Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation

Réunion du 20 novembre 2019 à 16h35

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • logement
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La réunion

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ANCIENS COMBATTANTS, MÉMOIRE ET LIEN AVEC LA NATION

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Eblé

Nous débutons cette réunion par l'examen des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et lien avec la Nation », précédemment réservés, et de l'article rattaché 73 E.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laménie

Lors de l'examen de la mission au mois d'octobre, nous avons réservé notre avis. Après réflexion et après avoir mené un certain nombre de consultations, malgré les réserves qui peuvent subsister, je vous propose d'adopter les crédits de la mission.

Quant à l'article 73 E, il vise à adapter le régime des réductions accordées aux titulaires militaires d'une carte d'invalidité, pensionnés au titre du code des pensions militaires et des victimes de guerre, et aux victimes civiles de guerre, sur les services de transport ferroviaire de voyageurs. Il s'agit de tenir compte des évolutions résultant de l'ordonnance n° 2018-1135 portant diverses dispositions relatives à la gestion de l'infrastructure ferroviaire et l'ouverture à la concurrence des services de transport ferroviaire de voyageurs.

Cet article, essentiellement rédactionnel, procède à une heureuse correction d'une omission commise lors de l'adoption de cette ordonnance. Il permet de créer des créances valables quelle que soit l'identité des entreprises de services de transport ferroviaire de voyageurs, au bénéfice des populations qui les méritent. Je vous propose de l'adopter sans modification.

La commission décide de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et lien avec la Nation » sans modification. Elle décide également de proposer au Sénat l'adoption de l'article 73 E, rattaché à la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ».

DÉFENSE

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Eblé

Nous passons à l'examen des crédits de la mission « Défense », précédemment réservés, et de l'article 75 ter.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique de Legge

Nous souhaitions en savoir un peu plus sur la fin de l'exécution 2019. Je répète que la situation est paradoxale : alors que la loi initiale est conforme à la loi de programmation militaire, l'exécution l'est moins.

Cela étant, je vous propose d'adopter les crédits de la mission « Défense » pour 2020.

Par ailleurs, un dispositif a été introduit en 2014 pour permettre aux communes de pouvoir accueillir, pour un euro symbolique, des bâtiments militaires totalement désaffectés - il ne doit pas être confondu avec le dispositif Duflot, avec lequel nous ne sommes pas d'accord.

Ce dispositif prenait fin en 2021. L'article 75 ter, issu d'un amendement introduit à l'Assemblée nationale, propose de le prolonger jusqu'en 2024. Cela ne me semble pas poser de difficultés.

La commission décide de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission « Défense » sans modification. Elle décide de proposer au Sénat l'adoption de l'article 75 ter, rattaché à la mission « Défense ».

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Eblé

Je salue la présence, pour l'examen de la mission « Cohésion des territoires », de Louis-Jean de Nicolaÿ, rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, et de Dominique Estrosi Sassone, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

rapporteur spécial pour la mission « Cohésion des territoires » des programmes 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables », 109 « Aide à l'accès au logement », 135 « Urbanismes, territoires et amélioration de l'habitat » et 177 « Politique de la ville ». - Après avoir examiné un grand nombre de missions, dont la plupart voient leurs crédits augmenter ou rester à peu près stables, notre commission est invitée à examiner aujourd'hui une mission qui ne peut pas être accusée de creuser le déficit budgétaire de l'État. C'est le moins que l'on puisse dire, car la mission « Cohésion des territoires » est dotée de crédits de paiement qui s'élèvent à 15,2 milliards d'euros, soit en nouvelle baisse. Cette diminution s'établit à 1,2 milliard d'euros et, à périmètre constant, à 1,5 milliard d'euros.

Les dépenses fiscales, même si leur chiffrage est difficile à prévoir en 2020, en raison des limites des documents budgétaires, atteignent un montant équivalent. Les crédits budgétaires ne donnent donc qu'une vision assez partielle des politiques menées en faveur de la cohésion des territoires.

Je vous parlerai plus en détail des programmes consacrés au logement et à l'urbanisme. Bernard Delcros abordera ceux qui ont trait à la politique des territoires.

En préambule, je veux faire un point sur la situation de la construction dans le pays. Nous espérons que le nombre de logements sociaux construits en 2019 sera à peu près identique à celui de l'an dernier. Pour ce qui est de la construction privée, les chiffres sont toujours préoccupants : on constate une diminution des mises en chantier, ce qui inquiète toute la profession.

S'agissant du programme 177, qui porte la politique d'hébergement et d'accès au logement des personnes sans abri ou mal logées, les crédits du logement adapté comme de l'hébergement d'urgence sont, dans l'ensemble, en hausse de 100 millions d'euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2019. Toutefois, nous venons d'examiner un projet de loi de finances rectificative qui a ouvert 180 millions d'euros de crédits au titre de 2019. Les crédits proposés dans le projet de loi de finances pour l'année prochaine sont donc, une nouvelle fois, inférieurs à ceux ouverts pour l'année en cours, même si certaines des personnes que j'ai pu auditionner m'ont indiqué que les ouvertures de crédits concernaient surtout les programmes qui n'avaient pas d'effet sur l'année prochaine. Cela dit, je fais le pari, aujourd'hui, que le Gouvernement sera obligé d'y revenir à la fin de l'année 2020, la demande étant toujours galopante.

Les centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) font l'objet d'un projet pluriannuel de convergence tarifaire, dont je soutiens le principe depuis longtemps, compte tenu de différences de coût entre les centres qui étaient certainement excessives. Cette opération a eu du mal à se mettre en place, la réalisation de l'enquête nationale des coûts ayant rencontré des difficultés, mais nous sommes désormais entrés dans la phase de convergence.

La convergence tarifaire est toutefois mal ressentie sur le terrain, car elle ne prend pas en compte la totalité des facteurs objectifs de coût, notamment la localisation des centres, qui a des conséquences évidentes sur le coût du foncier et du bâti. La réforme manque de lisibilité pour des centres et apparaît à beaucoup comme une simple recherche d'économies budgétaires. Certains centres voient leur budget baisser, alors que leur coût était déjà inférieur à la moyenne. Une telle situation leur est difficilement compréhensible, puisqu'il s'agissait plutôt de tendre vers un rééquilibrage.

Dans le même temps, on constate que le logement adapté, malgré l'accent que le Gouvernement a placé sur cette politique, peine à prendre le relais de l'hébergement d'urgence pour sortir réellement les personnes sans abri de la précarité : la part des personnes sortant de CHRS qui accèdent à un logement autonome ne décolle pas du taux de 15 %.

Le manque de solutions pérennes conduit à une augmentation apparemment inéluctable de l'hébergement en hôtel. Force est de constater que l'on ne parvient pas à réduire le nombre de nuitées hôtelières, malgré les engagements récurrents du Gouvernement en ce sens. Or l'absence d'accompagnement des personnes hébergées est presque complète, ce qui pose de grosses difficultés, en particulier pour les familles.

Le programme 109 regroupe les crédits consacrés aux aides au logement, qui représentent 80 % des crédits de la mission et expliquent la diminution des moyens de celle-ci.

La politique du Gouvernement se poursuit : il s'agit, comme les deux années précédentes, de faire porter une partie essentielle des économies budgétaires sur le budget des aides au logement. Alors que les crédits du programme 109 s'élevaient à 15,5 milliards d'euros en 2017, ils s'établiront, en 2020, à 12 milliards d'euros, ce qui représente une économie de 3,5 milliards d'euros en l'espace de trois exercices budgétaires.

Cette année, la diminution est de 1,4 milliard d'euros. Elle est supportée aussi bien par les bailleurs sociaux que par les bénéficiaires des aides eux-mêmes. Les premiers sont affectés par la hausse de la réduction de loyer de solidarité (RLS), qui passe de 900 millions d'euros à 1,3 milliard d'euros et s'accompagne d'une diminution des aides versées aux locataires. Toutefois, en conséquence de l'accord intervenu le 25 avril 2019 avec le Gouvernement - la fameuse clause de revoyure -, les bailleurs bénéficient de mesures de compensation par ailleurs : l'article 73 du PLF prévoit ainsi qu'Action Logement prend en charge le financement des aides à la pierre à leur place, pour un montant de 300 millions d'euros.

Action Logement est affecté en premier lieu, puisque cette société fait également l'objet d'un prélèvement de 500 millions d'euros, dont la seule finalité est de réduire à due concurrence la subvention d'équilibre versée par l'État au fonds national des aides à la pierre. Cette disposition, qui se fonde sur la bonne santé de l'organisme, pourrait remettre en cause, si elle était pérennisée, les équilibres issus de la convention quinquennale signée en 2018 et semble ignorer les engagements pris par Action Logement pour financer des investissements massifs, à hauteur de 9 milliards d'euros, dans le logement social et intermédiaire, dans le cadre du plan d'investissement volontaire (PIV). Par conséquent, je vous proposerai de supprimer l'article 75, qui institue ce prélèvement, lequel ne peut constituer une politique de financement des aides au logement.

Les bénéficiaires des aides sont également concernés par les économies budgétaires, puisque l'article 67 prévoit une revalorisation des aides limitée à 0,3 %, bien inférieure à l'inflation. Ils sont aussi impactés par la réforme du versement en temps réel - la « contemporanéisation » - des aides au logement. Si cette réforme est justifiée sur le principe, il faut prendre garde à sa mise en oeuvre, qui risque de susciter de très nombreuses incompréhensions auprès des bénéficiaires. En outre, sa complexité est redoutable, ce qui s'est traduit par sa non-application en 2019. La contemporanéisation doit permettre d'économiser 1,2 milliard d'euros en 2020 selon le Gouvernement, qui, dans le même temps, présente cette réforme comme une réforme de justice, et non comme une réforme de rendement budgétaire. Ce n'est pas mon avis !

Je veux enfin alerter sur le projet d'inclusion des aides personnelles au logement dans le futur revenu universel d'activité (RUA). S'il n'est pas d'une actualité budgétaire immédiate, ce projet est actuellement à l'étude. Tous les intervenants du secteur du logement tirent la sonnette d'alarme, dénonçant le risque que les aides personnalisées au logement (APL) ne servent plus à payer les loyers, alors que c'est précisément leur raison d'être. À titre personnel, je suis absolument opposé à ce projet d'inclusion.

Le programme 135 porte des politiques diverses en faveur de l'urbanisme et de l'habitat. Le Gouvernement a reconnu que l'impact de la réforme de la réduction de loyer de solidarité instaurée en 2018 avait été plus élevé que prévu. Un ensemble de mesures en découlent, dont plusieurs trouvent leur traduction dans le projet de loi de finances, comme la diminution du taux de TVA pour les opérations les plus sociales. Je pense, d'ailleurs, que cette baisse ne va pas assez loin, mais nous en reparlerons en séance lors de l'examen de l'article 8. Je considère que l'on pourrait également baisser la TVA sur le prêt locatif à usage social (PLUS) - je défendrai, en mon nom personnel, des amendements en ce sens. L'article 73, dont j'ai déjà parlé, et l'article 74, qui augmente les moyens du Fonds national d'accompagnement vers et dans le logement (FNAVDL), participent également à la mise en oeuvre de l'accord du 25 avril dernier.

Le marché du logement est sur une pente descendante depuis 2017, alors même que le Gouvernement annonçait alors un « choc d'offre ». Il n'est plus guère soutenu que par le niveau historiquement bas des taux d'intérêt, ce qui est un fondement particulièrement fragile pour une politique publique aussi importante. Dans ce contexte, je plaide, comme l'an dernier, pour que l'on revienne sur la mise en extinction partielle de deux dispositifs qui favorisent l'accession à la propriété : le prêt à taux zéro - l'Assemblée nationale s'en est chargée - et l'aide personnalisée au logement accession, moyen efficace de solvabilisation des ménages modestes. Nous avions essayé, l'an dernier, de la rétablir, mais l'Assemblée nationale ne nous avait pas suivis. Je vous proposerai à nouveau un amendement tendant à prévoir les crédits nécessaires au rétablissement de ce dispositif.

Je regrette également, comme nous l'avons déjà dit lors de l'examen de l'article 5, que le remplacement de la taxe d'habitation par la part départementale de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) dans les ressources des communes freine grandement la construction de logements sociaux. Nous essaierons de régler le problème de l'exonération de TFPB concernant les bailleurs sociaux et le logement intermédiaire. Si nous n'y parvenons pas, les conséquences pourraient être importantes dans les années qui viennent.

Enfin, je veux vous soumettre une idée nouvelle. L'Assemblée nationale a voté, à l'article 6 bis, la suppression de la « taxe Apparu », qui devait lutter contre les loyers abusifs que l'on constate pour les très petits logements. Sans doute cette taxe n'a-t-elle pas fonctionné, mais ce n'est pas une raison pour perdre de vue l'objectif. Au reste, je crois que la première raison de cet échec réside dans le manque d'informations sur les loyers pratiqués. Alors qu'il est aujourd'hui très facile d'accéder à toutes les informations que l'on souhaite sur les ventes de logement, il serait très utile de créer un « registre national des baux », qui permettrait à l'administration fiscale comme aux autorités locales - et même, sous certaines conditions, au public - de disposer d'informations fiables et exhaustives sur les loyers pratiqués. Je ne sous-estime pas la difficulté de l'exercice, mais je pense que, techniquement, les moyens existent. La création d'un tel registre permettrait d'y voir beaucoup plus clair dans un certain nombre de domaines.

S'agissant, enfin, du programme 147, relatif à la politique de la ville, je peux surtout faire observer que le nouveau programme national de renouvellement urbain commence enfin à prendre forme, dans la mesure où plus des deux tiers des projets de transformation ont désormais été validés. Je rappelle que ce PNRU 2 a fait l'objet de critiques. Alors que le budget avait été doublé, les choses ont mis du temps à avancer. Il semble que la mécanique soit repartie. Il n'en reste pas moins que le démarrage a été très lent au cours des années passées et que l'exécution des crédits a toujours été très inférieure à la budgétisation initiale. L'État a promis, en 2017, une enveloppe de 1 milliard d'euros de crédits budgétaires, soit 10 % seulement du coût du programme, qui est surtout financé par Action Logement et les bailleurs sociaux. Il faut avoir conscience que la charge de cette enveloppe pèsera principalement lors du prochain quinquennat : c'est en effet vers 2023 ou 2024 que les dépenses atteindront probablement leur niveau le plus élevé. Il sera d'ailleurs nécessaire de redéfinir d'ici là les conditions de financement : si celui-ci paraît assuré jusqu'en 2022, le rapport de gestion de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) relève un risque d'impasse budgétaire au cours des années suivantes. Il conviendra d'éviter ce retour de la fameuse « bosse de l'ANRU ».

En conclusion, on peut difficilement se satisfaire qu'une politique qui touche à des enjeux aussi essentiels que l'accès au logement voie ses crédits continuer. Cette baisse impacte nos concitoyens, mais aussi un secteur d'activités très important pour notre pays. Pour autant, les mesures présentes dans le projet de loi de finances correspondent à l'accord signé par le Gouvernement et les acteurs du secteur du logement social, à l'exception du prélèvement de 500 millions d'euros sur Action Logement, qui a été décidé ultérieurement.

Je vous proposerai donc, contrairement à l'année dernière, d'adopter les crédits de la mission pour ce qui concerne les programmes que je vous ai présentés, tels que modifiés par l'amendement que je vous propose concernant l'APL accession.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Delcros

Les sommes en jeu sur les programmes 112 et 162 ne sont pas évidemment du même ordre, mais leurs effets leviers sont importants sur les territoires.

Les deux programmes connaissent une augmentation de leurs crédits par rapport à 2019, pour des raisons que je vais vous expliquer.

Le programme 112 se voit doté de 209 millions d'euros de crédits au titre des autorisations d'engagement et de 245 millions d'euros en crédits de paiement.

Ce programme connaît deux nouveautés cette année.

La première est la création de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), à laquelle sont affectés 49,7 millions d'euros de crédits. Je rappelle que l'ANCT regroupera l'Établissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (Epareca), l'Agence du numérique et un certain nombre de fonctions support. Les crédits ouverts sur cette enveloppe pour le soutien à l'ingénierie territoriale s'élèvent à 10 millions d'euros.

Hier est paru le décret relatif à la création de l'ANCT au 1er janvier prochain. Les préfets seront les délégués territoriaux, dans chaque département, de l'ANCT, dont la mission est de mieux coordonner l'action de l'État auprès des collectivités et d'accompagner les territoires, notamment en matière d'ingénierie pour ce qui concerne les territoires les plus fragiles. L'ANCT suscite évidemment beaucoup d'attentes. Nous serons attentifs à sa mise en place et nous devrons, à un moment, évaluer son efficacité.

La deuxième nouveauté du programme 112 est la mise en place des maisons France Service, annoncée par le président de la République. L'objectif est qu'il y ait au moins une maison par canton, soit 2 000 Maisons France Service labellisées en 2022. Il s'agit de faire monter en gamme et de labelliser les maisons de services au public, dès lors qu'elles répondront au cahier des charges des maisons France Service. Les crédits du programme sont augmentés de 2,8 millions d'euros pour financer cette opération, ce qui porte les autorisations d'engagement à près de 20 millions d'euros. Je rappelle que la Cour des comptes a publié un rapport qui met en évidence la grande hétérogénéité dans l'offre de services des maisons de services au public existantes. Si certaines remplissent toutes les conditions d'accès au label « maison France Service », d'autres devront procéder à des améliorations. On peut souscrire à la définition d'un cahier des charges un peu plus rigoureux en matière d'offre de services si elle permet d'améliorer l'offre de services rendus aux habitants.

Cependant, le financement des maisons France Service pose question. Ces structures devront répondre à un certain nombre d'exigences, comme l'existence de 2 équivalents temps plein (ETP) pour assurer l'accueil du public. Des charges supplémentaires seront liées, par exemple, au service à apporter compte tenu de la réorganisation du réseau des trésoreries dans les départements. La dotation forfaitaire accordée annuellement à chacune des maisons reste inchangée à 30 000 euros, la moitié provenant du programme 112 et l'autre du fonds interopérateurs. Certaines maisons de services au public bénéficient déjà d'une telle somme ! Comment, dans ces conditions, financer les charges et les responsabilités supplémentaires, la formation des personnels, etc. ? Il faudra rester attentif au financement de ces nouveaux services.

Je souhaite évoquer la question de la politique contractuelle menée au travers du programme 112.

Les contrats de ruralité ont été créés en 2017 pour quatre ans. Leurs crédits ont fluctué : des crédits qui leur étaient dédiés lors de leur création au titre du programme 112 ont ensuite été inscrits sur la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL). Les crédits fléchés qui étaient de 45 millions d'euros en 2018 n'existent plus, les contrats de ruralité étant aujourd'hui financés par des crédits fongibles de la DSIL. Le bilan de ces contrats est tout à fait positif : près de 500 contrats ont été signés, qui fonctionnent plutôt bien. Toutefois, la baisse des crédits de la DSIL a entraîné une diminution des crédits qui leur sont alloués.

Dans le rapport que j'ai rédigé sur ce dispositif, j'ai émis un certain nombre de préconisations pour une deuxième génération de contrats de ruralité, après 2020. Il était alors question d'un contrat de cohésion territoriale unique, faisant craindre que les crédits dédiés à la ruralité ne soient dilués dans une enveloppe plus globale, devant répondre à d'autres enjeux nationaux. Les auditions que j'ai menées sont rassurantes sur ce point : il y aurait bien, pour l'après-2020, une deuxième génération de contrats de ruralité, identifiés en tant que tels. Nous suivrons évidemment ce dossier de près au cours de l'année prochaine.

Un nouvel outil contractuel a été mis en oeuvre à compter de cette année par le Gouvernement : il s'agit des pactes de développement territorial. Onze pactes ont été signés en 2019. Le PLF pour 2020 prévoit 11 millions d'euros en autorisations d'engagement pour assurer leur financement, ce dont on peut se réjouir. Le pacte de développement territorial présente une souplesse qui permet de s'adapter aux réalités des territoires. Ainsi, les périmètres peuvent être différents. En revanche, on peut regretter que la première vague de pactes ait été mise en place de façon quelque peu dispersée. Je suis plutôt favorable à cet outil, mais il faut maintenant structurer le dispositif, travailler à une cohérence nationale et permettre à de nombreux autres territoires d'en bénéficier.

Les contrats de plan État-région (CPER), qui consomment plus de 50 % des crédits du programme 112, arrivent à échéance en 2020. Leur sous-exécution est récurrente. Les négociations sur la nouvelle génération de CPER vont bientôt commencer : les mandats de négociation aux préfets de région devraient être remis à la fin du mois de janvier prochain. Il serait utile que les CPER comportent des volets concernant l'offre de soins ou encore l'agriculture et son adaptation au réchauffement climatique. Il faudrait également mieux coordonner, à travers les CPER, les actions de l'État et des régions en matière de solidarité infrarégionale.

Seulement 2 millions d'euros de crédits de paiement demeurent pour les pactes État-métropole, les crédits ayant été transférés vers la DSIL.

Je veux dire quelques mots sur les actions ciblées.

Les pôles d'excellence rurale sont arrivés à leur terme. Les maisons de santé ne sont plus financées par le programme. Ainsi, 860 000 euros de crédits de paiement sont prévus pour honorer les engagements pris en matière de revitalisation des centres-bourgs. Les sites de défense bénéficient d'un montant avoisinant les 3 millions d'euros. Les crédits relatifs aux pôles de compétitivité ont quant à eux été transférés sur le programme 134 pour 2020.

J'en viens à la prime d'aménagement du territoire (PAT) : si les sommes en jeu sont dérisoires - les crédits se sont élevés à 15 millions d'euros en 2018 et à 10 millions d'euros en 2019 -, l'effet levier est très important dans les communes et les secteurs éligibles. Dès lors, on peut regretter que les crédits alloués à la PAT passent à 6 millions d'euros en 2020. En outre, cette baisse est contradictoire avec la réponse fournie par le ministère à notre questionnaire : d'après celui-ci, « la PAT constitue un outil solide et pertinent pour soutenir le développement économique des territoires fragiles. » Je vous proposerai donc un amendement pour ramener les crédits de la PAT à leur niveau de 2019, soit 10 millions d'euros.

Je vous ai présenté récemment le rapport que j'ai rédigé avec Frédérique Espagnac et Rémy Pointereau sur les zones de revitalisation rurale (ZRR). L'enjeu financier est limité - de l'ordre de 300 millions d'euros -, mais le levier est extrêmement important sur les territoires où ces dispositifs s'appliquent. En attendant une refonte du soutien à la ruralité, je défendrai un amendement sur la seconde partie du projet de loi de finances pour proroger les ZRR jusqu'au 31 décembre 2021, conformément à l'une des dispositions de notre rapport.

Le programme 162 est doté de 43 millions d'euros en autorisations d'engagement et de près de 37 millions d'euros en crédits de paiement. Plusieurs actions qui existaient l'année dernière sont maintenues : l'action en faveur de l'eau et de l'agriculture en Bretagne, le programme exceptionnel d'investissements en faveur de la Corse, le plan d'action chlordécone en Martinique et en Guadeloupe, le plan d'action gouvernemental pour le marais poitevin - uniquement s'agissant des crédits de paiement, puisque le programme des interventions territoriales de l'État (PITE) va s'éteindre -, et le « plan littoral 21 », qui a été créé l'année dernière et qui se prolonge cette année.

Deux nouveaux PITE voient le jour en 2020 : le fonds interministériel pour la transformation de la Guyane, qui est crédité de 17 millions d'euros en autorisations d'engagement, et la reconquête de la qualité des cours d'eau en Pays de la Loire, crédité de 700 000 euros en autorisations d'engagement.

Si les PITE sont un outil intéressant, ils ne permettent pas toujours d'avoir une vision globale de l'action de l'État sur ces territoires. En outre, ces programmes sont abondés en cours de gestion par des transferts de crédits ministériels. Cela pénalise leur lisibilité. De fait, les crédits votés par le Parlement ne correspondent pas exactement à ceux qui seront engagés sur le territoire.

En conclusion, le programme 112, qui est censé regrouper les crédits dédiés au pilotage de la politique d'aménagement du territoire, souffre d'un manque de stabilité et de lisibilité. Plus globalement, comme je le dis chaque année, c'est la politique globale d'aménagement du territoire menée par le pays qui manque de lisibilité, puisqu'elle est répartie entre 29 programmes et 12 missions. Il serait intéressant de réfléchir à une meilleure identification de cette politique dans le budget de l'État.

Pour 2020, l'ANCT suscite beaucoup d'attentes et la politique contractuelle devrait être complètement remise à plat, avec les nouveaux contrats de ruralité, la signature de nouveaux pactes de développement territorial et la négociation de la nouvelle génération de CPER.

Sous réserve de l'adoption de l'amendement sur la PAT, je vous propose d'adopter les crédits de la mission.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Eblé

Nous accueillons Mmes Dominique Estrosi Sassone, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques sur les crédits de la mission « Logement », Annie Guillemot, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques sur les crédits de la mission « Politique de la ville », MM. Jean-Marie Morisset, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales sur les crédits de la mission « Cohésion des territoires - Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » et Louis-Jean de Nicolaÿ, rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable sur les crédits de la mission « Cohésion des territoires ».

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Estrosi Sassone

Je partage entièrement ce qu'a dit Philippe Dallier. Comme lui, je donnerai un avis favorable sur ces crédits. Nous sommes quand même inquiets pour la production de logements sociaux, en deçà de 10 % par rapport aux objectifs, c'est-à-dire des 110 000 logements sociaux qui devraient être construits.

Sur le programme 109, on constate que le Gouvernement a suivi ce que le monde HLM a signé, à savoir le rétablissement de la TVA réduite, même si ce n'est pas sur tous les logements sociaux. Elle aurait dû porter sur les PLUS, et pas uniquement sur les prêts locatifs aidés d'intégration (PLAI), les acquisitions-améliorations et les logements sociaux dans les programmes de rénovation urbaine.

Je note la suppression de l'indexation de la réduction du loyer de solidarité (RLS) et l'indexation limitée à 0,3 % des APL.

Qu'en est-il de la santé des bailleurs sociaux ? Aujourd'hui, cela va tant bien que mal, parce qu'ils ont bénéficié de ces mesures de compensation, notamment des prêts qui devront bien être un jour remboursés. Quid après 2022 ? Il n'y a toujours aucune visibilité.

La réforme des APL va dans le bon sens. Néanmoins, il y a des craintes, car les différents acteurs ne disposent pas de simulation. La mise en oeuvre du revenu universel d'activité (RUA) n'est, au demeurant, pas très claire.

Enfin, s'agissant du programme 135, je m'inquiète du budget de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH), même si elle bénéficie de crédits supplémentaires avec la transformation du crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE) en prime. Avec le succès du plan « chaudières », elle risque d'avoir des problèmes de trésorerie demain.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie Guillemot

L'amputation de 1 milliard d'euros sur le budget du logement a aussi des conséquences sur les quartiers. Les bailleurs ont fait 25 % à 30 % de moins d'entretien. Il n'y a pas eu de ventes à la hauteur de ce qu'ils ont perdu.

Le budget « Politique de la ville » baisse d'environ 2 %, ce qui est peu. L'effort est maintenu en matière d'éducation, avec la nouveauté que constituent les cités éducatives, telles que les avait imaginées Jean-Louis Borloo. Il y a aussi les écoles de la deuxième chance, qui suivent aujourd'hui 15 000 jeunes.

Sur l'ANRU, j'ai déposé un amendement qui a été adopté par la commission des affaires économiques. Je ne partage pas l'idée que tout va bien à l'ANRU.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie Guillemot

Je pense que nous ne sommes pas à la hauteur de la situation explosive. L'État pourrait mettre 200 millions d'euros sur la table tout de suite, compte tenu de ce qu'il a gagné avec le prélèvement à la source et les taux d'intérêt bas, sinon nous n'arriverons pas au milliard sur le quinquennat. N'oublions pas que le rapport Borloo s'intitule : Vers la réconciliation nationale. Aujourd'hui, les habitants ne voient que des démolitions, car l'ANRU a été en panne pendant trois ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Morisset

« Cohésion des territoires - Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables ». - La commission des affaires sociales a remis un rapport d'information sur l'hébergement d'urgence, et les conclusions sont identiques à celles que notre collègue Dallier a présentées voilà 18 mois. Le budget est en légère hausse, mais la sincérité budgétaire ne laisse pas d'interroger.

On augmente la capacité d'accueil, mais on constate que l'urgence est toujours là. La directrice du SAMU sociale nous a donné des chiffres qui donnent à réfléchir : le 1er octobre 2016, il y a eu 6 135 appels téléphoniques le soir ; trois ans après, il y en avait 16 869, et on n'a pu en prendre en compte que 1 600.

Malgré le plan triennal, on constate toujours une augmentation du nombre des nuitées d'hôtel. Le programme 177 est surtout impacté par l'accueil des publics migrants. Dans les centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS), on trouve des demandeurs d'asile, alors qu'ils relèvent du dispositif national d'accueil. On retrouve aussi des personnes en situation irrégulière au titre de l'accueil inconditionnel, mais il n'y a aucune solution de sortie vers le logement.

On a noté une inquiétude des CHRS, car on leur a retenu 5 millions d'euros sur quatre ans, ce qui a déstabilisé l'organisation et la convergence tarifaire. Il y a une réflexion à mener s'agissant de cette convergence, surtout sur les indicateurs. L'inquiétude est aggravée par le fait qu'ils doivent mettre en place les contrats d'objectifs et de moyens en application de la loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (Alur).

La politique du logement adapté recueille un bon point, avec une hausse de 12,41 %.

En conclusion, je dirai qu'il faut mettre l'accent sur l'accompagnement social, d'autant que de plus en plus de jeunes arrivent dans ces centres d'hébergement.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis-Jean de Nicolay

Nous partageons les constats formulés par le rapporteur social sur la mission « Cohésion des territoires », avec quatre points de vigilance. Tout d'abord, nous espérons que l'ANCT ne sera pas une simple chambre d'enregistrement des politiques de l'État. Ensuite, la nouvelle génération des CPER doit inclure de nouveaux champs d'action et de coopération au service du développement local. En outre, je partage la position de Bernard Delcros sur la prime d'aménagement du territoire qui doit être remontée à la somme de 10 millions d'euros, comme l'année dernière. Enfin, les ZRR sont absolument indispensables à l'attractivité des territoires ruraux.

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Lefèvre

Je partage les regrets de Philippe Dallier sur la baisse de production des logements sociaux. À chaque fois que l'on fait une loi sur le logement, les objectifs ne sont pas atteints. Je veux aussi relayer les préoccupations des bailleurs sociaux sur la mise en oeuvre du RUA. Avec la fusion des aides sociales, dont les APL, il y a une crainte de voir les impayés augmenter. Je soutiendrai l'amendement de Philippe Dallier sur l'APL-accession.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Bernard Delcros, je ne suis pas certain que la création d'une agence nationale de cohésion des territoires permette de résoudre nos problèmes en la matière. Autrefois, il y avait quelque chose que l'on appelait les préfets... C'est peut-être ringard, mais ils ont un avantage : une vision interministérielle, que leur confère la Constitution, puisqu'ils représentent chacun des membres du Gouvernement. On est en train de mettre en silos les politiques publiques.

Est-ce que les Français sont mieux soignés depuis qu'existent les agences régionales de santé (ARS) ? J'en doute.

Sur le logement, je partage les craintes des uns et des autres. Je ne suis pas certain que l'application en l'état de l'article 5 du PLF sur la taxe d'habitation incite les maires, demain, à construire. Les niches fiscales sont toujours importantes, mais leur efficacité est douteuse. Enfin, l'attention portée au parc ancien est toujours aussi peu importante. Je vous rassure, à partir de demain, le Sénat remédiera aux pires inconvénients de ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Victorin Lurel

J'ai trois questions à poser à nos deux rapporteurs spéciaux.

Quel est le rôle de l'ANAH dans les outre-mer ? Si vous avez un bilan, je suis preneur. Ensuite, Bernard Delcros, je m'interroge sur le plan Chlordécone, qui est abondé de 3 millions d'euros, ce qui ne répond absolument pas aux besoins. Le problème dure depuis 47 ans. En 2011-2012, il y avait 36 millions d'euros sur ce programme. Cette crise sanitaire entraîne des prises de position radicales de la population en Guadeloupe et à la Martinique. Le Gouvernement n'est vraiment pas à l'écoute. Il faut savoir que 95 % des gens sont contaminés. Quel est votre avis ? Enfin, je conclus sur l'ANCT. Quel est le statut juridique de cet organisme ? Si c'est un établissement public à caractère administratif (EPA), quid de la concurrence et de la place laissée au privé ?

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique de Legge

Mes propos s'inscriront dans le prolongement de ceux de notre rapporteur général sur la place de l'État et le rôle des préfets face à la multiplication des structures.

Je m'interroge plus particulièrement sur les maisons de service au public. Je crains qu'elles ne soient une réponse au désengagement de l'État dans tous les domaines. J'aimerais également savoir qui va les labelliser. Si c'est l'État, je crains que nous n'arrivions sur une obligation de moyens pour les collectivités territoriales, sans obligation de résultat par rapport au service public.

Quels engagements l'État prend-il dans la durée, notamment au regard de la réorganisation de la direction générale des finances publiques (DGFiP) ?

Enfin, Bernard Delcros, dans votre rapport, vous parlez d'agents polyvalents d'accompagnement du public. J'avais pourtant compris que les maisons de service au public avaient vocation à être non pas un lieu d'orientation, mais plutôt un lieu où l'on effectue des démarches.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

L'hébergement d'urgence va de plus en plus mal, est de plus en plus saturé, tout simplement parce qu'il y a de plus en plus de demandeurs d'asile. L'effort fait entre 2013 et 2016 de construction de centres d'accueil pour demandeurs d'asile (CADA) a été ralenti à partir de 2017. Moins il y a de places dans les CADA, plus on met les demandeurs d'asile dans les centres d'hébergement d'urgence ou dans les hôtels.

Par ailleurs, je pense qu'il faut mettre un terme aux contrats de plan État-Régions et trouver une méthode. On est dans la surenchère des deux côtés, élus comme État, et, in fine, les engagements financiers ne sont pas tenables. On est content quand il est réalisé à 50 %. Cela n'est pas satisfaisant. Il faut des contrats d'objectifs de courte durée pour avoir des engagements plus concrets.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Joly

Aujourd'hui, les labellisations de France Service sont faites à partir de critères qui ne sont pas nécessairement adaptés aux territoires. Dans mon département, il y a aujourd'hui 24 maisons de service au public qui fonctionnent correctement en réseau. Or seules 3 d'entre elles ont été labellisées, car elles répondent au critère de deux emplois dédiés à ces missions. Cela n'a aucun sens de mettre deux emplois dans les autres maisons au regard de leur activité. Nous sommes face à une approche très distante de la réalité. C'est très dommageable.

Sur l'ANCT, j'ai un peu les mêmes réserves que tout le monde. Un point positif tout de même, 10 millions d'euros sont prévus pour financer de l'ingénierie locale. C'est fondamental pour faire émerger des projets.

Par ailleurs, les contrats de développement territorial s'apparentent à un véritable jeu de bonneteau. On prend des crédits d'un côté pour les mettre ailleurs. À la fin, on ne sait plus très bien d'où cela vient. Pour le département de la Nièvre, il représentait 7 millions d'euros en plus des crédits existant déjà. Sur cette somme, 5 millions sont prévus pour le déploiement de la fibre numérique ; il reste 2 millions d'euros pour l'ANRU. Ce n'est pas grand-chose.

Enfin, s'agissant des CPER, il faut savoir que, pour des montants très limités, on ne finit pas un certain nombre d'infrastructures routières. L'État invoque actuellement un manque de matériel pour les travaux publics, alors que les appels d'offres ont été lancés et que les collectivités ont voté les budgets correspondants.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laménie

On veut toujours ajouter des structures. Pourtant les administrations territoriales ne fonctionnent pas si mal sous l'autorité des préfets et des sous-préfets. Quelle est la répartition géographique des 300 agents affectés à l'ANCT ?

Sur le programme 135, je m'interroge sur l'augmentation des dépenses fiscales, qui représentent plus de 10 milliards d'euros, alors que le programme est assez peu important en masse financière. On parle beaucoup d'aménagement du territoire, mais, en réalité, c'est très compliqué de s'y retrouver dans toutes ces missions. Enfin, concernant les 11 pactes territoriaux signés en 2019, je constate qu'ils se sont accompagnés d'une forte mobilisation des acteurs locaux, mais je m'interroge sur les raisons qui ont conduit à exclure de cette démarche un certain nombre de territoires fragiles. Je le souligne d'autant plus volontiers que je suis élu dans les Ardennes où un pacte a été signé.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Je dois avouer que j'ai beaucoup de mal à décrypter la politique du logement.

Un commentaire sur l'ANCT, mon groupe en ayant été à l'origine. Il s'agissait de fournir de l'ingénierie à des collectivités qui n'en avaient pas ou peu et de faire sortir le préfet de sa posture de contrôle pour qu'il joue un rôle plus dynamique d'accompagnement des territoires. Le texte a été édulcoré à l'Assemblée nationale et on ne reconnaît pas nos petits. J'attends de voir comment elle fonctionne concrètement.

Enfin, sur les CPER, je me demande s'il est bien utile de refaire un certain nombre de routes quand la vitesse y est limitée à 80 kilomètres/heure.

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Botrel

Concernant le programme 147, j'ai constaté aussi des variations à la baisse qui m'ont interpellé. Si j'ai bien compris, il y a un transfert d'engagements, en particulier vers l'ANCT. Quelqu'un a parlé de jeu de bonneteau à l'instant.

Sur la revitalisation économique et l'emploi, en lien avec les zones franches urbaines, on constate un recul de près de 17 millions d'euros, soit 37 % de l'enveloppe précédente. C'est un signal particulièrement négatif.

Par ailleurs, nous ne décelons aucune impulsion nouvelle en faveur de l'amélioration urbaine et du cadre de vie, un certain nombre de financements étant renvoyés au-delà de l'échéance 2023, ce qui est très révélateur...

Le programme 109 connaît une baisse significative. On ne peut que déplorer ce désengagement du logement social et cette fragilisation des bailleurs sociaux.

J'ai noté les réserves de notre collègue Annick Guillemot s'agissant de l'ANRU. Au vu de tout ce que nous avons entendu sur cette mission, je ne vois pas ce qui pourrait nous conduire à voter ces crédits.

Sur les programmes 112 et 162 présentés par notre collègue Delcros, j'ai entendu également quelques réserves s'exprimer, réserves contrebalancées par quelques avancées. Nous sommes tous un peu sceptiques sur l'ANCT et nous partageons les regrets du rapporteur spécial sur le manque de stabilité des dispositifs. Néanmoins, le constat est nettement moins négatif concernant ces deux missions.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Carcenac

J'ai apprécié le brillant rapport de notre collègue Bernard Delcros sur la ruralité, notamment sa proposition sur la prime d'aménagement du territoire. Cet outil est important.

S'agissant des Maisons France service, je note que le comité interministériel de la transformation publique du 15 novembre a déjà labellisé 400 maisons de service au public (MSAP). Quelle est la différence avec les anciennes MSAP ? A-t-on suffisamment de moyens pour couvrir ces dépenses nouvelles ?

Pour prolonger ce qu'a dit Dominique de Legge sur les compétences de ces maisons, permettez-moi de reprendre le relevé de conclusions du Gouvernement, qui parle d' « accompagnement à l'appropriation du prélèvement à la source et [d'] achat de timbres fiscaux ». On est donc loin de ce que vous dites dans le rapport, puisque l'on est plus proche du front office que du back office.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

Je voudrais revenir sur les dépenses fiscales en faveur de l'investissement locatif intermédiaire Duflot/Pinel dans le cadre de la mission « Cohésion des territoires ». Un montant de 9 millions d'euros est prévu en 2020, contre 555 millions d'euros l'an dernier. Est-ce qu'il ne serait pas temps de faire une évaluation de ces politiques, qui ont désorganisé l'habitat dans beaucoup de communes ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

En avril 2018, la Cour des comptes nous a remis un rapport sur l'ANAH, que nous avions commandé dans le cadre de l'article 58 de la loi organique relative aux lois de finances. Depuis, le budget a été redressé, un objectif annuel de 75 000 dossiers a été fixé - au lieu de 50 000 - et deux programmes, « Sérénité » et « Agilité », ont été instaurés. Le programme « Agilité », beaucoup plus léger, a conduit à la multiplication des dossiers. C'est ainsi que le plan Chaudière a connu un succès foudroyant en 2019, soutenu par de nombreuses campagnes de publicité des installateurs qui en ont profité pour augmenter le prix de vente des appareils... En cette fin d'année 2019, elle n'est pas en mesure de traiter les derniers dossiers qui devront être reportés sur 2020. La disparition du CITE en 2020 va changer la donne, il est difficile à ce stade de savoir en quel sens.

Le Gouvernement aurait-il dû faire un geste politique en dotant l'ANRU de crédits de paiement plus importants ? Certes, mais pour les consommer, il faudrait que les projets des collectivités soient suffisamment mûrs. Lors du premier programme de l'ANRU, j'avais beaucoup alerté sur la « bosse » de l'ANRU ; mais on a finalement observé qu'elle s'étale dans le temps, car tous les dossiers n'avancent pas aussi vite que prévu.

L'augmentation du nombre de demandeurs d'asile a embolisé l'hébergement d'urgence, faute de places suffisantes dans les CADA.

Je n'ai malheureusement aucune information concernant l'action de l'ANAH outre-mer.

Les dépenses fiscales attachées à la mission sont très importantes : dispositif Pinel, prêts à taux zéro (PTZ), TVA à taux réduit, etc. Un rapport conjoint de l'Inspection générale des finances (IGF) et du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) préconise de mettre fin au mécanisme de guichet ouvert pour le dispositif Pinel et de le remplacer par un contingentement. Le dispositif Pinel a eu la vertu, en 2015, de relancer la construction de logements, avec quelques utiles garde-fous. L'instauration d'un contingentement me semble toutefois poser des questions d'ordre constitutionnel.

La faiblesse des crédits prévus pour les zones franches urbaines s'explique par la « sortie en sifflet » de ce dispositif. Mais quid de la suite ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Delcros

Je partage l'analyse de notre collègue Victorin Lurel sur le plan Chlordécone : il ne répond pas aux enjeux et les crédits prévus, qui sont passés de 2 à 3 millions d'euros, sont trop faibles. Outre le rapport de la commission d'enquête de nos collègues députés, un rapport d'inspection est attendu sur le sujet.

L'ANCT est une agence dotée de la personnalité morale et placée sous la tutelle de la direction générale des collectivités locales (DGCL).

Le modèle de financement des maisons Canada Service, qui est directement porté par l'État canadien, n'est pas comparable à celui des futures maisons France Services (MFS). Les actuelles maisons de services au public qui bénéficient de 30 000 euros pour leur fonctionnement pourront obtenir le label de MFS si elles remplissent toutes les conditions prévues au cahier des charges ; elles ne bénéficieront pas de crédits supplémentaires. Elles ont jusqu'à 2022 pour s'y conformer et pourront conserver les 30 000 euros d'ici là, c'est l'État qui labellise, sur proposition du préfet. Les deux emplois prévus pour le fonctionnement d'une MFS ne sont pas nécessairement présents simultanément, car ils doivent permettre de couvrir les jours et heures d'ouverture de la MFS au public. La reprise d'activités de la DGFiP par les MFS est prévue, mais elle se fera sans crédits supplémentaires.

L'ANCT dispose de 10 millions d'euros de crédits fléchés vers de l'ingénierie territoriale. Ces crédits seront très utiles à nos collectivités, notamment rurales, qui ont besoin de monter en compétences en matière d'ingénierie, mais restons vigilants sur la mise en place de ces crédits. Les personnels de l'ANCT vont lui être affectés par transfert, ils seront désormais regroupés sur le site Ségur-Fontenoy.

Les pactes de développement territorial peuvent parfaitement se combiner avec des contrats plus locaux. Mais il faut mettre de la cohérence entre tous ces contrats. Pour chaque territoire il faut une stratégie, un projet et un contrat avec des financements pluriannuels.

Les crédits prévus pour la PAT sont dérisoires et baissent de 4 millions d'euros alors qu'ils ont pourtant un véritable effet de levier sur l'emploi.

Je rejoins l'avis de notre collègue sur le décret concernant l'ANCT qui a été publié avant même le vote du Parlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

L'amendement n°1 vise à rétablir l'APL-accession, comme tous les ans. Si, par bonheur, l'Assemblée nationale et le Gouvernement nous suivaient, il conviendrait de rétablir les 50 millions d'euros que nous supprimons collatéralement par cet amendement. C'est la règle de la fongibilité asymétrique à laquelle nous devons nous soumettre.

L'amendement n° 1 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Delcros

L'amendement n° 2 vise à augmenter les crédits de la PAT de 4 millions d'euros afin de les porter à 10 millions d'euros comme l'an dernier. Il faudrait pourtant 30 à 40 millions pour répondre aux besoins.

L'amendement n° 2 est adopté.

La commission décide de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Cohésion des territoires », sous réserve de l'adoption de ses amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

L'article 73 prévoit qu'Action Logement prend en charge le financement des aides à la pierre, pour un montant de 300 millions d'euros. J'y suis favorable, car il est lié à la clause de revoyure.

La commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, de l'article 73.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

L'article 74 augmente les moyens du FNAVDL de 15 millions d'euros. J'y suis favorable pour les mêmes raisons.

La commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, de l'article 74.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

L'article 75 prévoit un prélèvement de 500 millions d'euros sur Action Logement. Cet organisme est en bonne santé financière et s'est engagé dans plusieurs réformes dans l'attente de la clause de revoyure, mais il semble être dans le collimateur des services de l'État. Le Premier ministre a demandé un rapport sur sa gouvernance. Je suis défavorable à l'adoption de cet article.

La commission décide de proposer au Sénat de ne pas adopter l'article 75.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Eblé

Nous examinons les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » ainsi que les articles rattachés 78 octodecies à 78 vicies, sur le rapport de nos rapporteurs spéciaux Arnaud Bazin et Éric Bocquet. Je salue également la présence de notre collègue Philippe Mouiller, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Bazin

À titre liminaire, je tiens à regretter les conditions difficiles dans lesquelles nous avons dû élaborer notre rapport : à la date impartie, seulement 34 % des réponses à notre questionnaire nous étaient parvenues ! C'est symptomatique du peu de respect du Gouvernement pour le Parlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

La mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » est dotée de 25,5 milliards d'euros de crédits de paiement en 2020. Ces crédits progressent de 6,7 % par rapport à 2018, soit une augmentation de près d'1,6 milliard d'euros. Le montant des crédits pour 2020 dépasse de 2,8 milliards d'euros le plafond de dépense du triennal fixé par la loi de programmation des finances publiques 2018-2022, en raison du dynamisme structurel et des revalorisations de la prime d'activité et de l'allocation aux adultes handicapés (AAH). Ces deux dépenses, estimées à 20 milliards d'euros pour 2020, représentent en effet plus de 80 % des crédits de la mission.

Les crédits prévus pour l'AAH, qui a connu une augmentation de 40 % en dix ans, s'élèvent à 10,6 milliards d'euros en 2020. Ceux de la prime d'activité passent de 6 à 9,5 milliards d'euros entre 2018 et 2019. Cette hausse est due à la revalorisation du bonus individuel de 90 euros, comme mesure de pouvoir d'achat en réponse à la crise des « gilets jaunes ». Mon collègue, Arnaud Bazin, reviendra sur la mise en oeuvre de cette réforme et les premiers enseignements que l'on peut en tirer.

Malgré cette hausse des crédits et les revalorisations que nous saluons, ce budget n'est pourtant pas pleinement satisfaisant puisqu'il intègre, comme les années précédentes, de discrets coups de rabot touchant les plus fragiles. Ainsi, la prime d'activité a été concernée par plusieurs mesures d'économie budgétaires : baisse de l'abattement portant sur les revenus d'activité pris en compte dans le calcul de la prime ; suppression de la prise en compte, en tant que revenus professionnels, des rentes accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) et des pensions d'invalidité dans le calcul du droit à la prime, pour les nouveaux bénéficiaires ; suppression de la revalorisation annuelle au 1er avril pour 2019 et limitation à 0,3 % en 2020. De même pour l'AAH : rapprochement des règles de prise en compte des revenus d'un couple à l'AAH sur celles d'un couple au revenu de solidarité active (RSA) ; disparition au 1er janvier 2020 du complément de ressources de 179 euros mensuels pour certains allocataires de l'AAH ; suppression de la revalorisation annuelle au 1er avril pour 2019 et limitation à 0,3 % en 2020.

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Bazin

La mise en oeuvre du budget de la mission pour 2020 est entourée d'incertitudes, qui sont source d'inquiétudes.

D'abord, la montée en charge extrêmement dynamique des dépenses de prime d'activité, dont le montant frôle aujourd'hui les 10 milliards d'euros, a occasionné des difficultés de gestion dans les caisses d'allocations familiales (CAF).

Je m'arrête un instant sur ce sujet de la revalorisation de 90 euros du bonus de la prime d'activité, votée lors de la dernière loi de finances. Un premier bilan peut être fait : on constate ainsi, comme nous avons pu le voir lors de nos déplacements dans les CAF du Nord et du Val-d'Oise, une montée extrêmement rapide du dispositif. Le nombre de foyers allocataires a ainsi augmenté de 47 % entre septembre 2018 et mars 2019, pour atteindre 4,1 millions de foyers bénéficiaires. Du 1er janvier au 30 avril 2019, les CAF ont enregistré plus d'1,4 million de demandes, contre 276 000 à la même période en 2018. Le nombre de foyers allocataires supplémentaires liés à la réforme est estimé par la Caisse nationale d'allocations familiales (CNAF) à 1 250 000, dont 700 000 étaient éligibles à la prime d'activité avant la réforme, mais n'y recouraient pas et 550 000 sont devenus éligibles avec le relèvement du barème d'éligibilité.

Outre le nombre de bénéficiaires, il est intéressant de noter - voir de se questionner - sur l'évolution du profil des bénéficiaires. D'après un rapport remis au Parlement, 55 % des foyers bénéficiaires ont des revenus compris entre 1 250 et 2 000 euros par mois en mars 2019 contre 39 % en mars 2018. A contrario, le pourcentage de foyers dont les revenus sont inférieurs à 1 000 euros passe de 41 % à 30 %. Par ailleurs, autre observation qui interroge : la revalorisation de la prime d'activité a fait baisser le taux de pauvreté de 0,5 point, tout en s'accompagnant d'une hausse de 0,5 point de l'intensité de la pauvreté. Ces évolutions s'expliquent ainsi par le ciblage de la réforme sur les travailleurs dont les revenus sont supérieurs à 0,5 Smic.

Outre, la prime d'activité, nous souhaitions, par ailleurs, dire un mot du revenu universel d'activité (RUA), piloté par un rapporteur et le délégué interministériel à la pauvreté que nous avons rencontrés. Plusieurs flous s'agissant de ce dispositif demeurent et pas des moindre : d'abord, son périmètre, avec notamment la question de l'intégration de l'AAH. Le Gouvernement a fixé, sur ce sujet, deux lignes rouges, sur lesquelles nous serons extrêmement vigilants : 1) aucune conditionnalité en termes d'activité ne sera exigée pour le versement du revenu minimum s'agissant du handicap, et 2) les moyens mobilisés aujourd'hui pour le handicap lui resteront affectés. Par ailleurs, outre son périmètre, des incertitudes entourent son financement : les départements s'inquiètent ainsi des modalités de reprise du RSA par l'État ;

Autre sujet d'inquiétude pour les départements et pour vos rapporteurs : le financement des mineurs non accompagnés (MNA), dont l'enveloppe prévue n'est toujours pas à la hauteur des enjeux. L'ADF estime aujourd'hui à 2 milliards le coût induit par l'évaluation et la prise en charge de ces mineurs, quand le budget de l'État atteint péniblement les 162 millions d'euros. À terme, nous considérons, comme l'État s'y était d'ailleurs engagé, qu'une partie du dispositif doit être pris à sa charge, au titre de ses missions régaliennes.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Deux autres sujets budgétairement et politiquement sensibles ont également attiré notre attention :

- d'abord le financement de l'aide alimentaire, qui fut l'objet de notre précédent rapport de contrôle. En effet, la gestion du fonds européen d'aide aux plus démunis (FEAD) par les autorités françaises risque, comme nous avions pu le souligner, d'occasionner des pertes budgétaires conséquentes pour la France. Selon les informations dont on dispose, ce serait, selon une hypothèse basse, 70 millions d'euros du à des non-remboursements de la part de la commission européenne qui devront être compensés sur le budget de l'État. C'est assez dramatique, d'autant que la prochaine programmation se profile.

Il faut absolument que l'État en tire les conséquences, sur son mode d'organisation et de gestion de ce fonds. S'agissant de la prochaine programmation, nous souhaitions toutefois rappeler l'importance du maintien de ces crédits européens qui représentent 30 % des denrées alimentaires distribuées en France.

Toujours au sujet de l'aide alimentaire et des associations, déjà fragilisées par la suppression de la réserve parlementaire et la diminution du nombre de contrats aidés, nous souhaitions porter à votre connaissance une incohérence de l'article du projet de loi de finances portant réforme du mécénat.

Les associations d'aide alimentaire - dites « loi Coluche » - ont été, en effet, exclues du champ d'application du dispositif, ce dont nous nous félicitons. Néanmoins, cette dérogation s'applique seulement aux structures « qui procèdent à la fourniture gratuite de repas », et tend donc à exclure les épiceries solidaires, dont le modèle reposant sur la participation symbolique des bénéficiaires pourrait être remis en cause.

Dernier sujet que nous souhaitions aborder : les crédits dédiés aux politiques de lutte contre les violences faites aux femmes, qui sont en partie portés par le programme 137 de la mission Solidarité. À ce sujet, nous souhaitions faire deux séries d'observations : nous constatons d'abord la diminution des crédits dédiés à la lutte contre les violences, au sein du programme 137, entre 2019 et 2020, et l'absence de budgétisation, à ce stade, des mesures présentées dans le cadre du Grenelle. Les modalités de financement devraient être présentées le 25 novembre, nous y serons attentifs. Ensuite, nous regrettons la situation difficile dans laquelle se trouvent certaines associations, qui ont dû affronter une hausse sans précédent de demandes et de sollicitations depuis le mouvement « me too », sans bénéficier parallèlement de hausse de crédits. Par ailleurs, la considération des associations par le ministère nous laisse quelque peu perplexe : certaines structures n'ont pas encore reçu leurs subventions au titre de 2019, ni d'informations quant au renouvellement de leur conventions pluriannuelles débutant en 2020. Pour toutes ces raisons, je ne serai pas favorable à l'adoption des crédits.

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Bazin

Pour ma part, je voterai ces crédits avec un enthousiasme mesuré : je salue la hausse du budget de la mission, mais serai attentif à ce que les sujets d'incertitudes évoqués soient pris en compte par le Gouvernement et à ce que des réponses soient apportées en séance publique.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Mouiller

Je tiens tout d'abord à saluer la grande qualité du rapport des rapporteurs spéciaux, dont je rejoins tout à fait les conclusions.

L'AAH reste un revenu au carrefour de deux logiques, qui vise des personnes confrontées aux plus grandes difficultés, voire à l'impossibilité de s'insérer ou de se maintenir dans l'emploi. On ne peut donc pas la considérer comme un minimum social de droit commun. S'il est justifié que les ressources du foyer soient prises en compte dans la détermination du droit à l'allocation et de son montant, il convient de prêter attention aux conditions de cette prise en compte ; à cet égard, la baisse du plafond de ressources applicable aux allocataires en couple a sans doute été trop brutale et a contribué, avec la suppression du complément de ressources pour les nouveaux allocataires, à la perception mitigée de leur situation par les bénéficiaires de l'AAH, en dépit de la revalorisation de la prestation.

Je suis également très réservé à l'égard d'une intégration de l'AAH dans le futur RUA. Cette réflexion peut nous donner l'occasion de corriger certains défauts de l'allocation. L'idée d'un rapprochement avec l'allocation supplémentaire d'invalidité (ASI) est intéressante et permettrait de simplifier le parcours des allocataires ; dans cette perspective, la réforme et la revalorisation de l'ASI prévues dans le projet de loi de finances sont bienvenues. L'AAH a été portée à un niveau inédit depuis trente ans par rapport au seuil de pauvreté. Il convient de veiller à ce que la sous-revalorisation proposée pour 2020 n'amorce pas un nouveau décrochage pour le pouvoir d'achat des allocataires.

La revalorisation exceptionnelle du bonus individuel de la prime d'activité au 1er janvier 2019 semble avoir amélioré la compatibilité entre ses objectifs de soutien du pouvoir d'achat des familles aux revenus modestes et d'incitation à l'exercice d'une activité professionnelle, et corrigé certaines distorsions observées les années précédentes, au prix d'un effort financier considérable, mais probablement sous-estimé pour 2020. Toutefois, quatre ans après sa création, son impact réel sur l'emploi demeure impossible à quantifier.

Le Gouvernement manifeste une volonté de décloisonner et de fluidifier les parcours entre les politiques de lutte contre la pauvreté, l'accompagnement des bénéficiaires de minima sociaux et les politiques de l'emploi, à travers notamment la concertation sur le service public de l'insertion. Il conviendra de veiller à ce que la priorité donnée au travail reste adaptée aux besoins spécifiques des publics les plus éloignés de l'emploi.

Concernant les mineurs non accompagnés, je déposerai, comme l'an passé, un amendement tendant à créer un programme dédié au sein de la mission.

Enfin, j'estime que le financement de la lutte contre la prostitution devrait être maintenu à son niveau de 2019. Il appartient au Gouvernement de lever les freins à la montée en charge de l'aide financière à l'insertion sociale et professionnelle (AFIS).

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Taillé-Polian

Je remercie nos deux rapporteurs spéciaux pour leurs éclairages et analyses. Plusieurs points nous conduisent à ne pas voter les crédits de cette mission.

L'an dernier, nous avons été unanimes pour voter l'augmentation de la prime d'activité, dans un contexte de crise. Mais nous observons encore cette année un certain nombre de coups de rabots présents dans cette mission. Cette année, la réforme de l'assurance chômage risque d'aggraver les situations de pauvreté et d'en créer de nouvelles. Les conséquences sociales de cette réforme, mais aussi financières pour les départements, n'ont en outre absolument pas été anticipées : le Gouvernement semble avoir la tête dans le sable.

La hausse de ce budget est en trompe-l'oeil, car il subit en réalité de nombreux coups de rabot, comme les rapporteurs l'ont souligné. S'agissant des crédits consacrés à l'égalité entre les femmes et les hommes, ils diminuent alors que c'est une préoccupation croissante de notre société. La Garde des Sceaux a reconnu la façon dont cela se passe sur le terrain, mais le fossé est immense entre la réalité des violences faites aux femmes et la réponse institutionnelle. Nous avons besoin d'une mobilisation générale sur ce sujet, mais nous ne le voyons pas dans ce budget. J'espère que les annonces attendues concernant le Grenelle contre les violences conjugales seront faites. Par ailleurs, un récent drame nous a rappelé la situation difficile des étudiants. Pourtant, rien n'est prévu, notamment, en matière de complémentaire santé. Enfin, les migrants sont dans un angle mort de la stratégie de lutte contre la pauvreté. Même si le plan de lutte contre la pauvreté va dans le bons sens, je note encore le manque d'anticipation du Gouvernement, notamment s'agissant de la réforme de l'assurance chômage.

Nous suivrons la position de notre collègue Éric Bocquet et rejetterons ces crédits.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laménie

Je tiens à remercier nos rapporteurs spéciaux qui ont travaillé sur une mission importante aux enjeux sensibles. Combien la prime d'activité compte-t-elle d'allocataires ? Quelles sont les conditions d'ouverture des droits ? L'AAH représente quelque 10 milliards d'euros annuels. Combien de personnes handicapées françaises se tournent-elles vers les établissements de Belgique faute de place dans les établissements français ? C'est une préoccupation des familles, notamment dans les départements frontaliers.

En tant que membre de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, je considère que les 29 millions d'euros sont insuffisants. Je regrette la disparition de la réserve parlementaire qui permettait d'aider les associations et leurs bénévoles.

Comment appréciez-vous les finances des départements qui sont les collectivités de proximité sur le volet social et des autres collectivités?

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Je pourrais reprendre à mon compte certains des commentaires de mes collègues Sophie Taillé-Polian et Marc Laménie. Sur les violences faites aux femmes, il n'y a aucune traduction budgétaire alors qu'il aurait fallu un signal fort. Face à l'intolérable, nous avons besoin de réponses budgétaires et judiciaires fortes. On est très loin du compte malheureusement!

La prime d'activité a fait quelque peu diminuer le taux de pauvreté, mais il avait augmenté en 2018 de 0,6 %. 14,7 % de la population en situation de pauvreté, c'est loin d'être marginal ! La prime d'activité a permis d'améliorer un peu les choses, mais le chantier est immense.

Les personnes handicapées qui s'expatrient en Belgique le font souvent, non par choix, mais faute de réponse adaptée en France. Je n'ai cependant pas d'éléments nouveaux à vous communiquer sur ce phénomène. Nous aurons l'occasion de refaire le point ultérieurement.

Les associations nous ont rappelé que la réserve parlementaire leur était très utile. En 2018, les associations d'aide alimentaire avaient ainsi bénéficié de 2,2 millions d'euros à ce titre sur la mission, auxquels s'ajoutaient les contrats aidés. Le passé c'est un oeuf cassé, l'avenir c'est un oeuf que l'on couve dit-on, mais la réserve parlementaire représentait un montant de crédits très utiles pour les associations.

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Bazin

Nous ne disposons d'aucun élément sur les conséquences sociales de la réforme de l'assurance chômage, mais nous y serons attentifs. Notre rapport dénonce les coups de rabot que subit ce budget en trompe-l'oeil ; nous n'avons cependant pas fait d'amendement, car certaines décisions sont purement réglementaires. Nous déposerons toutefois, pour la séance, un amendement, sur la réforme du mécénat, destiné à protéger les épiceries sociales et à éviter une mise en concurrence entre structures d'aide alimentaire.

La question de la complémentaire santé des étudiants ne relève pas tout à fait du périmètre de la mission. Nous ne pouvons y répondre.

Pour répondre à Marc Laménie, 4,1 millions de foyers bénéficient désormais de la prime d'activité. Parmi ceux-ci, on compte 1 250 000 nouveaux foyers bénéficiaires, dont 700 000 qui avaient déjà droit à la prime, mais ne la demandaient pas et 550 000 qui y ont droit du fait du rehaussement du seuil d'éligibilité. Je souligne que le curseur est plutôt du côté de la reprise de l'activité que de la lutte contre la pauvreté, puisque ce sont les personnes dont le revenu est supérieur à 0,5 Smic qui font l'objet de l'essentiel des financements de cette réforme.

La disparition de la réserve parlementaire a été évoquée. Le fonds pour le développement de la vie associative ne constitue qu'une réponse très imparfaite et très partielle aux besoins exprimés.

Les départements consacrent 2 milliards d'euros aux mineurs non accompagnés (MNA). C'est considérable. Par comparaison, les 162 millions d'euros de crédits de l'État paraissent tout à fait dérisoires.

De mémoire, ce sont 50 millions d'euros qui ont été annoncés dans le plan pour la protection de l'enfance, pour tout le pays et pour une année. Autant dire que cette somme est purement symbolique. On est dans l'affichage. Alors qu'il ne compte que 1,2 million d'habitants, un département que je connais bien a augmenté son budget d'aide sociale à l'enfance de 40 millions d'euros sur les dernières années rien que pour les mineurs non accompagnés sur les dernières années.

Sur ce sujet, il convient de surveiller d'extrêmement près l'évolution des demandes de financement pour les mineurs non accompagnés. Depuis des années, elles augmentent de façon redoutable. Aujourd'hui, on nous annonce une relative stagnation des demandes. Accueillons cette nouvelle avec prudence : les mêmes causes produisant les mêmes effets, on peut penser que l'évolution va se poursuivre, les trafics internationaux et la grande criminalité n'ayant pas disparu.

Des espoirs sont fondés sur le fichier des MNA, qui devront maintenant être recensés dans les préfectures, pour éviter des demandes multiples dans les départements. Plus de 60 % des départements ont joué le jeu. Nous verrons si cette mesure est efficace.

Par ailleurs, je pense qu'il faut porter un jugement nuancé sur l'expatriation des enfants dans certains établissements de Belgique. Il y a eu des situations scandaleuses, mais il y a aussi des situations tout à fait satisfaisantes et même pertinentes pour des habitants du nord de la France ou de la région Île-de-France. Lorsque j'étais président du conseil départemental de Val-d'Oise, j'ai eu l'occasion de vérifier que les enfants étaient accueillis dans d'excellentes conditions en Belgique. Il ne faut donc pas remettre en cause, par principe, l'expatriation de ces enfants. En revanche, il faut s'interroger sur les causes des différences de prix pratiqués : elles sont essentiellement dues à la masse salariale et aux charges sociales.

À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Eblé

Nous en venons maintenant à l'étude des articles rattachés.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Les trois articles rattachés ne posent pas de difficulté particulière.

L'article 78 octodecies vise à simplifier les conditions d'attribution de l'aide à la réinsertion familiale et sociale des anciens migrants dans leur pays d'origine (ARFS). Cette aide est destinée aux travailleurs immigrés âgés disposant de faibles ressources, afin de leur permettre de compenser la perte de certaines prestations sociales servies sous condition de résidence, comme les aides personnelles au logement, lors des séjours prolongés qu'ils effectuent dans leurs pays d'origine. Elle n'avait pas trouvé son public, puisque, au 31 août 2019, on ne comptait que 29 bénéficiaires.

Le présent article vise à simplifier les critères d'éligibilité et à élargir son public, l'aide étant renommée « aide à la vie familiale et sociale ». Au vu des observations que nous avions pu faire sur la complexité de ce dispositif, nous considérons cette simplification des conditions d'attribution comme une mesure bienvenue et vous proposons une adoption de cet article sans modification.

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Bazin

Je viens d'apprendre que l'on nous préparerait une mouture différente de l'article, qui consisterait essentiellement à supprimer la condition de résidence, au profit d'un lien avec une famille au pays d'origine. Nous en rediscuterons en séance. Une telle modification interrogerait le sens même de l'allocation.

Pour l'heure, je vous propose que nous approuvions l'article dans la rédaction actuelle, en attendant sa nouvelle version.

La commission décide de proposer au Sénat l'adoption de l'article 78 octodecies.

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Bazin

L'article 78 novodecies révise le mode de calcul de l'allocation supplémentaire d'invalidité (ASI) et supprime le dispositif de recouvrement sur succession actuellement en vigueur. Contrairement à la logique prévalant pour d'autres minima sociaux, le plafond de ressources pour bénéficier de l'ASI différait du montant maximal pouvant être versé. Par ailleurs, le recouvrement sur succession rendait le dispositif désincitatif.

Par conséquent, nous vous proposons d'adopter cet article sans modification, sous réserve néanmoins de l'adoption de l'amendement de coordination de notre collègue Philippe Mouiller, rapporteur pour avis, visant à tirer les conséquences de ces modifications sur l'article L. 815-24-1 du code de la sécurité sociale

La commission décide de proposer au Sénat l'adoption de l'article 78 novodecies.

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Bazin

L'article 78 vicies vise à abroger les dispositions législatives permettant aux départements de contractualiser avec l'État dans le cadre du Fonds d'appui aux politiques d'insertion (FAPI). Ce processus de contractualisation se fera désormais dans un autre cadre, celui de la « stratégie pauvreté » lancée par le Président de la République en septembre 2018.

Nous vous proposons d'adopter cet article sans modification. Cependant, nous serons très attentifs aux modalités de contractualisation mises en oeuvre dans le cadre de la « stratégie pauvreté ».

La commission décide de proposer au Sénat l'adoption de l'article 78 vicies.

La réunion est close à 19 h 00.