Au cours d'une seconde séance, la commission a procédé à l'audition de M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, sur la politique de lutte contre la fraude fiscale.
a rappelé que cette audition faisait suite aux vérifications de comptes détenus par des citoyens français au Liechtenstein. Plus généralement, il s'agissait d'examiner les mesures pouvant être prises à l'égard d'Etats non coopératifs dans les domaines bancaire et fiscal.
a indiqué que les opérations de contrôle en cours concernaient environ 200 Français détenant un compte au Liechtenstein, lesquels faisaient partie de 64 groupes familiaux. Il a ajouté que les sommes en jeu représentaient environ un milliard d'euros.
Suite aux informations transmises par les autorités britanniques, à la demande du gouvernement français, fin janvier 2008, des éléments complémentaires avaient été apportés sur une vingtaine de ces groupes familiaux. Il a indiqué qu'il attendait, dans un délai de deux semaines, des éléments complémentaires d'information des autorités allemandes, telles que les règles de fonctionnement de ces pactes familiaux. Il a précisé, que sur cette base, la direction générale des impôts conduirait des examens de situation fiscale personnelle, c'est-à-dire des contrôles très approfondis.
a rappelé que la situation des finances publiques exigeait une lutte vigilante contre l'évasion fiscale.
a tout d'abord souhaité disposer de précisions sur la mise en oeuvre de la directive communautaire du 3 juin 2003 relative à la fiscalité des revenus de l'épargne. Par ailleurs, il a demandé le montant des sommes recouvrées par le budget français suite au reversement, par des Etats tiers, de sommes correspondant à l'imposition de revenus de citoyens français domiciliés à l'étranger, et ce en application de la directive précitée.
a précisé que ces sommes s'élevaient en 2007 à 49 millions d'euros, dont 133.531 euros reversés par le Liechtenstein. Suite à une observation de M. Jean Arthuis, président, il a souligné que les capacités de contrôle de la France sur ces sommes, versées par les banques d'Etats tiers, étaient « nulles » Puis il a présenté plusieurs pistes d'évolution possible de la directive communautaire sur l'épargne : mettre fin au régime transitoire de la retenue à la source (en vertu duquel la France percevait 75 % du prélèvement opéré au taux forfaitaire de 15 % sur les plus-values réalisées sur des produits de taux par des citoyens français domiciliés à l'étranger) ; étendre le dispositif à tous les produits de placement et notamment les dividendes ; prendre en compte l'ensemble des personnes morales dans l'application du dispositif.
Enfin, il a précisé avoir demandé à son homologue allemand la convocation conjointe d'une réunion des ministres de l'Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE) sur la liste des « paradis fiscaux ». Il a relevé que cette liste ne comprenait plus que trois pays : Andorre, le Liechtenstein et Monaco, cette principauté ne présentant toutefois pas de difficulté en terme de secret bancaire vis-à-vis des autorités françaises. Cependant, il a estimé que des Etats qui ne figuraient plus dans la liste, car ils s'étaient engagés à échanger des informations, n'avaient pas, pour autant, mis fin à l'opacité de leur système bancaire. Il a ainsi appelé à l'adoption de mesures collectives de rétorsion au niveau international, à l'encontre des Etats non coopératifs.
Après une observation de M. Jean Arthuis, président, sur l'exemple américain de levée, par convention, du secret bancaire pour les citoyens américains, M. Eric Woerth s'est félicité des conventions fiscales récemment conclues avec la Suisse et le Qatar.
a plaidé pour une rigueur accrue à l'égard des personnes procédant à des opérations frauduleuses, notamment l'ouverture non déclarée de comptes à l'étranger. Il a souhaité, par ailleurs, obtenir communication de la note du ministre récapitulant le produit versé par les Etats membres de l'Union européenne au titre de la retenue à la source prévue par la directive précitée sur l'épargne. M. Eric Woerth a observé qu'une ouverture non déclarée relevait effectivement du domaine de la fraude et que les sanctions actuellement applicables consistaient en une amende de 750 euros. Sur ce point, il s'est déclaré favorable à examiner toutes les propositions d'évolution que les parlementaires pourraient formuler.
Il a, par ailleurs, présenté comme une piste d'évolution l'exemple allemand où il existe une « police judiciaire fiscale » : en droit allemand, il est ainsi possible d'opérer une transmission au parquet seulement en cas de présomption de fraude. A cet effet, il a évoqué une possible réorganisation administrative en France qui étendrait le champ d'activité de l'actuel service national de la douane judiciaire.
a demandé quelles évolutions pourraient être envisagées dans le cadre de la transposition de la directive communautaire relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux, y compris le financement du terrorisme (directive Tracfin).
a indiqué que des discussions étaient en cours à ce sujet avec la Fédération bancaire française, dans le but de transmettre rapidement des informations en amont, mais sans saturer les capacités de traitement des services de contrôle. En réponse à une question de M. Jean Arthuis, président, il a précisé que le projet de la direction générale des impôts de déclaration préalable des opérations pouvant s'assimiler à des montages fiscaux n'était pas d'actualité.
M. Bernard Angels, rapporteur spécial de la mission « Gestion et contrôle des finances publiques et des ressources humaines », au vu des travaux qu'il avait déjà menés sur ce sujet, s'est interrogé sur les voies d'amélioration du recouvrement des sanctions pénales et fiscales.
a rappelé que le montant total des redressements fiscaux atteignait 7 milliards d'euros, dont seulement 40 % étaient effectivement recouvrés, mais que la fusion de la direction générale des impôts et de la direction générale de la comptabilité publique devrait améliorer le recouvrement fiscal.
a demandé comment la question des comptes de citoyens étrangers au Liechtenstein avait été mise à jour.
a déclaré qu'un archiviste de la banque LGT du Liechtenstein avait rendu publiques ces informations, qui avaient été transmises aux services fiscaux allemands. Il a ajouté que la France, pour sa part, ne rémunérait plus les informateurs d'infractions fiscales depuis 2003.
s'est étonné que de telles données aient dû, en l'espèce, être transmises à la France par un pays tiers, à savoir la Grande Bretagne, du fait de ce principe de non-rémunération.
a demandé l'état d'avancement des travaux relatifs à l'actualisation de la directive communautaire sur la fiscalité de l'épargne et à la transposition de la directive sur la lutte contre le blanchiment, avant que la France ne préside l'Union européenne.
s'est félicité de ce que l'affaire des comptes détenus au Liechtenstein permette de faire avancer ces sujets, en suggérant la création d'un organisme spécialisé dans le domaine de la lutte contre la fraude fiscale, sur le modèle d'Eurojust.
Après une remarque de M. Philippe Marini, rapporteur général, sur la nécessité de lutter contre le commerce non déclaré sur Internet, M. Jean Arthuis, président, s'est interrogé sur les risques de distorsion fiscale concernant le « e-commerce » à destination des particuliers. Dans ce cas, le taux de TVA applicable est, par exception, celui du siège du prestataire et non du lieu de résidence du consommateur. Concernant le « e-commerce » pour les particuliers, il a précisé que Luxembourg appliquait le taux minimal de TVA autorisé par la Commission européenne, soit 15 %, ce qui constituait un facteur de délocalisation d'entreprises au sein de l'Union européenne. Plus précisément, il a vivement regretté que, lors du Conseil des ministres des finances de l'Union européenne le 4 décembre 2007, la décision d'harmoniser les taux de TVA applicables au « e-commerce » pour les particuliers ait été repoussée à 2015, compte tenu de la position du Luxembourg.
a estimé que le compromis ainsi trouvé le 4 décembre 2007 était de nature à faire évoluer les règles et les pratiques. Il a précisé que certaines opérations commerciales combinaient les taux normal et réduit de TVA, ce qui incitait à relativiser les risques de distorsion de concurrence fiscale entre Etats-membres.
A une question de M. Jean Arthuis, président, il a indiqué que les relations fiscales de la France avec Andorre étaient très peu développées, à la différence des échanges commerciaux, la coprincipauté d'Andorre ne constituant pas un centre important d'investissements financiers. Par ailleurs, il a précisé qu'il n'était pas possible d'utiliser les ressources budgétaires dont dispose la direction générale des douanes et des droits indirects pour rémunérer les aviseurs des douanes afin de lutter contre la fraude fiscale.
a indiqué qu'il transmettrait à l'ensemble des membres de la commission les précisions chiffrées données par le ministre dans son exposé liminaire, concernant le produit versé par les Etats membres de l'Union européenne au titre de la retenue prévue par la directive communautaire sur la fiscalité de l'épargne.