Mission d'information Sous-utilisation des fonds européens

Réunion du 11 juillet 2019 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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Photo de Laurence Harribey

Nous vous remercions d'avoir répondu à notre sollicitation pour nous aider à comprendre et à approfondir le sujet de la sous-utilisation chronique des fonds européens, bien qu'en la matière, la sous-consommation apparaisse moins évidente que les dysfonctionnements relatifs à l'attribution et au suivi de ces fonds.

Mme Marie-Agnès Vibert, vous êtes cheffe du service de la gouvernance et de la gestion de la politique agricole commune à la direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises (DGPE) du ministère de l'agriculture et de l'alimentation. Vous représentez un interlocuteur incontournable pour le Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) et le programme Liaison entre actions de développement de l'économie rurale (LEADER). La Cour des comptes a mis en évidence plusieurs dysfonctionnements concernant la gestion du FEADER et la confusion des rôles entre l'État, l'Agence de services de paiement (ASP) et les régions. Vous êtes accompagnée de M. Yves Auffret. M. Frédéric Gueudar-Delahaye est le directeur des pêches maritimes et de l'aquaculture (DPMA) au ministère de l'agriculture et de l'alimentation ; il est accompagné de M. Pierre Hebert. La DPMA est en charge de la mise en oeuvre du Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP), dont environ 30 % de l'enveloppe est gérée par les régions.

Debut de section - Permalien
Marie-Agnès Vibert, cheffe du service de la gouvernance et de la gestion de la politique agricole commune à la direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises du ministère de l'agriculture et de l'alimentation

Le FEADER soutient des actions dans le domaine agricole, forestier et rural. Lors de la précédente programmation, pour la période 2007-2013, la maquette du fonds a attribué 7,6 milliards d'euros à la France, consommés à 97 %, chiffre officiel après la clôture définitive des comptes par la Commission européenne. Le programme LEADER, destiné aux initiatives locales en faveur de la ruralité, peut bénéficier de 5 % des crédits du FEADER : sur 361 millions d'euros, 342 millions d'euros, soit 95 %, ont été dépensés entre 2007 et 2013.

Pour la programmation 2014-2020, l'enveloppe de LEADER atteint 713 millions d'euros, pour 12 milliards d'euros destinés au FEADER. Pour celui-ci, à la fin du mois de mai, le taux d'engagement s'établissait à 65 %, et le taux de paiement à 51 %, bien qu'aucun dégagement d'office contraint n'ait été enregistré. La France se place en onzième position sur vingt-huit en matière de consommation des crédits, avec un taux plus élevé que celui observé dans les États membres fédéraux ou à organisation régionale, comme l'Allemagne, l'Espagne ou l'Italie. LEADER démarre plus lentement, avec un taux d'engagement à 22 %, et un taux de paiement à 7 %. Avec une enveloppe de crédits deux fois plus importante que lors de la programmation précédente, il convient de mobiliser de nouveaux territoires autour du dispositif. Le nombre de groupes d'action locale (GAL) est également supérieur.

Debut de section - Permalien
Yves Auffret, sous-directeur de la gestion des aides de la politique agricole commune à la DGPE

Les conseils régionaux, autorités de gestion du FEADER, ont sélectionné, pour la période 2014-2020, 338 GAL couvrant 27 000 communes, soit cent GAL supplémentaires par rapport à la dernière programmation.

Debut de section - Permalien
Marie-Agnès Vibert, cheffe du service de la gouvernance et de la gestion de la politique agricole commune à la direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises du ministère de l'agriculture et de l'alimentation

Lors de la précédente programmation, 80 % des paiements de LEADER sont intervenus au cours des trois dernières années, entre 2013 et 2015 ; un phénomène identique pourrait se produire entre 2021 et 2023. Le dispositif monte en puissance et le nombre de paiements augmente. La dynamique, toutefois, varie en fonction des dispositifs et des régions, pour le FEADER, dont 65 % des sommes sont déjà engagées, comme pour LEADER. Certaines mesures, relativement systématiques, sont ainsi payées annuellement selon la surface de l'exploitation agricole : l'indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN), due en fonction du nombre d'hectares en zone en difficulté, par exemple. Les mesures liées à l'investissement ou celles qui font appel à des projets compliqués à mettre en place tarderont en revanche davantage à être payées. Plus précisément, l'ICHN enregistre un taux d'engagement de 73 %, les dispositifs agro-environnementaux et les aides à l'agriculture biologique entre 75 % et 80 %, et les mesures d'investissement dans les exploitations agricoles de 65 %.

Les dispositifs financés par le FEADER visent à favoriser le développement économique des zones rurales, dans le respect de critères environnementaux. Ils font l'objet d'évaluation à mi-parcours de la programmation. Au mitan de l'année 2019, les premiers rapports d'évaluation seront transmis à la Commission européenne pour quantifier l'apport des mesures entreprises en termes d'emploi, de développement économique, d'amélioration de la qualité de l'environnement et de prise en compte des enjeux climatiques.

Le fonctionnement du FEADER repose sur les régions, autorités de gestion, sur l'ASP et sur l'État.

Debut de section - Permalien
Yves Auffret, sous-directeur de la gestion des aides de la politique agricole commune à la DGPE

Pour la programmation 2014-2020, la France a choisi une mise en oeuvre décentralisée du FEADER, accompagnée d'un cadrage national. Il existe ainsi vingt-sept programmes de développement rural régionaux mis en place par chaque autorité de gestion. Toutefois, 6 % du FEADER demeurent sous la responsabilité du ministère de l'agriculture et de l'alimentation pour financer le programme spécifique du réseau rural national et le programme national de gestion des risques et d'assistance technique. Le cadrage national figure dans un document, validé par la Commission européenne en juillet 2015, précisant le contenu des vingt-et-un programmes régionaux de France métropolitaine en matière d'installation des jeunes agriculteurs, de protection des troupeaux contre la prédation, de mesures agro-environnementales et climatiques, d'aide à l'agriculture biologique et d'ICHN. Il comprend également des dispositifs liés à Natura 2000, politique du ressort du ministère en charge de l'environnement. Les cinq programmes de développement régionaux ultramarins et celui de la Corse ne sont pas soumis au cadre national. Les autorités de gestion négocient directement avec la Commission européenne et sont responsables de la mise en oeuvre, de l'instruction des dossiers au paiement, du suivi et de l'évaluation des dispositifs.

L'ASP constitue l'organisme payeur du FEADER, agréé par la Commission européenne, sauf pour la Corse, où la mission est dévolue à l'Office du développement agricole et rural de Corse (ODARC). L'Agence est garante vis-à-vis de la Commission européenne de la régularité et de la conformité des paiements réalisés au droit européen et national, sous le contrôle de la Commission de certification des comptes des organismes payeurs des dépenses financées par les fonds européens agricoles (CCCOP). L'ASP est responsable des systèmes d'information Isis et Osiris.

Enfin, le ministère de l'agriculture et de l'alimentation, bien que n'étant plus l'autorité de gestion pour la majorité des programmes, demeure l'autorité de coordination des politiques de développement rural. À ce titre, il rédige et négocie le cadre national avec la Commission européenne. Il est le cofinanceur unique de certaines mesures du FEADER, comme l'installation des jeunes agriculteurs ou l'ICHN, finance les systèmes d'information et se pose comme garant de la protection des intérêts financiers de l'Union européenne vis-à-vis de la Commission européenne.

Debut de section - Permalien
Marie-Agnès Vibert, cheffe du service de la gouvernance et de la gestion de la politique agricole commune à la direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises du ministère de l'agriculture et de l'alimentation

Les rôles et les responsabilités de chacun se trouvent quelque peu enchevêtrés. Le ministère assure la tutelle de l'ASP, opérateur de l'État travaillant en l'espèce pour les régions. L'ASP délègue l'instruction d'un grand nombre de mesures aux services de l'État, puisque les agents en charge de l'instruction de dispositifs comme l'ICHN ou les aides à l'investissement dans les exploitations agricoles se trouvent dans les directions départementales des territoires (DDT) placées sous l'autorité du préfet.

Cette complexité n'empêche pas un contrôle efficace répondant à une organisation perfectionnée. Ainsi, la totalité des dossiers fait l'objet d'un contrôle administratif sur pièce, et 5 % des dossiers d'un contrôle sur place réalisé par l'ASP. L'Agence effectue également des contrôles de second rang auprès des autorités de gestion. Interviennent, en outre, des auditeurs externes, comme la CCCOP qui publie chaque année pour la Commission européenne un rapport sur la régularité, l'exhaustivité et la véracité des comptes de l'ASP et réalise un test de re-performance sur une centaine de dossiers pris au hasard ; la Cour des comptes européenne qui, dans le cadre de sa déclaration d'assurance, vérifie chaque année environ 150 dossiers FEADER ; enfin, la direction générale AGRI de la Commission européenne qui mène des enquêtes de conformité sur la mise en oeuvre des mesures du FEADER par les États membres - sept sont en cours pour la période 2014-2020. Nous avons été amenés à renforcer nos procédures en fonction des remarques des corps de contrôle, notamment sur le critère de caractère raisonnable des coûts dans un projet d'investissement, sur la conformité au droit des marchés publics et sur la réglementation applicable aux aides d'État.

Le taux de rejet des dossiers FEADER, sachant qu'un certain nombre ne sont finalement pas déposés, s'établissait à 8 % en 2015 s'agissant des mesures agro-environnementales (MAE). Les raisons d'une telle décision étaient diverses : non-respect des règles d'éligibilité liées au territoire, des règles d'éligibilité de l'exploitation, des règles d'éligibilité pour entrer dans la mesure (ratios de surface, taux de chargement d'effectifs d'animaux) ou des règles de cumul des aides à l'exploitation.

Le choix de la région comme autorité de gestion du FEADER s'est accompagné, en 2015, d'un transfert d'agents de l'État vers les conseils régionaux pour les missions de pilotage des mesures. Après négociation entre les préfets et les régions, le transfert a été compris entre deux et cinq emplois équivalents temps plein (ETP) par région, soit un total de soixante-huit postes. Des conventions ont été signées et le transfert s'est déroulé sans accroc. En revanche, l'instruction des dossiers du FEADER relève toujours des services de l'État ; 600 agents en sont chargés dans les DDT, dont 400 consacrés à l'ICHN, aux MAE et aux aides à l'agriculture biologique. A contrario, les dossiers LEADER sont instruits pas les régions. Dans le cadre national défini par la DGPE, sont adoptés des textes réglementaires, des instructions techniques destinées aux services instructeurs - DDT, ASP et régions -. L'ASP élabore des consignes d'utilisation des outils Isis et Osiris. Les contrôles de re-performance menés par l'ASP indiquent que la mise en oeuvre effective des consignes progresse dans les régions, même si la cohérence d'ensemble demeure encore insuffisante.

Debut de section - PermalienPhoto de Annick Billon

Pourquoi la France est-elle au 11e rang en termes d'utilisation des fonds ? S'agit-il d'un problème d'organisation ? Les acteurs concernés par le contrôle ne sont-ils pas trop nombreux ? Ne pourrait-on simplifier le contrôle afin d'apporter davantage de lisibilité et d'efficacité ? Vous dites que le ministère est une autorité de coordination. La séparation entre les fonctions de gestion et celles de coordination n'ajoute-t-elle pas de la complexité au système ? Peut-on se satisfaire du fait que les choses « aillent à peu près », compte tenu des sommes en jeu ? S'agissant des MAE, le taux de rejet est de 8 %. C'est un sujet vital pour la pérennité des exploitations agricoles. Lorsque les critères d'éligibilité évoluent dans le temps, il arrive que des agriculteurs ne bénéficient plus des mêmes aides. J'ai ainsi manifesté en Vendée, il y a deux ans, pour défendre plusieurs d'entre eux.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Louault

Un certain nombre d'acteurs dénoncent la façon dont la France gère les fonds européens et le manque de concertation entre les différents partenaires. Chaque organisme semble en remettre une couche, ce qui crée des dysfonctionnements. Par ailleurs, des problèmes de logiciels nous ont valu des pénalités portant sur les surfaces agricoles. Pour les MAE, il y a de nombreux problèmes de saisie. Sera-t-on enfin capable de simplifier et de se concerter ?

Les moyens de l'ASP doivent être confortés par les services départementaux du ministère de l'agriculture. Ne va-t-on pas ainsi éloigner du terrain la gestion et l'instruction des dossiers ? La logique du dispositif échappe aux fonctionnaires de terrain... La simplification est une priorité nationale !

Debut de section - Permalien
Marie-Agnès Vibert, cheffe du service de la gouvernance et de la gestion de la politique agricole commune à la direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises du ministère de l'agriculture et de l'alimentation

Devant la France, qui est au 11e rang, il y a des États de superficie plus réduite ou comptant peu d'habitants, tels que la Finlande, la Lituanie, l'Autriche, l'Irlande ou le Luxembourg, mais nous préférons nous comparer à des États régionalisés, dans lesquels le système est par définition plus compliqué. À cet égard, nous sommes au-dessus de la moyenne générale de l'Union européenne.

La situation n'est cependant pas satisfaisante et nous devons parvenir à désenchevêtrer les responsabilités. Nous sommes cependant dans un cadre communautaire, avec l'obligation d'avoir un organisme payeur et d'assurer des contrôles. La complexité n'est pas liée à ces contrôles. C'est sur le nombre des mesures et la simplification des critères qu'il faudra agir à l'occasion de la prochaine programmation.

Pour ce qui concerne les MAE, vous avez évoqué, Madame Billon, un cas particulier...

Debut de section - Permalien
Marie-Agnès Vibert, cheffe du service de la gouvernance et de la gestion de la politique agricole commune à la direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises du ministère de l'agriculture et de l'alimentation

Les enveloppes dans les régions étant limitées, lorsqu'un grand nombre d'agriculteurs demandent à bénéficier des aides, il faut mettre en place des plafonnements par hectare ou bien définir des priorités, ce qui a pu occasionner des retards.

Le rattrapage du paiement des MAE est un chantier prioritaire, en voie d'achèvement. Les avances de trésorerie remboursables ont, quant à elles, été versées dans des délais normaux. Nous avons terminé de payer les MAE au titre de 2015.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Louault

Si l'on devait payer les hauts fonctionnaires au même rythme !...

Debut de section - Permalien
Marie-Agnès Vibert, cheffe du service de la gouvernance et de la gestion de la politique agricole commune à la direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises du ministère de l'agriculture et de l'alimentation

Il reste à traiter quelques cas particuliers relevant de 2016. Pour 2017, le taux de paiement des MAE est de 85 %. La campagne pour 2018 a commencé en mars 2019, ce qui est un calendrier normal.

Il arrive que l'ASP, qui est l'organisme payeur et qui est responsable de l'instruction, délègue celle-ci. L'hypothèse avait été posée en France d'intégrer les services instructeurs au sein de l'Agence, mais il a finalement été décidé que l'instruction serait faite au plus près des bénéficiaires via un guichet unique. Pour sécuriser les paiements, on a formalisé la délégation de l'ASP vers les services instructeurs.

- Présidence de M. Pierre Louault, vice-président - 

Debut de section - Permalien
Frédéric Gueudar-Delahaye, directeur des pêches maritimes et de l'aquaculture au ministère de l'agriculture et de l'alimentation

Le FEAMP, qui semble être le « petit frère » du FEADER, en diffère sur plusieurs points.

Premièrement, il y a une différence d'échelle : l'enveloppe pour la France du FEAMP, s'élève, pour l'ensemble de la programmation 2014-2020, à 588 millions d'euros. Cela représente un peu plus de 80 millions d'euros par an et 10 % de l'enveloppe communautaire de ce fonds. La France en est le deuxième bénéficiaire après l'Espagne qui reçoit quasiment le double de crédits.

Deuxièmement, le cadre règlementaire communautaire est différent, du fait en particulier de cette différence d'échelle. Ainsi est-il prévu une autorité de gestion unique, contrairement à ce qui existe pour le FEADER. Les États fédéraux, notamment l'Allemagne, ont dû prendre des dispositions constitutionnelles pour s'adapter à ces règles. Le FEAMP ne comprend pas d'organisme payeur, au sens du FEADER. L'architecture est donc la suivante : une autorité de gestion unique, des organismes intermédiaires qui sont les délégataires de celle-ci, une autorité de certification, une autorité chargée de l'audit et un organisme de paiement qui est l'agent comptable de l'ASP. En 2014, le principe de décentralisation a été recherché au maximum pour donner, dans le cadre communautaire, le plus grand nombre de pouvoirs aux régions.

Troisièmement, l'objectif du FEAMP est la mise en oeuvre de la politique commune des pêches, y compris dans ses dimensions régaliennes ou collectives. Ainsi, une grande partie de l'enveloppe est consacrée à la connaissance scientifique des stocks halieutiques et au traitement des données, ainsi qu'au financement des mesures de contrôle. L'État est, à ce titre, l'un des bénéficiaires du FEAMP, ce qui n'est pas le cas pour les autres fonds. Il y a aussi une dimension économique en termes de soutien à l'investissement productif, qui est assez limité en matière de pêche afin d'éviter la surpêche, mais important en faveur de l'aquaculture et des volets transformation et commercialisation.

Le FEAMP inclut également le soutien à l'outre-mer.

À ce jour, sur l'enveloppe globale dont bénéficie notre pays, le montant des engagements est de 37 %, et celui des paiements de 20 %, ce qui est relativement faible, mais dans la moyenne communautaire - la France est devant l'Espagne, l'Italie et la Pologne, et derrière les « petits » États membres. Les pays dont le taux de paiement est plus élevé que le nôtre ont fait des choix drastiques de limitation des mesures mises en oeuvre et de ciblage des aides sur quelques priorités stratégiques.

Il existe une complexité particulière en France, liée à l'ambition d'utiliser ces fonds pour soutenir le maximum d'entreprises et de projets ; d'où la complexité de gestion qui en découle. Les problématiques de coût raisonnable, par exemple, induisent des lourdeurs dans le montage des dossiers.

Le faible taux de consommation s'explique aussi par les deux années blanches correspondant à la mise en place du dispositif.

Le Fonds s'inscrit désormais dans une logique de programme opérationnel national, avec un dispositif préalable de validation au niveau communautaire. Tout cela prend du temps...

Le règlement FEAMP entrant en application le 1er janvier 2014, n'a toutefois été finalisé qu'en avril 2014, et les premiers paiements ont eu lieu en 2016. Ce sont également les porteurs de projets institutionnels qui en ont pâti.

Notre principal objectif, partagé par les États membres et par la Commission, est d'éviter à l'avenir ces retards. C'est la raisons pour laquelle la Commission a introduit des mesures de simplification dans la définition des actions : elle a notamment remplacé une liste positive - ce qui est autorisé - par une liste négative - ce qui est interdit.

Le projet de règlement nous permet aussi de réutiliser l'expérience acquise sur les procédures d'instruction et de paiement.

Debut de section - PermalienPhoto de Annick Billon

L'effort de décentralisation semble être synonyme de simplification et de meilleur fonctionnement. Le premier bénéficiaire du Fonds est l'Espagne. Pourquoi reçoit-elle le double des aides dont bénéficie la France, alors que notre façade maritime est bien plus importante ? L'État est-il aussi le principal bénéficiaire des fonds en Espagne ? Sinon, comment expliquer qu'il le soit en France ?

Sénatrice de la Vendée, je parcours les criées des Sables-d'Olonne, de Saint-Gilles-Croix-de-Vie ou de l'Ile d'Yeu. La pêche se porte bien, mais la flotte est ancienne et les métiers souffrent d'un manque d'attractivité. Le FEAMP pourra-t-il aider nos pêcheurs de l'Atlantique et de la Manche en cas de Brexit dur ?

Debut de section - Permalien
Frédéric Gueudar-Delahaye, directeur des pêches maritimes et de l'aquaculture au ministère de l'agriculture et de l'alimentation

L'enveloppe de l'Espagne au titre du FEAMP est de 1,16 milliard d'euros, le double de la France. Les crédits ont été répartis entre pays en fonction de l'importance du secteur de la pêche dans l'économie. Le secteur est deux fois plus important en Espagne qu'en France, comme l'aquaculture.

Debut de section - PermalienPhoto de Annick Billon

La France a longtemps été en avance sur l'aquaculture, elle ne l'est plus car on a multiplié les barrières en raison notamment de la loi littoral.

Debut de section - Permalien
Frédéric Gueudar-Delahaye, directeur des pêches maritimes et de l'aquaculture au ministère de l'agriculture et de l'alimentation

L'État est le principal bénéficiaire des fonds, mais cela ne veut pas dire qu'il capte les fonds. Le premier bénéficiaire est l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (IFREMER), au titre de sa mission de connaissance scientifique des ressources et d'analyse des données de pêche, avec une enveloppe de 6 millions d'euros, soit 8 % de l'enveloppe. L'IFREMER mène aussi des projets de recherche avec les professionnels et bénéficie aussi de crédits à ce titre. La problématique de la pêche n'est pas seulement liée à la flotte et aux volumes des prises. Il faut aussi connaître les stocks halieutiques afin de maximiser les prises tout en garantissant le renouvellement des stocks.

Les règles européennes, et même internationales, visent à prévenir la surpêche. C'est dans l'intérêt des pêcheurs. Il y a 30 ans, on subventionnait la construction des bateaux. Pendant une dizaine d'années, on a eu plutôt tendance à mettre en place des plans de réduction de la flotte. Aujourd'hui, on considère qu'il vaut mieux financer la recherche et la connaissance, plutôt que financer des investissements productifs. Mais cela n'empêche pas le renouvellement de la flotte. Pour limiter les entraves administratives, nous avons lancé, il y a deux ans, une réforme pour simplifier les procédures relatives aux permis de mise en exploitation. Cela porte ses fruits. On construisait 20 navires par an en 2010, on en a construit 93 l'an dernier. Le nombre de constructions pour renouvellement a quintuplé grâce à l'amélioration de la situation économique de la filière.

Avec le Brexit, le principal enjeu est l'accès aux eaux britanniques. En cas de Brexit sans accord et de fermeture des zones de pêche britanniques, certains pêcheurs ne pourront pas se reporter sur d'autres zones. Dans l'attente de l'aboutissement des négociations avec le Royaume-Uni, seule solution viable à terme, nous proposerons, dans le cadre du FEAMP, une indemnisation à ceux qui resteront au port.

En ce qui concerne l'aquaculture, l'enjeu principal est celui des conditions d'installation des exploitations. Le FEAMP est très efficace pour les financements, avec un taux d'engagement élevé, de l'ordre de 60 %, mais on se heurte à des difficultés d'ordre réglementaire ou liées à l'acceptation sociale ou économique des exploitations. Les exploitations ne doivent pas porter atteinte, en effet, aux milieux naturels. Sans remettre en cause les contraintes environnementales, nous cherchons à alléger les procédures, lourdes pour des entrepreneurs individuels qui n'ont pas les moyens d'engager des cabinets d'étude. Les riverains n'acceptent pas toujours l'installation d'une exploitation conchylicole ou ostréicole. Les contentieux sont nombreux. Enfin, le littoral fait l'objet de conflits d'occupation divers car c'est un espace de tourisme et de détente recherché.

Debut de section - PermalienPhoto de Annick Billon

Avez-vous prévu une enveloppe en cas de Brexit dur ? Comment est-elle calculée ?

Debut de section - Permalien
Frédéric Gueudar-Delahaye, directeur des pêches maritimes et de l'aquaculture au ministère de l'agriculture et de l'alimentation

Nous avons ciblé les bateaux qui réalisent plus de 20 % de leur chiffre d'affaires dans les eaux britanniques : ainsi 200 bateaux seront éligibles au dispositif d'arrêt temporaire. Le mécanisme repose sur le volontariat. Nous ne savons pas combien de pêcheurs vont choisir cette option. Il est probable, par exemple, que les navires qui pêchent au Nord de l'Ecosse devront rester à quai car ils n'ont pas de solution de repli dans d'autres eaux. Tout dépendra des choix et surtout des possibilités alternatives que peuvent trouver les pêcheurs en fonction de leur activité. Par précaution, nous avons prévu une enveloppe de 20 millions d'euros.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Louault

Quels que soient les fonds, on constate des difficultés récurrentes de gestion, de mise en paiement, de saisie, etc. Des appels d'offre sont en cours pour trouver de nouveaux opérateurs. L'ASP se renforce. Pensez-vous que les outils d'information et de gestion seront bien adaptés aux besoins dans les années à venir ? Le ministère de l'agriculture réfléchit-il à une simplification de ses systèmes en la matière ? Actuellement, ils ne fonctionnent pas très bien.

Debut de section - Permalien
Marie-Agnès Vibert, cheffe du service de la gouvernance et de la gestion de la politique agricole commune à la direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises du ministère de l'agriculture et de l'alimentation

Il est difficile de dire qu'ils ne fonctionnent pas dans la mesure où l'on paie les aides aux agriculteurs du premier pilier de la PAC, soit 7 milliards d'euros par an, et du deuxième pilier, soit 2 milliards d'euros. Les difficultés que l'on a connues en 2015 résultaient de la concomitance de deux facteurs. Tout d'abord, la nécessaire remise à niveau du registre parcellaire graphique. La Commission européenne avait pointé des dysfonctionnements et nous avait demandé de mettre en place un plan d'action rapide de remise à niveau. La France n'était pas isolée dans ce cas. D'autres États ont aussi été confrontés à des refus d'apurement importants. Cette remise à niveau a dû intervenir au moment où la nouvelle programmation 2014-2020 entrait en vigueur. Or, celle-ci comportait de nouveaux dispositifs qu'il fallait mettre en place, comme le verdissement de la PAC, ce qui impliquait de construire un nouveau système informatique pour répondre aux exigences. Finalement, les difficultés ont pu être surmontées. La prochaine PAC, pour la période 2021-2027, est en cours de négociation. La Commission propose un budget en baisse et la France souhaite un maintien au niveau actuel. Le périmètre des mesures du deuxième pilier ne devrait pas changer. En revanche, le mode de mise en oeuvre évoluera, avec plus de subsidiarité et donc moins de règles édictées depuis Bruxelles. En conséquence, nous aurons la responsabilité de simplifier, en concertation avec tous les partenaires, pour parvenir à un nombre de mesures limité, avec des critères simples d'utilisation. Nous devrons aussi présenter à la Commission un plan stratégique national unique (PSN) recensant toutes les interventions, tant du premier que du deuxième pilier. Nous sommes en train de le préparer, en lien avec les régions. L'ASP se prépare aussi car elle sera organisme payeur. Elle devra consolider toutes les informations à transmettre à la Commission chaque année dans le cadre du rapport annuel de performance. Nous anticipons le plus possible pour être prêts le moment venu. La grande difficulté sera de résister aux demandes de prise en compte des cas particuliers. Si nous n'y arrivons pas, nous aurons 9 000 mesures différentes...

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Louault

Autre dossier sensible : le programme LEADER, qui rapproche l'Europe du terrain, mais dont la gestion coûte 3 000 euros par dossier ! Oui, il faudra simplifier ou désigner un organisme gestionnaire comme les départements le sont pour le Fonds social européen. Ce n'est pas récent, mais cela s'est aggravé cette année. Nous sommes nombreux à avoir été présidents de GAL, nous connaissons donc bien la question. Avez-vous des propositions dont nous pourrions nous faire les porte-voix ?

Debut de section - Permalien
Marie-Agnès Vibert, cheffe du service de la gouvernance et de la gestion de la politique agricole commune à la direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises du ministère de l'agriculture et de l'alimentation

Il ne faut pas perdre un ancrage territorial proche : c'est ce en quoi les GAL sont utiles. Mais nous devons toujours nous assurer que les fonds européens aillent bien aux bons destinataires. . Des mesures de formation ont été mises en place à travers le réseau rural national, afin que les règles et les procédures soient bien comprises.

Pour l'avenir, il faut travailler sur la simplification des interventions, et des critères d'éligibilité, pour que la mise en oeuvre s'en trouve simplifiée.

Une autre piste de simplification consiste à ne pas changer les règles trop souvent.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Louault

Pourrait-on négocier avec l'Europe une simplification des pièces à fournir ? Pour obtenir 5 000 euros de subvention pour l'animation locale, il faut remplir un dossier énorme. Ne pourrait-on pas imaginer trois ou quatre règles simples ? Dans un dossier très récent, nous avons dû fournir le procès-verbal de l'élection du maire !

Debut de section - Permalien
Frédéric Gueudar-Delahaye, directeur des pêches maritimes et de l'aquaculture au ministère de l'agriculture et de l'alimentation

La logique de contrôle nous oblige à faire des efforts énormes pour éviter le sur-contrôle. En effet, le dispositif qui permet d'éviter tout mauvais aiguillage repose sur plusieurs niveaux de contrôle, mais cela incite tous les niveaux à prendre des marges de précautions pour éviter d'être pris en défaut par le contrôle de niveau supérieur.

Pour le FEAMP, nous avons tenté de traduire l'injonction « coût raisonnable » par une exigence de production de trois devis. Nous avons été assaillis par des critiques : il n'y a qu'un seul fournisseur dans la région, il n'y a qu'un seul fournisseur qui soit capable de me vendre telle prestation... Notre difficulté, c'est qu'il n'y a jamais une règle qui convient à tous les cas de figure. Nous avons cherché à responsabiliser tous les échelons et à inciter chacun à prendre sa part de risque, même si cela peut conduire à être critiqué lors du contrôle au niveau supérieur. L'État est aussi bénéficiaire du FEAMP ; il m'est donc arrivé de signer des dossiers de demande de financement, je sais que c'est très lourd.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Louault

Merci d'être venus. Je suis agriculteur, j'ai été président d'une communauté de communes, président de GAL. Tout cela n'est pas nouveau. Il y a certainement un problème de compétence des utilisateurs. Si vous avez des idées que nous pourrions porter, n'hésitez pas à nous les transmettre. Si nous pouvions démarrer le nouveau programme à l'heure, ce serait bien.

La réunion est close à 15h35.

Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site Internet du Sénat.