Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission a procédé à l'audition de MM. Bernard Quintreau, président de la section du cadre de vie, et Paul de Viguerie, rapporteur, du Conseil économique et social (CES) sur le projet de loi de programme relatif à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement.
Après avoir précisé que six sections du Conseil économique et social et une quinzaine de rapporteurs avaient été mobilisés sur le projet de loi de programme relatif à mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement, M. Bernard Quintreau, président de la section du cadre de vie, a rappelé que le CES s'intéressait depuis longtemps aux questions d'environnement et a indiqué que son vote sur le texte avait été positif, sous réserve de quelques critiques.
Rappelant le cadre constitutionnel de la saisine du CES, M. Paul de Viguerie, rapporteur, a fait valoir que celui-ci, saisi le 30 avril, avait rendu son avis le 27 mai après avoir auditionné le ministre d'Etat. Il a précisé que les différentes sections du CES avaient repris un certain nombre de leurs préconisations antérieures. Abordant la première partie de l'avis rendu par le conseil, il a insisté sur les évolutions du contexte intervenues depuis la tenue du Grenelle de l'environnement, tant sur le plan international, avec la crise alimentaire, et la hausse du prix des matières premières, que national, avec la mise en oeuvre de réformes structurelles destinées à résorber le déficit public. Le processus du Grenelle devrait en outre s'accélérer sous l'effet de la Présidence française de l'Union européenne, qui poursuit notamment l'objectif d'un accord sur le « paquet Climat-énergie ». Enfin, les textes d'application du Grenelle devraient être prochainement soumis au conseil des ministres, celui-ci ayant été saisi aujourd'hui du projet de loi de programme.
a ensuite insisté sur la volonté du CES de replacer le projet de loi dans son contexte, c'est-à-dire la Stratégie nationale du développement durable et l'inscription de la Charte de l'environnement dans le Préambule de la Constitution. Estimant le processus du Grenelle très innovant, il a souligné qu'il avait permis l'émergence de 273 engagements communs élaborés par cinq catégories d'acteurs réunis pour la première fois et ayant traditionnellement des approches différentes. Si tout le monde s'accorde sur l'idée d'une accélération du réchauffement climatique et la nécessité de traiter au plus vite le problème énergétique, il convient désormais de traduire concrètement, juridiquement, budgétairement, les termes du Grenelle.
a ensuite exprimé les souhaits du CES :
- l'inscription du Grenelle de l'environnement dans le cadre cohérent de la Stratégie nationale du développement durable, qui doit donner lieu à un débat annuel à l'Assemblée nationale et au Sénat, et l'association du CES à la préparation de ce débat ;
- la nécessité de porter le plus rapidement possible à la connaissance des décideurs les textes d'application du Grenelle, ainsi que les mesures qui seront intégrées dans le projet de loi de finances pour 2009, afin « d'éclairer » le projet de loi de programme ;
- l'élaboration d'un document général à visée pédagogique rassemblant l'ensemble de ces dispositions.
Puis il a fait part des préalables posés par le CES à l'adoption du projet de loi. Il convient tout d'abord de ne pas isoler la dimension nationale de la dimension internationale, notamment en mettant en oeuvre les obligations communautaires de la France, processus en cours dans le cadre du projet de loi sur la responsabilité environnementale. Il faut également mettre l'accent sur l'innovation, la recherche et la formation professionnelle : à propos de l'objectif de création de 500.000 emplois, tous les acteurs s'accordent en effet à dire que les nouveaux métiers et qualifications ne seront pas opérationnels avant deux ou trois ans. Il est également indispensable d'ajouter aux deux objectifs fixés par le texte (maintien de la compétitivité et du pouvoir d'achat) un autre sur l'acceptabilité sociale des changements annoncés. Enfin, sur le plan financier, il faut raisonner en coût global, incluant l'investissement, le fonctionnement et la maintenance et évaluer les efforts contributifs des uns et des autres.
a ensuite évoqué les demandes d'éclaircissement du CES sur certains points, notamment celui de la neutralité fiscale. Il a également soulevé le problème du financement initial des mesures, dans la mesure où les économies d'énergie ne pourront constituer de nouvelles sources de financement qu'après quelques années. Rappelant les priorités fixées par le CES à la loi de finances pour 2009 en matière de formation et de recherche, il a appelé de ses voeux la mise en place d'une programmation pluriannuelle, désormais permise par la loi organique relative aux lois de finances. Il s'est ensuite félicité de l'effet d'entraînement que devrait engendrer la volonté de l'Etat de se montrer exemplaire quant à la gestion des 70 millions de mètres carrés de bâtiments publics.
a ensuite précisé que certains amendements avaient donné lieu à des débats nourris au sein du CES, comme celui sur les pesticides, ce qui démontre que certaines questions ne sont pas closes et que la réflexion doit se poursuivre. Rappelant la diffusion, au moment de la conférence de Kyoto, d'un document américain intitulé : « La guerre stratégique du réchauffement climatique », il a conclu qu'il fallait désormais avancer très vite sur cette question.
a insisté sur les deux priorités que sont la formation et la recherche et relevé que les économies d'énergies constituaient des sources de financement intéressantes.
Citant un constitutionnaliste qui estime que « les trois quarts des mesures du projet de loi sont d'ordre réglementaire et le reste s'approche de la déclaration d'intention », M. Bruno Sido, président du groupe de suivi du Grenelle de l'environnement a questionné le rapporteur du CES sur la portée normative des dispositions du texte. Il s'est demandé si le CES avait étudié, à l'occasion de l'examen de ce projet de loi, la manière dont les dispositions de lois de programme antérieures avaient été respectées. Il s'est enfin interrogé sur les lacunes de la programmation financière du texte, les priorités à mettre en oeuvre dans la prochaine loi de finances et, enfin, l'évaluation du coût des mesures.
a fait part de sa satisfaction de l'utilisation, par les intervenants, de la notion de « développement durable », qui repose sur trois piliers, environnemental, économique et social. Après avoir insisté sur la nécessaire acceptabilité sociale des propositions, il s'est interrogé, s'agissant du logement, sur la compatibilité entre les exigences affichées de qualité et de quantité et entre les objectifs du Grenelle et ceux fixés par la ministre du logement en matière de production de logements à faible coût. Il s'est ensuite inquiété du relatif respect, par les comités opérationnels, des conclusions du Grenelle. Abordant le sujet des déchets, il a demandé si une loi-cadre était nécessaire et si le CES proposait un système alternatif aux deux modes de financement, actuellement peu satisfaisants, du traitement des ordures ménagères. Enfin, il s'est demandé si les mesures proposées en matière de responsabilité élargie du producteur étaient à la hauteur des enjeux.
Après avoir relevé la brièveté du délai dont avait disposé le CES pour rendre son avis, M. Daniel Reiner a demandé des précisions sur le calendrier législatif à venir. Il s'est ensuite interrogé sur le statut juridique du texte proposé, distinct selon lui des lois de programmation que le Parlement a l'habitude d'examiner, par exemple en matière militaire. Il a souligné à cet égard que la vraie question à venir concernait les modalités de mise en oeuvre concrète des conclusions du Grenelle et la possibilité d'obtenir des accords au niveau européen, notamment sur le « Paquet climat-énergie ». Estimant que le texte proposé ne constituait pas une avancée tangible par rapport aux propositions issues du Grenelle, il a demandé si l'Etat avait les moyens de les mettre en oeuvre, citant la réalisation de 2.000 kilomètres de lignes TGV ou de transports en site urbain, alors même que les financements annoncés pour ces derniers ont déjà été revus à la baisse, de 4 à 2,5 milliards d'euros.
a précisé que le projet de loi relevait de la catégorie des lois de programmation définies par la Constitution.
Revenant sur la notion d'« Etat exemplaire », M. François Fortassin s'est interrogé, exemple à l'appui, sur la crédibilité de l'Etat, alors même que celui-ci propose un projet de loi dépourvu de tout chiffrage budgétaire.
s'est interrogée sur la mention, dans le rapport du CES, de la notion de « maîtrise foncière, clé du développement rural » et a souligné que l'Etat devait être garant, et non gérant. En réponse, M. Jean-Paul Emorine, président, a précisé qu'il s'agissait du titre d'un précédent rapport du CES.
a demandé si les besoins de financement engendrés par les mesures annoncées entraîneraient des redéploiements de dépenses. Il a estimé, à titre d'exemple, que le développement de l'agriculture biologique nécessitait un soutien à la production qui devrait passer par une réduction de certaines aides à d'autres types de producteurs agricoles.
En réponse aux différents intervenants, M. Paul de Viguerie a précisé les éléments suivants :
- le CES est conscient des difficultés posées par le statut juridique du texte et a relevé à ce sujet dans son rapport : « beaucoup d'observateurs, au sein du Conseil économique et social comme à l'extérieur, ont noté que nombre d'articles ou de parties d'articles n'avaient pas de valeur « normative » au sens législatif du terme. En conséquence, le risque existe de voir supprimer à un stade où à un autre de la procédure ultérieure certains des principes énoncés dans le texte, sans les reprendre dans l'exposé des motifs. La meilleure manière pour éviter un tel risque serait de revenir à une rédaction des articles en cause plus « normative » en précisant tout à la fois les échéances finales et intermédiaires que le législateur fixe à l'exécutif et les moyens qu'il lui alloue pour en assurer la bonne exécution » ;
- présentes pour le volet transport, mais pas pour le bâtiment, les dispositions de programmation financière sont très inégales. Il est par ailleurs extrêmement difficile d'évaluer le coût total des mesures proposées ;
- les premiers efforts doivent impérativement porter sur la recherche, la santé, les transferts de technologie propre et la formation ;
- les objectifs très ambitieux fixés en matière de logement pourraient se heurter à certains obstacles pratiques ; à titre d'exemple, s'agissant des organismes d'Etat comme l'Agence nationale de rénovation urbaine, les contrats de projets avec les collectivités territoriales sont déjà passés et les appels d'offres lancés ;
- la question de la neutralité fiscale doit être abordée sous un angle global, mettant en jeu l'Etat et les collectivités territoriales, celles-ci devant en conséquence être associées à l'examen du texte ;
- l'objectif de « signal-prix » est pertinent, mais ne constitue pas forcément la panacée dans tous les domaines ; il en va de même de la taxe sur les poids lourds ;
- une loi-cadre sur les déchets ou sur l'eau est nécessaire, comme le souligne le très récent avis rendu par les CES sur la politique des déchets ;
- la question de l'acceptabilité sociale des mesures est très importante : elle a d'ailleurs beaucoup progressé en quelques années sur certains sujets comme l'urbanisme ou les transports en commun ;
- il existe des instances institutionnelles, comme le Conseil de la consommation, qu'il serait pertinent de saisir sur certaines mesures concrètes d'application du Grenelle ;
- le CES a demandé aux organisations non gouvernementales de réaliser un comparatif entre les conclusions du Grenelle et les articles du projet de loi : les divergences sont peu nombreuses, il s'agit par exemple du repli de 4 à 2,5 milliards d'euros pour le financement des transports en site urbain ; cet exercice est toutefois rendu compliqué par le fait que toutes les mesures proposées ne sont pas encore connues.
a relevé que la hausse du prix du pétrole rendait beaucoup plus délicate la mise en oeuvre de la taxe poids lourds et souligné que les consensus pouvaient en conséquence évoluer dans le temps.
a estimé en conclusion que le problème portait désormais sur les choix à arrêter pour la mise en oeuvre du Grenelle et son financement. Il s'est également félicité des analyses du Conseil économique et sociale et jugé que celui-ci jouait pleinement son rôle.