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Interventions sur "prison" de Jacques Mézard


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Avant de modifier la loi de 1905, il faudrait commencer par l'appliquer, y compris dans ses dispositions autorisant les poursuites. J'ai vu comme d'autres l'émission sur M6 qui suivait deux députés se rendant dans une prison après les attentats, et leur conversation avec un détenu qualifié de djihadiste salafiste. Ce ne sont pas tant ses propos qui m'ont surpris, que le fait qu'il disait avoir appris tout cela en prison, allant même jusqu'à montrer à l'écran certains des ouvrages qu'il y avait lus. Il est stupéfiant de constater qu'on laisse à la disposition de tels détenus des ouvrages où ils apprennent tout ce qui ...

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, le vrai débat, la question de fond qui resurgit constamment depuis de longues années, c’est le surpeuplement qui affecte nos prisons, …

Je ferai plusieurs remarques sur le sujet qui nous occupe. Tout d’abord, je vous pose la question, mes chers collègues : est-il raisonnable d’entasser toujours davantage de prévenus et de condamnés dans nos prisons ? La réponse, simple, de bon sens, ne peut qu’être négative. La situation de la population pénitentiaire, dont nous avons vu l’évolution au cours des dernières années, est devenue strictement intolérable. La solution n’est pas de construire de nouvelles prisons, même si, pour un traitement normal des condamnés, ce serait une bonne chose. D’autres réponses doivent donc être apportées. Je suis so...

Nous sommes donc très en retard sur ce point. Lorsque les peines sont très éloignées de l’infraction, leur sens s’évapore. Or 70 % des peines d’emprisonnement connaissent un délai de mise à exécution, et une peine sur deux est mise à exécution entre 3, 7 et 60 mois, soit cinq ans, ce qui correspond au délai de prescription de la peine en matière correctionnelle. Si l’on exclut les peines exécutoires sans délai, la moitié des peines d’emprisonnement sont mises à exécution après plus de 225 jours. J’ai le sentiment que le présent projet de loi, mê...

...constitué une préoccupation forte pour le groupe que j’ai l’honneur de présider, soucieux en toutes circonstances de défendre la dignité de la personne humaine, et ce quels que soient les individus et leur parcours. Je rappelle à la Haute Assemblée que notre groupe avait pris l’initiative en 2000, sous l’impulsion du président Guy-Pierre Cabanel, de la création de la commission d’enquête sur les prisons. Le sous-titre de son rapport, « Une humiliation pour la République » – je salue, à cet égard, le travail accompli alors par Jean-Jacques Hyest ! –, en disait long sur l’état catastrophique de nos établissements pénitentiaires, laissés pendant des décennies en déshérence par les pouvoirs publics, quelle que soit la sensibilité des gouvernements en place. Ce choc pour l’opinion publique et les p...

...tique pénitentiaire rénovée, incluant des « projets immobiliers pensés et des peines efficaces, générant de la sécurité ». Nous en sommes arrivés à cette situation pour des raisons à la fois structurelles et conjoncturelles : structurelles, car la peine privative de liberté demeure la peine de référence de notre droit pénal, la moitié des condamnations délictuelles comportant encore une peine de prison, ferme ou avec sursis ; conjoncturelles, car nous payons aussi aujourd’hui la facture d’une politique pénale menée ces dernières années qui ne s’est jamais interrogée, ou pas suffisamment, sur le sens profond de l’emprisonnement. La volonté incantatoire de combattre l’insécurité s’est ainsi traduite, à partir de 2002, par la mise en œuvre d’une politique pénale essentiellement répressive, dictée ...

...rôleur général des lieux de privation de liberté, M. Delarue. Or il est clair, selon notre analyse, que la politique sous-tendue par ce projet de loi va à l’encontre tant de la réalisation des objectifs de la loi pénitentiaire que des préconisations contenues dans les rapports du Contrôleur général. Monsieur le garde des sceaux, votre objectif d’augmenter considérablement le nombre de places de prison, pour atteindre 80 000, constitue simplement la démonstration de l’échec de la politique de prévention de la délinquance et l’aveu que le Gouvernement envisage, pour les années à venir, une augmentation importante de la criminalité ou un recul de la politique d’aménagement des peines, ou encore – c’est le plus vraisemblable – les deux à la fois ! Selon l’annexe du projet de loi, « le scénario le...

... imagine mal, en effet, donner des instructions en ce sens aux magistrats du siège… Considérons donc que c’était une erreur de la presse. Certes, on dénombre de plus en plus d’aménagements de peines, qui sont souvent positifs et peuvent favoriser la réinsertion. Nous notons une augmentation de ces mesures de 46 % en deux ans. Mais quelle en est la traduction sur le terrain ? Si plus de peines de prison sont prononcées, la Chancellerie doit les aménager, tout en expliquant qu’il convient de lutter énergiquement pour que les peines soient réellement effectuées, ce qui n’est pas le cas et ce qui a suscité de légitimes réactions de votre part à votre entrée en fonctions. En réalité, votre méthode consiste à gérer des stocks de détenus, non à réfléchir à la finalité de la peine. Les directeurs de p...

...st aussi symbolique de noter que les dix-huit lois dont nous avons débattu en matière pénale depuis huit ans ont sciemment jeté un voile sur cette question, à l’exception de la loi du 25 février 2008, qui ne s’est préoccupée, dans ce domaine, que de rendre plus difficile la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de troubles mentaux. Je pourrais ainsi résumer cette attitude : « Cachez en prison ces malades que nous ne voulons pas voir ! » Le législateur de 1810 avait, à l’article 64 du code pénal, reconnu l’irresponsabilité pénale en cas d’état de démence au moment des faits. Ce système était trop manichéen et plusieurs améliorations successives ont permis de faire évoluer l’application de la sanction : avec l’introduction des circonstances atténuantes en 1824 et 1832 ; avec la jurispr...

... font et disposent déjà, en ce domaine, d’un arsenal tout à fait adapté. Au regard des quelques cas qui pourraient être visés en théorie, la mesure qui nous est proposée ne servira, dans la pratique du terrain, strictement à rien. Voilà la réalité ! J’ajoute que, comme vous, je me soucie de la protection des forces de l’ordre et des dépositaires de l’autorité publique, mais aussi des gardiens de prison. Or, quand les gardiens de prison ont affaire à des détenus qui purgent une peine incompressible de trente ans, ils sont face à des gens qui sont encore plus des fauves !

Comme les gardiens de prison le rappellent très souvent à juste titre, il faut toujours laisser une marge : il ne s’agit pas tant de donner au détenu une lueur d’espoir que de permettre aux gardiens de donner des indications aux magistrats par rapport à une éventuelle sortie. Aussi, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous le dis par expérience : ces mesures ne sont pas bonnes, elles ne sont pas sages. Voilà pourq...

...ès diverses, c’est pourquoi l’individualisation des peines est indispensable. Nous savons tous que le problème de l’irresponsabilité pénale pour maladie mentale n’est toujours pas correctement réglé : l’ancien article 64 a-t-il vraiment été amélioré ? C’est une question que l’on doit se poser aujourd’hui. Nous savons tous que le meilleur moyen d’éviter la récidive à l’expiration d’une peine d’emprisonnement, c’est de préparer la sortie du détenu, surtout lorsque l’incarcération fut longue. Car le danger de la sortie, c’est aussi la solitude ! Protéger les victimes, éviter la récidive : ce sont des objectifs que nous partageons tous, sans aucun angélisme, en tant que responsables convaincus que la société doit se protéger des comportements délictuels. Je me souviens des propos du rapporteur d...

...me le concluait le magistrat Serge Portelli dans son ouvrage Récidivistes ; cette complexité est incompatible avec les « solutions toutes faites, toutes plus régressives les unes que les autres, qui font le bonheur des bateleurs de foire et le succès des démagogues ». Madame le ministre d’État, une pause dans la frénésie législative sécuritaire, des moyens pour mieux préparer la sortie de prison des détenus et pour améliorer encore le système de libération conditionnelle, dont le rapport Lamanda met en lumière les résultats satisfaisants en matière de lutte contre la récidive : voilà la meilleure injonction de soins pour la tranquillité des bons citoyens, pour la réinsertion des délinquants et, tout simplement, pour la justice.

...aluer le travail réalisé depuis de nombreuses années, au sein du Sénat, par nombre de nos collègues, notamment le président de la commission des lois. Cette loi, dont les objectifs fondamentaux sont largement partagés, n’aura de sens que si son application est effectivement assurée, dans l’intérêt des détenus, des personnels et des victimes. La situation que nous connaissons aujourd'hui dans nos prisons est inacceptable ; elle résulte non point de la responsabilité d’un seul gouvernement, mais de tous ceux qui se sont succédé depuis de nombreuses années, qu’ils soient de droite ou de gauche. En effet, ce problème fut souvent éludé, car il ne constituait pas, convenons-en, une priorité vis-à-vis de l’opinion publique. Il faut avoir le courage de le dire, parce que c’est la réalité : la prison f...

Ce texte apporte des améliorations tant sur le plan des principes que sur celui des droits reconnus au détenu, droits inhérents à la personne humaine : dispositif de l’article 2 bis ; garantie donnée à tout détenu par l’administration pénitentiaire du respect de ses droits ; affirmation du caractère subsidiaire de l’emprisonnement ferme ; nécessité de prévoir son aménagement, mise en exergue dans le texte lui-même. L’inscription dans la loi des principes du régime disciplinaire relève aussi du retour à la voie de droit, mais ne nous hisse pas au niveau européen. Aujourd’hui, nous avons tous dans la tête les images de la réalité. Nous sommes en effet un certain nombre à savoir ce qu’est une prison, pour y être allés...

...s que l’inégalité qui existe à cet égard pose un problème considérable par rapport aux droits fondamentaux, madame le ministre d’État. L’utilisation du populisme médiatique sur la récidive et les aménagements de peine est tout de même l’illustration d’un débat qui, malheureusement, n’est pas vraiment allé dans le bon sens. Tant que l’on n’affirmera pas, avec une traduction dans les faits, que la prison ne doit être qu’une sanction de privation de liberté et non une dégradation de l’être humain, tant que l’on considérera que l’entassement et la promiscuité peuvent cohabiter avec la réinsertion, au lieu de reconnaître qu’ils nourrissent la récidive, tant que l’on acceptera que la prison soit un lieu où la violence a libre cours, ce qui est aujourd’hui le cas, il nous restera, mes chers collègues,...

Il s’agit, en quelque sorte, d’un amendement de protestation. Nous savons tous que rien n’est simple en prison et que les relations humaines sont forcément plus difficiles dans cet univers contraint. Nous savons aussi qu’il est impératif de respecter la dignité des détenus et, naturellement, leur intégrité physique. Nous sommes nombreux à avoir été choqués par l’application de l’article 40 de la Constitution, application du reste à géométrie variable, à un amendement que nous avions présenté sur l’articl...

Madame la présidente, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, comment faire de la prison un lieu d’espérance, alors qu’elle est aujourd’hui un lieu de désespérance, si ce n’est en ayant le sens de l’humain ? Je tiens tout d’abord à rendre hommage au rapporteur de la commission des lois, Jean-René Lecerf, car son action et son discours ont été ceux d’un homme de conviction, qui sait faire entendre à la fois le cœur et la raison. Nous avons tous été touchés par sa force de conviction ...

Le texte intitulé « projet de loi pénitentiaire » ne saurait être appréhendé hors du contexte général de la politique pénale de notre pays. Il ne saurait être un instrument de communication destiné à masquer la réalité : la situation catastrophique des prisons françaises et une justice française considérée en Europe comme l’un des plus mauvais exemples. N’oublions pas ce qu’est notre univers carcéral, qui sont les détenus, quelles sont leurs origines – 95 % d’hommes, 50 % d’illettrés ! – et de quels milieux ils sont issus. La réalité, c’est cela ! Ce constat est la résultante non pas de la politique d’un seul gouvernement, mais d’une responsabilité n...

a évoqué la honte que lui inspirait, lorsqu'il exerçait comme avocat, la situation des prisons françaises. Il a jugé cette situation indigne d'une démocratie comme la France. Il a observé que si la peine d'emprisonnement était la seule solution possible pour certaines personnes condamnées, elle pouvait avoir des effets nuisibles pour une partie des détenus. Il a appelé de ses voeux une profonde réforme du code pénal et du code de procédure pénale en soulignant, en particulier, les difficu...