Nous examinons cet après-midi une succession de rapports législatifs.
Nous commençons par le rapport pour avis de notre collègue Jean-François Rapin sur le projet de loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l'enseignement supérieur.
Le rapporteur va nous présenter ses conclusions ainsi que deux amendements. L'examen au fond de ce texte aura lieu demain matin en commission de la culture sur le rapport de notre collègue Laure Darcos.
Après avoir repoussé à plusieurs reprises sa présentation, le Gouvernement a finalement déposé le 22 juillet dernier un projet de loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030.
Au regard de l'impact de ces articles sur nos finances publiques, la commission des finances a souhaité s'en saisir pour avis.
Cette loi entend donner de la visibilité aux acteurs de la recherche, en dessinant une trajectoire à même de porter nos dépenses de recherche à 3 % du PIB à l'horizon de 2030, pour atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés dans le cadre de la stratégie de Lisbonne en 2000.
En effet, notre pays est confronté à un risque bien réel de décrochage par rapport aux autres pays à la pointe de la recherche. Je me contenterai de vous donner un chiffre que je trouve extrêmement parlant : la dépense intérieure de recherche et développement (DIRD) française représente 2,21 % du PIB, tandis qu'elle se situe en moyenne à 2,37 % dans les pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), mais encore à 3,04 % en Allemagne, 3,21 % au Japon et même 4,55 % en Corée du Sud. Faisons-nous encore partie des grands pays de la recherche ? Il me semble que oui. Pourrons-nous en dire de même dans dix ans ? Si nous ne prenons pas aujourd'hui le sujet à bras-le-corps, rien n'est moins sûr.
En effet, alors que nos principaux concurrents consacrent une part croissante de leur richesse nationale à l'effort de recherche, nos dépenses publiques de recherche stagnent depuis une dizaine d'années, avec une croissance en volume de l'ordre de 1,3 % entre 2008 et 2018. La dépense de recherche des administrations a même reculé de 2,2 % entre 2015 et 2018.
Pendant ce temps, la concurrence internationale s'intensifie, avec notamment l'essor des dépenses de recherche de l'Inde ou de la Chine. Dès lors, un sursaut est nécessaire : si nous voulons conserver notre rang de grande puissance scientifique, il nous faut désormais investir massivement dans la recherche.
C'est l'objet du présent texte, qui entend rompre avec des années de stagnation budgétaire.
En pratique, l'article 1er prévoit d'approuver le rapport annexé au projet de loi, qui fixe les grandes orientations de notre politique de recherche pour les années à venir, tandis que l'article 2 définit la trajectoire budgétaire des programmes rattachés au ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Je partage, dans les grandes lignes, les orientations de ce texte. Il s'agit, en premier lieu, de revaloriser les métiers de la recherche, pour engager un choc d'attractivité des carrières scientifiques.
Dans la compétition internationale actuelle, nous peinons à attirer les plus grands talents, mais surtout, et cela me semble encore plus alarmant, nous peinons à retenir nos chercheurs les plus prometteurs. L'exemple récent d'Emmanuelle Charpentier, lauréate française du prix Nobel 2020 de chimie ayant effectué l'intégralité de ses travaux à l'étranger, illustre bien cette fuite des cerveaux.
Le projet de loi vise également à consolider les outils actuels de financement et d'organisation de la recherche, en procédant, notamment à un renforcement sans précédent des moyens dédiés à l'Agence nationale de la recherche (ANR).
L'ANR bénéficierait ainsi, à l'horizon de 2027, de 1 milliard d'euros supplémentaires, permettant de doubler le taux de succès aux appels à projets, en le portant à 30 % contre 17 % actuellement. Cela correspond approximativement à la hausse de crédits que je réclame depuis trois ans dans le cadre de nos travaux sur le budget de la recherche.
L'impact conjoint du projet de loi et du plan de relance permettra de dépasser ce seuil de 1 milliard d'euros dès 2021, ce dont je me réjouis.
Si le renflouement de l'ANR était donc indispensable, il ne doit pas avoir pour corollaire une attrition des moyens récurrents dont disposent les laboratoires.
Par ailleurs, le redressement de l'ANR doit s'accompagner d'une simplification des procédures. En effet, trop souvent, les équipes de recherche sont confrontées à un véritable parcours du combattant quand elles candidatent auprès des différentes agences de financement. Je prends note des efforts d'ores et déjà engagés par l'ANR pour faciliter la participation des candidats aux appels à projets. À terme, la mise en place d'un portail unique de financement me semble néanmoins incontournable.
Des synergies pourraient également être trouvées avec les appels à projets régionaux ; à cet égard, les résultats des premières expérimentations d'appels à projets menées conjointement par l'ANR et certaines régions sont très encourageants.
Pour conclure sur les grandes orientations de ce texte, je regrette que certains pans de la politique de recherche soient passés sous silence. Je pense notamment au devenir du crédit d'impôt recherche (CIR), à l'articulation avec les échelons infra et supranationaux, à la participation française aux appels à projets européens. Le rapport annexé mentionne succinctement ces points, mais dans des termes qui me semblent trop flous et peu opérationnels.
J'en viens maintenant à l'article 2 et à la programmation budgétaire. Je vous l'ai dit, je partage les grandes orientations définies par le Gouvernement ; je suis en revanche nettement plus dubitatif quant à la traduction budgétaire de ces orientations.
En effet, sur le papier si j'ose dire, la trajectoire pourrait paraître satisfaisante : un investissement de 26 milliards d'euros dans la recherche française permettant d'augmenter de 5,1 milliards d'euros, à l'horizon de 2030, la dotation annuelle des programmes de recherche. Cependant, les choix programmatiques réalisés par le Gouvernement jettent un doute sérieux quant à la crédibilité et la sincérité de cette trajectoire.
J'attire votre attention sur le fait que la programmation ne tient pas compte des effets de l'inflation. Or, en euros constants, c'est-à-dire une fois neutralisés ces effets, la hausse prévue par la loi de programmation serait cinq fois inférieure à ce qui est annoncé à l'horizon de 2030. Les crédits annuels destinés à la mission interministérielle recherche et enseignement supérieur (MIRES) progresseraient donc de 1 milliard d'euros, et non de 5 milliards d'euros.
Ainsi, en cumulé sur la période, la recherche publique ne bénéficiera in fine que de 7,2 milliards d'euros, soit seulement un quart de l'effort annoncé ! Les 19 milliards d'euros restants seront en réalité destinés à maintenir stables les dotations du ministère au regard de l'inflation.
Bien évidemment, étant donné l'instabilité qui caractérise la conjoncture économique actuelle, ces prévisions n'ont qu'une valeur indicative. Elles mettent cependant en lumière le caractère très incertain de la trajectoire retenue.
De toute évidence, cette trajectoire ne permettra pas de porter les dépenses de recherche des administrations (Dirda) à 1 % du PIB. En effet, selon les projections que j'ai réalisées, il aurait fallu garantir une progression de 15 milliards d'euros de la Dirda à l'horizon de 2030 pour atteindre cet objectif. Or la loi de programmation prévoit un abondement de l'ordre de 5 milliards d'euros, soit le tiers de cette somme.
En réalité, la trajectoire du Gouvernement se borne donc à stabiliser la part des dépenses de recherche dans le PIB. Cette stabilisation constituerait déjà une avancée notoire, si elle était garantie par la loi. Mais la trajectoire me semble peu crédible au regard de la durée de la programmation retenue, à savoir dix ans. Le Conseil d'État l'a rappelé dans son avis : jusqu'à présent, aucune loi de programmation n'est allée au-delà de sept ans.
La trajectoire présentée par le Gouvernement est ainsi inutilement exposée à de nombreux aléas politiques et économiques, puisque les sous-jacents ayant servi de base à sa construction sont susceptibles de varier sensiblement durant la période.
L'Assemblée nationale a certes inséré une clause de revoyure afin d'actualiser la programmation au moins tous les trois ans. Il s'agira cependant d'ajuster de manière marginale la trajectoire budgétaire, pas de la corriger réellement.
Enfin, le choix d'une programmation sur dix ans se traduit également par des marches budgétaires annuelles relativement faibles et peu susceptibles de provoquer le sursaut dont notre recherche a tant besoin. Je présenterai donc un amendement visant à ramener à sept ans cette trajectoire, afin de concentrer l'effort budgétaire sur les deux prochaines années.
Concrètement, alors que le Gouvernement prévoit d'investir 1,26 milliard d'euros d'ici à la fin du quinquennat, l'amendement que je défends portera cet effort à 3,3 milliards d'euros.
Je voudrais conclure en évoquant le plan de relance. En effet, ce dernier devrait abonder à hauteur de 2,77 milliards d'euros la politique de recherche au cours des deux prochaines années.
Je regrette que les crédits budgétaires qui viendront abonder les crédits de la recherche dans les années à venir soient éclatés entre plusieurs textes : loi de programmation, plan de relance... Cette imbrication nuit à la clarté et à l'intelligibilité de la programmation budgétaire. Il demeure très difficile d'établir avec certitude le budget des programmes de la recherche en 2021 et 2022.
Je suis conscient des contraintes budgétaires actuelles. J'estime néanmoins que les deux premières années de la programmation seront essentielles pour notre recherche, et qu'il faut à tout prix prévoir une accélération conséquente de la trajectoire ; dans ce contexte, je serais favorable à ce qu'une partie supplémentaire des crédits dédiés à la relance vienne abonder la loi de programmation.
Pour conclure, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est soumis témoigne d'une prise de conscience bienvenue quant à l'urgence de réarmer la recherche française. Il s'inscrit dans un effort de prospective inédit, et s'engage fermement en faveur d'une hausse durable des moyens dédiés à la recherche. Je partage très largement les grandes orientations de ce texte, et plus généralement, l'ambition qui l'anime. Mais justement, parce que je partage cette ambition, il me semble crucial d'aller plus vite et plus fort en ce qui concerne l'augmentation du budget de la recherche. Si la trajectoire qui nous est présentée a le mérite d'exister, il apparaît très clairement qu'elle ne pourra provoquer le sursaut dont notre recherche a tant besoin.
Je vous invite donc à voter les deux amendements visant à ramener cette trajectoire à sept ans. Ainsi amendée, la programmation budgétaire gagnera en crédibilité et en lisibilité, tout en permettant une montée en charge plus rapide et efficace des moyens dévolus à la recherche.
Je vous propose également d'émettre un avis favorable sur le projet de loi ainsi amendé.
Je remercie le rapporteur. J'invite chacun d'entre vous à voter ces deux amendements et à adopter le projet de loi ainsi modifié.
Aujourd'hui, le monde public de la recherche est inquiet. Ce n'est d'ailleurs pas nouveau : il l'était déjà en 2005 lorsqu'a été créée l'ANR. Les choses ont-elles changé ? Sommes-nous toujours les meilleurs dans le domaine de la recherche en ce qui concerne les sciences humaines et sociales ? La réponse est oui. En revanche, sommes-nous devenus l'un des leaders en matière de recherche dans les secteurs de la santé ou des nouvelles technologies ? Ce n'est hélas ! pas le cas.
Je suis d'accord pour que l'on accorde des moyens à la recherche publique, mais il convient de bien identifier les secteurs dans lesquels on veut investir. Ce n'est pas parce que l'on ne peut pas être les premiers partout qu'il faut décider d'être les leaders nulle part.
D'ailleurs, quand on examine les chiffres sur une longue période, on s'aperçoit que c'est la recherche privée, et donc le CIR, et non la recherche publique, qui nous a permis de progresser. Comme l'a dit le rapporteur, il est scandaleux que cette loi de programmation se contente de prévoir une stabilisation des moyens dédiés à la recherche. Cela étant, il faut se demander s'il convient d'orienter davantage ces moyens vers le public ou vers le privé.
Il conviendrait de clarifier l'intitulé du projet de loi et de préciser que c'est une loi de programmation de la recherche publique.
Je m'interroge à propos de cette programmation budgétaire : en 2021, l'effort serait de 221 millions d'euros en euros constants contre 357 millions d'euros en euros courants. Comment expliquer un tel écart ? Sur quelle hypothèse d'inflation vous êtes-vous fondé ?
Je partage la plupart des réflexions et des analyses budgétaires du rapporteur.
En effet, il me semble que ce n'est pas le meilleur moment pour proposer une loi de programmation. Celle-ci engagera l'exécutif lors des deux prochains quinquennats. Or je ne suis pas sûr que, après 2027, nos dirigeants se sentiront tenus de respecter les objectifs fixés.
Ce texte prévoit une trajectoire budgétaire qui manque de crédibilité et de sincérité. Au terme des dix ans, nous serons plus proches d'une hausse de 7 milliards d'euros que de 25 milliards d'euros. Il est rare qu'une loi suscite autant de déception dès sa présentation. C'est pourquoi nous soutiendrons l'amendement du rapporteur visant à ramener cette trajectoire à sept ans.
Dernière remarque, le champ de la loi de programmation est restreint. Le texte ne s'intéresse pas au devenir du CIR, ce qui est regrettable.
Je remercie notre rapporteur pour ces éléments éclairants. Pour préparer le redémarrage et aller vers une économie plus florissante, nous avons besoin d'une recherche dynamique, dotée de conditions de travail et de financement qui permettent aux chercheurs de se projeter vers l'avenir et de travailler dans la durée.
Dans le plan de relance, nous avons besoin de davantage de moyens en faveur de la recherche et notamment la recherche publique. Pour répondre aux propos de notre collègue Jérôme Bascher, la recherche publique en sciences humaines et sociales est également très importante, et je me flatte qu'elle occupe une place majeure dans notre pays. Cela fait partie de notre culture, de notre histoire, de notre attachement aux Lumières. Il faut rappeler notre attachement à la recherche publique, à la recherche en sciences sociales et lui donner les moyens d'exister. Au moins autant qu'à la recherche en sciences dures dont les retombées, technologiques, sont plus directes.
Nous avons un angle mort sur la question du CIR. À quoi ces crédits sont-ils réellement destinés ? Sont-ils tous opportunément utilisés par les entreprises pour de la recherche et développement (R&D) ? Nous savons que certaines entreprises financent, avec du CIR, des actions qui ne relèvent pas du domaine de la recherche, car le cadre juridique le permet. Cela brouille notre perception de la capacité de notre pays à soutenir la recherche, qu'elle soit publique ou réalisée dans les entreprises.
Je partage les constats de Jérôme Bascher, mais je souhaite apporter un bémol sur la question de la recherche française en sciences humaines et sociales : en nombre de publications, la France est septième, mais nous constatons néanmoins un affaiblissement dans le domaine des sciences humaines et sociales depuis quelques années.
La question du CIR n'est que très brièvement évoquée dans le rapport annexé, sans que l'on sache vraiment pourquoi. Pourtant Bruno Le Maire l'a évoquée spontanément devant notre commission et il semble envisager d'autres pistes. Nous n'avons donc aucune certitude sur la façon dont le CIR perdurera. Les crédits sont certes maintenus dans le projet de loi de finances, mais nous ne savons pas ce qu'il adviendra, car il n'est pas sanctuarisé dans le cadre de ce projet de loi de programmation.
Les éléments sur l'inflation que nous avons utilisés pour nos calculs en euros constants sont issus du consensus forecast, ainsi que du rapport économique, social et financier (RESF) annexé au projet de loi de finances pour 2021. Ce sont des chiffres nationaux, issus de publications officielles et non contestés lors des auditions avec le ministère - nous avons plutôt inquiété le ministère. Les euros courants, dont je suis familier à la commission des affaires européennes, permettent d'annoncer des chiffres exceptionnels. Mais sur une période longue, les euros constants mettent en évidence des chiffres réduits. Il me semble que nous sommes dans le vrai : ces chiffres seront peut-être contestés par la ministre lors de la séance publique, mais ils ne l'ont pas encore été.
Les 26 - plutôt que 25 - milliards d'euros constituent une annonce forte, mais la réalité se rapproche davantage de 7 milliards d'euros.
Ce projet de loi traite essentiellement de recherche publique, mais il propose également des choses intéressantes sur l'interface public-privé.
Au regard des courbes et histogrammes que je vous ai présentés, l'objectif de 1 % du PIB me semble techniquement inatteignable.
Je fais une proposition simple et sincère à la ministre sur le plan de relance : la situation est compliquée, mais un effort massif sur les deux premières années est attendu ; je propose donc d'utiliser le plan de relance pour compenser le déficit de crédits. Mais à ce stade, la ministre sépare les deux outils.
Concernant la retraite, rien n'est intégré dans ce projet de loi de programmation. La portion congrue destinée à alimenter la recherche risque donc d'être encore amoindrie par les dispositions qui devront être adoptées en matière de retraite des chercheurs.
La question du contenu de la programmation concerne plutôt la commission de la culture. L'idée d'un groupe qui déterminerait une stratégie nationale de la recherche est souvent évoquée. Je n'aime pas trop le terme de saupoudrage qui est péjoratif et je reconnais que la ministre est de bonne volonté, mais nous avons l'impression que les financements sont répartis sur l'ensemble des secteurs, sans véritable vision. Par exemple, en matière d'énergies renouvelables, ne faudrait-il pas faire de l'hydrogène l'élément central d'une stratégie nationale de recherche ? Il manque peut-être une structure au niveau national. On peut espérer que l'ANR utilisera à bon escient les pouvoirs qui lui sont donnés...
EXAMEN DES ARTICLES
Article 1er
L'article 1er repousse à la décennie 2030 l'atteinte des objectifs d'un effort en R&D à 3 % du PIB et d'un effort public de recherche à 1 % du PIB. Compte tenu de la hausse régulière et rapide des dépenses de R&D dans nombre de pays partenaires ou concurrents, nous devons être plus ambitieux en fixant l'atteinte de ces objectifs à 2027 au plus tard.
L'amendement FINC.1 ( COM-93) est adopté.
Article 2
L'amendement FINC.2 ( COM-94) est la traduction technique et opérationnelle de l'amendement FINC.1 ( COM-93).
L'amendement FINC.2 ( COM-94) est adopté.
La commission émet un avis favorable sur les articles 1er et 2 du projet de loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l'enseignement supérieur sous réserve de l'adoption de ses deux amendements.
Nous en venons maintenant au rapport de notre collègue Bernard Delcros et à l'élaboration du texte de la commission sur la proposition de loi visant à réformer la procédure d'octroi de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR).
Nous examinons en effet aujourd'hui une proposition de loi de notre collègue Hervé Maurey, qui vise à réformer la procédure d'octroi de la fameuse DETR, que les élus locaux connaissent bien.
Pour mémoire, cette dotation permet à l'État de subventionner des projets d'investissements portés par des communes - ou par leurs groupements - situés essentiellement en milieu rural. Elle est issue de la fusion en 2011 de la dotation globale d'équipement (DGE) et de la dotation de développement rural (DDR). En 2018, plus de 21 000 opérations en ont bénéficié. Les crédits de la DETR s'élèvent, en loi de finances initiale pour 2020, à 1 milliard d'euros. Leur montant avait progressé de près de 400 millions d'euros entre 2014 et 2017.
Si les décisions d'attribution de la dotation relèvent du seul préfet de département, le dispositif comporte néanmoins une particularité : l'institution d'une commission auprès de ce dernier, composée d'élus représentant les communes et leurs groupements ainsi que de parlementaires. Cette commission est notamment chargée de fixer chaque année les catégories d'opérations prioritaires et les taux minimaux et maximaux de subvention des projets. Elle est également saisie pour avis sur les projets pour lesquels la subvention proposée par le préfet est supérieure à 100 000 euros - c'était 150 000 euros avant 2018.
Je partage les préoccupations de l'auteur de la proposition de loi. Les règles d'octroi de la DETR sont respectées dans la très grande majorité des cas et, la plupart du temps, les relations entre la commission des élus, le préfet et les services de l'État ne posent pas de difficulté majeure. Toutefois, des dysfonctionnements ont pu être constatés localement : on a des exemples remarquables ! Mes propositions d'amendements, élaborées avec l'accord de l'auteur du texte, visent à trouver un juste équilibre entre transparence et efficacité des procédures.
L'article 1er concerne les critères d'éligibilité des communes à la DETR. Ces critères sont définis par la loi. Mais dans un département, nous avons pu constater que le règlement départemental établi sur proposition du préfet excluait par principe certaines communes pourtant éligibles au regard des critères définis par la loi. La rédaction du code général des collectivités territoriales qui résulterait de cet article 1er modifié par mon amendement de précision COM-2, permettrait de lever toute ambiguïté sur ce point.
L'article 2 comporte plusieurs dispositions qui visent à renforcer le rôle de la commission. L'article enrichit l'information apportée à la commission, qui aurait connaissance de tous les dossiers déposés, qu'ils aient ou non été retenus par le préfet pour l'attribution d'une subvention. C'est utile à la commission pour définir ses priorités et les taux de subvention. Bien qu'étant favorable à cette évolution, je vous proposerai néanmoins d'adopter un amendement COM-3 visant à préciser que cette nouvelle obligation d'information ne concernerait que les dossiers complets et recevables.
L'article 2 propose également que la commission soit saisie pour avis de tous les dossiers de demande de subvention, et non plus seulement des dossiers pour lesquels le préfet propose une subvention d'un montant supérieur à 100 000 euros. Cela me semble compliqué, car cela risque d'alourdir considérablement la procédure et d'en allonger les délais, au détriment de l'investissement des collectivités territoriales. Il faut laisser aux préfets une certaine souplesse, par exemple pour financer des projets urgents ou faire face à des imprévus. Je vous proposerai donc d'adopter un amendement COM-4 visant à abaisser ce seuil à 80 000 euros.
L'article 2 prévoit également que le préfet devra tenir compte des priorités retenues - cela semble aller de soi - et rendre compte de ses choix et des critères retenus pour l'attribution des subventions. Cela se fait déjà dans de nombreux départements - dont le mien -, mais manifestement pas partout.
L'article 3 vise à instaurer un droit à l'erreur pour les collectivités territoriales dans la constitution et le dépôt de leur dossier de demande de subvention au titre des dotations de l'État. Cette disposition est satisfaite par l'état actuel du droit. L'amendement COM-5 de suppression que je propose, en accord avec l'auteur de la proposition de loi, ne traduit donc en aucun cas une opposition de principe.
Enfin, en application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution adopté par la Conférence des présidents, en vue du dépôt des amendements de séance, je vous propose de considérer qu'entrent dans le périmètre de la proposition de loi des dispositions relatives à la procédure d'octroi de la DETR ainsi qu'à la composition, au rôle et aux compétences de la commission consultative des élus pour la DETR.
L'objectif de cette proposition de loi est tout d'abord de poser des garde-fous, car, dans certains départements, les préfets édictent des critères d'éligibilité qui vont au-delà de la loi ou ne tiennent aucun compte de la priorisation. J'ai également souhaité renforcer le rôle de la commission, sans remettre en cause le pouvoir du préfet, grâce une transparence et une information accrues. Car lorsque le préfet communique la liste des seuls projets retenus, le rôle de la commission devient théorique...
J'avais, avec le rapporteur, une légère divergence sur la suppression du seuil. Mais nous sommes tombés d'accord sur un léger abaissement de ce seuil, afin d'éviter les risques d'effets pervers que le rapporteur a soulignés.
Je remercie le rapporteur de son travail d'amélioration du texte et souscris à ses amendements.
Votre proposition de loi vient inscrire dans la loi un débat que j'ai connu dans mon département, qui a concerné l'ensemble de ces thématiques, qu'il s'agisse de l'information de la commission sur l'ensemble des demandes, du champ de son pouvoir consultatif, ou encore des critères précis de sélection des projets. Nous l'avions réglé à l'amiable avec le préfet - à l'exception toutefois de la question du seuil de subvention au-delà duquel un avis de la commission est requis, qui relève de la loi -, mais c'est une bonne chose de le formaliser dans tous les départements de France.
J'aurais une interrogation sur ce nouveau seuil à 80 000 euros. Avez-vous pu en mesurer l'impact ?
Effectivement, en l'état actuel du droit, je rappelle que le préfet est seulement tenu d'informer la commission de tous les projets qu'il a retenus. Nous y ajoutons ceux qui ne sont pas retenus, afin de compléter l'information dont disposent les commissions dans l'ensemble des départements.
Nous ne disposons pas d'étude d'impact sur l'abaissement du seuil, mais le nombre de ces dossiers restera en tout état de cause limité et ne risque pas de saturer les travaux de la commission. L'avis de la commission concernera en revanche une part significative des crédits octroyés.
Nous aurions aussi besoin d'avoir une vision consolidée et territorialisée des dossiers déposés, car nous nous apercevons que certains territoires bénéficient peu des crédits de la DETR.
Se pose également la question des crédits accordés, mais non consommés. Une analyse plus complète serait nécessaire sur ce point. Cela relève parfois d'un problème d'ingénierie de moyens des collectivités. Dans d'autres cas, cela tient à la faiblesse des enveloppes et au caractère hâtif des dépôts de demandes de subvention. Ces crédits sont alors perdus, car non reconduits.
Tout ceci pose problème pour les territoires ruraux qui attendent plus d'équité dans les moyens qui leur sont alloués.
La question des crédits non consommés nécessite effectivement un suivi très fin à l'échelle de chaque département : dans certains cas, les projets sont abandonnés ; dans d'autres, les prix ont évolué au moment de l'appel d'offres par rapport à l'estimation initiale du maître d'oeuvre. Grâce à un suivi attentif de ces dossiers, il faudrait pouvoir redéployer ces crédits au sein du département en cours d'année, sans laisser passer l'année civile.
En outre, sur ce sujet, le texte de la proposition de loi prévoit justement que les délibérations de la commission s'ouvrent sur une présentation par le préfet de la répartition territoriale des opérations retenues.
Je remercie notre rapporteur et notre collègue auteur de cette intéressante proposition de loi. L'État reste en effet le premier partenaire des projets d'investissement portés par les communes. Une partie des crédits de la réserve parlementaire se retrouve-t-elle dans les crédits de la DETR ?
Dans chaque département, deux députés et deux sénateurs siègent à la commission. Mais quel est notre pouvoir ? Certes, nous votons le budget de l'État et la mission « Relations avec les collectivités territoriales » dans laquelle les crédits de la DETR sont inscrits. Mais nous n'avons pas beaucoup la main... La répartition ne se fait-elle pas sous l'autorité des préfets et des sous-préfets, par arrondissement, en fonction du nombre d'habitants ?
Certaines communes sont subventionnées pour deux ou trois dossiers, d'autres pour un seul : c'est très subjectif et très variable. Les dossiers sont aussi parfois complexes à remplir.
Cette proposition de loi est très bienvenue. Les lois de la République doivent s'appliquer partout de la même façon et il est dommage que certains préfets aient une lecture restrictive de la loi. Or, comme nous faisons la loi, nous devons aussi en contrôler l'application.
Le Président de la République vante sans cesse le couple maire-préfet. Mais je suis également pour le renforcement du couple préfet-parlementaire. Nous avons abandonné, de gré ou de force, la réserve parlementaire. Nous avons un pouvoir de vision, mais pas de supervision, car nous ne voyons pas tous les dossiers. Nous avons besoin a minima d'avoir l'information.
Je suis pour renforcer le pouvoir des parlementaires et j'ai cosigné l'amendement de notre collègue Corinne Imbert afin que le nombre de parlementaires présents dans la commission passe à trois députés et trois sénateurs lorsque le nombre de parlementaires du département atteint ou dépasse sept. Nous parlementaires avons un peu plus de poids sur le préfet que le maire de telle ou telle commune. Cela renforcerait le pouvoir du parlementaire, dont il s'est dépossédé en perdant la réserve parlementaire.
Quel est le montant moyen des subventions accordées aux communes au titre de la DETR ? Nous nous félicitons de l'augmentation des crédits de la DETR qui atteignent un milliard d'euros, mais cela reste toujours six fois moins que le crédit d'impôt recherche dont nous ne connaissons pas toujours la destination en termes d'embauche de chercheurs !
Sur la question des crédits non consommés, sachez que le conseil départemental de l'Isère a mis en place un système de bonus-malus : les communes qui ne consomment pas leurs crédits ont un malus, au profit des communes qui jouent bien le jeu.
Je m'interroge sur l'articulation entre DTER et dotation de soutien à l'investissement local (DSIL), car les dépenses éligibles sont équivalentes. S'agissant d'aides financières relativement proches, ne devrait-on pas les fusionner ? Cela pose aussi la question de la maîtrise de l'ingénierie financière des petites collectivités locales qui s'y perdent un peu.
Ne serait-il pas opportun que les membres de la commission aient communication des subventions allouées l'année précédente ?
Vous pourrez amender le texte en ce sens en séance si vous le souhaitez.
Je voudrais également saluer cette proposition de loi. L'application est à géométrie variable : dans le département des Pyrénées-Atlantiques, les communes qui n'étaient pas favorables à la réintroduction de l'ours ont été pénalisées sur leurs dotations de DETR. C'était presque du chantage de la part du préfet ! C'est un cas extrême, mais il faut le dire.
Je remercie Bernard Delcros avec lequel j'ai longuement échangé. J'aurais préféré un seuil à 50 000 euros, mais j'accepte le seuil de 80 000. Il faut toutefois qu'il y ait aussi une communication pour les dossiers en dessous du seuil. La proposition de loi de nos collègues Yannick Botrel et René Vandierendonck avait permis aux parlementaires de faire leur entrée dans la commission. Nous devons y renforcer le rôle des élus et des parlementaires.
Tous les crédits de la réserve parlementaire se retrouvent-ils dans la DETR ? Je n'en suis pas certaine : nos territoires y ont beaucoup perdu.
Sans aller jusqu'à un bonus-malus, nous avons besoin, à un moment de l'année, d'un état des lieux de la consommation des crédits ainsi que d'un glissement ou un refléchage des crédits, afin qu'ils ne soient pas perdus pour le territoire.
Je remercie l'auteur et le rapporteur du travail fort utile qu'ils ont réalisé et dont nous avons tous besoin sur nos territoires.
Je suis favorable à cette proposition de loi.
Je fais un constat sur mon département qui peut être généralisé : si le préfet est tenu par certaines règles sur la question de l'éligibilité, il est relativement libre sur l'intensité de l'aide accordée. Or les communes riches demandent beaucoup de subventions, tandis que les communes qui le sont moins regardent passer les trains. C'est une forme d'injustice. Ne pourrait-on pas tenir compte de la capacité contributive des collectivités ? Cela vaut pour la DETR, mais aussi pour d'autres aides.
Je rejoins Jérôme Bascher sur l'importance du rôle des parlementaires. Les maires sont souvent consommateurs de DETR, ce qui leur enlève un peu de courage.
Les enveloppes sont souvent notifiées très tardivement au préfet : parfois en août, voire en octobre. Il peut alors être difficile d'engager puis de consommer ces crédits dans de bonnes conditions. Nous aurions besoin de plus d'information sur la date de la notification ; cela permettrait de mieux répartir la dotation.
Sommes-nous bien informés du montant de la dotation reçue par le préfet ? Ne pourrait-on pas disposer d'un bilan afin de savoir ce que perdent les départements lorsqu'ils ne consomment pas tout ?
Quand la réserve parlementaire - dont j'ai été un farouche défenseur - a été supprimée, le Gouvernement nous avait promis un autre dispositif qui n'est jamais venu. Il nous a ensuite annoncé qu'il allait abonder l'enveloppe de la DETR. Cela a peut-être été le cas au niveau national, mais cela ne s'est pas toujours répercuté au niveau local. Dans mon département, nous n'avons eu aucune augmentation des crédits de la DETR, voire plutôt une diminution. La suppression de la réserve parlementaire a vraiment été un marché de dupes, car les promesses n'ont pas été tenues.
Aucun d'entre nous n'approuve la suppression de la réserve parlementaire, qui était un dispositif utile pour de nombreuses communes. Elle permettait soit de financer des projets non éligibles à d'autres financements, soit de boucler un plan de financement. Le plus souvent pour de petits projets.
La suppression de la réserve parlementaire aurait dû augmenter les crédits de la DETR, mais celle-ci n'a été abondée que de 50 millions d'euros supplémentaires, ce qui est loin de correspondre aux montants de la réserve parlementaire.
La répartition des crédits par arrondissement est variable selon les départements. Dans mon département, cette répartition est faite d'un commun accord entre le préfet et la commission, sans forcément retenir le critère de la population qui défavoriserait la ruralité.
Sur la question du renforcement du rôle des parlementaires au sein de la commission, un amendement a pour objet de porter leur nombre à trois députés et trois sénateurs. J'y suis favorable, mais je pense néanmoins qu'il faut poser une limite, afin que cette commission trouve son équilibre, qu'elle reste une commission d'élus locaux, dans laquelle le nombre de parlementaires ne dépasse pas le nombre des élus locaux.
S'agissant de la moyenne des projets, mais si l'on projette l'enveloppe globale de la DETR, 1 milliard d'euros, sur les 21 000 opérations subventionnées en 2018, on obtient un montant d'un peu moins de 48 000 euros par projet.
En ce qui concerne l'idée d'un bonus-malus pour les communes qui ne consomment pas, il faut faire attention au fait que souvent les petites communes n'ont pas les services administratifs nécessaires pour élaborer et suivre les dossiers de ce type. En outre, certains appels d'offres aboutissent à des montants inférieurs à ceux prévus initialement. On ne peut donc pas généraliser cette idée. Pour autant, nous devons nous poser la question des crédits non consommés et réfléchir à une solution afin qu'ils ne soient pas totalement perdus pour le département en question. Peut-être pourraient-ils être reportés sur l'année suivante ? Dans mon département, la DETR est de l'ordre de 11 millions d'euros et environ 300 000 euros sont perdus chaque année pour notre territoire.
Patrice Joly a évoqué l'idée de fusionner la DETR et la DSIL. Il serait sage de bien mesurer l'ensemble des conséquences d'une telle décision avant de la prendre. La DSIL finance notamment les contrats de ruralité, tandis que la DETR permet de financer d'autres types de projets. D'ailleurs, lorsque la DGE et la DDR ont été fusionnées en 2011 pour créer la DETR, je ne suis pas certain que les collectivités y aient gagné...
Frédérique Espagnac a évoqué une application à géométrie variable des textes qui régissent la DETR. Cette proposition de loi vise justement à mieux organiser les choses pour éviter de telles dérives.
Je rappelle une nouvelle fois que ce texte prévoit que toutes les demandes, dès lors que les dossiers seront complets et recevables, devront faire l'objet d'une information de la commission. Aujourd'hui, seuls les projets retenus par le préfet doivent faire l'objet d'une telle information. Grâce à cette proposition de loi, les membres de la commission auront donc une idée des projets qui n'ont pas été retenus par le préfet, ce qui éclairera leurs travaux et leur donnera une vision d'ensemble.
En ce qui concerne la répartition des dotations, sujet évoqué notamment par Jean-Marie Mizzon, il est exact que les communes les plus riches peuvent davantage y faire appel, tout simplement parce qu'elles disposent d'une capacité d'autofinancement plus importante. C'est un sujet sur lequel il est intéressant de travailler, mais plutôt au niveau de chaque département.
Jean-Michel Arnaud a évoqué la date de notification des enveloppes départementales. En règle générale, elle a plutôt lieu en début d'année et les communes reçoivent les arrêtés de subventions en avril. C'est du moins le cas dans mon département, mais peut-être y a-t-il là encore une problématique locale spécifique.
Dernier point, l'année de suppression de la réserve parlementaire a aussi été celle de la modification de certaines conditions d'éligibilité à la DETR et de la prise en compte de la révision du périmètre des intercommunalités et il est vrai que la dotation a alors diminué dans certains départements, et augmenté dans d'autres.
EXAMEN DES ARTICLES
Article 1er
L'amendement COM-2 de précision rédactionnelle est adopté.
L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 2
Nous avons évoqué la question de l'amendement COM-1 rectifié bis qui porte à trois le nombre de députés et de sénateurs dans la commission DETR de certains départements. J'y suis favorable, sous réserve de l'adoption du sous-amendement rédactionnel COM-6 qui se borne à rétablir la précision existant dans le droit en vigueur sur la manière dont ces parlementaires sont désignés.
Je me pose une question plus générale. Certaines situations sont atypiques - par exemple, dans mon département, une seule commune est éligible à la DETR. Est-il nécessaire de réunir une commission départementale dans de telles situations ?
Je rappelle que cette proposition de loi ou cet amendement ne vise pas à créer une commission, mais à en modifier la composition dans certains départements. La présence de parlementaires a été décidée à la suite de la suppression du cumul des mandats. En créant cette commission, le Parlement a souhaité que les élus aient un droit de regard sur les décisions du préfet.
Le sous-amendement COM-6 est adopté. L'amendement COM-1 rectifié bis, ainsi modifié, est adopté.
L'amendement COM-3 vise à préciser que seuls les dossiers déclarés complets et recevables sont portés à la connaissance de la commission, afin que celle-ci ne se trouve pas inondée d'informations.
L'amendement COM-3 est adopté.
L'amendement COM-4 vise à abaisser de 100 000 à 80 000 euros le seuil de subvention au-delà duquel une saisine pour avis de la commission est requise - nous en avons également parlé.
L'amendement COM-4 est adopté.
L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 3
En accord avec Hervé Maurey, l'amendement COM-5 propose de supprimer l'article 3, car son objet est satisfait par le droit en vigueur. L'article R. 2334-23 du code général des collectivités territoriales prévoit en effet que - je cite - « dans un délai de trois mois à compter de la date de réception du dossier de demande de subvention, le préfet informe le demandeur du caractère complet du dossier (...) ou réclame la production des pièces manquantes. Dans ce dernier cas, le délai est suspendu. En l'absence de notification de la réponse de l'administration à l'expiration du délai de trois mois, le dossier est réputé complet. ».
J'ai donné mon accord à cet amendement, mais je signale tout de même que la disposition citée par le rapporteur relève du domaine réglementaire, pas législatif. En outre, il existe des situations où des dossiers sont refusés, parce qu'il manque des documents, notamment des avis de l'architecte des bâtiments de France.
C'est un point important, parce que ces dossiers n'ont pas pu être présentés par la suite.
Il est évident qu'il faut faire appliquer le droit !
L'amendement COM-5 est adopté et l'article 3 est supprimé.
La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Le périmètre de la proposition de loi est adopté.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
TABLEAU DES SORTS
Article 2
Notre commission des finances s'est saisie pour avis de la proposition de loi constitutionnelle n° 682 (2019-2020) et de la proposition de loi organique n° 683 (2019-2020) déposées, notamment, par notre collègue Philippe Bas et notre ancien collègue Jean-Marie Bockel. Ces deux textes qui contiennent de nombreuses dispositions visant à assurer le plein exercice des libertés locales sont la traduction au plan législatif des travaux sur l'avenir de la décentralisation conduits sous la présidence de Gérard Larcher cette année.
Parmi l'ensemble des mesures que comportent ces propositions de loi, deux ont justifié que notre commission se saisisse pour avis. La première concerne la révision des modalités de compensation des charges transférées aux collectivités territoriales avec la consécration du principe « qui décide paie ». La seconde concerne la redéfinition du périmètre des ressources propres des collectivités territoriales.
Sur la question des compensations des transferts de charges, je me contenterai de vous rappeler l'essentiel du contexte dans lequel nous évoluons.
D'une part, les dispositions constitutionnelles et organiques n'imposent de compenser intégralement les collectivités territoriales des dépenses mises à leur charge que dans deux cas : lorsqu'une compétence leur est transférée par l'État et lorsque les conditions d'exercice d'une compétence obligatoire sont modifiées par un acte réglementaire qui ne présente par le caractère d'une mesure générale. Ainsi, une compétence transférée entre collectivités territoriales n'ouvrira pas droit au versement d'une compensation intégrale, l'augmentation du point d'indice de la fonction publique non plus.
D'autre part, et sous réserve qu'elle présente un caractère obligatoire, la création, l'extension ou la modification des conditions d'exercice d'une compétence par voie législative n'impose que de verser une compensation, dont la nature et le montant ne sont pas incompatibles avec les principes d'autonomie financière et de libre administration.
Enfin, rien ne contraint l'État à réévaluer le montant des compensations compte tenu de l'évolution du coût d'exercice d'une compétence.
Ce rappel fait, vous n'ignorez pas que beaucoup de collectivités territoriales ont le sentiment de faire face, du fait des décisions de l'État, à des charges croissantes sans que soient mises en face les ressources nécessaires. C'est dans le souci de répondre à cette problématique que Philippe Bas et Jean-Marie Bockel ont souhaité inscrire dans la Constitution deux principes nouveaux.
Tout d'abord, tout transfert, création, extension ou modification des conditions d'exercice de compétence décidé par l'État et supporté par les collectivités territoriales devra faire l'objet d'une compensation intégrale - qui décide paie !
Ensuite, le montant de ces compensations devra être réévalué régulièrement.
Je souscris entièrement au principe « qui décide paie », mais je pense que le dispositif de réévaluation proposé peut être amélioré. Il me semble en effet que proposer une réévaluation régulière, c'est-à-dire une actualisation en loi de finances du montant des compensations, n'est pas nécessairement la méthode la plus satisfaisante.
Ce qu'il faut chercher à construire, c'est une gouvernance nouvelle par laquelle l'adéquation des ressources et des charges des collectivités territoriales serait régulièrement réinterrogée. Dans ce cadre, la réévaluation financière des compensations ne serait que l'une des options possibles et on pourrait imaginer, par exemple, de décider de redimensionner certaines compétences.
Nous avons échangé sur ce point avec les deux rapporteurs de la commission des lois, saisie au fond, Mathieu Darnaud et Françoise Gatel. Nous sommes d'accord pour que, plutôt qu'une réévaluation régulière, la Constitution impose un réexamen régulier des compensations. Il reviendra au législateur organique de préciser - d'inventer ! - cette nouvelle forme de gouvernance.
Sur la question des ressources propres, sur laquelle notre commission est saisie, je vais tâcher, là aussi, de présenter les paramètres essentiels.
Comme vous le savez, la Constitution dispose que les ressources propres représentent une part déterminante de l'ensemble des ressources des collectivités territoriales. C'est le principe d'autonomie financière. Une loi organique de 2004 est venue préciser deux points centraux : la nature de ces ressources propres et la notion de part déterminante.
Les ressources propres telles qu'elles sont définies par la loi organique présentent un caractère plutôt extensif. Au plan fiscal, il s'agit des recettes, sur lesquelles les collectivités territoriales exercent un pouvoir de taux ou d'assiette, mais également celles sur lesquelles elles n'en exercent pas, c'est-à-dire la fiscalité transférée. À titre d'exemple figurent dans la première catégorie la taxe foncière ou les droits de mutation à titre onéreux, tandis que figure dans la seconde catégorie la fraction de TVA affectée aux régions ou encore la taxe intérieure sur les produits énergétiques.
Les ressources propres interviennent dans la détermination des ratios d'autonomie financière qui ne sont rien de plus que le rapport entre les ressources propres et l'ensemble des ressources des collectivités territoriales. Lorsque l'on dit que ces ressources propres doivent représenter une part « déterminante », on indique en réalité que le niveau des ratios d'autonomie financière doit demeurer supérieur à un certain seuil. En l'espèce, celui-ci est fixé par la loi organique et correspond à la situation constatée en 2003.
Sur le plan juridique, le fait que les ratios d'autonomie financière demeurent bien supérieurs à leur valeur de 2003 présente un caractère impératif. En effet, si une mesure législative devait les conduire en dessous des planchers, le juge constitutionnel censurerait. De même, si ces ratios demeuraient en dessous des planchers plus de deux ans, le législateur serait contraint d'adopter des mesures correctives en loi de finances sous peine de censure par le Conseil constitutionnel.
Actuellement, ces ratios sont très hauts : 71,4 % pour les communes, 74,4 % pour les départements et même 77,4 % pour les régions. Il est vrai qu'avec une définition aussi extensive de la notion de ressources propres il pouvait difficilement en être autrement... Comme l'indiquait notre collègue député Charles de Courson : « Supprimons toute la fiscalité locale et remplaçons-la par des prélèvements sur les impôts nationaux et le taux d'autonomie financière progressera encore... »
C'est dans ce contexte que les deux textes que nous examinons proposent de faire la vérité sur l'état et le devenir du pouvoir fiscal des collectivités territoriales. À cette fin, elles prévoient d'exclure du périmètre des ressources propres toutes les recettes fiscales sur lesquelles les collectivités n'exercent aucun pouvoir de taux ou d'assiette. Je suis parfaitement d'accord avec la nécessité de faire la vérité sur la question du pouvoir fiscal des collectivités, alors que les réformes de la taxe professionnelle, de la taxe d'habitation et - bientôt - des impôts de production ont profondément modifié la physionomie de la fiscalité locale.
Toutefois, dans la mission de rapporteur pour avis que la commission des finances a bien voulu me confier, il m'a semblé important d'évaluer les conséquences d'une telle mesure. Il va sans dire que, si l'on retenait la définition proposée, les ratios d'autonomie financière se contracteraient à court terme. C'est l'évidence même, puisque l'on restreint le périmètre de ces ressources. Mais quelle serait la dynamique de cette contraction compte tenu des réformes de la taxe d'habitation et des impôts de production qui substituent des impôts nationaux à des impôts locaux ?
Pour information, nos collègues proposent d'actualiser les planchers des ratios d'autonomie financière en référence à la situation constatée en 2020. En tenant compte de ces paramètres, j'ai cherché à estimer de combien les ratios d'autonomie financière s'éloigneraient de leur plancher après la mise en oeuvre des réformes de la fiscalité locale. En l'espèce, une fois la réforme de la taxe d'habitation achevée, le ratio d'autonomie financière du bloc communal s'établirait 5,4 points en dessous du plancher et celui des départements 21,4 points. Pour bien saisir l'ampleur du phénomène, on peut relever que les ressources vraiment « propres » des départements représenteraient environ 33 % de l'ensemble.
La définition proposée permet indéniablement de mettre à jour l'érosion du pouvoir fiscal des collectivités territoriales, mais elle nous place également devant une situation difficile. Comme je l'ai indiqué, si les ratios d'autonomie financière ne sont pas conformes aux planchers organiques, alors le législateur est constitutionnellement et organiquement tenu de prendre les mesures de correction qui s'imposent. En pratique, cela signifie que le législateur devra territorialiser des impôts nationaux ou créer de nouveaux impôts locaux pour un montant de l'ordre de 21,6 milliards d'euros après la réforme de la taxe d'habitation.
Or nous savons combien il est difficile, sur le plan technique et politique, d'augmenter la pression fiscale, de trouver la bonne formule pour territorialiser la base d'un impôt national ou encore de réduire les inégalités de richesse fiscale entre les collectivités.
Dans ces conditions, il nous appartient de faire un choix. Faut-il rejeter la définition qui nous est proposée et continuer de travailler avec un instrument - les ressources propres - qui ne représente plus grand-chose ? Ou faut-il plutôt accepter ce que cette nouvelle définition nous révèle de l'état du pouvoir fiscal des collectivités territoriales, tout en s'interrogeant sur les conséquences qu'on en tire ? Je plaide pour la seconde option.
En lien avec les rapporteurs Mathieu Damaud et Françoise Gatel, nous avons convenu que la proposition tendant à exclure du champ des ressources propres les recettes fiscales sur lesquelles les collectivités n'exercent aucun pouvoir de taux ou d'assiette devait être soutenue.
Cependant, il est souhaitable dans le même temps d'amender la règle, selon laquelle ces ressources propres représentent une part déterminante de l'ensemble de ressources des collectivités. Nous préférons qu'à l'avenir elles représentent une part « significative » de l'ensemble des ressources des collectivités territoriales. Cette notion n'est pas définie par les textes en vigueur, ce qui signifie qu'il reviendra au législateur organique de consulter et de trancher pour en définir la nature et la portée. Pour mémoire, en 2003, le Sénat avait proposé un seuil minimal de 33 %. Cela ne préjuge en rien de la solution qui sera retenue, mais montre que le choix de ratios fixés en référence à une année particulière n'a rien d'évident et peut être remis en cause.
Enfin, et à titre personnel, j'ai rappelé l'attachement que je porte à la nécessité d'accompagner cette réflexion sur le renforcement du pouvoir fiscal des collectivités d'un travail d'ampleur sur la péréquation. La péréquation n'est pas simplement « l'intendance qui suivra » ; elle est le corolaire essentiel du pouvoir fiscal et ne peut pas être discutée après ou dans l'urgence. Elle doit au contraire être discutée de concert, en tant qu'elle est la condition de succès d'une réforme du pouvoir fiscal des collectivités territoriales.
À la suite de mes échanges avec nos collègues rapporteurs de la commission des lois, je propose de les laisser eux-mêmes porter par amendement les modifications que j'ai évoquées devant vous. Sous cette réserve, je formule l'avis que la commission des finances se montre favorable à l'adoption de l'article 5 de la proposition de loi constitutionnelle et de l'article 4 de la proposition de loi organique pour le plein exercice des libertés locales.
Ce rapport nous montre que le sujet est complexe et qu'il ne faut pas grand-chose pour que l'édifice de finances locales devienne bancal. Je m'en remets naturellement à la sagesse de notre rapporteur, tout en attirant votre attention sur la difficulté de trouver un point d'arrivée équilibré et stable et sur le fait que nous devons éviter les effets d'annonce.
La disparition de la taxe d'habitation n'est pas encore complètement digérée et cette réforme est une source d'inquiétude, notamment pour les collectivités locales qui y perdent. Toucher aux équilibres constitutionnels et organiques actuels ne peut qu'accroître ces inquiétudes. Par conséquent, est-ce le bon moment pour proposer ces modifications ?
Je comprends l'esprit du texte, moins sa forme !
Je dois d'abord dire qu'il serait préférable d'avoir une vision globale des textes qui nous sont proposés. Ensuite, je suis étonné qu'au regard de leur portée le Conseil d'État n'en ait pas été saisi et que nous ne disposions pas d'une étude d'impact. Si l'on veut éviter un texte d'affichage, il faut travailler de manière transpartisane ! Je crois que nous sommes tous d'accord pour que les collectivités aient plus de libertés, mais les élus demandent aussi de la stabilité et de la sécurité juridique.
En ce qui concerne l'article 5 de la proposition de loi constitutionnelle, rappelez-vous, mes chers collègues, les très longs débats que nous avons eus en 2003 à propos de l'expression « part déterminante » ! Nous avons passé plusieurs séances de nuit sur la sémantique... Pour autant, je comprends le lien présenté par le rapporteur entre la modification de la définition des ressources propres et l'utilisation du bon adjectif - déterminant, significatif...
L'article 6 de ce texte porte sur les outre-mer et beaucoup estiment que ces propositions sont faites de manière précipitée. Qui plus est, elles sont à notre sens mal rédigées. La fusion des articles 73 et 74 de la Constitution est très attendue outre-mer, mais elle impliquerait, à budget constant, un redéploiement financier important entre les collectivités d'outre-mer et les départements et régions d'outre-mer, ce qui fera évidemment débat, voire querelle, d'autant plus que ce type de redéploiement est traditionnellement décidé dans le secret de quelques bureaux ministériels parisiens... En tout cas, nous ne disposons pas là non plus d'évaluation ou d'étude d'impact.
Par ailleurs, nous ne voyons pas clairement l'utilité de modifier l'article 1er de notre Constitution qui pose les bases de l'organisation de notre pays.
Nous avons aussi un problème sur l'article 3, en particulier en ce qui concerne les écarts de représentation. Il faudrait au préalable évaluer les conséquences, notamment budgétaires, de ces modifications.
Dernier point, nous soutenons l'idée de mettre en place une loi de financement des collectivités territoriales. Ce serait un outil intéressant pour aller dans le sens voulu par les auteurs des deux textes qui nous sont soumis aujourd'hui.
Avant de répondre à ces interventions, je dois d'abord dire que nous avons disposé de très peu de temps pour examiner ces textes et que c'est la commission des lois qui en est saisie au fond.
Il est clair que ces textes révèlent un véritable besoin de revoir les choses ! Aujourd'hui, l'État fait à peu près ce qu'il veut et nous ne pouvons pas contester l'idée qu'il faut modifier cette situation.
Imposer une part « déterminante » ou « significative » est directement lié à la définition des ressources propres : si on restreint cette notion, on ne peut pas conserver l'adjectif « déterminant ». Dans ces conditions, soit on s'oppose à la proposition de loi, soit on aménage le dispositif.
L'examen de ces textes nous permet finalement de nous pencher - de nouveau ! - sur la question de la fiscalité locale qui est obsolète. La fiscalité locale doit répondre aux besoins réels des collectivités, ce qui pose la question de la péréquation. Mais on ne peut évidemment pas régler ce problème en cinq minutes...
En ce qui concerne la taxe d'habitation, je reste favorable à l'existence d'un impôt citoyen, mais nous sommes bien obligés de prendre en compte la manière dont les choses évoluent et l'augmentation de la part des impôts nationaux dans les finances locales. Comme je le disais, il faudrait apporter plus de 21 milliards d'euros de fiscalité locale pour retrouver la situation antérieure et ce chiffre ne prend pas en compte la baisse attendue des impôts de production.
Enfin, le rapport que je vous propose contient un certain nombre d'éléments financiers sur l'impact de ces textes, mais uniquement concernant les aspects sur lesquels nous avons estimé devoir circonscrire notre saisine pour avis.
Le rapporteur pour avis propose à la commission des finances, sous réserve de la prise en compte de ses observations, de donner un avis favorable sur l'article 5 de la proposition de loi constitutionnelle n° 682 et sur l'article 4 de la proposition de loi organique n° 683.
Il en est ainsi décidé.
La réunion est close à 17 h 30.