Dans un courrier daté du 3 août dernier, nous avons été sollicités par le président du Sénat, qui considère que cette fin de mandat doit être l'occasion de faire le point sur l'état de notre réflexion au sujet des normes ainsi que sur l'avenir de la délégation.
Je rappelle que le président du Sénat a toujours soutenu nos travaux. Il a lui-même organisé la signature de la convention de partenariat avec le Conseil national d'évaluation des normes. Il a mis en valeur notre délégation à plusieurs reprises, y compris devant le Président de la République lors de la Conférence nationale des territoires du 17 juillet dernier, en insistant sur son rôle d'interface privilégiée avec les représentants des associations d'élus.
Pour répondre à M. Larcher, il m'a semblé souhaitable que nous nous retrouvions en cette fin de mandature plutôt que d'attendre la reprise effective des travaux de la délégation en novembre.
Deux points sont donc inscrits à l'ordre du jour de notre réunion.
Nous échangerons tout à l'heure sur la question de la diminution du nombre d'élus, qui figurait dans le courrier du président du Sénat et qui a été soulevée récemment par le Président de la République. Un certain nombre d'associations d'élus nous ont d'ailleurs écrit à ce sujet.
Nous allons tout d'abord évoquer la problématique des normes, qui a constitué un axe majeur de nos travaux pendant trois ans, tant en ce qui concerne le flux que le stock. Rémy Pointereau présentera des propositions sur ce que pourrait être le rôle de la délégation en la matière.
Nous souhaitons également aborder la question du devenir possible de notre délégation. M. Larcher a déclaré qu'il voulait renforcer son pouvoir dans les années à venir. Cela pose évidemment la question des moyens, y compris humains, mais aussi celle du positionnement de la délégation.
Il y a trois ans, j'avais souhaité que la délégation puisse désigner des rapporteurs pour avis sur les projets et propositions de loi. J'ai vite compris que cette éventualité était de nature à susciter des difficultés d'articulation avec les commissions permanentes et donc à freiner notre action. Nos relations avec les commissions sont les meilleures et je m'en félicite.
Bien évidemment, il ne s'agit pas d'évoquer tout de suite l'hypothèse d'une transformation de la délégation en commission permanente. Cependant, il pourrait être intéressant d'envisager que la délégation puisse, à l'instar de la commission aux affaires européennes, qui était jadis une délégation, devenir une commission à double appartenance, afin que nous puissions mettre en exergue les problématiques liées aux normes. Pourquoi ne pas l'inscrire dans notre « testament », en cette fin de mandature ?
On ne peut que se féliciter que le président Larcher tienne compte du travail de la délégation sur la simplification des normes et qu'il envisage d'aller plus loin, ce qui était aussi notre demande.
Nous voudrions que les autres commissions soient associées à la démarche de simplification. Nous avions envisagé la possibilité d'une désignation d'un sénateur référent dans les différentes commissions pour faciliter les échanges avec celles-ci. Il pourrait être intéressant de reprendre cette piste.
Nous pouvons également évoquer la mise en place d'une charte de la simplification normative, qui pourrait être cosignée par les commissions. Ainsi, les rapports des commissions apprécieraient systématiquement l'incidence sur les collectivités des mesures législatives examinées et des amendements proposés. Cela me semble fondamental. De fait, les études d'impact du Gouvernement ne sont ni toujours très judicieuses ni toujours très fines, car elles sont rédigées beaucoup trop rapidement.
Nous pourrions aussi présenter régulièrement notre travail à la Conférence des présidents, afin de coopérer avec l'Exécutif.
Trois points me semblent particulièrement importants :
- premièrement, les instances du Sénat, notamment les commissions, doivent s'approprier la thématique de la simplification normative et administrative. Nous devons vraiment être connectés au processus normatif. Comme nous l'avons vu à l'occasion de l'examen de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte ou de la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, les commissions ont des difficultés à intégrer notre travail et nos tentatives de simplification dans le cours de leur réflexion. À cet égard, la désignation d'un sénateur référent en commission permettrait de mieux faire valoir l'impératif de simplification.
Par ailleurs, tant que la délégation ne disposera pas du droit d'amendement ni de la possibilité de se saisir pour avis de certains textes, nous resterons en marge de la simplification. Il serait tout de même logique que la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation du Sénat - représentant des collectivités - puisse émettre en tant que telle un avis sur les textes de loi concernant les collectivités ! Nous pourrions envisager dans ce but la transformation de notre délégation en commission, avec un système de double appartenance ;
- deuxièmement, nous pourrions élaborer des indicateurs de simplification pour l'ensemble de l'activité législative. Aujourd'hui, on a souvent l'impression, lors des travaux en commission comme lors de la discussion des textes dans l'hémicycle, que, pour beaucoup, l'efficacité d'un texte dépend du nombre d'amendements déposés. Au contraire, nous estimons qu'il faudrait freiner cette tendance, pour éviter de complexifier la loi. Pourquoi ne chercherions-nous pas un moyen de limiter l'augmentation du nombre d'articles des projets de loi ? Pourquoi ne pas définir des indicateurs précis sur le sujet ?
- troisièmement, il serait utile que nous évaluions les études d'impact du Gouvernement. Celles-ci sont souvent réalisées à la va-vite, quarante-huit heures avant le dépôt du texte. Avec des moyens supplémentaires, nous pourrions examiner en amont ces études d'impact, comme cela se fait en Allemagne, aux Pays-Bas ou encore en Angleterre. S'il était mené au Sénat, ce travail serait un gage de sincérité du travail législatif. Par exemple, nous pourrions dès à présent examiner les répercussions pour les communes de la suppression annoncée de la taxe d'habitation pour 80 % des contribuables.
Tels sont les points que nous pourrions soulever dans notre réponse au courrier de M. Larcher.
Pour chacun d'entre eux, nous proposerons des réponses précises, pour les flux et pour les stocks de normes.
L'objectif fondamental est de renforcer le rôle de notre délégation auprès des futures commissions. Comme l'a dit Rémy Pointereau, rien n'est plus frustrant que de travailler sur des textes et, notamment pour des raisons de timing, de ne pas être écoutés par les commissions. L'initiative consistant à renforcer le poids de nos travaux doit donc être soutenue.
Je remarque aussi qu'au sein du Sénat, la recherche du consensus, voire de l'« hyper consensus », aboutit souvent à des résultats incolores et inodores. Le consensus fait certes partie de la marque de fabrique du Sénat, mais il conviendrait d'éviter d'aller trop loin, tout au moins lors du travail en commission.
Le Président du Sénat a reconnu l'importance de nos travaux. J'apprécie que l'on s'efforce de donner à notre délégation davantage de force, de présence, de visibilité et d'efficacité, pour deux raisons :
- tout d'abord, nous entrons dans l'ère du non-cumul des mandats ; la connaissance des territoires risque donc de diminuer au sein du Parlement. Or nous avons le souci d'une loi bien faite, frugale, dont l'objectif est de permettre plutôt que de contraindre. La diversité territoriale étant très grande, l'ultra simplification de la pensée ne rend pas service à nos territoires ;
- ensuite, le Président de la République a instauré la Conférence nationale des territoires. Quelle doit être la place du Sénat au sein de cette instance ? S'il est banal de parler de fracture territoriale - laquelle est d'ailleurs béante -, le Sénat doit être le gardien de la République des territoires.
Afin que nos travaux aient davantage de force et de pertinence, il nous faut prendre en considération le point de vue des collectivités territoriales. Cela nous éviterait d'entendre au Sénat certains propos excessifs, tels ceux de cette collègue estimant que les collectivités devraient veiller au brossage des dents des élèves de maternelle...
Par ailleurs, il arrive que des décisions s'imposent au plan national, notamment pour des raisons de contrainte budgétaire. Prenons l'exemple des contrats aidés : ils ont été supprimés trois jours avant la rentrée scolaire sans que l'on ait réfléchi aux effets collatéraux, entre autres sur les cantines ! Cela est le résultat d'un fonctionnement « en tuyau ». Si notre délégation avait un rôle plus important, elle pourrait en amont participer à la construction de textes de loi plus sobres, plus frugaux.
Notre délégation doit davantage peser sur le travail et les orientations du Sénat pour que celui-ci puisse conserver sa caractéristique constitutionnelle de représentation des collectivités.
Deux solutions s'offrent à nous : soit la délégation devient une commission à part entière, soit elle demeure une délégation. La première solution présente plus d'inconvénients que d'avantages. Les autres commissions, qui nous considèrent aujourd'hui avec bienveillance, pourraient en effet en prendre ombrage. Mais si la seconde solution est retenue, il faut alors que notre délégation joue un rôle plus important et émette des avis.
Pour ma part, j'ai pu constater, à l'occasion des travaux de la délégation sénatoriale aux entreprises, que d'autres pays européens avaient beaucoup d'avance sur nous et appliquaient des méthodes plus rigoureuses. Or, dans ce domaine, l'efficacité importe plus que les discours. Nous pourrions proposer au Sénat de donner à notre délégation un statut renforcé et travailler à l'élaboration d'outils qui serviraient de normes de référence aux commissions.
S'agissant des textes relatifs aux collectivités, le Conseil constitutionnel ne s'est pas prononcé sur la question des études d'impact ; nous avons su ensuite qu'il n'en avait pas eu le temps. Notre délégation devrait peser dans ces débats, en opposer l'« hyper rigueur » à l'« hyper consensus ». En termes de normes, la vérité doit s'imposer.
À l'occasion des élections sénatoriales, j'effectue une tournée des communes de mon département et je suis effaré de constater que de grands projets urbanistiques sont bloqués : en effet, certaines études ne sont plus valables du fait de la lenteur des procédures. En tant que parlementaires, on est parfois gênés face aux élus de terrain ! D'où l'importance de renforcer le rôle de notre délégation lors de l'élaboration et du suivi de la loi.
Vos propos convergent sur un point : il est plus important d'agir que de déterminer sous quelle forme organiser nos travaux.
Durant trois ans, nous nous sommes fortement engagés en faveur de la simplification des normes. Tous nos collègues se sont sentis concernés par cet engagement, lequel a été soutenu par le président du Sénat. C'est un acquis, même si cela n'a pas changé fondamentalement les choses.
Nous avons défini quelques pistes concrètes sur les flux et sur les stocks. Nous avons noué un partenariat permanent avec l'Exécutif, lequel a tenu des propos forts sur le sujet. Les conditions sont donc réunies pour que notre délégation passe à la vitesse supérieure et endosse un rôle plus important au sein de l'institution sénatoriale. La forme de cette nouvelle organisation est une question secondaire.
Il y a trois ans, nous avons surmonté les tensions et cela nous a servis. Attendons désormais de voir ce que fera le nouveau président du Sénat, et s'il s'inspirera de nos réflexions. À ce stade, nous sommes dans notre rôle.
Nous avons mené un travail de fond depuis trois ans. Nous ressentons cependant de la déception et de la frustration, car les résultats ont été maigres... Sans texte constitutionnel majeur - je pense à la proposition de loi constitutionnelle dont nous avons porté à ce sujet l'adoption par le Sénat -, nous ne pourrons pas traiter le flux des normes qui nous seront soumises. Pour ce qui est du stock, le Conseil national d'évaluation des normes (CNEN) réalise un travail considérable, mais son président, Alain Lambert, nous a confié ne disposer que de très peu de moyens.
Sur la simplification du droit de l'urbanisme, nous avons bien travaillé et un « hyper consensus » s'est établi au sein du Sénat. Pourtant, l'Assemblée nationale ne reprendra pas ce texte. Or l'urbanisme est un sujet essentiel.
Les territoires, les collectivités et leurs élus, ce sont les marqueurs du Sénat ! Lorsque s'appliquera le non-cumul des mandats, nous serons bientôt « hors-sol ». Le moment est donc venu de mettre les bouchées doubles pour réaffirmer notre rôle de représentant des territoires.
Si notre délégation changeait de statut, elle pourrait prendre la forme d'une commission telle que celle des affaires européennes du Sénat.
Enfin, la commission des lois a énormément de travail. Ne pourrait-on se partager la tâche ? C'est un vrai sujet !
Mes chers collègues, vous avez sous les yeux notre projet de réponse à M. le président du Sénat : doit-on conserver la proposition d'une commission avec double appartenance ?
Grâce à la formule : « À défaut de créer une commission permanente, il serait envisageable de », etc. Les différentes options figurent dans ce courrier.
J'en viens au deuxième point de l'ordre du jour : le président Larcher nous a saisis d'un sujet auquel M. Macron a fait allusion en juillet dernier : une possible réduction du nombre d'élus locaux, parallèlement à celle du nombre de parlementaires.
Un certain nombre d'associations d'élus, voire de collègues, nous ont écrit à ce sujet. Dans un courrier que j'ai reçu aujourd'hui-même, Mme Jacqueline Gourault rappelle la nécessité de rénover le statut des élus, en particulier au sein des exécutifs régionaux. Toutefois, la ministre reste prudente.
Il me semble pourtant que le Président de la République a été extrêmement précis : il a dit qu'il fallait réduire le nombre d'élus et augmenter le nombre de fonctionnaires mis à leur disposition, afin qu'ils puissent mieux travailler.
Il y a un peu plus d'un an et demi, l'Association des maires de France a lancé une alerte sur les difficultés engendrées par le scrutin de liste dans les communes comptant moins de 1 000 habitants. Souvent, dans ces territoires, il est difficile de compléter les listes, et certains élus démissionnent rapidement. Jacqueline Gourault ne semblait pas hostile à des listes plus courtes dans les communes les moins peuplées. Certains élus locaux sont favorables à cette mesure, d'autres non, et pour cause : les 500 000 élus locaux que compte la France sont largement bénévoles et assurent en grande partie la cohésion sociale.
Ne serait-ce qu'avec les communes nouvelles, le nombre des élus locaux a déjà diminué. Reste que l'annonce du Président de la République a provoqué la surprise.
M. Larcher souhaite que nous engagions « une réflexion sur les conséquences de cette réduction annoncée ». Sur ce sujet, nous pourrions laisser notre testament à la prochaine délégation aux collectivités territoriales. Bien sûr, notre réflexion pourrait inclure les associations d'élus.
Il est essentiel de se saisir de ces problématiques en amont : il sera ainsi possible d'apporter un éclairage tout à fait intéressant.
Vous le savez, je suis un homme de consensus, mais je suis prudent quant aux dangers de l'hyper consensus. Comme je le disais quand j'étais maire, le maire doit garder son sabre pour trancher !
Il a déjà été prévu de réduire le nombre de conseillers municipaux dans les communes de moins de 500 habitants. À la rigueur, pourquoi pas au-delà ? Mais, comme l'a souligné Mme Gatel, les 500 000 élus de notre territoire créent un lien social indispensable et, bien souvent, ils ne coûtent rien. On peut aussi envisager de restreindre le nombre d'élus départementaux, par exemple lorsqu'il existe une métropole, comme pour Lyon. Mais, dès lors, il faut également parler de la diminution du nombre de hauts fonctionnaires ! Tout le monde doit participer à l'effort, y compris les ministères, c'est une question de logique.
À ce titre, il serait bon que les hauts fonctionnaires accomplissent de longs stages dans les préfectures, où il y a des manques criants en personnel.
Aujourd'hui, les administrations subissent un appauvrissement terrible : il n'y a pour ainsi dire plus de services dans les préfectures.
Voilà de quoi nourrir la réponse au président du Sénat. Je suis d'accord avec la préconisation formulée par Rémy Pointereau à propos de la haute fonction publique, mais cette réflexion ne nous écarte-t-elle pas un peu du sujet ?
Pas tant que cela : c'est toujours aux territoires que l'on demande de faire des efforts.
Dans ce cas, nous ferons au sujet des normes une réponse précise présentant la palette des possibilités que nous avons évoquées.
S'agissant du nombre des élus, nous aborderons la question de la méthode et évoquerons la nécessité de tenir compte de l'environnement administratif dans son ensemble. On ne peut pas raisonner en vase clos : la République, c'est à la fois l'administration de l'État et les territoires.
Mes chers collègues, avant de nous quitter, je tiens à vous dire que je suis très heureux du travail riche, fructueux et amical que nous avons mené ensemble.