Au cours d'une seconde réunion tenue dans l'après-midi, M. Jean Arthuis, président, a souligné l'importance, pour les finances publiques, de l'élaboration d'un budget triennal pour la période allant de 2009 à 2011. Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2008, la commission avait insisté sur l'intérêt d'aller au-delà du strict cadre de l'annualité budgétaire, afin de parvenir à un retour à l'équilibre. Il a estimé qu'une loi de programmation des finances publiques renforcerait le respect des pouvoirs du Parlement. Il a considéré, enfin, que si la mise en place d'un budget triennal s'accompagnait d'une modification de la maquette budgétaire, le Parlement devrait être étroitement associé à cet exercice. Cela justifiait donc l'ouverture de cette audition à tous les sénateurs.
a rappelé que le cheminement vers un budget pluriannuel pour la période allant de 2009 à 2011 avait été initié par le rapport remis en octobre 2006 par MM. Alain Lambert et Didier Migaud sur la mise en oeuvre de la LOLF, puis poursuivi, à l'initiative de M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, grâce au rapport en vue du débat d'orientation budgétaire de juillet 2007. Il a insisté, par ailleurs, sur le premier Conseil de modernisation des politiques publiques présidé par le Président de la République, le 12 décembre 2007, à l'occasion duquel la décision de principe du passage à la budgétisation pluriannuelle a été prise. Il a indiqué, en outre, que la circulaire du Premier ministre, en date du 11 février 2008, avait confirmé le lancement de la procédure visant à mettre en place un budget pluriannuel sur trois ans comportant une programmation par mission.
a exposé l'architecture générale du budget pluriannuel qui concerne l'ensemble des dépenses de l'Etat avec une norme de progression de la dépense élargie, comme en projet de loi de finances pour 2008, aux prélèvements sur recettes et aux affectations de recettes. Il a expliqué que la maille de programmation sera la mission, ce qui implique des enveloppes suffisamment larges pour permettre d'atteindre un compromis entre logique de gestion et logique d'identification de chaque politique publique au sein d'une mission.
Procédant à l'aide d'une vidéo-projection, il a indiqué que la programmation portera sur les plafonds des missions, tant en autorisations d'engagement qu'en crédits de paiement, pour les trois années suivantes. Il a précisé qu'une période de trois ans correspondait à une durée classique de programmation financière et était cohérente avec la durée de mise en oeuvre des réformes engagées dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP). Il a ajouté que la programmation budgétaire ne sera pas révisée chaque année, mais qu'elle aura un degré de fermeté différent selon les exercices.
Il a souligné que cette programmation sera fondée sur un principe d'auto-assurance pouvant se définir comme le respect des plafonds au sein de chaque mission en exécution. Par ailleurs, une réserve de budgétisation permettra de procéder à des ajustements limités pour les deuxième et troisième années du budget pluriannuel, afin de prendre en compte les aléas.
a estimé que l'évolution vers la pluriannualité ne nécessitait pas de révision constitutionnelle ou organique, et que les pouvoirs du Parlement, notamment le droit d'amendement, seraient respectés, voire renforcés dans la mesure où ils s'appliqueraient à des missions plus vastes facilitant donc les modifications entre programmes d'une même mission.
Il a précisé que la mise en place de la pluriannualité impliquait, en effet, des modifications de la maquette budgétaire afin de clarifier les périmètres de responsabilité, de limiter les missions interministérielles et les missions ne présentant pas une taille critique suffisante. Il faudra enfin assurer la stabilité de cette maquette sur la durée de la programmation.
Il a considéré que les enveloppes du budget pluriannuel pourraient être présentées à l'occasion du prochain débat d'orientation budgétaire, mais que l'option la plus satisfaisante résidait dans une présentation de ces enveloppes dans le cadre d'un projet de loi de programmation des finances publiques.
a indiqué que le budget pluriannuel comportera des éléments faisant l'objet d'une programmation ferme, non révisable les années suivantes, et des éléments faisant l'objet d'une programmation indicative pouvant être revue. Il a précisé que le plafond global de dépense, accompagné d'une norme de dépense annuelle, figurera dans la première catégorie, tandis que les plafonds par mission seront fermes pour les deux premières années mais révisables la troisième année, et que la répartition par programme sera ferme la première année mais indicative pour les deux années suivantes.
Il a ajouté que, selon ce schéma, la répartition des plafonds par mission n'aura donc lieu qu'une année sur deux et que la dernière année du budget pluriannuel constituera le socle de la programmation suivante. Il a, en outre, indiqué que cet enchaînement budgétaire s'intégrait pleinement dans le calendrier politique résultant du quinquennat.
Il a considéré que, dans ce dispositif, la prise en compte des aléas sera rendue possible par l'existence de la réserve de budgétisation. Une charte d'utilisation sera définie pour que cette réserve ne soit utilisée que pour faire face à des aléas strictement imprévisibles au moment de l'élaboration du budget pluriannuel.
Afin d'illustrer les bénéfices à attendre de la généralisation de la pluriannualité, M. Philippe Josse a rappelé que les éléments actuels de pluriannualité étaient insuffisants, en particulier parce que le programme de stabilité transmis chaque année à la Commission européenne et au Conseil européen constituait un cadrage glissant, très global et peu contraignant. Il a ajouté que les contrats pluriannuels actuellement passés avec certaines administrations, telles que les services de l'équipement ou le ministère des affaires étrangères et européennes, ne couvraient qu'une faible part des crédits et des effectifs.
Il a souligné, en outre, que les lois de programmation actuelles -qui constituent une pluriannualité « à la hausse »- ne concernent que 20 % des crédits du budget de l'Etat et ne donnaient de la visibilité qu'aux administrations dont les autorisations de dépense augmentent, sans donner de perspectives à celles devant procéder à des ajustements à la baisse.
Il a estimé que la mise en oeuvre du budget pluriannuel permettrait, au total, de regagner des marges de manoeuvre et des capacités d'ajustement.
a considéré qu'un autre intérêt de la programmation résidait dans la meilleure visibilité accordée aux gestionnaires, tant au niveau des programmes que des budgets opérationnels de programme ou encore des opérateurs, pour autant que les ministres décident de décliner la pluriannualité au plus près de la gestion de terrain.
Il a par ailleurs indiqué que le passage à la pluriannualité impliquera une évolution de la maquette budgétaire, qui comporte actuellement un tiers de missions interministérielles représentant 50 % des crédits du budget général, et est composée de missions très hétérogènes, tant dans leur taille que dans la nature de leurs crédits.
Il a estimé que cette évolution de la maquette ne devait pas remettre en cause les principes de la LOLF, notamment la prééminence de la nomenclature par destination.
Citant le rattachement du programme « Gendarmerie nationale » au ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, qui a permis une « ministérialisation » de la mission « Sécurité », il a ajouté qu'une responsabilisation accrue passait par la réduction du nombre des missions interministérielles. Il a souligné, en outre, que le principe d'auto-assurance exigeait des missions avec des périmètres suffisamment larges comportant, autant que possible, des dépenses de nature différente, afin d'assurer une bonne capacité d'ajustement aux aléas en cours de gestion.
a estimé que l'évolution de la maquette budgétaire devait prendre en compte les observations faites par le Parlement, notamment via les rapports spéciaux et pour avis ainsi qu'à l'occasion du prochain débat d'orientation budgétaire.
a indiqué que la perspective ouverte par le budget pluriannuel répondait au souhait de la commission d'une meilleure maîtrise des dépenses, et s'inscrivait dans la vision des « pères fondateurs » de la LOLF, MM. Alain Lambert et Didier Migaud.
a souligné que si l'annonce d'un budget pluriannuel était la bienvenue, le véritable défi pour les finances publiques revenait à inscrire dans un budget global l'ensemble des crédits relatifs, non seulement au budget de l'Etat, mais également aux organismes divers d'administration centrale ou à la sécurité sociale. Notant à cet égard le succès de « l'agencisation » de l'Etat, qui consiste en la propension de celui-ci à confier des missions de service public à des agences autonomes, il a appelé de ses voeux l'adoption d'une vision globale de l'ensemble des finances publiques au sein de la discussion budgétaire. Il a indiqué que la réserve de budgétisation constituait un élément important en vue d'apporter davantage de crédibilité aux engagements européens de la France pour le respect du pacte de stabilité. S'agissant de l'auto-assurance évoquée dans le cadre de la future loi de programmation triennale, il a cependant fait valoir que l'alternative consistant à voter des minima par mission dotées d'options ajustables en fonction de la réalité économique retenait davantage ses faveurs.
Sur la question de l'instrument juridique à adopter pour mettre en oeuvre la pluriannualité, il a rappelé que la loi d'orientation quinquennale relative à la maîtrise des finances publiques de 1994 constituait un précédent intéressant, même s'il s'inscrivait dans un contexte juridique « pré-lolfien ». A cet égard, il a préféré une solution législative afin que ne se développe pas une programmation par simple circulaire entre le Premier ministre et les ministres. Revenant sur la nature des dépenses à prendre en considération dans le budget, il a souhaité que la norme de dépense soit élargie aux dépenses fiscales.
a regretté de voir réduit le nombre de missions interministérielles dans la mesure où l'esprit originel de la LOLF tendait, au contraire, à favoriser l'interministérialité et à dissocier les moyens des structures en rendant les responsables de programme indépendants. A ce titre, s'il a noté une dissymétrie entre des « macro-missions », s'apparentant parfois à de véritables « boîtes noires », et des « micro-missions » qu'il conviendrait de rassembler, il a souligné qu'il était également nécessaire de scinder certaines des missions les plus importantes dont quatre d'entre elles, relatives à l'enseignement scolaire, aux engagements financiers de l'Etat, à la défense et la recherche et à l'enseignement supérieur, représentent, à elles seules, 60 % des crédits du budget général.
a souligné l'intérêt de rendre chacun des ministres pleinement responsables de leurs missions respectives.
En réponse à M. Philippe Marini, rapporteur général, M. Philippe Josse a souligné que l'exercice de programmation donnerait toute sa crédibilité à la mise en application du pacte de stabilité et que dans cette perspective, l'objectif de réunir au sein d'une même loi de programmation pluriannuelle les dépenses de l'Etat et des autres administrations publiques constituait une perspective très positive. S'agissant de la proposition défendue par le rapporteur général de définir des dotations minimales et des dotations optionnelles en fonction de la conjoncture économique, il a indiqué que le principe d'auto-assurance retenu par le gouvernement et consistant en la possibilité de redéployer des crédits en cours de programmation pour faire face aux imprévus, lui semblait présenter de plus grandes garanties.
Abordant le débat relatif à la qualification juridique de la loi de programmation des finances publiques, il a indiqué que le Conseil d'Etat avait rendu un avis sur la question. En soulignant que le Conseil constitutionnel, dans sa décision relative à la loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école du 23 avril 2005, avait rappelé que le domaine des lois de programme demeurait limité à un objet économique et social, il a évoqué la possibilité d'une révision de la Constitution visant à inscrire au sein de l'article 34 les lois relatives aux finances publiques comme susceptibles de faire l'objet d'une programmation.
S'agissant de l'encadrement des dépenses fiscales, il a indiqué que celles-ci, contrairement aux dépenses budgétaires, faisaient l'objet d'évaluations ex-post et que leur maîtrise ne s'inscrivait pas dans un rythme annuel. C'est pourquoi il a proposé qu'une norme afférente aux dépenses fiscales soit envisagée et qu'elle soit distincte de celle relative aux dépenses budgétaires.
S'agissant de la maquette, M. Philippe Josse a souligné que l'existence de missions vastes était moins un problème que le découpage des programmes au sein de celles-ci. A cet égard, il a considéré que le souci de lisibilité exprimé par le rapporteur général pouvait être satisfait par la révision de la répartition en programmes de certaines missions qui comportent, pour certaines, trop de « macro-programmes ».
a rappelé que l'article 34 de la Constitution avait pour objet de définir le domaine de la loi et que le problème du caractère contraignant ou non de certaines dispositions relatives aux lois de programmation s'était déjà posé, notamment lors de l'examen de la loi d'orientation pour la sécurité intérieure.
En réponse à une question de M. Jean Arthuis, président, relative à la hiérarchisation entre loi de programme, loi de finances, dispositions fiscales et dispositions sociales votées hors de la loi de finances ou de la loi de financement de la sécurité sociale, M. Philippe Josse a souligné que, pour qu'une valeur supérieure soit reconnue au budget pluriannuel, il faudrait lui donner la valeur de loi organique, ce qui n'était pas l'option retenue par le gouvernement. En revanche, il est envisageable que la pluriannualité fasse l'objet d'un engagement fort du gouvernement et donc d'un vote devant le Parlement dans le cadre d'une loi.
En réponse à M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, M. Philippe Josse a indiqué que, même si ce budget pluriannuel n'avait pas la valeur d'une loi de finances en termes d'autorisations de dépense, sa portée en tant que loi ordinaire suffirait à assurer aux gestionnaires une visibilité budgétaire satisfaisante. Cela constituait bien l'objet de cet exercice de programmation.
En réponse à l'interrogation de M. Philippe Marini, rapporteur général, concernant le calendrier probable d'examen du projet de loi de programmation triennale, M. Philippe Josse a estimé que celui-ci devait être voté avant l'examen du projet de loi de finances pour 2009.
s'est interrogé sur la périodicité biennale de l'examen de la loi de programmation retenue par le gouvernement, préférant une présentation annuelle devant le Parlement, le cas échéant, à l'occasion du débat d'orientation budgétaire, afin de réajuster chaque année les prévisions triennales. M. Philippe Josse y a vu un risque, à cette occasion, de réouverture systématique du débat budgétaire, préjudiciable à la maîtrise de la dépense.
En réponse à M. Yann Gaillard, il a confirmé que les plafonds en autorisations d'engagement et en crédits de paiement devraient faire l'objet d'une définition et d'une consommation d'autant plus vertueuses et économes que la pluriannualité donnera aux gestionnaires davantage de responsabilités.
a salué le progrès démocratique considérable que représenterait le vote, au travers du budget pluriannuel, sur les engagements européens pris par la France en matière de stabilité budgétaire. Il a appelé de ses voeux une consolidation des comptes publics, intégrant notamment le financement de la sécurité sociale. Il a rappelé que la LOLF ne prévoyait à l'origine qu'un découpage par programmes et que, lors de la création des missions, aucun responsable n'avait été prévu par la LOLF, faisant de la mission un « objet » sans responsable. Enfin, il a appelé de ses voeux la création d'une norme dédiée aux dépenses fiscales, distincte de celle applicable aux dépenses budgétaires.
s'est interrogée, d'une part, sur l'application de la future loi de programmation triennale aux opérateurs, en cas de dépassement de leurs plafonds de crédits et d'emplois et, d'autre part, sur les critères qui seraient retenus pour la réorganisation des missions.
a rappelé que, dès la discussion du projet de loi de finances pour 2009, les opérateurs seraient soumis à un plafond d'emplois. D'autre part, leurs contrats d'objectifs intègreront à l'avenir les éléments issus de la pluriannualité. Enfin, la réorganisation des missions devra concilier le critère de la taille critique des missions, permettant d'en assurer une bonne gestion et la mise en oeuvre du principe d'auto-assurance, avec le critère de pertinence politique.
a rappelé que la commission des lois comme la commission des finances préconisaient le regroupement des autorités indépendantes, au sein d'un programme ad hoc, et qu'un groupe de travail avait déjà été constitué à cet effet entre les deux commissions du Sénat avec leurs homologues de l'Assemblée nationale.
a indiqué qu'un travail de rationalisation pourrait conduire à supprimer un certain nombre de ces structures.