Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la mission a procédé à un échange de vues sur les travaux de la mission.
a tout d'abord indiqué que la réunion avait pour objet de faire le point sur les travaux de la mission commune d'information et de formuler des premières recommandations.
Il a rappelé que le Gouvernement entendait introduire des amendements au projet de loi portant engagement national pour l'environnement, et le Sénat n'ayant la possibilité de les examiner que dans le cadre de la commission mixte paritaire qui se tiendrait à la mi-juin. Dans ce contexte, il a jugé nécessaire que la mission puisse faire part de premières recommandations à la lumière des nombreuses auditions déjà réalisées et de son déplacement sur place en Charente-Maritime et en Vendée. Un rapport d'étape devrait ensuite être présenté d'ici fin mai, avant le rapport définitif à la fin juin 2010. Par ailleurs, la mission conduirait deux nouveaux déplacements, l'un aux Pays-Bas les 1er et 2 juin 2010, afin de bénéficier de l'expérience de ce pays en matière de défense contre la submersion marine, et l'autre en Gironde, département touché par la tempête Xynthia, vraisemblablement le 9 juin 2010.
a ensuite proposé les premières orientations de la mission en matière de cartographie des zones à risques. Il a rappelé que, lors de son déplacement en Charente-Maritime et en Vendée, les 14 et 15 avril derniers, la mission d'information avait la première fait valoir que les « zones noires » devaient plutôt être rebaptisées « zones d'acquisition amiable » parce que l'Etat y ouvre un droit pour les propriétaires qui souhaitent vendre leur maison selon une procédure d'acquisition amiable sur le fondement d'une évaluation par le service des Domaines au prix de la valeur de l'habitation avant la tempête Xynthia. Le but prioritaire est de permettre une indemnisation rapide dans les conditions favorables pour ceux qui veulent tourner la page le plus vite possible. L'Etat devra veiller d'une part à garantir une juste indemnisation et d'autre part à assurer la rapidité de la procédure.
à fait observer que ces zones ne reposent sur aucun fondement juridique qui permettrait d'imposer la cession des habitations. Il ne faut en effet pas confondre cette cartographie avec le périmètre d'expropriation, qui reposera sur une procédure d'enquête publique préalable.
Il a déploré une très grande confusion dans l'expression publique sur cette question sensible, qui a engendré des réactions vigoureuses d'une partie des populations sinistrées. Il a souligné le besoin de clarification.
a ensuite souligné que le périmètre de ces zones d'acquisition amiable ne devait pas être considéré comme définitivement figé. Ils pourront faire l'objet d'ajustements lors des deux étapes suivantes :
- une première étape, qui pourrait aller jusqu'à la mi-août ou mi-septembre 2010 pour la phase d'acquisition amiable et la préparation de l'ouverture de l'enquête publique, permettrait de procéder à des expertises complémentaires pour préciser le tracé des zones qui seront soumises à la procédure d'enquête ;
- une deuxième étape, après l'ouverture de l'enquête publique, conduirait à déterminer les périmètres définitifs dans le cadre de la procédure contradictoire de l'enquête publique sur la base d'enquêtes parcellaires afin d'établir le risque mortel effectif.
a jugé nécessaire de mettre en place une procédure distincte et séparée pour chaque zone. Il a fait valoir que seules les zones présentant un véritable risque mortel devaient être déclarées inhabitables. La mission devra donc approfondir sa réflexion sur les modes de construction permettant de maintenir des habitations dans les zones soumises à un risque d'inondation limité tout en assurant en priorité la protection des vies humaines.
Par ailleurs, M. Bruno Retailleau, président, a indiqué que la mission pourrait examiner un droit de priorité pour le relogement des habitants concernés. Soulignant que les zones mortelles ne devraient pas être laissées à l'abandon, il a considéré que la mission devait poursuivre sa réflexion sur la reconversion de ces zones. Il a proposé que les pertes d'assiette fiscale pour les collectivités territoriales, entraînées par la destruction de maisons fassent l'objet d'un mécanisme de compensation.
a approuvé ces orientations et considéré que la mission devait faire preuve d'une grande sincérité dans ses recommandations. Il a constaté que la méthode adoptée par le Gouvernement n'était pas la bonne, avec certes une grande réactivité mais également un manque de méthode, de pédagogie et d'esprit de droit. Les « zones noires » ne sont pas un instrument juridique permettant des expropriations, seule une déclaration d'utilité publique après enquête publique les permettrait.
a demandé comment la mission pouvait répondre à l'observation selon laquelle des habitations de l'Ile de Ré, pourtant touchées par des inondations, n'étaient pas concernées par la cartographie des « zones noires » parce que l'indemnisation des propriétaires coûterait trop cher.
a ajouté qu'un maire d'une commune de l'Ile-de-Ré réclamait même que sa commune soit classée en zone de solidarité. Il a souhaité que les experts ayant oeuvré à la cartographie de ces zones soient auditionnés prochainement.
a répondu que leur audition était programmée le jeudi 6 mai, après celle du chef de service de France Domaine, qui permettrait de savoir si les procédures d'acquisition amiable se déroulaient avec une rapidité suffisante.
a indiqué qu'en Charente-Maritime les habitants des maisons situées en zones de solidarité qui souhaitaient partir étaient plutôt satisfaits des premières propositions financières qui leur étaient faites. Le climat reste toutefois tendu car nombre de personnes ne comprennent pas que des maisons, parfois plus que centenaires, puissent être appelées à la destruction. Les avocats recrutés par des associations d'habitants se manifestent également beaucoup, tandis que la Préfecture reste arc-boutée sur les zones de solidarité déjà définies, considérant que des maisons ne peuvent rester isolées dans des zones où de nombreuses autres seraient détruites.
a indiqué que des habitants à la Faute-sur-Mer lui avaient fait part de leur souhait que les zones de solidarité ne soient pas le tracé définitivement retenu pour l'expropriation. Ils demandent de pouvoir faire valoir leurs opinions et veulent des expertises plus précises. Par ailleurs, nombre d'habitants estiment que des maisons, qui devraient être classées en zones de solidarité, ne le sont pas.
a indiqué qu'il fallait s'attendre à une longue bataille juridique. Déjà, le juge des référés a demandé au Préfet de Vendée de produire l'intégralité des documents ayant servi à cartographier les zones de solidarité. Il faut expliquer à la population que, s'il faut exiger une sécurité juridique absolue sur les procédures d'expropriation, une fois qu'elles seront lancées, la bataille judiciaire pourrait prendre des années.
a constaté qu'en Charente-Maritime, beaucoup d'associations se créaient, et qu'elles étaient de plus en plus virulentes. Il a insisté sur la nécessité de mieux informer les habitants sur les possibilités qui leur sont offertes.
a répondu que des « délégués à la solidarité » avaient été désignés pour jouer un rôle de médiateurs.
a confirmé que ces délégués étaient présents sur le terrain dans le département de Charente-Maritime.
ont ajouté avoir eu le sentiment que le déplacement de la mission d'information avait été très bien accueilli sur le terrain dans un contexte où beaucoup d'habitants avaient ressenti un manque d'écoute de leurs préoccupations.
s'est demandé comment la cartographie proposée par le Gouvernement pourrait être révisée et si des chercheurs ou universitaires pouvaient contribuer à sa révision.
a répondu que la mission pouvait appeler à une expertise complémentaire mais qu'il n'était évidemment pas de son ressort de désigner les personnes ou organismes les plus à même de la réaliser. Il a ajouté qu'une nouvelle mission d'expertise devrait se rendre prochainement dans les départements concernés.
s'est demandé quelles préconisations la mission pourrait donner pour l'avenir. Il a fait valoir que, dans le département du Nord, toute la plaine flamande se situait en dessous du niveau de la mer. Il a déclaré avoir participé à des travaux sur le parc naturel de Camargue et il a constaté qu'il existait un problème général de recul du trait de côte en France. Il a ajouté que, en tant que géographe, il avait eu à connaître du plan Delta d'aménagement de digues aux Pays-Bas. Il avait pu constater que ce pays avait une véritable culture de l'eau, une pratique de la construction et de l'entretien des digues qui faisait cruellement défaut à notre pays. Il a pris l'exemple de la digue de Wissant dans le Pas-de-Calais, qui s'était rompue quelques mois après son inauguration en 2006 en raison de malfaçons.
a répondu que ces observations allaient entièrement dans le sens des premières recommandations de la mission, qui poursuivrait sa réflexion sur les digues pour le rapport définitif. Il a plaidé pour un changement d'approche, une vision intégrée des phénomènes de submersion marine, au lieu d'une segmentation des dispositifs entre le code de l'environnement, le code de l'urbanisme et divers outils juridiques.
a rappelé que le représentant de l'association France Nature Environnement, auditionné par la mission, avait indiqué qu'avec ou sans digues, la submersion marine créée par la tempête Xynthia ne pouvait être évitée.
a répondu que, dans le domaine de la défense contre la mer, s'il était important de protéger les zones déjà urbanisées, il ne fallait pas construire de nouveaux ouvrages ouvrant des possibilités d'urbanisation dans des zones à risques.
a indiqué qu'en Charente-Maritime, des projets de restauration de digues avaient été retardés par de longues procédures liées essentiellement à la protection de l'environnement.
a ensuite présenté d'autres recommandations que pourrait faire la mission, dans la perspective de l'examen du projet de loi portant engagement pour l'environnement par l'Assemblée nationale. Il a proposé que le fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM), ou fonds « Barnier » voit ses capacités d'intervention élargies au risque de submersion marine et qu'il puisse intervenir pour financer des acquisitions amiables. Notant que les aléas attachés aux plans de préventions des risques naturels (PPRN) étaient sous-évalués pour les submersions marines, celles-ci étant assimilées à tort aux crues fluviales, il a souhaité que l'aléa de référence soit relevé. Il a enfin souhaité qu'un délai de trois ans soit prévu pour l'adoption des PPRN.
a fait valoir que si un conseil municipal ne se prononçait pas dans un délai raisonnable, il faudrait considérer que, passé ce délai, son avis serait réputé rendu afin de ne pas bloquer la procédure.
a proposé qu'un lien plus systématique soit établi entre les plans de prévention des risques naturels (PPRN) et les plans locaux d'urbanisme (PLU). Il a estimé le PPR devrait pouvoir limiter le droit à reconstruire après un sinistre, comme c'est déjà possible pour un PLU ou une carte communale.
a ajouté qu'il convenait de poser le principe selon lequel les terrains exposés à un risque naturel grave avéré devaient être déclarés inconstructibles.
a souhaité que l'on améliore la culture du risque en France en articulant les notions de prévision, de prévention et de protection dans une approche globale. Pour la prévision, Météo France dispose de modèles efficaces et les experts du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) ont indiqué qu'il serait tout à fait possible de développer leurs outils de simulation sur l'impact des risques de submersion sur le littoral pour compléter le dispositif dans une logique de prévention. Il faut également un système d'alerte et d'évacuation qui se fonde sur les plans communaux de sauvegarde (PCS) car une évacuation ne s'improvise pas. Il faut ensuite, dans le domaine de la prévention, lier les plans de prévention des risques naturels (PPRN) aux plans communaux de sauvegarde (PCS) et imposer ces PCS dès lors que l'on constate des risques.
r a fait valoir que, lors d'une catastrophe d'ampleur, il fallait disposer d'un plan d'évacuation au niveau intercommunal.
a ajouté qu'à l'occasion de l'élaboration d'un PCS dans sa commune, il avait été surpris de l'indigence de certains PCS qui se bornaient à prévoir une liste de personnes à prévenir.
a répondu que l'Etat devait donner un cadre et jouer dans ce domaine un rôle d'assistance et d'appui.
a proposé que l'Etat élabore un PCS-type auquel l'ensemble des PCS devraient se conformer.
a indiqué que les services de l'Etat de son département avaient apporté leur concours pour l'élaboration d'un plan d'évacuation dans sa commune, à la suite d'un problème de toxicité de l'eau.
a envisagé la réactivation d'une disposition du code de l'urbanisme relative au droit de délaissement d'une habitation, qui marquait un acte de volonté du propriétaire suivi d'une obligation d'acquisition par l'Etat.
Concernant le volet de protection et les digues, M. Bruno Retailleau, président, a souligné que les digues protégeant les habitations existantes devaient être dimensionnées pour faire face aux risques. Il a ajouté que le contrôle de légalité était déficient et que celui-ci devait être rendu systématique pour les constructions dans des zones à risques.
a rappelé que la procédure de délivrance des permis de construire se déroulait en trois étapes avec une phase d'instruction, puis la délivrance du permis de construire et enfin le contrôle de légalité. Il s'est demandé s'il ne fallait pas retirer à l'Etat l'instruction des permis de construire puisqu'il était aussi chargé du contrôle de légalité, ce qui lui conférait deux responsabilités difficilement conciliables.
a souligné que les communes étaient de taille très diverse avec des moyens humains en conséquence et qu'il fallait sans doute réfléchir à une plus grande mutualisation des moyens sans dépouiller les communes de leurs compétences.
a également affirmé qu'il ne fallait pas priver les communes de leurs compétences en matière d'urbanisme, et que restreindre la compétence de l'Etat aurait un coût pour les collectivités territoriales, avec des problèmes de recrutement de personnel. Il a évoqué le modèle des syndicats départementaux.
a insisté sur la nécessité de ne pas dessaisir les communes de leurs attributions et de préserver une gestion de proximité dans ce domaine.
et M. Daniel Laurent ont fait observer que les intercommunalités étaient déjà souvent chargées de cette compétence.
a ensuite détaillé les propositions qui pourraient être faites par la mission concernant les digues. Il a tout d'abord affirmé que l'Etat devait apporter au minimum une contribution de 50 % au financement, sans quoi les collectivités territoriales ne pourraient pas faire face à l'entretien et à la réparation des ouvrages. Il a rappelé que la Secrétaire d'Etat chargée de l'écologie avait proposé une contribution de 40 % de l'Etat et de 10 % du Fonds européen de développement régional (FEDER). Les services de la Commission européenne ont confirmé qu'il n'y avait pas d'obstacle à utiliser les fonds du FEDER, mais uniquement par redéploiement.
Pour le financement par l'Etat, M. Bruno Retailleau, président, a considéré que le fonds « Barnier », qui devrait être mobilisé pour l'indemnisation des propriétaires de maisons situées dans les zones de solidarité, ne pourrait pas suffire pour financer un « plan digues « . Il a donc plaidé pour un plan quinquennal de soutien financier de l'Etat aux collectivités territoriales. Rappelant les dispositions de la loi du 16 septembre 1807, il a posé la question de la propriété privée des digues, en proposant d'étudier un transfert de propriété de l'ensemble des digues au domaine public. Il s'est déclaré extrêmement réservé sur l'idée de créer un établissement public national qui serait chargé de la gestion des digues, préférant une gestion localisée et de proximité, sous la forme de syndicats mixtes par exemple, tout en gardant la possibilité de recourir à l'expertise de l'Etat. Enfin, il a rappelé qu'il ne fallait pas édifier de nouvelles digues pour ouvrir des zones à l'urbanisation.
a souhaité une meilleure lisibilité de la propriété des digues et approuvé le principe selon lequel on ne gère bien que de près. Il a souhaité que les élus locaux soient impliqués dans le « plan digues », tout en rappelant que la Secrétaire d'Etat chargée de l'écologie avait confirmé que l'Etat financerait la restauration des digues dont il avait la propriété.
a conclu sa présentation par les questions relatives à l'indemnisation. Lors du déplacement à Bruxelles de la mission d'information, la Commission européenne a fait valoir qu'elle craignait que la France « surcompense » les pertes financières liées à la tempête Xynthia. Or, dans la mesure où de nombreuses exploitations et terrains agricoles ont été inondés par de l'eau de mer, les pertes d'exploitation ne pourront qu'être évaluées à l'avenir. L'indemnisation ne peut donc être que forfaitaire. Le Gouvernement français prépare ainsi un dispositif où l'indemnisation serait proportionnelle à la surface inondée, ce qui crée de nombreuses inquiétudes parmi les professionnels qui craignent de ne pas obtenir une juste compensation de leurs pertes d'exploitation.
a ajouté que, pour ce qui concerne la mobilisation du Fonds de solidarité de l'Union européenne (FSUE), les contacts pris avec la Commission européenne lors du déplacement à Bruxelles avaient laissé une impression mitigée sur les chances d'aboutir de la demande de la France. En effet, il existe deux possibilités : soit la catastrophe dépasse un montant de 3,4 milliards d'euros de dégâts et elle est considérée comme nationale, mais ce ne devrait pas être le cas puisque les dégâts de la tempête Xynthia se chiffrent actuellement à 2,5 milliards d'euros environ ; soit la catastrophe est régionale mais il faut alors qu'une majorité de la population locale soit impactée pendant une période minimale d'une année. Le dossier de demande de contribution du FSUE devrait être déposé d'ici la fin de semaine. Peut-être en tenant compte des dommages causés à l'industrie du tourisme les critères pourront-ils être remplis, mais rien n'est certain.