Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation

Réunion du 15 septembre 2010 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

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La réunion

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Au cours d'une première réunion tenue le matin, la commission procède à l'examen du rapport de M. Adrien Gouteyron sur les projets de loi :

n° 664 (2010-2011), autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre la France et la Belgique tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative et juridique réciproque en matière d'impôts sur les revenus ;

n° 665 (2010-2011), autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume de Bahreïn en vue d'éviter les doubles impositions ;

n° 666 (2010-2011), autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre la France et le Grand-Duché de Luxembourg tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative et juridique réciproque en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune ;

n° 667 (2010-2011), autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Malaisie tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôt sur le revenu ;

n° 668 (2010-2011), autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Singapour tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur les revenus.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Nous allons examiner le rapport d'Adrien Gouteyron, sur cinq projets de loi tendant à autoriser l'approbation d'avenants aux conventions fiscales entre la France et Bahreïn, la Belgique, le Luxembourg, la Malaisie et Singapour. Notre collègue se trouvant au Moyen-Orient, je le supplée pour présenter ce rapport.

En juillet dernier, le Sénat a déjà adopté douze projets de loi autorisant l'approbation d'autant d'accords pour l'échange de renseignements en matière fiscale. Dans les prochaines semaines, nous aurons encore l'occasion de nous prononcer sur un avenant à la convention fiscale franco-suisse et sur sept autres accords pour l'échange de renseignements fiscaux.

Cette « prolifération » de textes visant à promouvoir la coopération fiscale entre les Etats résulte de l'annonce faite au G 20 de Londres, en avril 2009, d'un renforcement de la lutte contre les « paradis fiscaux ».

Chacun des cinq avenants vise à mettre la convention fiscale à laquelle il se rapporte en conformité avec la norme définie par l'OCDE pour l'échange de renseignements à des fins fiscales. Cette norme est devenue le standard en la matière.

Pour l'OCDE, un pays est considéré comme « coopératif », et figure en conséquence sur la « liste blanche », s'il a signé au moins douze accords d'échange d'informations à des fins fiscales. La « liste noire » vise les Etats qui n'ont pris aucun engagement en termes d'échange de renseignements. Cette liste noire, qui comprenait quatre Etats en avril 2009, est aujourd'hui vide. Enfin, une « liste grise » identifie les Etats qui, bien que n'ayant pas signé le nombre minimal de douze accords, s'y sont engagés ; de trente-huit pays en avril 2009, elle en compte encore treize : Belize, les Iles Cook, le Costa Rica, le Guatemala, le Libéria, les Iles Marshall, Montserrat, Nauru, Nioué, Panama, les Philippines, l'Uruguay et le Vanuatu.

Les cinq Etats concernés par les avenants que nous examinons figurent donc tous sur la liste blanche de l'OCDE :

- Bahreïn et Singapour, reconnus par l'OCDE comme « paradis fiscaux » en 2000, mais inscrits sur la « liste grise » en avril 2009, ont intégré la liste blanche respectivement en juillet et novembre de la même année, à la suite de la signature de leur douzième accord de coopération fiscale ;

- la Malaisie, qui était encore inscrite sur la « liste noire » en avril 2009, a été admise sur la liste blanche en février 2010 ;

- la Belgique et le Luxembourg ont levé leurs réserves quant à l'application de l'article 26 du modèle de la convention fiscale de l'OCDE en 2009.

Les cinq avenants que nous examinons reproduisent le modèle OCDE pour l'échange de renseignements à des fins fiscales.

Actuellement, l'échange d'informations bancaires ou fiscales avec la Belgique est subordonné au respect du secret bancaire : la convention fiscale franco-belge ne permet pas d'obtenir des renseignements liés à l'application de la législation française ou aux impôts français.

De même, les pratiques en matière de secret bancaire au Luxembourg, et les restrictions en matière d'échange de renseignements prévues par la convention en vigueur, entravent la possibilité d'obtenir des renseignements dans le cadre d'un contrôle fiscal ou pour s'assurer du bien fondé des bases d'imposition.

En ce qui concerne la Malaisie et Singapour, les restrictions à l'échange d'informations portent sur la nature des impôts, le statut de résident des redevables et la disponibilité immédiate des renseignements. En particulier, il n'est actuellement pas possible pour la France d'obtenir des informations que les autorités malaises ou singapouriennes, faute d'en avoir besoin pour leur propre compte, n'auraient pas déjà collectées.

Dans chaque cas, l'introduction dans la convention fiscale d'une clause conforme au standard OCDE tend à donner à la France la possibilité de demander aux autorités de l'autre Etat contractant tous les renseignements qui s'avèreraient utiles pour la bonne application de notre droit fiscal, et de transmettre les informations ainsi recueillies aux autorités administratives et juridictionnelles.

La norme de l'OCDE prévoit que l'échange de renseignements doit être accordé, sur la demande de l'Etat requérant, lorsque l'information est « vraisemblablement pertinente » pour l'application de la législation fiscale interne de cet Etat ; elle précise que la nature des renseignements peut être bancaire ou fiduciaire et concerner la propriété d'une personne, par exemple celle de sociétés ; elle prohibe les restrictions à l'échange de renseignements motivées par le secret bancaire ou par des exigences tenant à l'intérêt fiscal national : l'Etat requis doit mettre en oeuvre ses pouvoirs afin d'obtenir les informations sollicitées, même s'il n'en a pas besoin pour lui-même ; enfin, le respect des droits des contribuables et de la confidentialité des informations échangées doit être assuré.

Les cinq avenants présentent des différences mineures avec ce standard, motivées par l'adaptation aux contextes nationaux et par la volonté de donner leur plein effet aux nouvelles dispositions.

Pour des raisons internes de procédure de ratification du texte, la Belgique a demandé à restreindre le champ des impôts belges couverts aux seuls impôts perçus pour le compte de l'Etat. Toutefois, cette modification ne limite pas le champ d'application de l'échange pour la France.

En ce qui concerne Bahreïn, la Malaisie et Singapour, les avenants comportent une modification rédactionnelle, pour éviter toute interprétation restreignant la communication des renseignements.

Par ailleurs, l'avenant conclu avec Bahreïn précise que les renseignements reçus par l'un des deux Etats contractants peuvent être utilisés à d'autres fins que des fins fiscales, sous la réserve que soit remplie une double condition : « lorsque cette possibilité résulte des lois des deux Etats et lorsque l'autorité compétente de l'Etat qui fournit les renseignements autorise cette utilisation ». Cette extension des motifs de l'échange vise principalement à permettre d'utiliser les renseignements en cause pour la recherche de fraudes aux cotisations sociales.

Que peut-on attendre de ces avenants ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

En 2007, le Conseil des prélèvements obligatoires a estimé que le montant de la fraude aux impôts et cotisations sociales était de 29 à 40 milliards par an. Si nous ne connaissons pas la part qu'y représentent les cinq Etats dont nous parlons aujourd'hui, nous pouvons estimer qu'elle est importante.

La Belgique accueille environ 25 000 travailleurs qui résident dans la zone frontalière française et 132 421 résidents français. Cet Etat entretient des relations bilatérales étroites avec la France puisque la Belgique était, en 2007, son cinquième client et son troisième fournisseur.

Les services financiers constituent l'élément porteur de l'économie luxembourgeoise, la place financière y contribue pour plus de 30 % du PIB. La présence économique française au Luxembourg s'illustre par un grand nombre d'implantations d'entreprises, plus particulièrement dans le secteur financier. Les produits français y sont largement distribués. Plus de 64 000 travailleurs frontaliers se rendent au Luxembourg et environ 26 000 Français y résident.

Manama, la capitale de Bahreïn, est la première place financière du Golfe, devant Dubaï, c'est un pôle important de la finance islamique. Les filiales françaises présentes à Bahreïn en ont souvent fait leur siège régional, elles y emploient un nombre croisant d'expatriés, français notamment. Or il n'existe pas d'impôt sur le revenu des personnes physiques à Bahreïn et, en ce qui concerne les personnes morales, seuls sont imposables, au taux de 46 %, les bénéfices réalisés dans le cadre d'activités pétrolières.

Singapour et la Malaisie représentent respectivement le premier et le deuxième des partenaires commerciaux de la France au sein de l'Association des nations de l'Asie du sud-est (Asean).

En Malaisie, la France se classe au treizième rang parmi les investisseurs les plus importants, et au quatrième rang parmi les investisseurs européens. On dénombre 180 entreprises françaises implantées sur le territoire malais ; ces entreprises couvrent la plupart des secteurs économiques. Le secteur financier assurait 12 % du PIB malais en 2008, une part non négligeable du dynamisme économique du pays tient au centre financier de l'île de Labuan, doté d'un statut « offshore ».

La cité-Etat de Singapour, quant à elle, représente le quatrième excédent commercial mondial de notre pays, en particulier du fait d'importantes livraisons d'Airbus. Début 2008, on y dénombrait quelque 450 implantations françaises ; la plupart des multinationales françaises y sont présentes. La vigueur de l'économie du pays s'explique en partie par une stratégie volontariste d'attraction des investissements étrangers, et l'un des piliers de cette économie consiste dans les activités financières et de services aux entreprises : Singapour est la troisième place financière d'Asie.

Il y a donc lieu de se féliciter que ces cinq Etats aient entrepris de mettre fin à leur tradition de réticence dans le domaine de l'échange d'informations fiscales, en modifiant leur législation nationale et en concluant les accords bilatéraux qui leur ont permis de se voir reconnaître le statut d'Etats « coopératifs ».

Mais il faut se garder de tout « angélisme » et nous devrons rester vigilants sur la mise en oeuvre de ces accords par nos partenaires. Les évaluations de ces pays par le « Forum mondial sur la transparence et l'échange de renseignements en matière fiscale », structure issue de l'OCDE, constitueront un précieux élément d'appréciation.

C'est au bénéfice des ces observations, qu'il détaillera dans son rapport écrit, que notre collègue Adrien Gouteyron nous propose d'adopter les cinq projets de loi tendant à autoriser l'approbation des avenants que je viens de vous présenter en son nom.

Ces textes, si vous les approuvez, seront examinés en séance publique jeudi 30 septembre, selon la procédure d'examen simplifié. Le même jour, nous aurons un débat sur l'avenant à la convention franco-suisse, ce qui nous permettra de dresser le bilan que Mme Lagarde n'a pas eu le temps de faire hier soir sur la politique de la France en matière de lutte contre les paradis fiscaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Yann Gaillard

Le rapport se défie de tout angélisme, mais le fait de contracter nous engage. Quelle est la position de nos partenaires européens, en particulier de l'Allemagne et de la Grande-Bretagne : passent-ils aussi des conventions ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Il y a un mouvement général de conventionnement, et même les paradis fiscaux conventionnent entre eux, mais cela ne nous dit pas que les pratiques changeront.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Je regrette que nous n'ayons pas débattu hier soir des paradis fiscaux, car bien des questions se posent. Le G20 de Londres est suivi d'un élan pour le conventionnement, chacun sait pourquoi, mais les effets sont plus qu'incertains et nous voulons débattre des règles européennes mêmes. Tant que la directive de 2003 sur l'épargne sera inchangée, qui fait une exception pour le Luxembourg et pour l'Autriche, l'Union européenne elle-même ne sera pas exempte de complaisance envers les paradis fiscaux. Quelle est l'efficacité du florilège de conventions actuel ? L'OCDE fournit une convention type, mais celle qu'on a signée avec la Suisse est en retrait, et nous constatons que les avenants comportent encore des reculs.

Ensuite, quid du contrôle de l'application ? Les demandes de renseignements fiscaux doivent être « pertinentes », mais qu'en est-il quand elles font suite à des soupçons de fraude ? Il faut que la transmission des informations soit automatique, ou bien elle sera aléatoire : la France doit se battre sur ce point !

La question des transferts entre les filiales et les maisons mères doit être prise en compte, des milliards échappent à tout contrôle et tant qu'ils n'apparaîtront pas dans les bilans comptables, nous n'empêcherons pas les fraudes. Nous déposerons un amendement à la loi de régulation fiscale et financière, pour plus de transparence sur la composition des conseils d'administration, sur les bénéfices et sur les impôts payés.

Après la signature de l'accord avec la Suisse, le ministre du budget s'est enorgueilli du dispositif de contrôle que nous avons adopté dans le collectif, mais le décret d'application a attendu le 1er septembre dernier, c'est bien long, et le contrôle ne sera pas effectif avant 2011 : le petit monde qui envoie des capitaux dans les paradis fiscaux aura eu tout son temps pour s'organiser ! Nous sommes face à une criminalité sans criminels, ce sera difficile d'obtenir des résultats. Le Parlement doit être informé, nous devons suivre l'activité de la cellule mise en place pour le contrôle, ou bien toute l'énergie déployée depuis le G20 n'aura comme seul résultat qu'une liste blanche qui ne voudra pas dire grand-chose.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Je vous donne acte de vos propos. En mars dernier, nous avons conduit une série d'auditions sur les conventions fiscales, car nous savons bien que l'enjeu est de faire changer les pratiques, au-delà de la seule signature de conventions. Nous poursuivrons ces auditions, en invitant notamment François d'Aubert, président du groupe d'évaluation des juridictions non coopératives du forum global de l'OCDE sur la transparence, à nous présenter le bilan de ce groupe d'évaluation.

Je partage vos préoccupations. Cependant, je vous indique que les services fiscaux peuvent conduire des enquêtes sur le prix des transferts.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Fourcade

Les avenants disposent que les échanges portent sur des renseignements « vraisemblablement pertinents » : est-ce le vocable utilisé par l'OCDE ? Qui décide de la pertinence ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

L'expression est bien celle de l'OCDE. On peut effectivement vouloir plus, mais on risque alors de ne plus rien obtenir. C'est un début, nous mettons un pied dans la porte.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

J'apprécie les précautions oratoires, mais je me demande si nous ne concluons pas là un marché de dupes. Notre signature participe à la respectabilité de pays avec qui nous signons ces contrats, alors même que nous disons que l'efficacité de la convention est douteuse : cela vaut-il la peine ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Les habits juridiques recouvrent parfois bien des hypocrisies, et il nous arrive aussi parfois de voter des lois sans grande conviction, pour la communication davantage que pour leurs effets...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

C'est mieux que rien et nous prolongeons le G20, même si nous savons bien que nous sommes encore très loin d'une gouvernance mondiale.

Sur le Luxembourg, nous faisons preuve d'une indulgence coupable, d'autant moins nécessaire que le président de l'Eurogroupe, qui nous rappelle à nos obligations comptables, est aussi le Premier ministre du duché où s'évadent bien des capitaux, couverts par le secret bancaire. Cependant, des progrès sont réalisés : qui, il y a deux ans à peine, imaginait que l'Union européenne irait aussi loin dans la régulation financière ?

La commission adopte le rapport.

Elle adopte les cinq projets de loi tendant à autoriser l'approbation d'avenants aux conventions fiscales entre la France et Bahreïn, la Belgique, le Luxembourg, la Malaisie et Singapour.

Elle propose que ces textes fassent l'objet d'une procédure d'examen simplifié en séance publique, en application des dispositions de l'article 47 decies du règlement du Sénat.

La commission procède ensuite à l'audition de M. René Ricol, commissaire général à l'investissement, sur la mise en oeuvre des investissements financés par l'emprunt national.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Nous sommes heureux d'accueillir René Ricol, commissaire général à l'investissement, accompagné de Jean-Luc Tavernier, commissaire adjoint. La première loi de finances rectificative de l'année a été consacrée à la mise en place d'une opération d'investissement exceptionnel de trente-cinq milliards d'euros faisant suite au rapport de MM. Juppé et Rocard sur les investissements porteurs d'avenir.

Le « programme d'investissements d'avenir » doit permettre d'accroître l'effort national en faveur de la recherche et de développer des positions compétitives dans des domaines stratégiques. Si la commission des finances a approuvé cette réhabilitation de la notion d'investissement public, elle n'en a pas moins regretté la voie choisie, avec la mise en place d'un financement public parallèle à celui du budget de l'Etat, ce qui prive le Parlement d'une partie de ses prérogatives habituelles. Un certain nombre d'amendements ont été adoptés à l'initiative de notre commission afin de mieux associer la représentation nationale au suivi de la mise en oeuvre des actions financées par l'emprunt.

Ce suivi s'est notamment traduit depuis le mois de mai par l'examen par la commission de trente-quatre projets de conventions entre l'Etat et les opérateurs chargés de la mise en place du programme d'investissements. A cinq reprises, la commission a fait part au Premier ministre de ses observations. Elle a pu constater avec satisfaction qu'une partie d'entre elles avaient été prises en compte.

Pour suivre l'utilisation des fonds de l'emprunt, nous auditionnons régulièrement les personnes en charge de ce dossier : c'est la troisième fois que nous entendrons M. Ricol depuis le début de l'année. Nous avons élargi notre audition, aux membres des autres commissions : je me réjouis d'accueillir notre collègue Bruno Retailleau, membre de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire.

Debut de section - Permalien
René Ricol, commissaire général à l'investissement

Je suis heureux de vous communiquer aujourd'hui le projet de rapport, qui dresse le bilan du travail accompli. Les remarques des commissions parlementaires nous ont été très utiles et nous en avons tenu compte autant que possible. Sur les trente-cinq conventions devant être conclues entre l'Etat et les opérateurs, trente-quatre ont été validées. La dernière, qui porte sur l'aménagement du plateau de Saclay, plus complexe vous sera prochainement communiquée.

La mobilisation dépasse de très loin les clivages politiques : les réunions organisées dans les préfectures de région nous ont permis de vérifier l'engouement des territoires pour les projets. Notre méthode est bien établie : nous présentons d'abord la procédure de sélection, avec le jury indépendant, puis nous organisons des ateliers thématiques pour approfondir les dossiers et leur donner les meilleures chances d'être retenus.

Votre commission m'a interrogé sur l'effet levier. Je peux d'ores et déjà vous dire que nous mobiliserons environ soixante milliards d'euros, dont vingt-cinq milliards d'euros par effet levier. Le critère de l'ancrage territorial est primordial. Avec les collectivités locales, nous nous attachons à tout mettre sur la table en amont, afin de garantir en aval les financements. Nous promouvons le fair play entre opérateurs, nous faisons attention à ce que chaque contributeur soit associé aux décisions et soit considéré comme un des porteurs du projet.

Nous nous attachons encore à bannir le terme même de subvention, qui paraît impropre à notre domaine d'intervention. Je prendrai l'exemple du véhicule du futur : la logique des subventions nous conduirait à financer des véhicules électriques, alors même que le bilan énergétique de ces derniers est nul, sauf en centre-ville. Le véhicule du futur, qui sera probablement plus hybride, nécessite une logique d'investissement et une prise de risque. Nous préférons donc être dans une position de co-investisseurs, avec l'exigence d'un retour sur investissement pour l'Etat.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Vous délivrez donc des fonds sous forme d'avances ?

Debut de section - Permalien
René Ricol, commissaire général à l'investissement

Nous faisons des « avances remboursables participatives », sur le modèle des capital-risqueurs, en participant chaque fois que possible au capital : c'est le meilleur moyen de bénéficier d'un retour sur investissement. Le secteur de la culture, attributaire de 750 millions d'euros, ne doit pas être écarté par principe de cette exigence : la numérisation des contenus, qui peut donner lieu à un service payant lors de leur diffusion, montre qu'un retour sur investissement est possible.

Nous procédons par vagues successives, pour investir progressivement lorsque les projets sont prêts.

Nous avons également imposé le changement du mode de rémunération des gestionnaires des fonds d'amorçage. Je rappelle que la Caisse des dépôts et consignations consacrera, dans le cadre du programme d'investissements d'avenir, 400 millions d'euros à l'amorçage, et que l'effet levier est potentiellement important. Les gestionnaires des fonds d'amorçage font souvent preuve de myopie en vendant immédiatement leurs brevets, sans se préoccuper des effets à long terme sur l'industrialisation et l'emploi. Le problème tient notamment à leur mode de rémunération, qui comprend un salaire fixe et des primes sous forme de carried interest. Nous avons interdit cette pratique par voie de convention : les gestionnaires ne pourront désormais toucher de bonus que lorsque les effets de leur action se seront fait sentir dans le tissu industriel du pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Il serait judicieux d'appliquer ce principe au crédit d'impôt recherche.

Debut de section - Permalien
René Ricol, commissaire général à l'investissement

En effet. Avec des sommes assez réduites, nous parvenons à faire bouger les lignes ; les responsables des pôles de compétitivité dialoguent entre eux, et tout le monde accepte que les présidents de régions jouent un rôle de coordination.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Vous avez évoqué un effet de levier grâce au soutien financier des collectivités territoriales. Mais celles-ci connaissent actuellement de fortes tensions budgétaires. Quel concours attendez-vous d'elles ?

Par ailleurs, pouvez-vous nous indiquer les conditions de rémunération des fonds non consomptibles déposés au Trésor et le montant des intérêts versés ou à verser ?

Debut de section - Permalien
René Ricol, commissaire général à l'investissement

Le taux de rémunération a été fixé à 3,41 %, ce qui a permis de donner aux porteurs de projets plus de lisibilité. Je fais le pari que les taux remonteront d'ici deux ans, à la suite notamment de la nouvelle loi de régulation bancaire et financière.

J'en viens au concours des collectivités. Si le plan de relance n'a pas produit tous ses effets, c'est que certaines collectivités ont contracté des produits financiers risqués et rechignent à dépenser. Nous nous fondons sur une hypothèse basse qui semble raisonnable, en estimant le concours financier des collectivités entre 3 et 5 milliards d'euros d'ici 2015 ou 2017, date à laquelle les projets verront effectivement le jour. Il serait sans doute possible de rationnaliser les dépenses existantes.

Debut de section - Permalien
René Ricol, commissaire général à l'investissement

Tous les projets qui relèvent des investissements d'avenir. Certaines collectivités pourraient par exemple participer au financement de sociétés de valorisation, dont le capital est ordinairement réparti entre des centres de recherche et des universités pour les deux tiers, et la Caisse des dépôts et consignations pour un tiers ; en contrepartie, elles seraient associées aux comités d'investissement. Des régions pourraient également contribuer à financer des internats d'excellence, des pôles de compétitivité ou des formations.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Krattinger

Un véritable effet de levier consisterait à attirer des fonds privés grâce aux fonds publics, et non à faire contribuer les collectivités locales dont les marges de manoeuvre fiscales sont très réduites : la fiscalité représente moins de 10 % des recettes des régions, 16 à 17 % de celles des départements.

Quant au véhicule du futur, ce n'est pas seulement la voiture électrique : des innovations sont possibles dans les domaines des chaînes de traction, des moteurs hybrides ou à l'hydrogène, ou encore des technologies de l'information et de la communication appliquées aux véhicules et aux infrastructures. Or on demande aux candidats un retour sur investissement au terme de cinq ans ; mais dans le domaine des nouvelles technologies, un projet n'est pas rentable avant dix ou vingt ans ! Nous sommes très en retard sur les Allemands dans la recherche sur les moteurs à hydrogène. Je vous engage donc à clarifier votre stratégie : votre perspective est-elle à court terme, auquel cas il n'y avait aucune raison de sortir de la budgétisation ordinaire comme le président Arthuis l'a bien dit, ou à long terme ?

Debut de section - Permalien
René Ricol, commissaire général à l'investissement

Nos tableaux présentent clairement le rapport entre les investissements de l'Etat - d'un montant de 35 milliards d'euros - et l'effet de levier attendu - près de 25 milliards d'euros, dont une faible fraction de la part des collectivités. Nous en avons discuté avec de nombreux présidents de région qui veulent s'impliquer.

Les projets ne seront pas réalisés avant 2015 et 2017. Même si l'on demandait un retour sur investissement au terme de cinq ans, cela reviendrait à l'exiger pour 2022 !

Nous sommes très soucieux du caractère novateur des projets. Nous avons par exemple rejeté le projet de l'Airbus A400M, mais nous sommes plus ouverts sur l'A350, dont la technologie pourrait avoir des retombées pendant vingt ou trente ans. Quant au véhicule du futur, il ne s'agit pas seulement de la voiture, mais aussi du train, et les recherches portent aussi bien sur les moteurs que sur les technologies numériques. Nous favorisons les collaborations afin d'éviter les doublons. En tant que médiateur du crédit, j'avais constaté que notre pays fourmille d'initiatives formidables, mais que les gens ne dialoguent pas suffisamment.

Nous tenons surtout à ce que l'Etat et les collectivités, au lieu d'accorder des subventions, investissent : il est légitime d'attendre un retour sur investissement, afin de pouvoir continuer à dépenser dans vingt ans. Mais nous n'exigeons pas de retour sur investissement sous cinq ans : c'est seulement en cas de restructuration de filières industrielles que nous voulons des résultats rapides.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Fourcade

Je suis séduit par votre théorie des vagues. Les responsables des groupes hospitaliers de Paris, Lyon et Marseille ont chacun deux ou trois projets d'institut hospitalo-universitaire (IHU) ; s'y ajouteront d'autres projets à Caen, Nantes, Bordeaux ou encore Strasbourg. Or il n'est prévu que de financer cinq IHU, pour un montant de 850 millions d'euros. Cette somme est-elle définie ne varietur, quel que soit l'intérêt des projets ? Comment le commissariat général sera-t-il associé aux décisions du jury international qui sélectionnera les dossiers ?

A Saclay, la convention sera-t-elle signée avec l'établissement public Paris-Saclay ou avec les membres des pôles d'excellence et des campus universitaires ? Au milliard d'euro prévu dans le cadre de l'emprunt s'ajoutent les 850 millions du plan Campus. Est-ce l'Agence nationale de la recherche (ANR) qui sera chargé de distribuer les fonds ?

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Bernard-Reymond

Vous souciez-vous de l'inscription des projets dans un cadre européen ? Il faut favoriser les synergies. Les pôles de compétitivité joueront-ils un rôle ? Quid du projet Iter ?

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Bourdin

Je souhaiterai vous interroger d'abord sur la méthode. Nous avons beaucoup parlé de l'effet de levier. Mais selon moi, il ne devrait pas suffire que des acteurs privés participent au financement des projets pour que vous y contribuiez : il faut aussi se soucier des résultats.

Je m'inquiète également de l'avancement des projets qui regardent la Bibliothèque nationale de France. Je suis rapporteur de la commission de l'éducation de l'Assemblée parlementaire de la francophonie, et lors d'une réunion à Dakar mes interlocuteurs se sont émus que les oeuvres de Victor Hugo soient bientôt disponibles en version numérique en traduction anglaise avant de l'être en français !

Debut de section - PermalienPhoto de André Ferrand

On a coutume de nommer « délocalisation des campus d'excellence » le projet qui consiste à créer des filières francophones dans des établissements d'enseignement supérieur étrangers, à partir du réseau des lycées français. Le Premier ministre, dans sa réponse au courrier du président Arthuis faisant part des observations de la commission des finances sur certains projets de convention, s'est montré très encourageant. Il est temps d'internationaliser nos universités et grandes écoles. Les sept mille bacheliers étrangers issus chaque année des lycées français constituent une véritable pépinière que le monde nous envie ; or la plupart d'entre eux ne poursuivent pas leurs études en France. Dans le cadre du programme d'investissements d'avenir, nous souhaitons créer des collaborations entre des pôles de recherche et d'enseignement supérieur (PRES), des lycées français à l'étranger et des universités étrangères : Bordeaux pourrait ainsi s'associer à des établissements d'Amérique latine, pour créer des filières bi-diplômantes. Ce projet est en bonne voie. Plusieurs groupes du CAC 40 pourraient s'y associer : les présidents de BNP Paribas, Total et EDF m'ont fait part de leur intérêt. Que puis-je leur dire ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

L'effet de levier doit avoir un aspect qualitatif : les grands groupes ne doivent pas être seuls à profiter du grand emprunt, qui doit aussi irriguer le tissu des PME et revigorer ainsi notre économie. Le médiateur de la sous-traitance a d'ailleurs été chargé de veiller à ce que les grandes entreprises entretiennent des relations convenables avec leurs sous-traitants.

Quant aux infrastructures numériques, un premier appel à projets relatif au très haut débit a été lancé cet été à destination des collectivités locales. Comment comptez-vous faire en sorte que les décisions soient prises de manière cohérente et rapide, alors qu'au secrétariat d'Etat à l'économie numérique et au commissariat général, se juxtaposent le tout récent fonds pour la société numérique et le fonds d'aménagement numérique des territoires (FANT) créé en 2009 par la loi relative à la lutte contre la fracture numérique ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Où en sont les projets de carburants d'origine agricole, dont les enjeux sont immenses ?

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Il reste une somme non fléchée de 150 millions d'euros pour les internats d'excellence et la diffusion de la culture scientifique. Quand aurons-nous des précisions ? Les projets de conventions au sujet de la diffusion de la culture scientifique nous ont paru bien vagues. ( Mme Nicole Bricq renchérit) L'argent ne serait-il pas mieux employé ailleurs ?

Nous n'avons pas non plus de détails sur les frais de gestion de l'Agence nationale de la recherche, alors qu'une convention financière est annoncée. Ces frais doivent être transparents et raisonnables.

L'action « Ville de demain », dotée d'un milliard d'euros, reste nébuleuse. S'agit-il de construire des infrastructures ? Pourtant le grand emprunt devait avoir un autre objet.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Il est prévu de confier à l'Agence nationale pour la rénovation urbaines (ANRU) l'attribution des fonds affectés aux internats d'excellence et à la diffusion de la culture scientifique. Ce n'est pourtant pas son coeur de métier : cette agence, qui emploie environ 80 salariés, est chargée de la mise en oeuvre de programmes de rénovation urbaine. Le choix de l'opérateur doit-il être remis en question ?

Debut de section - Permalien
René Ricol, commissaire général à l'investissement

Comme M. Fourcade, j'estime que les médecins hospitaliers doivent apprendre à dialoguer, car les projets d'IHU sont trop nombreux. Un seul nous paraît mûr. Il est d'ailleurs possible de créer des laboratoires d'excellence plutôt que des IHU.

L'enveloppe globale ne sera pas modifiée, mais si nous constatons que dix projets méritent d'être soutenus, nous accorderons à chacun une somme moins élevée que prévu. C'est l'avantage de la méthode par vagues. Lors d'une réunion en Île-de-France, j'ai fait comprendre aux dirigeants des hôpitaux Necker et Pompidou que s'ils ne coopéraient pas davantage, leurs projets n'auraient aucune chance d'être retenus.

Debut de section - Permalien
Jean-Luc Tavernier, commissaire général adjoint à l'investissement

Pour l'aménagement du plateau de Saclay, si l'ANR a d'abord été choisie, c'est parce qu'au moment du vote de la loi de finances rectificative et de la publication du décret relatif aux opérateurs, l'établissement public Paris-Saclay n'existait pas. Faut-il changer d'opérateur ? Certes, l'aménagement du plateau n'entre pas dans le coeur de métier de l'ANR, mais l'établissement public Paris-Saclay sera lui-même bénéficiaire des sommes distribuées...

Les moyens de l'ANR, comme ceux de l'Ademe, seront définis par convention. Pour les frais de gestion de l'ANR, sont prévus quatre millions d'euros, qui correspondent à la création d'environ vingt-cinq équivalents temps plein - compensée par la suppression d'autant de postes auprès du ministère de l'enseignement supérieur - et au défraiement des membres des jurys internationaux.

Debut de section - Permalien
René Ricol, commissaire général à l'investissement

Nous sommes évidemment soucieux de la dimension européenne des projets, que nous examinons au cas par cas. Les jurys internationaux nous y aideront.

J'en viens à la question des pôles de compétitivité et des démonstrateurs. Le commissariat général pourra s'opposer aux décisions des jurys s'il motive par écrit sa décision. Si les projets ne contribuent pas à la structuration de filières économiques et n'associent pas étroitement les PME, les grands groupes ne seront pas éligibles aux fonds de l'emprunt national. En attirant l'attention en tant que médiateur du crédit sur le comportement de ces derniers, j'ai contribué à la création d'un médiateur de la sous-traitance. Depuis, une quarantaine de grands groupes ont conclu une convention avec les petites entreprises pour éviter les abus. Ne nous laissons pas abuser par ceux qui nous demandent de faire des exceptions pour les entreprises locales !

L'Iter n'est pas concerné par les investissements d'avenir. Quant au nucléaire de quatrième génération, aucun projet n'a encore été déposé.

Le résultat des investissements sera évalué de manière aussi objective et quantifiée que possible, mais le rendement financier ne sera pas seul pris en compte : nous mentionnerons par exemple le taux de réussite scolaire dans les internats d'excellence. Nous avons fait appel à des consultants pour établir des modèles d'évaluation.

Le projet de filières francophones dans les établissements d'enseignement supérieur à l'étranger est excellent, mais il faut encourager les entreprises à ne pas seulement affirmer le principe de leur contribution, mais à préciser, dès maintenant, le montant de celle-ci ! Cela ne fera qu'accélérer les choses.

Dans le domaine du numérique, la gestion est simple : en l'absence d'opérateur, le secrétariat d'Etat à l'économie numérique et le commissariat général en assument les fonctions. Les fonds sont gérés par la Caisse des dépôts.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

C'est une exception dans le cadre des investissements d'avenir.

Debut de section - Permalien
Jean-Luc Tavernier, commissaire général adjoint à l'investissement

En effet, mais comme les autres opérateurs, la Caisse des dépôts a ouvert un compte au Trésor public pour y déposer les sommes qui lui sont confiées.

Debut de section - Permalien
René Ricol, commissaire général à l'investissement

Il ne faut pas confondre le haut débit et le très haut débit : pour l'heure on ne sait pas encore utiliser les réseaux à très haut débit. Il faut coordonner les initiatives des collectivités et des entreprises, afin d'éviter les dépenses inutiles ou redondantes. C'est pourquoi nous avons lancé un projet d'expérimentation et nous tenterons d'obtenir un consensus sur un schéma directeur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Jégou

L'Arcep, l'opérateur historique, et les autres entreprises agissent en ordre dispersé : il faut y mettre bon ordre !

Debut de section - Permalien
René Ricol, commissaire général à l'investissement

Nous espérons qu'un vrai dialogue se nouera à la suite de l'expérimentation, et que les choses s'éclairciront d'ici à la fin de l'année.

Sur les carburants d'origine agricole, les appels à projets ont été publiés.

Je reconnais que les projets relatifs à la diffusion de la culture scientifique restent flous : nous n'avons pas eu le temps de nous pencher sur la question. Mais les besoins sont évidents. On peut imaginer de créer une fédération des bibliothèques scientifiques, comme dans d'autres pays.

Debut de section - Permalien
René Ricol, commissaire général à l'investissement

Les plans de numérisation des collections de la BNF doivent encore faire l'objet de réflexions : rien ne sert de numériser des documents si l'on ne peut pas les diffuser. Google, pour sa part, se soucie peu de nos projets.

Il faut s'accorder une marge d'appréciation dans la distribution des fonds entre la diffusion de la culture scientifique et les internats d'excellence, qui coûteront peut-être plus de 300 millions d'euros au lieu des 200 millions initialement prévus.

Debut de section - Permalien
Jean-Luc Tavernier, commissaire général adjoint à l'investissement

Les sommes qui y sont consacrées ont déjà été réaffectées : 300 millions d'euros au lieu de 200 pour les internats d'excellence, 50 millions d'euros pour la diffusion de la culture scientifique, et 150 millions d'euros dont l'allocation reste à préciser. Il ne me paraît pas excessif d'investir 50 millions d'euros dans la diffusion de la culture scientifique, à laquelle la commission Juppé-Rocard était très attachée. Certains projets sont sérieux, et il faut renforcer l'appétence des jeunes pour les carrières scientifiques. Les sommes ne seront débloquées que si les projets sont convaincants.

En ce qui concerne les internats d'excellence, nous aurions pu choisir un autre opérateur, par exemple l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances, mais les internats entrent également dans les compétences de l'Anru, puisqu'il s'agira de veiller à ce que ces projets immobiliers - auxquels seront associées les collectivités - ne coûtent pas trop cher.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Pourquoi ne pas solliciter les régions, qui ont en charge les lycées ?

Debut de section - Permalien
René Ricol, commissaire général à l'investissement

Nous sommes prêts à y regarder de plus près.

Quant à l'action « Ville de demain », elle comprendra nécessairement la construction d'infrastructures, mais ce sera marginal. Certains projets sont fascinants.

Debut de section - Permalien
René Ricol, commissaire général à l'investissement

C'est une femme douée de beaucoup d'intuition, qui a anticipé l'association des services et des produits dans la nouvelle économie.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Il est prévu de transférer les fonds aux opérateurs en cours d'année. L'argent ne doit-il pas être immédiatement reversé au Trésor public ?

Debut de section - Permalien
René Ricol, commissaire général à l'investissement

Si, mais les opérateurs en seront propriétaires. Toutefois, faute d'appel à projets, ils n'auront pas le droit de les dépenser.

La commission entend enfin une communication de M. Philippe Marini, rapporteur général, sur un projet de décret d'avance transmis pour avis à la commission, en application de l'article 13 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF).

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Le projet de décret d'avance qui nous a été notifié prévoit des ouvertures et annulations de crédits pour un montant total de 729,4 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 701,4 millions d'euros en crédits de paiement (CP) au titre du budget général, ainsi que de 570 millions d'euros en AE et CP au titre des comptes spéciaux.

Ces ouvertures à titre d'avance concernent le financement des opérations extérieures du ministère de la défense pour 218 millions d'euros, plusieurs dépenses d'intervention économique, dont le financement de la prime à la casse pour 127 millions d'euros, du bonus automobile pour 370 millions d'euros et de la compensation de la baisse du prix des carburants outre-mer pour 81 millions d'euros. Certaines ouvertures concernent le soutien à la filière agricole. Il s'agit ici de dépenses liées à un moindre remboursement communautaire au titre de la campagne de vaccination 2008-2009 contre la fièvre catarrhale ovine (FCO) pour 14 millions d'euros, et au financement de la prime herbagère agro-environnementale pour 47 millions d'euros.

Sont également couverts les besoins liés au financement des conséquences de catastrophes naturelles, et plus précisément la prise en charge, pour les exploitants forestiers, des conséquences de la tempête Klaus à hauteur de 20 millions d'euros, ainsi que l'indemnisation des collectivités territoriales varoises touchées par les intempéries, soit 12 millions d'euros.

Le décret d'avance vise ensuite, et comme à l'accoutumée, l'abondement de dispositifs de prise en charge de publics vulnérables, soit 110 millions d'euros en faveur de l'hébergement d'urgence et 60 millions d'euros pour le financement de dépenses en matière d'asile. Sont enfin couvertes diverses dépenses de personnel, de contentieux, de frais de justice et à caractère immobilier.

Au total, neuf missions du budget général, un compte d'affectation spéciale et un compte de concours financiers font l'objet d'ouvertures de crédits. En proportion des crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2010, les missions qui subissent l'impact le plus important en raison des présentes ouvertures sont la mission « Economie », dont la dotation est majorée de 4,1 % en AE et 4,2 % en CP pour compenser la baisse du prix des carburants outre-mer, la mission « Immigration, asile et intégration », dont les crédits augmentent de 10,5 % en AE et 10,7 % en CP afin de financer l'allocation temporaire d'attente des demandeurs d'asile, et le compte de concours financiers « Avances au fonds d'aide à l'acquisition de véhicules propres », dont la dotation en loi de finances initiale fait plus que doubler (+ 109 % en AE et CP) pour le versement du bonus automobile.

Sur le plan qualitatif, certaines dépenses couvertes par ce projet de décret répondent à des situations dont le caractère imprévisible peut être admis. Il en va ainsi des frais de contentieux, par nature dépendants de la survenue des litiges, ou des dépenses d'indemnisation de la FCO, qui semblent résulter d'une divergence d'interprétation de la règlementation communautaire entre le Gouvernement et la Commission européenne. De la même manière, les dépenses de soutien à la filière forêt-bois, faisant suite à la tempête Klaus, ou d'indemnisation des collectivités territoriales frappées par les intempéries dans le Var présentent, en tant qu'elles sont liées à la survenue d'aléas naturels, un caractère d'imprévisibilité incontestable. Enfin, certaines dépenses imprévisibles sont imputables aux effets difficilement quantifiables de réformes en cours ou ont résulté d'arbitrages postérieurs à l'adoption de la loi de finances pour 2010. On mentionnera, à ce titre, l'accompagnement des restructurations du ministère de la défense, dont le coût est fortement dépendant des décisions individuelles des agents, l'augmentation des frais de justice, due, selon le Gouvernement, à l'anticipation de la réforme de la médecine légale, ou les surcoûts liés à la prorogation des contrats de prime herbagère agro-environnementale (PHAE), arbitrée en février 2010.

Je relève, en revanche, que certains besoins de crédits, dont l'urgence est avérée, n'étaient nullement imprévisibles, voire résultent de sous-budgétisations patentes et souvent répétées en loi de finances initiale. Le budget des opérations extérieures (OPEX) du ministère de la défense fait l'objet d'une sous-évaluation persistante et délibérée, et ce malgré sa révision à la hausse dans le cadre de la dernière loi de programmation militaire. Le coût de la compensation de la baisse du prix des carburants outre-mer pouvait être anticipé, sinon dans son montant exact, au moins dans sa survenue, puisque le prix des carburants dans les DOM demeurait subventionné par l'Etat au moment de l'examen du projet de loi de finances pour 2010. Il en va de même des dépenses immobilières liées à la réorganisation de l'administration territoriale de l'Etat, qui n'étaient pas imprévisibles, puisque leur principe était acté au moment de l'examen du projet de loi de finances pour 2010, et ce même si le périmètre exact de certaines opérations restait à définir.

La sous-budgétisation des crédits liés à l'accueil des demandeurs d'asile constitue une pratique répétée, conduisant à faire du décret d'avance une méthode traditionnelle d'abondement des crédits en cours d'exercice. La situation est analogue pour l'hébergement d'urgence, qui a vu son coût sous-estimé en 2008, 2009 et 2010, et l'augmentation constatée des besoins résulte autant d'une tendance pérenne, liée aux politiques mises en oeuvre dans ce domaine, que de facteurs conjoncturels ou climatiques.

Enfin, la sous-estimation du coût des mesures de soutien au renouvellement du parc automobile - prime à la casse et bonus - ne saurait être imputable aux seuls aléas conjoncturels. On observe en particulier que le bonus automobile est chroniquement sous-doté en loi de finances initiale et que la sévérisation du barème prévue en 2010 a, juste avant son entrée en vigueur, suscité un effet d'aubaine et inflationniste sur la demande dont la portée semble avoir été mal appréhendée.

J'en termine par les annulations à due concurrence, qui portent sur vingt-cinq missions du budget général et deux comptes spéciaux. Les annulations, hors réserve de précaution, atteignent plus d'un milliard d'euros, soit près des neuf dixièmes des ouvertures opérées. De fait, la réserve de précaution ne joue qu'un rôle résiduel qui invite à s'interroger sur la pertinence de son dimensionnement.

Cette observation, que j'avais avait déjà été formulée lors de l'examen du projet de décret d'avance notifié à la commission des finances au mois d'octobre 2009, plaide pour que les rapports de motivation explicitent de manière plus circonstanciée la nature et la destination des crédits qui font l'objet d'annulations hors réserve de précaution, ainsi que les raisons qui ont conduit à de tels arbitrages.

Dans ces conditions, je vous soumets le projet d'avis dont la teneur suit :

« La commission des finances,

« Vu les articles 13 et 56 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances ;

« Vu la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010 et les lois n° 2010-463 du 7 mai 2010 et n° 2010-606 du 7 juin 2010 de finances rectificatives pour 2010 ;

« Vu le projet de décret d'avance notifié le 14 septembre 2010, portant ouverture de 1.299.400.000 euros en autorisations d'engagement et de 1.271.400.000 euros en crédits de paiement, et le rapport de motivation qui l'accompagne ;

« 1. Observe que les ouvertures prévues par le présent projet n'excèdent pas le plafond de 1 % des crédits ouverts par la loi de finances de l'année ;

« 2. Constate que l'équilibre budgétaire défini par la dernière loi de finances n'est pas affecté, et que l'ouverture des crédits prévue, dès lors qu'elle est gagée par des annulations d'un même montant, n'appelle pas le dépôt d'un projet de loi de finances rectificative ;

« 3. Considère que l'urgence à ouvrir les autorisations d'engagement et les crédits de paiement prévus par le présent projet de décret est avérée ;

« 4. Déplore que, si certaines dépenses résultant de contentieux, faisant suite à des catastrophes naturelles ou résultant d'arbitrages postérieurs à l'adoption de la loi de finances pour 2010, peuvent être légitimement regardées comme imprévisibles, il n'en va pas de même :

« a) des dépenses liées à la compensation du coût du carburant outre-mer et aux restructurations immobilières de l'administration déconcentrée de l'Etat, qui résultent de besoins identifiés, sinon dans leur montant exact, à tout le moins dans leur principe, dès l'examen du projet de loi de finances pour 2010 ;

« b) des dépenses liées aux opérations extérieures du ministère de la défense, à la prise en charge des demandeurs d'asile, à l'hébergement d'urgence et aux mesures de soutien au renouvellement du parc automobile, qui font l'objet de sous-estimations importantes et répétées en loi de finances initiale ;

« 5. Invite en conséquence le Gouvernement à améliorer, dans ces domaines, la sincérité de la prévision budgétaire ;

« 6. Observe que près des neuf dixièmes des crédits ouverts sont gagés par des annulations de crédits intervenant hors réserve de précaution et souhaite, dans ces conditions, que les rapports de motivation explicitent désormais de manière plus circonstanciée la nature et la destination des crédits ainsi annulés, ainsi que les raisons qui ont conduit à de tels arbitrages ;

« 7. Emet donc un avis favorable au présent projet de décret d'avance, assorti de vives réserves, en raison de la répétition des dysfonctionnements rappelés ci-avant. »

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Je souscris à l'analyse selon laquelle les dépenses de restructuration immobilière n'étaient nullement imprévisibles au moment du vote de la loi de finances.

La commission donne acte de sa communication au rapporteur général et adopte, à l'unanimité, l'avis sur le projet de décret d'avance.

Présidence de M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, et de M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire-