Mes chers collègues, j'ai souhaité organiser un échange de vues sur la proposition de loi visant à agir contre les violences au sein de la famille, adoptée par l'Assemblée nationale le mardi 15 octobre.
Ce texte, issu d'une initiative du député LR Aurélien Pradié, est soutenu par le Gouvernement et fait l'objet d'une procédure accélérée. Il sera examiné au Sénat par la commission des lois, le mercredi 30 octobre, puis en séance publique le mercredi 6 novembre : il ressort de ce calendrier que la volonté commune est d'aller vite...
La proposition de loi entend généraliser, en France, l'usage du bracelet anti-rapprochement (BAR)1(*) pour les conjoints violents. La ministre de la justice a indiqué que l'objectif était de lancer le dispositif début 2020. La secrétaire d'État chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations nous a par ailleurs fourni quelques éléments relatifs au financement du dispositif, au cours de son audition devant la délégation, le mardi 15 octobre2(*).
Le bracelet pourra être autorisé au pénal comme au civil, avec la nécessité d'obtenir le consentement des deux conjoints, dont l'auteur des violences, pour éviter un risque d'inconstitutionnalité.
Au pénal, le conjoint ou ex-conjoint violent sera incité à l'accepter, afin d'éviter la détention préventive ou de bénéficier d'un aménagement de peine s'il est déjà condamné.
Au civil, en cas de refus du bracelet, le juge aux affaires familiales (JAF) pourra en aviser immédiatement le procureur de la République.
Le texte vise également à renforcer l'efficacité de l'ordonnance de protection (OP), dispositif encore largement perfectible. Ainsi, la proposition de loi définit une limite de six jours au juge aux affaires familiales entre l'audience des parties et la délivrance de l'OP.
Enfin, le texte entend faciliter l'utilisation des téléphones grave danger (TGD), dispositif efficace mais encore trop méconnu et donc sous-utilisé3(*).
D'autres dispositions moins médiatisées que le bracelet électronique, mais néanmoins très importantes, vont dans le sens des recommandations préconisées par notre délégation dans ses travaux sur les violences.
Je pense par exemple à la mesure qui introduit une exception très claire à la médiation familiale, en cas de violences conjugales, en l'excluant dès lors que les violences sont alléguées et pas seulement commises4(*), ou encore à la médiatisation du droit de visite dès lors que le JAF aura prononcé une interdiction de contact entre les conjoints.
La proposition de loi contient aussi des dispositions intéressantes allant dans le sens d'une meilleure prise en charge des auteurs de violences, que nous savons décisive pour la prévention de la récidive.
Il faut également noter que la commission des lois de l'Assemblée nationale a amendé le texte pour permettre le bracelet anti-rapprochement en cas de violence au sein du couple, y compris pour les couples qui ne cohabitent pas, selon la rédaction retenue pour l'article 132-80 du code pénal par la loi du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes.
Il faut se réjouir que la prise de conscience généralisée de la gravité des féminicides ait pu déboucher sur une initiative de l'Assemblée nationale qui rejoint nos constats et ceux de tous les acteurs de terrain engagés dans la lutte contre les violences. J'espère que cette dynamique se confirmera.
S'agissant du débat en séance, je disposerai, tant que présidente de la délégation aux droits des femmes, d'un temps d'intervention de cinq minutes dans la discussion générale, avec les orateurs institutionnels.
Je souhaite donc solliciter votre avis avant d'exprimer la position de la délégation en séance publique, position qu'il nous convient de définir aujourd'hui sur le fond et sur la forme.
Sur le fond, je pense que nous pouvons collectivement nous féliciter de la mobilisation des députés et du Gouvernement pour faire adopter en urgence un texte qui marque une volonté certaine d'avancer concrètement et rapidement en faveur de la protection des femmes contre les violences conjugales.
Quels que soient les mérites de ce texte, nous devons toutefois rester vigilants sur les points suivants :
- premièrement, nous devrons nous montrer particulièrement attentifs à la mise en oeuvre de ce texte. Cela suppose avant toute chose que le Gouvernement dégage les moyens financiers et humains adaptés. Il me semble aussi qu'il serait important de dresser une évaluation des premiers mois d'application de la loi, afin de disposer d'éléments sur l'efficacité du BAR et de savoir si les mesures adoptés sur l'OP et le TGD ont été suivies d'effet sur le terrain, et dans tous les territoires. Par exemple, les TGD, qui ont montré leur efficacité, doivent faire l'objet d'un effort de la part des procureurs au lieu de rester dans les tiroirs, comme cela nous a été rapporté. Ernestine Ronai le rappelait récemment : en Seine-Saint-Denis, sur 313 femmes attributaires d'un TGD, aucune n'a été tuée ! Ce point supposera de notre part un suivi exigeant de l'application de ce texte.
- Deuxièmement, on ne peut prétendre régler le problème des violences au sein des couples avec le seul outil répressif. Il est impératif de continuer à travailler sur la prévention des violences, l'accompagnement des victimes et des auteurs, la formation des professionnels et les moyens attribués aux associations. Ce sera à mon avis l'un des enjeux principaux du Grenelle de lutte contre les violences conjugales. En d'autres termes, l'adoption de ce texte ne saurait exonérer les parlementaires de toute responsabilité pour l'avenir. Le bracelet électronique n'est pas une baguette magique, ce n'est qu'une partie de la réponse au fléau qui nous préoccupe, qui appelle une mobilisation de toute la société.
- Troisièmement, je suis assez réservée sur l'article 10 A de la proposition de loi, qui prévoit la remise d'un rapport sur les perspectives de développement d'une application publique et généraliste à destination des femmes victimes de violences. À titre personnel, je ne suis pas convaincue de l'efficacité de ces outils numériques et plateformes en ligne : on sait en effet que l'un des premiers signes d'emprise par un compagnon violent est justement de contrôler les moyens de communication de sa victime, ce qui inclut l'usage du téléphone portable et l'accès à Internet. Pour autant, cette application peut aussi être une piste intéressante dont il ne faut pas se priver.
- Enfin, il me semble que la discussion de cette proposition de loi doit être l'occasion de mettre sur la table un sujet important qui doit faire l'objet de réflexions complémentaires pour permettre d'avancer : la question du retrait ou de la suspension de l'autorité parentale d'un conjoint condamné pour violences, que notre délégation avait soulevée dans son rapport de 2016 sur l'évaluation de la loi de 2006 puis dans son rapport de 2018 sur les violences faites aux femmes. Nous savons que le mari violent ne peut être un bon père et que le maintien du lien du père avec son enfant entraîne mille occasions pour l'auteur de violences de faire pression sur sa victime, de conserver son emprise, voire de passer à l'acte.
Nous pourrions donc peut-être, à l'occasion de ce débat, poser la question du maintien de l'autorité parentale du conjoint condamné pour violences, et susciter une réflexion sur l'introduction du crime de féminicide dans le code pénal.
Certaines de ces pistes pourraient éventuellement prendre la forme d'amendements, afin qu'un débat ait lieu sur ces points.
Qu'en pensez-vous ?
Merci, Madame la présidente, pour ces propositions. J'approuve pleinement le fait de déposer des amendements pour que le débat ait lieu, quelle que soit son issue. Il est important que la voix de la délégation se fasse entendre ; je soutiens donc pleinement la stratégie exposée par la présidente.
Je reviens sur le TGD : c'est un vrai sujet de préoccupation dans mon département, car un appareil nous a été retiré.
Concernant l'article 10 A, je ne peux me prononcer à ce stade car je n'ai pas encore eu l'occasion de l'étudier attentivement.
Sur le bracelet anti-rapprochement, même si je partage certaines des réserves évoquées, je crois que cette disposition va dans le sens de ce que nous souhaitons porter en matière de lutte contre les violences faites aux femmes, mais, je rejoins la présidente, il faudra être vigilants sur la mise en oeuvre. Pour autant, je suis bien d'accord, la généralisation du BAR ne peut être la seule réponse à apporter pour lutter contre les violences faites aux femmes.
Vous avez identifié deux thèmes importants pour le dépôt d'éventuels amendements - la réflexion sur l'autorité parentale et l'introduction du féminicide dans le code pénal - et je les soutiens pleinement.
J'avoue ne pas avoir eu le temps de regarder le texte en détails, mais je suis a priori favorable à cette proposition de loi. J'aimerais néanmoins approfondir la question de la généralisation du bracelet anti-rapprochement s'agissant de ses avantages et de ses inconvénients.
Quant à l'ordonnance de protection (OP), cela me paraît une excellente initiative de fixer le délai de délivrance à six jours. Dans le rapport d'évaluation des lois de lutte contre les violences conjugales, que nous avons publié en 2016, nous avons relevé le caractère inégal de la délivrance des OP selon les départements et la réticence de certains magistrats à recourir à ce dispositif. De surcroît, le bilan faisait état de délais de délivrance de l'ordre de trois à quatre semaine semaines au moins, ce qui enlevait de facto toute efficacité à l'OP. À cet égard, pour expliquer de tels délais, avaient été mis en avant les délais de convocation. Si la proposition de loi fixe un délai de six jours, ces délais doivent être raccourcis !
On ne peut qu'être d'accord sur la prise en charge des auteurs de violences conjugales, mais je voudrais là encore approfondir le sujet. Le magistrat Luc Frémiot, que nous avions auditionné en janvier 2015, privilégiait la prise en charge psychologique des auteurs de violences conjugales. Cela s'est avéré très efficace pour faire baisser le taux de récidive à Douai, juridiction où exerçait Luc Frémiot.
Nous n'en ferons jamais assez en matière de prévention. L'éradication de la violence passera par là. J'ai eu l'occasion de sensibiliser depuis plusieurs années des milliers de lycéens et collégiens à la question de l'égalité femme-homme. Les violences naissent des inégalités, qui elles-mêmes naissent des stéréotypes.
La loi de 2010 prévoyait des séances d'informations dans les établissements scolaires sur l'égalité femmes-hommes, mais il me semble que cette disposition est très peu appliquée en pratique. Il faudrait inciter les chefs d'établissement à solliciter les acteurs compétents pour évoquer ces sujets dans le cadre scolaire, conformément à la loi.
Les injonctions ne sont pas toujours le vecteur approprié dans l'Éducation nationale, très attachée à son autonomie ; il me semble qu'il faut avant tout que les équipes éducatives elles-mêmes se saisissent de cette priorité. Sans doute faudrait-il prévoir un module de formation dans les Instituts nationaux supérieurs du professorat et de l'éducation (Inspé), car des enseignants avertis sensibiliseront davantage leurs collègues à ces questions.
Nous sommes rattrapés par une triste actualité, puisqu'a été commis hier à Bordeaux un nouveau féminicide, dont les quatre enfants de la victime ont été témoins. Dans cette terrible affaire, le conjoint violent avait pourtant fait l'objet d'un signalement il y a six mois et était sous le coup d'une mesure d'éloignement. Je suis convaincue que le bracelet anti-rapprochement pourrait être efficace dans ce type de situations.
Le TGD est un bon outil, mais il faut qu'il soit utilisé. Ce n'est pas tout de voter une loi, encore faut-il s'assurer de son suivi, et peut-être ne sommes-nous pas toujours assez attentifs sur l'application des lois que nous votons.
Pour ma part, je soutiendrai l'idée d'un amendement sur le féminicide, car la situation actuelle devient réellement intolérable et insupportable. Il y aurait un intérêt symbolique à inscrire le féminicide dans la loi.
Je remercie la présidente pour sa présentation et pour ses propositions.
Je ne peux qu'aller dans votre sens sur le constat que vous dressez de l'utilisation insuffisante des TGD et sur la nécessité de progresser dans ce domaine.
Je suis globalement favorable à la philosophie générale de la proposition de loi, mais il faudra vérifier si ces mesures sont concrètement et rapidement applicables.
J'approuve également l'instauration d'un délai de six jours pour délivrer une OP. Je me rappelle à cet égard les réticences que nous avions entendues concernant l'accélération de la délivrance des OP, de la part de certains acteurs, dans le cadre de notre rapport d'évaluation des lois de 2006 et 2010 sur les violences conjugales.
La question de l'autorité parentale est très importante. J'ai eu quelques démêlés avec les associations représentant les pères, quand je me suis élevée contre la garde alternée systématique. Si la garde alternée doit évidemment être possible, voire souhaitable, dans une situation normale, elle doit au contraire être totalement proscrite dans les contextes de violences intrafamiliales.
Sur la prévention, je visitais hier une caserne de gendarmerie de mon département. Mes interlocuteurs ont indiqué avoir progressé sur l'accueil des femmes victimes de violences ; en cas de signalement nocturne, ils se déplacent désormais systématiquement pour interpeller l'auteur des violences. Je pense que c'est une attitude proactive.
Nous évoquions aussi le rôle de l'école dans la prévention. Il est vrai que nous lui demandons beaucoup et que même lorsque nous votons des lois, elles ne sont pas toujours appliquées. En amont de l'école, peut-être pourrait-on agir au niveau des Inspé, comme l'a fait observer Françoise Cartron.
J'approuve bien évidemment l'amélioration de conditions de délivrance de l'OP.
Je m'interroge sur la question de l'hébergement, qui se heurte bien souvent au manque de financement. Et ce n'est pas la réponse de la secrétaire d'État, la semaine dernière, devant notre délégation, qui tend à me rassurer, ni sa proposition de réquisitionner les logements des auteurs de violences...
Je suis favorable à la généralisation du bracelet anti-rapprochement, dont on a pu mesurer l'efficacité en Espagne, pays qui consacre un milliard d'euros à la lutte contre les violences faites aux femmes.
En revanche, je suis plus dubitative sur l'utilité du TGD. Bien souvent, la victime n'a même pas le temps de l'actionner. De plus, je précise que si c'est le procureur qui prend la décision de l'attribution, ce n'est pas lui qui sera au bout du fil dans les situations d'urgence. La gestion des TGD est en effet généralement confiée à des associations telles que le CIDFF. Mais ces structures n'ont pas les moyens de garantir un fonctionnement 7/7 et 24/24 du dispositif...
En matière de prise en charge des auteurs de violences, des initiatives sont prises, parfois à titre expérimental, et il faut les encourager.
Enfin, j'attire votre attention sur le rapport que je viens de publier dans le cadre de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe sur les violences gynécologiques et obstétricales, et je note que le Conseil national de l'ordre a mis en place des mesures qui vont dans le sens de mes propositions.
L'article 4 de la proposition de loi prévoit l'interdiction pour les personnes sous contrôle judiciaire d'approcher la victime. Je voudrais qu'on puisse nous garantir les modalités de surveillance de ces personnes.
En matière de prévention, il me semble que les comités d'éducation à la santé et à la citoyenneté (CESC) auraient un rôle à jouer. Ces structures font intervenir des professionnels auprès des élèves et des professeurs.
Je voudrais insister sur la question du logement. C'est un enjeu majeur auquel nous devrions consacrer plus d'efforts dans notre travail législatif. Trop souvent encore, c'est la femme victime de violences qui doit quitter le logement avec ses enfants. Ça suffit ! Des dispositions législatives existent en la matière, et le dispositif prévu dans la proposition de loi a le mérite de poser clairement le principe de l'éviction de l'auteur des violences, mais je crois qu'il faut aller plus loin et travailler ensemble sur ces sujets.
Je soutiens tout ce qui a été dit. Je rappelle que cette proposition de loi a reçu un accueil très favorable du Gouvernement, et qu'elle pourrait faire l'objet d'un vote conforme, qui accélérerait son entrée ne vigueur.
Si tel était le cas, il faudrait continuer à travailler sur le sujet pour faire des propositions dans un texte complémentaire.
La proposition de loi de notre collègue député Aurélien Pradié est une occasion intéressante de progresser, même si nous avons peu de temps pour réagir.
Le bracelet anti-rapprochement me semble être une bonne idée.
L'Yonne est le premier département en France du point de vue du nombre des violences faites aux femmes. Or le nombre de TGD dont il dispose est insuffisant. C'est pourquoi nous sommes en train d'expérimenter un système, le dispositif « Mon shérif ». Il s'agit d'un petit bouton que la femme peut activer et qui lui permet d'entrer en relation avec une personne de confiance. Cette personne signale immédiatement que l'auteur des violences s'est approché de sa victime. Ce dispositif au coût modeste est pour le moment financé par l'aide aux victimes et les associations. Nous disposons actuellement de 50 de ces outils pour les donner à des femmes en danger, à défaut de TGD.
Sur la question du logement, c'est évidemment à l'auteur de violences de subir la contrainte de l'éviction du logement. Nous expérimentons dans l'Yonne le maintien de la femme et des enfants dans le logement. Cela marche à court terme ; pour autant, cela devient souvent problématique à plus long terme, car la femme, étant souvent sans ressources, rencontre généralement des difficultés pour payer le loyer. Cela demande donc une réflexion plus longue pour trouver des solutions permettant d'aider la personne victime de violences à conserver son logement dans la durée.
Là encore, nous avons lancé dans l'Yonne une expérimentation qui consiste à rassembler sur une clé USB l'ensemble de la vie administrative d'une personne, pour lui permettre de partir à tout moment en cas de violences, sans que l'absence des papiers de la famille fasse obstacle à l'organisation de son quotidien.
En tout état de cause, la proposition de loi est la bienvenue, pour imparfaite qu'elle soit.
Je rappelle que la règle est l'éviction du conjoint violent du domicile. Mais dans la pratique, les magistrats ont du mal à faire respecter la loi, faute de structures pour accueillir les auteurs de violences.
Il me semble que l'OP peut régler, au moins partiellement, la question du logement, via une décision du JAF.
Sur le vote conforme, la question n'est pas encore tranchée. Même si ce choix était confirmé, je pense que cela ne devrait pas nous empêcher de susciter un débat en séance sur les sujets qui nous préoccupent. Il me paraît important de valoriser les travaux de la délégation sur les violences faites aux femmes, qui vont au-delà de cette proposition de loi.
Sur le délai de six jours prévu par le texte pour la délivrance de l'OP, je me demande comment vont se mettre en place, concrètement, toutes ses mesures, face aux contraintes de moyens auquel fait face la Justice. Il me semble qu'elle n'est pas actuellement en capacité de respecter ce délai.
Bien sûr, nous devons rappeler l'importance cruciale de la prévention, notamment à destination des jeunes filles de 18 à 30 ans, les plus menacées par les violences physiques ou sexuelles, en lien avec les représentations de la sexualité issues de la pornographie et les stéréotypes sexistes. Toujours dans le registre de la prévention, la prise en charge des auteurs est évidemment un aspect essentiel.
Pour garantir l'efficacité du téléphone grave danger (TGD) et du bracelet anti-rapprochement (BAR), il faudra investir les moyens financiers et humains nécessaires pour assurer le suivi et l'application effective de ces dispositifs. Mais si l'on implique les associations dans la lutte contre les violences conjugales, on s'expose à de graves déceptions, compte tenu des inégalités de traitement territoriales de ces structures pourtant indispensables. Nous en revenons toujours à la question des moyens...
La question du logement est également cruciale. Se pose le problème de la dépendance financière quand le couple est propriétaire du logement. Comment faire face aux échéances de remboursement mensuelles pour la femme victime ? Comment traiter ce problème au niveau juridique ? Peut-on par ailleurs envisager la création de logements d'urgence pour les hommes violents ? Autant de questions à explorer.
Je salue les expérimentations dans l'Yonne mais j'attire l'attention sur la question du financement de ces initiatives.
Pour résumer la teneur de nos échanges, nous sommes donc d'accord pour soutenir soulever les questions de l'autorité parentale et de l'introduction du crime de féminicide dans le code pénal, le cas échéant sous forme d'amendements qui devront être, comme vous le savez, déposés à titre individuel puis éventuellement co-signés par celles et ceux qui le souhaitent.
Parmi les autres pistes envisageables, nous pourrions nous interroger sur l'obligation alimentaire. Est-il normal que cette obligation pèse sur des enfants dont l'un des parents est condamné pour le meurtre de l'autre parent ? De même, nous pourrions poser la question du changement de nom des victimes de violences conjugales, sur laquelle nous alertait la semaine dernière Dominique Vérien.
Je voudrais attirer l'attention également sur la pension de réversion : comment faire en sorte qu'un conjoint condamné pour le meurtre de sa conjointe ou ex-conjointe ne bénéficie pas de la réversion de sa victime ? N'oublions pas ce sujet !
Voyons comment avancer sur ces sujets avec la commission des lois, au sein de laquelle nous comptons deux collègues, Loïc Hervé et Jacqueline Eustache-Brinio. Je retiens de nos échanges l'envie unanime de débattre et de porter nos idées en séance.
Je vous remercie et je vous rappelle que nous poursuivons nos travaux avec l'audition de Sylviane Agacinski, à 18 heures, sur la PMA.
* 1 Le bracelet anti-rapprochement permet de géolocaliser et de maintenir à distance les conjoints et ex-conjoints violents par le déclenchement d'un signal, avec un périmètre d'éloignement fixé par un juge. Il existe dans plusieurs pays européens, notamment en Espagne, où les féminicides ont baissé de manière significative. Plusieurs expérimentations avaient été votées en France (en 2010 et 2017), sans jamais être appliquées sur le terrain.
* 2 Le ministère de la justice a annoncé 5,6 millions d'euros pour le lancement des BAR, puis 1,8 million d'euros par an, pour la mise en oeuvre de leur généralisation.
* 3 Le TGD est un appareil muni d'une touche unique destinée à appeler les secours en urgence, en cas d'agression.
* 4 Les lois de 2010 et 2014 ont exclu le recours à la médiation pénale en cas de violences conjugales. En revanche, la possibilité de médiation familiale, donc civile, ordonnée par le JAF et non par le procureur de la République, a été permise dans la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle. Édouard Durand avait plus particulièrement attiré l'attention de la délégation sur cette incohérence.