Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées

Réunion du 1er avril 2008 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • afghanistan
  • attitude
  • chine
  • dalaï
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La réunion

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La commission a entendu M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes.

Le ministre s'est tout d'abord exprimé sur la situation au Tibet, évoquant les évènements de 1959 (année de la fuite du Dalaï Lama) et de 1989. Le ministre a rappelé que le Tibet était une province autonome de la Chine, situation reconnue par tous les présidents de la République successifs. Il a rappelé aussi que la politique de peuplement de cette région était achevée, une partie de la population d'origine tibétaine ayant été poussée à l'exil. Cette politique de sinisation s'est accompagnée d'une indiscutable modernisation, même si celle-ci peut être discutée du point de vue culturel. Selon les sources, la répression aurait fait entre 13 et 100 morts tibétains. Mais il y a eu également des morts du côté chinois.

Le ministre a rappelé, d'une part, que le Comité olympique avait eu pour objectif de permettre, à travers les Jeux olympiques, une ouverture politique en Chine, et d'autre part, que le boycott des Jeux olympiques de Moscou en 1980 avait été inefficace. Depuis, dans tous les pays d'Europe, des leaders appartenant à la société civile ont poussé leur gouvernement à s'orienter vers le boycott. La dernière proposition concerne celui de la cérémonie d'ouverture des jeux.

Debut de section - Permalien
Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

a indiqué ensuite que le Premier ministre britannique, M. Gordon Brown, avait décidé de recevoir le Dalaï Lama, ce qu'avait déjà fait Mme Angela Merkel, chancelière allemande. Le Président Francois Mitterrand et le Président Jacques Chirac, en leur temps ne l'avaient pas reçu à titre officiel. Il a encore rappelé que lui-même avait reçu très souvent, à titre privé, le Dalaï Lama et échangé avec lui. Il a fait part à la commission de sa conviction selon laquelle, si on veut défendre les droits de l'homme, il ne faut pas les imposer. Selon lui, le Dalaï Lama assume une position très claire : il n'a jamais déclaré qu'il était en faveur de l'indépendance, ni appelé au boycott des Jeux olympiques. La position du Président de la République est également claire : « tout est sur la table », ce qui signifie que l'on n'envisage pas de boycotter les Jeux olympiques, perspective clairement écartéee par les 27 pays européens, mais qu'en revanche on pourrait discuter d'une attitude commune, éventuellement lors de la cérémonie d'ouverture, en fonction de l'évolution de la situation.

Un débat s'est alors ouvert au sein de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Faure

a jugé que la Chine ne consentirait jamais aucune concession en faveur d'une plus grande autonomie du Tibet et il a donc considéré que la priorité touchait à l'attitude qu'auront les autorités françaises lors de la venue dans notre pays du Dalaï Lama, annoncée pour le mois d'août 2008.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

a déclaré que la cause de l'indépendance du Tibet n'avait aucune chance d'aboutir ; elle a déploré la diversité des positions prises par chacun des gouvernements européens envers cette question, alors que la France va prendre, le 1er juillet prochain, la présidence tournante de l'Union européenne, et elle a souligné l'importance d'une position commune à l'ensemble des gouvernements de l'Union, qui constituerait un signal clair, symbolique et modéré à l'égard de la Chine. Les gouvernements européens pourraient ainsi être représentés, lors de la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques, par leur ministre des sports respectifs.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

a rappelé que le maintien de la présence occidentale aux Jeux olympiques de Moscou en 1980 avait produit des effets positifs, dont il fallait s'inspirer à l'égard de la Chine. Il a estimé que la France, dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne, ne pouvait que promouvoir une position consensuelle à 27, et il a souligné que l'attitude chinoise serait susceptible d'évoluer d'ici le mois d'août prochain. Il a rappelé la position modérée du Dalaï Lama appelant au maintien de cette manifestation sportive et il a estimé que la présence ou l'absence des pays occidentaux à la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques ne serait pas de nature à peser sur la position chinoise.

Debut de section - Permalien
Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

En réponse, M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, a apporté les éléments suivants :

- les 27 Etats membres de l'Union européenne sont favorables au maintien des Jeux olympiques de Pékin, mais se réservent d'adapter leur présence à la cérémonie d'ouverture à l'évolution de la Chine sur la question tibétaine ; considérant que la politique des droits de l'homme est un élément important mais pas exclusif d'une politique étrangère, il a rappelé l'intérêt de la France -mais aussi des autres pays européens- à maintenir un dialogue constructif avec la Chine dans la vérité et sans naïveté ;

- les 27 Etats membres ont envisagé, à la suite du récent conseil informel des ministres des affaires étrangères réuni en Slovénie, une invitation au Dalaï Lama à se rendre à Bruxelles ;

- le Dalaï Lama, qui avait évoqué une possible visite en France durant le mois d'août 2008, y sera naturellement le bienvenu ;

- la France a exprimé sa disponibilité à faciliter un éventuel dialogue entre le Dalaï Lama et la Chine, si ce pays le souhaitait, ce qui ne semble pas le cas à l'heure actuelle : le ministre des affaires étrangères chinois évoque, en effet, « la clique » du Dalaï Lama. Les Chinois semblent convaincus que le Dalaï Lama manipule les commémorations organisées comme chaque année au mois de mars, pour rappeler l'invasion du Tibet par la Chine, et vise à l'annulation des Jeux olympiques. Cette attitude inquiète le Dalaï Lama qui a été, en revanche, satisfait de la position récemment adoptée par le Conseil européen informel.

S'agissant du Moyen-Orient, M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, s'est déclaré très inquiet à propos de la poursuite effective du processus d'Annapolis et de la conférence de Paris. Le plan présenté par le premier ministre palestinien est un bon document. Les projets sont suivis, mais sur le terrain, les choses ne changent pas. Il y a autant de points de contrôle qu'avant (580) et cette entrave à la circulation rend très difficile la réalisation des projets. Le ministre a indiqué que M. Georges Bush, Président des Etats-Unis, se rendrait vraisemblablement en Israël et en Palestine au mois de mai. Il a exprimé son souhait que l'Europe soit plus présente dans les mois à venir sur cette question.

Selon lui, il est très heureux que, grâce aux efforts européens et en particulier français, les salaires des fonctionnaires palestiniens soient versés et qu'une provision existe, permettant de continuer jusqu'au mois de mai.

Répondant au président de Rohan qui s'interrogeait sur l'opportunité de parler avec le Hamas, le ministre a déclaré que la décision appartenait aux Palestiniens eux-mêmes. Personnellement favorable au dialogue entre palestiniens, il a rappelé que le Fatah jugeait ce dialogue prématuré aujourd'hui. Il a souligné le caractère très positif de la prochaine rencontre à Bethléem, les 21 à 23 mai, des secteurs privés israéliens et palestiniens, à laquelle il participera.

Quant aux discussions israélo-palestiniennes en cours, il a indiqué qu'elles se déroulaient dans un climat positif au niveau le plus haut comme à celui des équipes techniques.

S'agissant du Liban, M. Bernard Kouchner a relaté l'insuccès des initiatives prises par la Ligue arabe qui se sont heurtées aux mêmes difficultés que les efforts de médiation de la France. Le sommet de Damas, dont la tenue même est considérée comme un succès pour Damas, n'a abouti sur rien. Le ministre a rappelé par ailleurs le poids important joué par les Iraniens qui soutiennent le Hezbollah. Les risques d'embrasement de la région restent non négligeables. Le ministre a encore rappelé que le rôle de l'Iran était incontournable aussi bien en Irak qu'en Afghanistan.

Debut de section - PermalienPhoto de André Dulait

a souhaité obtenir des précisions sur l'état des relations entre l'Irak et la Turquie après l'intervention militaire turque au Kurdistan irakien.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Bret

a rappelé que les promesses de dons formulées lors de la Conférence de Paris sur la Palestine s'étaient élevées à 7 milliards de dollars, chiffre sans comparaison avec la modestie des projets en cours évoqués par le ministre, tant à Gaza qu'en Cisjordanie. Il en a conclu que ces projets se heurtaient à un refus politique implicite d'Israël et a souhaité que la future présidence française de l'Union européenne puisse contribuer à une sortie de l'impasse actuelle. Il a estimé que le développement de la future Union pour la Méditerranée nécessitait une évolution au Proche-Orient. Il s'est enfin interrogé sur le sort du jeune franco-palestinien Salah Hamouri, incarcéré depuis trois ans sans jugement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Peyrat

a évoqué la position centrale occupée par l'Iran, tant au Moyen-Orient qu'en Afghanistan, et a souhaité que le ministre s'exprime sur la puissance réelle de ce pays, sa volonté politique, ses objectifs, et la réalité de ses projets nucléaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

s'est interrogé sur le lien que pourrait faire la diplomatie iranienne entre les sanctions adoptées à son encontre par la communauté internationale et sa capacité d'influence en Palestine, au Liban et en Afghanistan.

En réponse, M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, a apporté les précisions suivantes :

- l'armée turque s'est effectivement retirée du Nord de l'Irak, mais en cas de nouveaux attentats en Turquie, d'autres incursions ne sont pas à exclure ;

- l'attitude des Kurdes irakiens a sensiblement évolué à la suite de l'intervention turque en faveur de l'unité de l'Irak ; la Turquie joue un rôle incontournable au Moyen-Orient ;

- les Palestiniens se sont divisés au terme d'affrontements sanglants et sont donc seuls capables de prendre l'initiative d'une réconciliation ; la France est favorable à ce dialogue, mais elle n'a pas la possibilité de l'impulser ;

- les financements venant des pays européens, conformément aux engagements pris lors de la Conférence de Paris, permettent le paiement des salaires des Palestiniens : il s'agit là d'un facteur important de stabilité sociale ;

- une démarche commune des 27 Etats membres de l'Union serait de nature à peser sur la situation au Moyen-Orient ;

- le projet d'Union pour la Méditerranée, tel que validé par le dernier Conseil européen, doit encore être précisé et trouver un accord avec les pays partenaires ; ceux-ci sont invités au sommet du 13 juillet prochain.

- la France est intervenue régulièrement en faveur du jeune franco-palestinien incarcéré sans jugement depuis trois ans ;

- les capacités nucléaires effectives de l'Iran font l'objet de controverse parmi les experts, surtout après la publication du rapport des agences de renseignement américaines. L'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) a apporté des indications préoccupantes. Les quatre résolutions successives adoptées par le Conseil de sécurité de l'ONU depuis 2005, dont trois ont imposé des sanctions économiques ciblées n'ont certes pas empêché l'Iran d'augmenter le nombre de ses centrifugeuses. Ces sanctions adoptées par les résolutions des Nations unies, avec l'accord de la Russie et de la Chine, ne porteront pleinement leurs effets qu'à moyen terme. De plus, Téhéran améliore sans cesse ses vecteurs, et les essais récents de missiles constituent un facteur d'inquiétude supplémentaire. La menace nucléaire iranienne existe donc bien . Mais la position de la communauté internationale comporte aussi une ouverture positive et il est opportun d'offrir à ce grand pays une autre voie pour conforter son rôle sur la scène internationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Cerisier-ben Guiga

a estimé que l'occupation militaire israélienne a conduit l'essentiel des élites palestiniennes et une partie très importante de la population d'origine à quitter leur pays du fait du blocage de toute vie économique et politique imposé aux territoires occupés. L'Union européenne devrait donc profiter des négociations en cours sur la conclusion de nouveaux accords de partenariat avec Israël pour peser sur l'attitude de ce pays.

Debut de section - Permalien
Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

En réponse, M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, a rappelé que la position européenne exprimée par M. Solana s'était heurtée à une fin de non recevoir de Tel-Aviv. Il a exprimé la crainte que plus aucun pays impliqué ne croie encore à l'aboutissement d'un processus de paix et, en particulier, les deux protagonistes. Aujourd'hui, seuls les Etats-Unis semblent en mesure de peser réellement sur l'attitude d'Israël. Aussi décevante que paraisse aujourd'hui la situation au Moyen-Orient, il est indéniable que des progrès, même limités, ont été constatés durant les quinze dernières années : ainsi la Conférence de Paris a-t-elle évoqué un « Etat palestinien » sans être contredite par Israël.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

a évoqué la récente réunion à Athènes de l'Assemblée parlementaire Euroméditerranée, soulignant que les dirigeants arabes présents avaient manifesté leur disponibilité à participer à la conférence des 13 et 14 juillet prochain à Paris. Puis, il a interrogé le ministre sur la position de Moscou à l'égard de la situation prévalant en Afghanistan.

En réponse, le ministre a apporté les précisions suivantes :

- de nombreux progrès ont été réalisés depuis 2001 en Afghanistan, dans les domaines politique, sociaux et éducatif notamment, mais ils n'ont pas empêché la dégradation de la situation sécuritaire. Quant à la Russie, elle va conclure avec l'Otan un accord facilitant le transit sur son territoire, par voie terrestre, d'équipements non-militaires destinés à la force internationale en Afghanistan.

- la spécificité de l'Union pour la Méditerranée consistera à se fonder sur des projets concrets, qui ont fait défaut au processus de Barcelone. La Commission européenne, sollicitée par le conseil européen, devrait ainsi formaliser d'ici au mois de juin ses propositions. Parmi les projets envisageables, on peut citer la création d'une banque euro-méditerranéenne, d'un état-major opérationnel pour lutter contre les feux de forêt, d'un réseau de stations d'épuration ou d'un « Erasmus » euro-méditerranéen. Le secrétariat de cette Union sera assuré conjointement par un Etat du nord et un du sud, en premier lieu. La Commission européenne y sera associée et pourrait financer une partie des projets.

Debut de section - PermalienPhoto de André Boyer

s'est interrogé sur le nombre d'Etats ayant reconnu l'indépendance du Kosovo, ainsi que sur la situation prévalant dans ce pays après les troubles qui ont éclaté le 17 mars dernier.

En réponse, le ministre a apporté les précisions suivantes :

- la situation est calme au Kosovo, à l'exception de la partie nord où résident des communautés serbes ; le Premier ministre du Kosovo a situé son action dans une perspective multiethnique ;

- il est impératif que l'Union européenne soutienne les partisans de la démocratie en Serbie, notamment en vue des législatives du 11 mai prochain. En particulier, une initiative européenne sur la question des visas pourrait être présentée.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

A la suite de cette intervention, M. Josselin de Rohan est intervenu pour informer la commission que deux missions ponctuelles pourraient être effectuées pour accompagner les relèves militaires des troupes françaises en Côte d'Ivoire (du 14 au 16 avril) et en Afghanistan (du 26 au 30 avril). Il a rappelé qu'il avait proposé que ces missions soient effectuées par deux parlementaires appartenant à la majorité et à l'opposition et a demandé à ce que les volontaires se fassent connaître par l'intermédiaire de leur groupe politique. Il a ajouté qu'une majorité de Serbes aspire à rentrer dans l'Union européenne et que seule cette perspective sera de nature à affaiblir le camp des nationalistes.