La réunion est ouverte à 15 h 35.
La commission examine le rapport pour avis de M. Michel Canevet sur le projet de loi n° 19 (2016-2017) de programmation relatif à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique.
Notre ordre du jour appelle l'examen du rapport pour avis de Michel Canevet sur le projet de loi de programmation relatif à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique. La commission des lois est saisie au fond de ce texte. Elle nous a délégué au fond l'examen de quinze des 116 articles. Demain, notre rapporteur ira présenter notre position sur ces articles à la commission des lois, qui intégrera à son texte les articles dans la rédaction souhaitée par la commission des finances.
EXAMEN DU RAPPORT POUR AVIS
Le Gouvernement a déposé ce texte qui comportait initialement 16 articles. Après son passage par l'Assemblée nationale, il en compte 116 !
Je rends hommage au travail acharné de nos collègues députés, que nous allons essayer de tempérer. Je vais vous présenter les quinze articles sur lesquels nous sommes saisis au fond et qui portent sur des réductions d'impôt sur les sociétés et sur le revenu au titre des articles 199 undecies A, 199 undecies B et 199 undecies C et de l'article 217 undecies et de crédits d'impôts au titre des articles 244 quater X et 244 quater W du code général des impôts.
Les politiques fiscales en faveur de l'outre-mer ont été engagées il y a une trentaine d'années à l'initiative de Bernard Pons. Elles furent réévaluées il y a une quinzaine d'années puis intervinrent les dispositions « Girardin ». Depuis lors, divers rapports ont parfois démontré leur faible efficience. Les écarts de développement outre-mer justifient que de nouvelles mesures soient prises.
Globalement, l'effort financier en faveur de l'outre-mer s'établit à 4 milliards d'euros, dont 800 millions d'euros de dépenses fiscales.
Deux articles de ce texte visent à supprimer des agréments préalables : l'article 43 supprime l'agrément pour le crédit d'impôt sur les sociétés ouvert aux organismes de logement social pour les investissements dans les programmes d'accession à la propriété sociale dans les départements d'outre-mer. Cet article n'appelle pas de remarque particulière. L'article 40, sur lequel je vous proposerai une légère modification, supprime l'agrément pour la réduction d'impôt sur le revenu prévu à raison de l'investissement dans le logement social lorsque le projet fait l'objet d'un arrêté du représentant de l'État.
L'article 39 supprime la mention explicite de la distinction entre investissement initial et investissement de renouvellement. L'article 39 bis supprime l'exigence de subvention publique de la ligne budgétaire unique pour pouvoir bénéficier de la réduction d'impôt sur le revenu prévue à l'article 199 undecies C du code général des impôts. L'article 38 restaure une réduction d'impôt sur le revenu en cas de travaux de réhabilitation sur des logements de plus de vingt ans. Cette disposition avait d'ailleurs été supprimée en loi de finances initiale pour 2016.
L'article 42 élargit le bénéfice du crédit d'impôt ouvert aux entreprises qui investissent dans le logement intermédiaire, aujourd'hui limité à des secteurs particuliers, à toutes les entreprises. L'article 45 augmente le montant du crédit d'impôt dont peuvent bénéficier certains organismes de logement social lorsqu'ils investissent dans la rénovation de logements sociaux outre-mer.
L'article 36 bis proroge de deux ans les zones franches d'activité (ZFA) tout en gelant les taux, alors même que ce dispositif a déjà été prolongé d'un an en loi de finances pour 2017. La prolongation d'un an, permettant l'entrée en vigueur dès 2019 d'un dispositif pérenne et pleinement adapté au besoin de développement des économies ultramarines, serait préférable.
L'article 37, qui étend au secteur du bâtiment et des travaux publics le bénéfice des taux préférentiels des ZFA, n'est pas pertinent car le soutien à ce secteur devrait plutôt passer par un raccourcissement des délais de paiement du secteur public et une relance de l'investissement public.
L'article 49 double le taux maximum de l'octroi de mer régional et l'article 50 réduit les frais d'assiette et de recouvrement prélevés par l'État à l'occasion de la collecte de l'octroi de mer.
L'article 32 prévoit l'extension de la taxe sur les logements vacants dans les départements d'outre-mer. Je proposerai quelques aménagements à l'article 41 qui permet à tous les contribuables français d'investir dans un fonds d'investissement de proximité outre-mer (FIP-OM). Je proposerai aussi un amendement à l'article 36, qui exonère les collectivités de Guyane des frais de garderie et d'administration versés à l'ONF. Mes amendements ont vocation à préciser, sécuriser et encadrer les dispositifs proposés.
Enfin, je souhaite supprimer l'article 46 qui relève le seuil en deçà duquel est ouvert le bénéfice d'une franchise de TVA aux entrepreneurs. Ce dispositif ne me semble pas véritablement justifié.
Ce texte est d'une très grande portée pour l'outre-mer puisqu'il tente de réduire les inégalités entre ces territoires et la métropole. Je salue le travail de notre rapporteur qui s'est récemment rendu en Guyane et a donc pu constater les inégalités que je viens de mentionner.
Il s'agit effectivement d'un texte très important pour l'outre-mer. Je suis favorable à l'article 40 qui supprime l'agrément préalable pour bénéficier de l'impôt sur le revenu fléché vers le logement social dans les collectivités d'outre-mer. De nombreux projets n'ont en effet pas vu le jour du fait de réponses pour le moins tardives de Bercy. À partir du moment où la préfecture valide le projet, pourquoi attendre l'agrément de Paris ?
Je comprends cette remarque mais je ne conçois pas que des avantages fiscaux soient accordés sans agrément du ministère des finances. Des dérives sont toujours possibles et l'objet social des établissements doit être vérifié. Pourquoi ne pas prévoir un agrément par défaut si Bercy ne se prononce pas dans les temps ?
EXAMEN DES AMENDEMENTS
Article 32 (nouveau)
Cet article vise à instaurer la taxe annuelle sur les logements vacants dans les départements et les régions outre-mer.
Il apparaît nécessaire de définir des critères objectifs justifiant l'ajout de certaines communes à celles soumises à cette taxe, au-delà du seul critère d'appartenance à « une zone d'urbanisation continue de plus de 50 000 habitants ».
Mon amendement COM-176 précise donc que les communes des départements d'outre-mer concernées par cette taxe doivent répondre aux mêmes conditions que les communes de l'hexagone, soit celles « où existe un déséquilibre marqué entre l'offre et la demande de logements, entraînant des difficultés sérieuses d'accès au logement sur l'ensemble du parc résidentiel existant, qui se caractérisent notamment par le niveau élevé des loyers ».
La commission proposera à la commission des lois d'adopter l'article 32 ainsi modifié.
Article 36 (nouveau)
Mon amendement COM-177 limite le dispositif d'exonération de frais de garderie et d'administration pour la Guyane jusqu'au 31 décembre 2019. Aujourd'hui, les collectivités perçoivent peu de recettes du fait de l'exonération temporaire de la taxe foncière sur les propriétés non bâties. Or, ces abattements seront supprimés en 2019 : les recettes des collectivités augmenteront donc ce qui, avec le développement des recettes liées à l'exploitation des forêts, justifiera qu'elles entrent dans le droit commun pour le paiement des frais de garderie et d'administration de l'Office national des forêt (ONF).
L'amendement COM-83 du Gouvernement propose que l'exonération demeure jusqu'en 2020.
Mon amendement, constitue le pendant de la fin de l'exonération de taxe foncière sur les propriétés non bâties dont bénéficie l'ONF jusqu'en 2018. C'est plus cohérent. En outre, je demande une évaluation de la pertinence de cette exonération avant le 30 juin 2019.
La commission proposera à la commission des lois d'adopter l'article 36 ainsi modifié.
Article 36 bis (nouveau)
Mon amendement COM-178 propose de ramener la prolongation du dispositif des ZFA à un an au lieu de deux car ce dispositif doit prochainement être modifié, comme nous l'a confirmé le ministère de l'outre-mer. Il serait préférable que le nouveau dispositif amélioré entre en vigueur en 2019.
N'a-t-on pas besoin de l'accord de Bruxelles lorsqu'on touche aux ZFA ?
Il ne s'agit ici que d'un aménagement. L'accord de Bruxelles n'est dès lors pas nécessaire. Par ailleurs, ces dispositifs étant placés sous le régime du règlement général d'exemptions par catégories (RGEC), ils ne font pas l'objet de notification.
Dans le cadre de la politique de la ville, la réforme des zones franches urbaines est en cours. Il faudrait que les dates d'entrée en vigueur de ces nouveaux dispositifs coïncident. Cela dit, je suis favorable à votre amendement.
L'amendement COM-178 est adopté.
La commission proposera à la commission des lois d'adopter l'article 36 bis ainsi modifié.
Article 37 (nouveau)
Cet article étend au secteur du bâtiment et des travaux publics le bénéfice des taux préférentiels dans le cadre des ZFA. Les représentants des entreprises que j'ai rencontrés - et ceux des ministères - ne souhaitent pas que ce dispositif soit étendu. Mon amendement COM-179 propose de supprimer cet article.
Dans le cadre des opérations de quartiers prioritaires, les entreprises du BTP bénéficient déjà de certains avantages.
L'amendement COM-179 est adopté et la commission proposera à la commission des lois de supprimer l'article 37.
Article 38 (nouveau)
La commission proposera à la commission des lois d'adopter l'article 38 sans modification.
Article 39 (nouveau)
L'amendement de coordination COM-180 est adopté.
La commission proposera à la commission des lois d'adopter l'article 39 ainsi modifié.
Article 39 bis (nouveau)
L'amendement rédactionnel COM-181 est adopté.
La commission proposera à la commission des lois d'adopter l'article 39 bis ainsi modifié.
Article 40 (nouveau)
Nous avons eu ce débat tout à l'heure. Je propose d'encadrer l'octroi de l'agrément préalable délivré par l'administration fiscale car nous devons sécuriser les contribuables investissant dans le logement social dans les collectivités d'outre-mer. Certes, les délais sont parfois extrêmement longs. C'est pourquoi mon amendement COM-182 propose que l'agrément du ministère du budget porte uniquement sur la définition de la base fiscale éligible à l'avantage et que le délai de deux mois ne soit renouvelable qu'une seule fois.
Il y aurait donc un agrément par défaut en cas d'absence de réponse de Bercy ?
La commission proposera à la commission des lois d'adopter l'article 40 ainsi modifié.
Article additionnel après l'article 40
Serge Larcher a déposé un amendement COM-59 pour exonérer de droits d'enregistrement les actifs cédés par les sociétés de portage - créées dans le cadre des articles 199 undecies C et 217 undecies - aux organismes de logement social. Cet amendement est partiellement satisfait par le droit existant. L'avis est donc défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement COM-59.
Article 41 (nouveau)
Cet article ouvre le bénéfice du FIP-OM à tous les investisseurs métropolitains, comme cela se passe déjà pour la Corse. Jusqu'à ce jour, seuls les investisseurs domiciliés dans les DOM pouvaient bénéficier de cette exonération. Le taux serait réduit de 42 % à 38 %. Je suis favorable à cet article qui permettra de favoriser le développement économique des DOM, mais je vous propose de limiter le bénéfice de l'avantage fiscal aux sommes réellement investies dans les DOM, alors qu'une partie pouvant aller jusqu'à 30 % du fonds peut être constituée de supports sûrs (monétaire, obligation, action). Mon amendement COM-183 touchera également les investissements réalisés dans le reste de la France.
L'amendement COM-183 est adopté.
La commission proposera à la commission des lois d'adopter l'article 41 ainsi modifié.
Articles 42 (nouveau), 43 (nouveau), 45 (nouveau)
La commission proposera à la commission des lois d'adopter les articles 42, 43 et 45 sans modification.
Article 46 (nouveau)
Cet article relève le seuil de chiffre d'affaires en deçà duquel est ouvert le bénéfice d'une franchise de TVA. Il s'agirait d'un régime dérogatoire. Mon amendement COM-184 propose la suppression de cet article car les acteurs économiques estiment qu'une telle disposition n'aurait pas d'effets importants sur le développement ultramarin. Les niveaux de franchise actuels suffisent.
L'amendement COM-184 est adopté.
La commission proposera à la commission des lois de supprimer l'article 46.
Articles additionnels après l'article 48
Notre collègue Thani Mohamed Soilihi propose deux amendements. L'amendement COM-52 prévoit l'exonération pendant cinq ans des droits de mutation, des droits d'enregistrement et de la taxe sur la publicité foncière à Mayotte. Une exonération générale me semble disproportionnée : mieux vaudrait présenter un dispositif mieux ciblé, comme en Corse où les exonérations ne concernent que les droits de mutation par décès et ne portent que sur la moitié de la valeur des immeubles. Mon avis est donc défavorable.
Ce territoire de 380 km2 connait une surpopulation chronique due à l'immigration mais aussi à des familles dont certains membres vivent aux Comores et d'autres à Mayotte. Comme la propriété foncière n'a pas été divisée, de nombreuses familles sont indivisaires sur ce territoire. La division ayant un coût, la proposition de notre collègue me semble intéressante. En cinq ans, il serait possible de régulariser la propriété foncière et de disposer d'une assiette fiscale cohérente. Les indivisions ne permettent pas d'obtenir des recettes.
Je comprends l'argumentation, mais dans deux cents ans, nos successeurs seront confrontés aux mêmes problèmes, comme en Corse. À chaque tentative de régularisation, les élus insulaires s'y sont opposés. Des telles dispositions prolongent l'indivision plutôt qu'elles n'y mettent fin, avec les conséquences économiques que l'on connaît.
Mieux vaudrait un système d'exonérations partielles, plutôt que totales.
Aujourd'hui, il est impossible de percevoir les taxes car on ne sait pas à qui envoyer les lettres d'imposition. Nous devons trouver le moyen de connaître l'assiette fiscale de ce territoire. C'est pourquoi cet amendement me semble justifié.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement COM-52.
L'amendement COM-53 minore de 60 % la valeur locative des propriétés à Mayotte. L'évaluation des valeurs locatives ayant été effectuée récemment à Mayotte, contrairement au reste du territoire, les comparaisons avec les autres collectivités, où ces dernières sont sous-évaluées, s'en trouvent faussées. Thani Mohamed Soilihi souhaite donc cette minoration. Cet amendement ferait ainsi diminuer le potentiel fiscal de Mayotte et augmenter le montant de ses dotations. Des dispositions visant à diminuer les montants de la taxe d'habitation à Mayotte ont déjà été votées en loi de finances rectificative pour 2016, à savoir la majoration de 50 % du plafond des ressources exigées pour l'éligibilité à l'exonération de la taxe d'habitation et de la taxe foncière.
Nous ne disposons d'aucune évaluation du coût, comme pour nombre d'autres dispositions de ce texte. L'avis est donc défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement COM-53.
Article 49 (nouveau)
La commission proposera à la commission des lois d'adopter l'article 49 sans modification.
Article 50 (nouveau)
Cet article réduit d'un point les frais d'assiette et de recouvrement de l'octroi de mer perçus au profit de l'État. L'incidence financière s'établit à 9 millions d'euros. Or les douanes ont besoin de moyens pour contrôler les frontières, notamment en Guyane. Mon amendement COM-185 propose donc de supprimer cet article.
L'amendement COM-185 est adopté et la commission proposera à la commission des lois de supprimer l'article 50.
Article additionnel après l'article 50
Avec cet amendement COM-62, le Gouvernement propose de réactiver l'aide financière accordée aux communes de Mayotte lorsqu'elles organisent une opération de premier numérotage. Ce dispositif a été supprimé en 2012. Nous n'avons aucune idée de l'incidence financière d'une telle opération.
Le problème, c'est que l'on connaît l'adresse, mais on ne sait pas qui y habite.
Ce dispositif n'a apparemment pas fait preuve d'une grande efficacité. Personnellement, je suis défavorable à l'amendement, mais je m'en remets à la sagesse de la commission.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement COM-62.
Nous en avons terminé. Michel Canevet présentera notre position à la commission des lois demain.
La réunion est close à 16 h 15.