Au cours d'une seconde séance, tenue dans l'après-midi, la commission a procédé à l'audition de M. François Loos, ministre délégué à l'industrie, sur le projet de loi n° 315 (2005-2006) de programme relatif à la gestion durable des matières et des déchets radioactifs.
Estimant que ce texte, adopté par l'Assemblée nationale le 12 avril dernier, marquait une étape décisive vers une solution sûre et de très long terme pour tous les déchets radioactifs grâce à l'implication des établissements de recherche, de leurs évaluateurs et des parlementaires investis sur ce sujet, M. François Loos, ministre délégué à l'industrie, a entamé son intervention en observant que, comme toute industrie, l'industrie nucléaire produisait des déchets, qu'il convenait de gérer avec la plus grande rigueur compte tenu de leur caractère radioactif.
Soulignant que, pour toutes les nations ayant choisi l'énergie nucléaire, la recherche des solutions de gestion à long terme de ces déchets était nécessaire, il a rappelé qu'en France avaient été produits des déchets depuis quarante ans, que pour 85 % du volume de ceux-ci, des solutions définitives de stockage en surface existaient déjà sur des sites exploités par l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA) dans les départements de la Manche et de l'Aube, et que les 15 % restants, concentrant 99,9 % de la radioactivité, étaient entreposés de façon sûre à La Hague (Manche), Marcoule (Gard) et Cadarache (Bouches-du-Rhône), dans des installations de surface n'ayant pour autant pas été conçues pour stocker définitivement ces déchets, dont la radioactivité peut durer des centaines de milliers d'années.
Il a précisé que, pour définir des solutions de gestion à long terme des déchets de haute activité et à vie longue, seuls, trois axes de recherches scientifiques apparaissaient possibles, une fois écartés l'envoi dans l'espace et l'injection dans les failles de subduction :
- la séparation des différents produits contenus dans les combustibles usés et la transmutation des éléments radioactifs à vie longue, technique actuellement étudiée à Marcoule visant à réduire le volume et la toxicité des déchets en séparant les éléments les plus toxiques et à vie longue et en les transformant en éléments radioactifs à durée de vie plus courte ;
- le stockage, irréversible ou réversible, des déchets en couche géologique profonde, étudié notamment grâce au laboratoire de Bure, à la limite des départements de la Meuse et de la Haute-Marne, dans une couche géologique vieille de 150 millions d'années, profonde et stable ;
- le conditionnement et l'entreposage de longue durée en surface.
a ensuite indiqué que, pour établir le projet de loi, le gouvernement s'était non seulement appuyé sur les résultats de ces recherches, mais aussi sur les rapports des établissements de recherche et sur les avis rendus par les organismes indépendants ayant évalué ces études. Il a ainsi cité les rapports synthétisant les études et les résultats acquis par le Commissariat à l'énergie atomique (CEA) et l'ANDRA, qui lui ont été remis le 30 juin dernier, ainsi qu'à son collègue chargé de la recherche, M. François Goulard, observant que ces recherches avaient été soumises à une évaluation continue de la Commission nationale d'évaluation (CNE) créée par la loi « Bataille » de 1991, confrontées aux meilleures connaissances acquises au niveau international, puisque des revues avaient été organisées sous l'égide de l'OCDE, et soumises à un avis de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Il a également souligné l'apport très précieux de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, notamment au travers des recommandations faites dans le cadre de son dernier rapport sur le sujet, adopté en mars 2005 sous la présidence de M. Henri Revol. Il a aussi indiqué que le Gouvernement avait complété ces éléments par un débat public, organisé d'une façon qu'il a jugée remarquable par la Commission nationale du débat public au dernier trimestre 2005, qui avait permis à nos concitoyens de s'informer sur ce sujet et d'exprimer leurs préoccupations et au Gouvernement d'être éclairé en lui apportant un « panorama des arguments ». Enfin, il a rappelé que le Conseil économique et social avait exprimé le 15 mars dernier un avis sur le projet de loi de programme.
Puis abordant les principaux objectifs et dispositions de ce texte, M. François Loos, ministre délégué à l'industrie, a indiqué qu'en premier lieu, il instituait un plan national de gestion des matières et déchets radioactifs. Après avoir précisé que ce plan inclurait non seulement les déchets de haute activité et à vie longue mais aussi, comme le recommandaient de nombreux participants au débat public, toutes les autres substances radioactives issues des activités nucléaires, telles les sources scellées utilisées dans la radiographie industrielle ou la médecine, les déchets issus des activités militaires, les résidus des mines d'uranium et même les anciens paratonnerres au radium, il a énuméré les trois principes essentiels sur lesquels il s'appuierait :
- afin de rechercher la réduction de la quantité et de la nocivité des déchets, les combustibles nucléaires usés issus des centrales électriques seront traités pour être recyclés dans des centrales ;
- les déchets ne pouvant être recyclés seront conditionnés dans des matrices robustes et stables et entreposés temporairement en surface ;
- enfin, après entreposage, ceux des déchets ultimes ne pouvant pas être stockés définitivement en surface ou en faible profondeur seront placés dans un stockage en couche géologique profonde, qui devra être réversible pendant une première période.
Ainsi, soulignant qu'il relevait de la responsabilité de l'actuelle génération, qui bénéficie ici et maintenant de l'énergie nucléaire, de définir des solutions sûres et de long terme pour tous les déchets radioactifs, il a estimé que ce plan national, en combinant le traitement des combustibles usés, le conditionnement et l'entreposage en surface pour refroidissement des déchets et enfin leur stockage géologique réversible, préparait efficacement l'avenir.
Il a ajouté que le projet de loi confirmait par ailleurs l'interdiction de stocker en France des déchets étrangers et renforçait la législation sur le sujet en encadrant le traitement des combustibles usés en provenance de l'étranger par des accords intergouvernementaux fixant, au cas par cas en fonction des contraintes techniques liées au traitement et au transport des substances, des délais limités pour l'entreposage de ces matières et des déchets qui en sont issus après traitement, et en créant un régime de contrôles et de sanctions qui n'avait pas été prévu en 1991.
Puis M. François Loos, ministre délégué à l'industrie, a observé qu'en deuxième lieu, le texte fixait un programme de recherches et de travaux pour mettre en oeuvre le plan national, ce programme étant assorti d'un calendrier tenant compte du degré de maturité respectif des trois axes retenus. Il a ainsi précisé :
- que l'entreposage était déjà une réalité industrielle même si on pouvait encore l'améliorer ;
- que si le stockage dans la couche géologique avait été reconnu par les évaluateurs comme « faisable » et « incontournable », il faudrait quelques années à l'Andra pour compléter les études, choisir un site précis et déposer une demande d'autorisation de construction ;
- que la transmutation restait un objectif de plus long terme, puisqu'il faudrait développer une nouvelle génération de réacteurs nucléaires pour pouvoir aller encore plus loin dans le recyclage des combustibles et la réduction des déchets ultimes, un prototype devant être mis en service vers 2020, conformément aux objectifs fixés par le Président de la République au début de l'année.
Il a ainsi observé que, tirant un bilan des quinze années de recherche scientifique réalisée sur les trois axes complémentaires qu'il n'y avait pas lieu d'opposer puisque chacun avait son utilité, même si ce n'était pas au même moment ou pour les mêmes déchets, le projet de loi fixait des orientations pour la poursuite des recherches et études jusqu'à la réalisation d'installations.
Abordant ensuite le troisième volet de ce texte, M. François Loos, ministre délégué à l'industrie, a indiqué qu'il renforçait l'évaluation indépendante des recherches, l'information du public et la concertation sur ce sujet en prévoyant des procédures particulièrement complètes. Il a précisé que la commission nationale d'évaluation, qui continuerait de rendre chaque année un rapport public sur le programme de recherche, voyait son indépendance réaffirmée, sa composition élargie et ses prérogatives renforcées. Il a ajouté que le comité local d'information et de suivi (CLIS) serait maintenu, mais qu'il devrait s'adresser plus que par le passé au grand public, sa mission étant précisée à cet égard, sa présidence confiée au président du conseil général et son financement rendu indépendant des producteurs de déchets.
Il a poursuivi en relevant que le projet de loi prévoyait par ailleurs que le stockage pourrait être autorisé par décret, après avis de l'ASN, débat et enquête publics et avis des collectivités territoriales concernées, soulignant au passage qu'aucune autre installation industrielle ne faisait l'objet d'une procédure aussi complète. Il a précisé que la décision effective de construction d'un centre de stockage ne pourrait intervenir que lorsque toutes les conditions de sûreté et de consultation prévues auraient été remplies, des entreposages sûrs continuant d'ici là d'accueillir les déchets, et que, dans l'hypothèse où les études menées dans les prochaines années mettraient en évidence une difficulté technique, ces entreposages continueraient de jouer leur rôle pendant le temps nécessaire. Assurant qu'en tout état de cause, les évaluations indépendantes, l'information et la concertation seraient poursuivies et renforcées pour permettre à chacun de se faire son opinion et de s'assurer de la sûreté des solutions proposées, il a indiqué avoir souhaité que le plan national de gestion des matières et déchets radioactifs et l'inventaire national de ces substances soient régulièrement mis à jour, transmis au Parlement et rendus publics, ajoutant que l'Assemblée nationale avait décidé d'aller encore plus loin en prévoyant un nouveau rendez-vous parlementaire pour fixer les conditions de réversibilité d'un stockage géologique avant qu'une autorisation individuelle ne puisse être accordée.
Enfin, M. François Loos, ministre délégué à l'industrie, a relevé qu'en dernier lieu, le projet de loi créait les outils nécessaires pour financer la gestion des déchets. Après avoir souligné que deux taxes additionnelles sur les exploitants d'installations nucléaires financeraient les recherches sur la gestion des déchets radioactifs et les actions de développement économique dans les départements concernés, il a indiqué que, pour financer le démantèlement et la gestion des déchets, les industriels du nucléaire, au premier rang desquels EDF, devraient constituer des provisions, affecter dès maintenant les actifs nécessaires à la couverture de ces provisions et les gérer en toute sécurité. Observant que le coût prévisionnel de la gestion des déchets était déjà compris dans le prix de l'électricité, ce coût représentant 10 euros sur les 600 euros de la facture annuelle moyenne d'électricité d'un foyer, il a estimé que, bien gérées, les sommes ainsi collectées pourraient financer, le moment venu, les charges de long terme. Il a précisé que le dispositif proposé, qui instituait des fonds dédiés et sécurisés à la fois chez les producteurs de déchets (EDF, AREVA, CEA) et chez le gestionnaire des déchets (ANDRA), permettrait de garantir le financement du démantèlement et de la gestion des déchets sans procéder à un transfert prématuré à l'Etat de ces charges, et donc des risques financiers.
En conclusion, après avoir affirmé qu'il n'avait pas l'intention de mettre en oeuvre la procédure d'urgence déclarée sur le texte, qu'il espérait voir adopté définitivement avant la fin de l'été 2006 conformément au souhait exprimé par le Président de la République dans ses voeux aux forces vives de la Nation, M. François Loos, ministre délégué à l'industrie, a fait part de sa conviction que le projet de loi permettra d'apporter une solution au problème des déchets radioactifs en fixant le cadre, les étapes et les moyens de leur gestion, et que, si le travail de l'Assemblée nationale avait déjà permis de l'améliorer en profondeur, celui du Sénat permettrait de le bonifier encore.
Estimant indispensable que le sujet des déchets radioactifs, qui concerne chacun en tant que consommateur d'électricité et en tant que citoyen attentif à la protection de la santé et de l'environnement, soit abordé sans tabou et que tous puissent s'en informer et en discuter, il a signalé qu'un site Internet dédié comportant tous les éléments et contributions ayant aidé à l'élaboration du projet de loi était ouvert ( www.loi-dechets-radioactifs.industrie.gouv.fr). Puis rappelant que l'industrie nucléaire procurait des avantages importants à la France en réduisant sa dépendance vis-à-vis des énergies fossiles importées, en produisant 80 % de son électricité à un coût compétitif et en participant à la maîtrise de ses émissions de gaz à effets de serre (l'émission de CO2 par habitant est inférieure de 40 % à celle des Allemands ou des Danois), il a estimé qu'avec cette loi, le Gouvernement proposait au Parlement, en toute responsabilité et dans une perspective de développement durable, de gérer les conséquences de l'électricité produite par la filière nucléaire dans la transparence vis-à-vis du public et sans reporter les questions sur les générations futures. Relevant qu'il appartenait aux scientifiques de trouver des solutions sûres et aux experts indépendants de les évaluer, il a enfin considéré que la loi permettrait à l'Etat de prendre les décisions en veillant à l'information du public et à la concertation.
A la suite de cet exposé, le ministre délégué a répondu aux questions des commissaires.
Après avoir rappelé que la loi Bataille de 1991 avait été exemplaire, y compris au plan mondial, et qu'elle avait prévu un rendez-vous parlementaire, M. Henri Revol, rapporteur, s'appuyant sur les auditions des parties prenantes qu'il avait ouvertes à ses collègues intéressés, a successivement abordé quatre points particuliers :
- s'agissant de l'article 7 bis du projet de loi, inséré par l'Assemblée nationale pour confier au Parlement le soin de fixer les conditions de la réversibilité du stockage en couche géologique profonde avant le dépôt de la demande d'autorisation de création d'un centre de stockage, il s'est interrogé sur la possibilité d'élargir le débat parlementaire au-delà de ce seul thème ;
- relevant que les engagements pris, lors de l'implantation du laboratoire souterrain à Bure, par les opérateurs concernés et les pouvoirs publics nationaux auprès des départements de la Meuse et de la Haute-Marne pour favoriser le développement économique local n'avaient pas été concrétisés à la hauteur des attentes des populations intéressées, il a souhaité obtenir des précisions sur la réflexion menée en matière de projets industriels et de recherche par le groupe de travail de haut niveau institué, à la demande du Premier ministre, dans la perspective de la création du centre de stockage en couche géologique profonde ;
- sans mettre en cause l'activité de l'ANDRA, de ses ingénieurs et de son management, il a regretté certaines maladresses de communication à l'égard des populations locales et souligné l'intérêt qu'il y aurait à ne pas les reproduire pour faciliter l'acceptabilité publique des projets en cours ;
- enfin, après avoir observé que le financement de la gestion des matières et déchets radioactifs avait constitué un sujet d'opposition entre la droite et la gauche à l'Assemblée nationale, il a demandé au ministre délégué s'il existait d'autres aspects du projet de loi susceptibles d'empêcher un large consensus.
Indiquant que les départements de la Meuse et la Haute-Marne avaient été candidats à l'accueil du laboratoire souterrain car ils disposaient d'espace, M. Bruno Sido a insisté sur l'importance, pour le Gouvernement, de traiter leurs habitants, très sensibilisés sur le sujet de l'implantation du centre de stockage en couche géologique profonde, avec délicatesse et considération, observant qu'à cet égard, le libellé de l'article 7 bis devrait certainement être précisé. Puis s'agissant de l'article 9 qui distingue deux zones différentes - la zone dite de proximité et celle dite des dix kilomètres - pour définir les collectivités susceptibles de participer au groupement d'intérêt public (GIP), il a fait part de ses craintes, d'une part, que certaines imprécisions du texte ne suscitent des difficultés de mise en oeuvre et, d'autre part et surtout, que l'équilibre satisfaisant trouvé par la loi de 1991 ne soit remis en cause de manière préjudiciable. Enfin, abordant la question du financement de l'accompagnement économique associé à l'implantation du laboratoire et du centre de stockage traitée par l'article 15, il s'est inquiété du contenu effectif des projets financés par la nouvelle taxe additionnelle dite de « diffusion technologique » et des critères que le Gouvernement prendra en compte pour fixer le niveau des coefficients multiplicateurs, indiquant qu'il n'était pas envisageable que les collectivités concernées perçoivent en définitive moins qu'aujourd'hui en ce qui concerne l'accompagnement.
En réponse, M. François Loos, ministre délégué à l'industrie, a tout d'abord estimé que si la Constitution ne permettait pas au Parlement de se substituer au pouvoir exécutif pour délivrer une autorisation de nature éminemment technique, il revenait cependant à la représentation nationale de définir les conditions substantielles à satisfaire pour rendre possible cette autorisation, le projet de loi prévu par l'article 7 bis étant à cet égard chargé de fixer, après un large débat, celles relatives à la réversibilité du centre de stockage. Il a ensuite indiqué que l'activité du groupe de travail de haut niveau institué, sur sa proposition, par le comité interministériel à l'aménagement et au développement du territoire (CIADT) de juillet 2005 pour garantir la réalité des engagements pris par les entreprises concernées, avait d'ores et déjà conduit à décider d'implanter à Verdun une usine de diester et que les commandes d'AREVA aux entreprises de la région étaient en augmentation.
Puis après être convenu que les maladresses de communication devaient être évitées et avoir estimé que l'ensemble du projet de loi manifestait un équilibre propre, selon lui, à susciter un consensus qu'il appelait de ses voeux, il a rappelé que l'Assemblée nationale avait étendu la zone de proximité vers des bassins d'emploi situés à plus de dix kilomètres de l'installation concernée. Enfin, ayant indiqué que l'idée d'un financement supplémentaire pour la diffusion technologique émanait également des députés, soucieux de faciliter par ce moyen la diffusion des recherches menées dans le laboratoire de Bure à des domaines connexes, M. François Loos, ministre délégué à l'industrie, a souligné que si chaque GIP bénéficiait aujourd'hui d'une dotation de 10 millions d'euros, cette somme pourrait à l'avenir être multipliée au maximum par trois, l'application de coefficients pluriannuels fixés par voie réglementaire ayant pour objet d'adapter le financement total à l'évolution réelle des choses, certaines entreprises pouvant notamment s'implanter ou se développer localement.
Poursuivant le débat, Mme Evelyne Didier a demandé des précisions sur les définitions figurant à l'article 3 du projet de loi, s'interrogeant notamment sur les divers usages du mot stockage ou sur la différence existant entre des déchets radioactifs (substances radioactives pour lesquelles aucune utilisation ultérieure n'est prévue ou envisagée) et des déchets radioactifs « ultimes » (déchets qui ne peuvent plus être traités et donc pour lesquels aucune utilisation ultérieure ne peut non plus être prévue ni envisagée).
Tout en reconnaissant que des efforts d'information et de transparence avaient incontestablement été réalisés, M. Claude Biwer a invité le ministre délégué à approfondir les explications et à fournir les précisions permettant aux élus nationaux de convaincre les populations locales, qui ont le sentiment qu'on les invite à signer un marché dont elles ne connaissent pas les termes. A cet égard, rappelant qu'en 1991, le conseil général de la Meuse avait approuvé à l'unanimité l'accueil du laboratoire souterrain, il a observé que ce même conseil avait, la semaine dernière, refusé de manière unanime le stockage dans les conditions prévues par le projet de loi. Enfin, manifestant son inquiétude à l'égard de l'application d'un coefficient multiplicateur de 0,5, alors que la valeur de 1,0 représente les sommes actuellement perçues, il a souligné que la priorité des élus locaux était le développement de l'emploi.
Après s'être félicité que le ministre délégué n'envisage pas de recourir à la procédure d'urgence sur un texte dont l'importance pour nos concitoyens mérite un large débat parlementaire, M. Gérard César a demandé si le laboratoire de Bure resterait en activité une fois le stockage des déchets engagé et si le calendrier de ce stockage était arrêté.
Répondant à ces intervenants, M. François Loos, ministre délégué à l'industrie, a tout d'abord indiqué que l'ensemble du projet de loi se référait aux définitions posées par son article 3, définitions qui recueillaient l'assentiment de toute la communauté scientifique, avant de préciser que :
- l'entreposage se distinguait du stockage en ce qu'il était temporaire, alors qu'un site de stockage avait vocation à une conservation ne nécessitant aucune intervention, même si la réversibilité pouvait être rendue possible ;
- un déchet radioactif ultime ne pouvait pas être réutilisé dans l'état des connaissances techniques du moment.
Observant ensuite que la récente opposition du conseil général de la Meuse concernait un éventuel stockage irréversible des déchets radioactifs, il a relevé que le projet de loi rendait précisément obligatoire la possibilité de la réversibilité et souligné à cet égard l'intérêt du rendez-vous parlementaire prévu par l'article 7 bis pour préciser les conditions de celle-ci.
Enfin, après avoir indiqué que le recours aux coefficients visait à permettre une adaptation aux évolutions des situations concrètes, il a confirmé que le laboratoire continuerait à fonctionner après la mise en service du centre de stockage, relevant que le projet de loi organisait le calendrier de celle-ci en fixant à 2015 l'instruction de la demande d'autorisation et à 2025 le début de l'exploitation, et soulignant que le centre ne serait pas nécessairement installé exactement à l'emplacement du laboratoire.
Remerciant le Président Jean-Paul Emorine d'avoir invité les membres du groupe d'études de l'énergie à assister à l'audition du ministre délégué, M. Gérard Longuet a souhaité expliquer les raisons de la sensibilité, voire de la méfiance, des habitants des départements de la Meuse et de la Haute-Marne à l'égard du processus actuel. Il a tout d'abord rappelé que si la filière nucléaire française était un succès scientifique et industriel, il avait fallu attendre 1991, et l'implication de MM. Henri Revol, Claude Birraux et Christian Bataille, pour que la question du traitement des déchets ne soit plus considérée comme subalterne et qu'elle devienne une préoccupation abordée dans la transparence. Estimant ainsi que le rôle du Parlement avait été décisif pour rendre possible cette évolution, il a ensuite souligné que la Meuse et la Haute-Marne, grâce à la solidarité des responsables locaux et des gouvernements successifs, avaient été les seuls à accepter de prendre le risque d'accueillir un laboratoire, les deux autres sites envisagés n'ayant pas pu être retenus en définitive. Relevant que le stockage des déchets conditionnait le fonctionnement de tout le programme nucléaire français, il a estimé que la solidarité dont faisaient montre ces deux départements justifiait qu'ils soient traités comme des partenaires par les autorités nationales.
S'agissant aujourd'hui du stockage des déchets radioactifs, M. Gérard Longuet a considéré qu'une décision formelle du législateur était nécessaire pour apporter aux populations locales les garanties qu'elles étaient en droit d'exiger, aider les responsables politiques locaux à s'opposer efficacement aux pétitions et autres demandes de référendum, et obliger les opérateurs comme AREVA, EDF ou le CEA à respecter leurs obligations et engagements. Rappelant du reste que la loi Bataille de 1991 prévoyait expressément que la décision du stockage devait être conditionnée au vote d'une loi, il a estimé qu'un débat entre l'exécutif et le législatif dans un cadre parlementaire était largement préférable à une opposition entre le gouvernement et l'opinion publique. Enfin, soulignant que la gestion de l'après-mine démontrait que la fin d'une exploitation n'était pas sans conséquences pour l'économie locale, d'autant que la disparition des interlocuteurs industriels aggravait les difficultés lorsque les engagements n'étaient pas tenus, il a relevé que la somme de 20 millions d'euros dont bénéficiaient actuellement les GIP ne représentait qu'entre la moitié et les deux-tiers du produit annuel de taxe professionnelle acquitté par une centrale nucléaire, ce qui était en définitive fort peu au regard des déchets produits par l'exploitation des 56 réacteurs en activité.
a indiqué que si son groupe examinerait le projet de loi sans remise en cause des principes fondamentaux de la politique énergétique de la France et dans un esprit de responsabilité, il serait attentif à la qualité du travail de la commission et vigilant quant à la transparence vis-à-vis de l'opinion. Puis il a relevé que, dans le cadre du rapport d'information sur le développement durable qu'il rédigeait avec M. Pierre Laffitte pour le compte de l'OPECST, des géologues lui avaient fait part de leurs interrogations sur les méthodes de fonctionnement et l'expertise du laboratoire de Bure, soulignant en particulier que le « point zéro » n'avait été ni scientifiquement, ni formellement établi : aussi a-t-il interrogé le ministre délégué sur le moyen de confondre cet argument. Par ailleurs, l'un comme l'autre ayant tout récemment visité en Alberta (Canada) un site d'exploitation de schistes bitumineux, il lui a demandé quelle était son opinion quant aux ravages environnementaux résultant de cette activité.
Faisant référence à la mise en oeuvre du principe de précaution et considérant, en prenant l'exemple du réchauffement climatique, que se posaient des problèmes bien plus graves à moyen terme que l'enfouissement des déchets nucléaires, M. Dominique Mortemousque a souligné l'importance qu'il y avait à délivrer toutes les informations permettant de rassurer les populations et de leur garantir que leurs élus se préoccupaient bien des difficultés susceptibles de poindre.
En réponse à cette dernière série d'intervenants, M. François Loos, ministre délégué à l'industrie, a rendu hommage aux départements de la Meuse et de la Haute-Marne, dont les décisions permettent effectivement à la Nation de poursuivre son programme nucléaire et aux opérateurs de développer leurs capacités de produire dans la durée et dans de bonnes conditions, et indiqué que pour matérialiser la reconnaissance due à ces territoires, le Gouvernement s'attachait, notamment dans le cadre des décisions prises par le comité interministériel d'aménagement et de compétitivité des territoires (CIACT), à garantir le caractère effectif des retombées économiques dont ils devaient bénéficier à moyen terme.
S'agissant de la clause de rendez-vous prévue par l'article 7 bis du texte, il a estimé que s'il ne semblait pas possible que le Parlement accorde l'autorisation d'ouverture du centre en raison du caractère extrêmement technique de cet acte administratif, qui devra être préparé et instruit en particulier par des scientifiques, la représentation nationale devait définir les conditions de la réversibilité du stockage préalablement à la décision du pouvoir exécutif. A cet égard, il a souligné que la question du « point zéro » relevait bien de cette problématique, le rôle du législateur étant de garantir la transparence de l'évaluation permettant d'établir la vérité scientifique et non de participer directement à l'établissement de celle-ci.
En ce qui concerne l'exploitation des sables bitumineux, dont la rentabilité resterait effective tant que le prix du baril de pétrole se maintiendrait à son niveau actuel, il a souligné que la méthode d'exploitation canadienne était ancienne et que Total, pour sa part, avait adopté des techniques bien plus respectueuses de l'environnement.
Enfin, M. François Loos, ministre délégué à l'industrie, a fait part de sa satisfaction que la transparence de l'information, en particulier de nature scientifique et technique, et le large débat public ayant préparé l'étape actuelle, aient permis d'établir la liste de tous les sujets de préoccupation de nos concitoyens et, à ceux de ces derniers qui le souhaitaient, de s'exprimer en toute liberté : il a souligné à cet égard que si tout le monde n'était pas convaincu à l'issue de ce débat, les éléments de réponse existaient, rappelant d'ailleurs qu'ils figuraient en ligne sur le site du ministère de l'industrie.
Souscrivant aux propos du ministre délégué, M. Jean-Paul Emorine, président, a relevé en conclusion que la période était propice pour rassurer l'opinion publique, puisque le Sénat s'apprêtait à examiner en deuxième lecture l'important projet de loi relatif à la transparence et à la sûreté nucléaire.