La réunion est ouverte à 15 heures.
En application de l'article 13 de la Constitution, nous entendons M. Augustin de Romanet de Beaune, candidat proposé aux fonctions de président-directeur général de la société Aéroports de Paris (ADP). Cette nomination ne peut intervenir qu'après son audition par les commissions compétentes du Sénat et de l'Assemblée nationale, laquelle est suivie d'un vote. L'Assemblée nationale tenant la sienne juste après la nôtre, le dépouillement du scrutin, qui doit être simultané, aura lieu en fin d'après-midi. Il ne pourrait être procédé à la nomination de M. de Romanet si l'addition des votes négatifs de chaque commission représenterait au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés dans les deux commissions.
Monsieur de Romanet, le Président de la République a proposé de vous reconduire à la tête d'ADP que vous dirigez depuis le 28 novembre 2012. La durée de votre premier mandat étant liée à celle qui restait du mandat de votre prédécesseur, nous devons vous auditionner une deuxième fois. Ce sera l'occasion de dresser un bilan et de tracer des perspectives. Vous nous aviez dit vos ambitions à l'égard des clients, de l'environnement, des collaborateurs et des actionnaires d'ADP. Comment avez-vous progressé dans ces domaines ? Qu'en est-il de votre stratégie de développement international ? Comment le projet de liaison Charles de Gaulle Express avance-t-il, et comment s'insère-t-il dans le Grand Paris ? Quelles sont vos relations avec l'État actionnaire et les collectivités partenaires ? Nos premiers échanges, qui avaient eu lieu peu après votre prise de fonctions, avaient été très constructifs ; nul doute que votre propos suscitera des interrogations de mes collègues.
Sans vouloir singer Fernand Braudel, la proximité d'un aéroport est aussi capitale au XXIème siècle pour la puissance d'une ville que celle d'un port dans l'Antiquité ou d'une gare au XIXème. Le bruit causé par les avions diminuant, les aéroports, qui ceinturaient les villes au siècle passé, ont tendance à se rapprocher des centres.
Il n'y a pas de grandes capitales sans grands aéroports. Ils forment un noeud de connexions aussi bien pour les voyageurs que pour le fret. L'importance du tourisme n'est plus à démontrer : avec 10 % du PIB mondial et 102 millions de salariés, le secteur dépasse désormais l'automobile, la métallurgie ou la chimie. Chaque million de passagers supplémentaire représente 4 500 emplois directs et indirects ; 100 000 tonnes de marchandises supplémentaires supposent 1 000 salariés de plus.
Les ingénieurs des années 1960-1970 avaient conçu un système aéroportuaire parmi les meilleurs en Europe : quatre pistes à Roissy, deux à Orly et trois au Bourget. Charles de Gaulle est le hub le mieux connecté d'Europe : il offre 25 000 facultés de correspondances en moins de deux heures par semaine contre environ 10 000 chez nos principaux concurrents. Orly, dont le trafic n'est limité qu'à raison du plafond instauré, est promis à un bel avenir. Enfin, Le Bourget est le premier aéroport d'affaires d'Europe avec 55 000 mouvements par an.
ADP représente la première capitalisation boursière mondiale dans son secteur : environ 10 milliards d'euros ; c'est la quarantième capitalisation française. Nous sommes 40 % au-dessus de la deuxième entreprise, l'allemand Fraport.
Faisons prospérer cet héritage pour le bien de l'économie francilienne, pour celui de l'économie française. D'après une étude du BIPE en 2010, les retombées d'ADP équivalent au PNB de la Lituanie ou du Ghana.
Ces vingt derniers mois, j'ai engagé le dialogue pour une meilleure insertion dans les territoires ; j'ai mis l'accent sur l'amélioration des accès - ne pas renforcer ce maillon faible mettrait en péril la plateforme - et, à la suite de mon prédécesseur, j'ai insisté sur l'accueil des voyageurs dans une maison d'ingénieurs, traditionnellement plutôt tournée vers la construction de pistes et de terminaux.
Après la construction de commerces lors de l'entrée en bourse de 2006, l'effort a été porté sur l'accueil et l'hospitalité depuis 2010. La prospérité d'Air France en dépend intrinsèquement et, donc, la nôtre puisque la compagnie est notre principal client. Le 1er juillet, nous avons ainsi décidé, ce qui sera une première en Europe, d'équiper le hub en wifi gratuit : un investissement assez coûteux, mais tout à fait essentiel pour les passagers. En 2013, nous avons d'ailleurs enregistré une hausse historique du taux de satisfaction : plus 2 % pour atteindre 88 %, quand nous peinions à gagner 0,15 à 0,20% auparavant.
Améliorer les conditions d'accueil des voyageurs ne peut se faire depuis le boulevard Raspail. Je m'en suis rapidement rendu compte après mon installation, quand bien même j'étais décidé à ne pas me laisser dicter mes choix. Dès le matin, le passager est pris dans les embouteillages, à l'entrée de l'aéroport il doit zigzaguer entre des files de taxis, de voitures de tourisme avec chauffeurs et de bus pour débarquer ses valises, patienter devant les comptoirs d'embarquement puis aux postes d'inspection et de contrôle et, enfin, devant la police aux frontières... Il m'a fallu un an et demi pour m'apercevoir que nous laissons des familles attendre une journée entière dans des terminaux de compagnies à bas coût sans une bouteille d'eau. Voilà pourquoi j'ai voulu déménager notre siège à Roissy-Charles de Gaulle ; nous y perdons en confort, mais la décision était nécessaire. Elle implique un changement de culture d'entreprise, dont nous pourrions débattre des heures.
Après la priorité donnée aux clients, une gestion plus rigoureuse des dépenses de fonctionnement et d'investissement. À mon sens, limiter la hausse des redevances est indispensable car, derrière, il y a des compagnies. Nous en sommes solidaires, même si certaines d'entre elles ont tendance à surpondérer l'importance de nos redevances par rapport à leurs véritables charges d'exploitation. Pour notre principal client, le montant des redevances aéronautiques demeure faible comparé aux coûts de personnel et de carburant : 430 millions contre 7 milliards, de sorte qu'une hausse de 1 % des redevances est égale à 0,6 % des frais de personnel ou à 1 h 03 de travail. Grâce à un plan d'économies, nous avons réussi à ramener la progression des charges d'ADP de 7,3 % en 2012 à moins de 2,7 % en 2013.
Quant à l'effort sur l'investissement, j'ai trouvé en arrivant 150 millions de dépenses de plus que prévu dans le contrat entre l'État et l'entreprise. De fait, on raisonnait sur l'excédent brut d'exploitation avant investissement, or l'amortissement pèse sur le compte de résultats. J'ai coupé 150 millions dans les dépenses sans amoindrir la qualité du service.
Conformément à l'engagement pris en 2010, nous avons lancé un plan de départs volontaires que le précédent gouvernement avait refusé. Il s'est accompagné du recrutement de 120 agents d'accueil, parce que nous ne pouvons pas sous-traiter ce qui forme le coeur de notre métier, et de 100 agents de maintenance chargés d'effectuer les réparations de plomberie, de chauffage et d'électricité afin de ne pas dépendre de prestataires dont la spécialité est de mettre quinze jours à trouver l'origine d'une panne.
ADP a clarifié sa stratégie internationale. Quand j'ai rejoint l'entreprise en 2012, nous possédions des poussières d'empire et des confettis : à Madagascar, en Guinée, à l'île Maurice, mais aussi au Mexique. Pour dire les choses avec pudeur, la gestion de notre filiale d'ingénierie, ADPI, laissait entrevoir des marges de progression immenses, en particulier sur le plan du respect des règles déontologiques et de la gestion financière. Nous y avons mis bon ordre. Cependant, je n'envisagerai jamais de me séparer de cette activité.
L'entreprise avait également réalisé une opération très chanceuse en Turquie. Nous avons investi dans la gouvernance et le contrôle de l'aéroport pour atteindre 38 % du capital, cela nous évitera de nous laisser entraîner dans des opérations hasardeuses. Pour être déjà présent à Ankara, Istanbul et Izmir, nous avions le sentiment de pouvoir remporter l'appel d'offres du troisième aéroport d'Istanbul : l'objectif de ce projet pharaonique était de recevoir 150 millions de passagers quand le premier au monde, Atlanta, en reçoit 98 millions. À regarder de près les chiffres, nous avons finalement résisté à la bulle des infrastructures et à la surenchère et nous avons bien fait : l'aéroport est parti à 22 milliards d'euros ; résultat, aucune banque ne veut mettre la main à la poche pour le financer.
Notre but est de projeter notre savoir-faire en matière de conception et de construction d'aéroports sous quatre conditions : des synergies au sein du groupe, le contrôle de l'aéroport, une croissance à un rythme 1,5 fois plus rapide que celle attendue à Paris et une rentabilité correspondant aux attentes des investisseurs.
L'insertion dans les territoires est extraordinairement importante pour ADP. Nous apportons tout notre soutien au projet du Grand Paris, les nouvelles lignes 14 et 17 qui rejoindront Paris et Orly ne concurrencent pas le Charles de Gaulle Express que nous avons relancé de manière très volontariste, cela renforcera l'écosystème. Nous avons d'ailleurs décidé de financer l'accès routier par l'est à hauteur de 2 millions d'euros plutôt que d'attendre que toutes les sous-commissions administratives se réunissent. Il le faut : la route à deux voies est embouteillée en permanence. Cela a payé : l'État, qui l'avait d'abord refusé, a réévalué le projet à 4 millions et accepté d'investir la moitié. Charles de Gaulle Express est vital pour l'avenir de la plateforme : avec Aéroville, le projet Europa City et la croissance naturelle du trafic à Roissy, 130 à 140 millions de personnes transiteront par ces routes dans quelques années contre 60 millions actuellement.
Les investisseurs sont satisfaits de voir le cours d'ADP évoluer plus vite que les indices de référence. L'action est passée de 56,50 euros à mon arrivée à 101 euros aujourd'hui, soit un gain de valorisation de 4,2 milliards.
Ce résultat, nous le devons aux salariés d'ADP. Par leur professionnalisme, et il s'observe jusqu'au plus bas de l'échelle des responsabilités, ils sont des cousins des soldats de l'armée de l'air. Nos collaborateurs sont très engagés dans leur métier, leur faculté de mobilisation est excellente. Ajoutez-y le sens du détail et l'attention au client qui se développe, et vous obtiendrez un bon cocktail pour la progression de l'entreprise.
Dans les soixante prochains mois, nous axerons notre action sur le renforcement de la compétitivité des aéroports parisiens. Nous pourrions nous contenter de nous installer dans la guérite d'un monopole naturel et de toucher les péages. Ce serait oublier la concurrence des autres hubs et celle des autres modes de transport que sont le train et la route que des voyageurs préfèrent pour s'épargner le stress des contrôles. L'aéronautique, il faut en avoir conscience, croît deux fois plus vite dans le monde que le PIB. La France a des atouts pour capter cette croissance mondiale au profit de la croissance domestique avec son triple A : un grand constructeur d'avions, une grande compagnie nationale et le plus grand groupe aéroportuaire au monde. Pour conquérir des parts de marché, nous allons chercher les clients. Au premier semestre, seize nouvelles compagnies ont rejoint ADP, dont Jet Airways et une compagnie mongole, Hunnu Air. Loin de nuire à notre principal client, nous attirons à lui la diaspora mongole de Los Angeles en ouvrant une liaison directe avec Oulan-Bator. Les Français, qui sont au coeur du monde aérien et peuvent se rendre en Asie ou en Amérique directement l'oublient trop souvent, les autres voyageurs doivent effectuer une correspondance quelque part, les avions de ligne les plus performants parcourant seulement 12 000 km.
En début de mandature, notre activité sera principalement tournée, avec la négociation du contrat de régulation économique, vers l'optimisation du hub de Paris. Grâce à cela, nous espérons un rythme de croissance des passagers aussi rapide qu'actuellement : je rendrai publics les chiffres prochainement.
L'aéroport est considéré comme une commodité, comparable à une gare ou à une station de taxi. Le voyageur en attend des services de base, pas davantage. S'il parvient à prendre son avion, il est déjà satisfait. Nous aiderons les compagnies aériennes à capter le plus de clients possible en faisant en sorte que les voyageurs, sitôt la porte du terminal passée, soient pris en charge, orientés vers les comptoirs d'enregistrement par des agents d'accueil et franchissent au plus vite les poste de sécurité et de la police aux frontières. De nombreuses personnes, qui doivent se rendre dans un autre aéroport afin de poursuivre leur voyage, musardent dans les commerces et ratent leur correspondance en toute bonne foi parce qu'on ne leur a pas annoncé que le bus partait... Les clients chinois sont plongés dans le désarroi le plus total : pas le moindre idéogramme à l'aéroport. Nos amis d'Asie sont nombreux à reculer devant un séjour en Europe face à l'humiliation que représentent ces dix premières minutes seuls, perdus dans les voies de débarquement, avant de retrouver le tour opérateur qui les emmènera dans le restaurant chinois voisin. Je tiens également beaucoup à installer des photographies magnifiant la France dans tous nos couloirs ; l'exposition des villes d'art et de patrimoine françaises que nous avons exposée après que je l'ai vue sur les grilles du jardin du Luxembourg a enthousiasmé les voyageurs se rendant en Allemagne. Charles de Gaulle Express, enfin, sera capital pour l'accueil des passagers.
Pas de stratégie internationale motivée par l'ego, pour le plaisir de planter son drapeau dans un pays exotique. Nous avons récemment perdu le Brésil et la Turquie, nous nous en réjouissons : à y réfléchir, ce n'étaient pas de bonnes opérations. En revanche, nous sommes candidats pour la rénovation de La Guardia, que le vice-président américain Joe Biden a qualifié d'aéroport du tiers monde. Nous réfléchissons également, avec Vinci, pour doubler la capacité de l'aéroport de Santiago du Chili, ce pays est très sûr. L'idée est bien de projeter notre savoir-faire à l'étranger. Et du savoir-faire, nous en avons. Voyez à Berlin : ils ont souffert mille maux, l'ouverture de l'aéroport a dû être reportée de cinq ans. Exporter nos services le plus possible, nos capitaux le moins possible, voilà notre stratégie. Elle est prudente car tout dépend, les tarifs étant régulés, de la connaissance politique du terrain.
Le développement d'ADP doit bénéficier à toutes les parties prenantes et, d'abord, aux communes à proximité des aéroports. Nous entretenons des relations étroites avec l'Acnusa et travaillons avec la DGAC pour réduire les nuisances sonores dans les zones les plus peuplées. Nous incitons les compagnies à augmenter leur taux de remplissage afin de diminuer le nombre de leurs mouvements. Grâce à cela, l'indice de bruit a baissé de 25 % en une dizaine d'années. Notre attention à l'environnement est reconnue : nous sommes la seule entreprise aéroportuaire classée parmi les 100 premières en matière de responsabilité sociétale des entreprises (RSE) - nous occupons même le quarantième rang. Cela demeure perfectible, évidemment. Nous avons créé un système de bus intelligents avec Kéolis pour les salariés de la plateforme : un simple coup de téléphone à 4 heures du matin, et on les emmène au travail. Ceux qui habitent dans des endroits excentrés et travaillent à des horaires atypiques ont droit à un forfait de location entretien de la voiture à hauteur de 100 euros par mois.
Souci du bruit, souci de la biodiversité, souci de créer de l'emploi à proximité, souci des salariés, également : je compte amplifier notre forte appétence pour l'actionnariat salarié durant mon deuxième mandat.
Pour les clients, nous voulons les prix les plus bas et les plus intelligents. L'opposition que certains voudraient créer entre aéroports et compagnies aériennes par simplicité n'a pas lieu d'être : nous dépendons les uns des autres. Si nos courts courriers sont plutôt attractifs, il reste des marges de progression sur les longs courriers.
Enfin, les actionnaires continuent de nous manifester leur confiance, à commencer par l'État qui détient 50,6 % du capital. Nous signerons avec lui un nouveau contrat de régulation économique en juillet 2015, auquel sera adossé un plan stratégique et qui fera l'objet d'un document public de consultation en janvier prochain. Les négociations débuteront en septembre. Ce sera le moment de calibrer le bon niveau d'investissement. Si c'était Noël, nous dépenserions 7 milliards ! Il faudra raisonnablement diviser cette somme par deux d'autant que des pistes sont à rénover à Orly et que des investissements de capacité seront nécessaires à Roissy-Charles de Gaulle en 2025. D'ores et déjà, sans même avoir dépensé un sou, nous savons qu'il faudra consacrer 1,6 milliard d'euros à l'entretien des pistes et des terminaux et à la mise aux normes des équipements de contrôle.
Avec Air France, nous discutons de l'amélioration du service rendu aux clients des lignes nationales. Laurent Wauquiez, que j'ai reçu récemment, m'a expliqué que les voyageurs arrivant du Puy ne sont plus au contact de l'aéroport : débarqués au large, ils sont ramenés au terminal en bus. Notre client Hop! m'a présenté une requête très substantielle. Encore une fois, le père Noël pourrait nous offrir un nouveau terminal dédié aux lignes nationales, mais il y a d'autres solutions... En tout cas, la qualité de certaines lignes de province s'est dégradée, cela est certain, et il faudra y remédier.
Monsieur le président Vall, vous pouvez compter sur mon engagement, il sera total lors de mon deuxième mandat si vous voulez bien me renouveler votre confiance.
A propos des redevances aériennes, le ministre en charge des transports a fait état il y a un an de sa volonté d'un partage plus équitable du risque entre aéroports et compagnies aériennes. Votre situation financière est excellente, vous l'avez rappelé. Quel effort êtes-vous prêt à fournir dans la négociation ? Cela renforcerait votre attractivité, pour l'ensemble des compagnies aériennes.
Les travaux du futur Charles de Gaulle Express, qui reliera l'aéroport à la gare de l'Est en vingt minutes, commenceraient en 2017 pour s'achever en 2023. Toutefois, une nouvelle polémique se développe autour du prix du billet. Le ticket à 24 euros semble très cher par rapport au coût des transports franciliens. Comment assurer un juste équilibre ?
L'État a annoncé vouloir céder ses parts dans l'aéroport de Toulouse-Blagnac ; demain, ce sera Bordeaux et ainsi de suite. Les aéroports régionaux craignent l'arrivée d'investisseurs privés. ADP compte-t-il y prendre des participations ?
Un grand merci à M. de Romanet et à notre président de commission. Cette dernière audition est pour moi un vrai bol d'air. Enfin, dans le secteur public, un manager en place qui réussit. Bravo pour cet exposé clair et lucide !
Après avoir entendu le président de la RATP, Pierre Mongin, je dirais plutôt que cette audition est un deuxième bol d'air !
Une ouverture de capital serait une possibilité. Vous qui êtes un grand serviteur de l'État, l'envisagez-vous ou considérez-vous essentiel que l'État reste majoritaire à votre capital ?
En bon picard, je ne peux m'empêcher de vous interroger sur l'aéroport de Beauvais. Est-il oui ou non utile, vous fait-il concurrence ? Pour finir, une suggestion : renforcez votre communication, j'ai appris de votre bouche cet après-midi de nombreuses choses que j'aurais déjà dû savoir.
Passagers, compagnies, actionnaires, riverains..., vous n'avez oublié personne. Vous demande-t-on une participation pour les accès ? Pour venir d'Agen en avion, je constate une dégradation du service : nous arrivons désormais en bout de piste à Orly Ouest. Plutôt que de construire un nouveau terminal, mieux vaudrait rétablir le débarquement à Orly Sud.
Monsieur, votre bilan est aussi extraordinaire que votre exposé dynamique. La beauté de votre image sur les aéroports qui sont aux villes ce que les ports étaient aux cités antiques, ne doit pas nous faire oublier la pollution sonore et atmosphérique occasionnée par les avions. Vous qui déclarez dans les médias vouloir créer un exemple de ville connectée, quels partenariats imaginez-vous avec les collectivités avoisinantes pour améliorer le cadre de de vie et le bien-être des habitants ? Enfin, comment améliorer la situation dans les zones d'attente ? L'association France Terre d'asile en parle beaucoup ces temps-ci.
J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt le bilan de cette belle société qui fait la fierté de la France. Quelle est la capacité physique d'accueil de Roissy-Charles de Gaulle ? Qu'en est-il du troisième aéroport parisien ? Les collectivités se sont beaucoup engagées dans le projet Vatry- Champagne qu'on appelle parfois Paris- Vatry.
Quand j'étais étudiant, on construisait l'aéroport de Roissy au milieu des champs. Quarante ans après, la ville l'encercle. Pensez-vous que ce phénomène se reproduira à chaque nouvelle implantation ?
Monsieur Teston, la loi dispose que le rendement des actifs aéroportuaires doit équivaloir au coût du capital. Le premier est de 3 %, le second de 6%. Le contrat de régulation économique devrait nous demander de rapprocher les deux chiffres. Deux solutions pour y parvenir : augmenter les recettes, diminuer les dépenses. Notre idée est plutôt de modérer la hausse des tarifs et d'optimiser les investissements en redéployant les compagnies pour accueillir 80 millions de passagers contre 62 aujourd'hui. Nous avons des efforts à entreprendre dans la gestion d'ADP, nous en sommes conscients ; nous en discuterons avec l'État.
Les travaux de Charles de Gaulle Express, conduits par ADP et RFF, débuteront en 2017 à condition que le projet soit validé par le Conseil d'État et la Commission européenne. Ils ne seront pas financés par l'impôt sauf la contribution résiduelle d'un euro par passager en 2023. Le prix du billet sera moins cher qu'à Heathrow. Entre vingt minutes de trajet en train et deux heures trente dans la voiture, les voyageurs auront vite fait leur choix. Le surcoût pour les salariés de la plateforme sera financé par les compagnies.
ADP envisage d'entrer au capital des aéroports régionaux, je ne peux en dire davantage pour le moment.
Monsieur Deneux, merci pour vos encouragements. L'ouverture du capital n'est pas nécessaire, la maison dispose de suffisamment de cash flow. Notre taux d'endettement est de 78 %. Certains, qui le jugent trop faible, nous incitent à être plus aventureux. Que voulez-vous, la mode est à la dette. Je préfère devancer celle de demain et conserver le A+ que nous a décerné Standard & Poor's.
Je suis un ami du marché qui se développe. Beauvais, avec Ryanair, y participe ; tant mieux. Le modèle économique reste toutefois fragile : il y a six mois, la compagnie a décidé d'un coup de déplacer une centaine d'avions de Charleroi à Bruxelles...
Je retiens votre suggestion sur notre communication. Le 11 juillet dernier, nous avons réuni au Conseil économique, social et environnemental, 1 200 personnes du monde des constructeurs, des aéroports et des compagnies aériennes. C'était une première : autrefois, l'élite, qui travaillait dans les airs, ne se mélangeait pas à la plèbe qui s'activait à terre.
En effet, Monsieur Tandonnet, je n'oublie personne, parce que le transport dépend de la solidité du maillon le plus faible. Lors de ma précédente audition, je m'étais élevé contre la théorie du « pas nous-pas nous ». Aussi nous intéressons-nous à tout notre écosystème plutôt que de rejeter la responsabilité sur les autres. Toutes les routes d'accès à Roissy sont à notre charge, ce qui représente un réseau de plusieurs centaines de kilomètres qu'il faut entretenir, déneiger. Nous avons également financé l'accès par l'est. Nous avons effectivement accepté que la ligne d'Agen passe d'Orly Sud à Orly Ouest quand Hop! a souhaité regrouper ses vols ; cependant, si elle veut revenir au sud, nous pourrons regarder cela.
Mme Masson-Maret m'a posé une question parmi les plus difficiles qui soit, ne serait-ce que parce que la pollution atmosphérique tient bien plus au trafic routier sur les voies d'accès aux aéroports qu'aux avions. Selon Airparif, 6 % des émissions d'azote, 2 % des microparticules et 1 % des composés volatils non métalliques en Ile-de-France sont imputables aux plateformes aéroportuaires. Je ne dispose pas de statistiques me donnant à penser que les pollutions liées aux avions présentent une menace pour la santé. Votre question me conduira cependant à mener mon enquête.
Les communes, qui auront de moins en moins d'argent, vivront avec une activité économique de plus en plus profitable. J'ai clairement l'idée que nous investissions plus dans la fourniture d'équipements sportifs ou socioculturels afin de parfaire notre insertion dans l'environnement. En outre, nous essayons d'aider l'État à améliorer le rapport coût-efficacité des aides à l'insonorisation. En termes diplomatiques, je suis favorable à un ticket modérateur, de manière à ce que les caisses ne se vident pas trop vite. Bien que nous ne soyons que gestionnaires de la TNSA, notre devoir est de tirer la sonnette d'alarme.
La zone d'attente relève de l'État, qui a délégué un préfet sur place. Je n'ai pas de vision des améliorations à apporter à une situation dont je sais qu'elle est mauvaise. Je suis prêt à vous rencontrer si vous avez des observations particulières à présenter, car le sujet me préoccupe.
La ville connectée, c'est notre système de bus intelligents, c'est le wifi gratuit sur toute la plateforme. Le but est de disposer en 2050 d'une plateforme desservie par des modes de transports doux, véhicules électriques et vélos que l'on prendrait à des parkings installés en périphérie de la ville aéroportuaire. Le chemin est long, mais nous travaillons à l'ouvrir.
Monsieur Huré, bonne nouvelle, nous n'aurons jamais besoin d'un troisième aéroport parisien, même en 2018. Bien sûr, Charles-de-Gaulle sera saturé en 2050, mais avec les plateformes de Vatry, qui est sous-utilisée, Lille-Lesquin et Metz à moins d'une heure de TGV de Paris, la question n'a plus lieu d'être. Roissy a d'ailleurs une capacité de 80 millions de passagers et en accueille pour l'instant 62 millions ; ses pistes peuvent en desservir jusqu'à 120-130 millions, soit plus que le double de la plateforme actuelle.
L'aéroport dans les villes ? Cette évolution me semble inéluctable. Je viens de recevoir un maire me demandant s'il ne serait pas possible de construire malgré le plan d'exposition au bruit. La tendance naturelle est de se regrouper pour bénéficier de la mutualisation des services. Aussi nous faut-il organiser le mouvement au mieux. Voilà même pourquoi je suis si enthousiaste à l'idée de transférer notre siège à Charles-de-Gaulle : au moins nous parlerons de ce que nous connaîtrons plutôt que de parler du boulevard Raspail, à l'ombre de la statue du lion de Belfort.
Je vous remercie vivement, monsieur le Président, tant pour votre exposé liminaire que pour vos réponses précises à toutes les questions. Il ne me reste plus qu'à vous raccompagner avant que nous procédions au vote.
La commission procède au vote puis sur la candidature de M. Augustin de Romanet de Beaune aux fonctions de président-directeur général de la société Aéroports de Paris, en application de l'article 13 de la Constitution.
La réunion est ouverte à 17 heures.
En application de l'article 13 de la Constitution, nous entendons Mme Christine Noiville, candidate proposée aux fonctions de présidente du Haut Conseil des biotechnologies, instance créée par la loi du 25 juin 2008. Nous procéderons immédiatement après au vote et à son dépouillement, puisque l'Assemblée nationale a déjà entendu Mme Noiville, en début d'après-midi, et nous attend pour le faire. Je vous rappelle qu'il ne pourrait être procédé à la nomination de Mme Noiville si l'addition des votes négatifs de chaque commission représentait au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés dans les deux commissions.
Madame Noiville, vous êtes une spécialiste reconnue des questions relatives aux liens entre le droit et les évolutions scientifiques. Vous avez présidé pendant cinq ans le Comité économique, éthique et social (CEES) du Haut Conseil des biotechnologies (HCB). Quelle a été votre action à ce poste ? Quels sont vos projets pour cette instance de concertation et d'évaluation ? Quels sont les grands thèmes sur lesquels le Haut Conseil a travaillé et sur lesquels vous pensez que le législateur devra se pencher au cours des prochaines années ?
C'est un honneur pour moi que le gouvernement ait proposé ma candidature. Je suis juriste de formation, directrice de recherche au CNRS, et je dirige une équipe de recherche, « droit, sciences et techniques », à l'université Panthéon-Sorbonne. Je travaille depuis vingt ans sur les rapports entre la science et le droit, les problématiques du risque, le principe de précaution, l'organisation de l'expertise scientifique, l'alerte, et toutes les questions juridiques liées au développement des biotechnologies comme la brevetabilité du vivant ou les OGM, thématiques d'actualité. J'ai toujours pris soin d'aborder ces questions en chercheur, en répondant à de nombreux contrats et réseaux de recherche nationaux et internationaux pour analyser comment les sociétés s'adaptent aux évolutions scientifiques et techniques. J'ai rédigé de nombreuses publications et travaillé au sein de plusieurs instances comme le comité d'éthique du CNRS ou l'Institut des hautes études pour la science et la technologie.
Il y a cinq ans le Gouvernement m'a confié la présidence du comité économique, éthique et social du Haut Conseil, instance que j'ai contribuée à faire vivre, en lien avec Jean-Christophe Pagès, président du comité scientifique. La mission du HCB est délicate. Il ne s'agit pas d'une instance d'expertise classique mais d'une nouvelle forme d'éclairage du débat public, associant un comité scientifique qui évalue les aspects environnementaux et sanitaires, et un comité économique, éthique et social qui réunit les parties prenantes et se prononce sur les aspects sociétaux. Il a fallu apprendre à mener un dialogue constructif. Cela ne s'est pas fait sans remous. Cinq membres sur vingt-six ont quitté le comité. Cependant le bilan, après cinq ans, est positif : le HCB a rendu de nombreux avis, par exemple sur l'utilisation confinée, la mise en culture des OGM, l'étiquetage des produits ou la coexistence des cultures. Il s'est imposé comme un lieu de réflexion et de débat sur des sujets qui n'avaient jamais été discutés de façon pluridisciplinaire, comme la propriété intellectuelle ou industrielle. Nous avons ouvert une nouvelle voie, en combinant les réflexions scientifique et sociétale. Ce n'est pas un hasard si plusieurs pays observent avec intérêt cet organisme. Le HCB a une raison d'être et doit poursuivre sa mission.
C'est pourquoi je souhaite mettre mon énergie au service de cette instance. Il convient de consolider les acquis, en tirant les leçons des difficultés apparues, et de réfléchir à la place du HCB dans un environnement juridique et politique renouvelé. Je pense à une question comme la mise en culture des OGM. La France a interdit la culture du maïs OGM et la législation européenne évolue pour donner plus de latitude en ce sens aux États. Mais en même temps le Gouvernement français souhaite poursuivre le débat, notamment au sein du Haut Conseil, pour déterminer l'impact socio-économique et agronomique des organismes génétiquement modifiés.
Mon projet est redonner un élan au Haut Conseil des biotechnologies en remettant tous les membres autour de la table, en réintégrant tous les organismes qui ont démissionné. Un nouveau décret va paraître. M. le Foll veut relancer le débat. Je crois qu'une nouvelle présidence peut apporter une dynamique nouvelle. Il faudra aussi fixer un cadre clair au HCB : rôle, missions exactes, règles de procédure.
La légitimité du HCB tient à l'expertise qu'il apporte aux décideurs publics. Il doit monter en compétence dans l'expertise agronomique et socio-économique, enjeu d'autant plus important que l'Europe reconnaît la nécessité d'évaluer ces impacts pour mieux comprendre les avantages et inconvénients des OGM. L'Europe reprend à son compte l'initiative que vous avez prise lorsque vous avez créé le HCB.
Le Haut Conseil doit être davantage proactif. Au cours du premier mandat nous avons travaillé essentiellement au cas par cas et sur saisine du Gouvernement. Si nous devons continuer à assumer notre rôle de conseil, nous devons travailler aussi de manière générique, en établissant une doctrine sur certains sujets récurrents. Inutile de refaire le match à chaque fois ! Cela facilitera le positionnement du HCB sur des problématiques nouvelles. Nous devrons mieux apparaitre comme un organisme de veille ou de réflexion transversale. Nos auto-saisines sur la propriété industrielle ou la transparence de l'expertise ont eu un large écho, tout comme notre colloque sur la brevetabilité des gènes.
La lisibilité des travaux du HCB peut être renforcée. Ses avis sont d'une grande technicité et font état des positions divergentes, au point d'en devenir parfois difficiles à comprendre. Clarifions le message ! Il convient aussi de renforcer la place du HCB dans le paysage institutionnel français - travailler plus avec le Parlement, en particulier - et mieux l'associer aux débats européens en cours, en tissant des liens avec les instances européennes. Je souhaite le plus tôt possible organiser au HCB des journées d'échanges européennes.
Nouvel élan, renforcement des compétences, proactivité et visibilité, tels sont mes mots d'ordre si je suis nommée présidente. Je crois en avoir la légitimité et la capacité. Je connais bien l'institution. J'ai fait preuve dans mes fonctions de sens de l'écoute et d'autorité. J'ai fait vivre les discussions sans partialité, lancé de nouveaux débats sur des sujets difficiles comme la propriété intellectuelle, et accompagné les évolutions de la société. Je continuerai dans cette voie pour que l'expertise soit reconnue et respectée et que le débat demeure constructif et de haut niveau.
Jean Bizet et plusieurs de nos collègues ont déposé une proposition de loi constitutionnelle visant à modifier la Charte de l'environnement pour inclure au sein du principe de précaution un principe d'innovation. Ils considèrent que le principe de précaution constitue un frein à la recherche. Une majorité de sénateurs l'a adoptée...
Certains ne l'ont pas votée, inquiets des conséquences éventuelles sur la jurisprudence du Conseil constitutionnel, par exemple sur les huiles et gaz de schiste ou sur les OGM. La jurisprudence restreint-t-elle trop l'innovation et la recherche en tenant compte du principe de précaution, principe pourtant d'ordre purement procédural ? Ce principe est-il reconnu au niveau mondial ? La jurisprudence internationale est-elle en voie d'harmonisation ?
Avec Michel Teston nous partageons le même combat, que nous menons par des voies différentes...
J'ai été membre du Haut Conseil pendant dix-huit mois avant de démissionner. Je salue votre travail au sein du Comité économique, éthique et social. Je témoigne de votre capacité d'écoute et de votre autorité. Votre tâche n'était pas facile. Vous avez accompagné les premiers pas de cette instance. J'avais connu auparavant la commission du génie biomoléculaire, issue de la loi de 2005. Je regrette la dérive, dans laquelle vous n'êtes pour rien, de certains membres du comité d'éthique qui empiétaient sur le comité scientifique alors que le législateur a souhaité séparer les deux, le comité scientifique émettant un avis scientifique et le comité économique, éthique et social, statuant sur la pertinence de l'utilisation et l'acceptabilité des nouvelles biotechnologies. De même, je regrette la composition du comité économique, éthique et social. Il travaillerait mieux si celle-ci était plus équilibrée. Pour cela il faudrait un nouveau règlement...
Je salue votre action sur la propriété intellectuelle et en particulier sur les gènes natifs, question fondamentale. Si nous n'y prenons garde, nous risquons de favoriser une appropriation du vivant. Au Sénat, nous avons été en avance et nous avons mis des garde-fous lors de la transposition de la directive. Toutefois certaines entreprises multinationales ont tendance à vouloir breveter la plante entière dès lors qu'elle contient un gène qu'elles ont découvert. Je n'ai pas été choqué, à la différence de Bruno Lemaire, par l'évolution de la législation communautaire. La France a pris la décision de ne pas autoriser les mises en culture d'OGM, même si, le commerce international étant ce qu'il est, nous en consommerons toujours... L'évolution communautaire aura le mérite de mettre fin à l'hypocrisie. Viendra un temps où les biotechnologies seront considérées comme un moyen normal d'évolution de la sélection variétale.
Je suis partisan du maintien du HCB, en dépit de ses imperfections. Il correspond à l'évolution de notre société qui réclame du dialogue, de l'écoute. Ce n'est pas toujours facile. Je salue votre volonté de faire de ce conseil une instance de veille et de prospective, comme à l'étranger, tout en participant au débat européen et international. La loi sur l'avenir de l'agriculture ne répond pas aux enjeux à venir de l'agriculture et de l'agroalimentaire. La question de la propriété des gènes natifs est une épée de Damoclès. J'ai toujours été hostile à la brevetabilité du vivant. Seul le triptyque gène-fonction-application est brevetable. Soyons vigilants. Les grandes entreprises semencières sont souvent françaises. Ne fragilisons pas notre génothèque au profit des agrochimistes. Je soutiens votre candidature. Je suis certain que vous saurez encadrer les deux comités.
Je partage l'avis de Jean Bizet. J'ai été désigné au HCB mais, en raison de péripéties juridiques, n'y ai jamais siégé. J'ai néanmoins suivi ses travaux. Il apporte à la société une nouvelle forme d'éclairage sur des problèmes scientifiques et techniques auxquels l'opinion n'est pas préparée. Cela explique les difficultés rencontrées et vous êtes certainement la mieux placée pour diriger cet organisme. Vous avez l'autorité souriante et l'expérience requise. Peu sont aussi crédibles que vous. Je voterai des deux mains en faveur de votre candidature.
Vous m'avez remerciée pour avoir lancé une réflexion sur les gènes natifs. À mon tour, je vous remercie car le Sénat a travaillé sur la question et a même adopté une résolution. Il s'agit de l'un des thèmes - non pas le génie génétique mais la notion globale de biothèque - sur lesquels il est urgent que le législateur, national et surtout européen, se prononce.
Je suis, depuis longtemps, favorable au principe de précaution sur lequel je travaille depuis vingt ans. Il s'agit d'un outil, parmi d'autres, précieux pour anticiper les risques environnementaux et sanitaires. Je me réjouis qu'il soit inscrit dans la Constitution. Mais il est mal compris, mal appliqué. Il suscite des incertitudes quant à son incidence sur la recherche et l'innovation. Pourquoi ne pas écrire un guide, une sorte de vade-mecum à l'intention de ceux chargés de le mettre en oeuvre ? Celui-ci s'inspirerait de la jurisprudence, pléthorique et très construite, fondée sur trois piliers : le principe de précaution ne rime pas avec moins de science, mais au contraire avec davantage de recherche scientifique ; il ne correspond pas à la recherche du risque zéro ; il ne s'agit pas d'un principe d'inaction mais bien d'action. La définition de la Charte de l'environnement est bonne mais il faut désormais la préciser. Le temps est venu de reprendre le débat. Certains proposent de contrebalancer le principe de précaution par un principe d'innovation. Est-ce utile ? Les principes de liberté de la recherche et de liberté d'entreprendre constituent déjà des contrepoids. En revanche il serait judicieux de préciser que le principe de précaution n'est pas contraire à l'innovation.
Ce principe est-il partagé au niveau mondial ? S'il existait une solution clef en main, nous le saurions ! Cette question fera l'objet d'un colloque de mon centre de recherche en octobre. Je vous en tiendrai informés. On entend tout et son contraire. Mais certains pays appliquent le principe de précaution sans le dire. Ainsi des États-Unis, en apparence très réticents, et qui pourtant disposent d'une législation tout à fait conforme à l'esprit de ce principe. De même il est erroné de dire que l'Organisation mondiale du commerce ne reconnaît pas le principe de précaution ; la réalité est plus nuancée.
La commission procède au vote puis au dépouillement du scrutin portant sur la candidature de Mme Christine Noiville aux fonctions de présidente du Haut Conseil des biotechnologies, en application de l'article 13 de la Constitution.
Voici les résultats du scrutin : 7 voix pour sur 7 votants.
La réunion est levée à 17 h 40.