La commission entend tout d'abord M. Yves Krattinger, ancien sénateur, rapporteur de la mission commune sur l'avenir de l'organisation décentralisée de la République.
Nous ouvrons notre cycle d'auditions publiques préparatoire au débat sur le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, que nous examinerons à la mi-décembre. D'après la Constitution, le Sénat, qui représente les collectivités territoriales, est saisi en premier des textes portant sur leur organisation : l'Assemblée nationale délibèrera sur le texte issu du Sénat et non sur le texte du Gouvernement, ce qui nous confère une responsabilité forte.
Notre commission aborde ce débat avec appétit et enthousiasme ! Nous avons nommé deux rapporteurs : René Vandierendonck, désigné au début de l'été et qui a déjà procédé à de nombreuses auditions, et Jean-Jacques Hyest, qui a présidé la commission spéciale sur la délimitation des régions. L'un est issu de l'opposition sénatoriale, l'autre de la majorité : l'intention politique est de rechercher le consensus le plus large.
Nous ne limiterons pas nos auditions aux élus locaux, mais entendrons aussi des personnalités qualifiées et des représentants des confédérations syndicales : les forces vives de notre pays ont aussi leur mot à dire sur le rôle des collectivités territoriales. Nous inviterons également des personnalités étrangères. Enfin, comme l'a souhaité M. le président du Sénat, nous organiserons en région une rencontre d'une journée avec des élus de terrain.
Nous entendons aujourd'hui successivement le rapporteur et le président de la mission commune d'information sur l'avenir de l'organisation décentralisée de la République, qui a rendu son rapport fin 2013.
Lors du débat de la semaine dernière, le Premier ministre et le ministre de l'Intérieur s'y sont plusieurs fois référés. Ce document constitue pour nous un cadre de référence. Aussi voulions-nous commencer nos travaux en entendant ses auteurs.
Qu'il s'agisse de la constitution ou de la géographie de l'organisation territoriale, sa transformation doit se faire dans le consensus, parce que le contenant doit être le même pour tous, même si le contenu, c'est-à-dire les politiques publiques, peut varier selon les majorités et les hommes... Il est fondamental de trouver un accord sur une base commune que le Parlement puisse valider.
Nous devons fixer une perspective de moyen voire de long terme, tracer une route sans sous-estimer les obstacles juridiques et financiers. La réforme de 1982 a mis trente ans à être pleinement appliquée. La mise en oeuvre de celle de 2004 s'achève à peine avec l'intégration des agents OPA dans la fonction publique territoriale. Vouloir aller trop vite, c'est prendre le risque de bloquer la machine et de perturber l'activité des collectivités territoriales.
Nous vivons dans une France des mobilités. Entre 2004 et 2009, 26 % des moins de 25 ans ont changé de département. Vivre, travailler et voter au même endroit n'est plus le modèle dominant. L'effet de cette mobilité est amplifié par les technologies numériques, grâce auxquelles l'on peut exploiter le moindre temps de déplacement pour échanger des informations. Du coup, le regard de nos concitoyens sur les institutions évolue et celles-ci leur paraissent immobiles, les services publics déphasés. Le besoin de rattachement de l'homo mobilis à un territoire porte sur plusieurs territoires.
La crise n'est pas terminée, surtout pas en Europe. Jean-Pierre Raffarin et moi-même avons constaté qu'elle avait eu pour effet, partout en Europe, une recentralisation des décisions. Les collectivités territoriales se sont recentrées sur elles-mêmes. À vouloir ainsi sauver les meubles, la grande aventure de l'intercommunalité, lancée il y a vingt ans, s'en trouve remise en cause : les doutes grandissent. Que donnerait un référendum ?
Quelque 20 % de la population vivent au mauvais endroit, dans ces trois quarts de notre territoire où apparaît un sous-prolétariat territorial. Le décalage s'approfondit entre la fierté, la vitalité des métropoles et les doutes qui traversent, à juste titre, les territoires ruraux. Pourtant, 60 % des emplois industriels sont situés dans des communes de moins de 2 000 habitants. En somme, les métropoles concentrent les grands sites sociaux, culturels et sportifs ainsi que les hauts fonctionnaires, quand la ruralité est le lieu de la production, des bas salaires et des services publics au rabais. Bref, la France est fendue en deux parties : une France d'en haut et une France d'en bas. Cette dangereuse coupure entre une sphère politico-administrative centrale, à l'intérieur du périphérique parisien ou dans quelques métropoles, et une France rurale, est lourde de dangers.
Sachons revenir à des choses sur lesquelles nous sommes d'accord. Il est essentiel d'identifier clairement les responsabilités des différents acteurs pour accroître l'efficacité de l'action publique et la rendre plus réactive. Dans notre monde en rapide transformation, il n'est pas acceptable qu'il faille dix ans pour lancer un projet d'infrastructure ! Le millefeuille administratif n'accélère pas les choses, d'autant qu'il se retrouve dans le processus de décision, jusqu'au sein de l'État, dont les services ne cessent de se contredire...
Voilà pourquoi je prêche depuis 2008-2009 pour un guichet unique d'instruction : politique de l'Etat, instruction unique par l'Etat ; politique de la région, instruction unique par la région... Un instructeur, un dossier d'instruction, une décision !
Nous l'avons expérimenté en Haute-Saône pour le renforcement des conduites d'eau : 100 dossiers ont été montés en trois mois. L'agence de l'eau a accepté de déléguer l'instruction au département, alors même qu'elle apportait 30 % du financement. La région a fait de même. Résultat : 22 millions d'euros investis rapidement, dans un département de 240 000 habitants.
Définir les missions avant de décliner les compétences. Au bloc communal les services publics de proximité immédiate et le renforcement du lien social. Avec le département, qui garantit la couverture en services publics, il constitue le pôle de la proximité, l'Etat et la région formant celui de la stratégie. Les régions doivent veiller à l'accessibilité du territoire par les aéroports, les ports, les lignes ferroviaires, les grandes infrastructures, les autoroutes, le haut débit.
Les collectivités territoriales doivent préparer les entreprises à la compétition mondiale du XXIe siècle : mieux vaut prévenir que guérir. Encourageons-les à se moderniser avant les crises, au lieu de réaliser leurs mutations sous la pression. En nous portant en avant, nous ne nous condamnerons plus aux combats d'arrière-garde. Pour cela, nous devons donner enfin aux régions la responsabilité de l'ensemble de la formation. Sans doute faudra-t-il décentraliser l'Education nationale : l'économie industrialo-touristique de l'ensemble Rhône-Alpes-PACA n'ayant pas grand-chose à voir avec l'économie post-industrielle du grand Est de la France, les stratégies de formation doivent s'adapter à ces différences, même si le socle commun reste défini par la République.
Il est indispensable que les actions publiques soient mieux identifiées : les projets de la commune, de l'intercommunalité, du département, de la région, de l'État, de l'Europe doivent être bien distincts et articulés. Bref, il faut que l'unité et la diversité se conjuguent intelligemment. Chacun reconnaît les différences entre les territoires. L'expérimentation, qui est autorisée par la Constitution, doit être renforcée, ce qui suppose que le préfet ne soit pas notre tuteur. La communauté du Val Marnaysien, à cheval sur le Doubs et la Haute-Saône, peut adhérer à un syndicat dans chacun des deux départements pour l'électricité, les eaux, l'assainissement, les réseaux téléphoniques, mais pas pour le très haut débit, parce qu'aucun texte ne le prévoit. Le bon sens doit l'emporter sur la règle qui ne peut avoir prévu tous les cas !
Nous avons inventé un terme avec Jean-Pierre Raffarin : la loi-cadre territoriale. La loi de 2005 sur le handicap, belle loi républicaine, a donné lieu à des décrets d'application nationaux. Comme si la norme d'accessibilité aux transports pouvait être la même en Lozère et à Lyon...
C'est absurde ! Seul Paris a été traitée à part. Mieux vaudrait avoir des textes d'application adaptés aux réalités locales, pris en accord entre le président du département et le préfet. De même, les textes régissant l'isolation ou les propriétés énergétiques des bâtiments doivent être modulés. Il faut en sortir par le haut. Oui à des lois-cadres distinguant contraintes nationales et applications locales, mais attention à ne pas aller trop loin : je suis prodigieusement inquiet que la reconnaissance des spécificités puisse se traduire par des modes de gouvernance différents selon les territoires. Une telle illisibilité aurait un coût pour les citoyens, désormais très mobiles, comme pour l'État, qui aurait bien du mal à comparer les politiques publiques d'un territoire à l'autre.
Merci d'avoir ainsi situé les enjeux avec compétence et enthousiasme : il ne s'agit pas de jouer avec un meccano territorial, mais de stabiliser une société en crise en créant du développement économique, social et culturel. Vous avez souligné l'importance de la décentralisation et de la différenciation des modes de fonctionnement des territoires : notre organisation manque de souplesse.
Vous avez évoqué le décalage entre territoires urbains et ruraux, mais n'avez rien dit du périurbain, où se concentre une population nombreuse. Le numérique représente en effet un enjeu important. Je suis d'accord avec votre diagnostic comme avec les perspectives. Oui, il faut définir les missions avant de fixer les compétences.
Nous devons aussi accroître la souplesse du système. En France, de plus en plus, ce qui n'est pas autorisé est interdit, et non plus l'inverse. Mon département a créé un service départemental d'incendie avant la décentralisation, par accord entre le préfet et le président du conseil général. Vous avez eu raison d'indiquer que la nouvelle organisation mettra longtemps à s'appliquer. Conseiller général depuis 1982, je sais que l'absorption des DDAS et des DDE a pris beaucoup de temps. Réformer à la hussarde ne marche pas.
« Nouvelle organisation territoriale de la République » : il n'y a pas les mots de décentralisation ni de déconcentration. Que faites-vous des syndicats intercommunaux, qui emploient une grande partie des effectifs de la fonction publique territoriale dans les départements ?
Les régions stratèges devront être moins dans la proximité. Les géographes nous le disent : laisser survivre pour une durée déterminée des départements dans une partie du territoire, c'est passer à côté de l'essentiel. Que souhaitez-vous que le Premier ministre dise lors du congrès de l'Assemblée des départements de France ?
Bravo à MM. Krattinger et Raffarin pour ce rapport qui fait référence et constitue pour nous un guide précieux. Le guichet unique d'instruction est en effet nécessaire, mais toutes les collectivités territoriales ont la compétence générale. Envisagez-vous des compétences ciblées pour le département et la région ? Le bon sens commande des applications différentes selon les territoires, mais nous ne sommes pas un État fédéral : les Français, qui voyagent de plus en plus, sont attachés à une application uniforme de la loi, de Lille à Marseille, de Nantes à Strasbourg. Qui va décider de la souplesse nécessaire ? Le préfet doit-il être le gardien du temple ou se comporter en garant de l'État-nation ?
Faut-il substituer l'instruction unique à la clause de compétence générale ? Que pensez-vous de l'idée d'un département à géométrie variable ?
Ce texte comporte peu de dispositions financières, mais il fait la part belle aux dispositifs de contrôle. La libre administration des collectivités territoriales ne s'en trouve-t-elle pas menacée ? La Cour des comptes ferait un rapport devant le Comité des finances locales et non devant le Parlement : n'est-ce pas curieux ?
Les syndicats intercommunaux, que vous n'avez pas évoqués, ont souvent un rôle important au niveau départemental en matière d'aménagement du territoire, ainsi pour l'électricité ou le très haut débit.
Je salue en vous le président du conseil général de la Haute-Saône. J'approuve les grandes lignes de votre exposé. Comment, dans un petit pays comme le nôtre, et étant donné la diversité d'organisation de nos collectivités territoriales, assurer l'unité nationale ? De grandes régions stratèges, pourquoi pas ? Avec de grands préfets stratèges... Une réorganisation complète de l'État s'impose parallèlement à celle des collectivités dans nos territoires.
Merci pour cette présentation, qui nous bouscule un peu. Le manque de réactivité que vous avez dénoncé se constate aussi dans l'industrie. Alors que l'économie s'accélère, nous ralentissons les procédures de décision des entreprises. Votre propos est véritablement stratégique. Quelle sera l'architecture financière de la nouvelle organisation territoriale ?
Le revenu moyen par foyer est plus élevé dans l'espace périurbain immédiat des grandes agglomérations que dans leur centre. Du reste, cet espace se fédère progressivement et, un jour, la collectivité unique s'imposera. L'espace périurbain plus éloigné nous préoccupe tous.
Il m'arrive de recommander à des fonctionnaires de ne pas interroger les services de l'État, car ceux-ci répondront négativement avant de demander quelle était la question... Mieux vaut parler directement au préfet, qui dit généralement oui en comprenant l'objectif. Nous avons besoin de souplesse : sortons de cette grève du zèle qu'illustrent certains contrôles douaniers...
Je suis décentralisateur, Jean-Pierre Raffarin l'est aussi. La première chose qu'il m'a dite était d'ailleurs : « Je suis girondin, et je le reste ! ». Mes rapports, établis dans le cadre des missions d'information en 2009 et 2013, ont pour titre : « Faire confiance à l'intelligence territoriale » et « Des territoires responsables pour une République efficace ». L'État tout seul ne peut assurer l'égalité, mais il peut veiller à ce qu'elle le soit.
Les audits par les grands corps de contrôle sont une très bonne chose. Mon service d'incendie et de secours est audité en ce moment et je n'ai aucune crainte, puisque c'est un des moins chers de France et qu'il est efficace. Les audits peuvent aider à renforcer l'égalité entre les territoires et l'efficacité des services publics, le bon usage des deniers publics, à condition que chaque collectivité territoriale assume ses responsabilités et que nous n'ayons plus l'alibi des décisions imposées. D'ailleurs, les déclinaisons locales, les décrets d'application devraient être cosignés par le préfet et l'exécutif local.
Oui, il faut éloigner la région de l'action de proximité. Je ne me suis pas privé de demander pourquoi elle s'occuperait de nos clochers. Ils ont beau être comtois, ce ne sont pas les mêmes partout : il y en a 1 500 ! Ne serait-elle pas mieux occupée par des questions stratégiques sur l'accessibilité, l'artère très haut débit entre Strasbourg et Lyon ? Il faut opérer des choix ; si tout le monde s'occupe de tout, c'est illisible.
Pour les clochers, donnons le guichet unique d'instruction au département : même si le préfet veut attribuer la dotation d'équipement des territoires ruraux, il n'instruit plus - cela n'aurait servi à rien, il aurait fait la même instruction ; même si la région veut être généreuse, elle n'instruit plus... Je fais le pari que le ménage se fera à une vitesse accélérée. Ne pas instruire, verser 5 000 ou 10 000 euros et être oublié le jour de l'inauguration, ils ne le feront plus ! S'ils ne peuvent plus mettre leur grain de sel... Mais le responsable du guichet unique est responsable de tout, et non plus seulement de l'accessibilité, un autre s'occupant des couleurs et un troisième de la surface.
Il faut trois ans pour instaurer un guichet unique pour une politique nouvelle. Mais pour les politiques existantes, faut-il que l'inspection académique instruise le dossier des pôles éducatifs en plus du département ? De toute façon, elle donnera 20 % de ce que nous donnerons ! Une seule instruction ! Tout le monde y gagne en temps, en réactivité, en lisibilité et en confort, et les entreprises y gagnent aussi.
L'intercommunalité est soumise à dix régimes fiscaux. Comment voulez-vous que les gens s'y retrouvent ? Ils ne payaient peut-être rien pour l'intercommunalité ; ils déménagent, ils paient beaucoup ! Il y a autant de systèmes que de noms : communautés d'agglomération et de communes, communauté urbaines, métropoles de différents types, les communes nouvelles, les nouvelles communes... Nous avions conclu qu'il fallait deux noms : tout ce qui est à coopération multiple, qui vise à fédérer, serait appelé communauté ; toute coopération à vocation unique serait coopération spécialisée. Les syndicats départementaux ne se justifient que dans un cas : lorsque le département fédère les intercommunalités autour de thèmes qu'elles ne peuvent pas résoudre toutes seules en milieu rural, comme dans le cas du syndicat mixte Haute-Saône Numérique. Mais un syndicat d'électricité n'est pas justifié : groupant toutes les communes d'un département, il devrait être un service départemental.
Même chose pour les ordures ménagères : il fallait aller au bout. Le maire, agressé parce que ça coûte trop cher, répond que c'est la communauté de communes qui les ramasse, mais qu'une troisième entité les brûle... C'est nous-mêmes qui rendons les choses incompréhensibles. Nous devons préparer sur dix ans la grande mutation des syndicats à vocation unique : nous ne pouvons pas avoir créé 2 500 communautés et garder 14 000 syndicats. Que le Parlement fixe des objectifs sur dix ans, avec des rendez-vous tous les deux ans ; le préfet devient dès lors très utile, disant : j'ai une loi, il faut avancer !
En milieu rural, le département doit être à terme le fédérateur de l'action des intercommunalités - j'en suis à ma troisième génération de contrats et une conférence départementale des exécutifs regroupe tous les conseillers généraux et tous les présidents d'intercommunalités. Si un jour le département dans sa forme actuelle devait disparaître, cela passerait par une fédération d'intercommunalités. Des citoyens me l'ont parfois demandé : pourquoi le président de l'intercommunalité ne siège-t-il pas au département ? Aujourd'hui, cela ne correspond pas aux institutions ; mais dans vingt ans ? Si tous les syndicats ont été absorbés, si les présidents d'intercommunalités ont une légitimité démocratique, pourquoi ne délibéreraient-ils pas au niveau départemental de ce qu'ils ne peuvent pas régler au niveau local ?
Les questions liées au financement sont si complexes, si biscornues, que même la haute administration ne comprend pas toujours. Il faut un seul modèle aux intercommunalités. C'est à l'État de compenser les inégalités et non aux élus entre eux : il y en aura toujours de plus malins, de meilleurs connaisseurs. Nous devrions travailler à l'allemande ; la négociation de très longue haleine entre länder et État central fixe des bases qui sont très peu corrigées par la suite. Il faut un modèle de type universitaire. Aujourd'hui, on ajoute un truc, on enlève un machin... A part Charles Guené, expert international, personne ne comprend et tout le monde est mécontent. Evaluons mieux la richesse des territoires, ce qui nécessite d'avoir la même fiscalité, que le Parlement fixe un cap, et les élus s'attelleront à la tâche.
Je suis pour le maintien de la clause de compétence générale. J'avais interrogé Jean-Pierre Raffarin en 2008-2009 ; il m'avait répondu : sans elle, pas de Futuroscope. J'avais posé la question à Jean-Pierre Chevènement, qu'on ne peut pas soupçonner d'être contre l'État ; il m'avait dit : sans elle, et malgré la présence de PSA et d'Alstom dans l'aire urbaine, pas d'université de technologie à Belfortliard. À Christian Bergelin : sans elle, pas d'IUT à Vesoul. Ces trois projets, qu'il fallait mener à bien, étaient tous en dehors des compétences normales des collectivités. Mais ne confondons pas tout : avec l'instruction unique, les cofinancements sont dissous.
Comme son ancien président, Adrien Zeller, l'avait écrit à Nicolas Sarkozy à l'occasion d'une précédente réforme, l'Alsace a innové plus que toute autre région dans le domaine de l'environnement et cela est passé par la clause générale de compétence. Nous autres élus ne sommes pas des militaires à qui l'on peut dire : « tu te tais, tu fais » ; nous sommes des acteurs. Si cette compétence peut être canalisée, la supprimer serait une erreur pour la République ; cela irait à l'inverse du principe de décentralisation. Une commune de 100 habitants peut se vanter d'avoir la compétence générale ; tant mieux pour elle ! Le maire pourra l'afficher, même s'il transfère tout à l'intercommunalité et ne garde plus que les naissances, les décès et les mariages...
Sur la réorganisation de l'Etat, je serai extrêmement ambitieux. En 2008-2009, j'ai regardé en droit comparé ce qu'il en était dans l'Union européenne. Deux éléments ressortaient nettement : premièrement, tous les pays de plus de 30 millions d'habitants avaient trois niveaux de collectivités...
Deuxième chose : comparée aux grands pays - il est difficile de se comparer à la Slovénie - la France est la seule à avoir gardé des services déconcentrés dans toutes les compétences transférées. Le jacobinisme qui a fait la France, ce pays que nous aimons, joue maintenant contre elle. La phrase de François Mitterrand sur construire et le risque de déconstruire est toujours d'actualité, comme l'intuition du général de Gaulle pour la régionalisation. Il faut du circuit court, de la responsabilité locale assortie d'un audit de l'État. Je suis pour la suppression progressive des services déconcentrés de l'État dans les compétences transférées : les économies seraient du bon côté !
La commission entend ensuite M. Jean-Pierre Raffarin, ancien Premier ministre, président de la mission commune d'information sur l'avenir de l'organisation décentralisée de la République.
Lors du récent débat sur la réforme territoriale, le rapport Raffarin-Krattinger a servi de référence : nous avons voulu commencer nos auditions avec les auteurs de ce rapport.
Vous connaissez, nous connaissons tous le sujet ; il s'agit maintenant d'arbitrer. C'est le gros avantage du Sénat : nous n'avons pas à chercher les compétences ailleurs.
La décentralisation est une idée politique et non une idée technique : il ne s'agit pas simplement de redessiner une carte mais de faire en sorte que le service aux citoyens soit de meilleure qualité et coûte moins cher. C'est une question de lisibilité : la République a besoin qu'on la comprenne. Bien des Français ne comprennent pas la République, ne savent pas comment fonctionne l'Europe. Or moins on comprend, plus on se rapproche du populisme. Vous pouvez faire tous les plans de simplification que vous voulez, la société devient de plus en plus complexe. Jeune ministre du commerce, je m'étais fait photographier avec une pile de formulaires que j'avais supprimés plus haute que moi ; le temps qu'on les supprime, d'autres avaient été créés. La seule réponse à la complexité, c'est la proximité. C'est la société qui est complexe : plus vous êtes démocratique, plus vous devez être attentif et donc favoriser la proximité.
Je suis quelquefois déçu par les Girondins, trop techniques et qui donnent le sentiment que la décentralisation est une politique parmi d'autres. La décentralisation, c'est la République au plus près du terrain. Elle a apporté beaucoup de résultats ; nous pouvons être fiers de ce que nous avons fait depuis le début des années 1980. Sans décentralisation, il n'y aurait pas d'université à La Rochelle ou à Troyes, pas de Futuroscope. Il suffit pour le voir de se promener dans les lycées et collèges de France. Nous ne devons pas être complexés. Avec Yves Krattinger, nous avions choisi comme stratégie de penser à 2020 : à court terme, les clivages gauche-droite sont forts, mais il est facile à moyen terme de construire une vision commune.
Cette vision, je l'articule démocratiquement autour de la commune ; nous ne pourrons pas faire autrement. Je ne crois pas aux fusions arbitraires et suis révolté quand j'entends parler des intercommunalités à 20 000 habitants : c'est un raisonnement quantitatif. La bonne intercommunalité, c'est celle qui marche, où les gens se respectent, ne cherchent pas à manger l'autre. Il y en a de belles à 40 000 habitants comme à 15 000 ou 12 000. Je reconnais qu'il y a beaucoup trop de toutes petites communes ; c'est pour cela qu'il nous faut une intercommunalité coopérative et collégiale. Le citoyen comprend ce qui se passe dans la commune ; la commune est donc la base de la République, ce qui n'empêche pas de faire le plus d'intercommunalité possible : il y a mutualisation, mais les décisions sont prises autour de la table. Donc pas d'élection du président de la communauté de communes au suffrage universel direct : l'intercommunalité mutualise, mais le maire est le médiateur de la complexité générale.
La compétence générale doit aller au département. Ayant passé 18 ans à la tête d'un exécutif régional, j'ai un passé de régionaliste ; mais face à la complexité de la société d'aujourd'hui, nous devons conjuguer puissance et proximité. Si vous effacez la proximité au nom de la puissance, vous écrasez ; si vous faites de la proximité sans puissance, on vous reprochera votre impuissance. Il faut donc trouver l'équilibre qui gérera la proximité, mais avec des capacités d'investissement. Voilà pourquoi notre pays devait avoir des départements forts, peut-être plus grands qu'aujourd'hui : si dans ma propre région, on avait un grand département de Charente et un grand département du Poitou, cela ne gênerait personne. Nous pourrions avoir 60 ou 70 départements en France. Ils peuvent gérer un million de personnes comme ils en gèrent 350 000 à 400 000 ; ce qui est important, c'est que c'est un espace historique, compris, un espace d'initiative et pas seulement une zone d'action pour le préfet. C'est le fond de l'affaire. Aujourd'hui, nous ne sommes plus gouvernés par des hommes, mais par des procédures, des réglementations ou des directives. Il y a 10 ou 15 ans, vous alliez dans le bureau du préfet demander un arbitrage ; il écoutait, pesait le pour et le contre et décidait, au besoin en interprétant librement la règlementation. Aujourd'hui, il se contente de regarder si la règle est respectée. Nous devons sortir de ce système trop régulé et déshumanisé. La décentralisation remet de l'humain, du bon sens.
Et la région ? J'ai évolué. La région, c'est une question de puissance et de programmation. C'est vrai pour les universités et pour les grandes infrastructures routières ferroviaires, aéroportuaires. Il faut des territoires élargis pour faire de grands investissements. Je vais même plus loin maintenant : je serais presque pour un Sénat régional, c'est-à-dire des élus régionaux élus au second degré. Non pas le retour à l'établissement public régional mais une rénovation. Je ne vois pas comment on peut faire de la démocratie locale entre Loudun et Pau ! Je suis pour une grande région Aquitaine, mais pour des raisons de puissance et parce qu'on a besoin d'une métropole comme Bordeaux. La région ne gérera pas la démocratie locale mais la programmation. La démocratie locale, c'est le département. Oui aux grandes régions, si nous les séparons du département ; comme elles n'ont pas la compétence générale, il n'y a plus de risque de doublons.
Et ne soyons pas honteux : les décisions absurdes sont plus souvent celles de l'État que celles des collectivités. À Poitiers, deux lignes ferroviaires sont en construction, l'une dans la ville et l'autre à l'extérieur, parce que certains TGV s'y arrêteront et d'autres non. Toute la vallée du Clain est blessée par un viaduc de plusieurs kilomètres. Une voie, c'est quand même un petit milliard d'euros... un milliard de trop !
Vous montrez que le Sénat n'aborde pas cette perspective de réforme à reculons et le dos au mur, mais avec l'initiative d'un modernisateur.
Je partage cette vision d'une République au plus près du terrain. Il faut du qualitatif plutôt que du quantitatif, notamment pour les communautés de communes ; on veut faire toujours plus grand, mais dans le milieu rural, c'est très compliqué de mettre en place une communauté de 20 000 habitants. Comment traduirez-vous cette volonté dans le projet de loi ? Où mettre le curseur ? Une communauté de communes de 5 000 habitants est-elle pérenne ? La réforme n'est pas faite pour les élus, mais pour les citoyens, pour l'amélioration de leur cadre de vie. Il faut plus de puissance aux régions, mais la fusion de deux régions n'augmente pas leurs moyens.
J'approuve l'idée que les élus régionaux soient élus au second degré comme autrefois. Nous sommes un certain nombre de sénateurs à avoir imaginé que les régions et les départements fonctionnent comme les communes et les communautés de communes. Nous aurons alors deux couples où l'instance inférieure, douée de compétence générale, mutualise dans l'instance supérieure ce qu'elle ne peut faire seule. La région deviendrait une communauté de départements, ce qui éviterait les doublons.
Remettre la commune au coeur du dispositif est essentiel ; mais j'ai des doutes sur la volonté des technocrates parisiens, qui envisageaient, tous gouvernements confondus, de faire élire les présidents de communautés de communes au suffrage universel et à terme, supprimer les maires sinon demain, du moins après-demain.
Merci pour l'excellent rapport qui fait honneur au Sénat et constitue une bonne base de travail. J'ai toutefois perçu une petite différence entre ses deux auteurs. Lorsque M. Krattinger envisage un couple de proximité intercommunalité-département, Jean-Pierre Raffarin préfère un couple département avec compétence générale-région stratège. Que pensez-vous du conseiller territorial, qui était à la fois conseiller général et conseiller régional ?
Avec de grandes régions pauvres, les départements continueront à être les premiers dans la solidarité, tandis que l'État recule. Il est important qu'ils gardent la possibilité d'une action économique et touristique. Des projets comme celui du Futuroscope, de son technopôle ou du futur Center-Park dans le nord du département ne peuvent être gérés au niveau régional.
Nous n'avons pas encore une idée très claire du futur fonctionnement de ces très grandes régions, ni des modalités de gestion de la solidarité territoriale.
Je suis en désaccord avec une partie de ce qu'a proposé Jean-Pierre Raffarin. Je suis d'accord pour garder la clause de compétence générale à la région...
Dire que le département a les capacités d'assurer la solidarité territoriale est un leurre : il fera de la péréquation sur ses recettes ; un département pauvre fera comme il pourra. C'est la région qui a la capacité de la solidarité territoriale et de la planification.
Question recettes, tout le monde craint que ces grandes régions n'aient pas la capacité d'écouter l'ensemble des territoires ; je regrette que vous n'ayez pas repris mon amendement qui proposait une forme de bicamérisme à l'échelle régionale, avec des élus au suffrage direct de liste ayant un vrai projet régional et une représentation de l'ensemble des territoires. Voilà comment je peux être favorable à un Sénat régional...
La fusion des départements est une vraie question ; ils maintiennent des identités culturelles, historiques dans les méga-régions où elles pourraient se diluer. La fusion Bretagne-Pays de Loire ne peut être acceptée, à moins de prévoir un seul département breton.
Je suis en désaccord sur l'intercommunalité. C'est le vrai lieu de vie : nous sommes en retard sur les citoyens de ce point de vue. Il faut aussi s'interroger sur les doublons dans l'administration de l'État. Une simplification s'impose, mais l'État souhaite maintenir une présence locale.
Nous avons une obligation d'efficacité de l'action publique dont l'exercice est partagé entre État et collectivités : nous ne pouvons-nous interroger sur les compétences territoriales sans le faire aussi pour celles de l'État et sur ce rôle essentiel que je mettrai au nombre de ses compétences régaliennes : faire preuve d'équité, plutôt que d'assurer l'égalité des territoires. Je crois à la pertinence d'un espace départemental, mais son organisation sous forme de cantons est dépassée. Si nous sacralisons l'intercommunalité, qui n'est que la prolongation de l'action de la commune, les départements vont devenir des parlements d'intercommunalités.
La société a changé, mais nous n'avons fait qu'empiler les strates. Nous devons agir pour la mutabilité des collectivités. Sont annoncées la mort des communes, la mort des départements, puis leur retour et l'évolution des régions. Or les Français ont besoin de visibilité, et nous aussi ! Il faut faire un effort de lisibilité, d'efficacité, faire des économies par les mutualisations qui annoncent des fusions, du moins je l'espère. Les Français n'y croient même plus : nous devons nous attaquer sérieusement au problème.
J'ai bien du plaisir à continuer cette réflexion avec les auteurs du rapport que j'avais côtoyés dans la mission commune d'information ; c'est un bain de jouvence. Je suis séduit par la vision à moyen terme de Jean-Pierre Raffarin, mais elle est si loin du texte proposé que je ne sais pas comment nous ferons pour nous en rapprocher.
Il faudra passer par une réforme fiscale de grande envergure, de toute façon déjà entamée. Il faudra un redéploiement et la mise en place d'une nouvelle gouvernance systémique. Je n'ai pas été choqué par les propos d'Yves Krattinger ; il va dans la bonne direction. Je partage l'avis de Jean-Pierre Raffarin sur les intercommunalités à 20 000 habitants ; c'est stupide et inadapté. La solution vis-à-vis de nos communes, que nous aimons, est-elle de laisser les choses en l'état - et elles seront vidées nécessairement de leur substance - ou bien de les conserver à travers des communes nouvelles formées de manière volontaire, avec une masse critique qui réduirait par quatre le nombre des intercommunalités. C'est cette solution que je préfère...
En fait, nous ne sommes pas si loin du projet de loi ! Il n'y a que deux grandes visions : le quinquennat précédent en avait choisi une et celui-ci en choisit une autre. Soit nous rapprochons départements et régions, avec le conseiller territorial - que nous n'avons peut-être pas suffisamment crédibilisé - comme enzyme unificateur, soit nous choisissons la séparation pour qu'il n'y ait pas de doublon. D'une certaine manière, Ronan Dantec est pour le conseiller territorial sans le savoir. Soit nous gardons les régions actuelles et nous les rapprochons des départements en allant jusqu'à la fusion ; soit nous les séparons en lui donnant une autre fonction. C'est ce qui n'est pas cohérent dans le projet du gouvernement : de grandes régions et la suppression des départements. Il faudrait de grandes régions et des départements, quitte à les agrandir.
Je ne suis pas sûr qu'il faille un seuil d'habitants pour les communautés de communes ; c'est le conseil général qui doit le donner : les territoires sont si différents les uns des autres ! Dans la Vienne, une communauté de communes de 5 000 habitants et une autre de 8 000 habitants ont fusionné grâce à un travail énorme : nous ne pouvons pas les faire passer au 1er janvier 2016 à 20 000 habitants en allant chercher des communes à 30 kilomètres. Le national est trop arbitraire lorsqu'il fait cela.
Les économies avec les grandes régions ne se feront pas sur les structures mais sur les politiques, en évitant un certain nombre de doublons. Mais cela veut dire aussi qu'avec un guichet unique, il y aura moins de subventions. Le gouvernement a été assez incohérent en présentant les intercommunalités comme l'avenir du département et en faisant des cantons qui n'ont rien à voir avec elles. Franchement, les gens qui ont fait cela ne connaissent rien au territoire.
La création du conseiller territorial représentait une autre piste de réforme. Nous ne sommes pas allés assez loin dans ce sens. Cette solution avait l'avantage de donner aux régions les compétences et, au département, le scrutin. Tout le monde aurait été content...
Je suis totalement d'accord avec vous, Monsieur Fouché.
Monsieur Dantec, je suis un républicain, attaché au rôle de l'État. Aujourd'hui, on ne cesse d'affaiblir l'État. Celui-ci ne sera fort que s'il se recentre sur un certain nombre de missions. L'État est trop ambitieux au niveau local. Il devrait faire davantage confiance aux départements. En effet, comme l'État est affaibli, sa seule façon d'exister est d'empêcher. Voyez le temps qu'il a fallu pour installer un Center Parc dans la Vienne : que de procédures ! Il vaut mieux parfois être un gros crapaud bien né, qu'un mauvais chrétien mal né parce que l'on passera plus de temps à régler vos problèmes ... Quatre ou cinq ans ont été nécessaires alors qu'un dossier identique avait été monté dans la Moselle. Moins l'État a de pouvoirs, plus il contrôle pour faire croire qu'il en a !
J'ai fait un rêve juridique : pourquoi ne pas donner aux préfets ou aux maires un pouvoir d'interprétation pour les autoriser à déroger à la règle générale lorsque cela est nécessaire ? Les règlements s'empilent et désormais ce sont les systèmes qui gouvernent, non les hommes. Si l'on veut que les hommes gouvernent, il faut laisser un pouvoir d'interprétation pour donner de la place au bon sens ! On voit des choses absurdes. Dans une commune de la Vienne, une entreprise de 150 salariés a dû partir pour s'agrandir, faute d'une dérogation au plan local d'urbanisme que personne ne pouvait lui accorder. Je plaide pour un humanisme territorial.
Il faut alléger l'État et le recentrer sur l'exercice de ses missions régaliennes. L'État doit conserver son rôle de stratège. Avec la crise, des plans de relance ont été lancés et, partout, on a assisté à une recentralisation. En France, nous sommes allés encore plus loin en créant les investissements d'avenir. Il aurait été possible de recourir à des contrats territoriaux en demandant aux territoires de participer. La crise recentralise. C'est une grave erreur : les solutions passeront par la proximité.
Madame Gatel, je ne suis pas hostile à la création d'un parlement d'intercommunalités dès lors que l'intercommunalité correspond à un espace inter-municipal et cantonal avec un élu spécifique. Tout dépend du découpage des cantons. Cela aiderait peut-être le citoyen à mieux comprendre le territoire au niveau infra-départemental. Les cantons existaient depuis longtemps ; on les remplace par quelque chose qui n'a pas de réalité. L'intercommunalité a le mérite d'exister. Je ne suis pas hostile à dessiner les cantons en fonction de la carte des intercommunalités.
J'aime le concept de mutabilité, évoqué par Mme Doineau. Il faut aider nos structures à bouger, mais il faut aussi aider le monde médiatico-national à comprendre ce qui se fait dans les territoires. Actuellement, cela n'intéresse personne. Comme président de région, quand je tenais une conférence de presse pour annoncer la signature d'un contrat de plan, la presse locale s'y rendait, mais vous n'attirez la presse nationale que si vous claquez la porte d'une réunion à Matignon. Nos élites ne s'intéressent pas aux territoires.
Monsieur Guené, je ne suis pas hostile à des communes nouvelles, mais je n'aime pas le systématisme. Laissons les territoires décider ! Quelle économie réalise-t-on si l'on supprime la plus petite commune de la Vienne, qui compte 60 habitants ? Elle est administrée par neuf élus bénévoles, et tout a déjà été mutualisé ... D'accord pour des communes nouvelles quand on peut rassembler, mais l'objectif ne doit pas être de supprimer la proximité avec l'objectif de rationaliser.
Enfin, il faudrait se pencher sur la place du parlementaire dans la décentralisation. Nous votons le budget de l'État, le préfet dépense les crédits et ne nous associe pas toujours. Les aides aux communes sont distribuées sans nous consulter. Le parlementaire ne peut rester en dehors du jeu, a fortiori avec le mandat unique. Attention à l'écart préoccupant entre les territoires et le Parlement.
Votre tâche est immense. Nous traversons une crise très grave. A Paris, les gens n'en ont pas conscience ; ce n'est pas normal. Quand nous sommes dans les territoires, nous voyons la situation des PME, des artisans, des agriculteurs ; nous savons qu'une crise du lait est imminente. Pourtant, plus la douleur des territoires est grande, plus on a l'impression qu'elle n'est pas entendue. Avec la crise, on centralise, mais ceux qui décident donnent le sentiment de ne pas être proches des difficultés. Qui nous parle d'un plan PME ? Elles traversent pourtant une très grave crise de trésorerie. On le sait localement. Des réunions ont lieu dans les conseils généraux, on en discute, mais tout se passe comme si, une fois la réunion terminée, on remontait à Paris et on l'oubliait. À Paris, on parle de la proportionnelle et d'un certain nombre de sujets de société qui sont tous très importants, mais qui sont loin des problèmes de la France d'aujourd'hui...