Au cours d'une seconde réunion tenue dans l'après-midi, la commission procède à l'audition de M. François Sauvadet, ministre de la fonction publique.
Mes chers collègues, nous sommes très heureux d'accueillir M. François Sauvadet, pour la première fois dans cette configuration. Nous inaugurons donc notre cycle d'auditions budgétaires. C'est le début d'un travail important, car nous avons décidé de rédiger vingt et un avis budgétaires au sein de notre commission. S'agissant de la fonction publique, il n'y a pas de changement : Mme Gourault est, était et restera rapporteur pour avis au nom de la commission pour ce thème. Monsieur le ministre, je vous donne la parole.
Je voudrais saluer chaque membre, à commencer par le rapporteur, Mme Gourault. Je suis ravi de présenter les crédits de la mission dans un contexte nouveau. À un secrétariat d'État a succédé un ministère de plein exercice, c'est dire l'importance que le Président de la République accorde à la fonction publique, dans un contexte budgétaire dont vous n'ignorez rien. Ce programme est certes limité mais en hausse cette année, puisque nous passons de 220,9 millions d'euros à 230,1 millions, soit 4% en plus, ce qui est assez rare pour être souligné. C'est donc un signal fort donné à la fonction publique.
Notre programme comprend deux actions, l'action sociale interministérielle et le soutien à la formation des personnels de la fonction publique.
S'agissant tout d'abord de la formation, celle-ci se décompose en deux volets : un volet formation initiale - citons par exemple les crédits alloués à l'ENA ou encore les crédits affectés à la formation des cadres intermédiaires dans les instituts régionaux d'administration de Metz, Nantes, Lyon, Lille et Bastia - et un volet formation continue.
La formation, c'est plus de 81,6 millions d'euros proposés dans le projet de loi de finances pour 2012. J'en profite pour souligner mon attachement à quelques structures comme les classes préparatoires intégrées, les « CPI ». Cette année, quinze élèves suivent une formation en CPI ENA et cent vingt-cinq en CPI des IRA. Ce type de structure est important pour permettre la représentativité de la diversité sociale qui caractérise notre pays.
Concernant l'action sociale, deuxième volet de notre programme, celle-ci se décline entre plusieurs actions comme les prestations individuelles, avec l'aide aux familles, je pense par exemple aux crèches ou encore au chèque emploi service. Ces prestations doivent permettre d'assurer l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, par exemple en facilitant la garde des enfants, pour ne pas systématiquement pénaliser le déroulement de carrière des femmes. Nous avons en tout cas encore à progresser.
L'action sociale comprend également un volet de prestations collectives.
Nous sommes donc très attachés à l'action sociale. Nous sommes d'ailleurs en plein dans l'actualité, puisque s'est tenue hier une réunion du comité interministériel de l'action sociale, le CIAS. La preuve de notre engagement, c'est que le budget de l'action sociale a doublé en cinq ans, passant de 68 millions d'euros en 2006 à 138,5 millions d'euros en 2011. C'est donc une politique cohérente de revalorisation du pouvoir d'achat des fonctionnaires. J'ai d'ailleurs annoncé en comité interministériel, je tiens à vous en informer, la revalorisation du CESU.
J'ajoute que notre programme a contribué à la maîtrise des dépenses publiques, grâce notamment à un effort de la DGAFP sur ses propres dépenses de fonctionnement. Les opérateurs comme l'ENA et les IRA ont également contribué à cet effort puisqu'ils rendent pas moins de dix-sept postes sur le triennat.
Je voudrais ensuite souligner que dès mon arrivée au ministère, j'ai fixé les grandes lignes d'action jusqu'à la fin du quinquennat. De nombreux chantiers ont ainsi abouti en matière d'amélioration des conditions d'exercice du dialogue social. En premier lieu, nous avons initié une réforme des moyens financiers, matériels et humains dont l'enjeu est très important. On a travaillé depuis le mois de juillet dans ce sens. Pour la première fois par exemple, des pages de communication ont été faites. Concernant ensuite les élections professionnelles, je voudrais dire qu'elles ont constitué un rendez-vous majeur de la démocratie sociale. Nous avons besoin d'un syndicalisme représentatif, pour rendre plus efficiente la fonction publique, notamment d'État. Je n'ai pas recherché un accord à tout prix, cela aurait été trop difficile compte tenu de l'éclatement des positions syndicales. Mais je tiens à souligner le grand esprit de responsabilité des syndicats. Tout cela se fait tout en veillant à ce qu'il n'y ait pas de brutalité : il y a donc eu une gestion humaine et en même temps une grande résolution du gouvernement à faire avancer la situation avant les élections, ce qui est courageux.
J'ai souhaité la transparence, il s'agit de moyens publics, c'est donc normal, d'où quatre vingt heures de négociations. D'ailleurs, sur l'ensemble de la fonction publique, 17 000 ETP sont consacrés à la démocratie sociale. Le corollaire de tout cela, c'est la transparence.
Les élections ont constitué un moment unique. Plus de trois millions d'agents, dont deux à La Poste et dans la fonction publique d'État, ont été appelés à voter pour renouveler pas moins de 3800 instances. J'ai effectivement noté un taux de participation qui a baissé dans l'Éducation nationale, puisqu'on est passé de 64 à 38% de participation, mais la participation moyenne globale, hors éducation nationale, s'élève à 73%. Cette participation basse dans l'éducation nationale n'est pas liée à la mise en place du vote électronique puisqu'à la Poste, le taux a été beaucoup plus important. Je rappelle par ailleurs que le vote constitue un acte citoyen, tout ne dépend donc pas du ministère, d'autant que de notre côté nous avons fait un travail très important pour informer les personnels de la tenue de ces élections. Personne ne pouvait l'ignorer. Il faudra que le ministère de l'éducation nationale regarde comment améliorer le taux de participation, mais nous avons fait notre maximum. J'observe d'ailleurs que le taux de participation est très élevé dans les autres ministères, Bercy en est un bon exemple. Dans le prolongement, nous accompagnons la mise en place du nouveau Conseil commun, qui verra le jour au début de l'année prochaine. La publication d'un décret en ce sens est programmée. J'ai souhaité le renforcement des employeurs territoriaux et hospitaliers au sein de ce Conseil. Ainsi, dix sièges, sur les trente existants, seront attribués aux employeurs territoriaux, et cinq sièges aux employeurs hospitaliers. Sur les quatre instances spécialisées, la présidence de la formation spécialisée traitant de l'égalité, de la mobilité et des parcours professionnels sera confiée au président du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, M. Philippe Laurent, par ailleurs maire de Sceaux. Les conseils supérieurs auront aussi à se saisir du sujet mais nous aurons ainsi une instance pouvant regarder les éléments transversaux. Bref, l'enrichissement personnel des agents, c'est aussi un enrichissement pour la fonction publique dans son ensemble.
En ce qui concerne l'amélioration des rémunérations, là aussi de nombreuses avancées peuvent être constatées. Nous avons d'abord mis en place l'intéressement collectif. J'y tiens beaucoup. Cela implique des évolutions mais il y a une nécessité de convergence des traitements des différents corps qui ont été regroupés et qui exercent aujourd'hui les mêmes missions.
J'en profite pour dire qu'on ne comprend plus ces sigles des nouvelles directions, par exemple dans les nouvelles organisations territoriales. Avant, on avait, la culture, les sports, la jeunesse, etc. Maintenant on a des sigles abstraits. Il faut pourtant que le peuple puisse comprendre.
Il faut effectivement s'approprier ces nouveaux sigles. Cela va dans le sens de la simplification, même si ça bouleverse des habitudes, y compris pour les agents. Pour en revenir à l'intéressement collectif, je veux dire que c'est une idée très moderne. On se fixe des objectifs ensemble et on attribue une même prime à chacun des agents qui permet d'atteindre cet objectif commun. Une prime à la performance, je trouve que c'est une récompense pour ceux qui exercent leur métier dans des conditions un peu plus difficiles que les autres.
Je veux par ailleurs rappeler mon attachement à la réforme du supplément familial de traitement. Ce supplément est aujourd'hui déterminé selon des modalités injustes et obsolètes. Son montant est d'ailleurs peu élevé, il doit être de mémoire de 2,29 euros dès le premier enfant. Il y aura donc davantage de progressivité à l'issue de la réforme. Il faut mettre davantage de justice sociale dans le supplément familial de traitement. Je vous annonce d'ailleurs qu'une enveloppe supplémentaire de 10 millions d'euros sera consacrée à l'accompagnement de la politique d'accueil de l'enfant.
Citons enfin de très nombreuses mesures statutaires qui vont dans le sens de l'amélioration des revenus des fonctionnaires : le nouvel espace statutaire, la création de corps interministériels à gestion ministérielle, le troisième grade à accès fonctionnel permettant d'atteindre le hors échelle A ou le hors échelle D selon les situations, la création de la classe fonctionnelle.
Tous les secteurs bénéficient donc de revalorisations importantes.
Nous avons également bien avancé dans l'amélioration de la gestion des agents publics, et je voudrais en premier lieu revenir sur l'amélioration de l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes dans la fonction publique. Une négociation sera ouverte en ce sens, avec l'objectif de favoriser une meilleure conciliation entre vie personnelle et vie professionnelle pour tous. Il y a 60% de femmes dans la fonction publique, ça vaut d'ailleurs pour toutes les fonctions publiques, mais dans les postes les plus élevés, ceux pourvus en Conseil des ministres, on tombe à 10%. La ressource existe pourtant. Une universitaire de Rouen a rejoint mon cabinet pour suivre spécifiquement ce sujet. On a d'ailleurs à cette occasion réfléchi à l'aménagement du temps de travail, car il n'y a pas de fatalité à ce que toutes les réunions se tiennent après 20 heures. Il y a aussi le télétravail qui permet de trouver des solutions, bien entendu en évitant la désocialisation et uniquement sur la base du volontariat. On doit en tout cas être exemplaire à ce sujet. Il y aura chaque année un rapport spécifique à ce sujet, je dis bien chaque année.
Sur le chantier de la gestion des étapes de la vie, c'est-à-dire sur la manière d'aborder la question de l'évolution en fonction de l'âge au travail, là aussi nous devons avancer.
Et puis très rapidement, parce que sinon le temps va finir par nous faire défaut, nous aurons à prendre des mesures quant au traitement des risques psychosociaux et par ailleurs à améliorer la mobilité des agents.
Enfin, vous savez que le gouvernement a déposé au Sénat un projet de loi pour lutter contre la précarité. Il s'agira de renforcer la transformation en CDI des contrats à durée déterminée de tous ceux qui ont plus de six ans d'ancienneté. On n'interdira pas les CDD, ils ont leur utilité, mais il ne faut pas les multiplier pour autant.
Il y a besoin d'une évolution de la législation. Tout cela permettra de se projeter dans l'avenir. Il y aura, je vous en informe, un amendement gouvernemental à ce texte pour supprimer le classement de sortie de l'ENA.
C'est un autre sujet. Je pense que peu d'énarques sont concernés par la précarité. Il faut surtout que vous nous disiez vos intentions en matière de fonction publique. Je donne donc la parole à Mme Jacqueline Gourault, rapporteur pour avis au nom de la commission des lois.
Monsieur le ministre, quelles seront les modalités de la prestation rénovée de l'aide ménagère à domicile prévue pour 2012 ? Quel est l'état de la réflexion du gouvernement sur l'emploi des seniors ? Le troisième sujet est plus vaste : il s'agit du non remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. Comment concilier rigueur budgétaire et maintien du niveau des missions de l'Etat et de l'égalité des citoyens devant le service public ? Quels sont les critères de répartition des suppressions de postes en 2012 ?
Je ne reviens pas sur les aides distribuées au titre de l'action sociale. Cela fonctionne bien.
Est-il envisageable de plafonner le remboursement des frais kilométriques ? S'agissant du supplément familial de traitement, les fonctionnaires le perçoivent en plus des aides versées par la CAF. Peut-on imaginer pour des raisons de justice sociale de le plafonner, voire de ne pas le verser aux détenteurs des plus hauts traitements ?
Je ne sais pas si les personnels détachés au ministère des affaires étrangères relèvent de votre compétence mais je suis inquiet quant à leur traitement, en particulier s'agissant des enseignants. Certains avantages familiaux correspondant à 20 % de leur rémunération leur ont été brutalement supprimés par l'agence pour l'enseignement français à l'étranger. Quel est votre avis sur ce sujet ?
Peut-on connaître le nombre de travailleurs handicapés dans la fonction publique ? S'agissant de l'égalité entre les hommes et les femmes, certains corps sont très féminisés- je pense par exemple à l'École nationale de la magistrature- quelles sont vos réflexions sur ce point ?
Je suis content de voir exposées toutes ces avancées. Je me réjouis en particulier qu'un sujet comme la précarité fasse l'objet d'un projet de loi.
Il faut rappeler que la suppression de postes de fonctionnaires s'est accompagnée en retour d'une redistribution à ces derniers de la moitié des crédits ainsi économisés. Le contrat a été respecté, mais ça, on ne le dit jamais. La situation s'est améliorée, il y a moins de tensions qu'à certaines époques.
Puisque certains font part de leur contentement, moi je ferai part de mon mécontentement. Vous abordez des questions intéressantes comme l'égalité entre les hommes et les femmes. Je milite pour que la fonction publique donne l'exemple dans ce domaine.
Je ne citerai qu'un sujet : la fonction publique hospitalière. Son effectif a été diminué par deux en moins de 10 ans alors que le nombre de malades est constant. À continuer ainsi, on risque de mettre en danger les patients mais également les agents. Leurs conditions de travail sont insupportables.
Madame le rapporteur, je vous remercie d'avoir noté les avancées réalisées. C'est la première fois que le comité interministériel d'action sociale vote à l'unanimité.
Nous allons avancer sur la gouvernance. Les dispositifs doivent être connus et utilisés. J'ai demandé à la DGAFP de faire un point trimestriel sur l'utilisation des crédits.
S'agissant de l'aide ménagère à domicile, sa mise en place rénovée devrait intervenir au plus tard le 1er mars 2012. 10 millions d'euros y seront consacrés. Les critères seront calqués sur ceux de la CNAV, l'offre étant centrée sur les plus fragiles économiquement. Ils seront déterminés lors d'une réunion du comité interministériel d'action sociale le 28 octobre prochain. 5 000 personnes devraient en bénéficier dans un premier temps. Cette aide sera gérée par la CNAV. Les organisations syndicales sont très favorables à ce partenariat.
Sur la gestion des âges de la vie, en prévision du passage de 40,5 à 42 ans de l'âge de départ à la retraite, nous travaillons sur l'accompagnement et la gestion des carrières. Les plateformes RH régionales doivent être plus impliquées dans la gestion. De la souplesse dans le management est nécessaire. Il faut être à l'écoute des aspirations des agents quant à leur carrière.
Sur le non remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, 150 000 postes d'agent ont été supprimés mais dans le même temps on a continué de recruter. Cette règle de non remplacement ne concerne que la fonction publique d'État ; ni la fonction publique hospitalière ni la fonction publique territoriale ne sont concernées.
En Europe, l'Italie a supprimé 300 000 emplois et diminué les traitements de 5 %, l'Angleterre supprime de 300 à 400 000 postes sur trois ans, l'Espagne a diminué les traitements et les pensions. Nous, nous avons mis en place un système gagnant-gagnant.
Cette diminution des effectifs doit être mise en perspective avec la réforme de l'État, la RGPP, la réforme de la carte judiciaire ou encore la réforme police-gendarmerie.
Ce n'est pas la méthode brutale décrite, comme on a pu le dire. Cette réforme a certes pu en troubler certains, notamment en préfecture, - j'ai pu moi-même le constater-, mais le gouvernement a la plus grande considération pour ses agents. Pour 2012, 117 milliards sont consacrés aux dépenses de personnel.
La Cour des comptes a épinglé le gouvernement car les sommes redistribuées aux agents représentent plus de 50 % des sommes économisées par les suppressions de poste.
À titre personnel, je pense que les collectivités territoriales devront elles aussi s'interroger sur leur organisation et réaliser une RGPP à leurs niveaux.
S'agissant de l'éducation nationale, on a pris en considération la situation territoriale. Il y a 16 000 professeurs de plus alors que le nombre d'élèves est en baisse.
Je suis attaché au modèle français de fonction publique ; mais ne pas la réformer, c'est la fragiliser.
Je reviens sur le non remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite.
Moderniser est un devoir et je ne suis pas gênée par l'idée que cela entraînerait des suppressions de postes.
Dans la fonction publique hospitalière, c'est le budget des hôpitaux qui empêche les embauches. Il y a un véritable problème, on manque d'infirmières mais également de médecins.
Il faut mesurer l'attachement des Français à leur école communale, en particulier dans les milieux ruraux. J'ai encore pu le mesurer lors de la campagne des élections sénatoriales. Je rappelle également que c'est la première fois qu'il y a eu une manifestation commune des enseignants du privé et du public.
Je suis d'accord avec vous sur l'essentiel.
S'agissant des fermetures de classes, il n'y a pas eu plus de fermeture que d'ouverture de classes pour l'école primaire.
Pour le non remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, tous les ministères sont concernés mais certains font un plus grand effort que d'autres. Je pense à Bercy ou à la Défense.
Sur le barème kilométrique, je m'engage à étudier le sujet.
et M. Jean-Jacques Hyest.- C'est réglementaire !
Vous pourriez poser une question orale au gouvernement, c'est plus rapide.
Le supplément familial de traitement a été créé en 1917, il faut remettre de la justice sociale dans ce système. Quant à le plafonner, ce ne serait pas rendre service à la politique familiale !
Plus on occupe un poste élevé dans la hiérarchie, plus on a d'enfants !
Pour les personnels handicapés, en 2009, ils étaient 2,72 % dans la fonction publique de l'État stricto sensu, 4,83 % dans la fonction publique hospitalière et 4,86 % dans la fonction publique territoriale, soit au total environ 4 %. Je rappelle qu'ils sont 2,8 % dans le privé. Nous allons travailler avec le Fonds pour l'Insertion des Personnes Handicapées dans la Fonction Publique (FIPHFP) afin d'améliorer les choses.
Les effectifs de la fonction publique hospitalière ne diminuent pas. Pour 2007, ils atteignaient 1,073 million d'agents, pour 2008, 1,085 million et pour 2009, 1,1 million.