La mission commune d'information a procédé à l'audition de M. Jean-Yves Grandidier, vice-président du Syndicat des énergies renouvelables.
A titre liminaire, M. Jean-Yves Grandidier a effectué une brève présentation du syndicat des énergies renouvelables (SER), soulignant que, composé de 250 adhérents, dont environ 160 producteurs d'énergie éolienne, il jouait un rôle d'interlocuteur avec les pouvoirs publics dans le secteur des énergies renouvelables (ENR). Il a par ailleurs indiqué qu'à titre personnel, outre la vice-présidence du SER, il occupait également la présidence du syndicat France Energie Eolienne (FEE), qui rassemble en son sein l'ensemble de la filière éolienne.
Puis, évoquant les perspectives de développement des ENR en France, M. Jean-Yves Grandidier a relevé que la programmation pluriannuelle des investissements (PPI) de production électrique, qui couvre la période 2005-2015, prévoyait une augmentation substantielle de la part des ENR dans le « bouquet » énergétique français. Il a précisé que l'éolien pourrait représenter 14 500 mégawatts (MW) de puissance installée en 2010 et 18 000 en 2015, et jugé prometteur le développement de la filière photovoltaïque en raison de sa rentabilité croissante, remarquant au passage que la production d'électricité d'origine solaire en Allemagne avait, au cours de la seule année 2004, augmenté de 400 MW. En revanche, il a estimé que l'électricité issue de la biomasse atteindrait rapidement son maximum en raison des autres usages potentiels de celle-ci, notamment pour les réseaux de chaleur.
Tout en indiquant que la France avait, au cours des dix dernières années, accumulé un retard important dans le développement de la filière éolienne par rapport à l'Espagne et à l'Allemagne, il a affirmé qu'il était peu probable que les objectifs en matière d'éolien fixés pour 2010 par la PPI soient atteints (trois quarts de la production d'ENR), estimant en revanche qu'ils pourraient l'être à l'horizon 2015 (deux tiers). Après avoir jugé nécessaire d'alléger les contraintes administratives pour l'installation d'éoliennes en France, il a déploré la baisse du nombre de permis de construire délivrés entre 2005 et 2006. Cette évolution est liée aux servitudes existant dans le périmètre des radars météorologiques et militaires, qui freinent le développement des éoliennes, et à l'application anticipée dans certains départements du dispositif des zones de développement de l'éolien (ZDE), créé par la loi du 13 juillet 2005.
Observant la situation de la production d'énergie éolienne dans d'autres pays, M. Jean-Yves Grandidier a mis en évidence l'avance de l'Allemagne et de l'Espagne, les deux premiers producteurs mondiaux avec 20 622 MW et 11 615 MW de puissance installée, suivis de près par les Etats-Unis avec une puissance de 11 603 MW, la France se situant à la dixième place. Puis, ayant fait remarquer que la production d'électricité d'origine éolienne par habitant au Danemark était la plus élevée au monde, avec une puissance installée totale de 3 136 MW, il a indiqué qu'entre 2005 et 2006, la production mondiale d'électricité éolienne avait progressé de 25 % et que la France avait doublé son parc de production éolien.
Un large débat a suivi cette intervention.
s'est déclaré moins sceptique que le vice-président du SER quant à la capacité de la France à atteindre l'objectif de 21 % d'énergies renouvelables en 2010, observant notamment qu'un grand nombre d'éoliennes se construisaient dans la région Picardie. Puis il s'est interrogé sur le développement des capacités de production des éoliennes offshore et sur les problèmes que la multiplication de ces installations pouvait poser pour le partage de la taxe professionnelle.
Remarquant que les éoliennes offshore représentaient, dans la PPI, 4 000 MW sur les 18 000 MW d'éolien prévus en 2015, M. Jean-Yves Grandidier a indiqué qu'il s'agissait d'une filière présentant, d'une part, des risques industriels élevés, en raison d'un cadre juridique incomplet, notamment en ce qui concerne l'affectation et la répartition de la taxe professionnelle et le statut des concessions d'endigage, et, d'autre part, des risques techniques liés à la construction (immobilisation du capital) et à l'exploitation de ce type d'installations. Relevant notamment les difficultés pour accéder aux installations en cas de tempête, il a estimé nécessaire de développer les systèmes de contrôle à distance de ces machines.
Evoquant l'exemple de l'Espagne et de l'Allemagne, pays où la part de la production d'électricité éolienne est importante, M. Bruno Sido, président, s'est interrogé sur les problèmes posés par le développement de cette production d'électricité, par nature variable puisque totalement dépendante du vent, sur la régulation de l'équilibre entre l'offre et la demande. A ce titre, il s'est demandé s'il existait un niveau au-delà duquel le recours à l'énergie éolienne rendait plus difficile, voire impossible, la gestion du réseau.
S'appuyant sur une étude réalisée par le syndicat France énergie éolienne, M. Jean-Yves Grandidier a souligné que l'aléa que représente la production d'électricité d'origine éolienne était plus faible que celui lié à la variabilité du niveau de la consommation d'électricité, qui peut, pendant certaines périodes, dépasser de 8 000 MW les prévisions, alors que la différence entre la production éolienne constatée et la production prévue n'excédait pas 2 000 MW. Se fondant sur l'exemple allemand, il a estimé que, dans ces conditions, le gestionnaire de réseau pouvait, sans trop de complications supplémentaires, ajuster la production à la demande lorsque cela était nécessaire.
a fait observer que, lors de la panne du 4 novembre dernier, la déconnexion des centrales éoliennes du réseau électrique en raison de la chute de la fréquence de 50 à 49 hertz (Hz) avait été un facteur qui avait aggravé le déséquilibre entre l'offre et la demande. Il s'est ainsi demandé si le SER étudiait des solutions pour éviter qu'une telle situation ne se produise.
Reconnaissant que l'éolien avait été un facteur d'aggravation de la panne, en particulier dans la zone ouest de l'Europe, mais qu'il n'était pas à son origine et que la déconnexion des unités de cogénération avait également eu sa part de responsabilité, M. Jean-Yves Grandidier a précisé qu'il était techniquement possible, moyennant un surcoût important, de modifier la conception des installations pour qu'elles restent solidarisées au réseau, y compris dans les cas où la fréquence diminuerait jusqu'à 47,5 Hz.
A cet égard, M. Bruno Sido, président, s'est interrogé sur la nécessité d'une harmonisation des règles de déconnexion des moyens de production électrique au niveau européen.
Tout en reconnaissant l'absence d'harmonisation en la matière à l'heure actuelle, M. Jean-Yves Grandidier a observé qu'il s'agissait à la fois d'un problème de réglementation et de conception, les producteurs devant engager des réflexions approfondies sur les problèmes liées aux chutes de fréquence similaires à celles faites sur les chutes de tension, afin que les fabricants de turbines puissent intégrer de nouvelles normes.
Estimant quant à lui que la différence entre les prévisions et les niveaux constatés était plus importante dans le domaine de la production éolienne que dans celui de la consommation d'électricité, M. Bruno Sido, président, s'est demandé, dans le cas où la part de l'éolien dans la production totale française augmenterait de manière importante, s'il n'était pas nécessaire de développer, en parallèle, des moyens de production thermiques pour suppléer les installations éoliennes en l'absence de vent.
Ayant expliqué qu'avec une puissance installée totale de 10 000 MW d'origine éolienne sur un territoire donné, la puissance effectivement constatée n'excédait jamais 8 000 MW, M. Jean-Yves Grandidier a fait valoir que la production d'éolien présentait une certaine régularité, puisqu'à tout instant, y compris en période de pointe de consommation, le même parc type de 10 000 MW offrait en permanence 3 000 MW d'électricité et que, pendant 70 % de l'année, cette puissance se situait entre 1 000 et 5 000 MW. Il a relevé que, dans les pays ayant massivement recours à l'éolien, aucun moyen de production thermique supplémentaire n'avait été construit pour compenser l'intermittence de la filière éolienne.
Puis M. Marcel Deneux, rapporteur, s'est interrogé sur l'avenir des petits producteurs d'énergie éolienne et sur la nature des relations contractuelles entre ceux-ci et le gestionnaire du réseau de transport d'électricité, RTE.
Reconnaissant que le marché français était organisé autour de petits acteurs, M. Jean-Yves Grandidier a estimé qu'a long terme, les principaux électriciens européens seraient tenus de s'intéresser au développement de l'énergie éolienne, du fait de la croissance de ce moyen de production dans le « bouquet » énergétique. Puis, indiquant qu'à la différence de l'Espagne, les producteurs pouvaient accéder au réseau à tout instant sans avertir à l'avance du niveau de leur apport, il a concédé que cette situation ne pourrait probablement pas être maintenue.
a soulevé les difficultés liées au raccordement des éoliennes aux réseaux et aux postes de transformation, et évoqué les conflits d'usage que pouvaient susciter les éoliennes off-shore avec les professionnels de la pêche, faisant remarquer leur inquiétude croissante face aux projets de parcs marins.
Considérant que les difficultés de raccordement aux réseaux et aux postes concernaient essentiellement le sud de la France, notamment les régions Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées, M. Jean-Yves Grandidier a jugé nécessaire d'augmenter les capacités de transit du réseau, le SER examinant cette question en liaison avec RTE. En ce qui concerne les éoliennes offshore, il a estimé que la concertation avec les professionnels de la pêche était fondamentale, saluant à cet égard le dialogue mené à Port-la-Nouvelle entre la filière éolienne et les acteurs locaux de l'espace maritime.
Puis, à M. Gérard Longuet qui lui demandait si les coûts de démantèlement des éoliennes étaient provisionnés, M. Jean-Yves Grandidier a indiqué que si la loi du 2 juillet 2003 avait instauré une obligation à la charge des exploitants éoliens de provisionner les sommes nécessaires au démantèlement et à la remise en état du site à la fin de son exploitation, les décrets d'application de cette disposition n'avaient toujours pas été publiés. Il a toutefois fait valoir qu'en l'absence d'obligation applicable, les exploitants s'astreignaient néanmoins à respecter cette règle, et que les sommes liées au démantèlement de l'installation étaient évaluées à 1 % du coût de la construction.
s'est ensuite interrogé sur la possible contradiction entre l'objectif de 20 % d'ENR dans le bouquet énergétique de l'Union européenne, proposé par la Commission européenne dans le cadre du « paquet » énergie, et la sécurité d'approvisionnement en électricité.
Rappelant que les ENR constituaient, par définition, des énergies locales abondantes sur le territoire national, présentant le double avantage d'être non polluantes et de favoriser l'indépendance énergétique, M. Jean-Yves Grandidier a indiqué que la variabilité de la production de l'éolien avait fortement diminué. Il a par ailleurs précisé que le chiffre de 20 % d'ENR ne concernait pas seulement la production d'électricité, mais aussi le secteur des transports et la production de chaleur, estimant néanmoins que la réalisation de cet objectif passerait nécessairement par un développement important de la production d'électricité d'origine éolienne.
a ensuite demandé des précisions sur la nature exacte des contraintes administratives qui, en France, entravaient le développement de la filière éolienne.
Reconnaissant que les servitudes imposées par l'implantation des radars militaires et civils et des stations météorologiques constituaient des obstacles importants au développement de l'éolien, M. Jean-Yves Grandidier s'est inquiété de l'allongement à dix-huit mois en moyenne des délais d'instruction des demandes de permis de construire, au lieu des cinq mois réglementaires, même s'il a jugé légitime la prudence des préfets au regard des risques de contentieux. Il a à cet égard plaidé pour la création d'un comité national éolien, composé d'experts et de représentants des ministères, qui pourrait faciliter l'installation des éoliennes dans le cas où les acteurs locaux ne parviendraient pas à s'entendre.
Il a ensuite jugé, pour les radars météorologiques, indispensable de concilier les intérêts économiques et énergétiques liés au développement de la filière éolienne et la recherche d'une fiabilité accrue des prévisions météorologiques. S'agissant des radars militaires, tout en reconnaissant la nécessité de ne pas porter atteinte aux exigences tenant à la sécurité nationale, il a émis des doutes quant aux perturbations réelles que les éoliennes seraient de nature à provoquer sur le fonctionnement des appareils situés en moyenne et haute altitude.
s'étant inquiété de l'équilibre économique de l'activité de production d'électricité à partir de l'éolien, au regard notamment de l'importance des coûts de production, M. Jean-Yves Grandidier a d'abord rappelé que l'électricité d'origine éolienne était achetée au tarif de 82 euros le mégawattheure (MWh), avant de relever qu'entre 2003 et 2006, le prix de l'électricité sur les marchés libéralisés avait augmenté, en moyenne, de 20 % par an, ce prix s'établissant à 58 euros le MWh en 2007. De ce fait, a-t-il poursuivi, le coût pour le consommateur, lié à l'obligation d'achat des ENR, avait diminué, dans la mesure où la compensation des charges du service public de l'électricité (CSPE) était calculée par référence aux prix de marché. En faisant l'hypothèse que le prix de l'électricité sur les marchés libres continuerait à progresser à un rythme de 5 % par an, ce qui est vraisemblable compte tenu de la crise énergétique actuelle, il a indiqué que le coût de l'électricité d'origine éolienne continuerait à être compensé au titre de la CSPE jusqu'en 2015, date à laquelle le coût d'achat du MWh « éolien » devenant inférieur à celui du marché, la filière ne fera plus l'objet d'une compensation et deviendra rentable pour le consommateur, puisque son apport contribuera à réduire le coût de l'électricité. Pour démontrer que le recours à l'éolien constituait un facteur de stabilité des prix de l'électricité dans la mesure où son coût de production ne dépend pas de l'évolution des prix des hydrocarbures, il a fait valoir qu'au Danemark, l'éolien avait permis de réduire de 10 à 15 % le prix de l'électricité sur le marché libre, en diminuant le recours à l'énergie d'origine thermique, dont le prix est plus élevé.
Enfin, M. Ambroise Dupont a rappelé que le mécanisme des zones de développement de l'éolien (ZDE) n'entrerait pleinement en vigueur qu'à compter du 13 juillet 2007, la loi de programme fixant les orientations de la politique énergétique de 2005 ayant ouvert une période transitoire au cours de laquelle les éoliennes ont continué à bénéficier de l'obligation d'achat, y compris celles qui n'étaient pas situées dans le périmètre d'une ZDE. Il a ainsi souhaité obtenir des précisions sur le nombre de permis de construire d'éoliennes accordés au cours de cette période, s'interrogeant sur l'existence d'un éventuel effet d'accélération en 2006 lié à la fin de la période transitoire.
En réponse, M. Jean-Yves Grandidier a indiqué qu'à sa connaissance, le nombre de permis de construire accordés pour les éoliennes depuis le mois de juillet 2005 n'avait pas particulièrement augmenté, la plupart des projets engagés l'ayant été à l'issue d'un processus de demande habituel et souvent préparé de longue date. Il a enfin souligné qu'avant de tirer des conclusions pour l'année 2006, il convenait d'attendre le bilan que devrait prochainement tirer le ministère de l'industrie sur ce sujet.
A l'issue de cette audition, M. Bruno Sido, président, a indiqué aux membres de la mission commune d'information que le déplacement prévu à Bruxelles aurait lieu les lundi 5 et mardi 6 mars.