Séance en hémicycle du 23 octobre 2014 à 15h00

Résumé de la séance

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La séance

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La séance, suspendue à douze heures vingt-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Hervé Marseille.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

L’ordre du jour appelle les questions cribles thématiques posées à M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, sur les accords de libre-échange, thème choisi par le groupe UMP.

Je rappelle que l’auteur de la question et le ministre pour sa réponse disposent chacun de deux minutes. Une réplique d’une durée d’une minute au maximum peut être présentée soit par l’auteur de la question, soit par l’un des membres de son groupe politique.

La parole est à Mme Bariza Khiari, pour le groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, au cours de cette séance de questions cribles thématiques consacrée aux accords de libre-échange, il sera souvent question du traité que la Commission européenne et le Canada ont dévoilé le mois dernier. Permettez-moi de profiter de l’occasion qui m’est donnée, en tant que première oratrice, pour exprimer notre entière solidarité avec le Canada, dont le Parlement fédéral a été hier pris pour cible par un tireur, pour faire part de notre profonde tristesse et faire preuve de compassion à l’égard tant de la famille du soldat tué que de l’ensemble du peuple canadien.

Monsieur le secrétaire d’État, voilà presque un mois, le 26 septembre dernier, la Commission européenne et le Gouvernement fédéral du Canada ont dévoilé le contenu du traité de libre-échange, le CETA – Comprehensive Economic and Trade Agreement. Les négociations avaient commencé en 2009 entre la Commission et le Canada et, à l’instar de celles qui concernent les autres traités de libre-échange, elles ont été menées pour le moins dans une très grande opacité.

Ce mode de négociation pose une réelle question démocratique, d’autant que ce traité porte, entre autres, sur les produits, les services, les investissements et les achats publics, domaines qui touchent de près le fonctionnement de notre économie et de nos territoires.

Mais surtout, ces secteurs sont abordés dans un document de 521 pages, assorties de 1 000 pages d’annexes : après la stratégie de rétention d’information, voici celle de la profusion ! Dans un cas comme dans l’autre, la question de l’accessibilité et de la lisibilité du texte ne permet pas le fonctionnement de règles démocrates saines et vient nourrir plus que de raison l’euroscepticisme.

Les orateurs qui me succèderont vont sans doute vous interroger sur le mécanisme de règlement des différends, mécanisme qui revient à créer une justice arbitrale privée dont la finalité est de protéger les investisseurs, mais qui entrave la capacité de régulation des États.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Aussi ma question ne portera-t-elle pas sur cet aspect essentiel, mais sur un thème qui intéresse aussi au plus haut point le Sénat : les indications géographiques protégées.

Celles-ci sont, en fait, un label européen désignant un produit dont les caractéristiques sont liées au lieu géographique de production, comme, par exemple, le riz de Camargue. Si ces indications géographiques protégées ont en Europe une dimension publique liée au territoire, en Amérique du Nord, cette appellation recouvre des marques qui appartiennent aux entreprises. Ainsi, une société canadienne peut dénommer sa production locale « jambon de Parme ». Depuis plusieurs années, cette asymétrie juridique est l’objet d’intenses débats, car il ne saurait être question que, au nom d’un traité, soient commercialisés en Europe du « jambon de Parme », du « riz de Camargue » ou du « champagne » produits hors des territoires européens.

À l’occasion d’une séance de questions d’actualité à l’Assemblée nationale, Matthias Fekl, secrétaire d’État chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger, a annoncé des avancées importantes concernant les indications géographiques et leur prise en compte dans le CETA. Pourriez-vous, monsieur le secrétaire d’État, nous donner davantage de précisions ?

Debut de section - Permalien
Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de mon collègue Matthias Fekl, qui se trouve aujourd’hui en Chine.

Avant de répondre à votre question, madame Khiari, je souhaite m’associer à votre déclaration, témoigner à mon tour notre sincère solidarité envers le peuple, le Parlement et le Gouvernement canadiens, leur dire combien notre émotion est grande, et leur faire part de notre volonté commune de faire face à de telles menaces terroristes, dont nous connaissons, malheureusement, la réalité.

Madame le sénateur, vous avez abordé le sujet de façon globale. Je partage vos préoccupations générales, mais permettez-moi, dans les deux minutes qui me sont imparties, de répondre le plus précisément possible à votre question relative aux indications géographiques. Sur ce point, le résultat obtenu avec le Canada nous semble satisfaisant.

Vous le savez, initialement, ce pays était réticent à cette problématique. L’accord qui a été conclu marque donc un réel progrès, tout comme celui qui était intervenu avec la Corée du Sud en 2011.

Les indications géographiques relatives aux vins et spiritueux, déjà protégées par l’accord conclu entre l’Union européenne et le Canada au mois de septembre 2003, voient leur protection renforcée, car elle figure de nouveau dans l’accord en cause. Quarante-deux indications géographiques françaises bénéficieront d’une protection totale, un recours administratif étant possible. Je pense notamment à des spécialités comme les pruneaux d’Agen, les canards à foie gras du Sud-Ouest, ou encore le piment d’Espelette. Vous-même avez cité le riz de Camargue.

Quelques exceptions à la protection donnée ont néanmoins été octroyées. Le système canadien de marque déposée pourra, dans certains cas, coexister avec certaines indications géographiques européennes, mais la mention « sorte de », « type de », ou encore « style canadien » devra être apposée.

L’avancée enregistrée présente l’avantage de démontrer que les indications géographiques et les marques déposées peuvent coexister, formant ainsi un précédent positif, en vue, notamment, des négociations dans le cadre du Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement. Elle sera, en tout cas, un point d’appui important.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Monsieur le secrétaire d'État, j’avais effectivement noté ces progrès qui avaient été annoncés par Matthias Fekl.

Toutefois, en tant que socialistes, nous nous situons au juste milieu : nous nous opposons tant au libre-échange généralisé qu’au protectionnisme. Au regard de cette position, il me semble qu’il conviendrait d’examiner le traité à l’aune du « juste échange », tel qu’il a pu être défini par notre éminent ancien collègue Henri Weber : réciprocité, équilibre, équité, respect des normes internationales et intégration des normes non marchandes. Mais ce débat aura lieu, puisque ce traité doit, bien évidemment, être validé par le Parlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

La parole est à M. Joël Guerriau, pour le groupe UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Guerriau

Au mois de décembre dernier, le Gouvernement s’est réjoui d’avoir signé l’accord avec les États membres de l’Organisation mondiale du commerce, l’OMC, lors de sa neuvième conférence ministérielle.

Cet accord allège les procédures de passage des frontières des marchandises dans l’objectif de réduire sensiblement le coût d’une opération de commerce international. Selon le Gouvernement, il devait bénéficier en premier lieu aux petites et moyennes entreprises.

En France, un millier de PME seulement réalisent à elles seules 70 % des exportations. Elles sont respectivement deux fois et trois fois moins nombreuses qu’en Italie et qu’en Allemagne.

Les PME françaises ont sans nul doute un potentiel important de croissance à l’export. Toutefois, la mondialisation des échanges n’a de sens que si elle s’accompagne d’un cadre juridique précis, faute de quoi nous offrons une position avantageuse aux entreprises de pays qui ne s’imposent ni contrainte fiscale, ni règles de protection sociale, ni ambition environnementale.

Le libre-échange a fait de la Chine l’atelier du monde à moindre coût. Il a favorisé la libre circulation des capitaux pour échapper à l’impôt. Au sein de l’Europe, les flux de main-d’œuvre Est-Ouest ont contribué à créer des distorsions de compétitivité entre États membres dont nous constatons parfois les conséquences dans nos propres régions.

C’est un fait, le libre-échange inquiète nos citoyens.

Échanger avec des pays qui ne respectent pas les mêmes normes sociales revient à commercer sur le dos de la pauvreté. Un libre-échange dépourvu de fondement humaniste encourage l’exploitation de l’homme par l’homme.

Monsieur le secrétaire d’État, je continue de croire que l’on ne prospère véritablement que lorsque l’on tire l’humain vers le haut. À cette fin, tout doit être mis en œuvre pour lutter contre la concurrence déloyale dont font preuve les pays qui entretiennent volontairement de bas niveaux de salaires et de protection sociale au seul profit de bénéfices immédiats.

Quel est l’intérêt d’importer aujourd’hui ce que nous produisions hier à meilleure qualité ? Les nouvelles puissances commerciales assument-elles véritablement leurs responsabilités pour, par exemple, lutter contre le réchauffement climatique, contribuer au progrès social ou agir en faveur de la sécurité alimentaire ? Dans le cadre de la négociation des accords transatlantiques et des travaux de l’OMC, quelles mesures le Gouvernement prend-il afin de défendre nos exigences sociales et environnementales ?

Pouvez-vous nous dire, monsieur le secrétaire d’État, quels bénéfices réels la France a obtenu depuis l’accord de 2013 au sein de l’OMC ? Quelles sont les mesures prises par le Gouvernement pour encourager et accompagner nos PME à l’exportation ? §

Debut de section - Permalien
Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État

Monsieur le sénateur, votre question est double : d’une part, l’OMC et, d’autre part, les problèmes liés à ce que l’on appelle le « dumping social ».

Vous le savez, le Conseil général de l’OMC, qui s’est réuni le 21 octobre à Genève, n’a pu que constater le blocage de l’Inde, empêchant la mise en œuvre des différentes décisions prises lors de la conférence ministérielle de l’Organisation à Bali à la fin de l’année dernière, en particulier la finalisation de l’accord sur la facilitation des échanges.

S’ouvre ainsi au sein de l’Organisation mondiale du commerce une période de réflexion. C’est un euphémisme, car nous considérons que la situation est grave pour l’OMC et pour le multilatéralisme commercial, lequel répond à notre vision de l’organisation et de la régulation du monde et reste une priorité nationale et européenne. Le G20 des chefs d’État de Brisbane sera sollicité sur ce sujet, afin de tenter de trouver une solution. Une certaine inquiétude se fait jour, car la succession de traités bilatéraux ou transcontinentaux n’est pas l’objet premier de la politique diplomatique et commerciale que nous voulons mettre en œuvre au plan international.

Quant à la question du dumping social, les accords de libre-échange incluent, vous le savez également, monsieur le sénateur, un chapitre sur le développement durable qui reconnaît les principes généraux issus des conventions internationales – conventions de Rio, de l’Organisation internationale du travail et autres. Les parties s’engagent à développer leurs relations commerciales dans le respect tant des normes sociales et environnementales que des accords internationaux dans ce domaine.

De façon générale, la France et l’Europe portent des exigences environnementales et sociales fortes en matière de politique commerciale. En témoigne, par exemple, le schéma de préférences généralisées de l’Union européenne. Ce dernier récompense par des baisses de droits de douane les pays en développement ayant ratifié les principales conventions internationales relatives aux sujets précités, mais nul ne doute qu’il y a matière à réaliser bien des progrès dans ce domaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Guerriau

Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, de votre réponse, qui montre que nous tentons de résister aux débordements qui se produisent au titre du libre-échange.

Lors de l’élaboration de l’accord sur la facilitation des échanges, la Chambre de commerce internationale avait affirmé que, de ce fait, le commerce mondial allait être stimulé de l’ordre de 1 000 milliards de dollars et que 21 millions d’emplois seraient créés. Nous restons dubitatifs.

Je ne voudrais pas que, derrière ce leurre, le libre-échange devienne le cheval de Troie visant à démanteler nos ambitions sociétales, en particulier en matière environnementale et sociale. Nous avons une coresponsabilité en la matière. Nous devons faire en sorte que les droits humains demeurent un élément indiscutable et non négociable des accords, afin que nos échanges s’effectuent dans le respect de l’humanité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ma question porte sur le système d’arbitrage investisseurs-État, sujet qu’a évoqué brièvement tout à l’heure notre collègue Bariza Khiari.

Avant même l’adoption du mandat de négociation sur le traité transatlantique, le Sénat avait fait part de son inquiétude sur ce point précis. Un tel système soulève en effet de nombreuses questions, en matière d’indépendance des arbitres, d’accessibilité de la justice, et in fine de droit des États à faire respecter les normes.

J’observe que, actuellement, les États-Unis sont les premiers investisseurs directs dans l’Union européenne, et réciproquement, sans aucun traité bilatéral.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Il est donc permis de s’interroger : en quoi ce système d’arbitrage investisseurs-État est-il si nécessaire ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Je relève aussi que les États-Unis ont déjà conclu des accords de libre-échange sans un tel mécanisme d’arbitrage avec l’Australie, Singapour et Israël. C’est aussi ce que font valoir nos partenaires allemands, par la bouche du ministre fédéral de l’économie, Sigmar Gabriel, et du ministre de la justice, Heiko Maas.

Pourtant, le mandat de négociation finalement adopté par le Conseil prévoit explicitement l’inclusion d’un tel mécanisme. Il assortit malgré tout son activation de conditions strictes. C’est ce qui a permis hier au président Juncker d’être très ferme devant le Parlement européen. Il a affirmé que l’accord final ne comporterait « aucun élément de nature à limiter l’accès des parties aux juridictions nationales ou qui permettrait à des juridictions secrètes d’avoir le dernier mot dans des différends opposant investisseurs et États. » Il concluait : « L’État de droit et le principe de l’égalité devant la loi doivent s’appliquer aussi dans ce contexte. »

Monsieur le secrétaire d’État, je ne peux que me féliciter de ces paroles, mais je reste inquiet. Croyez-vous possible de conclure un accord ambitieux avec les États-Unis qui ne prévoit pas d’arbitrage entre investisseurs et États ?

J’ajouterai, d’une façon beaucoup plus générale, que les traités commerciaux ne prévoient que l’information du Parlement européen sur la négociation d’un accord commercial par l’Union. Pourtant, le traité de libre-échange transatlantique, le TTIP, parce qu’il sera un accord mixte, devrait être ratifié non seulement par le Parlement européen, mais aussi par les parlements nationaux. Il serait donc légitime de tenir ces derniers pleinement informés à toutes les étapes de la procédure. Quels engagements pourriez-vous prendre aujourd’hui à cet égard envers le Sénat ? §

Debut de section - Permalien
Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État

Monsieur le sénateur, votre question est importante, je dirai même stratégique, et porte sur deux points, dont le premier est la transparence.

Vous le savez, le Gouvernement a demandé à la nouvelle Commission européenne de travailler dans la plus grande transparence par rapport aux États lui ayant donné mandat. Ceux-ci, du moins la France, ont bien l’intention de faire en sorte que leur soient communiqués, étape après étape, les divers éléments d’information. Au final, évidemment, le Parlement national aura son mot à dire sur la validation ou non du traité en cause.

J’en viens maintenant au mécanisme de règlement des différends.

Comme vous le savez également, la France a déjà conclu plus de cent accords bilatéraux de protection des investissements avec des pays tiers comportant un mécanisme d’arbitrage international afin de préserver les intérêts de nos entreprises qui investissent à l’étranger. Chaque fois, ces accords ont évidemment été soumis au Parlement, qui n’a trouvé en la matière aucun risque de perte de souveraineté. Encore fallait-il que les choses soient dûment calibrées et précisées.

Ces accords peuvent être un enjeu de compétitivité et de développement de nos entreprises à l’international.

S’agissant plus particulièrement du traité avec les États-Unis, ce sujet fait débat depuis le début, et vous ne l’ignorez pas, la France n’était pas demandeuse en la matière. Le mandat de négociation prévoit que les États membres peuvent décider d’inclure ou non le mécanisme précité dans le TTIP au regard des critères de transparence, d’impartialité et de respect des droits des États à réguler.

Par conséquent, au cours de la négociation et jusqu’au terme de celle-ci, nous gardons la totale souveraineté de nos décisions sur ce point, notamment en ce qui concerne le contrôle des investissements.

J’ai noté avec satisfaction, comme vous, les propos tenus hier par le nouveau président de la Commission européenne, M. Juncker. Il a posé des conditions très strictes à l’introduction d’un tel mécanisme dans l’accord avec les États-Unis. Je souhaite que, au Conseil, les débats sur le maintien ou non de l’ISDS – investor-state dispute settlement – dans le TTIP s’engagent sur cette base, qui comporte à la fois un mandat d’exigence pour notre négociateur et un enjeu de souveraineté pour notre pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Monsieur le secrétaire d’État, je prends note des informations que vous avez bien voulu nous livrer.

D’abord, en ce qui concerne l’information du Parlement et le débat qui pourrait avoir lieu en son sein, je me permets de vous le rappeler, j’apprécie la façon dont ce type de discussions peut s’engager avec les parlements nationaux dans les pays d’Europe du Nord. Une telle pratique permettra in fine, sans doute dans un certain nombre d’années, de cristalliser quelque peu les négociations. Je souhaite que les parlements nationaux puissent définir un mandat qui sera ensuite exécuté par le commissaire européen chargé du commerce extérieur, à l’heure actuelle Mme Cecilia Malmström. Nous faillirions à notre mission si nous n’adoptions pas une telle architecture.

Ensuite, s’agissant de l’ISDS, vous avez souligné, en réponse à la question posée par Joël Guerriau, que le multilatéralisme ne se portait malheureusement pas bien au sein de l’OMC. En revanche, l’organisation et le fonctionnement de l’organe de règlement des différends ont jusqu’à présent toujours donné satisfaction. Nous pourrions peut-être nous en inspirer, au lieu de créer un système supplémentaire par le biais des ISDS.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

La parole est à Mme Françoise Laborde, pour le groupe du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Laborde

Monsieur le secrétaire d’État, voilà un mois, la Commission européenne est parvenue à un accord de libre-échange avec le Canada. À l’instar de mes collègues, mes pensées vont vers le peuple canadien qui a subi hier des violences inacceptables.

Cet accord prend acte de l’ouverture d’un contingent à droits de douane nuls de 50 000 tonnes en faveur des viandes bovines canadiennes. Prochainement, plusieurs centaines de milliers de tonnes de viandes bovines en provenance des États-Unis et des pays du Marché commun du Sud, le Mercosur, pourraient arriver, dans les mêmes conditions douanières, sur le sol européen et dans l’assiette de nos consommateurs.

Il s’agit bien évidemment d’une viande extrêmement compétitive, puisqu’elle est produite selon des systèmes fondés sur la seule rentabilité et bénéficiant d’une quasi-absence de réglementation des conditions de production, ce qui n’a rien à voir avec les normes en vigueur de ce côté de l’Atlantique.

On mesure l’incidence considérablement négative qu’auraient de telles importations sur la production européenne et sur le revenu des éleveurs.

Monsieur le secrétaire d’État, dans les accords de libre-échange, il ne suffit pas de classer la viande bovine au sein de la catégorie des produits sensibles ! Il faut faire davantage pour protéger nos producteurs et pour maintenir une viande bovine de qualité pour nos consommateurs.

En clair, la viande bovine ne doit pas servir à l’Europe de monnaie d’échange pour obtenir mieux ou plus dans d’autres secteurs considérés comme prioritaires. Il faut bien le mesurer, ce qui est en jeu, c’est le maintien d’une filière bovine européenne et française rentable et d’excellence. C’est aussi de l’emploi des éleveurs français qu’il est question !

Le Gouvernement français a-t-il pris la mesure de ce qui se joue pour la filière bovine française avec les accords de libre-échange ? A-t-il l’intention de s’engager auprès de la Commission européenne en faveur d’une exclusion de la viande bovine de ces accords ? §

Debut de section - Permalien
Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État

Madame le sénateur, votre question est très importante pour nos agriculteurs, dans un pays comme le nôtre, défenseur de la filière bovine. Il est parfaitement légitime que la représentation nationale, à travers vous, soit exigeante à l’égard du Gouvernement. Toutefois, vous le savez, Stéphane Le Foll a eu l’occasion à plusieurs reprises de démontrer sa mobilisation en faveur de la défense de cette filière, dont le rôle est stratégique pour notre agriculture et nos agriculteurs. Croyez bien à l’engagement très sincère et puissant du Gouvernement, au plan tant national, qu’européen et international.

Vous l’avez dit, dans les traités de libre-échange, cette question est essentielle. Nous voulons défendre la filière de production française lors de chaque négociation. Vous avez eu raison de souligner que le bœuf est un produit sensible, comme la viande de porc, le sucre et l’éthanol. C’est entendu avec la Commission, nous refusons que soient abaissés les tarifs douaniers européens à zéro sur ces marchandises. Ce point fait partie du mandat de négociation.

En revanche, des quotas à droit zéro peuvent être octroyés à nos partenaires commerciaux pour de la viande de bœuf, bien sûr exclusivement sans hormones, ce qui…

Debut de section - Permalien
Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État

… apporte une clarification importante par rapport à la production nord-atlantique.

Dans le cas du Canada, l’Union européenne a octroyé un quota en franchise de droits de 45 780 tonnes de viande de bœuf sans hormones. Ce quota sera atteint progressivement en cinq ans. En échange, le Canada a attribué un nouveau contingent sans droits de douane pour les fromages européens – cette demande émane évidemment aussi de la France – de 18 500 tonnes qui concerne donc largement la filière bovine.

Ces quotas ne perturberont pas le marché européen. Je vous l’affirme, ce que nous avons négocié avec le Canada ne servira pas de base à la discussion avec les États-Unis. La négociation avec le Canada est une chose ; celle que nous aurons avec les États-Unis en est une autre, si le processus se poursuit. Je ne veux pas anticiper sur les résultats d’une discussion dont, je le rappelle, mesdames, messieurs les sénateurs, vous aurez, en tant que parlementaires, à juger.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

La parole est à Mme Françoise Laborde, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Laborde

Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de votre engagement. Je saurai m’en souvenir.

Ma réplique sera à dominante locale. La Haute-Garonne est trop souvent classée parmi les départements dits « urbains » en raison de la présence de la métropole toulousaine et de la place importante de son industrie aéronautique. Pourtant, le secteur agricole est bien présent sur ce territoire. Il peut s’appuyer notamment sur le pôle d’excellence Agrimip.

Or ce secteur souffre. Il est pris en étau entre une zone urbaine qui se développe et des contraintes réglementaires qui poussent de nombreux exploitants à cesser leur activité. Entre 2006 et 2012, il est important de le signaler, 25 % des éleveurs ont disparu, soit 556 élevages. Vous comprendrez aisément la crainte des éleveurs. Nous serons particulièrement vigilants lors du processus de ratification des accords européens à venir.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

La parole est à M. André Gattolin, pour le groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

Monsieur le secrétaire d’État, les discussions sur un traité de libre-échange entre l’Europe et le Canada sont déjà anciennes – elles ont commencé voilà près de dix ans –, mais elles sont beaucoup moins connues que celles qui ont été entamées l’an passé avec les États-Unis.

Pourtant, il y aurait beaucoup à en apprendre, notamment quant à la manière dont elles ont été menées de part et d’autre.

Du côté canadien, un dialogue a été entrepris avant l’ouverture des négociations officielles entre Gouvernement fédéral et gouvernements provinciaux et territoriaux, y compris avec les municipalités et les groupes d’entreprises. Les provinces et territoires ont ainsi pu pleinement participer aux négociations quand celles-ci se rapportaient à leurs domaines de compétences.

Du côté européen, les choses se sont faites de façon très centralisée et parfois excessivement secrète autour de quelques services de la Commission. À l’inverse des territoires canadiens, nous n’avons disposé d’aucune étude d’impact précise permettant d’évaluer, pays par pays, région par région, secteur par secteur, les effets d’un tel accord au sein de l’Union européenne. Même nos gouvernements nationaux ont souvent peiné à connaître l’état précis des discussions et les options privilégiées par les négociateurs de la Commission.

Monsieur le secrétaire d’État, j’ai bien entendu votre réponse précédente relative à la procédure de ratification. Je connais votre détermination à impliquer les parlements nationaux. Mais à l’heure actuelle, nous n’avons aucune certitude sur la procédure qui sera finalement retenue.

Au-delà de ce que l’on peut penser du projet de traité lui-même, cette totale dissymétrie observée sur le plan de la méthode illustre bien la très grande méconnaissance que nous avons, nous, Européens, du mode de fonctionnement fédéraliste de nos partenaires. Pourtant, nous ferions bien de nous en inspirer : ce sont notamment ces défauts dans nos pratiques démocratiques qui, chaque jour, alimentent un peu plus la crise de confiance de nos peuples à l’égard de nos institutions et de l’Union européenne.

Monsieur le secrétaire d’État, ne jugez-vous pas urgent de repenser les procédures encadrant ce type de négociations, au moment même où la Commission négocie, et ce à marche forcée, je le souligne, de nouveaux accords de libre-échange, très décriés par l’opinion, avec les États-Unis ?

Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, ainsi que sur quelques travées du groupe socialiste et du RDSE.

Debut de section - Permalien
Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État

Monsieur Gattolin, je vous remercie de votre question qui, elle aussi, est très politique.

L’organisation fédérale de nos partenaires, notamment américains et canadiens, peut, dans le cadre d’une négociation commerciale, leur conférer un avantage évident : leurs négociateurs doivent obtenir l’aval de chacune des provinces ou de chacun des États avant de prendre des engagements qui les concernent. Voilà sans doute de quoi relativiser les analyses sur le fameux « libéralisme américain »…

Cette rigidité institutionnelle n’existe pas au sein de l’Union européenne, en raison de la compétence des institutions communautaires en matière de politique commerciale, découlant des traités, du mandat de négociation conféré par les États membres à la Commission et de l’effet direct du droit de l’Union européenne et des conventions auxquelles celle-ci est partie.

Toutefois, les États membres sont pleinement associés à la définition et à la conduite des négociations, conformément aux traités, notamment via les réunions d’experts qui se tiennent chaque semaine à Bruxelles.

En outre, je vous confirme que les deux accords respectivement négociés avec les États-Unis et le Canada seront des accords de compétence mixte, ce que le commissaire au commerce a reconnu publiquement. Ils devront donc être également ratifiés par le Parlement français.

De surcroît, le Gouvernement est résolu à renforcer la transparence des négociations commerciales, tant vis-à-vis des assemblées parlementaires que de la société civile et des collectivités territoriales.

S’agissant du Canada, le négociateur européen a su obtenir des résultats que nous jugeons satisfaisants dans des domaines relevant, pour tout ou partie, de la compétence des provinces canadiennes. Je songe, par exemple, aux marchés publics : l’accord aboutit à une amélioration importante pour ce qui est de l’accès aux marchés publics des provinces.

Dans d’autres domaines relevant de la compétence des provinces, comme le commerce des vins et spiritueux ou la reconnaissance des qualifications professionnelles, l’accord consacre également des avancées notables. Notre but est bien entendu d’obtenir des résultats de même nature avec les États-Unis, si nous devions conclure avec eux un accord commercial similaire.

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse, qui vient préciser et clarifier encore les indications que vous nous avez précédemment données.

Permettez-moi cependant d’insister. J’ai assez souvent l’occasion d’aller au Canada. Le Québec, dont nous avons reçu ici même, la semaine dernière, le président de l’Assemblée nationale, M. Chagnon, a consacré plusieurs millions à des études destinées à mesurer l’impact précis qu’aura le traité entre l’Union européenne et le Canada.

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

À l’inverse, nous ne disposons pas aujourd’hui, au niveau des États membres, de la France ou des régions, d’éléments de cette nature.

Certes, en amont, la Commission nous promet que le traité TAFTA garantira un demi-point de croissance supplémentaire et assurera la création de 300 000 emplois. Mais où ?

Pour m’être récemment rendu aux Pays-Bas, je sais que, là-bas, tout le monde, à gauche comme à droite, est favorable à cet accord. Et pour cause : le port de Rotterdam, qui, je le relève au passage, bénéficie depuis 2006 d’avantages absolument incroyables – les droits de douane y ont été quasiment abolis et n’ont de droits que le nom –, profitera pleinement de ce traité.

Comment donc se répartira la richesse nouvelle créée au sein de l’Union européenne ? Malheureusement, force est d’admettre que nous l’ignorons en grande partie. Il serait important que nous lancions des études précises en amont, pour éclairer les représentations nationales et les opinions publiques.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Avant tout, je tiens à saluer l’excellente initiative de nos collègues du groupe UMP, qui ont proposé que cette question fondamentale des accords de libre-échange soit abordée aujourd’hui dans l’hémicycle. Espérons que cette séance de questions permettra de sortir ce débat de l’obscurité dans laquelle il est plongé, loin des yeux et loin des têtes.

Rappelons ici que l’accord de partenariat transatlantique, qui, sous son acronyme anglais « TAFTA », pour Transatlantic Free Trade Agreement, est peut-être un peu moins inconnu, représente un enjeu majeur. En effet, il prévoit que les législations en vigueur des deux côtés de l’Atlantique se plient aux normes du libre-échange établies par et pour les grandes entreprises européennes et américaines, sous peine de sanctions commerciales pour le pays contrevenant ou d’une réparation de l’ordre de plusieurs millions d’euros au bénéfice des plaignants.

Ces dispositions visent à brader des pans entiers du secteur non marchand. Or les discussions et les négociations autour de cet accord se déroulent derrière des portes closes. Les délégations américaines comptent plus de six cents consultants mandatés par les multinationales, qui disposent d’un accès illimité tant aux documents préparatoires qu’aux représentants de l’administration. Et rien ne doit filtrer.

À cela s’ajoute une autre préoccupation de taille, dont plusieurs de nos collègues se sont déjà fait l’écho.

Le texte stipule d’ores et déjà que les pays signataires assureront « la mise en conformité de leurs lois, de leurs règlements et de leurs procédures avec les dispositions du traité ». En cas de non-respect de cette clause, les États pourraient être poursuivis devant les tribunaux d’arbitrage, spécialement créés pour trancher les litiges entre les investisseurs, d’une part, et les États, de l’autre. Le cas échéant, ces instances pourraient même prononcer des sanctions commerciales à leur encontre.

Chacun le sait, il y va de nos intérêts économiques, mais aussi de la démocratie et de la souveraineté des États.

Monsieur le secrétaire d’État, quelles initiatives le Gouvernement compte-t-il prendre afin de créer, dans notre pays, les conditions d’un large débat, transparent et démocratique ?

Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe écologiste . – Mme Ba riza Khiari et M. Joël Guerriau applaudissent également.

Debut de section - Permalien
Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État

Monsieur Bocquet, j’ai déjà eu l’occasion d’apporter un certain nombre d’éclairages sur cette question. Je vais tenter d’être plus précis encore.

Dans le cadre des négociations menées au titre de l’accord commercial entre l’Union européenne et les États-Unis, la France a des exigences précises, qui doivent être entendues.

La transparence est une nécessité absolue. Nous avons progressé dans cette direction, et nous irons encore plus loin. À ce titre, nous pouvons nous féliciter de la publication du mandat de négociation donné à la Commission européenne : voilà qui permet à tout un chacun de se forger un jugement quant aux objectifs visés en la matière.

C’est une étape très importante. Je le répète, nous voulons aller plus loin. Matthias Fekl réunira le comité stratégique de suivi les 28 et 29 octobre prochains. Cette instance réunit, d’une part, des représentants de la société civile, et, de l’autre, des élus.

Au sujet du mécanisme de règlement des différends, le fameux ISDS, vous le savez, la France a exprimé des réserves. Dans le cadre de l’accord avec les États-Unis, l’utilité de ce dispositif n’est pas avérée.

Par ailleurs, les critères de transparence et d’impartialité ainsi que le respect du droit des États à réguler sont pour nous des lignes rouges.

Il faudra respecter la consultation publique lancée par la Commission ; nous en connaîtrons les résultats en novembre. Je précise, à ce propos, que plus de 150 000 réponses ont été envoyées, dont 10 000 françaises.

Enfin, je rappelle que, pour la France et les autres États membres de l’Union européenne, les accords conclus avec les États-Unis et le Canada sont mixtes, et qu’ils devront, en cette qualité, être soumis à la ratification des parlements nationaux, donc au débat démocratique.

Monsieur Bocquet, sur toutes les travées de cet hémicycle, et notamment sur celles du groupe auquel vous appartenez, s’expriment des inquiétudes et des appréhensions. Elles sont très largement légitimes. Néanmoins, il faut valoriser les préventions qui sont les vôtres pour en faire une force dans la négociation. On ne peut se satisfaire de l’idée selon laquelle on ne pourrait pas avancer !

Le Gouvernement en est persuadé, il est possible d’obtenir des avancées, tout en restant ferme sur un certain nombre de principes. Nous sommes ouverts : ni contraints d’accepter nécessairement cet accord, ni contraints de le refuser ! C’est ce qui, à mon sens, fait la force de la position du gouvernement français.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de reconnaître que l’enjeu économique de cet accord est énorme, mais, vous en conviendrez, l’enjeu démocratique l’est tout autant.

Lors d’une conférence de presse tenue au cours de sa visite officielle aux États-Unis, en février dernier, le Président de la République a eu cette phrase très surprenante : « Nous avons tout à gagner à aller vite, sinon nous savons bien qu’il y aura une accumulation de peurs, de menaces, de crispations. » Nous avons pu évoquer, lors de cette séance, ce sujet essentiel pour notre avenir commun, mais nous pensons qu’il exigerait, à lui seul, plusieurs heures de discussion en séance publique – la possibilité reste ouverte, du moins je l’espère, monsieur le président !

L’un de nos collègues députés l’a récemment souligné, cet accord négocie des règles qui sont autant de choix de société. Souvenons-nous du mot de Condorcet : « Même sous la Constitution la plus libre, un peuple ignorant est esclave. »

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour le groupe socialiste.

Applaudissements sur quelques travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Monsieur le secrétaire d’État, je tiens à insister à mon tour sur la transparence. Je reviendrai en outre sur les formes de ratification qui garantissent la souveraineté nationale et, je l’espère aussi, la souveraineté européenne.

Monsieur le secrétaire d’État, vous nous avez bien indiqué que votre collègue Matthias Fekl avait écrit à la Commission. C’était le 17 septembre. Que répond la Commission ? Quels outils nouveaux seront mis en œuvre pour garantir l’information de chaque État ? En effet, dans la mesure où les cycles de négociations sont associés à des thèmes, il serait tout de même assez légitime qu’à l’issue de chaque thème les différents parlements nationaux soient informés.

Comme tous mes collègues, je m’associe bien sûr aux messages de sympathie qui ont été adressés au peuple canadien, aujourd’hui dans l’angoisse et la peine. Je constate cependant que, s’il a été beaucoup question du traité CETA avec le Canada, nous n’avons pas parlé d’un traité qui se prépare, avec ce même pays, dans le domaine des services. Cette négociation est menée dans le plus grand secret à Genève, à quelques rues de l’OMC, mais en dehors de l’OMC, avec la participation de l’Union européenne et des États-Unis, sous l’égide de l’ambassade d’Australie.

Nous devons être informés non seulement des étapes suivies et des sujets traités, mais aussi du champ de ces négociations. WikiLeaks a publié des documents classés « secret », dans lesquels on pouvait lire que la négociation sur les services était ouverte à des sujets aussi sensibles que la libéralisation de la sécurité sociale ou du champ éducatif. Il y est en outre question de l’instance de règlement des différends, dont nous avons parlé, mais aussi de l’interdiction qui serait imposée aux États signataires de renationaliser tel ou tel secteur ou de le restaurer comme service public. Parallèlement, obligation leur serait faite de verser les mêmes subventions aux opérateurs, publics ou privés, d’un même domaine intervenant dans le champ des services publics.

Inutile de vous dire que c’est tout un pan du modèle historique de la France, et, je l’espère, de son modèle futur, qui risquerait d’être menacé par des décisions de cette nature.

On nous oppose en général, pour chasser nos inquiétudes, d’une part que la transparence sera accrue, de l’autre que les traités conclus devront être ratifiés par les parlements nationaux. Or rien n’est moins sûr.

M. Bizet l’a rappelé, le nouveau président de la Commission, Jean-Claude Juncker, a pris position contre la présence, dans le futur traité, de la fameuse clause sur le mécanisme de règlement des différends. On peut certes y voir la prise de conscience du refus exprimé par les États membres, mais il y a une autre réalité : dans les couloirs de la Commission, on murmure que, si cette clause était supprimée, l’accord perdrait son caractère mixte et ne serait plus que purement commercial ; dès lors, il ne serait soumis qu’à la ratification du Parlement européen, et non à celle des États membres !

Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous garantir qu’en tout état de cause tous ces grands traités dont nous parlons seront qualifiés de « mixtes », justifiant de ce fait une ratification par les États membres ?

L’ampleur et la diversité des sujets abordés aujourd’hui par les uns et les autres le montrent bien, derrière la question du libre-échange commercial demeure celle du juste échange, loin d’être réglée, elle. Comme l’ont dit M. Guerriau, Mme Khiari et d’autres collègues, le juste échange, c’est celui qui, respectueux des normes mais aussi des ambitions, sait faire vivre l’humain avant l’argent !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste . – Mme Françoise Laborde et M. Joël Guerriau applaudissent également.

Debut de section - Permalien
Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. Madame Lienemann, un tel programme ne peut que vous rallier la quasi-unanimité du Sénat et, sans doute, de l’Assemblée nationale. Voilà qui est, à mon sens, de très bon augure pour bien cadrer les discussions techniques que nous consacrerons à ce sujet !

Sourires.

Debut de section - Permalien
Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État

Vous le savez, je suis moi-même un militant politique, j’ai exercé des fonctions parlementaires et j’ai donc une certaine expérience. Des remarques similaires aux vôtres avaient été formulées en d’autres temps, non pas à propos de traités transatlantiques, mais tout simplement au sujet de la construction européenne.

Debut de section - Permalien
Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État

Que n’ai-je entendu à l’époque! La construction européenne allait remettre en cause notre modèle républicain, notre sécurité sociale, nos services publics...

Il est vrai que certains États sont, de par le monde, moins avancés que la France. Nous sommes même – vous le savez, et, d’ailleurs, vous le rappelez fréquemment – l’un des pays dont la dépense sociale est la plus élevée et dont les structures publiques sont les plus étoffées. §Si nous nous comparons au reste du monde, nous devons reconnaître que, sur ce point, nous sommes bien en avance sur beaucoup d’autres.

Je comprends, dès lors, pourquoi, dès que nous franchissons une frontière ou que nous discutons avec un autre pays, c’est tout notre modèle républicain ou notre modèle social qui, pour vous, risque d’être mis en cause.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

M. Roger Karoutchi. Mieux vaut fermer toutes les frontières !

Sourires sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État

Mais ce gouvernement est particulièrement mobilisé autour des valeurs qui nous rassemblent, ainsi que cela a été constaté dans cet hémicycle il y a quelques instants. Les négociations secrètes, ou discrètes, dont vous parlez, ont lieu à l’OMC. Certes, et je m’en faisais l’écho à l’instant, la situation est grave pour l’OMC et malheureusement on ne voit pas trop prospérer ces discussions ; cela n’empêche pas, toutefois, de discuter !

Je vous confirme que nous avons très précisément exclu du mandat le modèle éducatif, la sécurité sociale et les services publics, questions qui sont, d’ailleurs, également exclues des champs de compétence classiques de l’Union européenne.

Pour le reste, je vous confirme que, s’il n’y a pas d’accord mixte, il n’y aura pas d’accord du tout ! Je ne sais pas si cette affirmation suffira à lever tous les doutes, mais, selon nous, il n’y a plus de motif d’inquiétude : il n’y aura pas de traité sans accord mixte, c'est-à-dire sans la possibilité, pour le Parlement français, de ratifier les engagements pris en son nom. Que dire de plus ?

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Je prends d’abord acte du fait que cet accord ne sera pas ratifié par la France s’il ne s’agit pas d’un accord mixte. C’est essentiel, mais cela n’avait jamais été clairement dit à nos concitoyens. Je ne suis pas certaine, d’ailleurs, que cela ait été dit plus clairement aux autorités européennes, si j’en crois les récentes déclarations sur le sujet.

Je n’ai, ensuite, jamais prétendu que le libre-échange ne pouvait pas être encadré. Je souhaite seulement avoir la certitude qu’il n’y aura pas d’extension de concept en cours de mandat, comme c’est déjà le cas. La sécurité sociale et les retraites peuvent en effet être réintroduites par ce biais, à partir d’une extension du concept de liberté des fonds de pension. Le texte sur ce sujet évoque tous les mécanismes assurantiels relatifs à la santé et aux retraites, qu’ils soient publics ou privés. S’il ne s’agit pas de sécurité sociale ou de système de retraites, de quoi s’agit-il, monsieur le secrétaire d’État ?

Mais je suis rassurée, car vous ne laissez pas la moindre place au doute sur la question de l’extension de ces concepts. Pour autant, je serais tout à fait rassurée si une information régulière nous était adressée, pour que nous puissions prendre acte des désaccords à chaque étape. Comme vous, je n’exclus jamais un bon accord, mais, pour qu’il soit bon, encore faut-il que les points négatifs puissent être évacués à chaque étape !

Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe écologiste . – Mme Françoise Laborde et M. Joël Guerriau applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour le groupe UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Monsieur le secrétaire d’État, je m’associe également aux messages de sympathie qui ont été adressés au Canada, un pays que j’aime beaucoup. Je m’y suis d’ailleurs rendu le mois dernier avec une délégation de la commission des affaires économiques. Nous avons rencontré des responsables politiques fédéraux et provinciaux avec lesquels nous avons évoqué ce traité.

Je souhaite vous poser quatre questions à ce sujet.

La première concerne la ratification du traité. Pour l’Union européenne, j’ai bien entendu votre propos s’affermir au fur et à mesure de vos réponses, les premières étant plus floues : vous avez donc précisé que le Parlement français serait associé à la ratification, car il s’agirait bien d’un traité mixte.

Du côté canadien, nous avons observé une certaine distance entre les positions des gouvernements provinciaux et celles du gouvernement fédéral, dépositaire du mandat, je le rappelle. Avez-vous d’ores et déjà des assurances concernant la manière dont le Canada ratifiera ce traité ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Deuxième question, qu’en est-il des garanties pouvant être accordées à des entreprises, françaises mais aussi européennes, pour ce qui est de l’accès à la commande publique, notamment dans le domaine financier, dans les télécommunications et les transports ?

Troisième question, qu’en est-il des déplacements temporaires des cadres et salariés d’entreprises européennes qui vont au Canada ? Il y a là un vrai problème, qui nous a été exposé à plusieurs reprises.

Enfin, ma quatrième question touche à l’agriculture et aux menaces réelles qui pèsent, notamment, sur l’élevage français, menaces qui valent d’ailleurs aussi pour les États-Unis. L’Orne, que je représente, est un département de Normandie particulièrement concerné à deux titres : l’élevage laitier et la viande.

Pour ce qui concerne le lait, les réticences de certains milieux américains à l’égard de nos produits sont connues. Elles s’expliquent simplement : nos produits sont les meilleurs, je pense notamment au camembert ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Toutes les normes réglementaires et sanitaires imposées aux produits au lait cru, et d’une façon générale, à l’élevage, font naître des risques de distorsion de concurrence. En effet, l’élevage américain recourt, on le sait, à certains produits qui valorisent la viande et améliorent le goût. Certains éleveurs français s’inquiètent à juste titre de cette distorsion de concurrence et redoutent que ces productions n’inondent le marché européen.

Pour qu’un traité soit signé, monsieur le secrétaire d’État, il doit être « gagnant-gagnant ». Beaucoup aujourd’hui estiment qu’il pourrait être « gagnant-perdant » !

Applaudissements.

Debut de section - Permalien
Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État

Monsieur le sénateur, votre question est très générale, …

Debut de section - Permalien
Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. … au sens où elle part des services financiers pour finir sur le camembert !

Sourires.

Nouveaux sourires.

Debut de section - Permalien
Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État

C’est au reste parfaitement légitime : un élu de terrain, comme vous l’êtes, appréhende la négociation dans sa globalité. Vous mettez ainsi en avant des sujets qui, les uns autant que les autres, méritent d’être pris en considération.

Je vous rappelle d’abord que le dernier mot appartiendra au Parlement français. Ensuite, on ne peut pas assimiler les deux négociations, canadienne et américaine. J’ai montré dans quelle mesure la négociation avec les États-Unis revêtait d’autres enjeux. Je m’étonne d’ailleurs qu’aucun d’entre vous n’ait évoqué les questions géopolitiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Nous l’aurions fait si nous en avions eu le temps !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Géopolitique et commerce vont évidemment ensemble !

Debut de section - Permalien
Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État

Je ne développerai pas ce point pour ne pas allonger le débat, encore que tout cela soit passionnant, nous aurons l’occasion d’y revenir.

Nous devons donc aborder la question à la fois dans sa globalité et dans ses différents aspects. À cet égard, nous avons le sentiment d’avoir obtenu, dans la discussion avec le Canada, d’une part, un accord globalement équilibré et, d’autre part, des avancées susceptibles de nous servir dans l’hypothèse de la conclusion d’un accord avec les États-Unis. C’est donc une sorte d’accord en deux temps.

Sur l’aspect global, cet accord sera-t-il remis en cause par certaines provinces canadiennes ? Ce n'est pas impossible, ce qui deviendrait un problème non pas pour l’Union européenne, mais pour le Canada. Personne ne peut nier que, dans cette négociation, certains secteurs ont gagné plus que d’autres. Si les deux parties sont, comme je l’espère, l’une et l’autre gagnantes, il est vraisemblable que des inquiétudes se feront jour dans certains secteurs de l’économie canadienne, ou, comme vous en témoignez, européenne. L’essentiel reste de s’assurer que l’intérêt général et l’intérêt national sont sauvegardés, ce dont personne dans cet hémicycle ne se désintéressera. Telle est notre vision.

Les réticences que vous avez constatées au Canada sont peut-être l’expression de ce que, dans cette négociation, l’Union européenne, si critiquée habituellement dans notre pays, a réussi à obtenir quelques avancées satisfaisantes, sinon pour le secteur financier, en tout cas pour des secteurs industriels comme les télécommunications et les grands travaux.

Pour le reste, je crois avoir détaillé les différents secteurs, évoquant la filière bovine ou l’agroalimentaire. Les alcools, vins et spiritueux, par exemple, représentent une part importante de notre commerce extérieur et de notre activité.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Mais ces producteurs n’ont pas besoin d’un accord pour vendre !

Debut de section - Permalien
Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État

Ce n’est peut-être pas le cas dans votre département, monsieur le sénateur, mais je vous sais sensible à cette réussite collective.

Je suis certain également que les produits que vous avez mis en avant bénéficieront de la reconnaissance de certaines indications géographiques, qui leur permettra de développer une marque sur le marché international, et plus seulement français. Quoi que l’on en pense, nous nous situons dans un monde désormais globalisé et il est important que des références majeures à l’échelle nationale, comme le camembert, puissent prospérer à l’international. Nous souhaitons que cet accord rende cela possible.

Pour le reste, le contrôle démocratique est assuré par le Parlement, donc par vous, monsieur le sénateur, dans votre activité quotidienne de parlementaire, et vous avez l’engagement du Gouvernement de revenir devant vous pour vous soumettre cet accord, ainsi que celui que nous pourrions conclure avec les États-Unis.

Dans la situation où nous nous trouvons, il est parfaitement légitime de se montrer préoccupé. Cependant, nous pouvons juger cet accord positif pour notre économie, pour la coopération, pour la croissance. Car tout cela n’a de sens que si un tel accord nous apporte de la croissance et de la valeur ajoutée pour les produits français.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour une brève réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

M. Jean-Claude Lenoir. Monsieur le président, vous me connaissez, je serai bref !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Monsieur le secrétaire d’État, vous avez eu tort de dissocier les services financiers du camembert. Les banques ne publient-elles pas leurs résultats à l’aide d’un outil pédagogique reconnu : le camembert ? §Finalement, vous le voyez, le camembert est omniprésent !

Cela étant, je ne partage pas tout à fait votre optimisme enthousiaste. Nous devons garder à l’esprit que l’activité agricole en France est surchargée de taxes, de contraintes de toutes sortes, de normes environnementales, etc.

Sourires sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

La question de la concurrence est donc de toute façon posée, mais c’est au ministre de l’agriculture d’y répondre.

Je me suis rendu hier au SIAL, le grand salon français de l’alimentation, en compagnie d’une délégation de la commission des affaires économiques. Sur les 6 000 exposants, 1 000 sont français. Sur les 5 000 restants, un certain nombre de pays sont assez bien représentés, notamment d’Amérique du Nord, des pays avec lesquels il va falloir compter, sans parler de la Chine, qui occupe dans ce salon une place incroyable.

On nous a confirmé à cette occasion, et je pense faire l’unanimité ici en le rappelant, que nos produits étaient les meilleurs du monde. Pouvons-nous pourtant lutter à armes égales avec ceux qui nous envoient de pâles reflets de nos produits locaux ?

Applaudissements sur les travées de l'UMP . – MM. Éric Bocquet et André Gattolin applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Karam

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la question des accords commerciaux doit être pour nous une priorité, compte tenu du niveau de déficit commercial de la France, qui reste supérieur à 60 milliards d’euros.

En 2013, la balance commerciale entre la France et le Brésil était positive en notre faveur de plus de 400 millions d’euros. La question d’un nouvel accord pour favoriser davantage les échanges entre les deux pays se pose aujourd’hui à nous.

On parle de cet accord depuis 2010. Rien, pourtant, ne semble aboutir. La présidente du Brésil annonçait, en août dernier, que la proposition du Mercosur en vue de préparer un nouvel accord était prête. Il semble que, de notre côté, cela n’avance pas ! Dilma Rousseff n’a pas hésité à montrer du doigt la France pour ses réticences.

La Guyane, territoire français d’Amazonie, dotée d’une frontière de plus de 700 kilomètres avec le Brésil, est un espace stratégique qui peut permettre de renforcer les échanges à tous les niveaux, y compris du point de vue économique et commercial.

Nous sommes favorables à un accord qui ferait de la Guyane un territoire d’économie dynamique plutôt qu’un comptoir sans production réelle.

Nous sommes favorables à un accord qui aurait des incidences réelles sur notre secteur privé, afin de réduire le chômage qui frappe particulièrement notre jeunesse.

L’énergie, la recherche scientifique ou la fabrication et la mise en orbite de satellites sont autant d’atouts de la Guyane susceptibles de favoriser l’émergence de nouveaux partenariats.

Cet accord doit se faire sur la base d’une liste de produits, de manière à ne pas mettre en danger nos économies par l’introduction d’une nouvelle concurrence.

J’appelle donc à prévoir, dans le cadre de cet accord, la création d’une zone de juste échange entre nos deux continents, dont la France pourrait fortement tirer profit en raison de la situation géographique et géopolitique de la Guyane.

Aussi, pouvez-vous nous préciser, monsieur le secrétaire d'État, la position du Gouvernement quant au renforcement des liens commerciaux avec le Brésil, ainsi que l’état d’avancement des négociations en vue de parvenir à un accord de juste échange entre l’Union européenne et le Mercosur ?

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.

Debut de section - Permalien
Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État

Au préalable, permettez-moi, monsieur le président, de vous remercier de la tolérance dont vous avez fait preuve à mon égard quand je répondais, il est vrai un peu longuement, à M. Lenoir, que j’ai connu dans une autre enceinte. Son interpellation…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

M. Jean-Claude Lenoir. … méritait de longs développements !

Sourires.

Debut de section - Permalien
Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État

… était justifiée. Aussi étais-je obligé de lui transmettre tous les éléments d’information dont je dispose.

J’en viens à la question de M. Karam.

Lancées en 1999, puis interrompues en 2004, les négociations pour un accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Mercosur ont été relancées en 2010, mais aucun échange d’offres permettant un véritable redémarrage des discussions n’a été possible depuis lors.

En janvier 2013, la présidente brésilienne et le président de la Commission européenne avaient pris l’engagement d’échanger ces offres avant la fin de l’année 2013. Cette échéance n’a pas été respectée. Il peut être de bonne politique de mettre en cause la position de la France, mais, de notre point de vue, la partie brésilienne notamment n’a peut-être pas totalement tenu son engagement. En tout cas, les pays du Mercosur – je ne saurais préciser lequel d’entre eux en porte la responsabilité ! – peinent à présenter une offre commune respectant les principes de la négociation fixés en 2002, à savoir un niveau de libéralisation minimal de 90 % du commerce birégional.

Le Mercosur a, en effet, rencontré des difficultés pour consolider son offre sur la base des propositions de chacun de ses pays membres, notamment celle de l’Argentine, dont la participation reste, vous le savez, incertaine à ce jour.

Sachez, monsieur le sénateur, que nous sommes très attentifs à la conclusion de cet accord, car nous savons l’importance que peut avoir ce dernier pour la Guyane. Nous suivons donc cette question de très près.

De son côté, l’offre de l’Union européenne est prête, mais il faut attendre d’avoir la confirmation que l’offre du Mercosur est finalisée pour consulter les États membres.

Cet accord entre l’Union européenne et le Mercosur est important pour notre pays, notamment, bien sûr, pour la Guyane. Nous veillerons tout particulièrement à ce que cet accord soit équilibré lorsqu’il y aura des échanges d’offres. Nous avons des intérêts offensifs considérables dans l’industrie, les services et les marchés publics, eu égard aux importantes barrières locales.

Cette négociation ne peut aller de l’avant que si les pays du Mercosur acceptent des contributions ambitieuses en matière d’industrie, de services et de marchés publics. Mais l’accord devra également nécessairement préserver les sensibilités agricoles françaises, ce qui nous renvoie aux questions précédemment abordées des viandes, du sucre et de l’éthanol.

Monsieur le sénateur, le développement de cette région est au cœur des préoccupations du Gouvernement : la Guyane profitera très largement du futur accord.

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Karam

Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, pour cet éclairage.

Permettez-moi de rappeler à la Haute Assemblée que les Brésiliens éliront, dimanche prochain, le président de la République fédérative du Brésil. La France devra profiter de la nouvelle mandature pour reprendre les discussions, afin que la Guyane puisse – enfin ! – bénéficier des retombées économiques qui découleront de ces échanges commerciaux. Je le rappelle, la Guyane est la porte d’entrée de l’Union européenne en Amérique du Sud, donc cruciale dans nos relations avec le Mercosur.

Et pourtant…

Alors que le monde spatial se félicitait la semaine dernière du lancement, depuis Kourou, d’un satellite de télécommunications au profit du gouvernement argentin, de nombreuses zones blanches subsistent en Guyane et, à moins de cinquante kilomètres du centre spatial, il n’y a ni eau ni électricité, et je ne dirai rien de la téléphonie et d’internet !

J’invite donc le Gouvernement à être attentif au développement de notre territoire, afin que la Guyane puisse pleinement être partie prenante de nos échanges commerciaux avec le Brésil et le Surinam.

Enfin, pour ma première intervention dans cet hémicycle, permettez-moi en cet instant d’avoir une pensée pour notre illustre compatriote Gaston Monnerville, qui marqua l’histoire de la Haute Assemblée et, au-delà, l’histoire de la République !

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

Mes chers collègues, nous en avons terminé avec les questions cribles thématiques sur les accords de libre-échange.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

Le Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat une décision en date du 23 octobre 2014, prise en application de l’article 12 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française, sur une demande du président de la Polynésie française tendant à ce qu’il constate que sont intervenues dans une matière ressortissant à la compétence de la Polynésie française certaines dispositions de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal (n° 2014-5 LOM).

Acte est donné de cette communication

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 28 octobre 2014 :

À quatorze heures trente :

1. Éloge funèbre de notre regretté collègue Christian Bourquin.

À seize heures quinze :

2. Déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, en application de l’article 50-1 de la Constitution, sur la réforme territoriale.

Le soir :

3. Deuxième lecture du projet de loi, modifié par l’Assemblée nationale, relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral (6, 2014-2015) ;

Rapport de M. François-Noël Buffet, fait au nom de la commission spéciale (42, 2014-2015) ;

Texte de la commission (n° 43, 2014-2015).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée à seize heures cinq.