Commission des affaires économiques

Réunion du 7 février 2018 à 10h45

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • BPI
  • accompagnement
  • accélérateur
  • bpifrance

La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Monsieur le Directeur général, notre commission des affaires économiques vous accueille aujourd'hui, après que la commission des finances du Sénat a émis, le 31 janvier dernier, un avis favorable à votre candidature au renouvellement dans vos fonctions de directeur général de Bpifrance. C'est donc lors d'une de ses toutes prochaines réunions que le Conseil des ministres devrait formellement délibérer sur votre sort. Vous le savez, le financement des entreprises - dès leur création puis tout au long de leur activité - est une préoccupation majeure de notre commission. Et c'est pourquoi nous souhaitions avoir avec vous en quelque sorte un « point d'étape », même si l'action de Bpifrance fait l'objet d'un examen attentif de notre part dans le cadre de l'examen de la loi de finances, à l'occasion du rapport pour avis de nos collègues Élisabeth Lamure, Martial Bourquin et Anne-Catherine Loisier sur la mission « Économie ». Je ne reviendrai pas sur cette institution relativement jeune - puisqu'elle a été portée sur les fonts baptismaux en 2012 - mais qui a désormais trouvé sa place dans l'environnement institutionnel du financement public des entreprises. Je pense qu'au cours de votre intervention, vous aurez à coeur de nous dresser un panorama de vos activités - qui tendent à se diversifier - et d'insister concrètement sur la stratégie que vous entendez mener au cours de votre nouveau mandat.

C'est d'ailleurs sur ce premier point que je souhaite vous interroger. La crise économique que nous avons traversée a nécessité un effort considérable de refinancement des entreprises et de rationalisation des acteurs publics en la matière. De ce point de vue, Bpifrance est une réussite. Mais, aujourd'hui, selon les indicateurs couramment pris en considération, l'horizon économique semble plus dégagé et plus favorable aux entreprises. Ma question est donc : Bpifrance, qui offre une grande palette d'instruments financiers au service des entreprises, doit-elle - et même peut-elle - poursuivre demain la même stratégie qu'aujourd'hui ? Cela pose notamment la question de l'activité de garantie ; c'est un sujet sur lequel s'est penchée notre collègue Élisabeth Lamure lors de la dernière loi de finances, et sur laquelle elle vous interrogera certainement à l'issue de votre intervention. Deuxième interrogation : Bpifrance a développé une offre intégrée à destination des entreprises ; outre la garantie et le financement, elle a mis également en place un programme d'appui aux entreprises, de développement des start-up, qui semble se révéler efficace. Mais sur ce « marché » de l'accompagnement, Bpifrance n'est pas seule : d'autres acteurs publics « historiques » existent - les réseaux consulaires notamment, et spécialement les chambres de commerce et d'industrie - à côté d'acteurs « privés » - les associations comme l'Adie ou encore Initiative France. L'offre apparaît parfois redondante, à défaut d'être complémentaire. Comment donner plus de cohérence à l'ensemble de ces dispositifs d'accompagnement pour assurer un continuum plus efficace pour les entreprises ?

Monsieur le directeur général, je vais maintenant vous céder la parole. Après votre intervention, je laisserai mes collègues vous adresser directement leurs questions, en commençant par Alain Chatillon et Martial Bourquin, respectivement président et rapporteur de la mission d'information du Sénat sur Alstom et la stratégie industrielle du pays.

Debut de section - Permalien
Nicolas Dufourcq, directeur général de Bpifrance

Je serai bref sur le bilan et vous présenterai les grandes lignes du plan stratégique qui vient d'être validé par notre conseil d'administration. L'année 2017 a été très dynamique et marquée par de nombreux événements. Notre résultat net a été un peu supérieur à 1 milliard d'euros. Un tel chiffre résulte de la conjonction d'une activité bancaire soutenue, grâce à des taux bas qui n'ont pas pour nous induit de pincement de marges, avec les plus-values dégagées lors d'importantes cessions de blocs de participations. Notre portefeuille représente 25 milliards d'euros, dont 20 milliards de fonds propres. Puisque les marchés boursiers sont bons, nous construisons, en haut de cycle, de la valeur et la stockons pour l'avenir. Certes, le cycle économique mondial, amorcé il y a une dizaine d'années aux États-Unis - la Chine y étant pour le moment soustraite avec sa croissance continue -, devrait se retourner dans les deux prochaines années. L'Europe, arrimée à l'économie américaine, devrait être touchée par ce revirement. Notre mandat est ainsi de stocker un maximum de puissance pour pouvoir agir très fortement par la suite. Notre portefeuille comprend, en direct, 800 entreprises, ainsi que 4 200 en portefeuille indirect, via les fonds privés que nous finançons. Il ne faut pas hésiter à vendre les entreprises dont la valorisation est haute aujourd'hui mais qui, lors du prochain revirement, ne manqueront pas de se trouver en difficulté. Cette démarche a été la nôtre en 2017.

Je vais à présent évoquer les différents métiers du groupe. Le premier concerne la garantie, qui a cru en 2017 de 6% et reflète ainsi le taux de bancarisation des très petites entreprises (TPE), dans un contexte plus global qui a connu une croissance de 20% en raison des montants levés en dettes par les grandes entreprises. Bpifrance finance à la fois la création et la transmission d'entreprises. Après avoir garanti 9 milliards d'euros de crédit en 2017, nous avons de quoi continuer notre activité de garantie, dans les standards actuels, en 2018, mais plus en 2019. Aussi, travaillons-nous de concert avec la direction générale du Trésor sur les voies et moyens de garantir une offre publique de crédits risqués des banques françaises ; une telle tradition existant, en France, depuis la création de la SOFARIS en 1974.

Nous finançons également le court terme des entreprises françaises, avec le préfinancement du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) et la mobilisation de créances de PME qui sont essentiellement des créances publiques. Le préfinancement du CICE connaît une croissance de 16 % de son encours pour 13 320 entreprises, dont 12 000 TPE. Ce produit de trésorerie, bien ancré dans le paysage, va disparaître et sera remplacé par la mobilisation de créances. Cette dernière est demeurée stable en 2017 du fait de la limitation des stocks des entreprises françaises, de l'amélioration de la conjoncture et du retour des banques dans le financement du découvert des entreprises. Le besoin de mobilisation de créance privée a été moins important en 2017, tandis que la mobilisation de créance publique est demeurée très présente.

Les crédits d'investissement - via les prêts avec garanties et le crédit à long et moyen termes - bénéficient de la spécialisation historique de Bpifrance dans le tourisme, l'immobilier et la transition énergétique ; ce dernier secteur ayant enregistré une croissance de nos financements en 2017 de 35 %, pour un montant global de 1,2 milliard d'euros pour 180 projets financés. Concomitamment, la place bancaire a cru de 40 % dans ce secteur ; Bpifrance n'accordant de crédit à l'investissement qu'en complément de celui accordé par une banque française.

2017 n'est pas une année de très grande croissance pour Bpifrance qui a enregistré une hausse de 6 % de ses crédits d'investissement, contre 20 % de croissance annuelle dans les années 2013-2015. Notre budget devrait connaître, en 2018, une hausse de 1,5 %. Bpifrance a ainsi atteint un palier, de l'ordre de six à sept milliards d'euros par an, soit le seuil du déclenchement d'effets démultiplicateurs, tout en assurant ses missions dans les secteurs du tourisme, de la transition énergétique et, plus largement, d'intérêt général autour des prêts sans garantie qui lui sont spécifiques. Sur les 7,2 milliards d'euros de prêts accordés en 2017, 2,5 milliards d'euros l'ont été sans garantie. Allant jusqu'à sept ans, avec des différés de remboursement, ces prêts permettent de financer l'immatériel - le « good will » - fondamental au développement intime de l'entreprise. L'offre de Bpifrance est extrêmement simple : ces prêts, qui se déclinent sur un ensemble de thématiques, sont accordés sur une durée de sept ans avec deux ans de différé de remboursement et peuvent être soit bonifiés, soit adossés à des fonds de garantie français ou européens. Leurs taux sont compris entre 1,5 % pour les prêts TPE bonifiés par les régions françaises, et 4 à 5 % pour les prêts à l'innovation les plus risqués du fait de leur absence de co-financement par des banques françaises ; soit une moyenne de 2,5 %.

Bpifrance est aussi la grande banque de la « French Fab » ; notre exposition à l'industrie est deux fois supérieure à la place de l'industrie dans le PIB. Cette tendance va s'affirmer, puisque la BPI est le partenaire financier de l'Alliance pour l'industrie du futur. Bpifrance devient également la grande banque publique de l'export et du commerce extérieur grâce au soutien de nos actionnaires qui nous ont confié de plus en plus de responsabilités. Nos agences sont ainsi capables de proposer tout un continuum de solutions pour accompagner les entreprises à l'international, depuis la prospection des marchés, le financement des ventes et du développement, la sécurisation des projets et l'implantation sur les marchés. La boîte à outils déployée est complète et comprend tout un accompagnement avec Business France et les chambres de commerce. Il faut à présent déployer un porte à porte de masse auprès des TPE et des ETI pour les convaincre d'aller à l'étranger et d'en déjouer les peurs, alors qu'il suffit de près de deux ans pour définir une stratégie gagnante à l'international ! Une telle démarche est capitale pour attirer de nouveaux talents, les jeunes français diplômés ne souhaitant pas rejoindre des entreprises qui ne se sont pas confrontées à la mondialisation et n'innovent pas. Lorsqu'ils ne se rendent pas directement à l'étranger, ces jeunes acceptent de travailler au sein d'une ETI française, à la condition de pouvoir être expatriés à plus ou moins brève échéance.

En 2018, dès que les conditions seront réunies, la BPI lancera des opérations de crédit-acheteur destinées à tous les grands groupes français en Iran. Cette démarche devrait concerner près de 1,5 milliard d'euros de contrats publics et privés. Les autorités iraniennes souhaitent que les choses avances et je participerai, demain matin, à une conférence Euromoney sur le financement des activités en Iran.

S'agissant des activités de couverture en garantie, transférées de la COFACE à Bpifrance-Assurance-Export, 2017 a été une très belle année avec 19 milliards d'euros de garanties accordées. Le dynamisme de l'assurance-change mérite également d'être signalé et l'objectif, pour 2018, est de décliner ces prestations vers les PME, dont la demande d'accès à la garantie publique a déjà cru de 40 % l'année passée, et les TPE qui sont insuffisamment couvertes.

Le financement de l'innovation demeure stable avec 1,3 milliard d'euros et fait de Bpifrance un acteur de la politique industrielle pour le compte de l'État. 5 400 entreprises, dont de plus en plus de start-up, sont couvertes, dans le contexte du Grand plan d'investissement et du troisième programme d'investissements d'avenir, qui représente une chance pour l'industrie française.

Les objectifs 2018 se résument avec un certain nombre de mots-clés. D'abord, « l'international » avec Bpifrance comme banque publique de l'export, comme devrait l'affirmer le Premier ministre le 23 février prochain. Le dispositif public d'accompagnement à l'export dans les domaines non financiers est également renforcé, avec Business France et les chambres de commerce, ainsi que les structures privées, qui s'occupent en priorité des primo-exportateurs, c'est-à-dire des entreprises qui ne se sont jamais positionnées à l'international. La BPI se consacre, quant à elle, aux entreprises déjà exportatrices, à faible niveau, en accélérant leurs activités grâce aux cinquante chargés d'affaires internationaux qui vendent des produits d'accompagnement et ont déjà démarché près de 1500 entreprises. Près de 350 sociétés prometteuses sont accueillies, pendant deux ans, dans des structures de démultiplication de la performance qui sont actuellement déployées sur l'ensemble du territoire. La réussite de cette démarche est telle que le ministre Bruno Le Maire nous a demandé de la déployer pour 4 000 entreprises françaises. Notre démarche est unique, alors que la prise de conscience des impératifs de la mondialisation, qui évince toute forme d'amateurisme, est désormais réelle. Ces accélérateurs sont organisés en partenariat : soit à l'échelle nationale, soit à l'échelle régionale sous financement des régions. Désormais, les filières industrielles, comme le Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (Gifas) actuellement et bientôt la plateforme automobile, voire l'Union des industries chimiques, les soutiennent également. L'année 2018 devrait ainsi connaître le lancement de trois nouveaux accélérateurs, en partenariat avec les régions Ile-de-France, Grand-Est et Centre-Val de Loire, et l'engagement de 863 entreprises réunies dans 26 promotions de deux ans - soit 195 dans les accélérateurs nationaux, 288 dans les accélérateurs régionaux et 260 dans les accélérateurs sectoriels. Le financement de ces accélérateurs provient de nos fonds propres et de la participation des entrepreneurs, à hauteur de 40 000 euros par an, mais il nous manque encore 20 millions d'euros par an pour atteindre l'objectif de 4 000 entreprises fixé par le ministre des finances. Le grand plan, dont l'un des objectifs est d'actualiser la formation en France, pourrait nous aider en ce sens, tant il est vrai qu'il est fondamental que les compétences des chefs d'entreprise soient, elles aussi, actualisées.

Autre mot-clé pour 2018 : « French Fab ». L'industrie française dispose désormais d'un point de ralliement. La psychologie de l'industrie française n'était pas bonne et des outils de rassemblement et de motivation collective s'avéraient nécessaires. La French Fab doit susciter le même engouement que la French Tech, écosystème de start-up que de nombreux pays européens nous envient, à la condition toutefois de procéder de manière ordonnée ! Avec l'ensemble de ces moyens et une méthode rigoureuse, la France devrait redevenir, en une dizaine d'années, le grand pays industriel qu'elle a été par le passé.

« TPE » est aussi un mot clé pour 2018. Ces entreprises, où la déperdition des énergies est inouïe, représentent le plus fort vivier d'emplois. La BPI leur propose une gamme de prêts sans garantie financés totalement par les régions. Vous pouvez nous aider à faire connaître l'existence de ces produits destinés à être distribués sur l'ensemble du territoire cette année. Ils suppléent la faiblesse du crédit-bail - qui ne peut notamment porter sur l'acquisition de matériel d'occasion - et permettent ainsi de financer toutes ces « courbes en J », comme l'informatisation, qui nécessitent une trésorerie accrue.

Enfin, Bpifrance ne cherchera pas à croître fortement en 2018, mais plutôt à calibrer ses actions sur les besoins critiques de l'économie française. L'innovation sera aussi un mot clef pour 2018, puisque notre établissement va reprendre la gestion du fonds pour l'innovation de rupture de dix milliards d'euros destiné à soutenir les start-up de la deep tech, c'est-à-dire provenant du transfert de technologies. Ce dernier thème, concerné pourtant par le programme des investissements d'avenir, demeure peu traité en France par rapport à la Scandinavie et Israël, sans parler des États-Unis. De grands efforts doivent ainsi porter sur l'émergence de ces start-up deep tech que la BPI est prête à financer.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Merci beaucoup, Monsieur le directeur général, pour votre présentation liminaire plutôt enthousiasmante qui va susciter de nombreuses questions.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Chatillon

Merci pour la qualité de votre gestion de Bpifrance. Pourquoi votre établissement n'est-il pas représenté au conseil d'administration de Business France ? Ne pourrait-il pas non plus intervenir dans le secrétariat général pour l'investissement, le Sénat pouvant du reste accompagner une telle démarche ? En matière de garanties, les banques ne pourraient-elles faire un peu plus ? La BCE a injecté 4 200 milliards d'euros dans la zone euro. Quels montants ont reçu les banques françaises, avec un taux à 0,25 %, avant de les remettre sur le marché, le lendemain, à 1 %?

Les banques françaises sont également les seules en Europe à exiger, comme garantie, le logement principal du chef d'entreprise. Sur les 70 000 chefs d'entreprises qui déposent le bilan chaque année, près d'un quart perdent leur logement, ce qui provoque des drames familiaux. Allons-nous prochainement arrêter ce système destructeur ? A l'inverse, les fondations allemandes apportent une garantie totale et évitent à la fois toute prise sur des biens personnels et toute plus-value en cas de cession ou de transmission, si bien que de nombreux chefs d'entreprises français s'interrogent sur l'opportunité de créer Outre-Rhin ce type de structure juridique.

Enfin, j'aborderai le financement possible des bourgs-centres. Aujourd'hui, des entreprises de la grande distribution se proposent de redynamiser des bourg-centres afin d'éviter que les GAFA ne s'y implantent et y évincent durablement toute autre forme d'activité économique. La BPI pourrait-elle financer ce type d'opérations ?

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

La BPI a été un pari réussi. Les entreprises apprécient non seulement les prêts adossés aux prêts classiques des banques via un guichet unique, mais aussi l'accompagnement dont elles bénéficient. Le quotidien La Tribune mentionnait, en une, le hiatus entre, d'une part, les équipementiers de rang 1 et les donneurs d'ordre, qui sont les bénéficiaires de la mondialisation et, d'autre part, les équipementiers de rangs 2 et 3 qui peinent, vu leurs marges, à investir dans l'industrie du futur, bien qu'ils soient des viviers d'emplois. Comment comptez-vous, avec le Conseil national de l'industrie, remédier à cette difficulté structurelle et aider ces TPE-PME à suivre cette courbe d'investissement nécessaire ?

M. Louis Schweitzer, lors de sa dernière audition devant la mission d'information sur Alstom et la stratégie industrielle du pays, s'est exprimé en faveur de la création des ETI et a rappelé que l'ouverture du capital d'une PME pouvait en constituer la première étape. Ainsi, Bpifrance ne pourrait-elle pas intervenir, à la fois comme conseil et financeur, dans cette économie de la coopération, à l'instar de ce qui se fait en Italie avec les districts? En outre, j'évoquerai l'accompagnement de l'État stratège et des régions pour rendre plus robuste des filières. La BPI intervient-elle aux côtés de ces acteurs pour mieux cibler les entreprises en attente de financement pour se développer et investir ?

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Lamure

En 2017, les crédits affectés au financement des garanties ont doublé dans votre établissement, financés notamment par le recyclage des dividendes reçus de ses diverses participations. La Cour des comptes avait d'ailleurs dénoncé cette pratique. Bpifrance devrait d'ailleurs connaître cette année des difficultés de financement de cette activité avant de ne pouvoir les assumer en 2019. Lors de son audition ici même en novembre dernier, le ministre de l'économie nous a indiqué la nécessité de réfléchir à d'autres moyens d'accompagnement de nos PME à l'accès au crédit. Quelles sont vos perspectives pour sauvegarder ce véritable service public de garantie des prêts aux entreprises qui vous incombe ?

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Je me réjouis des 35 % d'augmentation de votre financement de la transition énergétique. Quelle est la part, dans les crédits d'investissement de la BPI, de l'économie sociale et solidaire qui représente 10 % du PIB et emploie 2,3 millions de salariés ? Vous aviez également fléché vos investissements vers l'accompagnement de l'entreprenariat féminin. Où en est ce secteur ? Ma dernière question concernera enfin l'accompagnement des investissements des entreprises à l'exportation, notamment en Iran : avez-vous pris vos dispositions en cas de nouvelles sanctions américaines visant ce pays ? Quel montant de crédits comptez-vous accorder à nos entreprises désireuses d'investir en Iran ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Daunis

La création de la BPI avait suscité de nombreuses inquiétudes. Aujourd'hui, le débat est tranché, chacun reconnaissant l'utilité pour la puissance publique de disposer d'un tel instrument. L'innovation sociale et de rupture va bien au-delà de la simple technologie ; les territoires ayant intégré cette dimension en tirent désormais les bénéfices. Comment Bpifrance a-t-elle investi la somme de 500 millions d'euros qui lui avait été concédée pour en favoriser l'émergence ? Le programme d'accélérateurs en régions me semble illustrer une sorte de tropisme parisianiste, qui fait fi des départements comme celui des Alpes-Maritimes, où un accélérateur serait le bienvenu.

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Renaud-Garabedian

Comme sénatrice des Français de l'étranger, je suis particulièrement intéressée par l'installation des PME-PMI et des jeunes à l'étranger. Quelle est l'aide que la BPI leur apporte et comment communique-t-elle auprès d'eux ?

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Estrosi Sassone

Vous n'avez pas évoqué le Pass-repreneur destiné à l'accompagnement en fonds propres des PME et des ETI. Quel est son impact sur les territoires et quelles sont les structures qui en ont profité ? Ce dispositif a-t-il préservé des emplois et est-il voué à être pérennisé ? Par ailleurs, quel sera le montant du fonds pour l'innovation de rupture que Bpifrance est appelée à gérer ? Il semble que ce dispositif, qui devrait s'élever à quelque 260 millions d'euros, soit sous-dimensionné par rapport à aux fonds déployés en Chine ou aux États-Unis.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Duplomb

Je relaierai la question qui m'a été adressée par une TPE implantée en Haute-Loire, spécialisée dans la déshydratation de l'argile et qui emploie une vingtaine de salariés. Le partenariat entre Bpifrance et la Région a conduit à la formulation d'un protocole conditionnant le versement d'une aide au recrutement de personnes favorisant le développement à l'export à la souscription, auprès de votre établissement, d'une assurance-prospection, laquelle ne répond aucunement au besoin de cette entreprise. Serait-il possible de déroger à de telles règles qui entravent, au final, le développement à l'international d'une entreprise qui ne doit pas être la seule dans cette situation ?

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Gremillet

L'accompagnement de Bpifrance dans des investissements jusque-là orphelins de solutions de financement, comme l'acquisition de matériels d'occasion et rénovés, est important pour les TPE. Les régions, qui disposent désormais de la pleine et entière compétence économique, n'ont plus les mêmes moyens que ceux auparavant mobilisés en partenariat avec les départements. Leur capacité de subventionner les investissements est bien inférieure à celle des Länder ; la hausse prochaine des taux d'intérêt ne manquera pas d'aggraver cette situation. La BPI est-elle bien armée pour passer ce cap ? Enfin, soyons prudents : ni l'économie ni les capacités industrielles de notre pays ne se résument à l'industrie du futur !

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Férat

La BPI est un acteur économique reconnu dans mon département de la Marne qui accompagne également les entreprises françaises à l'étranger. En revanche, Monsieur le directeur général, avez-vous connaissance des investissements des entreprises étrangères en France ?

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Babary

Dans le quotidien Les Échos, vous avez déclaré vouloir aller chercher, dans les laboratoires, les chercheurs en blouse blanche pour les convaincre de créer des start-up. Ces chercheurs en blouse blanche sont certainement très réticents à cette démarche. Que cache ce volontarisme affiché ? Dans la partie investissement de Bpifrance figure le tourisme qui compte de grands acteurs internationaux ainsi qu'une myriade de PME et de TPE. Comment pouvez-vous aider ces établissements, souvent de grande qualité mais en butte à des difficultés de financement, dans leur mise aux normes ?

Debut de section - PermalienPhoto de Anne-Catherine Loisier

La filière bois, qui emploie plus de personnes que l'industrie automobile, peine à trouver des financements pour sa modernisation, alors que de nombreuses entreprises étrangères s'implantent en France où se trouve la matière première. En outre, qu'en est-il du projet IRISEO, fort coûteux pour votre établissement, qui vient d'être abandonné ?

Debut de section - PermalienPhoto de Viviane Artigalas

Bpifrance a consacré un fonds de 50 millions d'euros pour l'e-santé. Quels sont vos critères d'attribution et, plus généralement, votre stratégie pour inciter les entreprises françaises, en retard dans ce domaine, à se moderniser ?

Debut de section - Permalien
Nicolas Dufourcq, directeur général de Bpifrance

Je ne sais pourquoi le projet de la représentation de Bpifrance au conseil d'administration de Business France, impliquant une participation réciproque de ce dernier dans son propre conseil d'administration, a été abandonné. Le grand plan d'investissement présente nécessairement une dimension internationale et je suppose que son nouveau président aura de nombreuses relations avec Business France. Les banques françaises sont revenues sur le marché, en raison de la politique monétaire conduite par la BCE qui a inondé le marché de liquidités en vertu de la règle d'airain des 40 points de base. Si les banques ont ainsi été fortement incitées à irriguer l'économie, pourraient-elles pour autant accorder des crédits sans demander la garantie de BPI France ? Notre garantie, facturée au prix du marché afin d'éviter toute distorsion du droit européen de la concurrence, est d'autant plus onéreuse pour les banques que les taux sont bas. Le crédit est risqué, car nous consommons annuellement quelque 250 millions d'euros d'argent public. La garantie française n'est ainsi nullement de confort, puisqu'elle concerne la création et la transmission d'entreprises qui sont, par essence, extrêmement risquées.

Le sujet de la garantie sur le logement principal a motivé le lancement de notre prêt sans garantie pour les TPE. Deux campagnes de publicité, l'une destinée à faire connaître ce dispositif et l'autre sur notre soutien à l'exportation des PME-TPE, seront prochainement lancées, avec des slogans accrocheurs.

Le ministère des finances réagit à l'adaptation du modèle allemand des fondations d'entreprises, afin de favoriser les transmissions familiales.

Les bourgs-centres relèvent typiquement de la compétence « banque des territoires » assumée par la Caisse des dépôts et consignations. Le rôle de Bpifrance est de financer les entreprises dans les bourgs-centres, en accordant notamment des prêts à la rénovation des restaurants qui s'y trouvent. Ces prêts mériteraient d'ailleurs d'être plus connus. Rappelons cependant qu'Amazon a perdu 3 milliards de dollars en Europe pour la seule année 2017, dans la continuité des pertes recensées en 2016 et attendues pour 2018. Si Wall Street ne sanctionne pas de tels résultats, les entreprises européennes du digital, confrontées à un tel marché baissier, sont, quant à elles, assurées de tomber.

Notre accompagnement, dans la durée et proche de nos clients que sont les entreprises, illustre notre manière de faire de la banque. Les enquêtes clients sur Bpifrance sont extrêmement positives, comme en témoignent les résultats du « Net Promoteur Score », indicateur de renommée et de recommandation des entreprises, qui sont vingt fois plus élevés que ceux des autres banques de la Place.

L'industrie française est faite de sous-traitants de rangs 2 à 6. La « French Fab » est destinée à ces entreprises dans nos territoires, véritables héros anonymes, qui peuvent désormais s'exprimer sur BFM tous les matins. Lors du prochain Conseil national de l'industrie le 26 février prochain, nous présenterons notre plan d'action pour la French Fab. Il est hors de question que s'instaure une industrie à deux vitesses, sous peine que les sous-traitants de catégories 3 à 6 ne travaillent plus pour les grands groupes français, qui seront alors en quête d'entreprises digitalisées en Italie ou en Allemagne.

L'ouverture du capital change tout et trop d'entreprises demeurent méfiantes vis-à-vis des fonds d'investissement. Or, ouvrir le capital revient à faire entrer la modernité dans l'entreprise, ne serait-ce qu'en incitant au dialogue contradictoire sur sa gouvernance. Depuis trois ans, nous avons ouvert 270 entreprises et 60 % de nos investissements dans les PME concernent des primo-ouvertures, une fois les familles actionnaires convaincues. Lorsque le capital est ouvert, Bpifrance invite à ses côtés un investisseur privé dont elle finance également la participation. Notre culture se retrouve ainsi dans la plupart des grands fonds de capital-développement régionaux.

Nous n'avons pas laissé de côté les PME industrielles, à la condition qu'elles aient connu au moins deux années de bénéfice sur trois bilans. Bpifrance ne saurait cependant financer des déficits au risque de délivrer des aides d'État qui sont interdites. N'hésitez pas à nous recommander des entreprises qui auraient échappé à notre giron ! Nous travaillons de concert avec les fédérations professionnelles pour structurer des plans par profession. La création d'un accélérateur, qui accueille soixante sous-traitants du secteur aéronautique, s'est faite grâce au financement, à hauteur de deux millions d'euros, du Gifas. Malheureusement, les autres fédérations ne disposent pas de dépenses d'intervention équivalentes pour créer des accélérateurs dans leurs filières respectives.

En 2015, nous avons recyclé le dividende à payer à la Caisse des dépôts et consignations et à l'État, en le faisant redescendre dans les fonds de garantie. Aujourd'hui, l'État a manifestement besoin du dividende de Bpifrance pour financer son équilibre budgétaire. L'insuffisance du programme 134 pose problème aujourd'hui et je ne suis pas en mesure de vous répondre sur notre capacité pour 2019. Bpifrance finance, sur ses fonds propres, les crédits sans garantie, mais pas la garantie des banques françaises. Les treize régions sont, quant à elles, montées en puissance par le biais de fonds communs de garantie.

Nous intervenons dans l'économie sociale et solidaire, en intervenant dans les filiales des coopératives françaises, comme le groupe Avril ou Limagrain, en garantissant le crédit coopératif et en participant au fonds Impact-coopératif en partenariat avec le Crédit coopératif. Bpifrance accorde également des prêts aux entreprises dans les quartiers, comme le souligne une étude conduite conjointement avec Terra Nova, et soutient certains fonds comme France active, en lieu et place de l'État, dans le cadre du programme budgétaire 134. Au-delà, les entrepreneurs de l'économie marchande classique ont tout intérêt à développer leur responsabilité sociale d'entreprise (RSE) pour développer leur marque employeur et attirer des jeunes. Il y a là un changement profond de culture, auquel nous avons d'ailleurs consacré une étude ; la PME à l'ancienne, sans ouverture sur le monde et promouvant les carrières anonymes, n'étant plus attractive pour la jeunesse française.

Le conseil d'administration de Bpifrance devrait avaliser nos propositions pour l'Iran. Tout le monde attend le 15 mai prochain, qui marque la fin de la période des 120 jours donnée par le président Trump. J'ai cependant réaffirmé aux autorités iraniennes notre capacité à pousser les projets en Iran, à compter du printemps prochain.

Bpifrance doit-elle devenir une banque de la diaspora des Français de l'étranger ? Celle-ci ne dispose pas d'un réseau à l'international et les choses devraient rester comme telles. Ponctuellement, nous cherchons certes à entrer, via des opérations de due diligence, dans le capital des pépites technologiques françaises implantées à l'étranger, employant des ingénieurs en France et placées sous management français. Cette démarche est néanmoins plus difficile en crédit. Cependant, un fonds, abondé à hauteur de 250 millions d'euros, va financer, à partir de 2018, le capital des filiales étrangères des groupes français.

Nous souhaitons que les accélérateurs régionaux soient disséminés partout en France ! Si le premier accélérateur, avec une dizaine d'entreprises, a d'ailleurs été installé en région PACA, nous ne demandons pas mieux que de financer un nouvel accélérateur de même niveau que celui des autres régions qui ont été ultérieurement créés.

La French Fab ne peut reposer sur des PME fonctionnant à l'ancienne ! L'innovation sociale consiste à savoir parler aux nouvelles générations. 40 Pass-repreneurs ont été créés et Bpifrance travaille avec un grand cabinet de conseil anglo-saxon pour les améliorer. Le fonds pour l'innovation sociale, abondé à hauteur de 10 milliards d'euros et devant générer 260 milliards d'euros par an, sera d'une grande aide. Le programme des investissements d'avenir, avec ses trois générations, et le Grand plan d'investissement représentent un total de 100 milliards d'euros ; la France a déployé un effort considérable depuis 2010 qu'aucun pays européen n'a jamais conduit. C'est là un motif légitime de fierté.

Monsieur Duplomb, je vais regarder le cas de l'entreprise que vous m'avez soumis. L'aide au recrutement est l'un des points d'un protocole élaboré manifestement par la Région, ce qui semble avoir impliqué l'assurance-prospection ; tant mieux si des économies peuvent être réalisées sur cette dernière ! Un tel dispositif me paraît ainsi relever de l'héritage de la COFACE qu'a repris Bpifrance.

Dans le grand Est, nos prêts sans garantie permettent, il est vrai, l'acquisition de matériels d'occasion. Les Länder sont plus riches que nos régions, puisqu'ils bénéficient du tiers de la fiscalité allemande. Néanmoins, nos voisins d'Outre-Rhin sont surpris de notre capacité à mobiliser des capitaux publics. La faiblesse des régions n'est nullement la cause principale du retard français, mais plutôt la fiscalité imposée aux entreprises familiales, que le Gouvernement est en train de revoir avec la réforme de l'impôt sur la fortune, l'exigence des normes, les difficultés de transmission et la fuite du capital humain vers l'Allemagne. Le capital humain est du même niveau qu'en Allemagne, mais pas placé au même endroit ! Nous préconisons enfin la création d'un système inspiré du volontariat international en entreprise, afin d'attirer les talents dans une PME française.

Bpifrance est une banque extrêmement solide, très bien notée par la BCE, avec les ratios de fonds propres les plus élevés de tout le secteur français. Notre établissement pourra faire face à la remontée des taux. Tous nos crédits sont réalisés grâce aux levées de fonds sur les marchés. Pour preuve, nous venons de conduire une levée de 500 millions d'euros, au taux de l'OAT plus vingt points de base, ce qui démontre la reconnaissance de notre signature.

Alors que Business France s'occupe de l'attractivité du territoire, Bpifrance sollicite les fonds d'investissement étrangers pour qu'ils investissent dans les PME, les ETI et l'innovation française. Nous allons ainsi reprendre l'activité de relations avec les fonds souverains mondiaux auparavant assumée par la Caisse des dépôts et consignations.

Comment attirer les chercheurs en blouse blanche ? Il faut être physiquement présent et nous comptons monter des start-up studios pour y parvenir. Nous finançons également les TPE-PME dans le secteur du tourisme, à tout niveau.

Notre fonds bois peine à déployer ses capitaux. En effet, l'industrie du bois comprend de nombreuses entreprises familiales qui ne souhaitent pas ouvrir leur capital. La plupart d'entre elles font à la fois de la scierie et de la gestion de parcs forestiers, alors qu'il conviendrait de séparer les deux pour favoriser l'innovation technologique. La filière ameublement, où nous avons peu de candidats, est également un autre sujet.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne-Catherine Loisier

Je pense que cette démarche s'inscrit dans le Plan forêt-bois qui traduit la volonté du ministre de l'agriculture et la prise de conscience des acteurs de la filière de la nécessité d'agir.

Debut de section - Permalien
Nicolas Dufourcq, directeur général de Bpifrance

Bpifrance est prête et le fonds créé tout spécialement pour cette filière ne trouve guère de candidats ! Enfin, la sélection des start-up pour l'éligibilité au fonds E-santé se fera sur les ratios classiques du capital risque, mais l'existence même de ce fonds, abondé à hauteur de 50 millions d'euros, demeure une incitation pour les entrepreneurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Merci, Monsieur le directeur général, pour votre exposé à la fois intéressant et enthousiasmant, ainsi que pour la qualité de vos réponses à nos questions.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 12 h 25.