Nous examinons ce matin trois propositions de loi, dont la première a été inscrite à l'ordre du jour des travaux du Sénat sur l'initiative de notre commission et les deux suivantes sont inscrites dans les espaces réservés des groupes politiques.
L'essentiel de ce texte consiste à déconjugaliser le mode de calcul de l'allocation aux adultes handicapés (AAH). Il a été adopté par l'Assemblée nationale contre l'avis du Gouvernement le 13 février 2020, et inscrit à l'ordre du jour par la Conférence des présidents, alors qu'une pétition en ligne s'apprêtait à franchir la barre des 100 000 signatures.
Je veux d'abord souligner que la commission des affaires sociales a instruit ce texte en toute liberté et dans un esprit de responsabilité. La précision peut sembler superflue, mais certains de nos collègues se souviennent que notre commission, puis le Sénat, ont rejeté une proposition de loi analogue en octobre 2018, et vous savez par ailleurs l'impatience des personnes en situation de handicap à ce que ces dispositions soient votées.
J'ai, quoi qu'il en soit, repris le sujet à zéro et procédé à de nombreuses auditions. J'ai tenu en particulier à écouter aussi bien l'administration et la ministre à sa tête, Mme Sophie Cluzel, que l'auteure de la pétition, Mme Véronique Tixier. Qu'ils soient motivés par la vision d'ensemble du gestionnaire ou l'expérience vécue de l'allocataire, il m'a semblé que tous les points de vue valaient d'être entendus. Nous avons aussi naturellement auditionné les représentants des départements et les associations représentant les personnes en situation de handicap.
J'ai cherché à documenter solidement l'évaluation des conséquences de ces dispositions. Hélas, je n'ai pas obtenu pleine satisfaction. L'AAH existe depuis 1975, mais les connaissances relatives aux bénéficiaires sont encore perfectibles. La Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf), qui verse la prestation, n'a pas su me fournir les calculs utiles dans le délai qui nous était imparti et l'étude d'impact que nous envisagions de confier à un prestataire extérieur n'a pu voir le jour pour la même raison.
Même si la direction des statistiques des ministères sociaux nous a heureusement fourni des éléments pouvant servir de base de discussion, il y a là un sérieux motif de préoccupation, qu'exprimait déjà la Cour des comptes dans son rapport de novembre 2019. Car enfin, comment piloter une prestation de plus de 11 milliards d'euros perçue par plus de 1,2 million de personnes avec un appareil statistique si peu réactif ?
J'en viens au vif du sujet : faut-il retirer les revenus du conjoint de la base de calcul de l'allocation aux adultes handicapés ? Les allocataires et plus largement les associations du secteur du handicap le réclament au nom du soutien à l'autonomie des personnes. Le mécanisme de calcul actuel conduit en effet l'allocataire qui s'installe en couple avec quelqu'un dont les revenus, additionnés aux siens, excèdent le plafond de ressources applicable aux couples, à être privé de son allocation, et donc à dépendre de son conjoint pour les dépenses quotidiennes.
La demande sociale qui nous est adressée a sans doute des causes plus profondes que la seule inadéquation de notre système de prestations sociales aux besoins des personnes. Les sociologues de la famille le constatent, les statistiques des régimes matrimoniaux le confirment : un nombre croissant de conjoints, handicapés ou non, préfèrent gérer leur argent séparément plutôt que de mettre leurs revenus en commun.
Cette tendance sociétale de fond trouve un point d'application privilégié chez les jeunes femmes, dont les revenus sont encore inférieurs en moyenne à ceux de leur partenaire, et un point d'application sensible chez les jeunes femmes en situation de handicap, qui sont plus souvent victimes de violences conjugales. À ces bénéficiaires-là, une AAH déconjugalisée serait indiscutablement un élément de sécurité matérielle favorable à leur autonomie.
L'argument le plus classiquement défavorable à la déconjugalisation consiste à dire que l'AAH est un minimum social, et que la solidarité nationale qui s'exerce à travers un minimum social passe après la solidarité familiale, en conséquence de quoi ce sont les revenus du ménage qui doivent être pris en compte avant de calculer la prestation. Selon cette logique, comment justifier la déconjugalisation de la seule AAH et non de tous les autres minima sociaux, comme le revenu de solidarité active (RSA) par exemple, qui resteraient calculés en fonction des revenus du ménage ?
Cet argument, en réalité, est de moins en moins convaincant. Ce qui confère à l'AAH son caractère de minimum social, c'est essentiellement son mécanisme. L'AAH est une prestation versée sous condition de ressources et de manière différentielle : le montant de prestation varie en fonction des ressources du bénéficiaire pour le porter à un niveau minimal de subsistance. Elle est, en outre, financée par l'État et n'a donc pas de caractère indemnitaire.
L'AAH est toutefois un minimum social d'un type un peu particulier : l'assiette des revenus pris en compte est plus étroite que pour le RSA par exemple, le mode de calcul de la prestation est plus avantageux relativement aux autres minima sociaux et, surtout, le niveau de la prestation est relativement plus élevé, grâce à quoi le niveau de vie de ses bénéficiaires est sensiblement meilleur que, par exemple, celui des bénéficiaires du RSA.
Si ce niveau est plus élevé, c'est aussi parce qu'il a été fortement revalorisé à deux reprises, en 2008 et en 2017, par les présidents Nicolas Sarkozy et Emmanuel Macron. Or comment justifier de fortes revalorisations de la seule AAH autrement qu'en y voyant un moyen de compenser un accès plus difficile à des revenus d'activité ?
C'est là toute l'ambiguïté de la prestation, qui semble hésiter, dans son rapport à l'emploi des allocataires, entre substitut de salaire et incitation à travailler. La rédaction du critère d'éloignement de l'emploi pour les demandeurs dont le taux d'incapacité permanent est compris entre 50 % et 79 % a ainsi beaucoup varié depuis 1975, sans parvenir à un résultat satisfaisant.
Dans cet état de confusion où nous voici rendus, l'administration et le Gouvernement ont beau jeu de trouver illogique la déconjugalisation d'un minimum social.
Je dirai les choses autrement. Voilà des années que le débat relatif à l'AAH porte en fait sur la chauve-souris de la fable de La Fontaine, qui se fait passer pour un oiseau ou une souris selon la circonstance. Je suis minimum social : voyez mon mécanisme ; je suis prestation de compensation : vive les critères d'insertion professionnelle et les revalorisations spécifiques !
Je crois que nous avons tout à gagner à une clarification. Or il se trouve que les moyens de cette clarification nous ont été donnés récemment.
D'abord, le Président de la République a choisi de retirer l'AAH du chantier relatif au revenu universel d'activité, lors de la conférence nationale du handicap de février 2019. En faisant un tel choix, il a confirmé en creux la logique au moins en partie compensatoire de l'AAH : dont acte.
Le législateur, passant outre aux tergiversations des quinze dernières années, a créé une cinquième branche de la sécurité sociale consacrée au soutien à l'autonomie. Son périmètre n'est pas finalisé ; nous pouvons y voir l'occasion de repenser notre système d'intervention. Il serait ainsi cohérent, comme le proposait le rapport de Laurent Vachey de préfiguration de la cinquième branche, remis en septembre dernier, d'admettre que l'AAH « n'est pas un pur minimum social » et de la rapprocher des dispositifs gérés par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA).
Si l'on accepte ce changement de logique, que faut-il penser du texte qui nous est transmis ?
La commission ne peut hélas pas le voter en l'état.
D'une part, il aurait des conséquences injustes, ce qui serait un comble pour un texte portant diverses mesures de justice sociale. Rappelons que l'AAH est versée à environ 270 000 couples. Selon les évaluations obtenues de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees), la déconjugalisation ferait certes un grand nombre de ménages gagnants, environ 196 000, mais aussi, du jour au lendemain, 44 000 ménages perdants. Il s'agit des personnes vivant en couple avec quelqu'un ayant pas ou peu de revenus, dont le ménage reste donc sous le plafond applicable aux couples, mais ayant à titre personnel des revenus supérieurs au plafond qui s'applique aux personnes seules. Mais tandis que les pertes s'observent dans les ménages de tous les déciles de niveau de vie jusqu'au septième, les gains seraient un peu plus concentrés dans les ménages du milieu de la distribution des revenus. Autrement dit : la déconjugalisation creuserait légèrement les inégalités de niveau de vie.
D'autre part, la rédaction de l'article 3 supprimerait tout plafond de cumul de la prestation avec les ressources personnelles des bénéficiaires, ce qui conduirait à attribuer l'AAH à taux plein à tous les demandeurs qui rempliraient les conditions nécessaires. La Drees estime que cela représenterait une dépense d'au moins 20 milliards d'euros.
Je vous propose par conséquent de préciser l'article. D'abord, pour rétablir le plafond de cumul entre les ressources personnelles des bénéficiaires et le montant de la prestation. Ensuite, pour acter le changement de modèle souhaité en supprimant les revenus du conjoint de la base de calcul de l'allocation. Enfin, pour créer un mécanisme transitoire pour que les bénéficiaires de l'AAH, pendant dix ans, continuent à en bénéficier selon les modalités de calcul actuelles, afin de ne pénaliser personne.
J'ai bien conscience que ces solutions ne sont pas totalement satisfaisantes. Si l'on voit dans l'AAH une prestation de compensation de moindres chances de percevoir des revenus d'activité et de suivre une carrière normale, la cohérence exigerait de revoir plus profondément nos outils d'intervention, en supprimant aussi les majorations de plafond pour enfants à charge, et en réfléchissant aux caractéristiques de la prestation ou à son financement. Il faudrait même repenser son articulation avec la prestation de compensation du handicap (PCH) ou le régime des pensions d'invalidité, dont l'AAH n'est jamais que le pendant hors couverture assurantielle.
Mais procédons par étapes, en acceptant d'abord de reconsidérer les choses sous la nouvelle lumière que leur donne le chantier ouvert par la création de la branche autonomie de la sécurité sociale et la décision de ne pas fondre l'AAH dans le minimum social unique.
Un mot enfin sur l'article 4, qui relève de 60 à 65 ans la barrière d'âge pour solliciter la prestation de compensation du handicap. C'est une idée ancienne que celle de supprimer toutes les barrières d'âge puisqu'elle date de la grande loi du 11 février 2005 sur le handicap. Sa mise en oeuvre a depuis toujours été ajournée.
J'avais naguère proposé de supprimer la seconde barrière d'âge, celle des 75 ans, pour solliciter la PCH, proposition qui est devenue la loi du 7 mars 2020. Il est désormais temps d'aller plus loin, en élargissant la couverture des besoins des bénéficiaires de la PCH jusqu'à leurs 65 ans. Il faudra ensuite s'atteler sérieusement au décloisonnement des politiques destinées au handicap d'une part et au grand âge d'autre part, dans une logique de parcours de vie. C'est tout l'enjeu de la branche autonomie, qui ne pourra rester en chantier trop longtemps.
Merci beaucoup pour cette présentation limpide. Nous sommes dans le cadre de l'expérimentation des pétitions voulue par le président Larcher.
Merci pour ce rapport. Le sujet n'est pas nouveau puisque nous nous étions prononcés sur une proposition en ce sens de nos collègues du groupe CRCE. J'ai eu l'occasion d'assister à plusieurs auditions. Si je devais n'en retenir qu'une, ce serait la dernière, qui était extraordinaire. Philippe Mouiller avait invité l'auteur de la pétition, Mme Tixier, qui s'est attaquée seule, avec toute sa fragilité, au monstre administratif, au carcan qu'est l'AAH. J'ai pensé à la phrase de Mark Twain : « Ils ne savaient pas que c'était impossible, alors ils l'ont fait. » Je ne sais pas jusqu'où ce texte ira. Philippe Mouiller nous propose une solution pour qu'il y ait moins de perdants au total. Je ne peux toutefois pas encore donner la position définitive du groupe socialiste qui, en cet instant, va s'abstenir. Il se peut que nous votions les amendements du rapporteur mais, comme ils modifient la proposition de loi, ils posent la question de savoir ce qui pourra se passer à l'Assemblée nationale.
L'article 4 sur l'âge barrière est un premier pas dans le bon sens.
Globalement, la conjugalisation de l'AAH n'est pas acceptable pour nous, d'autant que les femmes porteuses de handicap courent un risque important de cumuler cette inégalité avec une violence économique accrue. Elles ont quatre à six fois plus de risques de subir des violences que les femmes valides.
Je veux féliciter Philippe Mouiller qui a réalisé un travail très complet. Je rejoins son analyse sur presque tous les points. Je peux comprendre qu'il y ait une violence économique dans certains couples, mais la solidarité familiale doit passer avant la solidarité nationale. Il faut aussi tenir compte des dépenses qui seraient entraînées par la déconjugalisation et par la suppression de tout plafond. Il s'agit tout de même de 20 milliards d'euros : il faudrait plus de précisions.
La réécriture proposée de l'article 3 est un pas en avant positif. Nous aurons besoin de travaux supplémentaires et de plus d'informations pour une individualisation en fonction d'une base de ressources, pour plus d'autonomie de la personne handicapée.
Quant à la réécriture de l'article 4, j'y suis également favorable.
Je remercie à mon tour Philippe Mouiller pour son travail. Il a eu la délicatesse de rappeler la proposition de loi analogue d'octobre 2018. J'aurais aimé qu'il cite notre groupe, qui en était à l'origine. Si nous avions été écoutés, moins de temps aurait été perdu. Ma collègue Cathy Apourceau-Poly et moi-même l'avons déjà dit : il est important d'écouter les groupes minoritaires pour faire avancer les choses et au Sénat, en général, on cite ses sources...
Un travail d'ampleur a été mené. Il est extrêmement important d'écouter les personnes handicapées et de se positionner du côté des femmes. La revendication vient, là, des personnes porteuses de handicap, mais elle est bien plus globale, en provenance des femmes, qui revendiquent leur autonomie dans leur couple. Il s'agit de revisiter tout un système, et je sens que le Gouvernement n'y est pas prêt. Nous prenons cette proposition de loi comme un pas en avant, malgré les blocages. Il y a beaucoup de réécritures, et il nous faudra peser leurs conséquences, mais nous sommes plutôt favorables a priori au texte proposé par le rapporteur. Nous serons aussi éclairés par le débat en commission et en séance.
À mon tour de féliciter Philippe Mouiller pour son travail important. Cette proposition de loi est issue d'une pétition citoyenne - comme quoi, la participation citoyenne appartient à tous les groupes politiques. Les apports de Philippe Mouiller vont dans le bon sens, en espérant que les députés y seront réceptifs. Le groupe Les Républicains votera ce texte.
Madame Meunier, on verra ce qui se passera à l'Assemblée nationale ; les députés comme le Gouvernement sont très attentifs - j'ai eu quelques retours extrêmement favorables. Il y a peut-être une fenêtre, même si la ministre est clairement opposée à la déconjugalisation.
Monsieur Chasseing, les 20 milliards d'euros correspondent, selon la Drees, au coût des dispositions prévues par le texte tel que rédigé par l'Assemblée nationale, qui supprime tout plafond de cumul de l'AAH avec les ressources du bénéficiaire. Notre réécriture, axée sur la déconjugalisation, restaure le principe d'un plafond de ressources et l'individualise : le coût est donc ramené à 560 millions d'euros. Pour certains, cela reste important, pour une prestation coûtant un peu plus de 11 milliards d'euros. Nous avons également réintroduit les majorations pour enfants à charge dans le calcul de la prestation.
Surtout, pour éviter qu'il y ait des perdants, à savoir ceux qui ont des revenus propres mais sont en couple avec quelqu'un qui n'en a pas, nous avons prévu une transition de dix ans.
Madame Cohen, il n'y avait pas de malice dans mes propos et je vous rassure : le groupe CRCE sera bien sûr cité tout à l'heure lors de la conférence de presse. J'en profite pour faire une précision : pourquoi la position de mon groupe n'est plus celle qu'elle était il y a deux ans ?
D'abord, il y a deux ans, nous n'avions pas tous les éléments apportés par la Drees. Les incidences financières n'étaient pas assez travaillées. Tout le problème, ce sont les perdants, qui se trouvent souvent dans les déciles les plus faibles. Enfin, autre élément essentiel, l'actualité politique a changé. D'une part, le Gouvernement a déclaré que l'AAH n'était pas un élément du revenu universel, donc pas un minimum social. D'autre part, et peut-être surtout, on a créé une cinquième branche de sécurité sociale. On va devoir mettre en place une réflexion globale sur son périmètre. On pourrait donc basculer d'une notion de minimum social à une notion de prestation de compensation. Le débat a été lancé sur ces évolutions par le Gouvernement lui-même, même si tout reste à faire dans le détail.
Oui, monsieur Burgoa, on peut souligner la mise en place de la pétition citoyenne par le président Larcher. Lors de son lancement, on pouvait se poser des questions sur son efficacité ; on constate qu'elle a fonctionné. C'est une forme de test dont nous devons saluer l'initiative portée par le président Larcher.
Avec Philippe Mouiller, nous avons voulu partir de cas réels pour voir la différence entre les montants perçus actuellement et qui le seraient si le texte de l'Assemblée nationale était voté. Lors de la conférence de presse, nous présenterons six exemples, que nous publierons sur le site du Sénat - nous n'avons changé que les prénoms. Il est important de voir les situations réelles.
Je remercie le rapporteur. À l'issue de vos auditions, y a-t-il eu un engagement à améliorer les outils statistiques ? Les personnes que j'ai jointes se plaignent d'une mauvaise prise en compte de ces données. J'espère que ce n'est pas une illustration de la valeur accordée aux personnes en situation de handicap...
Je me félicite du mécanisme transitoire car le creusement des inégalités par la déconjugalisation me posait problème ; il fallait un phasage. Le mécanisme sur dix ans concerne-t-il seulement, si je puis dire, le stock ou les nouveaux entrants ? A-t-on évalué la faisabilité d'une clause du grand-père, les entrants étant, eux, soumis à la nouvelle règle ?
Nous sommes bien sûr favorables au passage à 65 ans pour solliciter la PCH. Il faut rappeler l'extrême inégalité entre les plans d'aides au titre de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) et de la PCH : le rapport va de 1 à 8, alors qu'il s'agit de la même chose, quel que soit l'âge, à savoir compenser la perte d'autonomie ! Les organisations du handicap ont souvent été défavorables à la convergence par peur d'une baisse des prestations. Il faudrait que la loi sur le grand âge, différée depuis des décennies, arrive vite car il n'est pas normal que la compensation des besoins des personnes bénéficiant respectivement de l'APA et de la PCH soit si défavorable aux premières.
Merci, madame la présidente, d'avoir repris cette pétition. C'est un sujet que le président Larcher m'a demandé de regarder de près. Merci à Philippe Mouiller qui prend ce sujet du handicap, complexe, à bras-le-corps.
La logique veut que l'intégration des revenus du conjoint engendre une baisse des aides pour le bénéficiaire. On ne comprend donc pas bien pourquoi il y a des perdants, et il faut remercier au rapporteur de le mettre en lumière. Reste qu'il est dommage de ne pas disposer de statistiques croisées pour un sujet aussi important, qui est sur la table depuis 2005. Mme Marie-Anne Montchamp et le président Jacques Chirac se posaient déjà ces questions.
Pendant le régime transitoire de dix ans, les personnes auront le choix. Pour moi, cela ne concerne que les personnes déjà inscrites et non les nouveaux. On a tous en tête l'autonomie et l'émancipation de la femme. Merci pour ces propositions de réduction des inégalités.
Je suis assez réservé. C'est une proposition de loi dont on ne connaît pas l'impact entier. Elle va pourtant entraîner des complications, en aggravant l'écart entre l'AAH et le RSA par exemple, qui sont séparés par des barrières assez floues. Le financement, qui s'appuie sur la taxe sur le tabac, n'est pas assuré. Et en plus, le Gouvernement est contre ! On va donc donner de l'espoir à des gens avec un texte qui n'aura pas de suite. Or il est toujours compliqué de faire des déçus...
Je remercie le rapporteur de son excellent travail, mais a-t-il prévu un amendement pour inscrire tout ça dans la cinquième branche ? Il faut une clarification, sinon, on va encore modifier les équilibres de notre modèle social. Allons au bout de la démarche pour savoir comme nous finançons les 500 millions d'euros supplémentaires de cette prestation, qui pèse tout de même 11 milliards d'euros.
Au bout d'un moment, il faut bien avancer.
Merci à Philippe Mouiller pour ce travail très approfondi ; pour moi, qui ne suis certes pas élue depuis longtemps, c'est le premier travail sur le handicap qui le soit autant.
L'AAH pourra-t-elle être rattachée à la sécurité sociale plutôt qu'au budget général ? Si l'AAH n'est plus un minimum social, il faudra peut-être la renommer pour éviter toute brèche dans le calcul des minima sociaux.
Merci pour cet excellent rapport. Quelle est la position de l'Assemblée des départements de France ? Quel impact aura la déconjugalisation sur le calcul du RSA ?
Madame Poncet-Monge, nous n'avons pas d'engagement formel sur les statistiques ; le point commun de toutes les auditions est que l'on a des difficultés à obtenir des chiffres précis. Nous avons des données, mais nous considérons qu'elles ne sont pas suffisantes, surtout en matière de prospective. La Cour des comptes demande un engagement extrêmement fort à se doter de nouveaux outils de pilotage d'une prestation dont les dépenses sont très dynamiques. Je le précise, les 11 milliards d'euros sont déjà financés : c'est le budget actuel de la prestation. On parle des 500 millions supplémentaires. Il y a une vraie mobilisation, notamment de la CNSA pour fiabiliser les données. Tous les acteurs sont extrêmement demandeurs.
Sur les perdants, nos mesures concernent le stock et non les nouveaux entrants. L'idée, c'est que si le nouveau calcul vous est défavorable, vous restez dans l'ancien régime. Les nouveaux entrants seront sous le nouveau régime. Le mécanisme et la durée s'inspirent de ce qui avait été retenu lors de la suppression du complément de ressources au profit de la majoration pour la vie autonome.
Nous envoyons aujourd'hui un message politique, en renvoyant au projet de loi de finances, au projet de loi de financement de la sécurité sociale et à la loi sur l'autonomie. Avec cette proposition de loi, nous ouvrons le débat et prenons une position de principe.
Nous avons repris le texte de la proposition de loi sur les 65 ans, mais mon idée, depuis que je travaille sur ces questions, est de faire sauter toutes les barrières d'âge pour arriver à raisonner en parcours de vie - ce qui concerne aussi bien la barrière des 18 ou 20 ans pour les adultes bénéficiant de l'amendement Creton.
Monsieur Savary, nous sommes sur un message politique. Le débat sur le financement se tiendra lors de l'examen du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Il s'agit d'un transfert du budget général vers le budget de la sécurité sociale. Pour information, depuis 2017, l'État a financé une augmentation de l'AAH de 2 milliards d'euros. L'idée est de maîtriser la dépense globale, avec une prise en compte de ce coût supplémentaire de 500 millions d'euros.
Madame Guidez, l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH) a été transférée à la cinquième branche sans aucune concertation, parce qu'il fallait bien mettre quelque chose dedans. Je resterai prudent. Tout ne sera abouti que lorsque nous aurons réellement travaillé sur la loi sur l'autonomie. À ce stade, nous déconnectons l'AAH de la notion de minimum social pour aller vers l'idée d'une compensation financière. Le rapport Vachey a fourni des pistes, et j'ai moi-même des idées sur la question, mais il ne nous appartient pas de la trancher maintenant au détour de cette proposition de loi. Il y a urgence à ce que la loi sur l'autonomie soit préparée et que l'on avance sur la mise en cohérence et le financement de tout cela.
Bien sûr, nous avons travaillé avec les départements. Il n'y a aucune difficulté sur l'AAH. La question porte surtout sur la PCH de 60 à 65 ans, pour un coût de 20 millions d'euros. Le débat sur la barrière d'âge s'est tenu entre l'Assemblée des départements de France et le secrétariat d'État. De nombreux chantiers ont été lancés sur la PCH ; ses contours, ses financements, la relation des départements et de l'État restent des questions ouvertes pour la loi autonomie.
Cette proposition de loi nous a donné un rendez-vous législatif. Nous devons prendre une position de principe, mais nous ne sommes qu'au début du chantier.
Notre idée, en choisissant d'examiner cette proposition de loi, est de mettre le Gouvernement face à ses responsabilités. La cinquième branche a été créée il y a neuf mois et l'on n'avance toujours pas. Je ne vois pas non plus quand la loi sur l'autonomie et le grand âge sera examinée. Au-delà des effets d'annonce, il faut entrer dans le concret. Nous voulions pointer ces contradictions.
Passons maintenant à l'examen des articles. Je vous informe que l'amendement COM-3 rectifié de Mme Poncet-Monge a été déclaré irrecevable en application de l'article 40 de la Constitution.
EXAMEN DES ARTICLES
Article 1er (suppression maintenue)
L'article 1er demeure supprimé.
Article 2
L'article 2 est adopté sans modification.
Article 3
L'article 3 supprime le plafonnement du cumul de l'AAH avec les ressources propres des bénéficiaires. Mon amendement COM-4 rétablit le principe d'un plafonnement, afin de considérer l'ensemble des revenus de la personne qui reçoit l'AAH.
L'amendement COM-4 est adopté.
L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Articles additionnels après l'article 3
L'amendement COM-1 exclut les primes de performance versées aux sportifs paralympiques de l'assiette des revenus pris en compte pour diverses prestations destinées aux personnes handicapées. Avis défavorable pour l'heure à cet amendement qu'il faudrait rédiger différemment. Je suggère de le redéposer en séance.
L'amendement COM-1 n'est pas adopté.
L'amendement COM-2, dans le même esprit, concerne les aides ponctuelles de l'Agence nationale du sport avant les compétitions, qu'il exclut du calcul des prestations aux personnes handicapées. Avis défavorable pour les mêmes raisons formelles. J'invite son auteur à le redéposer en séance.
L'amendement COM-2 n'est pas adopté.
Mon amendement COM-5 prend en considération les 44 000 ménages perdants de la déconjugalisation de l'AAH afin qu'ils continuent, pendant dix ans, à en bénéficier dans les conditions actuelles.
L'amendement COM-5 est adopté et devient article additionnel.
Article 4
L'article 4 est adopté sans modification.
Article 5 (suppression maintenue)
L'article 5 demeure supprimé.
Article 6
L'article 6 est adopté sans modification.
La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
TABLEAU DES SORTS
La proposition de loi qui nous est soumise a été déposée par notre collègue Marie-Pierre de La Gontrie et plusieurs sénateurs du groupe socialiste, écologiste et républicain. Elle vise à reconnaître dans notre législation le droit à bénéficier, sous conditions, de l'aide active à mourir, selon deux modalités : l'assistance médicale au suicide et l'euthanasie.
Avant d'aborder l'examen de ce texte, il me revient de vous proposer un périmètre pour l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution. Je considère qu'il comprend des dispositions relatives à la prise en charge des personnes atteintes d'affections graves et incurables, à la prise en charge palliative et aux pratiques sédatives, aux responsabilités des soignants en matière de fin de vie, et d'une façon générale, aux modalités d'exercice du droit des patients aux soins palliatifs et à l'accompagnement en fin de vie. En revanche, ne me semblent pas présenter de lien, même indirect, avec le texte déposé, des amendements relatifs à la perte d'autonomie et à la dépendance, aux conditions d'admission en établissements sociaux et médicosociaux, aux médicaments et à leurs conditions de dispensation ou d'administration, aux compétences des professionnels de santé ou encore aux services d'aide à domicile.
Le droit à mourir dans la dignité irrigue le débat public dans notre pays depuis au moins trente ans. Le Comité consultatif national d'éthique (CCNE) s'était ainsi intéressé à cette question dès 1991. L'évolution de ses positions successives jusqu'aux derniers états généraux de la bioéthique montre à quel point il lui est difficile de prendre une position tranchée et arrêtée sur une question aussi délicate.
Le premier enseignement que je tire de mes auditions sur ce texte est que nous aurions tort de caricaturer ce débat en l'assimilant à une opposition indépassable entre deux camps : d'une part, les partisans d'une vision absolutiste de l'autonomie de la personne, qui considéreraient que la mort est une expérience purement personnelle sur laquelle la société n'aurait pas son mot à dire, et d'autre part, ceux qui estiment que l'interdit de donner délibérément la mort constitue une ligne infranchissable qui doit prévenir toute tentation d'abréger les souffrances d'autrui, même à titre compassionnel.
Au contraire, je retire de ces auditions le sentiment que nous devrions tous, comme l'a très justement rappelé le professeur Régis Aubry, membre du CCNE, faire preuve de modestie. Ce devoir de modestie à l'égard de la souffrance humaine et des conséquences qu'elle emporte pour la dignité du patient vaut pour nous, élus, comme pour les professionnels de santé qui vivent ces situations délicates de fin de vie quasi quotidiennement.
La dernière loi adoptée en matière de fin de vie, la loi Claeys-Leonetti de 2016, a fêté son cinquième anniversaire le 2 février dernier. Il s'agissait d'un progrès important dans l'amélioration de la prise en charge palliative des personnes en fin de vie. Cette loi apportait des clarifications indispensables sur l'évaluation de l'obstination déraisonnable pour permettre l'arrêt des traitements et prévenir tout acharnement thérapeutique. Elle introduisait également le droit à la sédation profonde et continue jusqu'au décès pour les personnes dont les souffrances resteraient réfractaires aux traitements. Elle consacrait enfin l'opposabilité des directives anticipées rédigées par le patient qui se retrouverait hors d'état d'exprimer sa volonté.
En dépit de ces progrès indéniables, j'identifie des limites principalement de deux ordres. Tout d'abord, en circonscrivant la possibilité de bénéficier de la sédation profonde et continue jusqu'au décès à des situations soit d'imminence du décès, soit d'obstination déraisonnable pour les personnes hors d'état d'exprimer leur volonté, la loi n'a pas permis de lever un certain nombre d'ambiguïtés dans son interprétation, selon que l'on se place du point de vue du patient, des proches ou des soignants.
Ainsi, comme le rappelle le Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie, patients, proches et soignants n'ont pas toujours la même compréhension de la souffrance et de ce à quoi elle donne droit selon la loi. La souffrance existentielle du patient demeure parfois difficilement appréhendée par les équipes soignantes qui restent attachées à une objectivation de la souffrance sur la base de symptômes cliniques.
Ensuite, les critères de l'obstination déraisonnable, de la souffrance réfractaire aux traitements et de l'engagement du pronostic vital à court terme apparaissent finalement peu pertinents pour un certain nombre de situations qui, bien que limitées dans leur nombre, n'en restent pas moins source d'une souffrance considérable et d'une angoisse existentielle pour les personnes concernées.
J'entends par là des situations auxquelles la loi en vigueur n'apporte pas de réponse satisfaisante, comme l'ont montré certaines affaires médiatisées. C'est en particulier le cas de maladies neurodégénératives très graves, telles que la sclérose latérale amyotrophique (SLA) ou maladie de Charcot - on se souvient à cet égard des difficultés rencontrées par l'écrivaine Anne Bert pour faire entendre son souhait de mourir dans la dignité et qui l'ont finalement conduite à se rendre en Belgique.
Ce type de pathologie incurable, rapidement évolutive, conduit à une paralysie généralisée avec, à terme, impossibilité pour la personne de s'alimenter seule. Lorsque la personne malade refuse la perspective de se retrouver dans une situation de dépendance qu'elle jugerait incompatible avec sa dignité, les dispositifs de la loi Claeys-Leonetti n'apparaissent alors pas adaptés à une situation dans laquelle la crainte de la perte d'autonomie est source de souffrance existentielle. Cette crainte constitue l'un des motifs de demande d'aide active à mourir les plus souvent avancés.
Face à ces situations, qui interrogent les devoirs d'humanité, de solidarité et de compassion qui incombent à notre société, nous devons également être attentifs à l'évolution de l'opinion publique en France, ainsi qu'aux évolutions observées à l'étranger, même si nous devons nous garder de tout suivisme en la matière.
Selon un sondage de mars 2019 réalisé par l'institut Ipsos, 96 % des Français interrogés se déclarent favorables à la reconnaissance d'un droit à l'euthanasie : 36 % estiment que « les Français devraient avoir la possibilité de disposer d'un droit à l'euthanasie quelles que soient leurs conditions de santé » et 60 % jugent que « le droit à l'euthanasie devrait être encadré et possible uniquement en cas de souffrances graves et incurables ».
Les propositions tendant à « accompagner la fin de vie » et « légaliser l'euthanasie » ont en outre constitué, en avril 2019, deux des trois consensus qui, bien que qualifiés de « faible ampleur » par le Premier ministre, ont émergé des contributions libres versées au grand débat national organisé dans le sillage du mouvement des « gilets jaunes ».
En outre, dès le début des années 2000, plusieurs pays se sont engagés dans la voie d'une reconnaissance d'une ou plusieurs modalités de l'aide active à mourir dans le souci de mieux respecter l'autonomie de la personne et son souhait de mourir dans des conditions qu'elle juge dignes : les pays du Benelux bien sûr, mais aussi la Suisse, huit États aux États-Unis, bientôt deux en Australie, plus récemment la Nouvelle-Zélande et le Portugal et très prochainement l'Espagne. Dans ces conditions, la France sera bientôt frontalière de quatre pays autorisant une ou plusieurs modalités de l'aide active à mourir.
Or la très grande majorité de ces pays ont mis en place des exigences strictes pour l'exercice du droit à l'aide active à mourir ainsi que des procédures de contrôle qui préviennent toute dérive. Doit-on s'attendre à un emballement des demandes d'assistance au suicide en France si celle-ci venait à être légalisée ? La réponse est, bien entendu, non. Prenons l'exemple de l'Oregon, qui autorise l'assistance au suicide depuis 1994. En 2019, moins des deux tiers des personnes qui ont sollicité cette assistance, soit 188 personnes, ont effectivement pris les médicaments qui leur ont été prescrits et en sont décédés.
En définitive, loin de pousser les personnes atteintes d'affections graves et incurables à se résigner à la mort en l'anticipant à l'excès, les législations autorisant l'aide active à mourir peuvent leur apporter un surplus d'apaisement psychologique dans l'appréhension de leur fin de vie sans pour autant les conduire à systématiquement passer à l'acte, tout en garantissant la traçabilité et le contrôle de ces situations.
Dans ces conditions, l'article 1er de la proposition de loi précise le contenu du droit à une fin de vie digne, déjà inscrit dans le code de la santé publique, afin d'y inclure un droit à bénéficier de l'aide active à mourir. Les deux modalités prévues de mise en oeuvre de cette aide active à mourir seront le suicide médicalement assisté et l'euthanasie.
Son article 2 définit des critères exigeants qui conditionneront le bénéfice d'une aide active à mourir. Le patient devra ainsi être capable au sens du code civil, être en phase avancée ou terminale d'une affection pathologique ou accidentelle, même en l'absence de pronostic vital engagé à court terme, et présenter des caractères graves et incurables avérés lui infligeant une souffrance physique ou psychique inapaisable qu'il juge insupportable ou le plaçant dans un état de dépendance qu'il estime incompatible avec sa dignité.
Ces dispositions tendent, par conséquent, à lever l'exigence de l'imminence du décès pour abréger les souffrances de la personne, alors que l'engagement du pronostic vital à court terme constitue aujourd'hui une condition de la mise en oeuvre de la sédation profonde et continue jusqu'au décès pour les personnes capables.
Par ailleurs, dans un souci de rééquilibrage en faveur du libre arbitre du patient par rapport à l'avis du médecin et en cohérence avec le renforcement du droit de chaque malade de prendre part aux décisions de santé qui le concernent consacré depuis 2002, ces critères accordent une place déterminante à l'appréciation que fait le patient de sa situation : est ainsi prise en compte l'évaluation qu'il fait du caractère insupportable de sa souffrance physique ou psychique ou du caractère indigne de son état de dépendance.
L'article 2 précise également la procédure et les délais encadrant la mise en oeuvre du droit à l'aide active à mourir : le médecin saisi de la demande doit ainsi vérifier que les critères sont remplis et, par la suite, solliciter l'avis d'un confrère accepté par la personne concernée ou sa personne de confiance.
Il est, par ailleurs, prévu que le médecin qui a concouru à la mise en oeuvre de l'aide active à mourir devra adresser un rapport sur les circonstances du décès à une commission nationale de contrôle, créée par la proposition de loi, qui se prononcera sur la validité du protocole et le respect de la réglementation.
Mais la proposition de loi ne se limite pas à la reconnaissance de l'aide active à mourir. Elle s'attache également à garantir le respect des volontés de la personne ayant perdu sa capacité, d'abord en rénovant le cadre juridique applicable aux directives anticipées pour améliorer leur développement et renforcer leur opposabilité ; en consacrant la possibilité de désigner plusieurs personnes de confiance classées par ordre de préférence afin de parer aux situations d'empêchement ; et en instituant un ordre de primauté dans les témoignages recueillis au sein de la famille du patient qui n'est pas en capacité d'exprimer ses volontés, mais qui n'aurait pas désigné de personne de confiance.
Enfin, dans le souci d'apporter une réponse globale au mal mourir en France et de répondre aux carences persistantes de la prise en charge palliative en France, l'article 9 de la proposition de loi institue un droit universel à l'accès aux soins palliatifs et à un accompagnement qui devra être rendu effectif sur le territoire dans un délai de trois ans à compter de la publication de la loi. N'oublions pas en effet qu'encore aujourd'hui, 26 départements - dont la Guyane et Mayotte - n'ont pas d'unités de soins palliatifs.
J'estime que le texte qui nous est soumis apportera une réponse à la détresse de certains malades confrontés à des situations où le droit reste encore sourd à leur libre arbitre. Il contribuera également à rendre pleinement effectif le droit de toute personne à bénéficier de soins palliatifs et d'un accompagnement de qualité afin de mourir dans la dignité en tout point du territoire.
Je vous propose d'adopter cette proposition de loi. L'examen de ce texte est pour nous l'occasion de débattre des solutions pour rendre effectif le droit à mourir dans la dignité pour tous.
Merci pour ce rapport sur un sujet qui touche chacun dans ses convictions et son vécu personnel.
Merci pour ce rapport complet. Je remercie aussi Marie-Pierre de La Gontrie et le groupe socialiste pour ce texte important. Ce débat de société intéresse tous les Français et dépasse les clivages, comme l'a démontré la loi de 2016 qui portait le nom de deux députés, un UMP et un PS. Aujourd'hui, nous ne pouvons rester muets face à la difficulté juridique de la mise en oeuvre du droit à la sédation profonde, qui a pour conséquence le départ de nombreux Français à l'étranger lorsqu'ils en ont les moyens financiers. Nous sommes entourés de tous ces pays qui autorisent l'aide active à mourir. Le Conseil économique, social et environnemental (CESE), il y a près de trois ans, a pointé l'insuffisance de l'offre de soins palliatifs au regard des besoins actuels. Il appartient donc au législateur de faire évoluer le droit en vigueur afin que ceux qui souffrent de pathologies au caractère grave et incurable avéré et infligeant une souffrance physique ou psychique de bénéficier de cette aide active à mourir. Il s'agit d'une question de dignité.
Je rends hommage au travail considérable de l'Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD) et à son président, Jean-Luc Romero-Michel. Nous avons tous en tête les affaires médiatisées, mais le sujet ne s'y limite pas. Beaucoup de Français sont concernés.
L'instauration d'une commission nationale de contrôle des pratiques relatives au droit de mourir dans la dignité chargée de tenir le registre national automatisé, avec le pouvoir d'émettre des avis et des recommandations, me paraît essentielle. Je soutiendrai cette proposition de loi.
Cette proposition de loi aborde la mort, dont on ne parle pas souvent alors qu'elle fait partie de la vie et ne doit pas être occultée. La mort peut survenir à n'importe quel moment, même à la naissance. L'accompagnement des mourants, en particulier à domicile, est totalement insuffisant. Les structures de soin à domicile n'interviennent que de façon décalée, avec tout un protocole. La loi actuelle n'est pas appliquée correctement.
La maladie de Charcot est mal soignée à domicile. À titre personnel, je suis très partagée sur ce sujet. Je me donne un délai de réflexion. La loi actuelle n'est pas suffisamment appliquée, ce qui constitue un vrai problème.
On aborde un sujet extrêmement sensible. Cela nous pousse à penser à ce que nous avons vécu les uns et les autres dans l'accompagnement de nos proches. Parfois la souffrance s'éternise et l'on se demande pourquoi ne pas accompagner plus vite vers la mort.
Je félicite Mme Meunier pour l'excellence de son rapport. Le libre choix me paraît très important. C'est une source d'apaisement pour les personnes en fin de vie, qui peuvent choisir leur manière de mourir. La dignité me paraît également très importante, tout comme l'égalité d'accès à la possibilité de mourir dans la dignité. Il est totalement inacceptable que certains de nos compatriotes soient obligés d'aller dans les pays voisins. En outre, seuls ceux qui en ont les moyens le peuvent. Il est important que chacun ait le choix, quelles que soient ses ressources. Je soutiens totalement cette proposition de loi.
J'ai suivi avec intérêt plusieurs auditions organisées par notre rapporteure. Il nous faut, sur ce sujet complexe, faire preuve de modestie et garder ouverte notre réflexion. « En France, on meurt mal », disait l'un des médecins que nous avons entendus. La mort, en effet, demeure taboue dans notre société, ce qui rend l'accompagnement des mourants difficile.
Le texte n'aborde pas la question particulière du décès d'un enfant et de l'accompagnement de ses proches. Une amie a perdu son fils de seize ans d'un cancer et le traumatisme reste vivace. Que signifie mourir en toute dignité et sérénité ? La France ne dispose pas de lieux adaptés et on ne pense guère aux familles qui accompagnent les mourants.
Je ne sais pas encore ce que je voterai. Mon groupe est également partagé. Le sujet, en effet, relève de l'intime et il faut respecter la décision de chacun. La proposition de loi ne va peut-être pas suffisamment loin dans la réflexion. Certes, des dispositifs existent en matière de soins palliatifs, mais ils ne sont pas toujours mis en oeuvre.
Je remercie notre rapporteure pour son travail approfondi et pour l'intérêt des auditions organisées. Je me suis retrouvée dans la philosophie bienveillante exposée par Jean Leonetti et Alain Claeys. Par manque de soins palliatifs dans certains territoires, de lieux pour accueillir les mourants et d'accompagnement médicamenteux et psychologique, certaines personnes meurent de manière difficile.
Je ne sais encore quel sera mon vote. Je suis favorable à la liberté individuelle, mais est-ce à la société, à un être humain, de donner la mort ? Le décès ne doit pas être douloureux ; le mourant et sa famille doivent être accompagnés. J'ai travaillé en soins palliatifs, dans un territoire situé à quelques kilomètres de la Belgique. Dans ce cadre, j'ai souvent été confrontée à des demandes de départ. Mais, lorsque le mourant est convenablement installé à domicile, bien accompagné, que sa douleur est gérée, une telle demande n'était plus formulée, hormis le cas du père d'une militante de l'ADMD... Je reste cependant tiraillée sur le sujet.
Je vous invite à visiter le site de la maison de Gardanne qui prodigue des soins palliatifs. Dans ce lieu apaisant, les mourants sont accompagnés. Hélas, trop peu de moyens sont affectés à la création de telles structures. Pour autant, l'euthanasie ne doit pas devenir un dérivatif du mal mourir.
J'adresse mes remerciements à Marie-Pierre de La Gontrie pour son initiative et à Michelle Meunier, dont l'exposé reflétait parfaitement la complexité du sujet. J'ai toutefois un regret : si ce débat est nécessaire, le projet de loi bioéthique dont nous venons de débattre aurait pu en fournir l'occasion. Nous aurions aussi pu intégrer ce sujet à la loi Bioéthique dont nous venons de débattre.
La France doit effectivement progresser en matière de soins palliatifs. Il est regrettable que 26 départements ne disposent d'aucune unité ! Des dizaines de milliers de mourants sont chaque année victimes de ce sous-équipement. Pour autant, même avec un parfait maillage du territoire, quelques milliers de situations - je pense notamment aux personnes qui souffrent de la maladie de Charcot - ne seraient pas résolues. Je ne crois pas, cependant, qu'il faille les traiter dans un texte sur le suicide assisté et l'euthanasie qui crée un régime juridique étonnant. L'article 3 de la proposition de loi évoque, en effet, une mort naturelle, mais cela n'a aucun sens en droit. Le législateur peut admettre que soit autorisé le fait de donner délibérément la mort, mais il ne doit pas alors chercher de faux-fuyant !
Je m'élève également contre l'idée, développée par Jocelyne Guidez, selon laquelle la mort ne serait qu'une question personnelle. Ne nions pas la dimension collective du sens de la mort dans notre société : interrogeons-nous sur nos valeurs et les moyens que nous mettons en oeuvre pour assurer à tous une fin digne.
Le débat en séance publique durera deux heures ; il ne permettra pas d'adopter un texte. Pour ma part, je ne voterai pas cette proposition de loi.
Lorsque j'évoquais le caractère personnel de la mort, je parlais du vécu de chacun.
Ce sujet nous interroge tous. Les positions exprimées par chacun montrent qu'il ne relève pas d'une posture politique ; nos groupes voteront d'ailleurs de manière diverse. Il s'agit toutefois aussi d'une question de société. Admet-elle de donner la mort ? Un médecin prodigue d'abord la vie, essaie de guérir et de sauver. Notre droit ne condamne pas le suicide, pourtant, lorsque les secours arrivent, ils tentent toujours une réanimation. Il existe donc bien un paradoxe que cette proposition de loi, même imparfaite, essaie de résoudre.
La loi du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie s'avère insuffisante et mal appliquée. L'audition de Jean Leonetti et d'Alain Claeys fut particulièrement intéressante et j'en remercie la rapporteure. Leur philosophie appelle à la réflexion et à la bienveillance.
Nous devons refuser l'hypocrisie consistant à dire qu'il existe des solutions, en dernier recours, dans les pays voisins ! Cela reviendrait à accepter une discrimination fondée sur l'argent et à renoncer à un accompagnement familial de qualité. Florence Lassarade évoquait la maladie de Charcot : pour les personnes qui en sont atteintes, il n'existe guère de solution. Ce texte constitue donc une étape intéressante.
N'oublions pas combien sont démunis les services de soins palliatifs : 26 départements privés d'unité, manque d'équipes mobiles, réglementation bloquante - je pense au droit de prescription, par les médecins de ville, de médicaments permettant la sédation. Nous ne pouvons nous lamenter, alors que nous acceptons régulièrement des fermetures de lits dans le cadre des lois de financement de la sécurité sociale !
Face à la mort, la décision médicale doit être collégiale : un professionnel ne peut agir seul. Cela nécessite de développer les formations auprès des soignants et d'y consacrer les financements afférents. Plusieurs personnes auditionnées ont indiqué qu'il n'existait pas de données chiffrées sur la fin de vie ; ce travail doit être mené sous l'égide du Gouvernement. À titre personnel, je voterai ce texte.
J'ai longtemps accompagné des personnes en fin de vie à domicile comme en établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). Je rejoins Bernard Jomier et Laurence Cohen : lorsqu'il existe des soins palliatifs, il y a une solution d'accompagnement. Mon expérience se rapproche de celle qui a été relatée par Véronique Guillotin : avec un traitement médicamenteux adapté et un accompagnement familial, les demandes de mort volontaire sont rares. Déjà, la loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie, dite Leonetti, établit un cadre satisfaisant ; elle évite l'euthanasie, elle empêche l'acharnement thérapeutique, mais les soins palliatifs, notamment à domicile, doivent être développés. La dignité, c'est être aidé jusqu'au bout et c'est ce à quoi s'attachent les soins palliatifs. Donner la mort est pour moi un geste en contradiction avec les soins palliatifs.
Je remercie Michelle Meunier pour ce travail sur un texte qui interroge beaucoup d'entre nous. Il est très difficile de légiférer sur un sujet qui touche à ce point à l'intime. On a tous accompagné des personnes en souffrance avant la mort mais on ne peut pas régler par la loi toutes les situations qui ont leurs spécificités. Le problème est que la loi Leonetti n'est pas suffisamment appliquée. Les soins palliatifs sont encore trop insuffisants, en particulier à domicile où beaucoup souhaiteraient pouvoir terminer leurs jours.
Je rejoins Bernard Jomier, cette proposition de loi ne permettra pas de résoudre les problèmes évoqués et risque de gêner les soignants qui devront, pour l'appliquer, répondre à de nombreux critères. Je ne la voterai pas. Nous devons toutefois continuer à débattre et à réfléchir pour améliorer la loi Leonetti.
Je ne voterai pas non plus ce texte. J'espère que nous aurons, sur ce sujet sensible, un débat digne en séance publique. Le Sénat s'honorerait à poursuivre sa réflexion sur cette question.
Je remercie notre rapporteure pour son travail approfondi sur un sujet fort délicat. Je ne voterai pas non plus cette proposition de loi. J'ai reçu un courriel d'une association militante m'intimant d'être présent le 11 mars pour le débat en séance publique ; cela ne me plaît guère... Je vous invite à lire l'article publié récemment dans Le Figaro par plusieurs médecins, hors de toute posture idéologique, sur les dérives potentielles de décisions mal mesurées dans le domaine de la fin de vie.
Avant de légiférer, appliquons la loi du 2 février 2016 et dressons-en un bilan. Cela nous permettra de préparer la prochaine loi Bioéthique.
J'espère, cher Laurent Burgoa, que nous aurons un débat digne en séance publique. Chacun possède, sur le sujet, une opinion différente.
Cette proposition de loi ne constitue pas la suite de la loi Claeys-Leonetti, dont nous connaissons les failles et qui trop longtemps est restée méconnue. Cette dernière évite l'acharnement thérapeutique, mais elle ne permet ni le suicide assisté ni l'euthanasie dont le geste relève d'une forme de brutalité. Nous voulons tous éviter la souffrance aux mourants, mais quand la fin de vie s'organise dans un cadre apaisé et avec un accompagnement adapté, cela fonctionne. Je ne suis pas prête à légiférer dans le sens qui nous est proposé par le texte.
Nous devons regarder la fin de vie et la mort comme une part de la vie et non comme un tabou. Hélas, dans notre société, mourants et morts sont mis à l'écart. La dignité d'un homme est préservée jusqu'à son dernier souffle, malgré la déchéance physique que je ne peux me résoudre à considérer comme indigne. Je ne voterai pas cette proposition de loi.
Notre débat est à l'image de ce qu'il sera certainement en séance publique. Je suis sereine sur ce point. Je n'ai pas souhaité d'emblée rapporter ce texte, puis je l'ai abordé en législateur. Il dépasse les clivages partisans et aborde un débat nécessaire. Au demeurant, plusieurs propositions de loi ont été déposées sur le sujet à l'Assemblée nationale, dont une, à l'initiative notamment d'Olivier Falorni, sera discutée en avril. Jean Leonetti et Alain Claeys ne s'en montrent pas outrés, conscients que certains points doivent être améliorés, notamment le maillage territorial en soins palliatifs.
S'agissant de l'accompagnement à domicile, j'interpellerai le Gouvernement sur le midazolam, qui peut être administré aux malades pour calmer la douleur. Malgré la recommandation positive émise par la Haute Autorité de santé (HAS) il y a plusieurs mois, l'autorisation de dispensation en ville se fait attendre. Beaucoup aimeraient pouvoir mourir à domicile, ce qui nécessite un accompagnement adapté. La majorité continue à mal mourir à l'hôpital, malgré l'implication des soignants qui ne connaissent pas toujours la loi du 2 février 2016.
Les enfants ne sont effectivement pas traités dans le texte, qui ne constitue pas le prolongement de la loi précitée, mais un retour au droit du malade face à celui du médecin et de l'équipe soignante. Il apparaît certes imparfait, mais présente l'intérêt de ne pas se satisfaire de la situation actuelle. Nous aurions préféré que le Gouvernement se saisisse du sujet, notamment en présentant un nouveau plan pour les soins palliatifs, le dernier étant arrivé à échéance en 2018.
Certains médicaments peuvent déjà être administrés à domicile. Le midazolam sert en anesthésie, mais ne peut être prescrit par un médecin de ville.
L'accompagnement de la fin de vie se développe en Ehpad grâce aux équipes mobiles ; cela constitue un véritable progrès.
Il convient, en outre, de rappeler que, aux termes de la loi du 2 février 2016, les directives anticipées ou, à défaut, le témoignage de la personne de confiance ou d'un proche s'imposent au médecin.
EXAMEN DES ARTICLES
Comme aucun amendement n'a été déposé, je mettrai successivement aux voix les articles du texte.
Articles 1er à 10
Les articles 1er à 10 ne sont pas adoptés.
La proposition de loi n'est pas adoptée.
Conformément au premier alinéa de l'article 42 de la Constitution, la discussion en séance publique portera en conséquence sur le texte initial de la proposition de loi déposé sur le Bureau du Sénat.
La proposition de loi tendant à appliquer vingt-quatre mesures urgentes pour lutter contre les fraudes sociales a été déposée par notre collègue Nathalie Goulet, dont nous connaissons l'implication sur le sujet de la lutte contre la fraude. Elle est notamment co-auteur, avec la députée Carole Grandjean, d'un rapport au Gouvernement sur ce thème en 2019.
La proposition de loi reprend de nombreuses propositions formulées par Mme Goulet à diverses occasions, notamment dans les derniers projets de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). Chacun de mes amendements a été discuté avec elle et n'a pas rencontré son opposition.
Avant d'entamer la discussion des articles et des amendements, il me revient de vous proposer d'adopter un périmètre sur ce texte, qui permettra d'appliquer l'article 45 de notre Constitution. Je vous propose de considérer comme entrant dans le champ de ce texte les dispositions relatives aux modalités de recouvrement des cotisations et contributions sociales et de versement des prestations sociales ; aux outils de gestion des organismes de sécurité sociale en vue de sécuriser tant le recouvrement des ressources que le versement des prestations ; enfin, aux conditions, aux procédures et aux moyens juridiques et matériels de contrôle visant à prévenir et lutter contre les fraudes sociales, que celles-ci concernent des prestations indument versées ou encore du travail illégal.
En revanche, il me semble que ne présentent pas de lien, même indirect, avec le texte déposé, les amendements relatifs à la fraude fiscale, aux conditions d'ouverture des droits, au mode de calcul des prestations et à la nature des prestations versées.
En conséquence, deux amendements de notre collègue René-Paul Savary doivent être déclarés irrecevables. En effet, ils concernent la forme et la nature de l'allocation de rentrée scolaire et de la prestation d'accueil du jeune enfant. Ils visent à éviter un dévoiement de leur finalité, mais non à sécuriser de leur bonne attribution. Le sujet est d'intérêt, mais il ne trouve pas sa place ici.
Les articles 1er et 2 concernent le répertoire national commun de la protection sociale (RNCPS).
Le premier entend y faire entrer de nouvelles prestations en nature, mais aussi le fusionner avec le répertoire de la branche famille. La première partie de l'article est satisfaite par le droit existant. S'agissant de la fusion des répertoires, il y a une confusion sur le rôle du RNCPS. Contrairement à ce que son nom pourrait laisser penser, il ne constitue pas une base de données ou un fichier consolidé de l'ensemble de la protection sociale. Il s'agit en réalité d'une plateforme permettant de lancer des requêtes, essentiellement individuelles et c'est sans doute une piste d'évolution, en appelant les données mises à disposition par les systèmes d'information des organismes de la sphère sociale. En cela, les modifications proposées ne sont pas opérationnelles et nuiraient aux capacités de mise en commun d'outils de gestion au sein de la sécurité sociale.
L'article 2 prévoit un rapport récurrent sur le RNCPS. Cela permettrait d'envisager des évolutions de cet outil qui doit permettre de lutter contre le non-recours. Le Gouvernement a missionné l'inspection générale des affaires sociales (IGAS) à ce sujet qui rendra ses conclusions au mois de mai. Je préfère attendre ce rapport pour proposer des adaptations, éventuellement en PLFSS, sur la base de l'état des lieux et des perspectives qui seront dressés. Aussi, je vous propose de supprimer les deux articles.
L'article 3 prévoit que soit procédé à une recherche systématique sur le fichier de l'application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France (Agdref) avant toute inscription au répertoire national d'identification des personnes physiques (RNIPP). Il s'agit de vérifier la condition de régularité du séjour des personnes étrangères. Il se trouve que la base juridique nécessaire n'est pas de niveau législatif, mais réglementaire et que, dans la pratique, les autorisations d'accès ont été données par le ministère de l'intérieur et ces vérifications sont déjà réalisées. J'ai pu le constater lors d'une précédente mission. Je vous propose donc la suppression de cet article satisfait.
L'article 4 crée une expérimentation sur le modèle de celle adoptée en loi de finances pour 2020 concernant la fraude fiscale. Il s'agit de permettre, par des traitements automatisés et informatisés, la collecte et l'exploitation de contenus librement accessibles sur des plateformes en ligne. Cela consiste à collecter des informations sur les réseaux sociaux, principalement pour identifier notamment des fraudes à la résidence ou à la situation familiale. Cette expérimentation commence tout juste en matière fiscale et son lancement a montré la complexité de sa mise en oeuvre sur les plans juridique et technique. En outre, la jurisprudence du Conseil constitutionnel a précisé que les contenus accessibles seulement après inscription sur la plateforme ou suivant un accès nécessitant un mot de passe ne peuvent être utilisés. Cela restreint dès lors de manière importante le périmètre des données pouvant être collectées : Facebook et Instagram sont par exemple hors champ.
Si l'expérimentation est concluante en matière fiscale, je serai favorable à une extension à la sphère sociale. Cependant, il me paraît peu opportun de lancer une expérimentation parallèle sans attendre une première évaluation de la mise en oeuvre de la première. Surtout, la protection sociale n'est pas réunie en une seule administration, mais structurée en plusieurs organismes relevant de diverses branches : les aspects opérationnels me semblent très complexes. Aussi, je ne suis pas favorable à ce que cet article prospère, mais, sur demande de l'auteur, vous propose de le conserver jusqu'à la séance. Je vous proposerai donc seulement des modifications rédactionnelles.
L'article 5 reprend la proposition de loi relative à la carte Vitale biométrique adoptée sur proposition de Philippe Mouiller et sur le rapport de Catherine Deroche. Une expérimentation est en cours sur la carte Vitale électronique, avec l'application Carte Vitale sur mobile. Des éléments de biométrie pourraient être expérimentés dans ce cadre, selon la direction de la sécurité sociale.
Je ne reviendrai pas sur les réserves que la commission avait exposées sur ce dispositif coûteux. Je vous propose de supprimer cet article considérant l'expérimentation en cours et le fait que la proposition de loi demeure en navette.
L'article 6 avait déjà été proposé et adopté dans le cadre du PLFSS pour 2021. Il ajoute les présidents de tribunaux de commerce à la liste des agents habilités à échanger des informations en vue de lutter contre la fraude sociale. Or, ils appartiennent à l'autorité judiciaire qui dispose d'une telle habilitation en vertu d'un article dédié au sein du code de la sécurité sociale. L'adoption de cet article pourrait avoir, en outre, des conséquences préjudiciables sur la pertinence des coordinations réalisées dans le code de la sécurité sociale. Je vous propose donc de le supprimer.
Lorsque nous rédigeons une proposition de loi, nous avons de bonnes intentions, mais il n'est pas toujours aisé de les traduire en solutions efficaces...
L'article 7 modifie l'organisation des comités opérationnels anti-fraude (Codaf) au niveau local. Il relève du champ réglementaire et reprend pour partie le décret de 2020 relatif aux Codaf. Il modifie, en outre, le fonctionnement des réunions restreintes d'une manière qui me semble très peu souhaitable. En effet, en imposant la co-présidence du préfet, cet article serait de nature à perturber l'équilibre trouvé entre les ordres administratif et judiciaire : ces réunions, présidées par le procureur de la République, compétent en matière judiciaire, réunissent des personnes déliées du secret professionnel à son égard. Aussi, pour préserver l'efficacité du fonctionnement des Codaf, je vous propose de supprimer cet article.
L'article 8 subordonne le versement d'une aide personnalisée au logement (APL) à la transmission à la caisse d'allocations familiales (CAF) d'informations sur le logement auquel l'aide se rapporte. En outre, il organise la transmission de ces informations entre les CAF et l'administration fiscale. Il reprend, à cet égard, des propositions formulées par la Cour des comptes dans l'enquête qu'elle nous a remise en septembre. Il permettrait d'améliorer les contrôles, notamment de l'existence et de la conformité des logements donnant lieu aux versements d'APL. Je vous propose de l'adopter, en le modifiant simplement par un amendement rédactionnel.
L'article 9 prévoit des échanges d'information entre organismes et administrations de sécurité sociale au niveau européen. Il est satisfait par un règlement européen - qui ne nécessite par nature pas de transcription - dont la mise en oeuvre se fait notamment via l'Electronic exchange of social security information (EESSI). Je vous propose de le supprimer.
L'article 10 concerne les certificats d'existence. Un assuré percevant une pension de retraite d'un régime obligatoire doit, lorsqu'il réside à l'étranger, justifier de son existence chaque année auprès de son régime. Dans le cadre du PLFSS pour 2021, nous avons codifié les dispositions correspondant à la preuve de l'existence et ouvert la possibilité de recourir à la biométrie.
L'article 10 permet la fourniture et la certification du document justificatif par un organisme de retraite étranger conventionné. Il est, en droit comme en pratique, déjà satisfait, la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV) ayant conclu des conventions avec d'autres organismes. Il n'apporterait donc aucun contrôle supplémentaire ni aucune facilité pour les ressortissants des régimes résidant à l'étranger. Cependant, sur demande de l'auteur, je vous propose de le conserver jusqu'à la séance publique. Il s'agit d'un sujet sensible, même si des accords se développent avec les pays les plus concernés.
L'article 11 prévoit qu'un décret établit une liste de pays dont l'état civil serait présumé non fiable. Le dispositif proposé n'offre pas de réponse concrète à une difficulté réelle. En effet, la dérogation proposée - et plus encore la publication d'une liste d'États non fiables - risque de poser d'importants problèmes diplomatiques ou politiques sans vraiment résoudre le problème. C'est pourquoi je vous propose un amendement de suppression.
L'article 12 demande que, dans un délai de six mois suivant la publication de la présente proposition de loi, que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur l'état de la lutte contre les fraudes transfrontalières. Une fois n'est pas coutume s'agissant des demandes de rapport, je vous propose d'adopter cet article, d'une part, parce que Mme Goulet y tient, considérant que l'information en la matière n'est pas complète, d'autre part, parce qu'il s'agit effectivement d'un sujet-clef, qui nécessite d'y voir clair. Je vous propose simplement d'adopter un amendement rédactionnel.
Je serai bref sur l'article 13, satisfait puisqu'il reprend exactement les dispositions de l'article 85 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021. Cela s'explique sans doute par le dépôt de la présente proposition de loi avant la promulgation du texte. Bien entendu, je vous propose un amendement de suppression.
L'article 14 rend obligatoire le versement des allocations et prestations sociales sur un compte bancaire ouvert dans un établissement installé en France ou dans un État partie à l'Espace économique européen. Les comptes ouverts hors de France, même au sein de l'Union européenne, ne figurent pas dans le fichier des comptes bancaires et assimilés (Ficoba) de la direction générale des finances publiques (DGFiP), ce qui limite les possibilités de contrôle. Il ne serait très probablement pas conforme au droit communautaire de limiter le versement des prestations à des comptes français. Je vous propose donc d'acter l'avancée que représente la proposition de Mme Goulet, en adoptant cet article. Néanmoins, il conviendrait de le modifier par un amendement, afin de limiter ce dispositif aux prestations versées sous condition de résidence en France. Il ne concernerait donc pas les pensions de retraite, certains pensionnés vivant durablement hors de France et de l'Union européenne.
L'article 15 impose une copie couleur du titre d'identité pour toute inscription au RNIPP. Cette exigence est de niveau réglementaire, et non législatif. Cependant, lors de mes précédents contrôles, notamment au service administratif national d'immatriculation des assurés (Sandia), j'ai pu constater la faible qualité des pièces justificatives sur lesquelles les agents avaient à travailler pour procéder aux vérifications et réaliser ces inscriptions. Il faut également comprendre que beaucoup d'organismes travaillent avec des scanners en noir et blanc... Si je ne peux valider la rédaction de cet article, il faut bien entendre cette préoccupation : si l'on veut lutter contre la fraude, on ne peut pas ne pas y consacrer des moyens adéquats. Avancer que doter les organismes de scanners couleur a un coût n'est pas un argument recevable. En outre, lors des auditions, certains intervenants ont mis en avant la question de la durée de validité des pièces présentées et de leur date d'émission, parfois peu encadrées. Je vous proposerai donc une nouvelle rédaction de cet article, respectant le champ réglementaire, mais insistant sur les exigences que doivent satisfaire les pièces justificatives, à défaut de quoi un entretien physique pourra être demandé de droit par l'organisme.
L'article 16 interdit le versement des allocations et prestations sociales sur un compte d'épargne autre que le livret A. Il est très douteux qu'un tel dispositif améliore le contrôle des prestations versées, ne serait-ce que parce que les sommes versées sur un compte courant peuvent être immédiatement transférées sur un compte d'épargne de manière tout à fait légale. À cet égard, comme nous en sommes convenus avec Mme Goulet, l'article 14, que nous avons adopté, semble plus opérationnel. C'est pourquoi je vous propose de supprimer cet article.
Aux termes de l'article 17, le domicile pris en compte par les organismes de sécurité sociale pour l'attribution des allocations et prestations sociales devra être le domicile déclaré à l'administration fiscale. Il s'agit d'un article important, car, bien que de nombreuses prestations et allocations soient liées à une condition de résidence, il n'existe pas actuellement de notion de « domicile social » individuel. Les travaux que j'ai menés ont montré à la fois que la création d'une notion de domicile social peut être de nature à améliorer les contrôles des organismes de sécurité sociale pour certaines prestations liées à une condition de résidence, mais que l'assimilation, à cette fin, du domicile fiscal à ce domicile social ne peut constituer le dispositif technique satisfaisant. En effet, le domicile fiscal ne rend pas compte de la diversité des situations de vie des assurés ou des allocataires. Quid, par exemple, d'un étudiant rattaché fiscalement à ses parents, mais disposant de son propre logement pour lequel il peut toucher des APL ? Les cas de « situations exceptionnelles » prévus dans le présent article ne sauraient répondre à l'ensemble de ces problématiques, au demeurant relativement fréquentes.
La formule proposée ne pourra donc pas être reprise telle quelle au bout du parcours législatif du présent texte. Et, au vu de la diversité des situations dont je vous ai parlé, la « bonne formule » sera sans doute délicate à trouver et devra faire l'objet de travaux préalables approfondis. Pour autant, afin de respecter la volonté de l'auteure de la proposition de loi et parce qu'il est nécessaire d'avoir un débat avec le Gouvernement sur ce sujet en séance publique, je souhaite le maintien du présent article au stade de la commission et ne vous propose donc aucun amendement.
L'article 18 permet d'habiliter les agents des organismes de sécurité sociale et les agents de contrôle de l'inspection du travail à mener des enquêtes judiciaires. Cette modification du code de procédure pénale reprend ce qui a été fait pour les agents de l'administration fiscale et des douanes en matière de fraude fiscale et douanière. Cependant, la fraude sociale ne s'apparente pas à la fraude fiscale. Son niveau de complexité et d'organisation comme les montants des affaires ne sont pas comparables.
Le partage des rôles entre enquêtes administratives et enquêtes judiciaires est équilibré, avec des dépôts de plainte systématiques au-delà de certains montants. Aussi, il n'apparaît pas souhaitable de retenir un tel dispositif, mais plutôt de consolider le rôle de l'Office central de lutte contre le travail illégal (OCLTI) dont la mission est en cours d'extension à l'ensemble de la fraude sociale. Surtout, les pouvoirs supplémentaires proposés trouveraient difficilement à s'appliquer d'un point de vue opérationnel. Cela veut dire concrètement permettre à des agents des caisses ou de l'inspection du travail de réaliser des perquisitions ou de mener des gardes à vue. Cela ne s'improvise pas en termes de méthode et nécessite de la formation, mais aussi des moyens matériels conséquents.
Aussi, je ne considère pas souhaitable que cet article prospère, mais, à la demande de l'auteur, je vous propose de le maintenir pour que le débat ait lieu en séance publique. Afin de marquer ostensiblement les réserves de la commission, je vous propose de le rédiger sous la forme d'une expérimentation.
L'article 19 rejoint l'expérimentation prévue à l'article 4 sur les traitements automatisés de collecte de contenus accessibles sur les plateformes en ligne. Cependant, il vise à rendre applicables ces mêmes dispositions pour la fraude à l'assurance maladie sans phase expérimentale. En outre, aucune garantie n'encadre ces dispositions telles que rédigées. Je vous propose donc la suppression de cet article.
L'article 20 permet aux Urssaf de prendre des mesures conservatoires préventives lorsque des profils de fraudeurs sont détectés. Les « profils de fraudeurs » et les « mesures conservatoires préventives » qui pourraient leur être appliquées par les Urssaf sont définis en des termes vagues et peu compatibles avec les droits de la défense. C'est pourquoi je vous propose de supprimer cet article.
L'article 21 permet de suspendre immédiatement le conventionnement des professionnels de santé en cas de « fraude manifeste » indépendamment des procédures engagées à l'encontre de ce professionnel. Un peu dans la même optique que l'article 13, cet article me semble ne pas tenir compte des avancées intervenues depuis le dernier PLFSS, qui satisfont en grande partie l'objectif poursuivi : l'adoption, à l'initiative de la commission, d'un amendement, confirmé par l'Assemblée nationale, déconventionnant automatiquement les professionnels de santé récidivistes en matière de fraude ; la publication, sous pression d'un amendement de notre commission, d'un décret, qui était attendu depuis 13 ans et qui met enfin en oeuvre la procédure de déconventionnement en urgence des professionnels de santé libéraux. Il me semble donc que l'article 21 est largement satisfait. À la demande de Mme Goulet, je vous propose néanmoins de l'adopter pour qu'un débat puisse se tenir en séance. Il sera alors temps de se demander si son adoption est nécessaire.
L'article 22 soumet un employeur qui remplit certains critères censés caractériser des « entreprises éphémères » à des obligations déclaratives renforcées lorsqu'il remplit certains critères censés caractériser des « entreprises éphémères ». Concrètement, un employeur serait tenu de procéder sans délai à la transmission de la déclaration sociale nominative, auprès des administrations et organismes collecteurs des cotisations et contributions sociales qui en feraient la demande, quand il a dirigé ou dirige une personne morale remplissant trois des cinq critères suivants : elle a été créée depuis moins de douze mois ; elle a mis fin à son activité moins de six mois après sa création ; elle utilise, ou a utilisé, les services d'une entreprise de domiciliation au sens de l'article L. 123-11-2 du code de commerce ; son siège est ou était situé hors d'un État membre de l'Union européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen ; elle comptait plus de dix associés ou salariés dès le premier mois suivant sa création ou plus de vingt dès le deuxième mois.
Je partage l'objectif poursuivi par l'auteur de la proposition de loi au travers de cet article. Soumettre les dirigeants d'« entreprises éphémères » à des obligations déclaratives renforcées constitue un moyen adapté et proportionné pour parvenir au but recherché, c'est-à-dire le non-versement des cotisations et contributions sociales dues. Cela n'est pas une sanction. Pour autant, il ne va pas de soi que le choix des critères retenus pour caractériser les entreprises éphémères soit complètement pertinent. En tout cas, chacun de ces critères est légal et aucun n'est de nature à entraîner par lui-même un soupçon. Dans ces conditions et conformément au souhait de l'auteur, je recommande le maintien de cet article. Ainsi, un échange approfondi pourra avoir lieu avec le Gouvernement lors de la séance publique sur la lutte contre les entreprises éphémères. Nous verrons alors si le dispositif proposé est celui qui répond au mieux à cet objectif.
L'article 23 prévoit d'inscrire la lutte contre la fraude, le non-recours, mais aussi les erreurs de bonne foi au sein des contrats d'objectifs et de gestion (COG) des caisses du régime général. Les dispositions du code de la sécurité sociale concernant le contenu des COG sont très générales, mais, à mon sens, leur formulation permet justement de donner une base pour englober tout le champ proposé. Surtout, dans les faits, les COG prévoient déjà des parties substantielles consacrées à ces préoccupations. Je vous propose donc de supprimer cet article satisfait.
L'article 24 prévoit qu'un professionnel de santé réalisant un acte incluant la fourniture d'un dispositif médical sur mesure remette au patient une information sur l'origine géographique du dispositif et sa composition exacte. On ne peut pas dire que cet article soit une mesure de lutte contre la fraude sociale, les informations visées ne changeant en rien la charge pour l'assurance maladie liée au dispositif en question. Il n'est même d'ailleurs pas, à proprement parler, une mesure tendant à assurer la sécurité des dispositifs médicaux - laquelle est déjà couverte par l'actuelle rédaction de l'article L. 1111-3-2 du code de la santé publique. Je considère donc que la mesure proposée gagnerait à être débattue dans un texte plus spécifiquement consacré aux dispositifs médicaux. C'est pourquoi je vous propose un amendement de suppression de cet article.
Enfin, l'article 25 est relatif au gage ; je vous propose naturellement de conserver.
- Présidence de Mme Véronique Guillotin, vice-présidente -
Le groupe CRCE ne votera pas ce texte qui stigmatise les assurés sociaux, les étrangers et les personnes en situation de précarité, soupçonnés de chercher à profiter du système, mais qui reste muet sur la fraude patronale, fiscale ou sur les non-recours aux droits. Je déplore que ni les organisations syndicales ni l'inspection du travail n'aient été consultées.
Je salue le travail minutieux de notre rapporteur, qui a estimé que sur 25 articles, 10 seulement méritent d'être conservés... Il est d'ailleurs bienveillant à l'égard d'une partie de ces derniers, qu'il conserve pour permettre le débat en séance. Plutôt que cette proposition de loi, qui n'est pas aboutie, mieux aurait valu un débat en séance.
Cette proposition de loi n'est peut-être pas aboutie, mais le sujet est compliqué et le texte est très attendu des Français. Nul n'est stigmatisé, la fraude existe. Avec Agnès Canayer, nous avions proposé, dans le cadre de la Mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss), un regroupement des fichiers et appelé à une meilleure collaboration entre les administrations. A-t-on avancé sur le sujet ? J'ajoute que le meilleur remède contre la fraude serait de simplifier notre droit : il est tellement complexe qu'il facilite la fraude et autorise les montages les plus élaborés.
En ce qui concerne le travail dissimulé, personne ne paie jamais : les petits dossiers s'évanouissent, tandis que les grandes affaires s'enlisent dans des recours systématiques. Finalement, les sommes récupérées sont faibles. Les effectifs de l'inspection du travail ne sont pas suffisants. À la commission des affaires européennes, nous travaillons aussi sur ce sujet. Des réflexions sont en cours sur un numéro de sécurité sociale européen, ainsi que sur la fraude au formulaire A1, qui concerne les travailleurs détachés. Je note d'ailleurs des avancées, car la directive parle de « rémunération » identique et non plus seulement de salaire identique, ce qui réduit l'écart de coût entre le « plombier polonais » et les salariés français. Il faut aussi lutter contre les faux salariés détachés, sans oublier toutefois qu'il y a aussi de nombreux salariés détachés français à l'étranger. Enfin, je suis réservée sur l'efficacité de l'article 22 sur les entreprises éphémères : il est à craindre qu'elles auront disparu avant de s'acquitter de leurs obligations.
Merci à notre rapporteur pour son travail minutieux. Nous ne voterons pas cette proposition de loi, dont nombre d'articles sont soit hors sujet, soit d'ordre réglementaire, soit déjà satisfaits... Mieux aurait valu effectivement un débat en séance publique. Il est à craindre que la discussion ne se transforme en plaidoyer de l'auteure de la proposition de loi et n'aboutisse à stigmatiser toujours les mêmes ! La fraude existe, je ne suis pas naïve, elle repose sur des montages de plus en plus sophistiqués. Il faudrait s'attaquer, notamment au niveau européen, à la grande criminalité qui la sous-tend, plutôt que stigmatiser toujours les mêmes personnes. Travaillons aussi sur toutes les formes de fraude et sur le non-recours...
La question n'est pas de savoir si ce texte stigmatise les uns ou les autres, mais de savoir si la fraude existe, et si on choisit de fermer les yeux ou de lutter contre elle ! Mon souci est de l'endiguer. Je veux lutter contre toutes les formes de fraudes, pas seulement la fraude aux prestations, mais aussi celle au recouvrement - c'est l'objet de l'article 22. Certes, ce texte est perfectible. Je suis ouvert à toutes les propositions. J'avais proposé, dans le cadre de la Mecss, de suivre les organismes pour mieux estimer combien coûte la fraude, afin d'éviter les fantasmes, et pouvoir agir efficacement, notamment sur la fraude aux cotisations. Mais je ne me suis pas senti fondé à ajouter un article à cette proposition de loi.
Il ne m'a pas paru nécessaire, à ce stade de consulter les organisations syndicales, mais je pense qu'elles partagent la même volonté que nous de lutter contre la fraude.
Oui, cette proposition de loi n'est pas totalement aboutie - son auteur en convient d'ailleurs.
En ce qui concerne le rapprochement des fichiers, la plateforme RNCPS constitue une avancée, mais il devrait être possible de croiser les informations en cas de suspicion de fraude organisée. L'IGAS y travaille. Les ministres ont pris conscience de l'enjeu et fixé une feuille de route très détaillée aux organismes de sécurité sociale et à Pôle emploi, pour lutter contre la fraude à tous les niveaux. Le Sénat a joué son rôle : voilà deux ans que nous insistons, lors de l'examen du PLFSS sur la fraude, aux prestations comme aux cotisations.
L'article 22 vise les dirigeants d'entreprises éphémères...
Pas forcément ! Des critères permettent de les cibler et de les identifier, mais il est vrai que c'est compliqué. Certains sont des professionnels de la fraude. On a ainsi vu des personnes créer de fausses entreprises pour bénéficier des aides en faveur de l'activité partielle.
Le non-recours ne constitue pas une fraude. Il faut faire en sorte que ceux qui ont droit aux différentes prestations puissent les toucher, mais ce n'est pas l'objet de ce texte.
Ce texte, cela a été dit, n'est pas suffisamment abouti. Je proposerai de reprendre la réflexion au niveau de la Mecss pour parvenir à des propositions construites, conformes à notre volonté de lutter contre la fraude sociale. M. Doligé avait déposé une proposition de loi pour renforcer les contrôles sur le RSA. Il proposait que les services des conseils départementaux soient associés aux Codaf. De même, nous devrons nous intéresser à la problématique du recouvrement des cotisations de retraite complémentaire, qui est assuré par l'Acoss, mais que cet organisme ne sait pas contrôler. Enfin, les prestations en nature sont justifiées ; au moins, elles ne sont pas dévoyées. Les allocations doivent aller à ceux qui en ont besoin.
Je ne suis pas d'accord lorsque vous dites qu'il n'y a pas de lien entre la fraude et le non-recours. N'est-ce pas vous qui en avez parlé dans votre propos préliminaire ? Ne pourrait-on pas utiliser les moyens prévus pour la fraude sociale - recoupement des données, automatisation de l'information, etc. - pour limiter le non-recours en informant les bénéficiaires potentiels de leurs droits ? Le non-recours est très supérieur à la fraude.
Il n'y aurait pas de stigmatisation ? Mais si vous faites un sondage sur la fraude sociale, les gens parleront spontanément de la fraude aux prestations, car c'est d'elle dont parlent les médias ! Les gens sont convaincus qu'elle est considérable, alors que ce n'est pas le cas. Quant à la fraude aux cotisations, je n'ai pas l'impression que le Gouvernement s'en préoccupe quand je vois les réformes successives de l'inspection du travail ! Celle-ci manque cruellement de moyens. Il est peu probable que cette proposition de loi contribue à renforcer la lutte contre la fraude aux recouvrements.
Mme Goulet avait évoqué le non-recours dans son rapport, mais cette proposition de loi vise explicitement la fraude. Quant à la stigmatisation des assurés sociaux, l'accusation n'est pas fondée : n'est-ce pas, au contraire, prendre la défense de ceux qui se serrent la ceinture pour payer leurs cotisations que de lutter contre les systèmes complexes et de plus en plus élaborés de fraude, qui rapportent des fortunes à une poignée d'escrocs ? Certes la rédaction du texte est perfectible, mais il a au moins le mérite de porter ce sujet ! Nous pourrons l'amender.
Lutter contre la fraude est une marque de respect à l'égard de ceux qui cotisent normalement ! La fraude aux cartes Vitale est indéniable, puisque le nombre de cartes en circulation est très supérieur à la population. Ce n'est pas normal. Cette proposition de loi est un premier pas.
Monsieur Savary, vous avez raison : nous devons traiter la question du recouvrement. La Cour des comptes chiffre la fraude aux cotisations à 6 ou 8 milliards d'euros. Le texte proposé n'est pas suffisant à cet égard.
En ce qui concerne les Codaf, le décret dispose que des agents des collectivités peuvent être entendus dans leurs réunions. Peut-être pourrions-nous demander au ministre, en séance, de modifier le décret pour associer les services des départements.
Madame Poncet Monge, des mesures visent déjà à lutter contre le non-recours. L'IGAS, dans le cadre de sa mission sur le RNCPS, doit vérifier que les personnes éligibles à des aides les perçoivent bien. Le taux de non-recours est élevé, François Chérèque comme la Cour des comptes l'ont montré. Nous devons faire des progrès en la matière. Les COG des caisses prévoient l'utilisation croisée des outils informatiques. Le croisement des fichiers permettrait d'informer les bénéficiaires. Mais la solution la plus simple, même si tout le monde n'est pas d'accord, serait la création d'un revenu universel...
Madame Sollogoub, il est vrai que ce texte a le mérite d'exister, mais il ne répond pas aux attentes qui sont fortes en la matière. J'espère que nous serons en mesure de faire des propositions, lors du prochain PLFSS, pour faire en sorte que tous ceux qui ont des droits puissent les exercer et condamner sévèrement tous les fraudeurs. Mais la fraude organisée est internationale. Je me réjouis d'ailleurs des progrès réalisés au niveau européen, comme l'a montré l'audition de la mission interministérielle de coordination anti-fraude. Mais l'imagination des fraudeurs est sans limite et ils auront toujours un temps d'avance...
Enfin, la fraude aux cartes Vitale n'est pas si étendue. Les clandestins ont le droit à des prestations de soins gratuits par l'assurance maladie. Les organismes de sécurité sociale ont élagué leurs fichiers et finalement le surnombre de cartes, estimé auparavant à 2 millions, s'est réduit à 160 000 environ.
EXAMEN DES ARTICLES
Chapitre Ier : Rationaliser la gestion et l'utilisation des informations disponibles
L'amendement COM-3 vise à supprimer cette division et son intitulé pour tirer les conséquences des suppressions d'articles.
L'amendement COM-3 est adopté.
Le chapitre Ier est supprimé.
Article 1er
L'amendement de suppression COM-4 est adopté.
L'article 1er est supprimé.
Article 2
L'amendement de suppression COM-5 est adopté.
L'article 2 est supprimé.
Article 3
L'amendement de suppression COM-6 est adopté.
L'article 3 est supprimé.
Article 4
L'amendement rédactionnel COM-7 est adopté.
L'article 4 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Chapitre II : Expérimenter la mise en place d'une carte Vitale biométrique
L'amendement de suppression COM-8 est adopté.
Le chapitre II est supprimé.
Article 5
L'amendement de suppression COM-9 est adopté.
L'article 5 est supprimé.
Article 6
L'amendement de suppression COM-25 est adopté.
L'article 6 est supprimé.
Article 7
L'amendement de suppression COM-10 est adopté.
L'article 7 est supprimé.
Article 8
L'amendement rédactionnel COM-11 est adopté.
L'article 8 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 9
L'amendement de suppression COM-12 est adopté.
L'article 9 est supprimé.
Article 10
L'article 10 est adopté sans modification.
Article 11
L'amendement de suppression COM-13 est adopté.
L'article 11 est supprimé.
Article 12
L'amendement de coordination COM-14 est adopté.
L'article 12 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 13
L'article 13 fait doublon avec l'article 85 du PLFSS. L'amendement COM-15 le supprime.
L'amendement COM-15 est adopté.
L'article 13 est supprimé.
Article 14
L'amendement COM-16 vise à limiter l'obligation de versement sur un compte bancaire français ou européen aux allocations et prestations sociales liées à une condition de résidence en France.
L'amendement COM-16 est adopté.
L'article 14 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 15
L'amendement COM-17 est adopté.
L'article 15 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 16
L'amendement de suppression COM-18 est adopté.
L'article 16 est supprimé.
Articles additionnels après l'article 16
Les amendements COM-2 rectifié bis et COM-1 rectifié bis sont déclarés irrecevables en application de l'article 45 de la Constitution.
Article 17
L'article 17 est adopté sans modification.
Article 18
L'amendement COM-19 vise à transformer le dispositif prévu à cet article en une expérimentation.
L'amendement COM-19 est adopté.
L'article 18 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 19
L'amendement de suppression COM-20 est adopté.
L'article 19 est supprimé.
Article 20
L'amendement de suppression COM-21 est adopté.
L'article 20 est supprimé.
Article 21
L'article 21 est adopté sans modification.
Article 22
L'article 22 est adopté sans modification.
Article 23
L'amendement de suppression COM-22 est adopté.
L'article 23 est supprimé.
Article 24
L'amendement de suppression COM-23 est adopté.
L'article 24 est supprimé.
Article 25
L'article 25 est adopté sans modification.
Intitulé de la proposition de loi
L'amendement rédactionnel COM-24 est adopté.
L'intitulé de la proposition de loi est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
TABLEAU DES SORTS