Au cours d'une seconde réunion tenue dans l'après-midi, la commission procède à l'audition de Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social sur le projet de loi de finances pour 2016.
Nous recevons Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. J'ai souhaité qu'elle nous présente les grandes lignes du projet de budget de la mission « Travail et emploi », dont les crédits ont été adoptés le 6 novembre par l'Assemblée nationale. Nous les examinerons en commission la semaine prochaine, puis en séance publique le 2 décembre. Ce budget, important, atteint près de 13 milliards d'euros en incluant le compte d'affectation spéciale « apprentissage ».
ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. - Dans un moment particulièrement tragique, d'une barbarie inouïe, je vous remercie tous de votre présence. Nous devons continuer à avancer.
Le budget de mon ministère, ambitieux et volontariste, a pour but de lutter contre le chômage et d'insérer professionnellement les plus fragiles. Trouver des solutions pour chacun, éviter l'exclusion est essentiel de notre pacte républicain, qu'il faut défendre chaque jour. Mon ministère doit y prendre toute sa part, car le travail structure nos vies. Quand le Gouvernement, malgré les contraintes budgétaires, aide les jeunes à trouver un emploi, à se construire un avenir, la République devient concrète.
Il reste beaucoup à faire. Le budget 2016 conforte les réformes engagées depuis 2012. La progression du chômage est enrayée depuis quatre mois, le chômage des jeunes recule de façon continue. Je reste prudente face à ces tendances encourageantes, mais déterminée : nous devons aller plus vite et poursuivre notre action.
Le budget de la mission « Travail et emploi » est sanctuarisé. Stable par rapport à 2015, il est en progression de 15 % par rapport à 2012. Il met en oeuvre les axes majeurs déclinés dans la feuille de route de la conférence sociale du 19 octobre : droit à une nouvelle chance pour les jeunes, soutien à l'apprentissage, mobilisation pour les demandeurs d'emploi de longue durée, renforcement de l'efficacité du service public de l'emploi. Quatre-vingt-dix millions d'euros supplémentaires sont consacrés à l'insertion des jeunes, notamment les décrocheurs et les habitants des quartiers populaires. La Garantie jeunes, déployée sur 72 départements en 2015 afin de prendre le temps de l'expérimentation auprès de 33 000 jeunes, sera étendue en 2016 à l'ensemble des départements volontaires ; 60 000 jeunes seront accompagnés vers l'autonomie et l'emploi. Notre démarche est construite à partir des besoins des bénéficiaires. 123 millions d'euros supplémentaires sont dégagés pour ce déploiement qui demande l'implication de tous : missions locales, conseils départementaux, entreprises, élus d'agglomération, de municipalité. Cet écosystème vertueux assurera la réussite du dispositif.
Nous renforçons le budget des établissements pour l'insertion dans l'emploi (Epide) - j'ai visité celui de Meyzieu avec votre rapporteur. A côté du service militaire volontaire (SVM), que nous venons d'expérimenter à Montigny-lès-Metz, les Epide sont une solution pour cadrer les jeunes. Le budget pour 2016 y prévoit des places pour près de 1 000 jeunes supplémentaires. Nous soutenons les écoles de la deuxième chance et renforçons les dispositifs de parrainage, une très belle initiative grâce à laquelle la République offre aux jeunes des quartiers populaires le réseau qu'ils n'ont pas. Nous souhaitons doubler les parrainages d'ici à 2017.
Les missions locales sont en première ligne des actions d'insertion des jeunes. J'ai ainsi soutenu l'initiative des députés en faveur d'une meilleure structuration du réseau pour accompagner les jeunes qui achèveront en 2016 leur contrat d'emploi d'avenir ; 285,4 millions d'euros seront consacrés en 2016 au financement des missions locales, ce qui représente une progression de 8 millions d'euros par rapport à 2015.
Je crois beaucoup en l'apprentissage, pour lequel nous avons mis en place une stratégie globale. 70 % des apprentis trouvent un emploi à la sortie. C'est aussi le moyen, pour les entreprises, de développer les compétences dont elles ont besoin. Pour renforcer l'apprentissage, nous avons doté les régions de financements propres et dynamiques. Dès 2015, la réforme du financement a dégagé 280 millions d'euros supplémentaires pour les régions et les centres de formation d'apprentis (CFA). Notre politique doit se décliner au plus près du terrain, en lien étroit avec l'éducation nationale. Au total, l'effort de l'Etat en faveur de l'apprentissage s'élèvera à 2,74 milliards d'euros en 2016. Le budget de l'emploi, qui porte cet investissement, renforce l'effort financier de l'Etat avec 110 millions d'euros supplémentaires, notamment en direction de l'aide « TPE jeunes apprentis » et de la sécurisation des ressources des régions. Depuis 2014, 382 millions d'euros de plus ont été consacrés à l'apprentissage. Stabilisant les financements et levant les freins non financiers, nous poursuivons le travail engagé pour mieux valoriser l'apprentissage en tant que filière d'excellence. Cela passe aussi par la création d'un statut de l'apprenti et la valorisation des métiers et des maîtres.
Le budget 2016 soutient le développement de l'emploi dans les TPE et PME et la création d'entreprise. Il s'inscrit dans la dynamique de l'Agence France Entrepreneur : fédérer les acteurs pour mieux accompagner les entrepreneurs, en particulier dans les zones de revitalisation rurale (ZRR) et les quartiers de la politique de la ville. Les députés ont renforcé la priorité à la création d'entreprise par les demandeurs d'emploi en augmentant les crédits du fonds de cohésion sociale. 95 millions d'euros supplémentaires sont dégagés pour le financement de l'aide « TPE Première embauche » et l'accompagnement des ressources humaines.
Dans un contexte de reprise, la mobilisation des outils de la politique de l'emploi est nécessaire pour favoriser le retour à l'emploi des personnes les plus éloignées du monde du travail. 2,4 milliards d'euros sont consacrés à la programmation des contrats aidés. Nous veillerons à en améliorer la qualité : allongement de la durée, renforcement de la formation. Les publics ciblés sont les chômeurs de longue durée, les seniors, les résidents des quartiers de politique de la ville, les personnes peu ou pas qualifiées, les travailleurs en situation de handicap. Entre 2008 et 2015, la part des travailleurs handicapés dans les contrats d'accompagnement dans l'emploi (CAE) est passée de 9 % à 15 %, celle des seniors de 20 % à 30 % - autant d'indicateurs sur lesquels j'interroge les préfets lors de ma visioconférence mensuelle.
Le Gouvernement poursuit son engagement en faveur de l'insertion des travailleurs handicapés. 802 millions d'euros sont inscrits dans le budget 2016 pour le soutien à l'emploi dans les structures d'insertion. Avec 500 aides au poste supplémentaires, le Gouvernement réalise son engagement de 2 500 aides de plus depuis 2012 dans les entreprises adaptées.
La subvention de l'Etat à Pôle emploi est stable afin de soutenir les objectifs de la convention tripartite : réalisation plus rapide du premier entretien, doublement de l'accompagnement intensif, déploiement de 4 000 conseillers dédiés aux entreprises.
Le retour à l'emploi dépend aussi des initiatives locales. Le financement des maisons de l'emploi mobilise particulièrement certains d'entre vous. J'ai constaté, encore vendredi à Cherbourg, le rôle que ces maisons jouent. La qualité de service diffère beaucoup d'une maison à l'autre. Les interventions doivent être ciblées et évaluées, et le financement adapté à leur efficacité et leur plus-value. Par conséquent, une baisse uniforme des financements de l'Etat n'est ni acceptable par les acteurs locaux ni efficace. Les crédits ont été abondés de 8 millions d'euros lors de l'examen en première lecture de l'Assemblée nationale, pour un montant de 21 millions d'euros.
L'emploi, la formation professionnelle et le dialogue social sont très importants quand notre société connaît des turbulences.
La dette de l'Unedic continue de se creuser : de 21 milliards d'euros en 2014, elle passera à plus de 25 milliards à la fin de l'année et pourrait atteindre 29 milliards en 2016. Cette évolution inquiète-t-elle le Gouvernement ? Souhaite-t-il sensibiliser les partenaires sociaux, préalablement à la prochaine négociation de la convention d'assurance chômage ?
Le projet de loi de finances pour 2016 prévoit 260 000 contrats uniques d'insertion, contre 350 000 pour 2015, hors emplois d'avenir. Je déplore le maintien de la prééminence des contrats aidés dans la sphère non marchande (200 000) au détriment de la sphère marchande (60 000). Une étude de la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) avait pourtant souligné l'an dernier que six mois après la fin de leur contrat, 66 % des personnes sorties d'un contrat initiative emploi (CIE) dans le secteur marchand étaient employées, contre seulement 36 % des personnes sorties d'un contrat d'accompagnement dans l'emploi (CAE) du secteur non marchand. Même si les publics des CIE et des CAE sont différents, ne serait-il pas souhaitable de diminuer fortement le nombre de contrats aidés et de donner clairement la priorité aux contrats aidés dans la sphère marchande ?
La commission des finances a adopté hier, sur proposition du rapporteur général, un amendement qui supprime les 200 000 CAE prévus en 2016 tout en augmentant de 40 000 les CIE, soit une économie d'un milliard d'euros en autorisations d'engagement.
Une délégation de la commission s'est rendue en Allemagne et en Autriche pour y étudier l'apprentissage et s'en inspirer. Malgré un léger sursaut, en France, l'apprentissage est moribond. Il reste le parent pauvre de la politique de l'emploi, alors que toutes les statistiques montrent que cette formation en alternance est un excellent moyen de lutter contre le chômage des jeunes. Les hésitations du Gouvernement sur la prime à l'apprentissage ont été un frein pour les entreprises. Le système français est à bout de souffle, sans pilotage national ni implication des partenaires sociaux dans l'élaboration des référentiels de formation. Envisagez-vous une réforme globale de l'apprentissage ou vous contenterez-vous de mesures techniques et partielles ? Evidemment, rien ne pourra se faire sans l'éducation nationale.
Alors qu'en 2013, le Gouvernement nourrissait de fortes ambitions en matière de contrats de génération, en fixant l'objectif de 85 000 binômes en 2013 et 100 000 en année pleine, seules 14 825 nouvelles aides ont été versées en 2013, 18 109 en 2014, tandis que 20 000 sont attendues en 2015 et l'an prochain. Comment expliquez-vous cet échec ? Moi, je ne l'explique pas...
Le poste de délégué général à l'emploi et à la formation professionnelle reste vacant. La politique de l'emploi n'est-elle pas une priorité du Gouvernement ? La personne qui occupait cette fonction a annoncé son départ en juillet et le poste est occupé par intérim depuis mi-septembre.
La dette de l'Unedic atteindra 25,7 milliards d'euros fin 2015 et 29,3 milliards fin 2016, même si le déficit va se réduire de 4,4 milliards d'euros en 2015 à 3,8 milliards d'euros en 2016, sous l'effet de la reprise d'activité. La conjoncture explique la hausse de la dette depuis 2008. La loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 prévoit que le Gouvernement transmettra un rapport sur la situation financière de l'assurance chômage avant le 31 décembre. Nous y rappellerons les objectifs de la négociation des partenaires sociaux, dont la préservation du rôle protecteur de l'assurance chômage, l'obligation de poursuivre l'adaptation de celle-ci aux évolutions du marché du travail et la pérennité financière du régime. J'ai confiance dans la capacité des partenaires sociaux à le faire évoluer. Les mesures adoptées dans la convention Unedic 2014 se traduiront par une baisse de dépenses de l'Unedic de 3 milliards d'euros à l'horizon 2018, dont plus de 800 millions en 2015, et cela sans empêcher la mise en oeuvre des droits rechargeables.
Le budget 2016 prévoit 295 000 nouveaux contrats aidés, pour un montant de 2,4 milliards d'euros. Cette programmation ambitieuse, cohérente avec les perspectives de rebond de l'emploi marchand en 2016, comprend notamment 60 000 CIE, ce qui est supérieur aux enveloppes antérieures. 22 % des emplois d'avenir ont été conclus dans le secteur marchand, à l'échelle nationale. Ce taux s'élève à près de 40 % à Cherbourg. Il est vrai que la programmation est plus importante dans le secteur non marchand.
Vous évoquez l'étude de la Dares de 2008. En dehors des périodes massives de chômage, sans ciblage des publics, sans formation, on peut s'interroger sur l'efficacité des contrats aidés. Nous ne sommes absolument pas dans ce contexte. Si nous ne ciblions pas les jeunes des quartiers populaires, ils n'accéderaient jamais à une première expérience professionnelle. Une enquête menée en 2014 sur les sortants de CAE montre que 80 % des bénéficiaires estiment avoir acquis des compétences et de la confiance. On avait brisé la spirale de la désespérance.
Je ne partage pas votre constat sur les contrats de génération. Leur objectif de transmission des compétences au sein de l'entreprise, dans le contexte de renouvellement de la population active, est essentiel. Quand 700 000 personnes partent à la retraite chaque année, 850 000 autres entrent sur le marché du travail. Il est vrai que la montée en charge des contrats de génération a été plus lente que prévu. Les chiffres, encourageants, ne comptabilisent que les entreprises de moins de 300 salariés aidées. 51 768 aides ont été enregistrées, à fin septembre, soit plus de 100 000 bénéficiaires dont 50 000 jeunes embauchés en CDI. Le rythme est de 20 000 nouvelles aides chaque année. Il ne faut pas oublier les accords de branche conclus dans ce cadre et les engagements très concrets qui en découlent comme l'embauche de 100 000 jeunes en CDI, le maintien en emploi de près de 190 000 salariés âgés, ou encore l'embauche de 12 000 seniors sur les trois prochaines années. J'assure le suivi de cette mesure avec vigilance, même si l'existence de 700 branches ne facilite pas ce travail.
L'apprentissage est une filière d'excellence. Nous avons mis un terme aux freins financiers et autres. Le dispositif doit être plus lisible. Tout se joue ensuite sur le terrain. Il n'est pas possible que 200 places d'apprentis soient inoccupées dans un CFA des métiers industriels des Ardennes quand le taux d'embauche à la sortie de ces formations atteint 100 %. Le plan de relance mis en place en juin a abouti à 111 000 entrées enregistrées de juin à septembre. L'Etat recrutera 10 000 apprentis dans la fonction publique d'ici à 2017. Pour 2015, le nombre de contrats d'apprentissage est déjà de 4 500.
Avec Harlem Désir et nos partenaires allemands, dont Mme Andrea Nahles, nous lancerons, lundi prochain, un Erasmus pro entre l'Allemagne et la France. Les partenaires sociaux jouent un rôle moteur. La question de l'orientation professionnelle est déterminante. La difficulté de pousser les jeunes vers l'apprentissage est liée aux nombreux licenciements traumatisants qui ont affecté l'industrie. Je travaille avec la ministre de l'éducation nationale à la valorisation des filières professionnelles en expérimentant dans huit branches une rénovation des diplômes.
La Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) est au coeur de la mise en oeuvre des politiques de l'emploi. M. Hugues de Balathier, qui assure l'intérim, a toute ma confiance. Ses services sont pleinement mobilisés. Il est important pour moi de prendre le temps de choisir la personne qui assumera ces responsabilités.
Dans un contexte budgétaire contraint, vous avez réussi à sanctuariser le budget du ministère, priorité du Gouvernement. La politique de l'emploi est au coeur du pacte républicain. La Garantie jeunes va couvrir l'ensemble du territoire. Comment envisagez-vous sa montée en charge ? Quelles sont les conditions à réunir pour qu'elle soit une réussite ? Je salue votre effort en faveur des missions locales. Comment envisager les premières sorties de ces contrats d'avenir ?
L'article 10 du projet de loi de financement de la sécurité sociale proposait l'extinction de plusieurs dispositifs d'exonération de cotisations sociales dans les ZRR, les zones de restructuration de la défense (ZRD) et les bassins d'emploi à redynamiser. Cet article a été supprimé. Le Gouvernement a décidé d'abonder en conséquence ce crédit du programme 103 de 38,2 millions d'euros. Les exonérations sont maintenues à ce stade. Quelles garanties pouvez-vous nous apporter sur ces exonérations ? Quels seront les montants ? Je salue enfin les aides à la création d'entreprise, qui nécessiteront un accompagnement sérieux et précis.
Merci de nous avoir détaillé vos priorités. Le climat de reprise de l'activité est encourageant, mais la question de l'insertion professionnelle des personnes handicapées, dont le taux de chômage est de 18 %, reste préoccupante, malgré une réelle progression. Souvent confrontées aux préjugés, elles ont du mal à acquérir une qualification, notamment en raison des problèmes d'accessibilité à la formation. Pourriez-vous préciser l'action du Gouvernement à leur égard ?
Merci d'avoir donné suite à l'engagement du Président de la République sur les Epide. Vous l'aviez accompagné à Montry, en Seine-et-Marne, où nous disposons d'un Epide remarquable pour ramener des jeunes dans le chemin de l'emploi. Pouvez-vous nous donner davantage d'informations sur la création de 1 000 places supplémentaires et de deux nouveaux centres ?
Je suis satisfaite que vous tiriez les conséquences de la suppression à l'Assemblée nationale de l'article 10 du PLFSS sur les exonérations de cotisations sociales dans certains territoires. En proposant un abondement de 38 millions, le Gouvernement a pris acte de la volonté parlementaire, ce qui n'est pas si fréquent.
Beaucoup d'entreprises et de confédérations comme la CGPME s'étaient émues d'une disposition de la loi sur le dialogue social sur les effets de seuils sociaux et fiscaux. L'article 4 du PLF 2016 prévoit que l'entreprise ne sera pas assujettie à de nouveaux prélèvements fiscaux ni ne perdra un certain nombre d'avantages dans les trois ans suivant le franchissement du seuil de 50 salariés. Les entreprises d'Ile-de-France craignaient de devoir payer le versement pour le transport. Vous évaluez cette mesure à 147 millions d'euros. Le Gouvernement est cohérent.
Si les dernières statistiques mensuelles montrent que le chômage de longue durée se stabilise, il est trop tôt pour distinguer une tendance nette. Le chômage des jeunes diminue mais le chômage de longue durée augmente, alors que sa lutte constitue une priorité absolue, les chômeurs de longue durée ayant beaucoup de mal à revenir vers l'emploi. Que pensez-vous de la proposition de loi du député Laurent Grandguillaume, débattue à l'Assemblée nationale fin novembre, autorisant l'expérimentation localisée d'un accompagnement des chômeurs de longue durée vers l'emploi en collaboration avec le tissu local d'entreprises, d'associations, et d'élus locaux ? Cette proposition de loi, qui devrait venir rapidement en examen au Sénat comme nous l'espérons, requiert d'amorcer financièrement la pompe. Avez-vous prévu d'y contribuer ?
Des crédits du ministère du travail sont transférés au programme 134 de la mission « Economie » pour créer l'Agence France Entrepreneur, au programme 134. Le montant de 730 000 euros m'étonne, car le chiffre annoncé par le Président de la République était très supérieur. A quoi correspond ce montant ? Y a-t-il d'autres abondements ?
Les messages délivrés par le Gouvernement sont optimistes en matière d'apprentissage, filière d'excellence. Nous sommes entièrement d'accord, mais le nombre d'apprentis a baissé de 8 % entre 2012 et 2013, de 3% l'année suivante. Où en sommes-nous en 2015 ? L'objectif de 500 000 apprentis en 2017 est-il réaliste ?
Vous insistez sur l'importance des maisons de l'emploi, mais leur budget est fragilisé chaque année. Certaines ferment leurs portes. Il faudrait maintenir le budget de fonctionnement de celles qui ont été ouvertes il y a trois ou quatre ans, auquel les collectivités territoriales subviennent bien souvent. Il est anormal que la contribution du Fonds social européen (FSE), partenaire dans beaucoup de projets, ne soit toujours pas versée, deux ans après la prise de décision. On ne constate pas sur le terrain le gain d'efficacité que devait engendrer la régionalisation des fonds européens.
Constatez-vous un désengagement des collectivités territoriales en matière d'emplois aidés dans le secteur non marchand, en raison de la baisse des dotations de l'Etat ?
Je n'ai pas noté beaucoup d'inflexions dans votre politique entre 2015 et 2016. Vous avez pourtant évoqué quelques pistes, comme l'apprentissage. Vous dites être attachée au terrain ; nous aussi, c'est pourquoi nous avions proposé la régionalisation de la coordination pour l'emploi, en renforçant notamment les missions des comités régionaux de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles (Crefop). Malheureusement, cette proposition n'a pas été retenue. Si nous sommes attachés aux ZRD, c'est parce qu'elles créent des emplois. Pour l'élu de la Marne que je suis, confronté à Châlons-en-Champagne à la fermeture de 1 800 postes suite à la réorganisation de la carte militaire, il est inouï que ce soit encore le département qui assure des exonérations fiscales ! Même si vous répartissez de la cotisation sur la valeur ajoutée (CVAE) entre la région et le département, vous déshabillez Pierre pour habiller Paul. Comment construire une action cohérente sans fournir aux collectivités les moyens nécessaires ?
L'une des difficultés rencontrées sur le terrain est la multiplication des acteurs en matière d'emploi, et leur coordination : mission locale, Pôle emploi, maison de l'emploi, région, ville, agglomération... Les maisons de l'emploi sont fragilisées. Je le sais pour en présider une. Je préside aussi une mission locale qui a mis en place la Garantie jeunes. Ce dispositif, qui repose surtout sur des financements européens, fonctionne dès lors qu'il y a un partenariat de l'ensemble des acteurs du territoire. Alors que l'accompagnement doit être global, comment prendrez-vous en compte les retours des premières expériences ?
Le maintien des crédits des maisons de l'emploi et de la formation est une très bonne mesure. Il ne s'agit pas d'obtenir des crédits de fonctionnement mais de financer des projets. A moins d'une hausse considérable du nombre de projets, un report des crédits accordés cette année devrait suffire.
Le dialogue social ne se fait pas uniquement dans l'entreprise. Il commence dans les maisons de l'emploi et de la formation, où nous réunissons les entreprises, les organisations syndicales, les enseignants, et tous les autres acteurs de l'emploi pour définir des perspectives de territoire. Nous aurions intérêt à faire en sorte que les maisons de l'emploi et de la formation aient des projets à présenter pour être actrices d'un consensus social sur le développement du territoire. Cette méthode fonctionne bien sur les énergies marines renouvelables dans la région de Cherbourg.
Je suis issu de l'apprentissage. A mon époque, nos parents nous poussaient à entrer dans le milieu industriel. C'était une voie royale, un honneur ; on passait un concours pour entrer dans un centre d'apprentissage. Si les jeunes ne vont pas vers les métiers de l'industrie, c'est peut-être parce que leur milieu familial, tout comme les responsables politiques, ne les y incitent pas. Nous avons la responsabilité, en tant qu'élus locaux, de dire qu'il y a de l'emploi dans l'industrie qui n'est pas un sous-secteur, bien au contraire. On a oublié l'industrialisation pendant des années. Il faut donner à l'Afpa les moyens de travailler. Une des solutions est la mobilisation des régions. La formation professionnelle des adultes est aussi un moyen de renforcer l'industrialisation. On constate d'ailleurs une forte féminisation chez les chaudronniers, les soudeurs. Il faut lier les maisons de l'emploi et de la formation, la formation professionnelle des adultes vers les métiers industriels et une promotion auprès des jeunes.
Vous avez raison de développer l'apprentissage dans la fonction publique d'Etat. J'ai réussi, en tant que maire, à faire entrer des apprentis dans les collectivités territoriales mais les obstacles sont nombreux, en particulier du côté de l'éducation nationale. Pourtant il y a des métiers manuels dans nos collectivités, certains plus guère pratiqués, qui peuvent offrir un emploi à ces jeunes. A l'Afpa de Cherbourg, tous les apprentis ont trouvé un travail grâce à un projet industriel en amont. J'apporte par conséquent mon soutien total à votre politique.
Le rapporteur a raison de s'inspirer de l'exemple de l'Allemagne où l'apprentissage est une filière d'excellence qui contribue au plein emploi. En France, la filière n'est ni lisible ni attractive pour les entreprises.
Le Président de la République a annoncé, après sa visite à Vesoul, son intention de renouveler le dispositif de ZRR au profit des zones à faible densité. Ensuite, cette mesure a été supprimée du budget ; sera-t-elle rétablie ? Ce sont l'artisanat et les petites entreprises qui revitaliseront l'économie de ces zones.
L'économie sociale et solidaire (ESS) a elle aussi toute sa place dans les zones rurales, or en 2014 et 2015 le nombre des emplois disponibles pour les entreprises adaptées a été réduit en raison de la baisse des crédits de l'ESS et de l'aide aux travailleurs handicapés. Prévoyez-vous d'inverser la tendance ?
La priorité 4 de Pôle Emploi est la suivante : « Être plus attentif aux résultats de notre action ». En 2014, une refondation de l'offre de services internationale devait encourager la mobilité professionnelle. Combien de placements à l'étranger ont-ils été réalisés ? Ceux qui reviennent en France trouvent-ils un emploi plus facilement que les autres ? Le budget de Pôle emploi international est-il en progression ?
Vous évoquez une stabilité des subventions versées à Pôle emploi, mais il me semble constater une baisse. Le programme de contrôle des chômeurs mobilisera des moyens au détriment de l'accompagnement et de l'indemnisation. Le nouveau parcours du demandeur d'emploi rendra l'accès au conseiller plus difficile ; le tout-numérique est un facteur de déshumanisation. Or le projet stratégique de Pôle emploi affiche une volonté de faire plus pour les chômeurs. Allez-vous laisser la possibilité aux publics les plus fragilisés d'accéder aux conseillers sans passer par le numérique ?
Un groupe de travail dont je fais partie est dédié aux travailleurs saisonniers, or aucune disposition ne les concerne dans le programme 111 ; il était pourtant question de les faire bénéficier de la prime de précarité... Pour mémoire, l'un des objectifs de la mission « Travail et emploi » est de « dynamiser la négociation collective et améliorer les conditions du dialogue social ». Pour les saisonniers justement, tout passe par la négociation collective. Qu'avez-vous prévu ?
L'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (Anact) et l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) sont impliquées dans le plan Santé au travail, mais nous n'en avons pas vu la traduction budgétaire dans le PLF 2016.
Le budget pour l'allocation équivalent retraite (AER) est en baisse, or l'AER concerne surtout des chômeurs de longue durée. Dans les crédits dédiés à la gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences (Gpec) et à l'Engagement de développement de l'emploi et des compétences (Edec), on constate aussi une baisse de l'aide au reclassement des salariés d'entreprises restructurées. Je partage l'avis d'Eric Jeansannetas sur l'aide à la reprise et à la création d'entreprises, mais là encore je ne vois rien dans le budget. Enfin, je m'associe aux questions sur les travailleurs handicapés et les maisons de l'emploi et de la formation.
Les maisons de l'emploi, qui regroupent les services de l'Etat, de Pôle emploi et des acteurs locaux, sont un excellent concept qui améliore l'adéquation entre l'offre et la demande au niveau territorial, en adaptant rapidement les formations proposées par l'Afpa. Malgré cela, vous semblez neutre vis-à-vis du déclin de ce dispositif. La loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) donne pourtant de nouvelles responsabilités aux régions en matière d'emploi ; n'est-il pas opportun de relancer les maisons de l'emploi ?
Autre dispositif performant, les contrats de génération facilitent la transmission d'expérience ; or vous vous satisfaites d'une augmentation de 20 000 par an, avec une stagnation des crédits de paiement à 164 millions d'euros. Au moment où notre économie recommence à créer des emplois, ce dispositif mérite d'être réactivé, d'autant que vous avez assoupli les conditions d'octroi de l'aide en cas de création d'entreprise. Vous ne sortez pas du constat pour vous engager dans une démarche volontariste ; il faudrait justement amplifier ce qui fonctionne et abandonner ce qui ne fonctionne pas. Sur les contrats de génération et les maisons de l'emploi, vous restez au milieu du gué.
Il est anormal qu'un employeur n'ait pas la possibilité de mettre à la retraite un salarié de moins de 70 ans qui veut continuer à travailler, même s'il a la totalité de ses droits à pension. Quelle est votre position sur ce point ?
Il faut non seulement maintenir les crédits des maisons de l'emploi, mais aussi relancer le dispositif. Elles coordonnent tous les acteurs de l'emploi - Pôle emploi, mission locale, plan local pour l'insertion et l'emploi (Plie) - alors même que la priorité de Pôle emploi va à l'accompagnement des chômeurs de longue durée. La coordination n'est pas obligatoire pour le moment, et dans les faits, elle reste insuffisante. Pour l'améliorer, nous avons besoin d'orientations au niveau ministériel. Afin de ne pas conduire des actions en ordre dispersé, nous avons ainsi, dans ma région, mis en place une plateforme de contact avec les entreprises partagée par tous les acteurs.
Je me réjouis de la généralisation de la Garantie jeunes, qui fonctionne bien. Mais une dizaine de dispositifs se sont empilés en vingt ans. Il faut les simplifier, d'autant que ces dispositifs ne sont pas adaptés à la situation réelle des jeunes. Je m'exprime ici au nom de toutes les missions locales du Nord-Picardie.
La Garantie jeunes est un succès parce qu'elle est partie des partenariats locaux et des bénéficiaires. Après une expérimentation dans dix départements, nous allons la généraliser en 2016. Parce que 95 % des jeunes dans ce dispositif sont des personnes ni en emploi, ni en études, ni en formation, il est essentiel de leur consacrer du temps pour construire un projet professionnel. C'est aussi un dispositif cadrant et fondé sur le donnant-donnant : le bénéficiaire reçoit 452 euros par mois, l'allocation étant suspendue dès la première absence - ce qui arrive très rarement. La sortie du système scolaire avant seize ans, des problèmes de santé, voire psychiatriques insuffisamment pris en compte au collège sont autant d'obstacles à l'emploi qui réclament un regard croisé.
A 83 %, ces jeunes sont entrés, après l'accompagnement collectif, dans une situation professionnelle - formation, emploi, apprentissage. Quand je vais auprès des comités régionaux de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles (Crefop), je me rends compte que la diffusion des informations sur les postes vacants et la coordination pourraient être améliorées. Je ne viens pas sur le terrain pour me montrer, mais pour lever ces blocages et améliorer l'efficacité de notre action.
Le budget concrétise la généralisation de la Garantie jeunes avec des moyens supplémentaires, pour un objectif de 100 000 bénéficiaires à la fin du prochain exercice dont 60 000 intégrés en 2016. Dans les prochains jours, un appel à candidatures sera adressé aux préfets. Elles seront recensées en décembre puis validées avec l'appui des collectivités. Au total, l'augmentation sera de 123 millions d'euros.
Une précision : mon rôle, tel qu'il m'a été confié par le Président de la République, n'est pas d'inventer de nouveaux dispositifs, mais de m'assurer de la mise en oeuvre concrète de ceux qui existent et de leur lisibilité auprès des bénéficiaires.
Pour les emplois d'avenir, je demande divers indicateurs aux préfets de région, notamment en termes de formation. Je ne nie pas la saturation des employeurs publics. C'est pourquoi, en tant que secrétaire d'Etat à la ville, j'ai participé en mai dernier à l'élaboration de la circulaire de lancement des contrats CIE-Starter, pour lesquels l'aide fixe au niveau régional atteint 45 % du Smic horaire brut, dont la mise en place a commencé au 1er juin. En Ile-de-France, tous les jeunes titulaires d'un bac+2 résidant dans les zones de sécurité prioritaires (ZSP) ont été orientés vers ce dispositif.
Nous avons augmenté de 10 millions d'euros le budget d'accompagnement des missions locales parce que nous les considérons comme un acteur essentiel et que la sortie des emplois d'avenir doit être préparée.
Sur la base de l'apport de ces dispositifs en matière de création d'emploi, et en cohérence avec le pacte de responsabilité, le PLFSS contenait à l'origine un article supprimant les exonérations de cotisations aux entreprises en ZRR, en ZRD et en bassin d'emploi à redynamiser ; l'Assemblée nationale l'a supprimé. En conséquence, un amendement gouvernemental adopté en première lecture a augmenté de 38 millions d'euros les crédits de la mission « Travail-emploi » pour assurer auprès de la sécurité sociale la compensation du coût de ces exonérations.
Le taux de chômage est deux fois plus élevé chez les personnes en situation de handicap. Être plus âgé et moins formé est un frein à l'emploi. Face à cette situation inacceptable, une stratégie globale a été présentée à la Conférence nationale du handicap avec trois axes majeurs. D'abord, améliorer l'accès à la formation : les 150 000 formations prioritaires vont bénéficier à ce public. Les 300 000 emplois non pourvus, notamment dans l'hôtellerie et la restauration, seront orientés vers les publics les plus éloignés de l'emploi, à commencer par les personnes en situation de handicap. La seconde priorité est de les orienter vers une palette de métiers plus diversifiée. Les Olympiades des métiers, à Bordeaux en mars prochain, seront une étape très importante à cet égard. Enfin, la dernière priorité est le maintien dans l'emploi, l'un des axes du plan Santé au travail. Cela passe aussi par le développement de la négociation collective dans les entreprises et les branches. Une conférence sociale en direction des personnes handicapées aura lieu dans un mois avec tous les acteurs institutionnels et associatifs impliqués.
Nous avons augmenté les crédits à leur attention de 13 % depuis 2012 pour les porter à près de 578 millions d'euros dans le budget 2016. Nous avons alloué 500 aides au poste supplémentaires dans les entreprises adaptées. Le ciblage doit être plus important dans nos politiques de droit commun : les contrats aidés à destination des personnes handicapées, dont la part est passée de 9 à 12 %, représentent un levier considérable.
La proposition de loi « Territoires zéro chômage de longue durée » déposée par le député Laurent Grandguillaume est inspirée d'un projet porté par ATD-Quart monde et citée par mon prédécesseur dans le cadre du plan chômage 2015. J'y travaille avec des députés issus de tous les groupes politiques. L'initiative locale est la condition d'une expérimentation réussie. Un écosystème est construit avec les acteurs locaux : entreprises, économie sociale et solidaire, collectivités. Sans cet écosystème, l'expérience ne peut réussir. Des contrats à durée indéterminée seront proposés à des chômeurs de longue durée. Nous évaluerons la réduction du coût social pour la collectivité et, surtout, redonnerons confiance à ces personnes à travers l'exercice de véritables métiers. Dix territoires expérimentaux sont prévus pour une mise en oeuvre à la mi-2016.
Bien que la fusion entre l'ANPE et les Assedic ait quelque peu altéré le sens du projet de maisons de l'emploi, un coup de rabot uniforme n'aurait pas de sens. Nous sommes donc restés sur le budget exécuté en 2015. Devant les députés, j'ai marqué combien nous avions besoin de critères précis d'évaluation. Le mouvement actuel de rassemblement des structures portant plans locaux pluriannuels pour l'insertion et l'emploi (Plie), des missions locales et des maisons de l'emploi est nécessaire pour dégager des économies de structure et renforcer la cohérence entre les acteurs sur le terrain. Nous maintenons le budget des maisons de l'emploi, avec des priorités clairement assumées par l'Etat et une évaluation renforcée. Nous avons besoin de lignes claires.
Soyons clairs : un emploi de femme de ménage à deux heures par semaine ne saurait être considéré comme un emploi non pourvu. Les évaluations varient ; d'après la Dares, le nombre de ces emplois est compris entre 200 000 et 300 000 ; or les qualifications pour les pourvoir manquent et ces métiers souffrent d'un manque d'attractivité. En considérant les métiers de l'industrie, il faut ainsi tenir compte des traumatismes dans certaines familles qui ont perdu des emplois liés à la désindustrialisation. L'adéquation entre l'offre d'emploi et les formations prioritaires est un enjeu essentiel.
Un tiers des créateurs d'entreprises sont des demandeurs d'emploi, ce qui est cohérent avec les missions de l'Agence France Entrepreneur. Au-delà du soutien apporté par les chambres de commerce, la visibilité des aides est très faible dans les territoires. Vous m'indiquez, madame Bricq, que les entreprises ne sont pas informées de la levée des freins financiers en matière d'apprentissage ; mais la Confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises (CGPME), l'Union professionnelle artisanale (UPA), la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb) connaissent l'existence d'aides telles que TPE-jeune apprenti.
Le versement du FSE évoqué par Jean-Marie Morisset est un vrai sujet dont je parlais hier encore avec Pierre-René Lemas, directeur général de la Caisse des dépôts et consignations (CDC). Les écoles de la deuxième chance souffrent particulièrement des retards de versement. Une évaluation est en cours en vue d'une simplification ; j'ai officiellement demandé une solution de trésorerie à la CDC en faveur des porteurs de projets financés par le FSE.
Les 730 000 euros versés à l'Agence France Entrepreneur constituent le montant porté par le budget emploi. Les ressources totales de l'Agence restent de 30 millions d'euros, dont 2,5 millions issus du budget de l'outre-mer, 660 000 euros au titre du logement et de l'égalité des territoires, et 190 000 euros du ministère de la ville.
M. Cadic m'a interrogée sur la mobilité. Nous avons créé le compte personnel d'activité avec pour objectif d'attacher les droits à la personne et non plus au statut. Il convient à mes yeux qu'une personne qui crée une entreprise puisse utiliser à cette fin les droits de formation qu'elle a accumulés. Quant à la mobilité géographique, nous avons mis en place, avec Action Logement, la garantie de loyer pour les demandeurs d'emploi amenés à se déplacer.
Quant aux relations internationales de Pôle emploi, dix agents de l'agence de Strasbourg sont chargés des relations avec l'organisme homologue allemand. Un partenariat a également été engagé avec l'agence pour l'emploi du Maroc. Je vous communiquerai au plus vite le nombre d'agences et de personnes mobilisées autour de l'offre internationale.
Nous avons renforcé les effectifs de Pôle emploi, avec le déploiement de quatre mille conseillers entreprise. La subvention pour charges de service public est stabilisée à 1,507 milliard d'euros, soit le niveau de 2015 après application de la réserve de précaution. Cela correspond aux engagements pris dans la convention tripartite entre l'Etat, l'Unedic et Pôle emploi pour la période 2015-2018.
Comme les chômeurs eux-mêmes nous le disent, une personne au chômage depuis deux ans a parfois besoin d'être remobilisée. J'assume le contrôle de la recherche active d'emploi, qui fait déjà l'objet d'une expérimentation. Sa généralisation a été décidée avec l'accord du conseil d'administration de Pôle emploi. Les chômeurs sont accompagnés ; nous ne faisons pas une politique du chiffre, mais de la prévention du décrochage. Le nouveau parcours offre un meilleur accompagnement personnalisé des demandeurs d'emploi, en particulier des seniors. L'accompagnement en face à face sera toujours maintenu pour les personnes qui ne peuvent accéder au numérique ; 1 800 jeunes en service civique se chargeront des premières inscriptions. L'objectif est de proposer le premier entretien dans les deux mois, et non plus quatre, comme le prévoit la nouvelle convention.
Le rendez-vous de l'après-midi à Pôle emploi est à mes yeux essentiel et fait l'objet d'une expérimentation. Un demandeur d'emploi qui parcourt vingt kilomètres pour se rendre à son rendez-vous ne trouvera pas porte close. De plus, d'après les témoignages que j'ai reçus, ce système offre à l'usager un référent unique, le dispensant ainsi de réexpliquer son cas. La visioconférence, elle aussi expérimentée, ne convient qu'à une partie des demandeurs d'emploi.
La stratégie numérique est essentielle. Il n'est pas acceptable d'entendre dire que le site du Bon coin assure un meilleur service que Pôle emploi ! Au demeurant, cette entreprise a eu recours aux services de l'organisme public pour recruter un salarié... La stratégie numérique est indispensable pour réduire le nombre d'emplois non pourvus. Tous les demandeurs d'emploi ont besoin d'un accompagnement différencié ; 400 000 d'entre eux, contre 200 000 l'an dernier, recevront un accompagnement intensif. Je vous invite instamment à me transmettre les témoignages d'usagers que vous jugerez dignes d'intérêt.
La loi NOTRe ouvre la possibilité d'une coordination des acteurs du service public de l'emploi - hors Pôle emploi - par les régions dans le cadre d'une délégation de l'Etat. Ce n'est pas un transfert de compétences. Pôle emploi, quant à lui, est un opérateur national intégré. Les formations prioritaires dans la transition écologique ou numérique nécessitent un Etat stratège, capable de dessiner les évolutions et d'apporter une vision sur l'ensemble du territoire. Des marges de manoeuvre seront néanmoins laissées aux directions régionales, notamment pour les emplois non pourvus. La convention tripartite a mis en place une logique de pilotage, non par les moyens mais par les résultats. La coopération entre les acteurs du service public de l'emploi est animée au niveau local par les Crefop. J'ai plaidé la semaine dernière devant l'instance nationale, le Cnefop, pour une stratégie territoire par territoire et une évaluation.
Les orientations du plan Santé au travail seront définies avec les partenaires sociaux d'ici décembre. L'accompagnement des risques psychiques ne sera pas négligé. Enfin, je vous tiendrai informée, madame David, de l'évolution des travaux du groupe de travail sur les travailleurs saisonniers.
Je vous remercie de votre disponibilité.
La réunion est levée à 16 h 25.