Mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd'hui pour procéder à l'audition de Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État à l'enseignement supérieur et à la recherche. Il y a un an, le Parlement adoptait la loi relative à l'enseignement supérieur et à la recherche, dite loi « ESR ». Vous allez pouvoir nous en dresser un bilan d'étape et nous parler de la rentrée universitaire, des considérations budgétaires et de la vie étudiante.
Nous ne disposons pas encore de la lettre de cadrage pour le budget de 2015 mais j'espère le maintien des crédits, ce qui équivaudrait à une victoire en ces temps où la priorité est donnée à la croissance, à l'emploi et à la jeunesse.
Dans le domaine de la recherche, l'effet du départ à la retraite des baby-boomers est derrière nous. Compte tenu des moindres départs à la retraite, à budget constant, il y a donc moins d'opportunité de recrutement par concours. C'est particulièrement vrai pour le Centre national de la recherche scientifique (CNRS). Il est par conséquent nécessaire d'intensifier l'effort sur l'embauche des chercheurs dans le secteur privé car nous sommes très en retard sur nos voisins dans ce domaine.
Près de 600 millions d'euros supplémentaires sont consacrés à la vie étudiante, dont 458 millions d'euros concernent l'aide sociale et les bourses. L'objectif est d'améliorer la réussite des étudiants et nous avons tenu nos engagements sur ce point.
Je vous présenterai également un bilan d'étape de la loi ESR. Sur les 25 décrets d'application prévus dans la loi, en réalité seuls 18 ont été ou seront publiés car certains d'entre eux sont communs à plusieurs articles.
Neuf décrets ont été pris à ce jour, dont un a été publié au Journal officiel d'aujourd'hui même :
- le décret n° 2014-610 du 11 juin 2014 relatif au pourcentage des meilleurs élèves par filière de chaque lycée bénéficiant d'un droit d'accès dans les formations de l'enseignement supérieur public ou une sélection peut être opérée ;
- le décret n° 2014-189 du 20 février 2014 tendant à l'expérimentation des modalités particulières d'admission dans les études médicales, odontologiques, pharmaceutiques et maïeutiques ;
- le décret n° 2014-336 du 13 mars 2014 modifiant les dispositions du code de l'éducation relatives à la participation des personnalités extérieures aux conseils constitués au sein des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel ;
- le décret en Conseil d'État n° 2014-297 du 5 mars 2014 relatif à la procédure disciplinaire dans les établissements d'enseignement supérieur agricole publics et au Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche agricole, agroalimentaire et vétérinaire statuant en matière disciplinaire ;
- le décret n° 2014-321 du 10 mars 2014 relatif à la publication par voie électronique des bilans sociaux des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel ;
- le décret en Conseil d'État n° 2014-635 du 18 juin 2014 relatif aux établissements d'enseignement supérieur privés d'intérêt général et au comité consultatif pour l'enseignement supérieur privé ;
- le décret n° 2013-943 du 21 octobre 2013 relatif à la composition, aux missions et au fonctionnement du Conseil stratégique de la recherche ;
- le décret n° 2014-604 du 6 juin 2014 relatif au budget et au régime financier des établissements publics d'enseignement supérieur et de recherche. Ce décret financier précise le contenu des contrats d'objectifs et de moyens entre l'établissement et ses composantes, notamment avec les instituts universitaires de technologie (IUT) ;
- le décret n° 2014-780 du 7 juillet 2014 publié dans le Journal officiel de ce jour relatif à la composition de la formation restreinte du conseil académique des universités.
Trois décrets devraient paraître très prochainement. Il s'agit des décrets portant sur les compétences du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche (CNESER), sur le statut des enseignants-chercheurs et sur le Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (HCERES). Ils ont d'ores et déjà été validés par le Conseil d'État.
Pour votre information, le Conseil d'État a rendu un avis favorable aux textes visant à créer l'université des Antilles et l'université de la Guyane.
Il reste à prendre un certain nombre de décrets parmi lesquels :
- le décret concernant les stages. Ce décret doit fixer respectivement les modalités d'intégration et d'encadrement du stage et les dérogations à la durée maximale du stage. La rédaction de ce décret doit tenir compte de la loi tendant au développement, à l'encadrement des stages et à l'amélioration du statut des stagiaires adoptée définitivement par le Parlement le 26 juin 2014. Il devrait être prêt pour la rentrée ;
- le décret relatif aux modalités d'inscription des élèves d'une classe préparatoire à une formation proposée par un établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel ;
- le décret sur l'expérimentation sur les modalités d'accès aux études paramédicales. Aucun établissement ne s'est montré volontaire à ce jour. Il n'y a donc pas de décret prévu pour l'instant ;
- le décret sur la mise en oeuvre du mandataire unique. Ce décret est en phase de concertation ;
- le décret portant approbation de la révision des statuts de l'Académie de médecine ;
- le décret relatif aux oeuvres universitaires et au logement étudiant.
Il n'y a ni problème technique, ni verrou particulier. Juste un encombrement des textes à examiner au Conseil d'État ! Tout sera débloqué à la rentrée.
Par ailleurs, de nombreux rapports sont attendus.
Cet après-midi, me sera remis le rapport d'étape du comité chargé de la stratégie nationale de l'enseignement supérieur (STRANES).
Enfin, nous oeuvrons pour une simplification et une meilleure lisibilité de l'offre de formation. Le système en vigueur était particulièrement complexe avec quelque 10 000 parcours de master, plus de 5 800 intitulés de master dont on a réduit le nombre à 400.
Je vous remercie pour ce bilan exhaustif de l'application de la loi relative à l'enseignement supérieur et à la recherche (ESR) un an après son adoption. Mes interrogations portent sur les points suivants :
- le ministère s'est engagé dans un travail de concertation avec les représentants des établissements d'enseignement supérieur sur la refonte du système de répartition des moyens à la performance et à l'activité (SYMPA), et vos services ont pu présenter un bilan d'étape de cette réflexion à l'occasion d'une audition par notre commission en décembre 2013. Toutefois, la Conférence des présidents d'université (CPU) a émis un certain nombre de critiques sur les pistes envisagées, en s'opposant en particulier à l'intégration de la masse salariale dans le modèle. Quelle est votre position sur le sujet, sachant que la prise en compte des dépenses de personnel semble nécessaire pour que le modèle d'allocation puisse être réellement redistributif ?
- la facilitation de l'accès de tous à l'enseignement supérieur et la réussite des étudiants constituaient un des axes majeurs de la loi ESR. Sur les 600 millions d'euros d'augmentation du budget de l'enseignement supérieur, vous avez annoncé que près de 500 millions d'euros seraient affectés aux bourses. Pouvez-vous nous confirmer que ces crédits supplémentaires ne seront pas prélevés sur les crédits de fonctionnement déjà accordés aux universités ?
- la valorisation de la recherche repose encore beaucoup sur le nombre de produisants et de publications au sein des établissements d'enseignement supérieur. Entendez-vous définir de nouveaux critères moins quantitatifs qui permettent de mieux apprécier la qualité des activités de recherche mais également de l'enseignement, notamment en termes de résultats dans l'insertion professionnelle des étudiants ?
- les opposants aux communautés d'universités et établissements (COMUE), dont certains s'expriment par la voix d'un groupe surnommé « Jean-Pierre Vernant », réclament un moratoire de la politique de regroupements universitaires. Hormis la situation parisienne plus compliquée qu'ailleurs et peu lisible, ne constatez-vous pas que la mise en place des COMUE et des associations dans les autres régions se passe dans des conditions somme toute assez satisfaisantes et dans une ambiance plutôt constructive ?
- en ce qui concerne les regroupements par voie d'association, une ambiguïté demeure dans la loi puisque ce schéma, supposé confédéral, implique néanmoins la désignation d'un établissement pilote chef de pont. Quels sont les éléments de souplesse proposés par le ministère afin d'assurer la logique véritablement confédérale de ce type de regroupement ?
- quelle est votre appréciation sur les compétences qui sont déléguées par les établissements membres aux COMUE, notamment en matière de définition de la carte des formations et de mutualisation des moyens et des activités de recherche ? Quels sont, selon vous, les types de composantes les plus pertinents pour une mutualisation dans le cadre d'une COMUE ?
- nous sommes encore en attente du décret d'application censé faciliter l'accès des docteurs à la fonction publique d'État. Qu'en est-il de ce sujet ?
- de multiplies colloques, forums et tables rondes ont été organisés sur l'affirmation de la place de la culture scientifique, technique et industrielle (CSTI) au sein des stratégies nationales de l'enseignement supérieur et de la recherche. Au sein de notre commission, nous avons plusieurs fois insisté sur la responsabilité sociale des scientifiques et sur la nécessité d'approfondir le dialogue entre sciences et citoyens, dans le cadre d'une co-construction interdisciplinaire de la connaissance contemporaine. Je crois savoir qu'un département spécifique a été créé à cet effet au sein de votre ministère, quels sont les grands axes de son intervention ?
- le Gouvernement a ouvert les débats de la troisième conférence sociale aux organisations étudiantes qui peuvent faire valoir le point de vue des jeunes en matière d'insertion professionnelle. Comment cette participation a-t-elle été accueillie par les membres de la conférence et quelles suites sont envisagées ?
Mes collègues aborderont également certainement le sujet important de l'avenir des mutuelles étudiantes.
Mes deux questions ne seront pas des surprises :
- parmi les trois formes possibles de rapprochement universitaire - la fusion, l'association et la COMUE - cette dernière est visiblement celle qui est le plus souvent privilégiée. Sur les quinze projets déposés, il semble que dix soient stabilisés. Quelles sont les principales difficultés rencontrées par ces regroupements, sur lesquels pèse une certaine pression en raison d'une date butoir théoriquement fixée au 22 juillet. Êtes-vous étonnée des solutions choisies ?
- en ce qui concerne l'article 27 bis du projet de loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt, nous nous inquiétons des péripéties législatives qui entourent les modifications portant sur les modes de scrutin et les modalités de la représentativité des établissements membres aux élections aux conseils d'administration des COMUE, même si nous plaidons coupables pour certaines dispositions adoptées lors de l'examen de la loi ESR qui apparaissent aux yeux de certains acteurs difficiles à mettre en oeuvre, car ce que nous avions perçu comme une exigence démocratique peut poser, dans certains cas, des problèmes de gouvernance. Le fait est que nous avons découvert entre deux amendements sur le projet de loi agricole que le sujet revenait, sous la forme assez surprenante d'un cavalier nocturne qui ne favorise pas un débat serein et transparent. C'est en tout cas le signe que ce sujet reste important pour vous, comment entendez-vous donc régler dans les meilleures conditions possibles les problèmes constatés ?
Un point avait fait l'objet d'un long débat lors de l'examen du projet de loi ESR : le régime linguistique au sein des établissements publics d'enseignement supérieur. Avez-vous fait le bilan des dérogations possibles pour les établissements, les motivations mises en avant et les problèmes rencontrés ? Nous resterons vigilants à ce que soient évitées les dérives ici ou là.
Par ailleurs, nous nous interrogeons sur la situation de la Mutuelle des étudiants (LMDE), héritière de la sulfureuse Mutuelle nationale des étudiants de France (MNEF) : quelles sont les mesures envisagées par le Gouvernement sur ce sujet ? N'oublions pas que les mutuelles étudiantes jouent un rôle déterminant pour la préservation de la santé et de la qualité de vie de nos étudiants.
Sur le thème des relations entre entreprises et étudiants, je rappelle qu'un nouveau statut d'étudiant-entrepreneur devrait permettre aux étudiants qui souhaitent créer leur entreprise de bénéficier d'horaires d'étude adaptés et de dispositifs avantageux leur offrant la possibilité de concilier le développement de leur entreprise et le suivi de leur cursus universitaire. Encore faut-il que leurs projets soient labellisés par les pôles étudiants pour l'innovation, le transfert et l'entrepreneuriat (PÉPITE). Sous quelles conditions cette reconnaissance sera-t-elle attribuée ?
La charte université-handicap a été renouvelée en mai 2012. Pour autant, nous constatons que les étudiants souffrant d'un handicap qui ont besoin d'assistance n'obtiennent pas toujours le soutien auquel ils ont droit, notamment au sein des grandes écoles. Comment y remédier ?
En ce qui concerne la santé universitaire, je m'interroge sur l'avenir des services universitaires de médecine préventive et de promotion de la santé (SUMPPS) qui doivent évoluer : ont-ils atteint les objectifs qui leur ont été assignés ?
Enfin, je note que le rapport de la commission spéciale mise en place par le Sénat sur la proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel fait état d'une nette progression de la prostitution chez les étudiants, en particulier ceux confrontés à des problèmes de financement de leurs études. Le ministère annonce que près de 458 millions d'euros seront débloqués en faveur des étudiants en situation précaire. Mais qu'en est-il du soutien aux étudiants contraints aux situations les plus extrêmes, peut-on mesurer exactement l'ampleur de ce phénomène ?
Dès la loi relative aux libertés et responsabilités des universités (LRU), le signal a été donné aux établissements d'être le plus autonomes possible avec le transfert des crédits de masse salariale que cela supposait et, en même temps, de se regrouper. Cela me rappelle la contradiction qu'il y a à consacrer la compétence générale des communes et à les inviter, dans le même temps, à progresser dans l'intercommunalité avec un encouragement financier à la clé.
L'autonomie budgétaire apparaît cohérente d'abord pour les universités qui ont décidé de fusionner. Pour d'autres universités, ce qui semble le mieux fonctionner reste les mutualisations, dans le cadre de COMUE, concentrées sur le deuxième cycle, le doctorat et la recherche. Ne pensez-vous qu'afin d'accélérer le processus de constitution des COMUE, les projets devraient être mieux orientés dans ce sens-là ?
Je dois reconnaître que nous recevons de nombreuses doléances d'acteurs qui rappellent que l'autonomie qui leur est consentie suppose de leur laisser la possibilité de définir librement les modalités de leur projet de regroupement. Or, ceux qui désirent s'engager dans des regroupements de nature confédérale, se voit répondre par les services du ministère qu'un tel choix serait incompatible avec l'attribution de postes supplémentaires.
La mise récente sous administration provisoire de la LMDE est d'autant plus contestée que la situation de la mutuelle semble aujourd'hui plus stable. Quelle est votre appréciation de ce problème ?
Nous nous sommes penchés à plusieurs reprises sur les conditions d'application réglementaire des lois universitaires, aussi bien à l'occasion d'un rapport de la commission de contrôle de l'application des lois sur la loi LRU que du rapport annuel que je présente au Sénat en son nom.
Si les arbitrages budgétaires ne se passent pas bien, des difficultés ne manqueront pas d'émerger. Toute idée visant à remettre en cause ce qui est considéré comme une aide sociale indispensable, qu'il s'agisse de bourses, du niveau de l'aide personnalisée au logement (APL) ou de l'offre de logement étudiant, serait très mal venue dans une situation où la précarité des jeunes inquiète et affecte de plus en plus directement le niveau d'études auquel peut prétendre un nombre croissant d'entre eux, car les couches populaires ne sont pas les seules concernées. Le volet « vie étudiante » du budget doit donc être préservé. Je rappelle que les deux priorités de ce Gouvernement pour le redressement du pays sont bien l'emploi et la jeunesse.
J'ai cependant une interrogation sur l'emploi scientifique qui préoccupe le monde universitaire. Quelles sont les perspectives en la matière ?
Vos questions sont riches et les problèmes abordés complexes. Voici les éléments de réponse que je peux déjà vous apporter :
- la problématique de la vie étudiante irrigue tous les secteurs. En matière de bourses, nous avons pris soin de définir les priorités en lien avec les organisations étudiantes. Car la facilité aurait pu nous conduire à ne considérer que la situation des étudiants les plus exposés à la précarité. Mais en discutant avec les organisations étudiantes et en regardant attentivement les éléments qui mettent le plus en péril les études, nous avons identifié deux types d'étudiants prioritaires : les étudiants les plus modestes des classes moyennes et les étudiants en situation de précarité ou de rupture familiale. Dans ces conditions, nous avons défini un nouvel échelon « 0 bis » qui devraient potentiellement concerner près de 77 500 jeunes parmi les 135 000 étudiants qui bénéficient initialement de l'exonération des droits d'inscription et des droits à la sécurité sociale mais ne touchent pas de bourse à l'échelon « 0 ». Au bénéfice de ces 77 500 étudiants, nous avons créé une allocation de 1 000 euros sur dix mois, afin de leur permettre de ne pas avoir à travailler au-delà de 14 heures par semaine et de continuer à suivre leur cursus dans les meilleures conditions possibles. Notons que de nombreux étudiants qui travaillent s'interdisent l'accès à des filières comme la première année commune des études de santé (PACES), qui exclut toute activité salariée en dehors des études. L'Union nationale des étudiants de France (UNEF) a qualifié cet effort d'historique. Je vous confirme que les 458 millions d'euros dégagés en faveur des bourses seront issus des crédits supplémentaires, et ne seront donc pas prélevés sur d'autres postes budgétaires.
Cette année, les droits d'inscription n'augmentent que de 0,7 %, soit la plus faible augmentation jamais enregistrée depuis dix ans, tout juste comme l'inflation. Toutefois, un débat est intervenu sur la question de l'opportunité d'augmenter le niveau de ces droits pour les étudiants étrangers extra-communautaires. Il a été décidé, en définitive, que ces droits ne seraient pas augmentés pour ces étudiants.
Je poursuis sur les éléments pour lesquels vous avez sollicité des éclairages :
- la mise sous administration provisoire de la LMDE résulte d'un arbitrage politique qui reste favorable à sa pérennité. Nous travaillons avec la Mutuelle générale de l'éducation nationale (MGEN) afin de permettre l'intégration en son sein de la mutuelle étudiante, tout en sauvegardant l'identité de la LMDE dans le dispositif. Car, malgré les problèmes relevés, beaucoup d'efforts ont été réalisés pour améliorer les choses. La préservation de l'identité de cette mutuelle étudiante est cruciale, car elle favorise une prise de conscience chez les étudiants des enjeux sanitaires qui leur sont propres. La mise sous administration provisoire intervient à un moment certes difficile, qui explique le recours déposé par les organisations étudiantes. Notre objectif reste celui d'une meilleure gestion, car il n'est pas normal que des étudiants aient à attendre plusieurs mois le remboursement de leurs frais médicaux ;
- les SUMPPS devraient prochainement changer d'appellation, pour devenir des « Campus santé » ou des « points santé », afin que leurs missions soient davantage compréhensibles auprès des publics auxquels ils s'adressent. Les soins médicaux les plus négligés chez les étudiants sont les soins dentaires, gynécologiques et ophtalmologiques, souvent pour des raisons qui tiennent au manque de moyens mais aussi à une insuffisante sensibilisation et à un manque de préoccupation. Des cellules psychologiques d'accompagnement ont été mises en place au sein de ces « points santé », en particulier à destination des étudiants étrangers qui se trouvent parfois en situation d'isolement. Or, ce type de détresse psychologique peut handicaper tout au long de la vie s'il n'est pas pris en charge au bon moment. Nous disposons aujourd'hui de 24 « points santé », nous souhaitons en créer une trentaine ;
- les dépenses de logement accaparent bien souvent près de de la moitié du budget des étudiants, voire plus en Île-de-France. Le ministère a commandé deux missions, conduites respectivement par MM. Marc Prévost et Roland Peylet, destinées à identifier de façon pragmatique les verrous qui pèsent sur la création de logements universitaires. Aujourd'hui, seulement 38 % des opérations sont conduites dans le cadre d'un partenariat public-privé (PPP). Pour le reste, ont pu être mises en place des sociétés de réalisation impliquant des montages innovants de coopération, notamment avec la Caisse des dépôts et consignations à Bordeaux et une autre partie des opérations a fait l'objet d'une reconversion en loi « MOP » (relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'oeuvre privée). Notre ambition est de créer 45 000 logements en cinq ans. Nous comptons nous appuyer sur deux dispositifs : le déblocage des plans campus, qui devrait permettre notamment de construire 13 000 logements étudiants en Île-de-France, région où les dépenses de logement sont les plus coûteuses, mais aussi de développer le logement étudiant dans d'autres métropoles, comme Créteil, où il existe de fortes tensions sur le marché de l'immobilier, ou encore Lille, Grenoble, Lyon... Nous examinons également la possibilité de pousser les loyers à la baisse et nous envisageons de généraliser le dispositif de caution locative étudiante (CLÉ). Nous avons la possibilité de mettre en service 42 916 places en centre régional des oeuvres universitaires et scolaires (CROUS) à des coûts accessibles. Je citerai l'exemple de Bordeaux où l'effort sur le foncier gratuit mis à disposition a permis que le reste à payer pour les étudiants se limite à 136 euros par mois pour des logements très confortables. Nous avons également pris soin de remettre les collectivités territoriales, en particulier les régions et les intercommunalités, autour de la table alors qu'auparavant tout avait été fait pour les exclure, notamment dans le cadre des PPP. Si tout se déroule dans les temps, au 1er janvier 2018, nous devrions disposer de 43 000 places nouvelles accessibles pour le logement étudiant.
Les collectivités étant aussi largement concernées par le financement des universités et de la recherche, j'aimerais savoir si ce point a été abordé lors des discussions interministérielles relatives à la redéfinition de leurs compétences ?
Notre volonté d'activer l'État stratège en matière de CSTI implique une collaboration entre le ministère de l'enseignement supérieur et la recherche, d'une part, et le ministère de la culture et de la communication, d'autre part. Il va sans dire que, de la même façon, le dialogue est permanent au sein du « grand ministère de l'avenir » tel que Benoît Hamon et moi-même aimons à qualifier notre ministère.
L'insertion professionnelle est une préoccupation essentielle pour les jeunes, qui nous demandent de nous saisir de cette question, et dont je me félicite qu'ils soient représentés à la conférence sociale. L'alternance est un bon moyen de familiariser la jeunesse à l'entreprise, de même que les stages, à condition cependant de n'y avoir recours que dans une stricte perspective de formation, ce à quoi j'ai veillé lors de la discussion de la proposition de loi adoptée le mois dernier. Afin que la première année d'enseignement supérieur n'aboutisse plus à un taux d'échec moyen de 50 %, nous devons favoriser les conditions de l'insertion professionnelle en maintenant notre effort sur le socle général des enseignements : si, compte tenu des débouchés, seulement 10 % des étudiants ayant suivi une filière de psychologie deviennent psychologues, on observe que 80 % de ces mêmes étudiants parvenus au niveau master trouvent un emploi, grâce à leur polyvalence.
Un quart des étudiants américains ayant créé une entreprise, et un tiers des étudiants français déclarant vouloir le faire, nous avons institué un statut d'étudiant-entrepreneur et constitué les pôles étudiants pour l'innovation, le transfert et l'entrepreneuriat (PEPITE). Le dispositif sera prêt à la rentrée et nous nous efforcerons d'avoir une approche pragmatique dans sa mise en oeuvre.
S'agissant des regroupements, et pour contrecarrer quelque peu le double langage de certains acteurs tentés de masquer leurs difficultés propres en invoquant la responsabilité du ministère - comme d'autre le font en invoquant l'Europe - j'affirme que nous n'imposons, rien : ni oukase pour la date butoir, ni chantage. Le ministère n'a pas de lubie qui conduirait à l'instauration de strates supplémentaires dans le paysage universitaire ; nous raisonnons simplement en termes de stratégie de site, pour un meilleur travail commun, une meilleure coopération avec les collectivités et pour l'égal accès à l'enseignement dans tous les territoires. C'est en ce sens que l'action de l'État stratège est parfaitement compatible avec l'autonomie des universités et des collectivités territoriales.
Nous nous attendions à une trentaine de regroupements et nous observons que 25 sont en préparation dont 5 associations et 20 COMUE. Peu importe la structure choisie par les acteurs de terrain (fusion, association, association renforcée, formule mixte...), c'est bien le contenu des accords qui prime.
S'agissant des associations, nous avons dû revenir sur la notion de chef de file pour expliquer qu'il fallait bien identifier l'entité devant contracter avec l'État pour valider le projet.
La date du 22 juillet - que la plupart des projets pourront respecter car nous avons déjà reçu les statuts de 16 projets sur 20 - n'a pas été fixée comme un couperet mais plutôt comme un objectif destiné à mobiliser les énergies. En cas de nécessité, quelques délais pourront être accordés : à Paris, le dialogue a été difficile et nous avons été confrontés au fait que les trois principaux promoteurs du projet ne sont plus en fonction, mais nous comptons sur la médiation de M. Jean-Richard Cytermann pour parvenir à un accord en septembre.
J'ai été interrogée sur les enseignements non dispensés en français. Ceux-ci nous ont déjà permis de passer du 5ème au 3ème rang pour l'accueil des étudiants étrangers (et toujours au premier rang auprès les étrangers francophones). Sur un sujet voisin, je voudrais aussi citer les MOOCs (« massive open online courses »), qui me paraissent tout à fait adaptés aux attentes et demandes venant de l'étranger, en particulier d'Afrique.
Je reviens sur la clause de représentation de 75 % des établissements membres d'une COMUE sur les listes de candidats au conseil d'administration. Nous l'avons abordée un peu rapidement lors des débats sur le projet de loi relatif à l'enseignement supérieur et à la recherche, sans mener d'étude d'impact. Or, pour que les regroupements soient viables, cette clause doit être supprimée. Je prendrai l'exemple de Saclay, qui constitue la première COMUE à avoir déposé ses statuts bien que son conseil d'administration comprenne 26 membres et rassemble 23 composantes. En gardant la clause que vous avez votée, nous devrions avoir un conseil d'administration de 140 membres. C'est ingouvernable ! Le même problème se pose à Toulouse et à Bordeaux. J'ajoute qu'on ne peut considérer tous les membres strictement à égalité dans le processus de décision lorsque leur taille varie du simple au décuple. Il n'y a pas d'obstacles à ce que les membres se rapprochent par affinités ou par types de formation et se sentent représentés par un autre établissement membre au conseil d'administration. C'est pourquoi nous revenons sur la clause des 75 % au prix d'un cavalier dans le projet de loi d'avenir pour l'agriculture, qui devrait revenir en deuxième lecture au Sénat avant la fin de la session extraordinaire.
Les chiffres de l'emploi scientifique n'ont pas connu d'évolution significative en volume, mais il est vrai que la structure d'emploi a changé. Prenons le CNRS, qui est le plus gros établissement public à caractère scientifique et technologique (EPST). Le nombre de fonctionnaires est resté quasiment constant sur les sept dernières années, sans que la révision générale des politiques publiques (RGPP) ait eu une influence. En revanche, le nombre de contractuels en contrat à durée indéterminée (CDI) a diminué tandis que le nombre de contrats à durée déterminée (CDD) augmentait. C'est l'effet de la croissance des appels à projet, notamment dans le domaine des sciences de la vie. Nous avons donc décidé de fixer un plafond de recours au CDD pour mener des recherches afin de limiter la précarisation.
Nous avons systématiquement remplacé tous les départs à la retraite de chercheurs au cours des dernières années et nous négocions sur la même base le budget de l'année prochaine avec le ministère des finances.
L'embauche des docteurs dépend en partie du nombre de départs à la retraite. Une diminution du nombre des départs entraîne mécaniquement une diminution des emplois disponibles pour les jeunes docteurs. Il convient donc de stimuler aussi l'embauche de docteurs dans le secteur privé, quitte à introduire éventuellement une clause de conditionnalité pour les entreprises recevant des financements publics.
Nous les soutenons ! L'emploi des docteurs est un combat que nous menons branche par branche dans le secteur privé et corps par corps dans la fonction publique. Un accord a été conclu avec l'inspection générale des affaires sociales (IGAS) pour intégrer dans ce corps prestigieux deux docteurs par an. Auprès d'autres corps, le dialogue est plus difficile, mais nous devons parvenir à bousculer les habitudes en promouvant la transversalité des approches.
Les propositions du comité chargé de la stratégie nationale de l'enseignement supérieur sont innovantes en matière de numérique, de rayonnement international, de qualité des enseignements, d'interdisciplinarité, d'esprit d'entreprise. Nous les reprenons très largement à notre compte. Un point mérite particulièrement l'attention : la formation tout au long de la vie au sein de l'université doit être revitalisée, car on ne peut se satisfaire d'une part de marché globale de 2,98 %. La formation continue des enseignants dans les écoles supérieures du professorat et de l'éducation (ÉSPÉ) devrait être un levier majeur.
Par ailleurs, les discussions avec la CPU à propos du système SYMPA se poursuivent. Nous souhaitons qu'il constitue une aide à la décision simple et lisible, car au fil du temps, cet instrument a au contraire accumulé complexités et dysfonctionnements. En revanche, nous refusons qu'un outil technique se substitue à la décision politique.
En matière de handicap, je dirai simplement que la loi s'impose aux grandes écoles comme à tous les établissements recevant du public. Nous serons vigilants lors de l'établissement des contrats d'objectifs et de l'attribution des dotations. L'Institut d'études politiques de Paris, qui possède des bâtiments anciens difficiles à aménager, devrait au moins procurer les auxiliaires de vie scolaire (AVS) nécessaires à ses étudiants handicapés. Je salue aussi l'action du réseau des oeuvres et des bailleurs sociaux pour mettre aux normes les logements étudiants. Ils ont produit un effort important, qui bénéficie aujourd'hui à tous les étudiants.
Permettez-moi de signaler la journée d'études organisée conjointement par l'Agence de mutualisation des universités et des établissements d'enseignement supérieur (AMUE), la conférence des présidents d'université (CPU) et le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche pour introduire la politique du handicap au coeur de la stratégie des établissements.
J'aimerais revenir sur la situation de l'université des Antilles après l'avis favorable du Conseil d'État sur le projet d'ordonnance tirant les conséquences de la création de l'université autonome de Guyane. Il est de la responsabilité du ministère de protéger la démocratie universitaire et le droit commun sans céder aux pressions locales.
Nous avons accepté la demande de création d'une université de la Guyane après avoir constaté que les postes affectés à l'ancien pôle n'avaient pas été attribués dans les faits. En outre, 5 % seulement des jeunes Guyanais poursuivent des études supérieures contre 42 % des jeunes en métropole. Malgré de beaux bâtiments bien équipés et un potentiel de recherche très intéressant, en particulier sur la biodiversité et en océanographie, la composante guyanaise ne se sentait pas reconnue et respectée comme elle le méritait. Bien sûr, cette décision a pu faire réagir en Guadeloupe.
Il y a eu des tensions et des discussions, l'avenir de l'université des Antilles étant aussi pris comme prétexte pour mener d'autres combats. Nous devons éviter toute confusion et toute instrumentalisation des débats. Il me semble que nous sommes arrivés aujourd'hui à un point d'équilibre et que les collectivités territoriales travaillent désormais en bonne intelligence. Dans les cas de malversations qui nous ont été communiqués, nous avons pris les mesures de suspension administrative qui s'imposaient et la Cour des comptes a transmis au procureur les motifs de poursuites qui peuvent aboutir à des condamnations pénales.
Serait-il possible de dresser le bilan des modalités d'enseignement des soins palliatifs en France, domaine dans lequel l'offre médicale est, par ailleurs, encore quasi inexistante ? La recherche et l'enseignement supérieur dans ce domaine ne sont pas du tout à la hauteur de l'ambition affichée de développer une capacité d'accueil de 200 000 à 300 000 patients chaque année. Il nous faut un inventaire de l'existant, même si, dans l'université, certains sont vent debout contre l'idée de développer cette formation. Je rappelle que c'était la même chose en matière de soins d'urgence, il y a quelques années, et que la situation a heureusement évolué.
Je vous alerte, madame la Ministre, sur le risque de voir s'affaiblir les antennes universitaires. La tendance à la concentration vers le pôle central est inquiétante pour les villes moyennes. Les universités subordonnent leur maintien à des participations financières importantes des communautés d'agglomération. Sans action vigoureuse, on risque de freiner la démocratisation de l'enseignement supérieur.
J'ai pris plaisir à entendre la ministre vanter les réalisations bordelaises. Nous avons résisté à la facilité du partenariat public-privé au prix de délais supplémentaires mais la solution que nous avons adoptée devrait faire école.
Dans la future répartition des compétences entre les niveaux de collectivités, les régions devraient fortement porter la politique de recherche. C'est le bon niveau de subsidiarité. L'Aquitaine donne l'exemple d'un conseil régional qui a fait de la recherche un pilier de sa politique de développement en lien avec le milieu économique et au service de la création d'entreprises.
Concernant les soins palliatifs, le sujet est sur la table. L'expérimentation sur la diversification de l'accès aux études médicales nous pousse à avoir une réflexion commune avec le ministère des affaires sociales et de la santé. Le vieillissement de la population et l'allongement de la durée de la vie avec une maladie chronique amènent à des qualifications que nous n'avons pas encore, même si nous avons déjà pris un certain nombre de mesures. La médecine générale est devenue une spécialité à part entière. Nous manquons de médecins généralistes et nous en avons de plus en plus besoin. De même apparaît des métiers intermédiaires comme l'infirmier praticien. Nous sommes très en retard par rapport à certains États comme le Canada qui dispose d'un réseau sanitaire et social similaire. Comme les distances sont grandes, ils utilisent beaucoup les plateformes numériques comme la télémédecine et le télédiagnostic.
L'avenir de la loi Leonetti n'est pas encore tranché. C'est un sujet sensible et je souhaite une discussion sereine et sans polémique. La philosophie que l'on peut avoir sur le sujet peut être complètement remise en cause par le vécu. Et il faut également tenir compte des différentes cultures des uns et des autres.
Actuellement, le mode de sélection pour les études médicales prend essentiellement la forme de questions à choix multiple (QCM) en biologie, physique et mathématiques, y compris, de façon plus surprenante, en sciences humaines et sociales. Nous avons la volonté de diversifier cette sélection car aujourd'hui je suis sûre que beaucoup de très bons médecins nous échappent. Le facteur humain doit être mieux pris en compte de manière générale dans la formation médicale.
Concernant les antennes, face aux menaces de fermeture, mon ministère les a toujours soutenues, que ce soit à Béziers, à Albi ou encore sur d'autres sites. J'ajoute que toutes les antennes dépendant d'une école supérieure du professorat et de l'éducation (ÉSPÉ) ont été maintenues. Sans compter que la scolarisation à proximité du domicile des parents se révèle bien moins coûteuse.
Par ailleurs, chacun a pris conscience de la nécessaire revalorisation des filières technologiques. Je partage votre préoccupation et je pense qu'il faut avoir une vision allant du lycée à l'enseignement supérieur (bac - 3/bac + 3) de toutes ces filières. Les IUT, qui sont des établissements de proximité, constituent souvent une porte d'entrée non négligeable pour les jeunes issus des territoires ruraux pour accéder à l'enseignement supérieur.
La réunion est levée à 12 h 15.