Notre commission s'est saisie pour avis simple du projet de loi relatif aux mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat, au regard notamment du dispositif de la prime de partage de la valeur, qui fait l'objet d'une défiscalisation, et de l'impact de plusieurs articles de ce texte sur les finances publiques. Quelques dispositions visant le code monétaire et financier ont par ailleurs été ajoutées à l'Assemblée nationale.
Ce texte couvre un large périmètre qui va bien au-delà de la question du pouvoir d'achat. Si le titre Ier concerne la protection du niveau de vie des Français, le titre II concerne la protection du consommateur, tandis qu'un grand titre III concerne la souveraineté énergétique de la France et contient, par exemple, des dispositions qui modifient le code de l'environnement pour permettre l'installation d'un terminal méthanier flottant au Havre.
Notre commission des finances s'est donc intéressée principalement au titre Ier, plus centré sur le pouvoir d'achat. Je rappelle pour mémoire que la loi de finances rectificative (PLFR) pour 2021 contenait déjà un chèque inflation de 100 euros et une majoration chèque énergie de 100 euros, pour un coût de plus de 4,4 milliards d'euros. Dans le projet de loi de finances pour 2022, nous avons adopté un bouclier tarifaire, dont le coût pour 2022 s'élève à 8,1 milliards d'euros. Le décret d'avance acte la mise en place du plan de résilience économique et sociale, pour un coût de plus de 5,9 milliards d'euros pour 2022. Avant même de commencer à discuter de ce texte, 18,4 milliards d'euros ont déjà été engagés en moins d'un an pour soutenir le pouvoir d'achat. Le PLFR pour 2022 contiendra d'autres mesures : la suppression de la redevance audiovisuelle, une aide exceptionnelle de rentrée, une remise sur le carburant, le prolongement du bouclier tarifaire.
Au sein du présent projet de loi figurent des dispositions relatives à la prime de partage de la valeur, des baisses de cotisations sociales pour les indépendants, un assouplissement du dispositif de l'intéressement, une revalorisation par anticipation des pensions de retraite et des prestations sociales, et la déconjugalisation de l'allocation aux adultes handicapés (AAH). Ces mesures devraient générer un coût pour les finances publiques de 7,21 milliards d'euros en 2022. Au total, si l'on additionne toutes les mesures annoncées depuis un an, le paquet pour le pouvoir d'achat devrait coûter plus de 40 milliards d'euros en 2022 ! Dans toutes les mesures que je vous ai citées, la dimension de soutien au pouvoir d'achat n'est pas toujours évidente, tant s'en faut...
J'ajoute que le Gouvernement s'en remet très largement aux entreprises pour soutenir le pouvoir d'achat de leurs salariés en leur versant des primes, mais ce sera à leur bon vouloir et tous les salariés n'en bénéficieront donc pas : si le dispositif repose uniquement sur des primes, certains travailleurs seront oubliés, à la différence de ceux qui touchent des revenus de transfert qui sont revalorisés. Ne faudrait-il pas réfléchir à un rééquilibrage au profit des travailleurs pauvres, qui perçoivent à peine plus que les minima sociaux ? Il me semble important d'éviter les trappes à inactivité. Il n'est pas normal que l'on gagne moins en travaillant, ne serait-ce qu'en raison des coûts pour utiliser sa voiture pour aller travailler.
L'appel aux entreprises est matérialisé par les articles 1er, qui concerne la prime de partage de la valeur, 3, relatif à la révision de la procédure d'intéressement, et 4, relatif à la révision des règles sur les accords de branche - la rédaction de ce dernier laisse à désirer et notre commission des affaires sociales devrait proposer, à raison, de le supprimer.
La sécurité sociale est aussi mise à contribution à travers la baisse des cotisations des indépendants ou la revalorisation des pensions et des prestations sociales. Il conviendra de veiller à ce que les compensations de l'État figurent bien dans le PLFR pour 2022, ce qui n'est pas, pour l'instant, le cas...
J'insisterai sur l'article 1er qui prévoit la création d'une prime de partage de la valeur. Je le dis clairement, cela relève grandement d'un effet d'affichage. Cette prime vise à prendre le relais de la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat (PEPA), sous la réserve d'ajustements majeurs relatifs à son caractère pérenne et à son régime social et fiscal. Ce dernier devrait varier en effet selon que la prime est versée avant ou après le 31 décembre 2023 et selon que la rémunération des salariés est ou non inférieure à trois fois la valeur annuelle du SMIC. Les principales différences avec la PEPA tiennent à l'absence d'exonération d'impôt sur le revenu et de CSG-CRDS - sauf pour les primes versées du 1er août 2022 au 31 décembre 2023 aux salariés dont la rémunération est inférieure à trois fois la valeur annuelle du SMIC. On comprend mal le signal que le Gouvernement souhaite envoyer : alors que le Gouvernement précédent avait fortement soutenu le développement de l'intéressement, avec la loi Pacte notamment, cette prime risque de le phagocyter. Jean-Dominique Senard, qui a récemment publié un rapport sur l'intéressement au nom de l'Institut Montaigne ou les trois ambassadeurs à la participation et à l'intéressement sont à juste titre inquiets.
Je vous proposerai de laisser aux salariés le choix soit de bénéficier de la prime immédiatement, soit de percevoir ce montant de manière différée, sous la forme d'un supplément d'intéressement, car, en période de forte inflation, il est plus intéressant de placer son argent à terme que de le laisser sur son compte courant. Je vous proposerai aussi de rebaptiser la prime, qui serait appelée « prime de pouvoir d'achat », et de borner le dispositif au 31 décembre 2023, sauf pour les entreprises de moins de 50 salariés, car dans ces entreprises l'intéressement est plus difficile à mettre en place, même si l'article 3 apporte des simplifications en permettant au chef d'entreprise d'instaurer l'intéressement de manière unilatérale, en étendant la validité de l'accord d'intéressement jusqu'à cinq ans au lieu de trois, ou encore en permettant sa reconduction par décision unilatérale. Laissons-nous du temps pour apprécier l'efficacité de ces mesures. À cet égard, la demande de rapport au Gouvernement adoptée à l'Assemblée nationale concernant l'évaluation de l'effet de cette prime sur l'intéressement me semble utile ; on manque de données.
Cette prime prend la suite de la prime PEPA qui avait été instaurée en réponse au mouvement des gilets jaunes, puis renouvelée plusieurs fois durant la crise du covid. Elle était plafonnée à 1 000 euros, ou 2 000 euros en cas de signature d'un accord d'intéressement. Ces seuils sont portés respectivement à 3 000 et 6 000 euros. Mais c'est de l'affichage ! Il ne faut pas que tous les salariés croient qu'ils vont toucher 6 000 euros. Les statistiques sont claires, le montant moyen versé actuellement est de 500 euros, tandis que le nombre de salariés bénéficiaires diminue : on comptait 3,38 millions de bénéficiaires en 2021, contre 5,21 millions en 2020.
Il ne faut pas non plus que cette prime se substitue au salaire. Certains proposent de la mensualiser ; cela aboutirait à transformer cette prime en un complément de salaire précaire, susceptible d'être supprimé à tout moment... La rédaction de l'Assemblée nationale autorise un versement en onze fois. Je vous proposerai de conserver la possibilité laissée aux entreprises de procéder au versement de la prime en plusieurs fois, pour permettre de lisser l'effort de trésorerie, tout en limitant à quatre le nombre de versements.
Enfin, la rédaction actuelle crée une inégalité devant l'impôt puisqu'il n'est tenu compte que du revenu imposable du salarié, et non de celui de son conjoint dans le cas d'une imposition commune, pour l'application de l'exonération d'impôt sur le revenu, de CSG et de CRDS sur la prime. Comment comprendre cette dérogation au régime commun alors que les déclarations de revenu se font par ménage ? C'est une source de distorsions fiscales entre ménages. Comment comprendre qu'une personne célibataire gagnant 2 500 euros bénéficierait de la même exonération qu'une personne touchant un salaire de 4 000 euros et qui serait mariée à quelqu'un gagnant 6 ou 7 fois le SMIC ? Je vous proposerai de prendre en considération les revenus du ménage pour le calcul de l'exonération fiscale ; le plafond de revenus serait porté à six fois le SMIC pour un couple, contre trois SMIC pour un célibataire.
L'article 3 vise à assouplir l'intéressement, dispositif qui nous est cher au Sénat.
L'article 2 prévoit une baisse des cotisations des indépendants afin d'augmenter leur rémunération : 44 % des indépendants classiques, hors praticiens et auxiliaires médicaux conventionnés, et 90 % des autoentrepreneurs ont des revenus moyens inférieurs au SMIC. Mais là encore, le gain de pouvoir d'achat semble relever de l'effet d'annonce. Un indépendant dont la rémunération atteint le SMIC bénéficierait ainsi d'un gain de pouvoir d'achat effectif d'environ 46 euros par mois avant impôt, soit une augmentation de son revenu de 3,5 %. Cette progression reste inférieure à l'inflation constatée en 2022. Ce montant devrait cependant être plus faible, la hausse du revenu net entraînant mécaniquement une majoration de l'impôt. Le gain moyen pour l'ensemble des indépendants concernés est chiffré à 20 euros par mois, avant impôt. Ce coup de pouce reste donc assez limité.
Il faut aussi relativiser les revalorisations des prestations sociales et des aides personnelles au logement (APL). Le taux de revalorisation des prestations sociales serait de 4 %, inférieur à l'inflation actuelle estimée par l'Insee à 5,5 %. Le Gouvernement procède par anticipation sur les augmentations attendues au 1er janvier et au 1er avril prochains. Il s'agit d'aider ces ménages à surmonter la hausse de l'inflation ; pour eux, en effet, il existe une forte contemporanéité entre le moment où ils perçoivent leurs revenus et celui où ils consomment. Le coefficient de revalorisation prévu par le projet de loi sera imputé sur celui de 2023, ce dernier ne pouvant conduire à une diminution de la prestation si l'inflation venait à baisser fortement. L'idée est de faire correspondre les revenus présents à la situation actuelle. Ces revalorisations de 4 % sont toutefois supérieures au gain de pouvoir d'achat enregistré par les indépendants avec l'allègement des cotisations sociales, à la revalorisation de 3,5 % du point d'indice des fonctionnaires et à la progression des salaires relevée par l'Insee au premier trimestre 2022 qui s'élève à 2,4 % sur un an.
On ne peut que se féliciter de la déconjugalisation de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) que le Sénat appelait de ses voeux.
Enfin, l'annonce d'une « revalorisation » des aides personnelles au logement doit également être précisée. Il s'agit d'une réévaluation, de 3,5 % également, des paramètres, ce qui signifie que l'aide ne devrait pas augmenter dans les mêmes proportions pour tous les bénéficiaires. Il ne s'agit en aucun d'une revalorisation automatique de toutes les APL.
Je conclus en évoquant les articles 9 bis A et 9 bis introduits par voie d'amendements à l'Assemblée nationale et qui prévoient de modifier le code monétaire et financier afin de mieux sanctionner les prestataires de services de paiement (PSP) en cas de non-remboursement de sommes prélevées indûment. Mon amendement COM-312 augmente les pénalités financières en cas de manquement des PSP à leur obligation de remboursement.
Merci pour ce rapport très complet et argumenté. Il rappelle le coût des mesures pour soutenir le pouvoir d'achat. Si le texte devait en principe répondre à une situation temporaire, on n'a pas l'impression, lorsque l'on additionne l'ensemble des mesures annoncées, que ce soit la fin du « quoi qu'il en coûte ». On doit s'attendre à des difficultés en fin d'année ! L'inflation devrait rester élevée en 2022 et en 2023. Il conviendra donc de s'interroger sur la pérennité des dispositifs, qui s'empilent sans cohérence. La logique me semble être celle du « toujours plus », non pas tant celle du « en même temps », mais celle du tout et du contraire de tout...
Je partage dans l'ensemble les propos de notre rapporteur. Je ne comprends pas toutefois la logique de l'amendement COM-309 qui permet aux bénéficiaires de la prime de pouvoir d'achat de la percevoir de manière différée, sous la forme d'un supplément d'intéressement. La vocation d'une prime de pouvoir d'achat n'est-elle pas de répondre à un problème immédiat plutôt que d'être épargnée ?
Je suis émerveillé par ce texte... Lorsque la loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, dite loi « TEPA », a été votée, certains déploraient un inventaire à la Prévert. Mais là, je ne vois pas le lien entre la prime de pouvoir d'achat, le soutien au terminal méthanier du Havre, et l'encouragement à l'utilisation des huiles usagées comme carburant ! Est-ce cela les mesures d'urgence en faveur du pouvoir d'achat ? Il s'agit plutôt d'un catalogue qui vise à satisfaire tous les lobbies. Étant donné l'urgence de la situation, je suivrai notre rapporteur, mais ce texte n'est pas réfléchi, insuffisamment travaillé. Beaucoup de mesures sont d'ailleurs non pas à la charge de l'État, mais des entreprises, de la sécurité sociale, ou des collectivités. On fait rêver les gens en affichant des plafonds de prime alléchants, mais peu toucheront 6 000 euros ! Je ne parlerai pas de la compensation de la hausse du RSA aux départements à laquelle le Gouvernement rechigne. Il faudrait que tous les acteurs se mettent autour de la table pour établir un plan en faveur du pouvoir d'achat et répartir la charge de son financement. En entendant notre rapporteur, j'ai presque envie de voter contre ce texte... Mais qui peut s'opposer la hausse d'une prime ou à des revalorisations ? C'est le piège. Le « quoi qu'il en coûte » continue en fait, de manière mal dissimulée.
Ce texte est un paquet « pouvoir d'achat » qui ne pèse pas lourd en réalité. Les mesures proposées en faveur des fonctionnaires, des retraités ou des bénéficiaires de prestations sociales ne compensent pas la hausse des prix, et les plus fragiles auront à payer la différence. La baisse de cotisations sociales de 500 euros pour les indépendants n'aura qu'un effet marginal - le Gouvernement n'apporte d'ailleurs aucune évaluation précise de son impact économique, que l'Insee juge marginal. On peut toutefois noter des avancées, comme la revalorisation de 4 % des retraites ou celle de 3,5 % des APL.
Quant au triplement du plafond de la prime Macron, porté à 3 000 ou 6 000 euros, il faut rappeler que l'intéressement reste l'apanage des grandes entreprises : un tiers des entreprises seulement ont un dispositif d'intéressement - 5 % des entreprises de moins de 10 salariés, 12 % des entreprises de 10 à 49 salariés. Le dispositif est très concentré puisque 10 % des salariés se partagent 35 % des primes d'intéressement. Les employeurs seront tentés de verser une prime ponctuelle et discrétionnaire, défiscalisée et désocialisée, plutôt que d'augmenter les salaires. Dans son étude sur la prime Macron, l'Insee a ainsi noté des effets d'aubaine, les salaires progressant moins dans les entreprises ayant versé la prime. Ce texte est une occasion manquée de poser la question de la juste rémunération du travail. Le groupe socialiste s'efforcera d'y remédier par ses amendements.
Ce texte ne marque pas la fin du « quoi qu'il en coûte » et représente bien un inventaire à la Prévert. Les mesures sont saucissonnées, on manque d'une vue d'ensemble.
Je fais partie de ceux qui estiment qu'il n'y a pas problème de pouvoir d'achat global : en deux ans de crise, les Français ont accumulé 175 milliards d'euros d'épargne, même si des problèmes ponctuels de pouvoir d'achat se posent pour certaines catégories sociales. En outre, le texte en anticipant les revalorisations renforcera l'inflation. Si certaines mesures sont effectivement utiles, il aurait mieux valu se donner le temps de la réflexion plutôt que d'aller à marche forcée. Certes il est difficile de s'opposer à des mesures de revalorisation, mais j'aurais préféré des mesures ciblées et temporaires. Quel est l'intérêt, sinon d'affichage, de relever le plafond de la prime de pouvoir d'achat ? Les mesures annoncées sont pour la plupart pérennes et insuffisamment ciblées, à l'image de la revalorisation du point d'indice des fonctionnaires, qui bénéficiera plus à ceux qui ont de gros salaires qu'à ceux qui gagnent moins. Je m'inquiète aussi pour le coût pour les finances publiques. Je suis donc très réservé sur ce texte.
Je partage le constat de notre rapporteur : le Gouvernement aborde le problème sous tous les angles, sauf sous celui des salaires ! Ce texte est celui du « tout sauf les salaires » ! Nous étions déjà sceptiques sur la prime Macron, qui est source d'inégalité fiscale et qui prive la sécurité sociale de ressources, mais vous lui trouvez un nouveau défaut, celui de créer un effet d'éviction par rapport à l'intéressement. Finalement, vous proposez de rebaptiser la prime : devrons-nous l'appeler la prime Lavarde ?
Les revalorisations annoncées sont inférieures à l'inflation. La hausse du plafond de la prime est bidon, car peu de salariés la toucheront en fait. Mieux vaudrait augmenter les salaires. Nous essaierons d'améliorer ce texte. En définitive, en refusant de traiter de la question des salaires, le texte reste loin du compte et loin du « quoi qu'il en coûte ».
Si ce texte marque la poursuite du « quoi qu'il en coûte », il s'agit surtout du « quoi qu'il en coûte aux autres », aux entreprises, à la sécurité sociale et aux départements !
Je partage analyse de M. Delahaye. Alors que notre économie est confrontée à des problèmes structurels de productivité ou de niveau des charges, le Gouvernement prend des mesures d'urgence disparates. Je m'interroge sur la qualité du remède... Ne doit-on pas craindre un effet d'aubaine avec le relèvement des plafonds de la prime Macron ? Dans les petites entreprises notamment, le patron comme les salariés pourront être tentés de préférer le versement d'une prime défiscalisé et désocialisée à une hausse des salaires.
Quel sera enfin le coût réel de la revalorisation anticipée du RSA pour les départements ? Ces derniers auraient eu de toute façon à prendre en charge une revalorisation liée à l'inflation le 1er avril de l'année prochaine.
Je voterai les amendements de notre rapporteur. En ce qui concerne le ciblage, je crois que nous devons être particulièrement sensibles à la situation des travailleurs aux revenus inférieurs à deux SMIC, qui sont très affectés par l'inflation. Il a été question de « quoi qu'il en coûte ». La baisse de 30 centimes du litre de l'essence est, à cet égard, une mesure de « quoi qu'il en coûte » très onéreuse, car elle bénéficiera à tous, Français comme étrangers, indépendamment de leurs revenus. Je ne suis pas favorable aux mesures qui ne sont pas ciblées. À l'inverse, la revalorisation des minima sociaux vise les plus fragiles.
Comme cela a été dit, il s'agit d'un texte fourre-tout et d'affichage. Le pouvoir des parlementaires est limité, car beaucoup relève du pouvoir réglementaire et nombre d'amendements ont été déclarés irrecevables à l'Assemblée nationale.
L'article 6 prévoit un plafonnement de la hausse des loyers à 3,5 % en métropole et à 2,5 % outre-mer. L'évolution de l'indice de référence des loyers (IRL) sert de base au calcul des APL, mais les APL n'existent pas outre-mer. En outre, les loyers y sont déjà plus élevés qu'en métropole. Notre commission pourrait-elle s'intéresser à cette asymétrie ?
La question est de répondre à des attentes de court terme sans obérer nos finances publiques. Quelle est la part des mesures ponctuelles et des mesures pérennes ?
Notre rapporteur a insisté sur le risque d'éviction entre la prime de pouvoir d'achat et l'intéressement. Ne pourrions-nous pas déposer un amendement sur ce point ? Serge Dassault avait des propositions pour développer la participation et l'intéressement. Il était favorable à la répartition de la valeur selon la règle des trois tiers : le premier tiers pour les salariés grâce à la participation, le second tiers distribué aux actionnaires sous forme de dividendes et le dernier tiers affecté aux investissements de l'entreprise.
Enfin, quelle est votre appréciation sur le texte : est-il trop modeste, d'affichage, ou bien marque-t-il une poursuite du « quoi qu'il en coûte » ? Soit on considère qu'il est trop modeste, soit on considère qu'il coûte trop cher, mais alors on risque de ne pas apporter de réponses aux problèmes de nos concitoyens.
Je soutiens votre amendement COM-308 et propose d'aller plus loin en rebaptisant la prime de partage de la valeur ajoutée en « prime hypothétique de pouvoir d'achat ». Quelques millions de salariés seulement la touchent, et très peu à taux plein. Il faut donc parler d'une prime potentielle ou hypothétique...
Nous ne sommes pas à l'Assemblée nationale, je n'ai pas osé aller jusque-là... Ce texte est bien celui du « tout sauf les salaires » : en 1981, les salaires représentaient 66 % de la valeur ajoutée, contre 56 % aujourd'hui, alors que les dividendes et les profits ont augmenté. Ce n'est pas pour rien que les gilets jaunes se sont révoltés. Cette concentration des richesses est problématique. Je plaide pour des dispositifs ciblés en faveur de ceux qui ont vraiment des problèmes de pouvoir d'achat, c'est-à-dire ceux qui par leur revenu appartiennent aux cinq premiers déciles de la population. Les personnes du dernier décile n'ont pas de problème de pouvoir d'achat ! Comme l'a souligné notre rapporteur, mieux vaut des dispositifs ciblés qu'une baisse uniforme de 30 centimes du litre d'essence.
De plus, l'Insee montre bien que plus les primes sont élevées, moins les salaires augmentent. C'est pourtant bien le salaire qui permet aux gens de se projeter, d'emprunter, etc. Nous devons insister sur la question des salaires et sur celle du SMIC. Le statut d'autoentrepreneur montre ses limites : leurs rémunérations montrent qu'il s'agit souvent de travailleurs pauvres. La baisse des cotisations pour les indépendants est très insuffisante, je rejoins la position de notre rapporteur sur ce point.
Un moyen simple et efficace de soutenir le pouvoir d'achat serait de ne pas augmenter les loyers. Une hausse de loyer de 3,5 % représente une dépense de près de 300 euros par an pour un loyer de 700 euros par mois. Le blocage des loyers ne serait pas un problème pour les 3,5 % des ménages multipropriétaires qui possèdent la moitié des logements. Quant aux petits propriétaires, le montant des loyers est souvent adossé à des emprunts, qui eux ne sont pas soumis à l'inflation.
Enfin, concernant la disposition sur les terminaux méthaniers : comment comprendre que l'on souhaite encourager l'importation de gaz de schiste des États-Unis, alors que le climat se dérègle, que les incendies et les inondations se multiplient partout ? On croit rêver !
Je partage les inquiétudes de Vincent Delahaye sur le coût des mesures proposées. Certes la part des salaires dans la valeur ajoutée baisse, mais nous développons la participation, le partage des bénéfices entre les actionnaires et les salariés. Cela fait partie de la responsabilité sociale et environnementale des entreprises.
Je soutiens la proposition de notre rapporteur de permettre aux salariés d'épargner le montant de la prime de pouvoir d'achat. Mieux vaut être prévoyant pour l'avenir comme l'expliquait déjà la fable de la cigale et de la fourmi. Pourquoi ne pas encourager aussi la revalorisation de la participation ? Cela irait dans le sens d'un meilleur partage de la valeur.
Ce texte enrayera-t-il l'inflation ? Je crains que non...
J'aimerais savoir quelle sera la contribution à son financement des ménages, des administrations publiques et des entreprises...
Notre commission pourrait-elle le savoir ? J'entends les inquiétudes de M. Husson sur la poursuite du « quoi qu'il en coûte ». Mais c'est aussi à vos collègues du groupe Les Républicains à l'Assemblée nationale qu'il aurait fallu le dire ! Ils ne sont pas favorables à la taxation des super-profits des entreprises.
Nous ne voterons pas l'amendement COM-308 qui s'inscrit parfaitement dans l'esprit de ce texte qui vise à faire baisser le coût du travail, à contourner les salaires. La plupart des auto-entrepreneurs - statut créé sous Nicolas Sarkozy en pleine crise des subprimes... - gagnent moins que le SMIC. Cela nous incite à être dubitatifs sur la crédibilité des propositions émanant d'un certain camp idéologique ! Autoriser le rachat des RTT laissera une trace dans l'histoire sociale : cela revient à autoriser le rachat des congés payés ! Voilà un marqueur important. Il faudra l'assumer.
Vous comprenez que ma position est un peu celle du docteur Jekyll et de M. Hyde : en tant que rapporteur, je défendrai parfois des positions qui peuvent diverger de ma position personnelle.
Ce qui me préoccupe, ce n'est pas tant la question de la prolongation, ou non, du « quoi qu'il en coûte », c'est que la France ait choisi, dans un contexte de forte inflation, une stratégie visant à avoir une inflation moins élevée en masquant le signal-prix. Dès lors l'inflation et la crise risquent de durer plus longtemps dans notre pays.
Vous avez raison, le poids de l'inflation est très différent selon le décile de revenu auquel on appartient. Je suis favorable à des dispositifs très ciblés vers ceux qui ont besoin de la solidarité nationale. À l'inverse, certains ont pu épargner pendant la crise du covid : il serait normal de leur demander de mettre à contribution leur épargne pour financer leur consommation courante. Les économistes le disent clairement, il faudra bien que quelqu'un paie : ce sera soit le consommateur dans ses achats, soit l'État, et donc nos enfants à travers la dette, soit les entreprises. La question est de savoir où placer le curseur.
En dépit de la communication du Gouvernement, le texte ne répond pas à l'urgence du moment ; il ne cible pas assez ceux qui ont des problèmes de pouvoir d'achat. Beaucoup de mesures sont d'affichage : personne ne touchera 6 000 euros de prime ! Actuellement son montant moyen est de 500 euros. Il est d'ailleurs plus élevé dans les petites entreprises : le montant moyen s'élève à 700 euros dans les entreprises de moins de 10 salariés, et diminue ensuite avec la taille de l'entreprise.
Le chef d'entreprise peut moduler le montant de la prime en fonction de certains paramètres - niveau de rémunération, durée de travail, temps de présence dans l'entreprise, ancienneté -, mais comme il s'agit d'une prime sur les résultats, il n'est pas possible d'exclure a priori certaines catégories. Dès lors, certains toucheront la prime alors qu'ils n'ont pas de problème de pouvoir d'achat. La préoccupation de ces personnes est de maintenir leur épargne pour préserver leur consommation future ou pouvoir acheter une maison par exemple. C'est pourquoi nous proposons de permettre le versement de la prime sous la forme d'un supplément d'intéressement.
Monsieur Karoutchi, je partage votre analyse. Monsieur Savoldelli, l'étude d'impact est chétive. Il est difficile de savoir ce que les mesures du texte vont coûter à chacun. La prime de pouvoir d'achat étant un dispositif incitatif, nul ne sait si les entreprises l'utiliseront ni dans quelle mesure. Quant à l'effet d'aubaine pour les entreprises qui envisageaient d'augmenter les salaires, l'Insee a évalué à 600 millions la perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale liée à la mise en oeuvre de la première version de la prime PEPA entre décembre 2018 et mars 2019. Les chefs d'entreprise estiment que la prime présente l'avantage d'être corrélée au cycle économique, sans obérer les ressources des entreprises en bas de cycle. Je préfère, dans mon amendement, l'intéressement, qui est lié aux performances de l'entreprise, qui ne sont pas uniquement d'ordre financier, à la participation, corrélée uniquement aux bénéfices, et donc versée uniquement en haut de cycle.
L'étude d'impact évalue le coût de la revalorisation du RSA pour les départements à 120 millions d'euros, ce qui correspond au montant qui devrait figurer dans le texte de l'Assemblée nationale, sous réserve de nouveaux arbitrages.
Monsieur Lurel, la question des loyers relève de la commission des affaires économiques. Certes les propriétaires bailleurs appartiennent dans leur majorité aux plus hauts déciles de revenu, mais il faut aussi prendre en compte le rôle majeur qu'ils jouent pour le marché du logement : tout le monde pourra-t-il accéder à un logement si plus personne n'investit dans l'immobilier ?
Je botterai en touche sur l'indemnité carburant qui figure dans le PLFR... De même, je ne reviendrai pas sur le partage de la valeur en 1981, période que je n'ai pas connue...
EXAMEN DES ARTICLES
Article 1er
L'amendement n° COM-308 vise à renommer la prime de partage de la valeur non pas en prime d'enfumage, comme cela a été proposé à l'Assemblée nationale, mais en « prime de pouvoir d'achat », et de borner le dispositif au 31 décembre 2023, sauf pour les entreprises de moins de 50 salariés. La prime est une réponse imparfaite à la crise et doit rester ponctuelle. Le partage de la valeur constitue un enjeu structurel, qui passe par des dispositifs tels que les accords d'intéressement et de participation, et non par le versement, à la discrétion de l'employeur, d'une prime exceptionnelle, en réponse à une crise conjoncturelle.
L'amendement COM-308 est adopté.
L'amendement COM-309 vise à laisser aux salariés bénéficiaires de la prime de pouvoir d'achat le choix soit de la toucher immédiatement, soit de percevoir son montant de manière différée, sous la forme d'un supplément d'intéressement.
L'amendement COM-309 est adopté.
L'amendement COM-310 limite à quatre le nombre de versements qui pourraient être effectués au cours de l'année civile au titre de la prime de pouvoir d'achat.
L'amendement COM-310 est adopté.
L'amendement COM-311 est d'équité fiscale : il convient de tenir compte du revenu imposable du salarié, ainsi que de celui de son conjoint lorsqu'ils sont soumis à imposition commune, auquel cas le plafond serait porté à six fois la valeur annuelle du SMIC, pour l'application de l'exonération d'impôt sur le revenu, de CSG et de CRDS sur la prime de pouvoir d'achat.
L'amendement COM-311 est adopté.
Article 9 bis (nouveau)
La commission émet un avis favorable à l'adoption des articles du projet de loi qu'elle a examinés pour avis, sous réserve de l'adoption de ses amendements.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
TABLEAU DES SORTS
La réunion est close à 16 h 20.