution européenne que nous avons proposée au Sénat et qu'il a adoptée en juin dernier. Il faudra notamment prêter attention au développement de ce sujet au Parlement européen, où le rapporteur, M. Pieper, ne cache pas sa réticence à l'égard de la création de cette nouvelle catégorie de régions, même si finalement la résolution votée par le Parlement européen va dans le bon sens.
François Marc a eu raison d'attirer notre attention également sur les régions ultrapériphériques. Le Comité de suivi de la mission commune d'information sur la situation des DOM m'avait convié la semaine dernière à venir lui présenter le rapport de notre commission sur l'avenir de la politique de cohésion. Mon intervention était prévue après celle du député européen Elie Hoarau, qui s'est exprimé longuement, si bien qu'au moment où la parole m'a été donnée, l'assemblée était trop clairsemée pour qu'il soit utile que je fasse ma présentation. Finalement, nous sommes convenus avec le président de ce comité, M. Serge Larcher, que le sujet serait repris à l'automne. J'ai été marqué durant cette réunion par les références fréquentes de mes collègues à la ministre en charge de l'Outre-mer, alors que la plus grande part de la politique ultramarine se décide désormais à Bruxelles. L'Outre-mer y est défendu par trois États membres seulement, le Portugal (dont est originaire le président de la Commission européenne), l'Espagne et la France. Il est en tout cas positif que mes collègues ultramarins aient souhaité être informés du travail de notre commission des affaires européennes. J'espère d'ailleurs que des collègues d'Outre-mer pourront à l'avenir rejoindre la commission des affaires européennes.
Je tiens à mon tour à féliciter le rapporteur qui nous a fait une présentation très complète, qui rejoint celle à laquelle j'ai assisté ce matin à la Représentation française du Parlement européen. Je retiens que la part de la PAC et de la politique de cohésion reculent dans le budget européen, passant de 80 % à deux tiers aujourd'hui. Nous pouvons nous contenter des chiffres que la Commission propose pour la PAC : les sommes restent les mêmes, en euros courants. Je pense que nous aurons de nouvelles difficultés au moment de la répartition de ces enveloppes entre États membres (anciens et nouveaux) et entre agriculteurs. Pour les autres politiques, il est aussi prévu des « niches pour cacher des noisettes », c'est-à-dire des réserves. Je formule le voeu que l'élargissement aux agriculteurs du champ d'intervention du fonds d'ajustement à la mondialisation ne serve pas à réparer les dégâts sur l'élevage d'un éventuel accord déséquilibré avec le Mercosur. Mais je suis en tout cas rassurée sur l'avenir du développement rural, dont les fonds ne baissent pas comme ils l'avaient fait la dernière fois. Je m'interroge toutefois sur le fait que le FEADER intègre un cadre stratégique commun à tous les fonds structurels : y a-t-il un risque de caisse commune ? En tout état de cause, je n'oublie pas que le projet européen est également d'investir dans les villes. Il y a certainement un équilibre à trouver.
Je rejoins par ailleurs les remarques de Simon Sutour sur les régions ultrapériphériques.
Je considère aussi que va dans le bon sens la proposition de la Commission de créer un fonds d'interconnexion énergétique (j'en avais constaté le besoin en matière d'électricité et de gaz dans mon rapport de 2009) et de technologie de l'information. J'espère que ce fonds sera l'amorce d'une politique énergétique commune.
Pour conclure, il me semble que cette première ébauche de cadre pluriannuel est positive. Je rappelle que le budget annuel de l'Union européenne reste modeste, à peu près du même montant que le déficit annuel de la France.
Notre commission a déjà bien travaillé sur la PAC et la politique de cohésion. Elle a aussi adopté le rapport que je lui ai présenté sur la montagne qui faisait, dans cette perspective, une synthèse des travaux sur la PAC et la cohésion. J'ai également organisé une table ronde il y a quelques jours sur ce sujet, à laquelle je remercie le président Bizet d'avoir participé. Je rends aussi hommage au Ministre Bruno Le Maire qui a joué intelligemment : pour ce qui est de la politique de cohésion, la France n'était pas demandeuse en matière de régions intermédiaires, mais elle n'y était pas non plus opposée ; concernant la PAC, la France a réussi maintenant à la sauver des eaux ! Et son deuxième pilier, capital pour la montagne, n'est pas amputé comme on pouvait le redouter. Le travail qui a été fait ici, ainsi qu'au Comité des régions d'Europe, n'a pas été vain. Des rapports institutionnels nouveaux s'établissent. Nous devons poursuivre notre action auprès du Gouvernement et du Parlement européen, notamment en continuant nos réunions communes entre les deux chambres du Parlement français et les eurodéputés.
Je tenais enfin à insister sur la politique de voisinage sur laquelle il nous faut rester très vigilants. Il faudra reprendre ce dossier pour encourager de grandes actions à l'égard de la zone Méditerranée.
Le rapport est le résultat des entretiens fructueux que j'ai pu avoir à Paris comme à Bruxelles, mais nous ne sommes qu'au début d'une longue négociation.
A l'issue du débat, la commission a décidé d'autoriser la publication du rapport.
Lors de notre dernière réunion, Bernadette Bourzai et Pierre Bernard-Reymond ont souhaité que notre commission intervienne au sujet de la remise en cause, à la suite d'un arrêt de la Cour de justice, du mécanisme européen d'aide alimentaire aux plus démunis. J'avais personnellement évoqué le sujet auprès du ministre chargé des affaires européennes.
Je rappelle que ce mécanisme existe depuis 1987. A cette époque, il existait encore des stocks agricoles importants dans le cadre de la PAC « ancien style ». Et l'idée était venue d'utiliser une partie de ces stocks au bénéfice d'ONG assurant une aide alimentaire aux plus démunis, avec une répartition par État membre.
Avec les réformes de la PAC, les stocks d'intervention sont devenus de plus en plus limités. Le système a donc été complété par des allocations permettant d'acheter des produits sur le marché pour maintenir l'aide alimentaire. Un plan d'aide est établi chaque année.
Le plan pour 2009 a été attaqué par l'Allemagne et la Suède devant la Cour de justice. Ces deux pays soulignaient que le plan manquait de base juridique. En effet, la législation européenne sur laquelle s'appuyait le plan d'aide restait la législation agricole, qui liait l'aide alimentaire à la situation des stocks. Or, en 2009, les stocks étaient au plus bas et le plan avait, pour l'essentiel, pris la forme d'achats sur le marché. Il n'y avait donc plus de lien véritable avec la PAC : on était dans la politique sociale.
La Cour de justice a donné raison aux deux États dans un arrêt du 13 avril dernier. Cet arrêt n'a pas d'effet rétroactif et le plan pour 2011 va encore s'appliquer. Mais la Commission a été obligée de revoir fortement à la baisse le plan pour 2012, en prévoyant un montant de 113 millions d'euros alors qu'initialement, c'était un montant de 500 millions qui était prévu. Ce montant de 113 millions correspond aux dépenses qui peuvent être justifiées par la nécessité d'écouler les stocks, compte tenu de leur état actuel. Cela va entraîner une diminution considérable de l'aide.
Bien sûr, on peut considérer que les achats sur le marché au bénéfice des ONG assurant une aide alimentaire relèvent en réalité de la politique sociale, qui est essentiellement une compétence nationale. Rien n'empêche les États membres de financer eux-mêmes ces achats sur le marché, d'autant que les montants en cause représentent une goutte d'eau dans l'océan des dépenses sociales.
Mais ce n'est pas une bonne solution. Les plans d'aide alimentaire contribuent à l'image de la construction européenne, si souvent accusée d'être technocratique. Ils contribuent également à l'image de la PAC, et à la réalisation de ses objectifs. Il faut rappeler que l'année dernière, 13 millions de personnes dans l'Union ont bénéficié de l'aide alimentaire.
Aux États-Unis, l'aide alimentaire est autrement plus développée et constitue un levier important - les « food stamps » - de la politique sociale tout en assurant un soutien à l'agriculture. Et c'est une forme de soutien que personne ne conteste. Le budget est de l'ordre de 50 milliards de dollars chaque année, avec 40 millions de bénéficiaires qui reçoivent une carte spéciale, de type carte de crédit, pour se fournir dans les magasins d'alimentation.
Je ne dis pas que nous devons copier le système américain, mais il existe des raisons solides, à la fois politiques, sociales et agricoles, pour que les plans européens d'aide actuels soient maintenus.
A supposer que le problème de la base juridique de ces plans apparaisse insoluble, il resterait possible de recourir à la « clause de flexibilité des compétences » prévue à l'article 352 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Selon cet article :
« Si une action de l'Union européenne paraît nécessaire, dans le cadre des politiques définies par les traités, pour atteindre l'un des objectifs visés par les traités, sans que ceux-ci aient prévu les pouvoirs d'action requis à cet effet, le Conseil, statuant à l'unanimité sur proposition de la Commission et après approbation du Parlement européen, adopte les dispositions appropriées ».
Je vous propose donc que, dans le cadre du dialogue politique avec la Commission européenne (« initiative Barroso »), nous nous adressions à la Commission pour lui faire connaître notre souhait qu'un programme européen de distribution de denrées alimentaires aux personnes les plus démunies soit maintenu avec des moyens suffisants.
Ce texte est une excellente initiative. Je suis interpellé de voir le nombre de personnes concernées par l'aide alimentaire. J'aimerais simplement que cette action que vous préconisez respecte le principe de préférence communautaire, ou plutôt de sécurité d'approvisionnement de l'Europe.
Je remercie le président d'avoir répondu à mon souhait. La forme d'intervention que vous proposez est rare mais est intéressante. Il est regrettable que, dans cette affaire qui a débouché sur un contentieux, on en vienne presque à regretter qu'il n'y ait plus de stocks importants gérés par la Commission européenne.
A l'issue de ce débat, la commission a adopté la motion suivante :
Vu la proposition modifiée de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant les règlements (CE) n° 1290/2005 et (CE) n° 1234/2007 du Conseil en ce qui concerne la distribution de denrées alimentaires aux personnes les plus démunies de l'Union (COM (2010) 486 final),
Vu l'arrêt de la Cour de justice du 13 avril 2011 (T 576/08),
Souligne que la distribution de denrées alimentaires aux personnes les plus démunies concourt à la réalisation des objectifs de l'Union, notamment la lutte contre l'exclusion sociale, la stabilisation des marchés agricoles et la sécurité d'approvisionnement,
Souhaite que le programme de distribution prévu par la proposition de règlement suscitée, avec un budget annuel de 500 millions d'euros, soit approuvé par les institutions de l'Union,