Déposé le 21 octobre 2019 par : MM. Kanner, Carcenac, Raynal, Éblé, Jacques Bigot, Botrel, Mme Espagnac, MM. Féraud, Patrice Joly, Lalande, Lurel, Mmes Sylvie Robert, Taillé-Polian, MM. Temal, Antiste, Mme Artigalas, M. Joël Bigot, Mmes Blondin, Bonnefoy, MM. Martial Bourquin, Boutant, Mmes Conconne, Conway-Mouret, MM. Courteau, Dagbert, Daudigny, Devinaz, Durain, Duran, Mme Féret, M. Fichet, Mmes Martine Filleul, Grelet-Certenais, M. Jacquin, Mme Gisèle Jourda, MM. Kerrouche, Leconte, Mme Lepage, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Manable, Mazuir, Mme Monier, M. Montaugé, Mmes Perol-Dumont, Préville, Rossignol, MM. Sueur, Sutour, Mme Tocqueville, MM. Todeschini, Tourenne, Vallini, Mme Van Heghe, M. Vaugrenard, les membres du groupe socialiste, républicain.
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Au premier alinéa de l’article 787 B du code général des impôts, les mots : « 75 % de leur valeur » sont remplacés par les mots : « 65 % de leur valeur à compter du 1erjanvier 2023, 50 % de leur valeur à compter du 1erjanvier 2025, 35 % de leur valeur à compter du 1erjanvier 2028 et de 25 % de leur valeur à compter du 1erjanvier 2030 ».
Le présent amendement a pour objet de rétablir l'article 8 dans sa rédaction initiale.
Cet article vise, tout en maintenant un encouragement à la transmission d’entreprise, à rationaliser un dispositif dont l’efficacité économique n’est pas démontrée et qui constitue un biais aboutissant à un déséquilibre net de l’effort contributif des Françaises et des Français. Ainsi, il est proposé de ramener l’exonération existante de 75% à 25%. Afin d’éviter une application trop brutale, l’article prévoit l’organisation d’une période transitoire de 10 ans permettant de lisser les effets de seuil générés par une telle mesure.
Le pacte « Dutreil » permet, sous certaines conditions qui ont par ailleurs été assouplies ces dernières années, de transmettre son entreprise à un ayant-droit en bénéficiant d’une exonération à hauteur des trois quarts des DMTG.
Il s’agit de fait d’une niche fiscale qui permet de faciliter le maintien d’une entreprise dans le giron familial au détriment des finances publiques. Sur l’année 2018, la loi de règlement fait apparaître une consommation de crédits à hauteur de 500 millions. Pour l’année 2019, la loi de finances initiale évalue au même montant le coup de cette mesure.
Au surplus, ce dispositif génère en matière d’imposition des successions une différence de traitement appuyée entre les propriétaires d’entreprises et les autres contribuables.
Cette exonération partielle très conséquent doit en ce sens être analysée selon une logique très simple : cette dépense fiscale a-t-elle un intérêt économique et social justifiant son maintien ?
Sur le plan international, la France apparaît dans un entre-deux, avec des exonérations en la matière inférieure à ce qui se pratique dans des pays tels que l’Italie, l’Espagne, la Belgique (la Wallonie plus précisément), le Royaume-Uni, ou encore l’Allemagne, certains de ces pays exonérant même complètement la transmission d’entreprises. Ainsi, la France dispose d’un régime certes incitatif, mais qui est quelque part bloqué entre une logique d’aide complète aux entreprises d’une part et de maintien de recettes fiscales d’autre part.
L’objet du présent article est de réduire de manière significative la dépense fiscale, en l’abaissant de 75% à 25% sur une période de dix ans, ceci afin de limiter une application trop brutale.
En effet, si une suppression totale de toute aide à la transmission d’entreprise pourrait sans conteste être vu comme prématurée, son analyse économique et sociale, à fortiori dans un contexte d’unanimité politique quant à la nécessité de procéder à une révision d’ensemble des dépenses fiscales, apparaît utile pour ne pas dire nécessaire. Bien que les chefs d’entreprise et leurs organisations représentatives plébiscitent, pour des raisons évidentes, ce dispositif, le Conseil des prélèvements obligatoires a pour sa part estimé que son efficacité n’était pas démontrée.
Comme le rapportait en 1998 Didier Migaud, alors rapporteur général de la commission des finances de l’Assemblée nationale, une évolution de la législation en la matière était suggérée par la Commission européenne : « la Commission européenne a estimé [en 1994] que la charge fiscale de la transmission d’entreprise, justifiée par l’objectif social d’une certaines redistribution des richesses, touche en réalité un organisme fragile dont elle peut entraîner la faillite, alors que les Etats auraient intérêt à garantir la survie de ces entreprises sources d’autres recettes fiscales et de contributions sociales. »
Dans son rapport de 2009 sur le patrimoine des ménages, il est également indiqué, dans la même logique que : « dans une étude sur les entreprises familiales cotées à la bourse de Paris entre 1994 et 2000, David Sraer et David Thesmar ont mis en évidence la surperformance des entreprises dirigées par leur fondateur. Le constat des deux chercheurs est différent pour les entreprises familiales dirigées par un descendant du fondateur, et les résultats de leur étude montrent que la gestion par les héritiers a tendance à détruire de la valeur. »
En 2017, France Stratégie a également pu s’inscrire dans la même logique en indiquant que : « l’exonération d’impôt à 75 % pour la transmission d’entreprise, qui vise à favoriser la reprise d’activité par les héritiers, serait plutôt dommageable à l’activité économique et à la création d’emploi ».
Il appartiendra par la suite au gouvernement de trouver des mécanismes permettant d’encourager la transmission d’entreprise sans pour autant générer d’une part une telle dépense pour l’Etat et d’autre part une inéquité de traitement flagrante des contribuables en matière d’imposition sur les successions.
Les auteurs du présent amendement considèrent que la transmission d’entreprises doit être encouragée mais qu’elle doit l’être par les bons outils.
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