Commission des affaires économiques

Réunion du 1er février 2017 à 10h30

Résumé de la réunion

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La réunion

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La réunion est ouverte à 10h30.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Mes chers collègues, nous accueillons ce matin M. Laurent Michel, directeur général de l'énergie et du climat (DGEC), ainsi que Mmes Virginie Schwartz, directrice de l'énergie, et Carole Lancereau, cheffe de la cellule internationale, pour entendre les premières réflexions des services du ministère de l'environnement, de l'énergie et de la mer sur le paquet de mesures relatives à l'énergie, autrement appelé « paquet hiver » (Winter package) ou « paquet pour une énergie propre » (Clean Energy Package), que la Commission européenne a présenté le 30 novembre dernier. La commission des affaires européennes du Sénat travaille actuellement à la rédaction d'une proposition de résolution européenne sur ce sujet, dont notre commission sera prochainement saisie et dont notre collègue Ladislas Poniatowski sera le rapporteur.

Ce paquet de mesures s'inscrit dans le cadre de la priorité donnée par la Commission présidée par Jean-Claude Juncker à l'Union de l'énergie, qui doit elle-même permettre de mettre en oeuvre l'accord de Paris sur le climat et d'atteindre les trois grands objectifs visés à l'horizon 2030 : la réduction des émissions de gaz à effet de serre d'au moins 40 %, l'augmentation de la part des énergies renouvelables à au moins 27 % de la consommation d'énergie de l'Union ainsi que l'amélioration de l'efficacité énergétique d'au moins 27 %, que la Commission entend désormais porter à 30 %.

Nous n'avons pas encore pu analyser dans le détail la totalité des mesures présentées par la Commission européenne : il est question de pas moins de huit propositions d'actes législatifs (révision de règlements ou de directives) dont certaines ne sont, aujourd'hui encore, pas disponibles en français, auxquelles s'ajoutent de nombreux autres documents non législatifs (communications, rapports, études d'impact, enquêtes sectorielles, etc.). Nous pouvons néanmoins d'ores et déjà évoquer un certain nombre de sujets. Je n'en mentionnerai pour ma part que deux, parmi tant d'autres, mais le rapporteur, Ladislas Poniatowski, pourra vous interroger sur d'autres points.

Premier sujet, la Commission souhaite que les consommateurs puissent plus facilement produire leur propre énergie, la stocker, la partager, la consommer ou la vendre sur le marché. C'est là un objectif louable - qui rejoint d'ailleurs celui du projet de loi portant ratification de l'ordonnance du 27 juillet 2016 relative à l'autoconsommation d'électricité que nous examinerons cet après-midi en commission mixte paritaire - mais certains éléments de langage de la Commission tels que retranscrits dans la presse pourraient inquiéter ceux qui, comme moi, sont viscéralement attachés au modèle français d'accès au réseau. C'est d'ailleurs un sujet que nous avons déjà abordé au cours des débats en commission et en séance sur l'autoconsommation. En cherchant à favoriser le développement de « communautés énergétiques locales » qui auraient le droit de mettre en place leur propre réseau et de vendre et acheter leur électricité sur tous les marchés organisés, ne craignez-vous pas qu'à terme le principe fondateur de la péréquation tarifaire ou le monopole des gestionnaires de réseaux ne soient remis en cause ?

Le second sujet a trait à la mobilité électrique, qui me tient aussi à coeur. La Commission envisage une règle de déploiement de bornes de recharge ou de réalisation de travaux de précâblage dans les bâtiments qui me semble, en première analyse, à la fois ambitieuse et atteignable - je ne rentre pas dans les détails mais indique simplement qu'elle ne s'appliquerait, pour le bâti existant, qu'aux bâtiments commerciaux comportant plus de 10 places de stationnement (une borne pour au moins pour 10 places) et uniquement à compter de 2025, et que les États membres pourront exclure les PME ou les bâtiments publics. Que pensez-vous d'une telle disposition ?

Debut de section - Permalien
Laurent Michel, directeur général de l'énergie et du climat

Monsieur le Président, merci de cette audition sur cet important paquet législatif du 30 novembre 2016, intitulé « une énergie propre pour tous les européens », qui comprend sept textes législatifs, quatre communications et de nombreux rapports, pour un millier de pages au total.

Les textes législatifs de ce paquet ont plusieurs objets :

- l'atteinte de l'objectif d'efficacité énergétique de l'Union européenne pour 2030, que la Commission européenne propose de fixer à 30 %, au lieu des 27 % initialement prévus par le Conseil européen, ces économies d'énergie étant appréciées par rapport à des scénarios de référence. Cela implique la révision de la directive « efficacité énergétique » de 2012 et de la directive sur la performance énergétique des bâtiments ;

- la révision de la directive sur les énergies renouvelables, afin d'inclure notamment l'objectif contraignant de 27 % d'énergies renouvelables pour l'Union européenne en 2030, tel que défini par le Conseil européen d'octobre 2014 ;

- présenter de nouvelles dispositions sur l'organisation du marché de l'électricité, pour en réformer le fonctionnement, ainsi que sur la sécurité d'approvisionnement ;

- prévoir un règlement sur la gouvernance, sujet de débat important au Conseil européen, qui instaure l'obligation de plans nationaux « énergie climat » pour la période 2020-2030, couvrant différentes dimensions de l'Union de l'énergie.

La présidence maltaise de l'Union européenne n'a pour le moment engagé les discussions que sur les textes relatifs à l'efficacité énergétique, les autres volets devant être abordés dans un deuxième temps. Dès lors, l'objectif d'une adoption du paquet à la fin de l'année 2017, d'abord évoqué par la Commission européenne, semble difficile à atteindre, d'autant qu'il y a des interférences entre le volet climat du paquet et d'autres dossiers en cours, notamment la proposition de réforme du système centralisé d'échanges de quotas dit « ETS » et la question du partage de l'effort de diminution des gaz à effet de serre.

Pour détailler les différents éléments du paquet en commençant par son volet « efficacité énergétique », nous soutenons l'ambition du projet de directive, qui permet de placer l'Union dans la dynamique de l'accord de Paris, et en particulier la proposition d'un objectif renforcé de 27 % à 30 %.

Il peut d'ailleurs être utile de le comparer aux objectifs nationaux, notamment ceux fixés pour la France dans la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, c'est-à-dire une réduction de la consommation d'énergie finale de 20 % entre 2012 et 2030, qui implique pour la France une baisse de la consommation énergétique finale d'environ 23 % en 2030 par rapport à 2005. Ainsi, avec ses propres objectifs, la France irait au-delà de l'objectif européen, car celui-ci correspond à une baisse de la consommation énergétique finale de 17 % en 2030 par rapport à 2005.

Le texte prévoit également la prolongation des principaux outils existants depuis 2012 et conforte ainsi, dans son article 7, le dispositif français des certificats d'économie d'énergie (CEE).

Néanmoins, globalement sur la directive « efficacité énergétique » et sur la directive « performance énergétique des bâtiments », nous avons à ce stade des réserves d'examen, notamment sur les infrastructures de recharge des véhicules électriques, et plus généralement sur des objectifs techniques. Il faudra veiller à ce qu'il existe une flexibilité suffisante pour la mise en oeuvre des outils. Certains objectifs semblent en effet à ce stade trop souvent énoncés sur la base de l'utilisation de moyens technologiques, et non au regard d'un résultat à atteindre. En particulier, les textes comportent des obligations spécifiques et parfois très précises pour les bâtiments neufs ou existants et la formulation de certains objectifs techniques ou certaines installations techniques, par exemple s'agissant du précâblage ou des prises, nous semble très perfectible. Il faut, de manière générale, favoriser la flexibilité et faire jouer la subsidiarité.

S'agissant du volet prévoyant la révision de la directive « énergies renouvelables », il faut rappeler qu'au terme d'un grand débat, le cadre « énergie climat » adopté par le Conseil européen d'octobre 2014 a fixé un objectif d'au moins 27 % d'énergies renouvelables dans la consommation énergétique de l'Union à l'horizon 2030, contraignant au niveau européen, mais ne l'a pas décliné en objectifs nationaux. Et ce, contrairement à la législation antérieure qui prévoyait notamment en 2020 un objectif de 23 % en France.

La proposition de directive vise à intégrer la période postérieure à 2020. Si la Commission s'est abstenue de décliner nationalement l'objectif de 2030, elle y reprend en revanche les objectifs nationaux définis pour 2020 et en fait des seuils minimum au-dessous desquels chaque État membre ne peut pas descendre, ce qui paraît être de bonne politique Dans le cas où cet objectif n'est pas atteint, un mécanisme de pénalité incitative est proposé : l'État membre concerné devrait contribuer à un fonds européen géré par la Commission européenne pour financer des appels d'offres. Cette disposition est prévue dans le règlement sur la gouvernance.

Il nous semble que les dispositions sur les mécanismes de soutien aux énergies renouvelables devraient être revues pour permettre d'atteindre nos objectifs tant nationaux que collectifs. La question fait l'objet d'un débat depuis plusieurs années. Si l'Europe veut atteindre ses objectifs, elle doit s'en donner les moyens. Nous considérons donc que la directive devrait explicitement indiquer que les mécanismes de soutien auxquels les États membres ont recours doivent être adaptés aux spécificités de chaque État membre et en particulier, devraient reconnaître la nécessité pour les États membres de pouvoir recourir à des appels d'offres par technologie, afin d'atteindre leurs objectifs, et non imposer une obligation d'appel d'offres technologiquement neutres.

Le projet de directive introduit un nouvel article sur l'autoconsommation afin de favoriser son développement, l'orientation d'un renforcement de la décentralisation irrigant la directive. Les mesures proposées sont globalement en ligne avec le cadre mis en place en France dans le cadre de la loi pour la transition énergétique pour la croissance verte et de l'ordonnance relative à l'autoconsommation, à l'exception, toutefois, de la disposition consistant à rémunérer systématiquement l'énergie injectée, qui est en opposition avec l'ordonnance qui permet aux petits consommateurs d'injecter leur surplus à titre gratuit.

Vous avez évoqué, Monsieur le Président, la question des communautés énergétiques locales. Il faut en effet bien examiner les incidences concrètes du texte, notamment par rapport à nos règles nationales relatives à l'autoconsommation collective, à l'expérimentation de dispositifs de flexibilité locale et aux réseaux fermés de distribution. Nous avons donc déjà des dispositifs destinés à favoriser la flexibilité et la décentralisation mais le réseau est un élément important de sécurité, de développement économique et de solidarité territoriale. Les principes fondateurs de péréquation sur le réseau électrique devront, en tout état de cause, être préservés. Néanmoins, notre questionnement ne porte pas sur la philosophie du dispositif de la Commission, mais sur ses modalités de mise en oeuvre.

En ce qui concerne les garanties d'origine, qui a fait l'objet de discussion au Sénat dans le cadre de la loi ratifiant l'ordonnance « autoconsommation », la proposition de la Commission prévoit que les producteurs d'installations bénéficiant de dispositifs de soutien ne puissent pas valoriser leurs garanties d'origine, ce qui évitera toute double rémunération. Mais, dans le même temps, pour assurer la traçabilité de l'électricité verte soutenue, la Commission propose que ces garanties d'origine reviennent à chaque État membre, qui sera responsable de les vendre aux enchères. Les autorités françaises soutiennent ces dispositions, qui sont en ligne avec le texte adopté par le Sénat.

Le texte de la Commission comprend également des dispositions nouvelles pour la production de chaleur et de froid. C'est un des secteurs auquel la France accorde la plus grande importance depuis de nombreuses années, et nous nous félicitons de cette reconnaissance. Toutefois, il faudra veiller à ce qu'il permette une grande flexibilité aux États membres afin de garantir que les mesures prises soient bien adaptées aux spécificités locales.

Le texte prévoit notamment l'augmentation de 1 % par an du taux d'énergies renouvelables pour la chaleur. Cette augmentation correspond à la fourchette basse de la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) et est cohérente avec les objectifs nationaux pour 2030. En revanche, l'ouverture proposée des réseaux de chaleur à des nouveaux producteurs peut constituer une difficulté de mise en oeuvre : il faudra en particulier veiller à l'équilibre économique des concessions déléguées par les collectivités locales.

En ce qui concerne les transports, la Commission européenne propose une obligation d'incorporation des énergies renouvelables dans les carburants pour les fournisseurs. Cette obligation viserait l'incorporation de biocarburants avancés ou de carburants renouvelables avancés, avec en parallèle une sortie progressive des biocarburants de première génération. Il est également prévu d'élargir l'assiette au transport aérien, voire maritime.

La priorité donnée au développement des biocarburants avancés est cohérente avec la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte. L'élargissement aux carburants avancés renouvelables peut être soutenu. En revanche, la sortie progressive des biocarburants en concurrence alimentaire est une question complexe qui peut faire réagir, compte tenu du volume important qu'ils représentent aujourd'hui et de la filière industrielle et agro-industrielle qui s'est développée. De même, l'incitation à l'utilisation d'énergies renouvelables dans les secteurs aérien et maritime peut être soutenue, des initiatives se développant déjà en France.

S'agissant de l'organisation du marché de l'électricité, le paquet inclut une directive et deux règlements sur le marché de l'électricité et la sécurité électrique, à un moment charnière pour ce marché.

Le fonctionnement actuel des marchés de l'électricité, caractérisé par des prix très bas ces dernières années et une faible visibilité, interroge en effet sur sa capacité à susciter les investissements requis, et même à rentabiliser les capacités existantes nécessaires à la sécurité d'approvisionnement. Le nouveau cadre doit répondre à cet enjeu. Nous partageons l'ambition de la Commission de définir une architecture de marché rénovée, mieux adaptée aux enjeux de la transition énergétique, mais il nous semble qu'elle privilégie les signaux de court terme, et peut-être pas suffisamment les outils de long terme.

Cette proposition va redonner vigueur au débat qui agite le système électrique autour des instruments les mieux à même d'assurer la sécurité d'approvisionnement, notamment les mécanismes de capacité : faut-il privilégier un système centralisé ou décentralisé, recourir à des réserves stratégiques, à quel niveau faut-il les mettre en oeuvre - national, bilatéral, par grande région européenne -, etc. ? Il faut développer la flexibilité tout en renforçant les signaux de long terme, et lorsque les études d'adéquation en démontrent le besoin, permettre aux États membres de prendre les mesures qui s'imposent car, au final, ce sont bien les États qui sont responsables de la sécurité d'approvisionnement de leurs citoyens.

Il convient aussi de tenir compte des réalités physiques et économiques ; on ne peut pas tout régler par un « master plan » européen, même s'il existe des collaborations à renforcer. L'analyse de la direction générale de la concurrence de la Commission, d'ailleurs divergente de celle de la direction de l'énergie, a montré que, dans certains cas, les mécanismes de capacité peuvent être nécessaires pour garantir la sécurité d'approvisionnement. À cet égard, les niveaux européen et régional sont complémentaires du niveau national lorsqu'il s'agit d'analyser les risques et de décider de la mise en place d'un mécanisme de capacité, mais ne peuvent s'y substituer.

Il y a un désaccord sur la révision des mécanismes. Il est nécessaire de prévoir des révisions, notamment pour éviter toute surrémunération. La direction générale de la concurrence s'est prononcée sur un principe de validité pendant dix ans, qui pourrait d'ailleurs être réduit à huit ans. Mais la proposition de la Commission envisage un réexamen annuel des mécanismes qui représenterait un travail considérable s'il était fait de manière approfondi, et créerait une incertitude néfaste aux investissements de long terme en capacités de production, d'effacement ou de flexibilité.

J'ajoute que nous sommes favorables à l'ouverture aux capacités étrangères des mécanismes nationaux, prévue par le paquet. Par cohérence avec nos autres objectifs, nous accueillons favorablement l'idée de la Commission que les mécanismes ne permettent pas de soutenir les centrales émettant plus de 550 grammes de CO2 par kilowattheure, ce qui exclurait de fait les centrales à charbon non dotées d'un système de captage ou les centrales à gaz très peu performantes. Les contrats de long terme peuvent également faciliter l'investissement dans de nouvelles capacités de production et répondent au fort besoin de visibilité exprimé par les consommateurs industriels.

La Commission souhaite par ailleurs remettre le consommateur au centre du dispositif. À cet égard, certaines des dispositions proposées concernent les effacements de consommation, afin de renforcer l'émergence d'une nouvelle offre de service pour les consommateurs.

Il existe cependant une divergence ancienne entre la Commission et la France sur les tarifs réglementés de vente. La Commission propose de les supprimer dans un délai rapide - cinq ans - en gardant des dispositions en faveur des consommateurs vulnérables. Nous sommes d'avis contraire. Nous considérons que si les tarifs réglementés sont bien conçus, c'est-à-dire contestables par les fournisseurs alternatifs, s'ils sont clairs et transparents, ce qui est le cas en France, ils ne s'opposent pas au développement de la concurrence mais contribuent au contraire à renforcer la confiance dans le marché. Nous les avons certes éteint progressivement pour les consommateurs professionnels mais une suppression pour les consommateurs domestiques, outre ses effets négatifs propres, représenterait un travail considérable, avec une probabilité de ratés de 100 %, dès lors que des millions de clients seraient concernés. Nous avons donc un double désaccord avec la Commission, pratique et de fond.

Nous souhaitons également avoir des outils efficaces de lutte contre la précarité énergétique, en tenant compte des spécificités nationales.

Enfin, sur la sécurité d'approvisionnement, il existe un débat sur les interconnexions électriques. Pour la France, c'est un sujet important et nous soutenons leur développement, mais il est nécessaire de conserver une approche rationnelle, fondée sur une analyse coûts/bénéfices au cas par cas, plutôt que de retenir un objectif uniforme d'interconnexions, qui a pu être utile mais est sans doute moins pertinent aujourd'hui.

Sur la gouvernance, la proposition de règlement de la Commission repose sur deux piliers : des obligations de rapportage (reporting) et la définition d'un processus politique entre les États membres et la Commission en vue d'atteindre les objectifs de l'Union de l'énergie, y compris ceux du cadre 2030.

La Commission propose des plans nationaux énergie-climat pour la période 2020-2030 qui couvrent les cinq dimensions de l'Union de l'énergie. S'ils intègrent bien les différentes obligations de rapportage existantes sur les gaz à effet de serre, l'efficacité énergétique et les renouvelables, la simplification espérée n'est pas au rendez-vous.

Le périmètre des plans correspond à peu de choses près aux dispositifs introduits par la loi relative à la transition énergétique et à la croissance verte : stratégie nationale bas carbone, PPE, stratégie nationale de mobilisation de la biomasse et stratégie nationale de recherche énergétique. Si nous avons tous les outils pour répondre à la demande de la Commission, cette dernière demande cependant un projet de plan pour le 1er janvier 2018, après évaluation environnementale et consultation du public, ce qui suppose du temps pour être réalisé correctement.

Selon la Commission, ces plans devront lui être soumis, dans le cadre d'un processus itératif, et feront l'objet d'une consultation des États membres voisins. Il y a là un débat car autant nous sommes favorables à l'élaboration d'un plan et à sa communication, autant nous estimons qu'un processus itératif de validation par la Commission n'est pas souhaitable puisqu'il reviendrait à nier les spécificités nationales et le principe de subsidiarité et créerait de la bureaucratie, voire des phénomènes de rejets préjudiciables. En outre, le calendrier proposé n'est pas tenable. Il conviendra de laisser aux États plus de temps pour la co-construction avec les parties prenantes et la consultation du public. Il sera important enfin de trouver un équilibre entre la nécessaire qualité de ces documents et la recherche d'une charge administrative supportable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Je vous remercie de cette présentation. J'ai omis la question des tarifs réglementés dans ma présentation, mais je pense qu'elle sera abordée par mes collègues...

Debut de section - PermalienPhoto de Ladislas Poniatowski

Dans ce paquet Énergie, il y a beaucoup d'éléments. Vous n'avez pas totalement répondu à la question du Président Lenoir sur les « communautés énergétiques locales ». Ne craignez-vous pas une remise en cause de la péréquation tarifaire à laquelle les parlementaires, et les sénateurs au premier rang, sont particulièrement attachés ?

Vous avez évoqué la proposition de la Commission de mettre fin aux tarifs réglementés de vente et dit votre opposition mais n'avez pas fait état d'une autre proposition de la Commission consistant à remplacer les tarifs sociaux par d'autres mesures. Quelle serait la nature de ces autres mesures ? La généralisation programmée du chèque énergie répondrait-elle à une telle demande ?

En matière d'énergies renouvelables, trois questions : êtes-vous favorables à l'ouverture partielle des mécanismes d'aide nationaux aux énergies renouvelables étrangères et si oui dans quelle proportion ? Quelle est votre position sur la limitation de la priorité d'injection aux installations existantes, aux petites installations et aux démonstrateurs ? Enfin, qu'en est-il de l'idée d'une contribution financière obligatoire d'un État membre qui n'atteindrait pas ses objectifs d'énergies renouvelables à un fonds géré par la Commission, dont j'avais cru comprendre qu'elle était abandonnée ?

En matière de régulation des marchés et des réseaux, trois questions là aussi : estimez-vous que la position de la Commission sur les mécanismes de capacité, qu'elle ne voit que comme un instrument temporaire, est de nature à fragiliser le système français et confirmez-vous bien que ce système est déjà conforme à l'obligation de prévoir explicitement la participation de capacités étrangères lorsqu'une interconnexion existe ? Êtes-vous favorables à l'harmonisation des critères de défaillance nationaux ? Enfin, et même si vous avez déjà largement répondu sur ce point dans votre présentation liminaire, que pensez-vous des réflexions que la Commission poursuit sur l'opportunité de porter l'objectif d'interconnexion électrique de 10 % à 15 % et, plus généralement, considérez-vous qu'un objectif uniforme à toutes les frontières soit opportun ?

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Monsieur le directeur général, je vous ai écouté avec d'autant plus d'attention que je n'ai pas lu les mille pages du paquet. Certaines initiatives méritent d'être saluées comme en matière d'information des consommateurs, de facturation ou d'utilisation généralisée d'outils indépendants de comparaison. D'autres points nécessitent des clarifications. La France doit continuer de défendre l'idée selon laquelle les États membres peuvent choisir leur mix de production et recourir à des appels d'offres spécifiques par technologie. Il n'est pas acceptable que la Commission impose aux États membres d'ouvrir une partie de leurs mécanismes de soutien à des projets situés dans d'autres États membres.

Sur les mécanismes de capacité, la Commission souhaite les limiter voire les supprimer. Doit-on dès lors considérer que ce que nous avons fait dans ce domaine ne serait pas ou plus euro-compatible ? Quelle est la position de la France sur cette vision négative des mécanismes de capacité ?

En matière de précarité énergétique, la Commission prévoit des avantages sociaux ou des mesures d'efficacité énergétique. Le chèque énergie, qui sera généralisé en janvier 2018, sera-t-il bien couvert par ces dispositions ?L'article 5 prévoit que la protection des consommateurs vulnérables se fera par d'autres moyens que par la fixation d'un prix de fourniture déterminé par les pouvoirs publics. Ainsi, les tarifs réglementés disparaîtraient. Confirmez-vous que lorsque ces tarifs réglementés ne sont pas inférieurs au prix de production, ils sont bien compatibles avec un marché concurrentiel et qu'ils seront donc défendus par la France ?

Sur le règlement des litiges, la référence à un Médiateur serait supprimée. Quelle est votre position ?

Qu'en serait-t-il du rôle des gestionnaires de réseaux avec la création des communautés énergétiques locales ?

Je voudrais dénoncer le manque d'ambition en matière d'économies d'énergie ou de développement des énergies renouvelables. Ce n'est pas un bon signal envoyé par la Commission au reste du monde. La France s'est donnée des objectifs plus ambitieux, je m'en félicite.

Enfin, s'agissant des biocarburants, je partage vos préoccupations. Il faudra veiller, d'abord, à ne pas faire la place aux énergies fossiles dès lors que les volumes de biocarburants dits avancés seraient insuffisants, mais aussi être très attentifs aux pertes d'emplois qu'entraînerait la suppression des biocarburants de première génération. Au total, les sujets d'inquiétude sont donc nombreux, voire très nombreux.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

Quels enseignements tirez-vous de la récente vague de froid en France et en Europe pour la gestion du système électrique ? Êtes-vous satisfaits des interconnexions avec les autres pays ? Quel rôle ont joué les énergies renouvelables (photovoltaïque, éolien, hydraulique) au cours de cette période ?

Un déploiement des compteurs communicants de type Linky est-il envisagé dans les autres pays européens ?

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Bataille

La Commission européenne ne semble pas favorable aux mécanismes nationaux de capacité. Le dispositif français, destiné à affronter les pics de consommation et à assurer notre sécurité d'approvisionnement électrique, est-il menacé ? Et qu'en serait-il des mécanismes d'effacement ?

La précarité énergétique augmente et concerne aujourd'hui huit millions de personnes, soit 15 % des foyers qui consacrent plus de 10 % de leurs revenus aux dépenses d'énergie. En France, nous avons plusieurs dispositifs de lutte contre cette précarité énergétique, à commencer par les tarifs sociaux et le chèque énergie, qui est en cours d'expérimentation. Vous avez souligné votre volonté de tenir compte des spécificités nationales. Quelles sont les mesures prévues dans le paquet pour lutter contre la précarité énergétique ?

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Montaugé

Existe-t-il un bilan de l'ouverture à la concurrence du marché de l'électricité ?

Sur les enjeux en matière de climat, et sur la valeur ajoutée que peut apporter l'Union européenne au regard de l'objectif de limiter le réchauffement climatique à deux degrés, on ne va pas dans la bonne direction. En matière d'énergies renouvelables, moins de 3 % de la consommation mondiale d'énergie est issue de ressources renouvelables, même si l'on constate une progression depuis 2000. La part des énergies fossiles sur une période longue de 15 ans représente encore 87 %. La question centrale est le prix qu'on accorde à la tonne de carbone. Comment l'Union européenne peut-elle peser sur ce sujet ? La technique de capture et de stockage de carbone, qui n'est pas abordée dans le paquet, est aussi déterminante.

Sur la question des biocarburants, nous sommes en retard en France. Les États-Unis en font une variable d'ajustement de leurs revenus agricoles. Nous avons un débat par rapport à l'utilisation de production agricole à des fins autres qu'alimentaires. Quelle est la position de l'Union européenne sur ces sujets ?

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Vaugrenard

Ma première question portera sur le fonctionnement des institutions. La Commission propose de relever l'objectif d'économies d'énergie de 27 % à 30 % ; le Parlement européen vise quant à lui un objectif de 40 % mais quel est l'objectif du Conseil européen, qui représente les États membres ? C'est selon moi à lui de décider !

Sur les énergies renouvelables électriques, chacun sait que le problème réside dans le stockage. Existe-t-il un programme de recherches fondamentale ou appliquée en la matière ? Ne serait-il pas intéressant d'avoir un leadership européen sur ce sujet ?

Sur la précarité énergétique, Delphine Bataille a rappelé les chiffres. Il y a huit millions de personnes en situation de précarité énergétique. Dans les propositions de la Commission, il est indiqué qu'il faut éviter les coupures d'électricité. Plutôt que de les éviter, ne faudrait-il pas plutôt les interdire, en faisant preuve de vigilance par rapport à des abus qui demeureraient marginaux ? La Commission et l'Europe s'honoreraient à être en avance sur ces questions.

Sur les tarifs réglementés, c'est une question politique fondamentale. La France ne doit pas accepter que l'Europe impose des choses inacceptables. Nous avons une histoire sociale, de solidarité humaine et territoriale qui s'est traduite par des tarifs réglementés et un mécanisme de péréquation tarifaire. Il faut le réaffirmer. Revenir sur ces dispositifs porterait atteinte à nos libertés publiques et aux avancées dans ce domaine qui sont partagées de manière transpartisane.

Sur l'accessibilité citoyenne, pour la Commission européenne, tous les consommateurs devraient pouvoir produire de l'électricité pour leur consommation ou la revente. Ce n'est pas crédible. Tout le monde n'est pas propriétaire. Certains habitent en appartement, en HLM, d'autres sont en situation de précarité énergétique. Il y a une inégalité des citoyens par rapport à cet objectif.

Il y a une distanciation de plus en plus forte entre les citoyens européens et les institutions européennes. Au vu du volume et de la complexité des textes présentés par la Commission, comment pensez-vous vulgariser les propositions qui sont faites et les décisions prises en matière d'énergie pour que le citoyen s'en imprègne ? Sur le plan démocratique, cet accès aux données me paraît indispensable !

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Tandonnet

J'ai bien écouté l'exposé de monsieur le directeur général, mais je n'y ai pas entendu l'expression « énergie nucléaire ». A-t-elle été effacée du discours ? La position de la France en la matière est-elle défendue dans les mille pages de ce paquet ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bosino

Merci, monsieur le directeur général, pour cette présentation. Je partage la remarque qui a été faite par certains de mes collègues sur le volume du paquet présenté par la Commission. D'un point de vue démocratique, on est très loin des préoccupations des habitants du continent européen. On se demande même où peuvent vivre les personnes qui rédigent de tels documents. Certainement pas sur la même planète que nous !

Ce que je retiens de votre présentation, c'est qu'avec ce paquet énergie, on va encore un peu plus loin dans la remise en cause de l'organisation française, telle qu'issue de la Libération, de la production - y compris du nucléaire - et de la distribution de l'électricité dans notre pays. C'est un coin supplémentaire enfoncé dans notre modèle, au nom de la concurrence, sans d'ailleurs que l'on en mesure réellement les effets. Et quand on les mesure, dans la vie réelle et concrète des gens, on se rend compte que ce n'est pas forcément une bonne chose.

Comme d'autres, je partage le fait que la mise en cause des tarifs réglementés est absolument inacceptable. C'est même inacceptable qu'on puisse nous encourager à aller en ce sens.

Sur la question de la précarité énergétique, douze millions de nos concitoyens sont concernés. J'ignore si ce paquet évoque la question de l'isolation des bâtiments et des habitations et s'il propose des moyens de financement pour aider, au sein des États membres, à cette isolation.

Enfin, s'agissant du transport, on parle beaucoup des prises pour les véhicules électriques mais, dans le même temps, l'Union européenne continue à organiser, au nom de la concurrence, la désorganisation des transports en commun : elle encourage le trafic routier de camions et met, parallèlement, en péril l'organisation d'une entreprise comme la SNCF. Il y a une contradiction majeure à vouloir atteindre des objectifs de réduction d'émissions de gaz à effets de serre tout en contribuant à mettre des camions sur nos routes.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne-Catherine Loisier

Pourriez-vous expliciter cette notion d'ouverture des mécanismes de soutien aux capacités étrangères ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Avant de vous donner la parole, monsieur le directeur général, je ferai deux remarques. Une question, d'abord : quel est le calendrier proposé par la commission ? Elle a présenté ce paquet fin novembre mais quelle date est envisagée pour son adoption ?

Une observation, ensuite : j'ai beaucoup apprécié les interventions de mes collègues. Il y a un vrai consensus sur le fond et un réel attachement au modèle français comme à un certain nombre de ses principes, que je fais miens sans relâche, tels que la péréquation tarifaire. Nous avons un modèle, et il n'est absolument pas question de nous en laisser imposer par qui que ce soit un autre sous prétexte qu'il fonctionnerait ailleurs. Je renvoie, par exemple, à nos débats sur le numérique : on se rend compte aujourd'hui que le maillage territorial en la matière eût été meilleur si l'on avait instauré un système de péréquation. De même, nos territoires seraient gravement lésés si on laissait prospérer certaines idées. Quand j'entends les propos tenus par des personnes aspirant à exercer des responsabilités nationales, je m'inquiète de certaines dérives.

De même, s'agissant des tarifs réglementés, nous avions entendu, lors de la réunion des présidents commissions des affaires économiques des Parlements de l'Union européenne sur l'Union de l'énergie à Bratislava, que la fin des tarifs réglementés était inévitable. Ces tarifs concernent douze millions de points de livraison (autrement dit, douze millions de compteurs) ! On a vu, dans un récent passé, l'ampleur de l'oscillation des prix du marché de l'énergie. Quand les prix du marché augmentent, notre modèle apporte une grande sécurité aux ménages, qui ont contribué à la construction de nos infrastructures. Il ne serait pas admissible qu'on puisse remettre en cause l'accès aux tarifs réglementés. Dans les lois que nous avons votées, nous avons toujours veillé à ce que ce système de tarifs réglementés soit protégé. On parle ici des ménages et ceux-ci ont besoin d'être protégés. J'étais donc très satisfait d'entendre un consensus large sur ces questions fondamentales.

Debut de section - Permalien
Laurent Michel, directeur général de l'énergie et du climat

Si vous le voulez bien, nous allons nous répartir les réponses, avec Virginie Schwartz, par grandes thématiques.

Sur le prix du carbone, lors de ma présentation, j'ai rappelé que la réforme du marché de quotas européen était en cours. Cette discussion s'inscrit dans une réflexion plus globale sur le prix du carbone et l'idée qui le sous-tend, c'est-à-dire un objectif ambitieux de réduction des gaz à effet de serre imposé d'une manière ou d'une autre. Cette question fait l'objet de travaux européens et nationaux pouvant prendre plusieurs formes. Aujourd'hui, la forme la plus connue, c'est le système central d'échanges de quotas auxquels sont soumis les gros émetteurs de carbone, qu'ils soient producteurs d'électricité ou industriels.

Une proposition de la Commission européenne est sur la table depuis l'année dernière. Elle apporte des éléments positifs, comme la création d'une réserve de stabilité dans laquelle on pourra loger les quotas en cas de surcapacités, ce qui permettra au signal-prix de conserver son efficacité. De même, les allocations de quotas se feraient sur la base de la production réelle plutôt que par rapport à la production historique.

Néanmoins, les détails doivent toujours être précisés. Et il est important d'y être vigilants car ils peuvent en réalité déterminer le véritable niveau d'ambition. Les principaux points en discussion sont les suivants : le volume de quotas et la manière dont on le gère ; le volume de quotas gratuits pour les entreprises exposées aux fuites de carbone, voire la possibilité de remplacer, pour certains secteurs, le système de quotas gratuits par un mécanisme dit « d'inclusion aux frontières », dans lequel les importateurs paieraient le prix du carbone - cette proposition figure notamment dans la position actuelle du Parlement européen sur le sujet ; enfin, un certain nombre de questions se posent sur le rythme de l'ambition, autrement dit, sur le pourcentage de baisse annuelle du plafond de quotas attribués.

Diverses propositions sont sur la table. Au niveau européen, d'abord : il existe une proposition de la Commission, et une autre du Parlement européen. Au niveau national, ensuite, c'est par exemple le cas de l'Allemagne avec son « paquet énergie-climat » interne.

En termes de calendrier, l'objectif est d'obtenir un accord au niveau européen sur le sujet, soit au Conseil dans sa formation environnement du 28 février, soit au plus tard à la fin du semestre. Nous avons fait des contre-propositions pour dynamiser le système et trouver des points d'équilibre. La question des mécanismes de solidarité avec les pays de l'Est de l'Europe fait toujours débat. Il faut, sur ce sujet, un mécanisme robuste, équitable, c'est-à-dire, par exemple, que ceux qui produisent reçoivent des quotas alors que ceux qui ferment n'en reçoivent plus.

Mais il faut également souligner qu'il ne s'agit pas de la seule façon de promouvoir un prix du carbone. Une politique de taxation de l'énergie peut également être mobilisée en ce sens. Mais l'approche purement européenne, qui s'était matérialisée par une proposition de directive, a échoué en raison de l'exigence d'unanimité imposée, en matière de fiscalité, par les traités européens. Cette directive prévoyait, entre autres, d'introduire un minimum de composante carbone dans la fiscalité de l'énergie.

Il faut donc, dans ce domaine, se tourner vers des approches nationales. La France a introduit en 2014 la composante climat-énergie (CCE) dans ses taxes sur l'énergie. Une trajectoire a été fixée dans la loi relative à transition énergétique pour la croissance verte et un vote intervient régulièrement en loi de finances - on en est aujourd'hui à 30 euros la tonne en 2017.

L'Europe peut également établir des critères en matière d'émissions de carbone dans les prises de décision des acteurs publics et privés. C'est par exemple l'approche retenue dans un décret d'application de la loi de transition énergétique à paraître sur la prise en compte des émissions de gaz à effets de serre dans les investissements publics. Il faudra évidemment que ce décret soit appliqué. Cette approche renvoie également aux obligations nouvelles de reporting imposées aux entreprises et aux investisseurs institutionnels, qui les incitent à prendre en compte le prix du carbone, qu'elles fixent parfois du reste en interne, dans leurs décisions.

Sur l'objectif du Conseil en matière d'efficacité énergétique, celui-ci était de 27 % en 2014. Il était cependant précisé que cet objectif pourrait faire l'objet d'une révision. Le Parlement européen souhaite un objectif plus ambitieux. La Commission européenne propose 30 %. La France propose d'accepter ces 30 %. Des débats sur ce sujet vont avoir lieu au sein du Conseil.

Sur les technologies et la recherche, en matière de stockage et de biocarburants notamment, il s'agit d'un élément important des politiques internationales, européennes et nationales. Internationales, car dans le cadre de la mission innovation mise en place en application de l'Accord de Paris, un certain nombre de pays se sont engagés à doubler leurs efforts de recherche pour l'énergie verte. Au niveau européen, un certain nombre d'outils existent déjà, qui devraient d'ailleurs être révisés. On peut mentionner le SET plan, qui est un programme de recherche stratégique sur l'énergie en général et sa durabilité. Je pense également au mécanisme de soutien, dit « NER 300 », dans le cadre duquel 300 millions de tonnes de quotas de CO2 ont été mis de côté pour soutenir, par le produit de leur vente, des projets de démonstrateurs industriels. Il est prévu, dans le système de quotas pour la période 2021-2030, de porter ce volume de quotas dédiés au financement de la recherche à 400 millions de tonnes. S'agissant des politiques nationales, le programme des investissements d'avenir (PIA) soutient de nombreux projets en matière de stockage d'énergie ou de biocarburants mais aussi de réseaux intelligents et de technologies d'efficacité énergétique.. S'agissant du stockage, l'on peut notamment mentionner le « power to gas », qui transforme l'électricité en gaz pour le stocker ensuite dans le réseau. Tout cela est à poursuivre.

J'en viens au nucléaire. Il n'y a pas d'objectif en la matière. Il y a un objectif européen sur le renouvelable à l'horizon 2030, et un souhait des États membres de disposer d'une latitude suffisante, en vertu du principe de subsidiarité, tenant compte de leur historique et de leur contexte national, sur la part du nucléaire dans leur mix énergétique. Il n'y aura donc, sur le nucléaire, aucune contrainte, ni dans un sens, ni dans l'autre. En revanche, les États membres devront rendre compte, dans les plans énergie-climat nationaux, des moyens mis en oeuvre pour atteindre les objectifs en matière d'efficacité énergétique, d'émissions de carbone et d'énergies renouvelables. Un sujet pouvant toucher au nucléaire, mais qui n'est pas propre au nucléaire, concerne la faisabilité des contrats longs d'investissement dans les grandes infrastructures de production. Aujourd'hui, financer un petit parc éolien ne pose pas de difficultés. Il en va autrement du financement d'un parc d'éoliennes en mer, par exemple, comme du renouvellement ou de la prolongation d'un parc nucléaire.

Sur les énergies renouvelables, je souhaite d'abord confirmer que figure bien, dans le paquet qui nous est soumis, l'idée d'une contribution obligatoire d'un État membre à un fonds, géré par la Commission, en cas de non atteinte de ses objectifs en matière d'énergies renouvelables. Il faudra évidemment en étudier la mise en oeuvre opérationnelle mais ce n'est pas forcément une mauvaise idée. Puisque les États membres sont seulement contraints d'atteindre l'objectif national fixé à l'horizon 2020 et non 2030, il ne serait pas totalement illogique qu'un manquement soit sanctionné. J'espère simplement qu'on ne fera pas partie de ceux qui paieront ! Cependant, si le produit des amendes payées est réinvesti dans la transition énergétique, ce n'est pas plus mal, mais c'est une position personnelle, qui n'engage pas le Gouvernement.

Le deuxième sujet évoqué en matière d'énergies renouvelables était celui de la priorité d'injection réservée aux petites installations, aux installations existantes et aux démonstrateurs. C'est un sujet important, mais il l'est probablement moins pour la France que pour d'autres pays, en raison de la manière dont ils gèrent le système électrique. Pour répondre à la question posée, il faut d'abord rappeler la signification technique de la priorité d'appel. Celle-ci est aujourd'hui effectuée par RTE dans le cadre du mécanisme d'ajustement, auquel participent assez peu les énergies renouvelables. Par ailleurs, indépendamment de toute priorité d'appel, un grand nombre d'installations d'énergies renouvelables sont déjà naturellement sélectionnées au titre du prix marginal (ou du merit order), sauf celles qui utilisent de la biomasse, qui ont des coûts fixes bas et des coûts variables élevés. Néanmoins, celles qui sont soutenues par le mécanisme dit du complément de rémunération peuvent aller sur le marché et être rémunérées. En somme, cela ne paraît pas un sujet majeur pour nous.

S'agissant des départements et collectivités d'outre-mer, il faudra que nous fassions valoir leur spécificité. D'ailleurs, un projet de décret prévoit d'étendre la priorité d'appel dans ces territoires, sauf pour quelques installations particulières. En l'espèce, le marché européen n'est de toute façon pas affecté et, si le seul critère du prix était retenu, on produirait à partir de sources d'énergies fossiles, car il n'y a aucune autre solution décarbonée, en dehors du renouvelable. Il faut donc y veiller. D'autres pays peuvent avoir des problèmes plus importants sur ce sujet.

La question de la priorité de raccordement au réseau aurait pu inquiéter mais son principe est inscrit dans les directives et il existe déjà des dispositions en droit national, renforcées par la loi de transition énergétique.

Sur l'ouverture partielle des appels d'offres aux capacités étrangères, nous ne sommes pas opposés à l'idée de l'expérimenter avec un certain nombre de pays, sous condition de réciprocité, car en matière d'énergie, lorsqu'un appel d'offres est organisé, il y a un soutien national pour atteindre les objectifs en matière d'énergies renouvelables. À la différence d'autres pays, notre stratégie repose donc clairement sur la réciprocité. Autrement dit, si l'on finance à l'étranger, il faudrait que l'étranger finance également chez nous. Par ailleurs, nous ne souhaitons pas que les États membres soient contraints de le faire systématiquement. Et ce d'autant plus que la Commission a justifié son souhait d'imposer une telle ouverture par le fait que les mécanismes de soutien aux producteurs nationaux s'apparenteraient à des droits de douane qui s'appliqueraient à l'électricité, d'où qu'elle vienne, mais financeraient uniquement les énergies renouvelables nationales. Or, avec la réforme française du mode de soutien aux énergies renouvelables, notre système n'est nullement assimilable à de tels droits. Nous ne sommes donc pas dans le cadre de cette obligation imposée à d'autres pays. Enfin, il n'est pas simple d'imaginer comment, techniquement, des appels d'offres communs et réciproques pourront être organisés.

Debut de section - Permalien
Virginie Schwartz, directrice de l'énergie

Nous avons beaucoup échangé sur ce point avec nos voisins, notamment avec les allemands qui, parce qu'ils se sont fait imposer, pour des raisons juridiques, une obligation d'ouverture par la Commission, étaient très demandeurs d'une collaboration sur le sujet. D'un côté, cela peut constituer une opportunité de développer des énergies renouvelables qui seraient moins coûteuses dans certains pays, et donc finalement d'atteindre un même volume d'énergies renouvelables pour un coût moins élevé, ce qui est positif, et c'est ce que la Commission européenne a à l'esprit quand elle promeut ce système : c'est l'idée que chaque pays a des avantages géographiques en termes d'énergies renouvelables, et qu'il faut donc les utiliser au maximum. D'un autre côté, on sait que chaque filière d'énergie renouvelable a des avantages et des inconvénients qui lui sont propres, notamment en termes de création d'emplois au niveau local ou d'impacts paysagers et environnementaux qui, par hypothèse, affectent le pays dans lequel elles se trouvent. Dès lors, considérer - en poussant le raisonnement à l'extrême - qu'un État membre remplirait ses obligations via des installations situées dans d'autres pays qui seraient affectés négativement par ces installations pourrait poser des difficultés sur certaines filières. C'est pourquoi nous sommes favorables à un encouragement - envisagé un temps par la Commission - et non à une obligation, et à une discussion pays par pays et filière par filière, au cas par cas, pour être sûrs que chacun en tire un bénéfice, avant d'aller au-delà.

S'agissant des communautés énergétiques locales, les intentions réelles de la Commission sur ce sujet sont aujourd'hui assez peu claires. On constate qu'elle souhaite promouvoir des formes de décentralisation de l'énergie, et nous la soutenons sur cette voie, mais la question de savoir jusqu'où elle veut aller sur certains points, notamment sur le réseau, reste ouverte et il nous faudra travailler avec elle sur ce sujet pendant les prochains mois. La France a lancé de nombreuses initiatives visant à favoriser l'autoconsommation et la production décentralisée et nous sommes donc en mesure de proposer des solutions à la Commission dans ce domaine. Nous devons néanmoins avoir à l'esprit les deux principes que sont la péréquation tarifaire, via nos réseaux publics de transport et de distribution d'électricité, et l'optimisation du système. Si l'on prend au pied de la lettre ce qu'écrit la Commission, il existe un risque assez important de désoptimisation et donc de surcoût pour les Français et les Européens, car l'on dupliquerait des parties de réseaux à côté du réseau public. À l'opposé, la France promeut bien l'autoconsommation collective mais celle-ci utiliserait le réseau public, ce qui préserve notre logique d'optimisation collective des coûts à l'échelle de la communauté nationale.

S'agissant de la sécurité d'approvisionnement, je reviendrai d'abord sur la tension que nous avons connue lors de la deuxième semaine de janvier, avec des températures en dessous des normales de saison d'environ six degrés. Pour y faire face, RTE a mobilisé l'ensemble des solutions qui étaient disponibles. S'agissant des interconnexions, en moyenne, entre 3 et 4 gigawatts ont été importés, notamment en provenance d'Espagne - il ne s'agissait pas du maximum technique car nos voisins connaissaient aussi des tensions dues soit au froid soit à des difficultés techniques, notamment en Belgique. À cet égard, RTE a souligné l'excellente collaboration qu'il a eue avec ses voisins gestionnaires de réseaux. Une optimisation maximale a été recherchée, y compris à travers le fait de bénéficier des réserves que chaque gestionnaire de réseaux conserve pour son système électrique. En bref, tout cela a bien fonctionné.

Les énergies renouvelables ont également apporté une contribution, certains jours plus que d'autres. À la pointe de midi, entre 6 et 8 gigawatts étaient fournis par le solaire et l'éolien au milieu de la semaine. Par ailleurs, l'hydroélectricité a très bien fonctionné car l'on avait pu reconstituer, en décembre, des stocks hydrauliques qui étaient très bas au début du mois. Enfin, les effacements de consommation ont également été particulièrement mobilisés. Il s'agit d'un sujet qui a notamment été porté par les parlementaires ces dernières années : on constate aujourd'hui que cela a porté ses fruits, RTE a pu mobiliser les contrats qui le lient avec les entreprises pour faire de l'effacement, ainsi que recourir à l'effacement diffus.

Finalement, cette tension nous a montré à quel point ces sujets d'approvisionnement sont importants, alors qu'ils sont parfois oubliés par rapport aux questions de libéralisation ou de transition énergétique.

S'agissant des critères de sécurité d'approvisionnement, autrement dit des critères de défaillance du système électrique, dans le cadre de la PPE, la France a acté le début des travaux sur une remise à plat des critères de défaillance du système électrique, notamment sur les marges. La question est de savoir de quelles marges nous avons besoin dans notre système électrique pour tenir compte des aléas, qu'ils soient climatiques ou techniques. Tout cela a un coût, c'est pourquoi il nous semble extrêmement difficile d'envisager une harmonisation européenne. L'aversion à la coupure électrique n'est pas la même selon les pays ; elle dépend de leur histoire comme de leur dépendance à l'électricité, notamment pour le chauffage. Un critère de défaillance plus strict engendre un plus haut degré de sécurité d'approvisionnement, et donc des coûts plus élevés. Il existe aujourd'hui des positions très diverses entre les États membres. L'harmonisation nous semble donc très difficile à envisager.

Nous continuerons à défendre, auprès de Bruxelles, l'idée que ces mécanismes doivent être préservés, sans remise en cause périodique, pour procurer de la visibilité à long terme. J'observe d'ailleurs que la direction générale de la concurrence a validé notre mécanisme de capacité, ce qui démontre sa contribution à l'objectif de sécurité d'approvisionnement sans inconvénients majeurs : en particulier, il est ouvert aux capacités étrangères et se base sur un système de prix de marché.

Nous souhaitons également convaincre la Commission de la nécessité d'appliquer les mêmes exigences de transparence et d'ouverture au marché à tous les États membres pour les dispositifs qui appartiennent à la même « famille » que les mécanismes de capacité : je pense par exemple au système des réserves stratégiques dont disposent les allemands et qui ont été mis en place en prévoyant un recours au charbon.

J'en viens au troisième volet de cette thématique consacrée à la sécurité d'approvisionnement qui porte sur les interconnexions : celles-ci ont rempli leur mission et nous sommes favorables à poursuivre leur développement. La Commission souhaite que le taux d'interconnexion soit porté de 10 à 15 % pour tous les États membres quand les projections de RTE prévoient que la capacité d'interconnexion de la France atteindrait, d'ici 2030, plus de 27 GW, soit 17 %. Nous pensons que ce système est globalement bénéfique pour le consommateur ; encore faut-il que l'évaluation des projets soit basée sur des analyses coûts/bénéfices au cas par cas et non pas sur un critère systématique et uniforme.

S'agissant de la protection du consommateur, un important travail a été réalisé sur les tarifs réglementés pour mettre en place un dispositif compatible avec le développement de la concurrence tout en facilitant l'accès de tous à l'électricité. Le débat, sur ce point, est constant avec la Commission. Je signale une échéance importante avec l'issue prochaine d'un contentieux sur les tarifs réglementés du gaz, aujourd'hui en cours d'examen par le Conseil d'État. Le juge administratif a été saisi par les opérateurs alternatifs et devrait nous donner sa position dans les mois qui viennent après une question préjudicielle posée à la Cour de justice de l'Union européenne. Celle-ci a défini un certain nombre de critères qui doivent être satisfaits par les tarifs réglementés et nous estimons que tel est bien le cas pour ce qui concerne les tarifs réglementés français.

En ce qui concerne la précarité énergétique, l'expérimentation du chèque énergie se déroule dans quatre départements et elle donne de bons résultats. Son objectif est non seulement d'augmenter le nombre des bénéficiaires mais aussi de leur permettre un accès plus systématique aux aides. Nous estimons que l'encadrement normatif défini par la Commission comporte des ambiguïtés, puisqu'elle renvoie à des dispositions relevant de la sécurité sociale. La France défendra sa position et plaidera la conformité du chèque énergie. Je fais d'ailleurs observer que si peu de nos partenaires pratiquent et soutiennent les tarifs réglementés, ils sont en revanche beaucoup plus nombreux à partager nos préoccupations en matière de précarité énergétique.

Enfin, les textes européens prévoient la généralisation des compteurs Linky, sauf pour les pays qui démontrent que le coût de ce déploiement est excessif. Les italiens sont, par exemple, très avancés dans ce processus tandis que les allemands sont un peu plus en retard.

Debut de section - Permalien
Laurent Michel, directeur général de l'énergie et du climat

En réponse à M. Jean-Pierre Bosino, qui s'est interrogé sur les financements européens en faveur de la rénovation énergétique, je rappelle que la France procède d'ores et déjà à l'affectation à l'Agence nationale de l'habitat (Anah) du produit de la vente de quotas de CO2 pour financer les travaux réalisés par les ménages aux revenus modestes. Ce mécanisme vertueux sera poursuivi pour renforcer les moyens de lutte contre le réchauffement climatique et favoriser l'isolation thermique. La Banque Européenne d'Investissement (BEI) apporte également des moyens financiers pour soutenir les investissements en rénovation énergétique.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

J'aurai souhaité des précisions sur le règlement des litiges et les perspectives de suppression ou de diminution du rôle du Médiateur de l'énergie.

Debut de section - Permalien
Laurent Michel, directeur général de l'énergie et du climat

Nous vous apporterons plus de précisions par écrit. Un décret général sur la médiation est en cours d'élaboration. Il ne prévoit en aucun cas la suppression du Médiateur de l'énergie mais une évolution de son rôle pour le mettre en cohérence avec une récente directive européenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Pouvez-vous nous apporter quelques précisions de calendrier ?

Debut de section - Permalien
Laurent Michel, directeur général de l'énergie et du climat

L'année 2017 qui avait été évoquée initialement parait aujourd'hui irréaliste. Notre pronostic est qu'une adoption à la fin de l'année 2018 serait un bon résultat.

La réunion est levée à 12h15.