La commission a procédé, conjointement avec la commission des affaires culturelles, à l'audition de M. Bernard Faivre d'Arcier, consultant culturel.
a indiqué en préambule qu'il avait été chargé par le ministère des affaires étrangères de mener une étude comparative entre les dispositifs culturels extérieurs de la France et ceux de ses principaux partenaires européens, à savoir le Royaume-Uni, l'Allemagne et l'Espagne. A la demande de la direction générale de la coopération internationale et du développement (DGCID) du ministère, sa mission s'est élargie à la formulation de préconisations sur la réorganisation et la réforme de la tutelle du réseau culturel français à l'étranger.
Si les quatre réseaux culturels concernés par l'étude consacrent une place centrale à la promotion de la langue et de la civilisation de leur pays d'origine, il a pu néanmoins constater combien la conception du rayonnement culturel pouvait varier en fonction des différents pays. Les réseaux culturels espagnol et britannique, s'appuyant respectivement sur l'Institut Cervantès et le British Council, enregistrent les meilleures performances dans le domaine de l'enseignement linguistique. Le British Council apparaît comme la structure adoptant l'horizon stratégique le plus vaste dans la mesure où sa politique culturelle extérieure recouvre aussi bien le dialogue interculturel et le soutien à la promotion des industries culturelles britanniques que la lutte contre le réchauffement climatique.
Dans le cas français, le ministère des affaires étrangères intègre traditionnellement l'action culturelle extérieure dans des problématiques plus larges de soutien au développement économique et politique. C'est précisément cette logique d'une diplomatie d'influence envisagée dans sa globalité qu'illustre le rapprochement de la DGCID et de la direction des affaires économiques du Quai d'Orsay au sein d'une future direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats. La manière d'appréhender le lien entre culture et développement continue de susciter de nombreux débats en France. De l'équilibre entre une diplomatie culturelle au service d'une politique de coopération plus large et une politique culturelle extérieure qui met en avant l'autonomie et la spécificité de la sphère artistique dépendent le poids relatif et les compétences des différentes administrations en matière d'action culturelle extérieure.
a relevé ensuite la très grande complexité de l'organisation des tutelles du réseau culturel français à l'étranger, un réseau qui s'illustre principalement par sa dualité. Une grande partie de ce réseau repose, en effet, sur des initiatives locales de création d'alliances françaises dont certaines, bien qu'autonomes sur le plan de la gestion, sont subventionnées par le ministère des affaires étrangères dans le cadre de conventions. Quant aux centres et instituts culturels français à l'étranger, établissements publics disposant de l'autonomie financière, ils sont appelés à fusionner très prochainement avec les services de coopération artistique et culturelle (SCAC) des ambassades au sein des futurs « EspacesFrance ». Ces derniers demeureront soumis à l'autorité hiérarchique directe des postes diplomatiques français.
A titre de comparaison, les rapports entre le British Council et le ministère britannique des affaires étrangères (« Foreign Office ») obéissent au principe de la gouvernance dite à « longueur de bras » (« arm's length ») qui permet de concilier gestion décentralisée de l'action culturelle extérieure et coopération étroite sur le plan stratégique.
La situation matérielle des différents réseaux culturels extérieurs est extrêmement variable, notamment en termes de personnels et d'infrastructures. Se développe progressivement la notion de programmation « hors les murs » qui vise à privilégier l'investissement dans les équipes plutôt que dans les bâtiments. Dans le domaine de la formation des personnels, M. Bernard Faivre d'Arcier, consultant culturel, a fait observer que les réseaux du Royaume-Uni et de l'Allemagne offraient de bien meilleures perspectives de carrière à leurs agents culturels à l'étranger.
Il a ensuite formulé trois principales préconisations dans la perspective d'une réforme de l'action culturelle extérieure de la France :
- afin de combattre la méconnaissance qu'a l'opinion publique française de son réseau culturel à l'étranger, il est impératif de renforcer l'effort en matière de communication, en s'appuyant notamment sur le pôle audiovisuel extérieur de la France ;
- la question de la formation et de l'amélioration des perspectives de carrière des agents du réseau culturel français à l'étranger doit être une préoccupation centrale ;
- insuffisamment présente et compétitive dans le domaine des appels d'offre européens en matière de développement culturel, la France doit mettre l'accent sur la constitution de véritables équipes d'ingénierie culturelle au service d'une diplomatie d'influence.
Un large débat s'est ensuite engagé.
s'est tout d'abord interrogé sur le vaste périmètre d'intervention qui devrait être consenti au futur opérateur unique en charge de l'action culturelle extérieure de la France et sur l'accueil qui lui serait réservé dans les milieux culturels. S'agissant de sa tutelle, si le rôle directeur du Quai d'Orsay dans le pilotage stratégique d'une telle agence doit être préservé, la réflexion devrait se poursuivre sur la place à accorder aux ministères de la culture, de l'enseignement supérieur et de la recherche et de l'éducation nationale. Enfin, il a sollicité des précisions sur l'articulation sur le terrain entre les futurs établissements issus de la fusion des centres et instituts culturels et des SCAC et les ambassades, notamment en matière de promotion des industries culturelles.
a cité l'exemple du British Council qui fonctionne en grande partie comme un opérateur au service d'autres administrations que le ministère des affaires étrangères : près d'un tiers de son budget est ainsi constitué de subventions affectées à la réalisation de commandes spécifiques sollicitées par des organismes tiers investis dans la coopération technique. Or, en France, la coopération technique relève d'une agence spécifique, l'Agence française de développement (AFD). Le périmètre d'intervention d'une future grande agence en charge de l'influence culturelle française à l'étranger devrait comprendre la coopération universitaire et scientifique, qui constitue une des faiblesses de l'action culturelle extérieure de la France. Il a notamment souligné que les espaces « CampusFrance », en charge de la promotion de l'enseignement supérieur français et des échanges éducatifs, partagent déjà bien souvent des locaux avec les centres culturels français à l'étranger.
En matière de pilotage stratégique de la politique culturelle extérieure française, l'administration du ministère des affaires étrangères semble redouter qu'un système de co-tutelles ne dilue les responsabilités et n'entrave la définition de lignes directrices claires. En conséquence, il a estimé qu'un compromis satisfaisant résiderait dans la mise en place, au sein d'une agence placée sous la tutelle unique du Quai d'Orsay, de programmes spécifiques qui seraient cogérés par le ministère des affaires étrangères et d'autres ministères tels que le ministère de la culture.
La fusion des établissements publics culturels français et des SCAC au sein des « EspacesFrance » devrait être l'occasion de transformer le lien hiérarchique traditionnel avec les ambassades en un lien de tutelle qui réserverait à ces nouvelles structures une plus grande marge d'autonomie de gestion sur le terrain.
a souhaité des éléments d'information complémentaires sur les perspectives en matière de recrutement, de formation et de gestion des carrières au sein du réseau culturel française à l'étranger. Elle s'est également interrogée sur les obstacles susceptibles d'entraver l'émergence d'une grande agence en charge du rayonnement culturel extérieur de la France.
a reconnu que la formation des personnels en poste à l'étranger constituait le point noir du réseau culturel français. A titre d'exemple, les personnes appelées à diriger les centres culturels ne se voient offrir qu'un droit à une formation de cinq jours, réservé du reste aux primo-entrants, et ne bénéficient pas d'une formation spécifique à la gestion d'un établissement à autonomie financière. Dans ces conditions, les nouveaux arrivants s'appuient en grande partie sur les seuls conseils prodigués par leurs prédécesseurs et les personnes les plus expérimentées du réseau. Il a également souligné que la durée d'immersion des agents dans le pays d'accueil demeurait relativement courte, trois ans en règle générale, alors qu'elle est de cinq ans dans le cas des réseaux britannique, allemand et espagnol.
a insisté en particulier sur la nécessité de permettre à nos personnels en poste à l'étranger de renouer régulièrement le contact avec le milieu culturel français, le cas échéant en participant à des manifestations culturelles et des festivals organisés sur le territoire national, notamment en région. A ce titre, il a fait observer que les parcours professionnels au sein du Goethe Institut permettent aux agents de suivre au départ une formation de six mois au siège de Munich, suivie d'une formation de six mois en poste à l'étranger préalablement à la titularisation. Ils se voient ensuite régulièrement proposer de se replonger directement dans la culture allemande en participant à un grand événement culturel en Allemagne. Il revient donc à la France de concentrer ses efforts sur la formation continue de tous les personnels susceptibles d'intervenir dans la mise en oeuvre de sa politique culturelle extérieure, y compris les personnels en charge des affaires culturelles dans les collectivités territoriales et les personnels déconcentrés de l'État.
Il a ajouté que, si la création d'une agence culturelle en charge de l'influence culturelle française à l'étranger pouvait susciter un certain nombre de craintes de la part des administrations centrales concernées, le problème principal demeurait l'insuffisance des moyens consentis à l'action culturelle extérieure, notamment face à la nécessité de financer une programmation « hors les murs » en pleine croissance.
a souhaité s'assurer que la gestion des personnels en charge de l'action culturelle extérieure relèverait désormais de la compétence de la future agence culturelle, y voyant là une rupture fondamentale. Il s'est interrogé sur la réelle marge de manoeuvre dont disposeraient les futurs « EspacesFrance » par rapport aux ambassades. Il a émis le souhait que la nouvelle agence en charge du rayonnement culturel puisse s'inspirer du modèle de gestion décentralisée du British Council et du Goethe Institut afin de décliner au mieux une stratégie nationale en fonction des spécificités régionales. Il a regretté l'absence de « gouvernail » stratégique dans la mise en oeuvre de la politique culturelle extérieure de la France et a plaidé en faveur de la création d'un conseil d'orientation, en charge de la réflexion stratégique, auprès de la future agence.
a reconnu que le rapprochement des conseillers de coopération et d'action culturelle (COCAC) et des SCAC au sein des « EspacesFrance » sous l'autorité hiérarchique des ambassadeurs devrait s'accompagner du maintien, voire du renforcement de l'autonomie de gestion des établissements publics culturels à l'étranger. Il a évoqué la possibilité que la future grande agence culturelle dispose d'antennes locales placées sous la tutelle des ambassades. Il a jugé que l'organisation décentralisée du British Council et du Goethe Institut se fondait sur un échelon régional de coordination intéressant, permettant d'appréhender plus précisément les problématiques propres à certains sous-ensembles géographiques. Il a également déploré que la France ait trop souvent tendance à naviguer à vue dans la conduite de sa diplomatie culturelle alors que ses principaux partenaires européens font un effort significatif de réflexion stratégique dans ce domaine. A titre d'exemple, le Royaume-Uni accorde une place importante à la promotion de ses industries culturelles en mettant en avant la dimension commerciale d'activités artistiques telles que le cinéma ou la musique. A cet égard, il s'est félicité de la volonté récemment manifestée par le ministère français de la culture de doubler le nombre des bureaux de soutien aux exportations de biens culturels.
a souligné le développement significatif des échanges culturels entre les collectivités territoriales françaises et leurs homologues à l'étranger dans le cadre de la coopération décentralisée. Il a regretté que ce levier de l'influence culturelle française à l'étranger soit insuffisamment soutenu par l'administration centrale. Il a déploré la dimension culturelle relativement pauvre de notre chaîne internationale qui devrait multiplier les coups de projecteur sur les activités du réseau culturel français à l'étranger. Il a en outre plaidé en faveur d'un renforcement des partenariats entre la France et ses partenaires européens dans le domaine de l'action culturelle extérieure. Enfin, il s'est interrogé sur le statut juridique d'une grande agence culturelle, rappelant à ce titre qu'une proposition de loi, présentée par M. Louis Duvernois, prévoyait déjà sa transformation en établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) et avait été adoptée à l'unanimité en première lecture par le Sénat le 13 février 2007.
a considéré que l'insuffisante coordination des initiatives culturelles des collectivités territoriales françaises constituait une forme de gâchis et a regretté le manque d'intérêt des administrations centrales pour le levier majeur que constitue la coopération décentralisée. Il a fait observer que l'Espagne était à la pointe de l'utilisation des nouvelles technologies de l'information et de la communication dans l'enseignement de la langue espagnole à l'étranger. Il en résulte une relative modicité des coûts pour des actions phares de la politique culturelle extérieure de l'Espagne.
a regretté le manque de souplesse des parcours professionnels des agents culturels français à l'étranger et s'est interrogée sur les perspectives de carrière qui leur seraient ouvertes à l'avenir dans le cadre de la future agence culturelle.
En réponse à ces interrogations, M. Bernard Faivre d'Arcier, consultant culturel, a apporté les précisions suivantes :
- les échanges culturels menés dans le cadre de la coopération décentralisée connaissent une croissance significative, notamment au niveau des régions depuis 1992. La DGCID comprend une délégation pour l'action extérieure des collectivités locales dont le budget reste cependant insuffisant pour exercer un véritable effet de levier sur le développement des actions internationales des collectivités territoriales. Il a reconnu, par ailleurs, que le réseau culturel français à l'étranger était très peu sollicité dans la mise en oeuvre de projets de coopération décentralisée. Il a également déploré l'absence d'une plateforme d'information commune et centralisée qui permettrait de mieux identifier et coordonner les multiples initiatives lancées par les collectivités territoriales dans le domaine culturel ;
- une grande opération de communication sur le dispositif culturel de la France à l'étranger devrait mobiliser des chaînes internationales telles que France 24 ou Arte afin de médiatiser le parcours d'artistes formés et portés par le réseau culturel français ;
- grâce à des initiatives privées, des équipes internationales composées de professionnels européens de la culture ont été créées pour mener des opérations de formation en direction des futurs responsables culturels et directeurs de festivals européens ; il s'agit là d'un signe encourageant en faveur de l'émergence d'une véritable ingénierie culturelle de dimension européenne ;
- l'Espagne a en effet un temps d'avance dans l'enseignement de la langue via les nouvelles technologies de l'information et de la communication, ce qui témoigne d'un très haut niveau d'ambition en matière de promotion linguistique, notamment auprès de pays émergents à fort potentiel tels que le Brésil ; à l'heure actuelle, la France n'a pas les moyens de rattraper son retard dans ce domaine ;
- la forme juridique que pourrait prendre la future agence en charge de l'influence culturelle française à l'étranger fait encore l'objet de nombreuses réflexions et devrait être précisée par le ministre des affaires étrangères à l'occasion d'une prochaine communication ;
- il est impératif d'améliorer la fluidité des trajectoires professionnelles de nos personnels culturels, notamment entre les conseillers auprès des directions régionales des affaires culturelles et les directeurs d'établissements publics culturels français à l'étranger. Dans cette logique, le ministère de la culture pourrait être mieux associé à la politique de recrutement des personnels du réseau culturel français.
a fait remarquer que les postes de conseiller culturel des ambassades étaient en règle générale réservés à des fonctionnaires d'État disposant d'une formation en matière de diplomatie, certes de haut niveau mais peut-être trop classique. Il a noté, en outre, que les attachés culturels, bien souvent issus des personnels de l'éducation nationale, se voient offrir peu de possibilités de formation dans ce domaine. Il a donc plaidé en faveur d'un renouvellement de la politique de formation des personnels du réseau culturel français à l'étranger.
a reconnu que les diplomates de carrière ont généralement tendance à suivre une conception de l'influence culturelle en décalage avec les réalités locales du pays d'accueil. Il a également regretté que les personnels relevant du ministère de la culture soient insuffisamment sollicités pour animer le réseau culturel français à l'étranger.
- Présidence commune de M. Josselin de Rohan, président, et de M. Jacques Legendre, président, puis de M. Jean-Pierre Plancade, vice-président, de la commission des affaires culturelles -
La commission a ensuite procédé, conjointement avec la commission des affaires culturelles, à l'audition de M. Jean-Claude Jacq, secrétaire général de la Fondation Alliance française.
a rappelé le rôle majeur joué par les Alliances françaises pour la promotion de la langue et de la culture françaises à l'étranger. Il a souhaité connaître le sentiment du secrétaire général de la Fondation Alliance française concernant l'état actuel et les perspectives de réforme de l'action culturelle de la France à l'étranger et ses incidences sur le réseau des Alliances françaises.
Après avoir rendu hommage à l'intérêt manifesté à ce sujet depuis longtemps dans de nombreux rapports du Sénat, M. Jean-Claude Jacq, secrétaire général de la Fondation Alliance française, a présenté le réseau des Alliances françaises comme un acteur profondément original du dispositif culturel extérieur et connaissant actuellement un fort développement.
Il a rappelé que l'Alliance française avait été créée à Paris en 1883 et qu'elle avait pour mission la promotion de la langue et de la culture françaises à l'étranger. Sous l'appellation aujourd'hui de Fondation Alliance française, le siège parisien est la « tête de pont » du réseau des Alliances françaises dans le monde. Les Alliances françaises installées dans les Etats étrangers sont indépendantes, tant statutairement que financièrement, de la Fondation, même si elles entretiennent des liens étroits avec elle. Les Alliances françaises résultent le plus souvent d'initiatives locales et sont, en règle générale, constituées sous la forme associative. Il est d'ailleurs remarquable que la France, qui dispose pourtant d'une forte tradition jacobine, soit le seul pays au monde à avoir confié la mission de promouvoir le rayonnement de sa culture et de sa langue à un réseau s'appuyant sur les diverses sociétés civiles étrangères et des structures de droit privé locales.
Le réseau compte actuellement 1 070 Alliances, de taille et d'importance très variables, présentes dans 135 pays, sur tous les continents.
Les missions d'une Alliance française sont identiques à celles d'un institut ou d'un centre culturel, à savoir la promotion de la culture et de la langue françaises, les deux types de structures étant répartis selon une complémentarité géographique, puisque les Alliances françaises sont à peu près seules présentes en Amérique du Nord, en Amérique latine, en Asie et en Russie, alors qu'elles coexistent avec les centres et les instituts culturels en Europe, en Afrique et au Levant. Les « doublons » dans une même ville sont désormais rares. Mexico, qui compte à la fois une Alliance française et un centre culturel, est l'une des exceptions, mais présente un caractère particulier étant donné la dimension de cette ville.
Les objectifs, qui peuvent varier selon les Alliances françaises, sont fixés par le conseil d'administration de chaque Alliance, en tenant compte des orientations données par le service culturel de l'ambassade de France, lesquelles sont formalisées dans une convention d'objectifs et de moyens. Environ trois cents Alliances, sur plus d'un millier, sont dans ce cas, et bénéficient ainsi d'un soutien de l'Etat, sous forme de subventions et de mise à disposition de personnels de la part du ministère des affaires étrangères et européennes. Une convention générale, signée entre la fondation et le ministère, encadre les conventions locales de partenariat qui sont signées par les présidents d'Alliances et les ambassadeurs.
Les Alliances françaises sont sensibles aux aléas politiques, économiques et sociaux des pays où elles sont implantées, mais, en raison de leur statut privé et du fait qu'elles emploient majoritairement des personnels locaux, elles ne sont pas assimilées à une structure étrangère et disposent d'une grande légitimité locale, même si elles bénéficient du soutien de l'ambassade de France. Cela explique notamment la pérennité d'Alliances françaises dans des pays en crise ou encore le rôle qu'ont joué les Alliances françaises auprès de l'opinion publique aux Etats-Unis d'Amérique au moment de la campagne anti-française qui a suivi le refus de la France de participer à l'intervention militaire en Irak.
En 2008, les Alliances françaises ont assuré plus de trente-six millions d'heures de cours de français à plus de 461 000 étudiants dans le monde, ce qui fait de ce réseau la plus grande école de langue du monde.
Le budget additionné des Alliances françaises s'élève à 238 millions d'euros en 2008, dont 80 % proviennent de l'autofinancement. Les fonds propres sont issus des cours de langue, de financements privés ou de dons et legs. Les Alliances françaises sont administrées par 8 000 administrateurs bénévoles et emploient environ 12 000 salariés, en majorité des professeurs de langue recrutés localement.
Les statuts de l'Alliance française à Paris ont été modifiés à partir du 1er janvier 2008. Désormais, l'Alliance n'est plus une association régie par la loi de 1901, mais une fondation reconnue d'utilité publique. Cette réforme avait pour objectif à la fois de renforcer la visibilité de l'Alliance française sur la scène internationale, le statut de fondation étant mieux compris à l'étranger, et de distinguer la coordination du réseau international des activités de gestion de l'école du boulevard Raspail à Paris, qui accueille 12 000 élèves.
La Fondation s'occupe désormais exclusivement du réseau. Elle compte douze collaborateurs et dispose d'un capital de 5 millions d'euros provenant du mécénat de grandes entreprises françaises, d'une dotation de l'Etat et de dons et legs privés. Elle poursuit une active campagne de levées de fonds, n'ayant pas encore atteint ses objectifs sur ce point.
La Fondation Alliance française et le ministère des affaires étrangères et européennes sont liés par un contrat d'objectifs et de moyens, renouvelé en 2009 pour une durée d'un an.
a ensuite évoqué le fort développement que connaît le réseau des Alliances françaises.
Avec un taux de croissance de l'ordre de 3 à 5 % par an en moyenne, les effectifs des Alliances ont augmenté fortement ces dernières années, en particulier dans les grands pays du monde développé (Etats-Unis, Russie) et dans les grands pays émergents (Chine, Brésil, Inde, Mexique) ou encore dans des pays comme le Congo et l'Angola. Ainsi, il existe aujourd'hui quatorze Alliances françaises en Chine qui se sont créées en moins de dix ans et une dizaine en Russie.
La Fondation Alliance française s'efforce d'accompagner ce mouvement de trois manières.
Tout d'abord, elle exerce une importante mission en matière de professionnalisation des personnels des Alliances françaises, notamment en assurant des formations à la gestion et au management. A cet égard, la suppression de la moitié des postes d'expatriés détachés par le ministère des affaires étrangères et européennes sur les quinze dernières années rend plus que nécessaires ces formations.
Ensuite, l'Alliance française mène des actions en matière de gouvernance. Ainsi, une révision générale des statuts est en cours et un cadre de référence a été publié. La Fondation est également étroitement associée à la procédure de sélection des directeurs d'Alliances françaises.
Enfin, la Fondation s'efforce de renforcer la coordination du réseau, dans le respect de l'indépendance et de l'autonomie de chacune des Alliances.
En définitive, le réseau des Alliances françaises, qui bénéficie d'une forte notoriété et d'une bonne image à l'étranger, aborde avec confiance son avenir.
Après avoir remercié M. Jean-Claude Jacq pour son exposé et relevé son optimisme qui contraste avec le constat plus réservé dressé par d'autres intervenants, M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles, a souhaité connaître ses motifs d'insatisfaction ou d'inquiétude concernant l'action culturelle de la France à l'étranger.
a indiqué que, en ce qui concerne le réseau des Alliances françaises, le principal défaut, inhérent à toute structure décentralisée, pouvait être une homogénéité insuffisante concernant la qualité des prestations offertes au public entre les différentes Alliances françaises. On peut répartir grossièrement celles-ci en trois cercles. Un premier tiers est constitué d'environ trois cents Alliances françaises, qui bénéficient en général d'un soutien financier du ministère des affaires étrangères et européennes. Ces Alliances françaises sont assez homogènes et leurs prestations linguistiques et culturelles de très bonne qualité. Le deuxième tiers est composé d'Alliances qui dispensent des cours de langue et organisent quelques activités culturelles plus modestes (conférences, réunions). Enfin, un troisième cercle comprend des Alliances qui s'apparentent davantage à des clubs ou à des cercles d'amitiés. La Fondation a pour objectif de faire passer le plus grand nombre d'Alliances possible du troisième au deuxième cercle, et du deuxième au premier.
Si les Alliances sont indépendantes et s'il n'existe pas de lien hiérarchique entre elles et la Fondation, celle-ci est toutefois garante du nom « Alliance française » et elle peut le retirer en cas de dysfonctionnement, le cas se présentant au pire une ou deux fois par an.
La Fondation organise également des actions de formation destinées aux directeurs des Alliances françaises, aux membres du conseil d'administration et aux personnels.
La deuxième difficulté, qui n'est pas propre au réseau des Alliances françaises, mais qui touche l'ensemble de l'action culturelle de la France à l'étranger, tient à la forte diminution des financements de l'Etat, de l'ordre de 10 % en 2007 comme en 2008 et de 20 % en 2009. Certes, le recul des crédits consacrés à l'action culturelle de la France à l'étranger n'est pas nouveau mais elle atteint aujourd'hui une telle ampleur qu'elle touche désormais le coeur même de l'action culturelle extérieure.
En outre, la recherche de financements extérieurs auprès de partenaires privés donne lieu désormais à une forte concurrence entre les services de coopération et d'action culturelle des ambassades, les directeurs de centres ou d'instituts culturels et les directeurs des Alliances françaises, comme on peut l'observer à New-York ou en Inde.
a souhaité connaître le sentiment du secrétaire général de la Fondation Alliance française sur la création éventuelle d'une agence chargée de la promotion de la langue et de la culture françaises à l'étranger. Elle lui a notamment posé des questions sur l'exercice de la tutelle et le pilotage stratégique, la gestion des ressources humaines, la fusion des services de coopération et d'action culturelle des ambassades avec les centres et les instituts culturels et la relation entre les nouveaux établissements issus de cette fusion et les ambassades.
En réponse, M. Jean-Claude Jacq, secrétaire général de la Fondation Alliance française, a apporté les précisions suivantes :
- à ce jour, la Fondation n'a jamais été consultée par le ministère des affaires étrangères et européennes sur la réforme en cours, ni sur le projet plus particulier de création d'une agence chargée de la promotion de la langue et de la culture françaises à l'étranger ; elle ignore ce que pourraient en être les compétences, l'organisation, les financements et l'articulation avec la direction générale, en particulier la direction de la coopération culturelle et du français. Elle ne peut donc avoir d'avis sur la question ;
- si une telle agence venait à être créée, il faudrait s'interroger sur sa tutelle et sur son pilotage stratégique. A cet égard, il semble préférable d'avoir une seule tutelle, de préférence celle du ministère des affaires étrangères et européennes, car l'expérience montre que l'existence de plusieurs tutelles ministérielles aboutit en réalité à une absence de tutelle. Cela n'empêche pas pour autant de renforcer l'implication d'autres ministères, comme au premier chef le ministère de la culture et de la communication et le ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, mais aussi le ministère du commerce extérieur, en instituant, par exemple, un conseil d'orientation interministériel chargé de définir les orientations stratégiques. Il serait même possible d'étudier la présence au sein de ce conseil d'orientation d'un ministère comme celui de la défense, compte tenu des enjeux stratégiques de l'action culturelle extérieure.
La meilleure formule, claire et simple, serait une direction générale chargée de traduire les grandes orientations ainsi retenues en stratégies, de piloter l'ensemble du dispositif et d'assurer l'évaluation des actions menées, la mise en oeuvre étant confiée à quelques grands opérateurs tels que par exemple l'agence française de développement, l'agence pour l'enseignement du français à l'étranger, l'Alliance française et CulturesFrance.
- une réforme de la gestion des ressources humaines au sein du réseau culturel apparaît nécessaire, que ce soit en matière de recrutement, de formation ou de déroulement de carrière, laquelle semble aujourd'hui inadaptée aux besoins d'un réseau culturel moderne. A cet égard, l'idée de créer un corps spécifique, sur le modèle de l'Institut Goethe, mériterait d'être étudiée, de même que celle d'un renforcement de la formation initiale et continue. Il serait également envisageable d'adopter une certaine souplesse en matière de durée de mission dans les postes, qui serait variable selon les pays, allant, par exemple, de trois ans en Europe à six ans dans un pays demandant un fort investissement linguistique et culturel comme la Chine ;
- l'idée de fusionner les services de coopération et d'action culturelle des ambassades avec les centres et les instituts culturels n'est pas une nouveauté puisqu'avaient été instaurés naguère les centres de coopération culturelle (CCC), de même inspiration. Cependant, sa mise en oeuvre dans toutes les villes où n'existent que des Alliances françaises et non des centres culturels semble problématique. Il résulte d'entretiens avec un auditeur de la Cour des comptes qu'il conviendrait de mieux séparer associatif et administratif dans le réseau culturel extérieur français et de donner une plus large autonomie aux directeurs d'Alliances. La Fondation Alliance française a donné mandat à des délégués généraux pour coordonner l'action dans une quarantaine de pays ; à cette fin, elle a ouvert des comptes bancaires sur lesquels sont versées, afin de leur permettre de remplir cette mission, des subventions du ministère des affaires étrangères inscrites dans la programmation des postes. Dans deux ou trois cas, les services culturels ont été tentés de bénéficier de la souplesse et de la rapidité permises par le mode associatif (celui de la Fondation, en l'occurrence) pour mettre en oeuvre plus efficacement leur propre programmation culturelle, ce qui, selon les règles de la comptabilité publique, pourrait s'apparenter à une « gestion de fait » dans laquelle il sera mis bon ordre. Il n'en reste pas moins que, d'une façon plus générale, une clarification des relations entre les ambassades et les opérateurs semble nécessaire, dans le respect, pour ce qui concerne l'Alliance française, des conventions signées avec les ambassades, par lesquelles ces dernières fixent les priorités.
a fait part de son inquiétude au sujet de la forte baisse des crédits consacrés à l'action culturelle extérieure et s'est interrogé sur la possibilité pour l'Etat d'exercer dans ce contexte un véritable pilotage stratégique.
s'est interrogée sur la reconnaissance des diplômes délivrés par les Alliances françaises, au regard de ceux décernés par le British Council.
a indiqué que les diplômes de langue délivrés par les Alliances françaises étaient les diplômes officiels (Delf-Dalf) du ministère de l'éducation nationale et reconnus à ce titre à l'étranger.
a souhaité revenir sur la fermeture des centres et des instituts culturels en Europe, en rappelant que la moitié des centres et instituts culturels français en Allemagne avaient été fermés ces dernières années, ce qui constitue un réel motif de préoccupation. Il s'est demandé si l'interprétation éventuelle de la Cour des comptes d'une « gestion de fait » concernant certaines délégations générales n'entraînait pas des effets pervers en limitant à l'avenir les possibilités pour les services des ambassades de mener des actions de coopération culturelle par l'intermédiaire des Alliances françaises. Enfin, il a fait part de son inquiétude au sujet de la création éventuelle d'une agence et il a regretté que le mot « culture » n'apparaisse pas dans la dénomination de la nouvelle direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats du ministère des affaires étrangères et européennes.
a rappelé que la suppression du terme « culture » datait de la création de la direction générale de la coopération internationale et du développement (DGCID) et qu'elle avait déjà à l'époque provoqué un certain émoi au sein des milieux culturels.
Il s'est également déclaré préoccupé par un mouvement de fermeture des centres et des instituts culturels en Europe, si celui-ci devait se faire trop rapidement et sans étude préalable des possibilités de relève par une Alliance française. En effet, si une Alliance française peut prendre de manière tout à fait satisfaisante la suite d'un centre ou d'un institut culturel, comme récemment à Gênes, à Porto ou à Nairobi, cela ne peut s'appliquer partout en Europe de la même manière. Ainsi, au Luxembourg par exemple, le remplacement du centre culturel existant par une Alliance française n'apparaît guère possible, étant donné que les autorités locales offrent gratuitement aux adultes, dans un centre de langues public, des cours de langues étrangères, ce qui prive une Alliance française d'une possibilité essentielle de financement.
ayant fait observer que la question centrale restait celle du financement, M. Jean-Claude Jacq, a confirmé que, malgré un poids très modique de l'action culturelle extérieure au sein du budget de l'Etat, la forte baisse des crédits consacrés à la promotion de la langue et de la culture françaises à l'étranger, qui résulte sans doute d'un manque de véritable volonté politique dans ce domaine depuis des décennies, créait une situation préoccupante pour l'avenir du rayonnement de la culture et de la langue françaises dans le monde.
- Présidence de M. Josselin de Rohan, président -
Lors d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission a procédé à un échange de vues avec une délégation de la commission des affaires étrangères et de la défense de la chambre des députés du Brésil sur l'élaboration du budget de la défense.
Accueillant la délégation, M. Josselin de Rohan, président, a tout d'abord rappelé que le Président de la République s'était récemment rendu en visite officielle au Brésil et que le nouveau déplacement prévu à l'automne témoignait de l'intensité des relations entre la France et le Brésil qui ont à la fois une frontière commune et des intérêts communs.
Remettant aux membres de la délégation brésilienne une note relative au rôle du Parlement dans l'élaboration du budget de la défense, sujet qui constituait l'objet de la mission de la chambre des députés, il a fait part de la disponibilité des rapporteurs pour répondre aux questions.
a indiqué que le Brésil avait élaboré un plan stratégique de défense nationale et qu'il envisageait, dans ce cadre, d'acquérir un sous-marin, quelque cinquante hélicoptères ainsi que des avions de chasse. Ces acquisitions de matériel de défense ont pour objectif de conférer au Brésil une dimension militaire proche de celle qui est la sienne dans d'autres domaines, géographique, politique ou social.
Dans cette démarche, la France est un partenaire privilégié que des liens d'amitié et de culture lient au Brésil bien au-delà du seul partenariat militaire.
L'intérêt du déplacement de la délégation est de conforter ces liens d'amitié au bénéfice de la communauté internationale pour renforcer la paix et les valeurs démocratiques.
a indiqué que, au Brésil, une commission budgétaire composée de députés et de sénateurs était constituée spécifiquement en vue de la discussion budgétaire. Il s'est interrogé sur l'organisation du Parlement français dans ce domaine.
Au cours d'un échange de vues auquel ont notamment pris part MM. Josselin de Rohan, président, François Trucy, Daniel Reiner et André Dulait, la délégation brésilienne a sollicité des précisions sur la procédure d'examen de la loi de finances, sur l'intervention éventuelle du Président de la République et des chefs d'état-major des armées dans cette procédure ainsi que sur les modes d'intervention du Parlement dans les négociations bilatérales relatives à des achats d'armement impliquant des transferts de technologie.
Interrogé sur les conséquences de la crise mondiale sur les orientations du budget français, M. Josselin de Rohan, président, a exposé les fortes contraintes pesant sur les finances publiques françaises et leur impact particulier sur les dépenses militaires. Il a précisé que les réformes en cours, à la suite de l'élaboration du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, avaient précisément pour objet de faire face à ces contraintes budgétaires sans affecter la crédibilité de l'outil de défense. Il a estimé que, si la crise s'approfondissait, on pourrait néanmoins concevoir beaucoup d'inquiétudes pour l'exécution des budgets de défense et la reconstitution de certaines capacités militaires, comme celles du transport aérien.
a évoqué les valeurs communes partagées par la France et le Brésil, notamment leur attachement au multilatéralisme. L'établissement d'un partenariat stratégique impliquant des transferts de technologie témoigne d'une relation de confiance et le partage d'un socle de valeurs commun. Dans ce contexte, il s'est interrogé sur la conception française de la dissuasion nucléaire, le Brésil ayant fait le choix de ne pas se doter de cette arme, sa conception de l'outil militaire étant essentiellement défensive.
a rappelé que la France conduisait notamment sa politique de défense dans le cadre multilatéral de l'OTAN, mais qu'elle avait fait le choix de conserver une force nucléaire stratégique autonome, avec un objectif de dissuasion dont la doctrine d'emploi avait été définie par le Président Chirac, à Brest en 2006, et le Président Sarkozy, à Lorient en 2008. Il a déclaré partager le souci du désarmement et de la lutte contre la prolifération alors que les exemples iranien et nord-coréen montrent que le monde n'est pas à l'abri du danger dans ce domaine.
A M. François Trucy qui l'interrogeait sur la participation du Brésil aux opérations de maintien de la paix, M. José Genoino Neto a indiqué que le Brésil n'intervenait que sur le fondement d'une décision du Conseil de sécurité des Nations unies, seul garant de la légitimité d'une telle opération et de l'absence d'unilatéralisme.
a précisé que le théâtre d'implication le plus important pour les forces brésiliennes était actuellement Haïti, cette implication bénéficiant d'un consensus parmi les partis politiques brésiliens. A propos de la mission des Nations unies en Haïti (Minustah), la question est plutôt de déterminer le stade d'accomplissement justifiant son arrêt. Le pays est très pauvre et ses forces de sécurité sont très mal formées. La présence des forces internationales doit y être exemplaire.
Le Brésil a également proposé un document de médiation entre la Colombie et le Venezuela sur la question des forces armées révolutionnaires colombiennes (les Farc), mais il n'a pas d'implication militaire en Amérique du Sud, à l'exception d'Haïti. Il exerce cependant un rôle de dissuasion et de médiation sur le continent.
a observé que la puissance militaire brésilienne n'atteignait pas les proportions d'autres expressions de la puissance du pays dont la géographie est à l'échelle d'un continent.
Comparée aux pays de la région, l'armée brésilienne est plus faible, pour ce qui concerne l'armée de l'air, que celles du Venezuela et du Pérou et, pour ce qui concerne la marine, que celle du Chili. Cette faiblesse relative nuit à la capacité de médiation du pays et à l'équilibre des forces sur le sous-continent.
Pour ces raisons, le pays doit consentir un effort particulier en matière de défense. Le partenariat avec la France va dans ce sens. Il ne s'agit pas de servir des visées hégémoniques mais de soutenir la paix et la démocratie avec des forces aériennes, navales et terrestres suffisantes. Il s'agit non seulement de protéger le territoire mais, surtout, de maintenir la paix.
Puis la commission a procédé à l'audition de M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, sur l'actualité internationale.
A l'invitation de M. Josselin de Rohan, président, M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, a tout d'abord évoqué la situation à Madagascar.
Il a estimé qu'après trois mois de crise politique au cours desquels on avait compté près d'une centaine de victimes, Madagascar avait connu ces derniers jours une situation empruntant tout autant à la révolution qu'au coup d'Etat, puisque la légitimité du président Marc Ravalomanana, réélu régulièrement en 2006, pouvait difficilement être contestée. C'est pourquoi la France était restée soucieuse de ne pas prendre parti et d'apaiser les tensions, en s'en tenant à un soutien au respect de l'ordre constitutionnel.
Face à l'aggravation de la crise, le président Ravalomanana a démissionné le 17 mars et remis ses pouvoirs à un directoire militaire qui, à son tour, les a transmis au chef de l'opposition M. Andry Rajoelina, ancien maire d'Antananarivo. La Haute Cour constitutionnelle vient de valider ce transfert d'autorité.
Le ministre a marqué ses interrogations face à ce type de situation, qui s'écarte des procédures constitutionnelles régulières. Il a néanmoins assuré que la France n'entendait pas suspendre son assistance à Madagascar, qui constitue avant tout une assistance à la population malgache. Il a ajouté que la France agirait en étroit contact avec la communauté internationale, notamment avec les Nations unies, l'Union africaine et l'Organisation de la francophonie.
a demandé si la France allait reconnaître le nouveau chef de l'Etat malgache. Il a également demandé des précisions sur la constitution du nouveau gouvernement israélien.
a évoqué la situation en Mauritanie, après la visite effectuée par le colonel Kadhafi en qualité de président de l'Union africaine. Elle a souhaité savoir si la France et l'Union européenne envisageaient de modifier leur position à l'égard du gouvernement issu du coup d'Etat.
a interrogé le ministre sur la politique de la France dans le Pacifique Sud. Il a souhaité savoir si un sommet France-Océanie serait bien organisé en 2009. Il a par ailleurs fait part d'une forte attente au Vanuatu à l'égard d'un renforcement de nos relations bilatérales, notamment en matière de soutien à la francophonie.
S'agissant de la situation à Madagascar, M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, a indiqué que la France souhaitait obtenir des garanties sur la situation constitutionnelle, qui n'était pas pour l'instant éclaircie. Il a précisé qu'un nouvel ambassadeur, M. Jean-Marc Châtaigner, avait pris ses fonctions à Antananarivo, ce qui permettrait de mieux évaluer la situation sur place.
D'une manière générale, le ministre a relevé une tendance inquiétante au retour, sous des formes très diverses, des coups d'État. Bien que les situations soient très différentes, les cas de la Mauritanie, du Kenya, du Zimbabwe, de la Guinée et aujourd'hui de Madagascar illustrent le mauvais fonctionnement des processus constitutionnels réguliers.
En ce qui concerne la Mauritanie, le ministre a indiqué que la France soutenait la solution préconisée par le président de la Commission de l'Union africaine, M. Jean Ping, selon laquelle, afin de garantir l'impartialité de l'élection du 6 juin prochain, le général Aziz devrait rétrocéder le pouvoir au président renversé par le coup d'État qui superviserait la préparation du scrutin tout en ayant accepté de n'y pas concourir. Le recours à des sanctions par l'Union européenne n'est pas actuellement à l'ordre du jour.
A propos du Proche-Orient, le ministre a estimé que la situation était plus difficile que jamais après le conflit de Gaza. La réconciliation inter-palestinienne et les négociations sur un cessez-le-feu durable, n'ont pas encore abouti. La constitution d'un nouveau gouvernement israélien, auquel le parti travailliste et Kadima n'envisagent pas pour l'instant de participer, est reportée à la fin mars ou au début avril. Ce report marque la difficulté de la composition d'une coalition gouvernementale. L'influence de M. Lieberman, qui s'est déclaré favorable à la coexistence de deux Etats, mais dont les positions droitières sont claires, pourrait demeurer en balance avec un éventuel accord avec les travaillistes et Mme Livni. Il faut enfin noter une évolution sensible de la position des Etats-Unis d'Amérique, plus impliqués et exigeants.
Par ailleurs, répondant à M. Robert Laufoaulu, le ministre a confirmé que le prochain sommet France-Océanie se tiendrait à Nouméa à la fin du mois de juillet 2009. Il a souligné la volonté de la France d'affirmer sa présence dans cette région où elle représente également l'Union européenne, qui constitue un important bailleur de fonds. Il a reconnu l'intérêt de renforcer les relations avec le Vanuatu. Il a indiqué qu'il effectuerait dans quelques semaines la première visite d'un ministre des affaires étrangères français en Australie depuis vingt-cinq ans, et qu'il se rendrait également en Nouvelle-Zélande.
a fait état de l'échec des négociations entre le Hamas et Israël sur l'échange de prisonniers, et a souhaité savoir si elles avaient achoppé sur une libération éventuelle de M. Marwan Barghouti. Mme Michelle Demessine s'est interrogée sur l'opportunité de poursuivre dans la voie de l'accord de partenariat entre l'Union européenne et Israël, alors que ce pays étend sa colonisation en Cisjordanie, ainsi que ses opérations d'occupation et de destruction de maisons palestiniennes.
En réponse, le ministre a apporté les réponses suivantes :
- M. Barghouti ne figure pas à sa connaissance parmi les 450 prisonniers dont la libération est en cours de négociation entre Israël et le Hamas ; il est d'ailleurs possible que l'OLP préfère garder M. Barghouti en réserve, afin qu'il joue pleinement son rôle à l'issue d'un éventuel accord inter-palestinien ;
- sur les 450 prisonniers libérables, Israël demande qu'environ 70 d'entre eux résident ultérieurement hors de Cisjordanie, ce qui pose au Hamas un problème de principe. Ces libérations interviendraient en échange de celle de M. Gilat Shalit ;
- il convient par ailleurs de rappeler que l'un des faits déterminants du déclenchement de la guerre de Gaza a été le refus du Hamas, sous l'impulsion probable de son dirigeant M. Khaled Mechaal, résidant à Damas, de rencontrer le Fatah, en novembre 2008 et de rendre ainsi possible un accord interpalestinien ;
- le renforcement de la relation entre l'Union européenne et Israël s'effectuera dans le contexte du processus de paix, comme décidé en décembre dernier. L'Union européenne attend donc la constitution du prochain gouvernement israélien pour connaître ses intentions sur ce sujet. Le conseil d'association se réunira le 18 mai prochain.
s'est inquiété de la situation prévalant en Afghanistan, marquée par une suspicion des Etats-Unis envers l'indépendance manifestée par le représentant du secrétaire général de l'ONU, et par les interrogations américaines sur l'attitude militaire et politique à adopter pour améliorer la situation de la coalition. Il a déploré que les Etats-Unis envisagent de réaliser une revue stratégique sur ce pays sans y associer leurs partenaires. Il a regretté que certains pays maintiennent des exigences en matière de règles d'engagement. Rappelant combien le gouvernement Karzaï était contesté, que les coûteux efforts de formation en faveur de la police afghane n'avaient guère donné de résultats, que l'armée afghane avait à déplorer une soixantaine de morts par semaine, et que les nations intervenant sous l'égide de l'OTAN enregistraient également des pertes, il a exprimé la crainte d'un refus des alliés de poursuivre leurs actions sur ce théâtre, refus accentué par l'état actuel de déliquescence du Pakistan.
En réponse, le ministre a apporté les éléments suivants :
- les opérations sous l'égide de l'OTAN ont toujours fonctionné avec des règles d'engagement différentes selon les nations participantes. Cela provoque de continuelles difficultés, et aboutit, dans les faits, à ce que certaines nations ne combattent pratiquement pas ;
- la revue stratégique a été confiée à l'envoyé spécial américain, M. Richard Holbrook, excellent connaisseur de la région ; le Royaume-Uni, l'Allemagne puis la France ont également désigné des représentants spéciaux, afin de participer aux discussions. Pour la France, il s'agit du député Pierre Lellouche, nommé parlementaire en mission pour une période de six mois. Les Etats-Unis ont pris le soin de consulter étroitement leurs partenaires ;
- l'éventuel succès de la coalition en Afghanistan passera davantage par la conquête des populations civiles que par des succès militaires. Un des exemples de cette action positive est l'hôpital de Kaboul, dont le personnel est afghan, et qui a été financé avec le concours de la fondation Aga Khan ;
- les besoins de la population civile, essentiellement rurale, sont immenses : 78 % d'entre elle n'ont pas accès à l'eau et 70 % vivent en-dessous du seuil de pauvreté. Pour améliorer son sort, il faut lui apporter la sécurité. Dans la perspective de la réunion du 31 mars prochain et du Sommet de Strasbourg-Kehl, des réflexions se poursuivent sur une proposition européenne pour l'envoi de forces de gendarmerie ;
- il semble utile que le gouvernement afghan ouvre des négociations avec ceux des responsables taliban qui y seraient disposés ; des contacts de cette nature ont été menés sous l'égide de l'Arabie saoudite. Il sera également nécessaire d'impliquer les chefs de tribus afghans dans la répartition de l'aide apportée par la coalition.
s'est interrogé sur les moyens de réduire la culture et le trafic du pavot en Afghanistan, et sur le sort des prisonniers retenus sur la base américaine de Guantanamo.
En réponse, le ministre a apporté les indications suivantes :
- la Commission européenne et le Secrétariat général du Conseil étudient actuellement le cadre juridique dans lequel l'accueil de prisonniers sur le sol européen pourrait se situer. Le Royaume-Uni a déjà accepté plusieurs de ces prisonniers sur son sol. Pour sa part, pour l'accueil d'éventuels prisonniers qui ne sont pas de nationalité française, la France demandera une démarche américaine officielle ainsi qu'une démarche effectuée personnellement par le prisonnier intéressé et une parfaite clarté sur les retombées sécuritaires liées à l'éventuel accueil d'un individu donné ;
- certains pays font néanmoins part de réticences, en particulier depuis qu'un Yéménite, qui avait regagné son pays, y a été de nouveau arrêté pour des activités de soutien à Al Qaïda ;
- la lutte contre la culture et le trafic de la drogue en Afghanistan est nécessaire, mais difficile à mener sans s'aliéner les populations qui en vivent. C'est dans cette perspective que la France a proposé de faire porter la lutte sur l'interdiction des précurseurs chimiques qui permettent de transformer le pavot en opium. Il convient également de proposer des cultures de substitution, comme cela a été réussi, dans des conditions spécifiques, en Colombie ; mais il faut constater que celles-ci sont rarement aussi rémunératrices que la production de pavot ;
- les futures élections présidentielles afghanes ont été maintenues au 20 août prochain, et des renforts militaires seront nécessaires pour en protéger le déroulement. La question de l'intérim constitutionnel est particulièrement délicate. Le Président Karzaï souhaite continuer de gouverner pendant la période intérimaire, mais la seule solution porteuse de stabilité pour le pays serait une solution qui ait pu recevoir l'accord des différentes institutions, en particulier celui du Parlement.
a souhaité avoir des précisions sur la situation prévalant au Soudan après la décision prise par la Cour pénale internationale (CPI) à l'encontre du Président El Bechir, et les expulsions consécutives de bon nombre d'ONG occidentales.
En réponse, le ministre a apporté les éléments suivants :
- l'instauration d'une justice internationale, dont la CPI est la forme la plus achevée, constitue un incontestable progrès ;
- le Président Bechir avait été informé que le Procureur de la CPI avait demandé que soit délivré un mandat d'arrêt à son encontre, mais a refusé tout geste de bonne volonté de nature à montrer qu'il souhaitait collaborer avec la Cour ;
- parallèlement, la France soutient une médiation menée par le Qatar entre les rebelles et les autorités soudanaises ;
- il faut relever que l'opposant Hassan el Tourabi s'est prononcé en faveur du lancement d'un mandat d'arrêt de la CPI, mais que la Ligue arabe et l'Union africaine l'ont récusé.