Commission des affaires européennes

Réunion du 14 janvier 2020 à 17h00

Résumé de la réunion

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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Nous sommes heureux de vous accueillir aujourd'hui au Sénat, Madame Gaudin, pour cette première réunion de l'année qui, avec le retrait désormais assuré du Royaume-Uni, sera très dense sur le plan européen. Au-delà du Brexit, il va maintenant falloir négocier les conditions de la relation future, notamment sur le plan commercial.

La nouvelle Commission européenne est désormais à pied d'oeuvre et entend mettre en place ses priorités, notamment le Pacte vert pour l'Europe qu'elle a dévoilé en décembre. Mais pour cela, il faut évidemment un accord sur le budget à long terme de l'Union européenne : c'est tout l'enjeu des négociations sur le cadre financier pluriannuel 2021-2027, qui est le thème de votre audition devant notre commission cet après-midi.

La Commission européenne a présenté en mai 2018 sa communication lançant le processus de négociations sur le cadre financier pluriannuel (CFP), avec une proposition de budget arrêtée à 1,11 % du revenu national brut (RNB). Le Parlement européen a adopté une position plus ambitieuse en demandant un budget arrêté à 1,3 % du RNB. En décembre dernier, la présidence finlandaise du Conseil a dévoilé une boîte de négociation proposant un budget représentant 1,07 % du RNB.

La semaine dernière, le président du Conseil européen, Charles Michel, et le Premier ministre croate ont évoqué le calendrier d'adoption du CFP de manière très évasive et ont semblé temporiser. Compte tenu de l'état actuel des négociations, quel est le calendrier d'adoption du CFP qui vous paraît envisageable de manière crédible ? Quelle est la cible budgétaire acceptable ou souhaitable pour la France ?

Sur le fond, le Sénat a adopté plusieurs résolutions européennes sectorielles en lien avec les négociations sur le cadre financier pluriannuel. Je pense notamment à celles qui concernent la politique agricole commune (PAC) - à trois reprises et en vain, semble-t-il -, la politique de cohésion, le programme InvestEU, le programme Horizon Europe, la politique spatiale...

Vous aurez certainement à coeur, sur ces différents sujets, de nous faire part de l'état actuel des négociations, des positions défendues par la France et des éventuelles lignes rouges pour notre pays.

Toute négociation budgétaire est difficile et connaît des moments de tensions. Je pense, par exemple, aux coupes proposées par la présidence finlandaise, visant notamment le nouveau Fonds européen de la défense, qui est, à nos yeux, un élément important. Par expérience, je sais que le premier chiffrage présenté par la Commission est souvent celui sur lequel les choses se cristallisent en dernier recours...

Mettre en oeuvre de nouvelles actions, qui sont nécessaires pour répondre aux défis actuels, ne doit pas conduire à négliger les politiques les plus anciennes, comme la PAC ou la politique de cohésion. Cela soulève évidemment la question des ressources disponibles. Le départ du Royaume-Uni conduit à mettre sur la table des négociations la suppression, souhaitable à mes yeux, des rabais dont bénéficient certains États membres, dont l'Allemagne. Mais la création de nouvelles ressources propres et l'évolution de certaines ressources, comme celle qui est calculée sur la TVA, sont également envisagées. Pouvez-vous nous préciser l'état des discussions sur ces différents points ?

Nous souhaiterions également que vous puissiez nous faire part des attentes et des propositions de la France en termes de flexibilité, de simplification, de lisibilité et de transparence du budget européen dans le cadre du prochain cadre financier pluriannuel.

Après votre exposé, mes collègues vous poseront des questions complémentaires.

Debut de section - Permalien
Sandrine Gaudin, Secrétaire générale des affaires européennes

Je suis très honorée d'être parmi vous aujourd'hui. La négociation sur le CFP n'est pas complètement achevée, car la mise en place des institutions européennes l'année dernière a pris davantage de temps que prévu. À mes yeux, le CFP sera la grande négociation structurante de 2020.

La Commission a publié sa proposition de budget le 2 mai 2018, avec 43 propositions de règlements sectoriels que nous sommes en train de négocier. La procédure est exigeante. Le texte doit être adopté à l'unanimité par le Conseil, après consultation du Parlement européen pour le volet « recettes » qui nécessite de recueillir également l'approbation de tous les États membres. En France, ce volet devra donc être examiné par l'Assemblée nationale et le Sénat. Le volet « dépenses » doit être adopté à l'unanimité par le Conseil après approbation du Parlement européen.

L'équation est la suivante, à la fois simple et traditionnelle en matière budgétaire : comment faire plus avec moins d'argent ? Elle prend toute son importance avec la perte du deuxième contributeur net au budget de l'Union européenne qu'est le Royaume-Uni.

La Commission a proposé de supprimer progressivement les rabais, ce qui est inédit. Si nous ne le faisons pas au moment du départ de l'État membre qui est à l'origine de ces rabais, nous ne le ferons jamais ! Nous devons absolument saisir cette possibilité offerte par la Commission, mais le débat n'est pas simple.

La Commission souhaite également un élargissement de la boîte à outils des nouvelles ressources propres, ce qui nous convient parfaitement. Trois mesures sont proposées : l'attribution au budget de l'Union de 20 % des recettes du système d'échange des quotas d'émissions carbone ; une contribution de 3 % sur l'assiette commune consolidée de l'impôt sur les sociétés ; une contribution calculée sur le stock d'emballages plastiques non recyclés, ce qui pousse les États membres à devenir plus vertueux.

La proposition de 2018 était novatrice et allait dans le sens préconisé par la France. Toutefois, le montant fixé était élevé : 1,11 % du RNB des 27 États membres, ou 1,14 % si l'on inclut les instruments hors plafond, c'est-à-dire la réserve pour aide d'urgence, le Fonds européen d'ajustement à la mondialisation, ou la facilité européenne pour la paix.

Ce montant est extrêmement ambitieux : s'il était adopté par les États membres, il occasionnerait un ressaut net assez important de la contribution française de 6 milliards d'euros par an en moyenne par rapport à la période 2014-2020. La contribution passerait de 20,5 milliards d'euros en moyenne par an à 26,4 milliards d'euros, ce qui n'est pas négligeable dans un contexte de contrainte budgétaire. Nous souhaitons rehausser certaines ambitions, notamment dans le domaine de la PAC, et nous inscrire dans une logique de réglage plus fin de certaines dépenses - je pense notamment au projet de budget de la zone euro, qui est une nouveauté très importante proposée par la Commission à laquelle nous sommes très favorables.

Le travail autour de la proposition de la Commission se formalise dans un projet de texte appelé « boîte de négociation », qui en est à un stade avancé même si de nombreux points ne sont pas validés, notamment la « zone d'atterrissage » du montant global de la programmation pluriannuelle. Sur la quarantaine de règlements sectoriels, une douzaine a fait l'objet d'un accord partiel du Conseil ; les règlements restants sont encore en négociation. Le Parlement européen a pour l'instant suspendu ses travaux sur ces règlements. Les discussions sectorielles ne sont pas anodines : elles portent, par exemple, sur le calibrage du Fonds européen de la défense et son articulation avec le Royaume-Uni ou sur le programme d'investissement de l'Union européenne dédié au financement de la transition climatique, avec notamment la création du fonds de transition juste.

Les présidences successives ont beaucoup oeuvré pour que la boîte de négociation soit la plus « compacte » possible, en réduisant au maximum le nombre d'options. La présidence finlandaise, sous l'influence des États contributeurs nets, avait proposé un compromis à 1,07 % du RNB. Au Conseil européen de décembre dernier, les chefs d'État et de gouvernement n'ont pas réussi à trouver un accord. Les États membres les plus « frugaux » souhaiteraient que le centre de gravité de la discussion se déplace progressivement vers 1 %, soit le niveau actuel, que nous considérons comme bas.

Le contexte institutionnel du dernier Conseil européen était particulier : la Commission venait d'entrer en fonctions, de même que le président du Conseil européen, Charles Michel. L'arrivée de nouveaux acteurs autour de la table ne permettait pas le dénouement de la situation. Le Conseil européen a confié à Charles Michel le soin de reprendre la discussion, sur la base de la boîte de négociation finlandaise, avec une tournée des capitales, pour aboutir à un accord lors d'un Conseil européen extraordinaire, qui se tiendra sans doute au premier trimestre. Nous préparons actuellement la position que nous défendrons lors de la rencontre avec le sherpa de Charles Michel la semaine prochaine à Bruxelles, sur la base des objectifs européens ambitieux du Président de la République.

Le financement des politiques traditionnelles et des politiques tournées vers l'avenir, la transition écologique, la maîtrise des frontières, ainsi que le renforcement de la puissance économique, technologique et numérique de l'Union figurent dans la proposition de la Commission et dans le compromis finlandais.

Premier point important, concernant la PAC, il est impératif de renforcer son premier pilier. L'augmentation des crédits proposée par la présidence finlandaise s'effectue plutôt au profit du second pilier, ce qui nous convient moins.

Second point, nous devons veiller à la soutenabilité budgétaire de nos engagements. Nos ambitions doivent être compatibles avec l'objectif d'assainissement de nos finances publiques. Nous sommes favorables à l'élargissement de la boîte à outils en matière de ressources propres, notamment celles qui sont liées à l'environnement. Le rapport Monti contenait des pistes intéressantes, qui n'ont pas été pleinement exploitées.

Nous insistons pour que les rabais soient supprimés dès 2021. Nous plaidons pour un passage au tamis de nos priorités au regard du niveau de dépenses que nous pouvons supporter.

Nous retrouvons dans la boîte de négociation les priorités que nous souhaitons, mais nous avons plus de mal à convaincre sur les dépenses liées à la lutte contre le changement climatique. La présidence finlandaise proposait que 25 % des dépenses du CFP soient consacrées à la mise en oeuvre d'objectifs climatiques, contre près de 20 % actuellement - c'est insuffisant. Nous voulons un verdissement plus ambitieux, avec 30 % des dépenses liées à la lutte contre le changement climatique et 10 % pour la préservation de la biodiversité et la lutte contre les pollutions diffuses. Dix jours après son entrée en fonction, Mme von der Leyen proposait le Pacte vert (Green Deal) ; il doit se traduire par un budget en conséquence.

Nous dirons à Charles Michel et à son sherpa qu'il faut introduire plus de conditionnalité dans la mise en oeuvre des dépenses, en lien avec le respect de l'État de droit et des valeurs démocratiques de l'Union européenne. Dans le contexte actuel, il est essentiel d'avoir des moyens d'action efficaces. Les outils du traité sont insuffisants ; utilisons le levier budgétaire.

Nous souhaitons aussi plus de conditionnalité sociale afin de préserver, par le levier budgétaire, les principes du socle européen des droits sociaux, comme la lutte contre la pauvreté au travail, une protection sociale au sens large et des concertations avec les partenaires sociaux.

Avec les Pays-Bas, nous insistons sur la dimension externe des migrations. Nous voulons inciter les pays d'origine des migrants ou de transit à réadmettre les migrants refusés, par davantage de leviers. C'est un nouveau domaine où l'on peut faire le lien avec le budget de l'Union.

Nous avons un fort intérêt à défendre un budget pour la zone euro, dont le projet prévu financera uniquement des projets liés à la convergence et à la compétitivité des États membres. Il faudrait aussi pouvoir l'utiliser à terme pour stabiliser l'économie en cas de choc.

Nous plaidons pour une plus grande réforme des ressources propres. Le projet va dans la bonne direction, mais n'est pas assez ambitieux. Nous ne plaidons pas pour introduire des ressources propres pour le plaisir de créer de nouvelles taxes, mais pour moderniser la nature du budget communautaire, rompre avec la logique de négociation actuelle du « juste retour », , financer d'autres projets d'intérêt commun à l'échelle communautaire, comme la protection civile ou la protection des frontières européennes.

La suppression des rabais est un point dur, que nous estimons indispensable. La France est le premier financeur des rabais, et paie en moyenne 2 milliards d'euros chaque année pour cinq États membres. Le système des rabais, mis en place pour le Royaume-Uni, est contraire à l'idée d'un budget mutualisé.

La proposition de la Commission prévoit 373 milliards d'euros pour la politique de cohésion, soit un ordre de grandeur équivalent à celui de la PAC. Les besoins demeurent très importants, y compris dans des territoires fragilisés au sein de régions développées. Ainsi, la Seine-Saint-Denis a besoin du Fonds social européen (FSE). Nous voulons rendre cette politique plus simple et plus lisible et continuer à financer ces territoires. Le Premier ministre a revu avec les régions la gouvernance de ces fonds pour plus de simplification et d'efficacité, conformément aux recommandations de la Cour des comptes.

La convergence entre la France, l'Espagne et le Portugal est importante pour porter les enjeux liés aux régions ultrapériphériques. Il faudra continuer à simplifier et à maintenir des niveaux de financement adaptés. Nous serons vigilants sur le Programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité (POSEI) et sur les règles d'éligibilité au financement de certaines politiques. La France, l'Espagne et le Portugal ont fait une déclaration conjointe, et nous avons saisi les commissaires européens chargés de ces sujets.

Pour le calendrier, c'est 2020 ou jamais ; nous ne devons pas prendre de retard pour éviter tout décalage, notamment pour ce qui concerne la politique de cohésion. Les négociations s'accélèrent pour le premier semestre de 2020. Avant de nous déterminer sur une cible budgétaire précise, nous devons voir le paquet d'ensemble Nous faisons partie des États membres raisonnables qui prennent leurs responsabilités et qui respectent leurs obligations communautaires en matière de discipline budgétaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Selon vous, Frontex a vocation à se substituer aux politiques nationales. Mais la proposition finlandaise est d'y consacrer 35 à 40 % de moins que les 12 milliards d'euros prévus sur la prochaine période. Pour accompagner la croissance de l'agence, nous devons revoir notre capacité de détachement et de mise à disposition de personnel.

De nombreuses ONG demandent plus de transparence sur l'utilisation des fonds européens au profit des États tiers, notamment ceux d'émigration. Où va l'argent ? Ce n'est pas clair...

Il est certain que la politique de cohésion est un levier d'accord avec des pays sensibles à cette question. Il faudrait revoir la façon dont les régions sont éligibles. En Europe centrale, certains pays redécoupent leurs régions pour être éligibles, alors qu'il vaudrait mieux rendre le dispositif plus souple...

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Harribey

Merci de vos propos dynamiques, ouverts et transparents. Vous avez évoqué la volonté française de renforcer le premier pilier de la PAC. Est-il mis en concurrence avec le second pilier ? Pour la gouvernance des fonds structurels, on enlève les mesures surfaciques de la compétence des régions... On renouerait ainsi avec une vision traditionnelle de la PAC, alors que le second pilier doit jouer aussi un rôle de cohésion.

Une note de la Conférence des régions périphériques maritimes, dont la Nouvelle Aquitaine est membre, porte sur le fonds pour une transition juste. Le compromis de la présidence finlandaise semble réduire les fonds structurels pour tous les États membres au profit de ce fonds. Le Fonds européen de développement régional (Feder) et le FSE traitent aussi de préoccupations sur la transition énergétique. Qu'en pensez-vous ? Y aura-t-il un marchandage ?

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Cuypers

J'ai du mal à comprendre que, si la majorité des États membres veut renforcer le premier pilier de la PAC, la France veuille se concentrer sur le second pilier et affaiblir le premier, relatif au soutien aux marchés. Or l'agriculture française connaît des difficultés. Si l'on ne soutient pas le revenu agricole, on perdra un filet de sécurité en cas de choc. Il faut renforcer le premier pilier, car les marchés peuvent s'effondrer brutalement. Il y a parfois des effets de dumping sur les matières premières.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

J'insiste sur les propos de Mme Laurence Harribey et de M. Pierre Cuypers. On sent poindre des germes de renationalisation de la PAC. Si l'on ne conforte pas le premier pilier, on augmentera les distorsions de concurrence, notamment avec la Pologne. Le second pilier signifie aussi cofinancement national. Or on ne rajoutera pas le malheur au malheur...

Debut de section - Permalien
Sandrine Gaudin, Secrétaire générale des affaires européennes

Nous n'en sommes pas encore au transfert de la gestion de nos frontières extérieures à Frontex. L'agence montera en puissance durant les sept prochaines années. Nous ne sommes pas d'accord avec les montants prévus pour Frontex par la présidence finlandaise. Nous voulons garantir une montée en puissance progressive de la mise à disposition de personnels, d'investissements et d'équipements à Frontex.

Vous avez évoqué la nécessaire transparence sur l'aide extérieure de l'Union européenne. Avec 80 milliards d'euros, c'est un outil massif. Nous restons le premier bailleur mondial. La France n'a de cesse d'être vigilante sur l'exécution des programmes, objectif partagé par tous. Dans le règlement sectoriel, nous pourrons faire remonter des exigences de transparence maximales. Ensuite, nous devrons renforcer les moyens de contrôle par l'Union européenne. Nous souhaitons qu'au niveau communautaire soit mis en place un lien plus explicite entre les efforts de lutte contre l'immigration illégale et la réadmission dans les pays de transit ou d'origine.

Nous voulons que toutes les régions françaises soient éligibles à la politique de cohésion. Nous ne transigerons pas sur ce point. Cette politique est aussi très importante pour les pays d'Europe centrale qui ont rejoint l'Union européenne plus tardivement. Nous avons une discussion très difficile avec eux sur la conditionnalité liée au respect de l'État de droit, car celle-ci pourrait affecter leur capacité à recevoir des fonds européens.

En ce qui concerne la PAC, nous souhaitons que l'on réserve une part significative des crédits européens au premier pilier, qui est l'instrument privilégié pour garantir le niveau de vie de nos agriculteurs et les aider à améliorer leurs pratiques. Nous ne sommes pas, en effet, favorables à une renationalisation de cette politique. Nous avons donc demandé que la hausse des crédits de la PAC, prévue dans la proposition finlandaise, bénéficie au premier pilier, non au second. C'est le point de désaccord. Nous ne sommes pas seuls : l'Espagne, la Belgique, l'Irlande ou la Lettonie sont sur la même ligne. C'est une évolution. Traditionnellement, la France était un petit peu seule à défendre les crédits de la PAC, trop souvent considérée comme une vieille politique, une politique « traditionnelle ». Aujourd'hui, une vingtaine d'États membres la défendent, car elle constitue un vecteur important de la transition écologique et de nombreuses transformations. Certains pays veulent conforter le premier pilier, d'autres veulent donner la priorité au second. Nous souhaitons le maintien d'une PAC puissante, ambitieuse sur le plan environnemental, avec des conditionnalités renforcées et simplifiées, des mesures agro-environnementales et climatiques fortes, une PAC capable d'accompagner les filières agroalimentaires dans leur modernisation et de protéger - c'est le sens des réserves flexibles - contre les crises sanitaires, climatiques ou économiques, qu'il s'agisse de sécheresses, d'inondations ou d'éventuelles taxes imposées par des États tiers ... Nous sommes aussi attachés à la simplification des procédures administratives, qui restent très lourdes pour les agriculteurs et tous ceux, d'ailleurs, qui souhaitent bénéficier de financements européens. Il faut réduire, comme dans tous les domaines, les lourdeurs administratives.

Nous venons de recevoir cet après-midi les propositions de la Commission concernant le financement du fonds pour une transition juste. Je n'ai pas encore eu le temps d'en prendre connaissance en détail. La question est de savoir si ce fonds consistera en un recyclage de crédits issus de la politique de cohésion ou bien s'il sera alimenté par des sources de financement nouvelles. Au-delà des montants, nous sommes d'accord pour que le fonds aide des régions des pays de l'Est dans leur reconversion industrielle vers des énergies propres, comme la Silésie par exemple. En définitive, la question est de savoir si ce fonds sera centré sur les régions qui en ont le plus besoin - il est évident que la Pologne est confrontée à un mur en matière de transition énergétique -, ou s'il s'agit d'un instrument d'usage plus diffus, susceptible de concerner davantage d'acteurs. Il nous semble que le fonds doit bénéficier aux régions qui en ont le plus besoin au sein des États relativement les moins riches de l'Union.

Debut de section - PermalienPhoto de René Danesi

En 2019, lors de la présidence finlandaise de l'Union européenne, il était question de baisser de 13 % les crédits de la PAC. Serait-il raisonnable de réduire ainsi les crédits de cette politique, vitale pour les agriculteurs, et de maintenir, en même temps, les sanctions contre la Russie, qui affectent nos exportations agricoles ? Bruno Le Maire plaide ainsi depuis plusieurs mois pour le développement des échanges avec la Russie, en dépit de la menace de sanctions américaines.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Rapin

Vous avec évoqué le socle européen des droits sociaux dont le respect conditionnerait l'accès aux fonds européens. Mais qui contrôlera son respect ? Sur la base de quels critères ? Il faudrait pour cela une autorité indépendante.

Au cas où aucun accord ne serait trouvé sur la participation financière des États membres au budget européen, un plan B est-il prévu, qui comporterait une baisse des dépenses ?

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Jourda

Je suis préoccupée par la division par deux des crédits du Fonds européen de la défense (FEDef) qui a été proposée par la présidence finlandaise. Je suis d'autant plus surprise que j'avais entendu le président finlandais évoquer l'importance de la politique de sécurité et de défense dans le contexte de montée des menaces en Arctique et en raison du voisinage de la Russie. Les autorités françaises ont souligné l'importance de ce fonds. Sur quels pays pouvons-nous compter en Europe pour le défendre ? Avec le départ de la Grande-Bretagne, nous perdons un allié. Si les États qui bloquent sont aussi ceux qui ne respectent pas les valeurs essentielles de l'Europe, c'est problématique !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Je partage aussi cette déception. Ce fonds devait monter en puissance. La réduction de ses crédits est inquiétante.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

En ce qui concerne le respect de l'État de droit, il convient de fixer des critères objectifs. Mais ne serait-ce pas l'occasion d'inciter les pays qui n'ont pas voulu participer à la coopération renforcée sur le parquet européen, qui a justement vocation à contrôler l'utilisation des fonds communautaires, à la rejoindre ? Ils seraient certains que le contrôle du respect des droits fondamentaux serait assuré par une autorité indépendante.

Debut de section - Permalien
Sandrine Gaudin, Secrétaire générale des affaires européennes

Le parquet européen entrera pleinement en fonction à la fin de l'année. On ne peut pas forcer un pays à participer à une coopération renforcée. Celle-ci a, d'ailleurs, justement été créée parce que l'on ne parvenait pas à obtenir l'unanimité sur ce sujet. C'est par son efficacité que le parquet européen incitera les autres pays à le rejoindre. Quant au contrôle de l'utilisation des fonds européens, il est assuré, en dehors des États membres qui y veillent, avant tout par la Commission européenne et la Cour des comptes européenne, qui sont sans complaisance, comme nous avons pu le constater lors d'un contrôle en Corse.

Nous avons aussi été désagréablement surpris par les propositions finlandaises sur le FEDef. Ce fonds doit constituer l'embryon d'une base industrielle de l'Europe de la défense. Nous ne sommes pas les seuls à refuser ces coupes budgétaires, qui visent aussi Frontex, Iter, le spatial ou la PAC. C'est pour cela qu'il n'y a pas eu d'accord au Conseil européen. La division par deux du budget du FEDef est incompréhensible, le Président de la République l'a dit très clairement. L'Italie, l'Allemagne, la Lettonie et Lituanie partagent notre sentiment. Avec l'Estonie, nous avons porté une initiative commune au Conseil des affaires générales du mois de décembre. La Commission européenne a aussi été étonnée par la proposition finlandaise. M. Breton, commissaire européen chargé de la défense, a déjà manifesté son opposition à cette coupe budgétaire. Nous pouvons aussi compter sur le soutien du Parlement européen. Nous exprimerons clairement notre position sur ce sujet à Charles Michel. Il est évident que des concessions seront nécessaires pour parvenir à adopter un cadre financier pluriannuel, mais nous ne voulons pas qu'elles visent la défense ou l'agriculture

Monsieur Rapin, il n'y a pas de plan B pour baisser les dépenses si nous ne parvenons pas à un accord. En vertu de la règle de l'unanimité, nous sommes obligés de nous entendre et les négociations se prolongeront jusqu'à ce que l'on y parvienne. Ce n'est pas pour rien que l'on parle de « marathon » budgétaire ! Je ne sais pas où se situera le compromis, à 1,03 % du RNB, à 1,05 % ou à 1,07 %, mais je ne crois pas que l'on pourra aller au-delà, même s'il faudra aussi compter avec le Parlement européen, qui a fixé des objectifs très ambitieux.

L'enjeu est de rendre opérationnelle la conditionnalité liée à l'État de droit. Les traités européens prévoient déjà un cadre de discussion sur l'indépendance de la justice, la liberté de la presse, etc., dans lequel s'inscrivent nos échanges avec la Pologne, la Hongrie, la Roumanie ou Malte, mais nous ne sommes jamais passés au stade des sanctions. La Commission, dans sa communication de 2018, propose d'utiliser le budget comme mode de sanction, avec un dispositif de mise en oeuvre très précis.

Sur l'agenda social et le socle européen des droits sociaux, nous avons un enjeu d'effectivité. Il appartient à la Commission européenne, gardienne des traités, de vérifier leur bonne application. Il est extrêmement périlleux de défendre la conditionnalité au regard du respect des droits fondamentaux et sociaux, mais cela enverra un signal important à des États membres qui ne respectent pas les règles européennes.

Debut de section - Permalien
Sandrine Gaudin, Secrétaire générale des affaires européennes

Nous avons besoin d'une PAC protectrice - je n'ai pas dit « protectionniste » -, pour préserver le revenu des agriculteurs et développer une agriculture moderne. Des événements, comme les taxes américaines sur certains de nos produits agricoles, affectent nos exportations et nécessitent des compensations. Les agriculteurs français sont soumis à des pressions extrêmes liées à la transition écologique, à des chocs et des crises parfois sévères, mais aussi à des distorsions de concurrence ou des comportements concurrentiels inéquitables. C'est tout l'enjeu de l'accord commercial qui sera négocié avec le Royaume-Uni : nous devons éviter des modes de production agricoles ou industriels générant des distorsions de concurrence et rechercher des conditions de concurrence équitables, ce que nous appelons le level playing field. Nos agriculteurs sont confrontés à des nouveaux risques, que la nouvelle PAC devra aussi permettre de couvrir.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Qu'en est-il de la politique spatiale qui voit aussi son enveloppe rognée dans la proposition de la présidence finlandaise ? Quels sont ses liens budgétaires avec le programme de recherche Horizon 2020 ?

De nouvelles modalités sont-elles étudiées afin d'améliorer la consommation des fonds structurels, notamment du programme Leader ?

Debut de section - Permalien
Sandrine Gaudin, Secrétaire générale des affaires européennes

Alors que la Commission avait proposé un budget de 14,2 milliards d'euros pour le programme spatial européen, la présidence finlandaise envisage un budget de l'ordre de 12,7 milliards d'euros. Cela ne nous convient pas et nous souhaitons le maintien de la proposition de la Commission. Il s'agit d'une politique d'autonomie stratégique pour l'Union européenne, qui finance aussi des objets de coopération majeurs tels que Galileo, qui est une formidable réussite au service de la localisation et de la sécurité aérienne, ou encore Copernicus, qui contribue à l'objectif climatique.

Nous souhaitons également que le budget consacré au programme ITER - International Thermonuclear Experimental Reactor - ne soit pas trop raboté. Nous avons assisté, lors du Conseil européen de décembre, à une fronde antinucléaire de certains États, notamment l'Autriche et le Luxembourg, avec parfois l'Allemagne.

Debut de section - Permalien
Sandrine Gaudin, Secrétaire générale des affaires européennes

Depuis, ces États bloquent toute décision sur les questions nucléaires et font de l'obstruction. Or les traités prévoient que le choix du mix énergétique relève de la compétence nationale. ITER est un programme international majeur qui aura besoin des 6 milliards d'euros du budget de l'Union européenne. Situé en France, il concerne des pays hors Europe : États-Unis, Chine, Inde, Royaume-Uni post-Brexit, etc. Le contexte des discussions est très tendu, mais ce sujet est très important pour nous.

Le programme Leader connaît des difficultés de programmation et de consommation de ses fonds. Au niveau communautaire, la simplification des procédures est l'un de nos objectifs de négociation pour les règlements sectoriels. Au niveau national, la ministre Amélie de Montchalin a engagé ce travail de simplification, tant au niveau de l'État qu'au niveau régional dans un dialogue avec les régions.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Nous serons intéressés par une présentation de ce travail. Je vous remercie.

La réunion est close à 18 h 30.